Et si la rupture didactique précédait l’indépendance politique ? Revisiter la chronologie du Soudan contemporain au prisme de l’histoire enseignée à ses écoliers (1900-1970)
Résumés
Cet article examine l’histoire enseignée dans les écoles soudanaises durant les trois premiers quarts du XXe siècle. Englobant les ères coloniale et postcoloniale, l’analyse scrute l’évolution d’un certain nombre de variables (le statut de l’histoire comme matière scolaire, la formation des enseignants, les supports d’enseignement et d’apprentissage, les approches didactiques) pour identifier des continuités et des ruptures dans l’histoire scolaire soudanaise. L’appréhension de cet objet restreint sur le temps long permet de renouveler la périodisation classique, à dominante politique, du Soudan contemporain. L’étude montre en particulier qu’une rupture didactique majeure était à l’œuvre dans la décennie qui précéda l’indépendance du pays en 1956. La décolonisation politique n’induisit aucune transformation substantielle des textes et des pratiques, ce au moins jusqu’aux années 1970. Les manuels d’histoire de l’époque coloniale tardive (élaborés entre 1944 et 1956) bénéficièrent bien plutôt d’une étonnante longévité, dont l’article s’attache à élucider les raisons matérielles, financières et idéologiques.
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Mots-clés :
formation des enseignants, histoire (matière enseignée), enseignement élémentaire, matériel didactique, manuel scolaire, pratiques d’enseignement et d’apprentissage, réforme scolaire, colonie, décolonisation, indépendances, Soudan, empire britannique, XXe siècleKeywords:
teacher training, history teaching, elementary schooling, schoolbooks, teaching and learning practices, educational reform, colonies, decolonization, independence, Sudan, British Empire, 20th centuryPlan
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- 1 A Handbook of Suggestions for Teachers of History in Intermediate Schools, 1st and 2nd years by P. (...)
« Une masse inerte de noms, de faits et de dates n’a aucune valeur éducative. C’est pourquoi un enseignant de l’école intermédiaire qui s’efforce d’éveiller la curiosité de ses élèves vis-à-vis du passé, et les amène à sympathiser avec d’autres périodes, prépare beaucoup plus solidement leurs futures études d’histoire qu’un maître dont les élèves parviennent à réciter sans erreur les noms et dates des califes abbassides mais qui a tué leur intérêt pour le sujet »1.
- 2 Pour une mise au point historiographique récente, cf. Heather J. Sharkey, Elena Vezzadini, Iris Se (...)
1C’est en ces termes qu’en 1946, un inspecteur pédagogique britannique en poste au Soudan, Peter M. Holt, argumentait en faveur d’une réforme de l’enseignement de l’histoire dans les écoles soudanaises. Plus connu pour ses ouvrages sur le Soudan mahdiste (1958) et l’Égypte ottomane (1966) que pour sa carrière au sein du département soudanais de l’éducation à l’époque coloniale tardive (1941-1954), Holt fut aussi l’un des principaux disséminateurs d’une périodisation désormais classique : celle qui, associant les grandes ruptures historiques à des changements de régime politique, découpe le passé soudanais en une série de périodes bien identifiées : turco-égyptienne (1820-1881), mahdiste (1881-1898), anglo-égyptienne ou coloniale (1899-1956) et indépendante (post-1956). L’ouvrage de Holt intitulé A History of the Sudan from the Coming of Islam to the Present Day, réédité six fois entre 1961 et 2011, ne fut pas étranger au processus. De fait, l’historiographie du Soudan – des Soudans depuis 2011 – a eu tendance à faire sienne cette chronologie établie, que les travaux soient axés sur des objets politiques, sociaux, économiques ou culturels2.
- 3 Al-Muʿtasim Aḥmad al-Ḥājj, Al-khalāwī fī al-Sūdān: nuẓumuhā wa-rusūmuhā ḥattā nihāyat al-qarn al-t (...)
2Dans quelle mesure l’histoire de l’éducation peut-elle renouveler cette périodisation conventionnelle du Soudan contemporain ? C’est sur cette question que le présent article se propose de réfléchir, à travers une analyse de l’histoire enseignée dans les écoles du pays. La période retenue (1900-1970) englobe les ères coloniale et postcoloniale pour permettre de saisir continuités et transformations sur le long terme ; il s’agit en particulier d’interroger l’éventuelle rupture que l’indépendance politique aurait imprimée dans le champ éducatif soudanais. En amont, les écoles coraniques du XIXe siècle ne semblent pas avoir inclus l’histoire dans le menu offert aux dizaines de milliers de jeunes Soudanais qui les fréquentaient3. En aval, les développements ultérieurs aux années 1970, quoique passionnants, sortent du cadre d’un article qui voudrait maintenir une certaine finesse d’analyse à l’intérieur d’un bornage temporel relativement long. L’espace étudié est principalement le Nord-Soudan, région comprise dans le Soudan de 1899 à 2011 et qui correspond aujourd’hui au territoire de la République du Soudan. Le Sud-Soudan est moins concerné par cette étude dans la mesure où les autorités britanniques mirent en œuvre, dès l’aube du XXe siècle, des politiques éducatives distinctes au nord et au sud. Si les deux régions furent officiellement unifiées à partir de 1948, la transposition du système scolaire nord-soudanais dans le sud fut graduelle et partielle, notamment en raison de la première guerre civile soudanaise (1955-1972).
- 4 À l’instar de Nicole Lautier, Nicole Allieu-Mary, « La didactique de l’histoire », Revue française (...)
- 5 I. Seri-Hersch, Enseigner l’histoire à l’heure de l’ébranlement colonial. Soudan, Égypte, empire b (...)
- 6 Le cycle secondaire, qui mériterait une étude distincte, ne concernait qu’une part très réduite de (...)
3L’enseignement de l’histoire, que l’on nommera aussi histoire scolaire4, ne sera point appréhendé à travers les récits historiques transmis aux écoliers. Ceux-ci ne sont pas inintéressants, bien au contraire : le traitement de l’histoire soudanaise, islamique ou européenne dans des manuels soudanais à divers moments du XXe siècle est un objet d’étude fascinant. Fascinant, certes, mais qui a déjà été examiné dans d’autres travaux5. Cet article se focalise sur des dimensions moins explorées de l’histoire scolaire : la formation des maîtres, les supports d’enseignement et d’apprentissage et les approches didactiques. Il s’appuie sur l’analyse d’une variété de sources en langues arabe et anglaise : comptes rendus de réunions consacrées à la révision des programmes d’histoire, guides pour enseignants, manuels d’histoire pour enseignants et pour élèves, supports d’apprentissage (images, cartes), rapports d’inspection, écrits publiés et non publiés de fonctionnaires du département/ministère de l’Éducation, rapports annuels de ce département, listes de fonctionnaires, réglementation scolaire, ouvrages britanniques et américains de didactique de l’histoire publiés durant le premier quart du XXe siècle. L’étude concerne les cycles élémentaire et intermédiaire, qui couvraient les huit premières années de la scolarité soudanaise jusqu’en 19706.
I. Des transformations éducatives majeures à l’époque coloniale tardive
- 7 Ibid., p. 29. Le Condominium était le régime juridique inventé en 1899 par Lord Cromer (consul gén (...)
4Si des écoles coraniques (khalwa) s’étaient développées au Nord-Soudan depuis plusieurs siècles, auxquelles s’ajoutèrent quelques écoles égyptiennes et missionnaires au XIXe siècle, les bases d’un système d’enseignement public furent jetées par l’administration britannique durant la première moitié du XXe siècle. Au début du Condominium, priorité était donnée à la formation des artisans et à la création d’une petite élite destinée à servir dans l’administration coloniale7.
- 8 L’instruction féminine se développa beaucoup plus lentement et essentiellement à l’initiative de p (...)
- 9 Province Education Officers Handbook, Appendix II, 193[?], National Records Office, Khartoum, Soud (...)
- 10 R. K. Winter, « Education in the Sudan », in John Almeric de Courcy Hamilton (éd.), The Anglo-Egyp (...)
- 11 Ibid., p. 347.
5Les écoles élémentaires et primaires mises sur pied jusqu’aux années 1930, encore peu nombreuses, concernaient avant tout les garçons8. Dispensé en langue arabe, le cursus élémentaire offrait à des garçons de 7 à 11 ans une instruction dans trois matières principales (religion musulmane, langue arabe, arithmétique) et sept matières secondaires (géographie, histoire, hygiène, agriculture, science vétérinaire, leçons spéciales, travaux manuels)9. Quant au cursus primaire (renommé « intermédiaire » en 1933), il concernait des jeunes de 11 à 15 ans, diplômés des écoles élémentaires et admis sur examen. L’enseignement était dispensé en arabe ou en anglais selon les matières, avec une attention particulière portée à l’étude de la langue anglaise10. Inauguré à Khartoum en 1902 en hommage au général britannique qui était tombé aux mains des révolutionnaires soudanais mahdistes dix-sept ans plus tôt, le Gordon Memorial College (GMC) était l’unique établissement secondaire du pays jusqu’aux années 1940. Après un cursus général de deux ans, les étudiants se spécialisaient en enseignement, administration, comptabilité, droit, science, ingénierie ou commerce11. Le GMC allait devenir le noyau de la future université de Khartoum durant la Seconde Guerre mondiale.
- 12 Mais les écoles coraniques, dont certaines bénéficiaient de subventions étatiques, instruisaient e (...)
6Or, jusqu’aux années 1940, ce système scolaire ne concernait qu’une infime minorité parmi les Soudanais en âge d’être scolarisés (tableau 1). Le taux de scolarisation n’atteignait pas 5 % au niveau élémentaire12 ; il était plus bas encore dans les cycles supérieurs.
Tableau 1 : effectifs de l’enseignement public masculin au Nord-Soudan (1932)
Élémentaire | Primaire/Intermédiaire | Secondaire | |
Nombre d’élèves | 8 943 | 1 059 | 436 |
Population totale du Nord-Soudan en 1932 | 4 173 742 |
Sources : Mohamed O. Beshir, Educational Development, op. cit., p. 199 ; Education Department, Sudan, Annual Report: 1948, Khartoum, McCorquodale, p. 46 ; G. Ayoub Balamoan, Peoples and Economics in the Sudan, 1884 to 1956, Cambridge (Mass.), Harvard University Center for Population Studies, 1981, p. 117.
- 13 Ces points sont développés davantage dans I. Seri-Hersch, Enseigner l’histoire, op. cit., p. 89-11 (...)
7Le champ éducatif soudanais changea de visage durant les deux dernières décennies coloniales (1934-1956). La transformation était aussi bien qualitative que quantitative. Elle résultait d’un faisceau de facteurs, en particulier une critique vigoureuse du système scolaire de la part de fonctionnaires britanniques (George Scott, 1932) et de commissions locales (Winter, 1933) et internationale (De La Warr, 1937), l’arrivée de figures progressistes aux manettes du département de l’Éducation (Christopher Cox, Vincent Griffiths, Robin Hodgkin), l’expression d’une forte demande sociale à travers la presse soudanaise et des lettres adressées aux autorités britanniques, l’intensification de la rivalité anglo-égyptienne dans la vallée du Nil, et un besoin croissant de Soudanais qualifiés pour occuper des postes dans les administrations et assemblées locales mises en place après 193713.
- 14 Vincent L. Griffiths, An Experiment in Education: An Account of the Attempts to Improve the Lower (...)
- 15 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 36, 44, 49 ; John A. Bright, Memoirs of J. A. B.’s Ca (...)
8La fondation en 1934 d’un institut de formation des maîtres à Bakht er Ruda (200 km au sud de Khartoum) impulsa une puissante dynamique de réforme. Sous la houlette du directeur Griffiths (1934-1950) et de son adjoint ʿAbd al-Raḥman ʿAlī Ṭaha (1939-1948), l’institut se fixa comme objectif d’améliorer la qualité de l’enseignement élémentaire soudanais. Les moyens mis en œuvre à cette fin incluaient le développement de la formation des maîtres, l’élaboration de programmes et de manuels, l’expérimentation de nouvelles méthodes d’enseignement et la consolidation du dispositif d’inspection. À la fin des années 1940, les projets de ce qui était devenu l’Institut pédagogique soudanais (Institute of Education/maʿhad al-tarbiya) s’étendirent à l’éducation des adultes, à la production d’une littérature de jeunesse en langue arabe et à la réforme de l’enseignement intermédiaire, notamment sous la direction de Hodgkin (1950-1955)14. Entre 1939 et 1955, l’Institut produisit 200 livres, livrets et manuels, dont une majorité destinés aux enseignants et les autres aux élèves. Les manuels couvraient toutes les matières élémentaires (arabe, arithmétique, religion musulmane, géographie, histoire, sciences, travaux manuels, éducation physique, « sujets ») et une partie des disciplines de l’école intermédiaire15.
- 16 Sudan Government & Advisory Council for the Northern Sudan, « The Government Plan for Educational (...)
9Le bouleversement était également quantitatif. En 1946, le gouvernement britannique du Soudan opta pour une politique d’expansion scolaire inédite, rationnalisée à travers des plans septennaux et décennaux16. La dernière décennie coloniale fut ainsi caractérisée par une augmentation rapide des effectifs à tous les niveaux scolaires (figure 1). Le développement du secteur élémentaire masculin était sans précédent : le nombre d’élèves tripla entre 1948 et 1956, passant de 26 074 (avec un taux de scolarisation d’environ 9 %) à 76 996 (taux de scolarisation inconnu).
- 17 M. O. Beshir, Educational Development, op. cit., p. 206. Si elles se réclamaient d’une tradition a (...)
10Le secteur intermédiaire ne fut pas tant développé à l’initiative de l’État que grâce à l’explosion du nombre d’écoles privées soudanaises. La décennie 1941-1951 vit l’ouverture de 29 nouvelles écoles intermédiaires (ahliyya) dans les principaux centres du Nord-Soudan17.
II. L’histoire enseignée dans le Soudan du XXe siècle : une temporalité propre ?
- 18 « Correspondence from Cromer Regarding his Dissatisfaction at Currie’s Report on the State of Educ (...)
- 19 The Gordon Memorial College at Khartoum, Report and Accounts to 31st December, 1912, Londres, 1912 (...)
- 20 The Gordon Memorial College at Khartoum, Report and Accounts to 31st December, 1918, Londres, 1918 (...)
11La première question qui se pose est celle de l’existence d’un enseignement d’histoire dans les écoles soudanaises du début du XXe siècle. Quoique peu bavarde, la documentation indique que l’histoire figurait déjà au programme des quelques écoles primaires publiques existantes en 1903-1904. Dans une lettre adressée à Sir Reginald Wingate, gouverneur général du Soudan, Lord Cromer déplorait que tous les manuels d’histoire alors en usage dans ces écoles « cultiv[ai]ent des sentiments musulmans »18. Le consul général britannique en Égypte préconisait, pour l’étude de l’Égypte mamelouke et ottomane, l’utilisation d’ouvrages anglais. Les futurs maîtres des écoles primaires n’étaient pas en reste : l’enseignement de l’histoire apparut dans leur formation dès 1911, sous la forme d’un cours en langue arabe axé sur des thèmes contemporains19. Si l’histoire était enseignée dans les écoles primaires dès les premières années du Condominium, il en était autrement dans les écoles élémentaires. Il fallut attendre 1920-1921 pour que des notions d’histoire, de géographie, d’hygiène et d’agriculture soient introduites dans le programme élémentaire en sus des matières principales (langue arabe, arithmétique, religion musulmane)20.
- 21 « Regulations for Elementary Vernacular Schools under the Sudan Government Education Department », (...)
- 22 Le contenu exact des leçons d’histoire dispensées en école primaire ne ressort pas clairement des (...)
12En termes quantitatifs, l’histoire était une matière scolaire mineure : elle représentait respectivement 4 % et 2,8 % des enseignements dispensés en école élémentaire et primaire dans les années 1920-193021. Quant au contenu du programme, l’histoire soudanaise y avait une place de choix puisqu’elle occupait la totalité des leçons d’histoire élémentaire et une partie non négligeable des leçons du primaire22. Ces deux paramètres, à savoir le statut de l’histoire (une matière mineure) et la place de l’histoire locale/nationale dans les enseignements (très présente en début de scolarité, moins dans les cycles supérieurs), n’allaient pas fondamentalement évoluer au cours des décennies suivantes. En revanche, d’autres variables cruciales allaient être bouleversées à partir des années 1940 : la formation des maîtres, les supports d’enseignement et les approches didactiques connurent un développement considérable à l’époque coloniale tardive.
1. Vers une véritable didactique de l’histoire (1944-1953)
- 23 Les sources ne permettent pas de mesurer le degré de formalisation de ce « groupe » avant 1954-195 (...)
- 24 Le département de l’Éducation fut transformé en ministère à partir de 1948 et ʿAlī Ṭaha nommé mini (...)
13Le moteur de ces changements, qui s’inscrivaient dans l’action réformatrice plus globale de l’Institut pédagogique, prenait sa source au sein des personnels de l’éducation britanniques et soudanais employés par l’État colonial. Les hommes phares de ce groupe23 avaient pour la plupart enseigné dans des écoles soudanaises avant d’assumer d’autres responsabilités au sein du département/ministère de l’Éducation24 ou de l’Institut pédagogique (tableau 2). Outre leur investissement dans la réforme de l’histoire scolaire (conception de nouveaux programmes, rédaction de manuels, formation des enseignants, inspection des écoles), certains d’entre eux contribuèrent à la production historiographique pionnière des années 1950 sur le Soudan des XIXe et XXe siècles.
Tableau 2 : acteurs-clés de la transformation de l’histoire scolaire au Soudan (1944-1953)
Nom | Fonction | Lieu | Années |
Vincent L. Griffiths | Enseignant | Gorakhpur, Inde (collège) | env. 1925-1928 |
Enseignant et maître-assistant pédagogique | Khartoum (GMC) | 1929-1931 | |
Inspecteur pédagogique | Khartoum (dpt éducation) | 1931-1934 | |
Directeur de l’Institut pédagogique et directeur-adjoint de l’Éducation | Bakht er Ruda et Khartoum | 1934-1950 | |
? | Oxford (université, dpt éd.) | Après 1950 | |
Alan B. Theobald | Enseignant | Khartoum (GMC) | 1929-1936 |
Chargé des affaires éducatives | Province du Nord, Soudan | 1936-1940 | |
Inspecteur pédagogique | Bakht er Ruda | 1941-1942 | |
Maître de conférences en histoire | Khartoum (fac des sc. hum.) | 1942 | |
Directeur-adjoint du collège universitaire | Khartoum | 1946-1952 | |
Doyen de la faculté des sciences humaines | Khartoum (collège univ.) | 1952-1955 | |
Ouvrage historique publié : | The Mahdīya: A History of the Anglo-Egyptian Sudan, 1881-1899 | Londres (Longmans) | 1951 |
Makkī ʿAbbās | Inspecteur de projets éducatifs pour adultes | Bakht er Ruda | 1944-1946 |
Membre conseil consultatif Nord-Soudan | Khartoum | ? | |
Travaille à l’élaboration du magazine pour adolescents Al-Ṣibyān | Bakht er Ruda | 1946-1947 | |
Licence de lettres, recherches historiques | Oxford (université) | 1948-1951 | |
Directeur du Sudan Gezira Board | Khartoum | 1951-1958 | |
Secrétaire de la Commission économique pour l’Afrique (Nations Unies) | Addis Abeba ? | 1958-1963 | |
Ouvrage historique publié : | The Sudan Question: The Dispute over the Anglo-Egyptian Condominium, 1884-1951 | Londres (Faber & Faber) | 1952 |
Ubayḍ ʿAbd al-Nūr | Enseignant | Khartoum (GMC) | 1939-1943 |
Inspecteur pédagogique | Bakht er Ruda | 1944-1945 | |
Enseignant | Wadi Seidna (école sec.) | 1946-1947 | |
Directeur-adjoint | Wadi Seidna (école sec.) | 1947-1950 | |
Peter M. Holt | Enseignant (spécialité : histoire) | Khartoum (GMC) | 1941-1945 |
Inspecteur pédagogique | Bakht er Ruda | 1945-1947 | |
Enseignant d’histoire | Wad Medani (école sec.) | 1947-1952 | |
Instructeur | Khartoum (ministère éd.) | 1952-1954 | |
Chargé de cours en histoire | Khartoum (collège univ.) | 1952-1954 | |
Archiviste | Khartoum (ministère int.) | 1954-1955 | |
Maître de conf. puis professeur d’histoire | Londres (université, SOAS) | 1955-1982 | |
Ouvrages historiques publiés : | The Mahdist State in the Sudan 1881-1898 | Oxford (Clarendon Press) | 1958 |
A History of the Sudan from the Coming of Islam to the Present Day (avec M. W. Daly) | Londres (Longman) | 1961 (6e éd 2011) | |
John A. Haywood | Inspecteur pédagogique | Bakht er Ruda | 1946-1950 |
Conseiller à l’éducation du gouv. local | Khartoum | 1950 | |
Conseiller à l’éducation du gouv. local | El Obeid | 1951-1953 | |
Responsable de l’évaluation | Khartoum (ministère éd.) | 1953-1955 | |
Maître de conférences en langue arabe | Durham (université) | 1955-1978 | |
Ṣāliḥ Muḥammad Ṣāliḥ | Enseignant | Soudan (école élémentaire) | 1947-1949 |
Études supérieures | Leicester (université) | 1950-1952 | |
Formateur | Bakht er Ruda | 1952 | |
Enseignant d’histoire | Wadi Seidna (école sec.) | 1953-1962 | |
Mandūr al-Mahdī | Formateur | Bakht er Ruda | 1951-1955 |
Inspecteur-en-chef d’histoire | Bakht er Ruda | 1957-1959 | |
Directeur de l’Institut pédagogique | Bakht er Ruda | 1961-1966 | |
Ouvrage historique publié : | A Short History of the Sudan | Oxford (University Press) | 1965 |
Tableau constitué à partir des sources suivantes : « Durham University Library Special Collections: Sudan Archive: Sudan Staff Lists », <http://www.dur.ac.uk/library/asc/sudan/staff_lists/> (consulté 31 janvier 2017) ; « Durham University Library Special Collections Catalogue: Sudan Archive ».
<http://reed.dur.ac.uk/xtf/view?docId=ead/sad/sudan.xml/>(consulté 31 janvier 2017). Une sociologie plus fine de ces acteurs reste à faire. Makkī Shibeyka, qui enseigna l’histoire au GMC puis à l’université de Khartoum jusqu’en 1977, et qui comptait parmi les historiens pionniers de cette génération, ne semble par exemple guère avoir été impliqué dans la réforme scolaire.
- 25 Uthmān Aḥmad al-Amīn, Bakht al-Ruḍā: sittat ʿuqūd fī masīrat al-taʿlīm: 1934/1935-1994/1995, Khart (...)
- 26 Ibid., p. 28-52.
14Si, jusqu’à la fondation de l’Institut pédagogique, on devenait instituteur au terme d’une scolarité élémentaire et d’une formation post-élémentaire de trois ans, la situation change à partir de 1935. La formation des enseignants, désormais assurée à Bakht er Ruda, fut successivement allongée d’un an (1935), de deux ans (1940) et de trois ans (1944). Après la Seconde Guerre mondiale, les instituteurs fraîchement diplômés avaient ainsi suivi un cursus total de dix ans25. La formation incluait un programme scolaire proche de celui en vigueur dans les écoles intermédiaires (hormis l’absence quasi-totale de cours d’anglais pour les futurs instituteurs), un volet d’activités conséquent (mutuelles autogérées, clubs de jeunes paysans, camps, voyages d’étude, activités sportives et culturelles, instruction militaire) et un volet professionnel en dernière année (étude de la didactique des différentes matières, observation de leçons dans des classes élémentaires, stage d’enseignement supervisé par un tuteur)26.
- 27 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 128, 132.
- 28 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā op. cit., p. 71-74. Les autres matières étaient l’arabe, l’anglais, (...)
- 29 Ibid., p. 143.
15Un processus parallèle de professionnalisation du corps enseignant fut enclenché au niveau intermédiaire. Jusqu’en 1939, les enseignants étaient des diplômés du secondaire ayant suivi le cursus enseignement du GMC. La décennie 1939-1949, marquée par la croissance rapide du nombre d’écoles intermédiaires et la transformation du GMC en établissement d’études supérieures, fut aussi celle de la mise en place d’une formation continue à destination des futurs enseignants du niveau intermédiaire (diplômés du secondaire, voire de filières supérieures)27. C’est en 1949 que fut inauguré à Bakht er Ruda un institut dédié à la formation des maîtres de l’intermédiaire. S’inspirant de modèles britanniques, ce nouveau dispositif offrait une formation de trois ans à des diplômés du secondaire, qui totalisaient ainsi 15 ans d’études. Le programme combinait des cours obligatoires sur l’histoire des théories éducatives, la psychologie et l’éducation civique et morale avec des cours plus spécifiques sur des matières de l’école intermédiaire. Fait intéressant, il revenait à l’étudiant de choisir des modules de trois, voire quatre matières, parmi lesquelles figurait l’histoire28. Ce choix participait certainement d’une spécialisation accrue des enseignants au niveau intermédiaire. En effet, un rapport du comité chargé de la réforme de ce cycle indiquait au début des années 1950 qu’une école intermédiaire devait typiquement comporter sept enseignants, distingués par leurs spécialités : arabe/histoire/géographie (1), religion/arabe (1), anglais/histoire/géographie (3), mathématiques/sciences (2)29. Les futurs enseignants de l’intermédiaire effectuaient un stage pratique de plusieurs semaines, qui se déroulait dans des classes expérimentales à Bakht er Ruda puis dans des écoles de Khartoum et Omdurman.
- 30 Education Department, Sudan, Annual Report: 1930, Khartoum, McCorquodale, 1930, p. 51. Le rapport (...)
- 31 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 4.
- 32 Shuʿbat al-taʾrīkh bi-Bakht al-Ruḍā, Naḥnu wa-ajdādunā: majmūʿa min al-qiṣaṣ al-taʾrīkhiyya li-l-ṣ (...)
- 33 Tewfig A. Suleiman, « History and Development of Teacher Training in the Sudan with Special Refere (...)
- 34 Haywood et Ṣāliḥ (coauteurs des manuels de 3e et 4e), Griffiths et ʿAbbās (préparation et expérime (...)
- 35 J. A. Haywood, Ṣ. M. Ṣāliḥ, Qiṣaṣ, op. cit., p. 5 ; id., Min taʾrīkh, op. cit., p. 1.
16Les supports d’enseignement et d’apprentissage furent complètement révolutionnés à cette époque. Jusque-là, les enseignants n’avaient eu à leur disposition, pour préparer leurs leçons d’histoire, que quelques notes et cartes produites par des administrateurs provinciaux, complétées en 1930 par un rapport officiel sur les « tribus soudanaises les plus importantes » de chaque province30. L’absence de livres à l’usage des enseignants et/ou des élèves concernait presque toutes les matières du cursus élémentaire. L’inspecteur qui pénétrait dans une classe au début des années 1930 pouvait tout au plus y trouver des exemplaires du Coran, des manuels de lecture pour élève et un ouvrage d’arithmétique pour enseignant31. Dans le sillage de la réforme des cursus élémentaire et intermédiaire, de véritables manuels d’histoire et des supports d’apprentissage (illustrations, cartes) furent produits pour les deux cycles. Au niveau élémentaire, trois manuels pour enseignant furent publiés entre 1948 et 1950 : Nos ancêtres et nous (2e année), Récits du passé (3e année) et Histoire du Soudan (4e année)32. Ces livres assez fournis (entre 200 et 214 pages) étaient le fruit d’un processus étalé sur deux à cinq ans : rédaction d’une première version, traduction selon les cas, expérimentation dans des classes cobayes, révision du manuel, ré-expérimentation dans des écoles provinciales, révision, validation, envoi au ministère de l’Éducation, publication à Khartoum ou au Caire et enfin, diffusion dans les écoles élémentaires du Soudan33. Ce travail collectif impliquait des binômes anglo-soudanais, dont plusieurs figures évoquées ci-dessus34. Quant aux images et cartes imprimées séparément à l’attention des élèves, elles furent réalisées par les dessinateurs Heather Corlass et Ibrāhīm Dhū al-Bayt (figure 2) et l’ingénieur Ḥasan Abū Bakr35.
Fig. 2 : exemple d’image destinée aux écoliers de 4e année élémentaire
Min tarīkh al-Sūdān (« Histoire du Soudan »)
Namrat 6a : Ghurdūn Bāshā/Namrat 6b : Muammad Amad al-Mahdī (« Numéro 6a : Gordon Pasha [le général britannique Charles Gordon]/numéro 7b : Muammad Amad al-Mahdī [le chef du mouvement mahdiste soudanais] »).
Source : « Teaching Aids: Illustration of Characters and Events from History, Including Lord Kitchener, General Gordon, Muhammad Ahmad al-Mahdi, Uthman Abu Bakr Diqnah, the Slave Trade, etc. », 1951-1953, SAD 11/11/4. Reproduction autorisée par la bibliothèque de l’université de Durham.
- 36 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 154-155.
- 37 « Scheme for a New History Course », 9-12 octobre 1944, NRO, Al-tarbiya wa-l-taʿlīm, (3)/1/72/269/ (...)
- 38 Ina Beasley, Before the Wind Changed: People, Places and Education in the Sudan, Oxford, Oxford Un (...)
17À la même époque (1949), une série de manuels d’histoire pour les élèves des écoles intermédiaires était achevée. Les livres s’intitulaient Figures historiques (1re année), Récits des nations à l’âge antique et moderne (2e année) et Jalons historiques : les nations musulmanes (3e année). Ce dernier évolua vers le manuel Histoire des civilisations islamiques, dont les leçons furent testées en 1955-1956 et qui parut en 195836. Quant à la 4e année, un manuel titré Le Soudan de l’Antiquité à l’émergence des partis politiques fut publié dès 1953 à destination des enseignants, suivi d’une version pour les élèves trois ans plus tard. Quoique certains de ces manuels aient été publiés au moment de l’indépendance (1956), voire deux ans après, ils constituaient l’aboutissement d’un processus de refonte des enseignements d’histoire entamé en 1944, à un moment où les responsables britanniques étaient très loin d’envisager à court terme la fin de leur présence au Soudan37. La production locale de manuels en langue arabe entre 1944 et 1958, couplée à une expansion inédite de la scolarisation, marquait l’avènement d’une phase nouvelle dans l’histoire de la culture imprimée, de la transmission des savoirs et de la circulation des idées dans la société soudanaise. Si quelques dictionnaires biographiques et chroniques historiques avaient bien été produits au XIXe siècle et une presse arabe développée à partir des années 1920, la pénurie de livres et de publications dans le Soudan des années 1940 et 1950 – un pays très vaste aux moyens de communication limités – continuait à frapper les observateurs britanniques38.
- 39 « Regulations for Elementary Vernacular Schools », op. cit., SAD 795/2/22. Cette injonction était (...)
- 40 Sudan Government, Education Department, Code of Regulations, op. cit., p. 42.
- 41 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 59, p. 62-64.
18Les approches didactiques de l’histoire furent renouvelées en profondeur. Avant la réforme de l’ère coloniale tardive, elles se résumaient à quelques vagues recommandations aux enseignants. Les leçons devaient prendre la forme de « récits intéressants illustrés par des images et des cartes »39 ou, au niveau intermédiaire, de « récits anecdotiques » organisés selon une chronologie simple40. Dès le milieu des années 1940, l’équipe anglo-soudanaise de Bakht er Ruda développa une véritable didactique de l’histoire, dont les canaux de diffusion étaient les nouveaux manuels et la formation initiale et continue des enseignants41.
- 42 Des modèles réalisés avec de l’argile, du bois, du papier, du tissu, des roseaux et/ou du carton d (...)
- 43 J. A. Haywood, Ṣ. M. Ṣāliḥ, Qiṣaṣ, op. cit., p. 4-5, 8, 9, 15-22, 28, 36, 48, 61, 117, 159, 212 ; (...)
19Au niveau élémentaire, les manuels étaient conçus comme des guides extrêmement détaillés à l’usage des maîtres. Ils comportaient un exposé substantiel des méthodes d’enseignement (constituant jusqu’à 10 % du volume total du manuel de 3e année) avant la présentation du contenu et du déroulement de chaque leçon. Une série de questions destinées aux inspecteurs pédagogiques complétait les trois ouvrages. Pour ne donner que quelques exemples saillants de cette transformation didactique, les jeunes écoliers soudanais n’étaient plus réduits au rôle d’auditeurs recopiant passivement le résumé de la leçon sur leur ardoise ou dans un cahier. Des activités variées en lien avec la thématique du jour leur étaient proposées : réalisation de dessins et de maquettes, coloriage d’images, exercices sur cartes et mise en scène d’épisodes historiques42. Quant à l’enseignant, il était désormais considéré comme une figure polyvalente, sachant alternativement endosser le rôle d’un acteur (raconter des histoires aux enfants), d’un guide (conseiller les élèves lors d’une activité), d’un évaluateur (évaluer le travail des élèves dans l’optique de les faire progresser) et d’un arbitre (ménager les sensibilités lorsque des sujets jugés controversés étaient abordés)43. Cette pédagogie de l’histoire rompait avec les pratiques antérieures en ce qu’elle accordait autant, sinon plus d’importance, au développement des compétences des élèves qu’à l’accumulation de connaissances historiques.
- 44 « A Handbook of Suggestions », op. cit., SAD 639/2/4-5.
- 45 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 155.
- 46 John Dewey, Experience and Education, New York, Macmillan, 1938 ; l’enseignement de l’histoire sou (...)
20Cette posture était manifeste dans le guide détaillé (50 pages) que Holt prépara en 1946 à l’attention des enseignants de 1re et 2e année intermédiaire. On attendait des élèves qu’ils pratiquent une écoute active des leçons magistrales (en posant des questions à l’enseignant), qu’ils prennent des notes de façon autonome, qu’ils s’exercent à formuler par écrit des réponses pertinentes, claires et précises aux questions du maître et qu’ils aient l’occasion, pour chaque sujet étudié, de s’adonner à une activité pratique (réalisation d’une frise chronologique, d’une carte géographique, d’un dessin ou d’une mise en scène). Le travail exigé des élèves devait toujours inclure une part de réflexion propre et les amener à exercer leur sens critique44. Le guide de Holt fut complété dans les années suivantes et aboutit, en 1957, à la publication d’un guide qui couvrait la totalité du cursus intermédiaire45. Dans les deux cycles, l’attention nouvelle portée aux besoins et aux intérêts de l’enfant, tout comme le positionnement des activités au cœur du processus d’apprentissage, puisaient dans des sources théoriques anglo-saxonnes (philosophie de la progressive education de l’Américain John Dewey, histoire scolaire britannique46) et dans des réalités empiriques soudanaises (expérimentation des leçons dans des classes avant révision et validation).
- 47 Shuʿbat al-taʾrīkh, Naḥnu, op. cit., p. 205-207 ; J. A. Haywood, Ṣ. M. Ṣāliḥ, Qiṣaṣ, op. cit., p. (...)
- 48 Ibid., p. 80, 82.
21Si les sources consultées ne laissent guère saisir les modalités d’usage concrètes des manuels d’histoire dans les écoles soudanaises, elles permettent toutefois d’avancer deux hypothèses. La première est celle de l’utilisation des nouveaux manuels dans la plupart des classes élémentaires dans les années 1950 et 1960. Ils constituaient en effet l’unique matérialisation du programme en vigueur, tout en étant très peu concurrencés par des sources d’information alternatives accessibles aux enseignants. En outre, les manuels furent réédités plusieurs fois entre la fin des années 1940 et 1970, indiquant un réel usage dans les écoles. La seconde hypothèse a trait à la mise en œuvre des prescriptions didactiques. Un dispositif d’inspection pédagogique renforcé fut mis en place dans les années 1940, dont l’un des objectifs était précisément de vérifier l’usage rigoureux des manuels par les enseignants de l’élémentaire. En ce qui concerne l’histoire, les inspecteurs devaient évaluer la qualité de l’enseignement en assistant à des leçons et en examinant attentivement les productions des élèves47. Quoique son jugement n’ait pu être entièrement neutre, fait qu’il admettait sans détour, Griffiths constata sur le terrain que les leçons d’histoire de la fin des années 1940 et du début des années 1950 étaient « sans comparaison avec celles du passé ». Les enfants avaient enfin des « choses à faire ». Les inspecteurs n’assistaient plus à des « révisions absurdes » destinées à leur prouver que les élèves connaissaient la matière, mais à de vraies leçons48.
2. Quelle espérance de vie pour les manuels soudanais de fin d’empire ?
- 49 Ibrāhīm Nūr, « Muqaddimat al-ṭabʿa al-munaqqaḥa », in J. A. Haywood et Ṣ. M. Ṣāliḥ, Min taʾrīkh, o (...)
« Ce manuel a été rédigé en 1949. Depuis cette date la situation du Soudan a fortement évolué. Le changement le plus significatif a été l’accession du Soudan à l’indépendance. Cette situation nouvelle a transformé la vision historique du passé soudanais et les jugements portés sur certains événements. De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre du manuel. Après enquête, la section d’histoire a jugé indispensable de produire un nouveau manuel d’histoire soudanaise en accord avec notre situation actuelle »49.
- 50 Sur les histoires scolaires d’Inde, d’Irak, d’Égypte et d’Afrique francophone après les indépendan (...)
- 51 Sur le Maghreb et le Nigeria, cf. Sophie Dulucq, Colette Zytnicki (éd.), Décoloniser l’histoire ? (...)
22Voici comment, au lendemain de l’indépendance, un membre de la section d’histoire de Bakht er Ruda soulignait la nécessité de décoloniser le texte scolaire, en particulier l’histoire soudanaise enseignée dans les écoles élémentaires. Insérés dans la préface d’une édition révisée du manuel de 4e année (1957), les propos d’Ibrāhīm Nūr semblent correspondre au schéma classique des décolonisations intellectuelles qui accompagnèrent l’indépendance politique des territoires coloniaux en Afrique et en Asie. Une fois le colonisateur parti ou chassé, la (ré)écriture de l’histoire nationale non seulement devenait possible ; elle paraissait impérative. D’une part, les récits historiques scolaires devaient être ajustés aux besoins et aux intérêts des nouveaux États postcoloniaux, qui cherchaient à asseoir leur légitimité, garantir la loyauté de leurs citoyens et promouvoir un sentiment d’unité nationale50. D’autre part, les historiens professionnels remirent en cause la validité des grilles de lecture coloniales, souvent eurocentrées, du passé, déplaçant la focale vers les groupes dominés, opprimés ou marginaux de l’histoire (colonisés, femmes, pauvres, minorités)51. Qu’en fut-il au Soudan ? Dans quelle mesure l’enseignement de l’histoire fut-il décolonisé après l’indépendance ? Si rupture(s) il y eut, quelles en furent les temporalités et les manifestations ?
- 52 Comparer Ministry of Education, Sudan, Handbook to Elementary Education for Boys’ Schools and Boys (...)
- 53 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 42-43, 54-56.
- 54 Ibid., p. 90-91.
23Les quinze années suivant l’indépendance (1956-1970) furent placées sous le signe de la continuité à plusieurs égards. Le volume horaire hebdomadaire des matières enseignées en école élémentaire, tel qu’il avait été défini en 1951 (pour l’histoire : une période en 2e, 3e et 4e année), continua à être appliqué durant les années 196052. La formation des enseignants fut très peu modifiée dans sa structure et son contenu. Au niveau élémentaire, la formation dispensée jusqu’en 1970 était quasiment identique à celle mise en place en 1944, hormis un renforcement notable en langue anglaise dès 1962 et l’ajout d’une heure hebdomadaire d’histoire en 3e année53. Les enseignants de l’intermédiaire qui furent formés à partir de 1963 suivaient le même programme que leurs prédécesseurs, mais sur une durée écourtée d’un tiers. Ce procédé permit à l’Institut pédagogique de former 200 nouveaux enseignants par an dès 1964, contre une centaine auparavant54.
- 55 I. Nūr, « Muqaddimat al-tabʿa al-munaqqaḥa », op. cit.
- 56 Premier ministre, puis président soudanais entre 1969 et 1985.
- 57 Ce tableau ne prétend pas à l’exhaustivité. Des zones d’ombre entourent notamment l’existence de r (...)
24Qu’en était-il des programmes et des manuels d’histoire ? Une fois l’indépendance acquise, les manuels de fin d’empire furent-ils rangés au placard, voire jetés aux oubliettes ? Si Ibrāhīm Nūr jugeait le renouvellement des textes scolaires indispensable, il concédait que la production d’un nouveau manuel exigeait beaucoup de temps, dont l’équipe de Bakht er Ruda ne disposait pas. C’est ainsi qu’il justifia l’adoption d’une solution provisoire55 qui consistait à publier une édition revue et corrigée du manuel existant. De fait cette solution s’imposa pour les quelques manuels dont le contenu, touchant à l’histoire locale/nationale, devait nécessairement être rectifié aux yeux des éducateurs du Soudan fraîchement indépendant. Dans les autres cas les manuels de l’époque coloniale tardive furent réédités tels quels, parfois jusqu’à la période de Nimeiry56. Le tableau ci-après (tableau 3), constitué sur la base d’éditions retrouvées lors d’un séjour de recherche au Soudan en 2008-200957, permet d’apprécier la longévité de manuels d’histoire préparés durant la dernière décennie coloniale.
Tableau 3 : rééditions de manuels d’histoire dans le Soudan colonial et postcolonial
Niveau scolaire | Titre traduit en français | Public-cible | 1re édition | Rééditions |
Élémentaire 2 | Nos ancêtres et nous | Enseignants | 1948 | 1953, 1958, 1962, 1970 |
Élémentaire 3 | Récits du passé | Enseignants | 1950 | ? |
Élémentaire 4 | Histoire du Soudan | Enseignants | 1949 | 1950, 1957, 1958 |
Intermédiaire 2 | Récits des nations à l’âge antique et moderne | Enseignants | 1949 | 1953, 1956, 1959, 1961, 1968 |
Int. 3 [7e année] Après 1970 : 8e année |
Histoire des civilisations islamiques | Enseignants | 1958 | ?, 1981 (6e éd.) |
Int. 4 [8e année] Après 1970 : 9e année |
Le Soudan de l’Antiquité à l’émergence des partis politiques | Enseignants | 1953 | 1957, 1962, 1967, 1979 |
Int. 4 [8e année] | Le Soudan de l’Antiquité à l’émergence des partis politiques | Élèves | 1956 | 1962, 1964, 1969 |
Légende : années en gras : période coloniale ; autres années : période postcoloniale ; années soulignées : éditions révisées.
- 58 Sur le remaniement postcolonial partiel des récits historiques scolaires consacrés au Soudan, cf. (...)
- 59 Griffiths retourna au Soudan en 1970 et découvrit que les manuels produits par Bakht er Ruda dans (...)
25Les manuels produits sous le Condominium anglo-égyptien furent réédités plusieurs fois après l’indépendance, avec ou sans révisions. Par exemple, le récit scolaire sur l’histoire soudanaise du XIXe siècle (4e élémentaire) fut modifié en 1957 dans le sens d’une accentuation de tendances idéologiques déjà présentes dans la première édition du manuel (1948) : la Turkiyya (1820-1881) devint l’expression d’une opposition manichéenne entre une conquête oppressive d’origine étrangère et une résistance autochtone héroïque ; la Mahdiyya (1881-1898) fut représentée comme un véritable mouvement de libération nationale58. En supposant que les manuels aient été utilisés quelques années au moins après leur dernière édition, force est de constater que leur espérance de vie s’étendait d’une dizaine à une trentaine d’années59. Ainsi, l’histoire scolaire soudanaise ne fut guère balayée par la tornade euphorique de l’indépendance. Une série de transformations semblent bien plutôt l’avoir affectée dans les années 1970, sous la présidence de Nimeiry.
- 60 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 171-173. Ce type de critique n’était pas nouveau. En 1 (...)
- 61 C’était sans doute la première fois qu’un ensemble unifié de manuels d’histoire pour les écoles se (...)
- 62 Lilian P. Sanderson, « The Development of Girls’ Education in the Northern Sudan, 1898-1960 », Pae (...)
- 63 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 173. L’accord fut signé à Tripoli en avril 1970.
26En 1970, la reconfiguration de la scolarité en un cycle primaire de six ans, suivi de cycles intermédiaire et secondaire de trois ans chacun (le modèle 6-3-3 supplantant le système 4-4-4 en vigueur depuis des décennies) fut accompagnée d’un remaniement des programmes scolaires, de la production de nouveaux manuels et du renouvellement de la formation dispensée aux futurs enseignants. Critiqué pour la lenteur du processus d’élaboration des manuels, l’Institut pédagogique de Bakht er Ruda se vit contraint de céder cette prérogative au ministère de l’Éducation entre 1970 et 197360. Plusieurs manuels d’histoire furent publiés en 1970 sous l’égide du département des programmes et des manuels du ministère, notamment un manuel de 5e primaire (Histoire) et trois manuels secondaires : Histoire des civilisations antiques, Histoire contemporaine de l’Europe et Histoire contemporaine du Proche-Orient61. Ces manuels présentaient deux nouveautés saillantes. L’une était leur public-cible, composé explicitement des écoliers et écolières/lycéens et lycéennes soudanais. Si l’on en croit Lilian Sanderson, actrice et historienne de l’enseignement féminin soudanais, les programmes des écoles féminines furent calqués sur ceux des écoles masculines dans les années 196062. Les manuels de 1970 offrent une preuve documentaire de cette évolution. L’autre nouveauté tenait à la tonalité panarabe des textes scolaires. Elle reflétait un rapprochement idéologique entre le Soudan de Nimeiry, l’Égypte de Nasser et la Libye de Kadhafi, concrétisé par un accord sur l’unification de certaines matières scolaires et la mise en commun de manuels entre les trois pays63.
- 64 L’Institut pédagogique récupéra ses prérogatives après la tenue d’un congrès sur les programmes sc (...)
- 65 La mise en regard du contenu des manuels avec la préface originale et la préface des éditions révi (...)
- 66 Muʿtamar al-manāhij: al-taqrīr al-nihāʾī, Bakht er Ruda, 1973, p. 133 cité par ʿU. A. al-Amīn, Bak (...)
- 67 Le titre de l’édition de 1979 mentionne la 3e année intermédiaire.
27Cependant, la restructuration de la scolarité soudanaise, la mise en sourdine momentanée de Bakht er Ruda64 et la publication de nouveaux manuels n’empêchèrent pas la réédition, après 1970, de plusieurs manuels d’époque coloniale tardive. C’était le cas de Nos ancêtres et nous, qui continua à façonner les premières leçons d’histoire que rencontraient les jeunes écoliers dans les années 1970. C’était également le cas de certains manuels d’histoire intermédiaire, qui atteignirent le seuil des années 1980 sans altérations majeures (Histoire des civilisations islamiques et Le Soudan de l’Antiquité à l’émergence des partis politiques)65. Au niveau intermédiaire, le changement concernait moins le récit historique que le public des usagers. En effet, après l’instauration du modèle de scolarité 6-3-3, les deux manuels furent réassignés à des années scolaires d’une année supérieure au niveau d’assignation initial (de la 7e à la 8e et de la 8e à la 9e). Le congrès de 1973 consacré aux programmes scolaires alla jusqu’à recommander l’utilisation du manuel sur le Soudan en 3e année secondaire (12e)66. Un tel surclassement du manuel, qui aurait impliqué un écart de quatre ans par rapport au public-cible initial des années 1950, n’eut apparemment pas lieu67. Mais le décalage d’un an qui fut bel et bien mis en œuvre, additionné à la suggestion du congrès, révèle une baisse de niveau significative chez les élèves soudanais entre les années 1950 et les années 1970. Ou alors l’ambition des concepteurs du manuel (Holt et al-Mahdī) avait-elle été d’emblée démesurée ? La réponse à cette question exigerait d’avoir accès à des cahiers d’élèves, des notes de professeurs et/ou des rapports d’inspection produits au cours des vingt années après l’indépendance, ce dont nous ne pouvons nous prévaloir.
- 68 Pour une approche comparée de l’enseignement de l’histoire au Soudan et dans d’autres territoires (...)
- 69 V. L. Griffiths, Teacher-Centred, op. cit., p. 95.
- 70 Le nombre d’écoles élémentaires masculines augmenta de 600 en 1957 à 1 600 en 1970, celui des écol (...)
- 71 Nos ancêtres et nous se focalise sur l’histoire des découvertes et inventions humaines de la préhi (...)
28Comment interpréter la longévité de manuels conçus sous et par un régime colonial ? Le cas soudanais peut sans doute éclairer d’autres situations68. Les contraintes pratiques jouèrent un rôle de premier plan. L’insuffisance des ressources financières, matérielles et humaines dont disposaient les équipes de Bakht er Ruda concourut à prolonger l’existence de certains manuels bien au-delà de l’indépendance. Du séjour de dix semaines qu’il effectua au Soudan en 1970, Griffiths conclut que les membres de l’Institut pédagogique avaient été « trop occupés par la formation des nouveaux enseignants ou par la production de manuels destinés aux cycles scolaires supérieurs » pour entreprendre de réviser les contenus et les méthodes d’enseignement en usage dans les écoles élémentaires69. De manière générale, la politique du ministère de l’Éducation et de l’Institut pédagogique soudanais se concentra, durant la période 1956-1970, sur l’expansion quantitative du système scolaire bien plus que sur la formation continue des enseignants ou le renouvellement des contenus disciplinaires et des approches didactiques. La priorité allait à la scolarisation du plus grand nombre, pas à la production de nouveaux manuels70. En second lieu, les hommes de la section d’histoire de Bakht er Ruda n’estimaient pas nécessaire de bannir ou de modifier tous les manuels issus de l’ère coloniale. Il semblait y avoir une corrélation directe entre la décision de réviser un manuel et le type d’histoire présenté dans ses pages. Il n’est probablement pas anodin que les deux seuls manuels ayant fait l’objet de quatre ou cinq rééditions sans aucune révision ne touchent guère à l’histoire politique soudanaise. Leur contenu avait trait à une histoire lointaine, distante ou perçue comme générale, qui ne suscitait apparemment aucune controverse dans le Soudan des premières décennies postcoloniales71. Par contraste avec ce qui relevait de l’histoire, ce qui était perçu comme notre histoire requérait quelques corrections.
Conclusion
29L’étude de l’histoire scolaire soudanaise sur le temps colonial et postcolonial permet d’esquisser une chronologie alternative du Soudan contemporain. L’enquête révèle des moments de rupture qui ne sont pas nécessairement synchrones avec les scansions politiques du XXe siècle. Ainsi, le curseur des grandes transformations est à placer, pour la didactique de l’histoire – mais peut-être plus généralement pour les dynamiques éducatives, une hypothèse à vérifier – face aux années 1940 et, dans une moindre mesure, 1970. Au cours de la décennie 1944-1953, l’histoire scolaire soudanaise fut repensée non seulement en tant que récit, mais également en tant que pratique. Qu’ils soient enseignants, rédacteurs de manuels, formateurs, inspecteurs ou tout cela à la fois, les acteurs britanniques et soudanais de ce changement innovaient en ce qu’ils envisageaient l’histoire autant comme un texte que comme un espace d’interaction didactique.
- 72 Pour approfondir cette dimension, cf. I. Seri-Hersch, « Collaborating on Unequal Terms: Cross-Cult (...)
- 73 Après l’indépendance, les points de discorde idéologique majeurs qui continuaient à diviser la soc (...)
30Outre des connexions fortes entre Britanniques et Soudanais au sein des institutions éducatives du Soudan anglo-égyptien72, des continuités significatives entre les ères coloniale et postcoloniale ont été mises en lumière. L’espérance de vie élevée des manuels soudanais de fin d’empire après l’indépendance s’explique largement par les contraintes matérielles et financières qui pesaient sur l’Institut pédagogique, couplées aux priorités du moment. Mais deux autres facteurs gagnent à être évoqués. Le premier tient au fait que les éducateurs de l’époque coloniale tardive avaient réussi à rendre l’enseignement de l’histoire plus attrayant – quoique plus exigeant – pour les maîtres et plus ludique pour les élèves. Il n’est pas irraisonnable de penser qu’une partie au moins des acteurs éducatifs du Soudan fraîchement indépendant ait valorisé l’ensemble considérable de supports didactiques produits entre 1948 et 1958 (manuels, images, cartes). Deuxièmement, au-delà du confort qu’offre un manuel déjà prêt, pointe tout de même la question des idéologies. Les sources n’indiquent aucune réécriture substantielle des récits historiques scolaires dans les décennies qui suivirent l’indépendance politique du pays, en particulier au niveau intermédiaire. Or la longévité de lectures coloniales du passé soudanais ne dut sans doute pas tant à un consensus social autour des événements historiques qu’à de profondes divergences interprétatives73, combinées à des inerties structurelles.
- 74 Cf. H. A. Guta, « The Politicization of the Education System », art. cit. ; Anders Breidlid, « Edu (...)
31Si les années 1970 furent marquées par un certain nombre de changements dans le sillage de la scolarité 6-3-3, il semblerait que l’histoire scolaire ait connu une nouvelle inflexion dans les années 1990, après l’annonce, par le régime d’Omar el-Béchir, d’une « révolution éducative » (thawrat al-taʿlīm). Celle-ci se traduisit notamment par une islamisation des savoirs scolaires, y compris des savoirs historiques74. La conclusion de cette réflexion préliminaire autour des chronologies possibles du Soudan contemporain se noue autour de la trajectoire paradoxale d’un homme qui reste à décrypter : Holt. En tant qu’historien, il contribua à naturaliser une certaine périodisation politique du passé soudanais alors même qu’en tant qu’acteur, il avait été, quelques années plus tôt, l’un des moteurs d’une révolution didactique qui amène précisément à reconsidérer cette chronologie classique.
Notes
1 A Handbook of Suggestions for Teachers of History in Intermediate Schools, 1st and 2nd years by P. M. Holt, Bakht er Ruda, 1946, Sudan Archive, Durham, Royaume-Uni [désormais SAD] 639/2/3. Les traductions de l’anglais et de l’arabe vers le français ont été effectuées par mes soins.
2 Pour une mise au point historiographique récente, cf. Heather J. Sharkey, Elena Vezzadini, Iris Seri-Hersch, « Rethinking Sudan Studies: A Post-2011 Manifesto », Canadian Journal of African Studies, vol. 49, no 1, 2015, p. 1-18 ; et I. Seri-Hersch, « Que sont les “études soudanaises” après l’éclatement du cadre national soudanais ? Repenser les rapports entre bouleversements politiques et pratiques académiques », Canadian Journal of African Studies, vol. 49, no 1, 2015, p. 19-38.
3 Al-Muʿtasim Aḥmad al-Ḥājj, Al-khalāwī fī al-Sūdān: nuẓumuhā wa-rusūmuhā ḥattā nihāyat al-qarn al-tāsiʿ ʿashar, Omdurman, Markaz Muḥammad ʿUmar Bashīr li-l-dirāsāt al-sūdāniyya, 2005.
4 À l’instar de Nicole Lautier, Nicole Allieu-Mary, « La didactique de l’histoire », Revue française de pédagogie, vol. 162, 2008, p. 95-131. Il s’agit ici bien de l’histoire en tant que matière scolaire, pas de l’histoire de l’institution scolaire.
5 I. Seri-Hersch, Enseigner l’histoire à l’heure de l’ébranlement colonial. Soudan, Égypte, empire britannique (1943-1960), Paris, Karthala-IISMM, 2018 ; Hala Asmina Guta, « The Politicization of the Education System: Implications for Peace in Sudan », Africa Media Review, vol. 17, no 1-2, 2009, p. 77-94.
6 Le cycle secondaire, qui mériterait une étude distincte, ne concernait qu’une part très réduite de la population soudanaise : 1 980 garçons et 265 filles en 1956, pour une population totale de plus de dix millions d’habitants. Cf. Mohamed O. Beshir, Educational Development in the Sudan, 1898-1956, Oxford, Clarendon Press, 1969, p. 208.
7 Ibid., p. 29. Le Condominium était le régime juridique inventé en 1899 par Lord Cromer (consul général britannique en Égypte) pour donner l’illusion d’une double tutelle anglo-égyptienne sur le Soudan. En pratique, la Grande-Bretagne détenait les pouvoirs réels.
8 L’instruction féminine se développa beaucoup plus lentement et essentiellement à l’initiative de personnalités soudanaises (Bābikr Badrī) et de missions protestantes anglo-saxonnes (Church Missionary Society et American Presbyterian Mission).
9 Province Education Officers Handbook, Appendix II, 193[?], National Records Office, Khartoum, Soudan [désormais NRO], CIVSEC 1/17/1/1.
10 R. K. Winter, « Education in the Sudan », in John Almeric de Courcy Hamilton (éd.), The Anglo-Egyptian Sudan From Within, Londres, Faber & Faber, 1935, p. 346.
11 Ibid., p. 347.
12 Mais les écoles coraniques, dont certaines bénéficiaient de subventions étatiques, instruisaient en parallèle un nombre de garçons qui était à cette époque encore trois fois supérieur à celui des écoliers élémentaires : M. O. Beshir, Educational Development, op. cit., p. 199. Leur fréquentation déclina par la suite.
13 Ces points sont développés davantage dans I. Seri-Hersch, Enseigner l’histoire, op. cit., p. 89-114.
14 Vincent L. Griffiths, An Experiment in Education: An Account of the Attempts to Improve the Lower Stages of Boys’ Education in the Moslem Anglo-Egyptian Sudan, 1930-1950, Londres, Longman, 1953 ; Robin A. Hodgkin, Education and Change: A Book Mainly for Those Who Work in Countries Where Education is Part of a Process of Rapid Social Change, Oxford, Oxford University Press, 1957.
15 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 36, 44, 49 ; John A. Bright, Memoirs of J. A. B.’s Career as a Teacher in the Sudan, 1939-1967, 1985, SAD 727/2/17.
16 Sudan Government & Advisory Council for the Northern Sudan, « The Government Plan for Educational Development in the Northern Sudan for the Next Ten Years », in Proceedings of the Fifth Session Held at the Palace, Khartoum from 17th to 21st April, 1946, Khartoum, McCorquodale, 1946, p. 22-56 ; Ministry of Education (Sudan), Proposals for the Expansion and Improvement of the Educational System in the Northern Provinces, 1949-1956, Khartoum, Sudan Survey Department, 1951.
17 M. O. Beshir, Educational Development, op. cit., p. 206. Si elles se réclamaient d’une tradition autochtone, les écoles ahliyya (de l’arabe ahl qui signifie « peuple » ou « population ») s’inspiraient largement des programmes d’études et de l’organisation du système scolaire public : Mohammed K. Osman, « The Rise and Decline of the People’s (Ahlia) Education in the Northern Sudan (1927-1957) », Paedagogica Historica, vol. 19, no 2, 1979, p. 358, 362.
18 « Correspondence from Cromer Regarding his Dissatisfaction at Currie’s Report on the State of Education in the Sudan », 3 février 1904, SAD 275/2/5. Cromer se référait probablement à des manuels égyptiens. Sur ceux-ci, cf. Iman Farag, « Les manuels d’histoire égyptiens : genèse et imposition d’une norme », Genèses, n° 44, 2001/3, p. 4-29.
19 The Gordon Memorial College at Khartoum, Report and Accounts to 31st December, 1912, Londres, 1912, p. 6.
20 The Gordon Memorial College at Khartoum, Report and Accounts to 31st December, 1918, Londres, 1918, p. 11 ; id., Report and Accounts to 31st December, 1921, Londres, 1921, p. 12.
21 « Regulations for Elementary Vernacular Schools under the Sudan Government Education Department », 1929, SAD 795/2/10 ; Sudan Government Education Department, Code of Regulations for Primary Schools and Syllabus of the Primary Course of Study, Khartoum, McCorquodale, 1923, p. 25.
22 Le contenu exact des leçons d’histoire dispensées en école primaire ne ressort pas clairement des sources, qui donnent à voir au moins deux propositions de remaniement du programme au tournant des années 1930 : l’une mêlait histoire arabe, gréco-romaine, soudanaise et européenne, l’autre était axée sur l’histoire de la vallée de Khartoum (GMC) et du Nil (Soudan et Égypte) de l’Antiquité à 1930. Cf. « Amendments to Some Parts of Primary Schools Syllabus: History », 2 septembre 1928, NRO, Al-tarbiya wa-l-taʿlīm, 268/71/1/3 et « Proposed Primary School History Syllabus », s.d. [1929-1932], SAD 795/2/31-46.
23 Les sources ne permettent pas de mesurer le degré de formalisation de ce « groupe » avant 1954-1955, moment où fut vraisemblablement créée la section d’histoire (shuʿbat al-taʾrīkh) de l’Institut pédagogique. Celle-ci est mentionnée dans des manuels soudanais à partir de 1955 : soit dans les remerciements formulés par un auteur clairement identifié, soit comme auteur institutionnel du manuel.
24 Le département de l’Éducation fut transformé en ministère à partir de 1948 et ʿAlī Ṭaha nommé ministre de l’Éducation.
25 Uthmān Aḥmad al-Amīn, Bakht al-Ruḍā: sittat ʿuqūd fī masīrat al-taʿlīm: 1934/1935-1994/1995, Khartoum, Maṭbaʿat jāmiʿat al-Kharṭūm, 2007 (2005), p. 24.
26 Ibid., p. 28-52.
27 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 128, 132.
28 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā op. cit., p. 71-74. Les autres matières étaient l’arabe, l’anglais, les mathématiques, les sciences naturelles, la géographie, le sport, les arts, la musique et l’éducation rurale. Un enseignement de religion musulmane fut ajouté au tronc commun obligatoire vers 1954.
29 Ibid., p. 143.
30 Education Department, Sudan, Annual Report: 1930, Khartoum, McCorquodale, 1930, p. 51. Le rapport émanait de F. T. C Young, adjoint au secrétaire civil.
31 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 4.
32 Shuʿbat al-taʾrīkh bi-Bakht al-Ruḍā, Naḥnu wa-ajdādunā: majmūʿa min al-qiṣaṣ al-taʾrīkhiyya li-l-ṣaff al-thānī ibtidāʾī, Khartoum, Maktab al-nashr bi-l-Kharṭūm, 1970 (1948) ; John A. Haywood, Ṣāliḥ Muḥammad Ṣāliḥ, Qiṣaṣ min al-māḍī: majmūʻa min al-qiṣaṣ al-taʾrīkhiyya li-l-sana al-thālitha al-awwaliyya, Le Caire, Dār al-maʿārif li-l-ṭibāʿa wa-l-nashr, 1950 ; id., Min taʾrīkh al-Sūdān li-l-sana al-rābiʿa al-awwaliyya, Khartoum, Maktab al-nashr bi-l-Kharṭūm, 1958 (1949).
33 Tewfig A. Suleiman, « History and Development of Teacher Training in the Sudan with Special Reference to Teacher Education, Framing of Syllabuses and Production of Text-Books », in Yousif Bedri (ed.), Education in the Sudan: Proceedings of the 11th Annual Conference of the Philosophical Society of the Sudan, Khartoum, 1963, p. 17 ; ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 131-133. Nous ignorons si les premières éditions des manuels de 2e et 4e année furent publiées au Caire à l’instar du manuel de 3e année.
34 Haywood et Ṣāliḥ (coauteurs des manuels de 3e et 4e), Griffiths et ʿAbbās (préparation et expérimentation des leçons de 2e), Holt et Ṣāliḥ (mise au point du cours complet de 2e), ʿAlī Ṭaha et ʿUthmān Ibrāhīm (traduction de l’anglais vers l’arabe).
35 J. A. Haywood, Ṣ. M. Ṣāliḥ, Qiṣaṣ, op. cit., p. 5 ; id., Min taʾrīkh, op. cit., p. 1.
36 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 154-155.
37 « Scheme for a New History Course », 9-12 octobre 1944, NRO, Al-tarbiya wa-l-taʿlīm, (3)/1/72/269/9-12 ; « Report of the History Advisory Committee », s.d. [mars 1945], NRO, Al-tarbiya wa-l-taʿlīm, (3)/1/72/269/6-8.
38 Ina Beasley, Before the Wind Changed: People, Places and Education in the Sudan, Oxford, Oxford University Press, 1992, p. 23 ; V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 35, 49, 50, 139 ; The Republic of the Sudan, Report of the International Commission on Secondary Education in the Sudan, appointed by the Sudan Government, February 1955, Khartoum, Publications Bureau, 1957, p. 41, 53. Dans les années 1950, le tirage des principaux journaux (4 000) était loin derrière celui de l’hebdomadaire pour la jeunesse Al-Ṣibyān publié sous l’égide du ministère de l’Éducation (20 000) : H. J. Sharkey, « A Century in Print: Arabic Journalism and Nationalism in the Sudan, 1899-1999 », International Journal of Middle East Studies, vol. 31, no 4, 1999, p. 540-543. Le tirage des manuels d’histoire n’est pas connu, mais ce matériau d’un genre nouveau concernait, en 1956, 76 996 écoliers au niveau élémentaire et environ 13 500 pour le cycle intermédiaire. Cf. M. O. Beshir, Educational, op. cit., p. 208 et M. K. Osman, « The Rise and Decline », art. cit., p. 369.
39 « Regulations for Elementary Vernacular Schools », op. cit., SAD 795/2/22. Cette injonction était théorique dans la mesure où très peu d’images et de cartes, en particulier sur le Soudan, étaient disponibles.
40 Sudan Government, Education Department, Code of Regulations, op. cit., p. 42.
41 V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 59, p. 62-64.
42 Des modèles réalisés avec de l’argile, du bois, du papier, du tissu, des roseaux et/ou du carton devaient permettre aux élèves de reproduire la vie dans les cavernes (2e année), la Bagdad abbasside, les bateaux vikings ou la locomotive à vapeur de George Stephenson (3e année). Ces mises en scène, telles qu’elles transparaissent des manuels, constituaient un moyen pour les enfants de réviser la matière et de s’approprier le passé de façon ludique tout en pratiquant le travail de groupe et l’expression orale.
43 J. A. Haywood, Ṣ. M. Ṣāliḥ, Qiṣaṣ, op. cit., p. 4-5, 8, 9, 15-22, 28, 36, 48, 61, 117, 159, 212 ; id., Min taʾrīkh, op. cit., p. 6, 8, 22, 78, 129 ; Shuʿbat al-taʾrīkh, Naḥnu, op. cit., p. 106, 131, 206. Les sujets estimés délicats relevaient de l’histoire soudanaise : la traite des esclaves, le régime turco-égyptien et la Mahdiyya.
44 « A Handbook of Suggestions », op. cit., SAD 639/2/4-5.
45 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 155.
46 John Dewey, Experience and Education, New York, Macmillan, 1938 ; l’enseignement de l’histoire sous la forme d’histoires (stories) et d’activités créatives (dessins, modèles, cartes, expositions et mises en scène), l’étude du passé à travers une sélection de grandes figures, l’attention portée à la chronologie et la tentative de développer l’imagination historique des élèves empruntaient largement à la tradition scolaire anglo-saxonne du premier quart du XXe siècle. Cf. W. N. Bruce, « Teaching of History in Secondary Schools », Circular 599, 25 novembre 1908, in Board of Education (Britain), Report on the Teaching of History, Educational Pamphlets, no 37, Londres, His Majesty’s Stationery Office, 1923, p. 61-68 ; Maurice W. Keatinge, Studies in the Teaching of History, Londres, Adam & Charles Black, 1910 ; Harriet Finlay-Johnson, The Dramatic Method of Teaching, Boston, Ginn, 1912, p. 18-43 ; Henry C. Cook, The Play Way: An Essay in Educational Method, Londres, Heinemann, 1917 ; Board of Education, Report on the Teaching of History, op. cit., p. 8, 29, 30.
47 Shuʿbat al-taʾrīkh, Naḥnu, op. cit., p. 205-207 ; J. A. Haywood, Ṣ. M. Ṣāliḥ, Qiṣaṣ, op. cit., p. 197-200 ; id., Min taʾrīkh, op. cit., p. 209-212. Chaque école faisait l’objet d’une inspection pédagogique tous les deux ans en moyenne : V. L. Griffiths, An Experiment, op. cit., p. 70.
48 Ibid., p. 80, 82.
49 Ibrāhīm Nūr, « Muqaddimat al-ṭabʿa al-munaqqaḥa », in J. A. Haywood et Ṣ. M. Ṣāliḥ, Min taʾrīkh, op. cit.
50 Sur les histoires scolaires d’Inde, d’Irak, d’Égypte et d’Afrique francophone après les indépendances, cf. Marc Ferro, Comment on raconte l’histoire aux enfants, Paris, Payot/Rivages, 2004. Sur la Tunisie cf. Driss Abbassi, Entre Bourguiba et Hannibal : identité tunisienne et histoire depuis l’indépendance, Paris, Karthala–IREMAM, 2005. Sur la décolonisation de l’histoire scolaire indienne, cf. Romila Thapar, « The History Debate and School Textbooks in India: A Personal Memoir », History Workshop Journal, vol. 67, no 1, 2009, p. 87-98 et Neeladri Bhattacharya, « Teaching History in Schools: The Politics of Textbooks in India », History Workshop Journal, vol. 67, no 1, 2009, p. 99-110.
51 Sur le Maghreb et le Nigeria, cf. Sophie Dulucq, Colette Zytnicki (éd.), Décoloniser l’histoire ? De « l’histoire coloniale » aux histoires nationales en Amérique latine et en Afrique, XIXe-XXe siècles, Saint-Denis, Société française d’histoire d’outre-mer, 2003, partie II.
52 Comparer Ministry of Education, Sudan, Handbook to Elementary Education for Boys’ Schools and Boys’ Clubs in the Sudan, Londres, Longmans, Green, 1951, p. 3 et ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 129. Le seul changement était une légère réduction du nombre de périodes consacrées aux travaux manuels.
53 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 42-43, 54-56.
54 Ibid., p. 90-91.
55 I. Nūr, « Muqaddimat al-tabʿa al-munaqqaḥa », op. cit.
56 Premier ministre, puis président soudanais entre 1969 et 1985.
57 Ce tableau ne prétend pas à l’exhaustivité. Des zones d’ombre entourent notamment l’existence de rééditions des manuels de 3e élémentaire et de 1re intermédiaire, ainsi que la date de la dernière édition de chacun des manuels.
58 Sur le remaniement postcolonial partiel des récits historiques scolaires consacrés au Soudan, cf. I. Seri-Hersch, Histoire scolaire, impérialisme(s) et décolonisation(s) : le cas du Soudan anglo-égyptien (1945–1958), thèse de doctorat, Aix-Marseille Université, 2012, vol. 1, p. 382-397.
59 Griffiths retourna au Soudan en 1970 et découvrit que les manuels produits par Bakht er Ruda dans les années 1940 et 1950 étaient toujours utilisés dans les écoles élémentaires : V. L. Griffiths, Teacher-Centred: A Quality in Sudan Primary Education, 1930-1970, Londres, Longman, 1975, p. 95.
60 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 171-173. Ce type de critique n’était pas nouveau. En 1940, la directrice de l’enseignement féminin notait déjà sur un ton moqueur que les concepteurs de manuels « méditaient sur chaque virgule » : Ina Beasley, Before the Wind, op. cit., p. 23.
61 C’était sans doute la première fois qu’un ensemble unifié de manuels d’histoire pour les écoles secondaires voyait le jour au Soudan.
62 Lilian P. Sanderson, « The Development of Girls’ Education in the Northern Sudan, 1898-1960 », Paedagogica Historica, vol. 8, no 1, 1968, p. 143 ; id., « The Educational and Social Development of Sudanese Girls and Women with Emphasis upon the Years 1953-1964 », in Deborah Lavin (ed.), The Condominium Remembered: Proceedings of the Durham Sudan Historical Records Conference, 1982. Vol. 2 : The Transformation of the Old Order in the Sudan, Durham, University of Durham, 1993, p. 179.
63 ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 173. L’accord fut signé à Tripoli en avril 1970.
64 L’Institut pédagogique récupéra ses prérogatives après la tenue d’un congrès sur les programmes scolaires qui rassembla 150 personnes (enseignants, « spécialistes de l’éducation » et « citoyens ») en 1973 : ibid., p. 177.
65 La mise en regard du contenu des manuels avec la préface originale et la préface des éditions révisées, ainsi que l’identification d’anachronismes dans le texte, permettent de dresser ce constat.
66 Muʿtamar al-manāhij: al-taqrīr al-nihāʾī, Bakht er Ruda, 1973, p. 133 cité par ʿU. A. al-Amīn, Bakht al-Ruḍā, op. cit., p. 195.
67 Le titre de l’édition de 1979 mentionne la 3e année intermédiaire.
68 Pour une approche comparée de l’enseignement de l’histoire au Soudan et dans d’autres territoires de l’(ex) empire britannique, cf. I. Seri-Hersch, « Sudan and the British Empire in the Era of Colonial Dismantlement (1946-1956): History Teaching in Comparative Perspective », in Souad T. Ali et al. (éd), The Road to the Two Sudans, New Castle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 2014, p. 177-219. Sur les politiques éducatives en contexte de décolonisation dans les territoires africains sous domination française, cf. Laurent Manière, « La politique française pour l’adaptation de l’enseignement en Afrique après les indépendances (1958-1964) », Histoire de l’éducation, no 128, 2010, p. 163-190.
69 V. L. Griffiths, Teacher-Centred, op. cit., p. 95.
70 Le nombre d’écoles élémentaires masculines augmenta de 600 en 1957 à 1 600 en 1970, celui des écoles secondaires de 30 à 90 durant la même période : ibid., p. 92 ; Edmund J. Gannon, « Education in the Sudan », Comparative Education Review, vol. 9, 1965, no 3, p. 323-330.
71 Nos ancêtres et nous se focalise sur l’histoire des découvertes et inventions humaines de la préhistoire à l’ère contemporaine. Récits des nations à l’âge antique et moderne rassemble de courtes histoires ayant pour cadre la Mésopotamie antique, l’Égypte pharaonique, l’Antiquité gréco-romaine, l’Arabie préislamique, la Bagdad abbasside, l’Angleterre du Moyen Âge, la France d’Ancien Régime et l’Angleterre contemporaine.
72 Pour approfondir cette dimension, cf. I. Seri-Hersch, « Collaborating on Unequal Terms: Cross-Cultural Cooperation and Educational Work in Colonial Sudan, 1934-1956 », in Bührer Tanja et al. (éd.), Cooperation and Empire: Local Realities of Global Processes, Oxford, Berghahn, 2017, p. 292-322.
73 Après l’indépendance, les points de discorde idéologique majeurs qui continuaient à diviser la société soudanaise étaient les relations avec l’Égypte nassérienne (et donc la perception du régime turco-égyptien et de l’État soudanais mahdiste du XIXe siècle), les rapports entre Nord-Soudanais et Sud-Soudanais (qui renvoyaient à la question de l’esclavage et à l’impact de la domination britannique) et, plus généralement, l’identité politique et culturelle d’une nation dont le modèle arabo-musulman promu par les élites khartoumaises dès les années 1940, difficilement conciliable avec la diversité culturelle réelle de la société soudanaise, fut rapidement mis en cause avec l’éclatement de la guerre civile en 1955.
74 Cf. H. A. Guta, « The Politicization of the Education System », art. cit. ; Anders Breidlid, « Education in the Sudan: the Privileging of an Islamic Discourse », Compare: A Journal of Comparative Education, vol. 35, no 3, 2005, p. 247-263 ; I. Seri-Hersch, « Between Ideological Security and Intellectual Plurality: Colonialism and Globalization in Northern Sudanese Educational Discourses », in Barbara Casciarri, Munzoul Assal, François Ireton (éd.), Multidimensional Change in the Republic of Sudan (1989-2011): Reshaping Livelihoods, Conflicts, and Identities, Oxford, Berghahn, 2015, p. 302-319.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Fig. 1 : évolution des effectifs de l’enseignement public au Nord-Soudan (1936-1956) |
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Titre | Fig. 2 : exemple d’image destinée aux écoliers de 4e année élémentaire |
Légende | Min tarīkh al-Sūdān (« Histoire du Soudan »)Namrat 6a : Ghurdūn Bāshā/Namrat 6b : Muammad Amad al-Mahdī (« Numéro 6a : Gordon Pasha [le général britannique Charles Gordon]/numéro 7b : Muammad Amad al-Mahdī [le chef du mouvement mahdiste soudanais] »). |
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Pour citer cet article
Référence papier
Iris Seri-Hersch, « Et si la rupture didactique précédait l’indépendance politique ? Revisiter la chronologie du Soudan contemporain au prisme de l’histoire enseignée à ses écoliers (1900-1970) », Histoire de l’éducation, 148 | 2017, 119-142.
Référence électronique
Iris Seri-Hersch, « Et si la rupture didactique précédait l’indépendance politique ? Revisiter la chronologie du Soudan contemporain au prisme de l’histoire enseignée à ses écoliers (1900-1970) », Histoire de l’éducation [En ligne], 148 | 2017, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 14 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/3597 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.3597
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