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Notes critiques

Arlette Boulogne, Des livres pour éduquer les citoyens. Jean Macé et les bibliothèques populaires (1860-1881)

Paris, L’Harmattan, 2016, 213 p.
Sébastien-Akira Alix
p. 206-208
Référence(s) :

Arlette Boulogne, Des livres pour éduquer les citoyens. Jean Macé et les bibliothèques populaires (1860-1881), Paris, L’Harmattan, 2016, 213 p.

Texte intégral

1Des livres pour éduquer les citoyens est la version remaniée de la thèse de doctorat en histoire d’Arlette Boulogne, soutenue à l’université Paris 7-Denis Diderot en 1984 sous la direction de Michelle Perrot. Dans cet ouvrage, l’auteure présente une étude du « développement rapide, remarquable, mais très limité dans le temps (1860-1881) des bibliothèques populaires mises en place par les mouvements laïques existants » (p. 14) à partir de l’analyse des archives de certaines bibliothèques populaires, des bulletins des associations de propagande en leur faveur et des écrits des partisans de ces institutions, particulièrement ceux de Jean Macé. Plus précisément, cette étude traite de ces bibliothèques populaires qui ont entretenu des relations « soit avec la Société Franklin, soit avec la Ligue de l’enseignement (et la Société des bibliothèques communales du Haut-Rhin, première étape de la Ligue de l’enseignement), en y incluant quelques Bibliothèques des amis de l’instruction, pionnières, qui ont fonctionné surtout à Paris » (p. 20).

2Le livre se compose de trois parties. Dans la première, Arlette Boulogne examine tout d’abord les facteurs – suffrage universel, développement de l’instruction, de la presse et de l’édition populaire – qui ont contribué à l’apparition dans les années 1860 de bibliothèques destinées aux hommes et aux femmes de la classe populaire. Elle présente ensuite les premières initiatives d’individus et d’associations en faveur de leur développement : celles du pasteur protestant Léon Brétégnier dans l’Est de la France ; des Bibliothèques des amis de l’instruction à Paris, dont la première – fondée en 1861 dans le IIIe arrondissement – est à l’origine de la création un an plus tard de la Société Franklin pour la propagation des bibliothèques populaires en France ; de la Société des bibliothèques communales du Haut-Rhin constituée par Jean Macé en 1863, « préfiguration de la Ligue de l’enseignement, grande association d’éducation populaire dont la première forme d’action est la création de bibliothèques » (p. 41).

3Dans la deuxième partie, Arlette Boulogne étudie la vie de ces institutions : elle analyse minutieusement les possibilités offertes aux personnes désireuses de créer une bibliothèque populaire ainsi que les méthodes de travail utilisées par les personnes responsables de leur bon fonctionnement. L’auteure montre ainsi que les fondateurs des bibliothèques populaires cherchaient à « favoriser la lecture et la circulation des livres auprès du public qu’ils voulaient toucher », à la différence des bibliothèques traditionnelles dont l’objectif premier était la « conservation d’un fonds documentaire » (p. 87). L’auteure souligne également les relations souvent tendues – particulièrement sous l’Ordre moral et pendant la crise du 16 mai 1877 – avec l’administration. Au départ, cette dernière « laisse faire l’initiative privée » (p. 79) puis cherche à la réglementer, notamment avec l’arrêté du 6 janvier 1874, et à la contrôler en tentant de s’assurer la mainmise « sur la vie des bibliothèques populaires » (p. 83). Arlette Boulogne brosse enfin un tableau de « la clientèle » de ces bibliothèques (p. 105) : des lecteurs et des lectrices (dont le nombre avoisine les 10 %) qui empruntent de nombreux ouvrages, principalement des romans pour le plaisir et le délassement. Cet engouement pour les lectures de « récréation » pose problème aux bibliothèques populaires. Ces dernières ne parviennent en effet souvent pas « à proposer une quantité d’ouvrages suffisants pour offrir un vrai choix aux lecteurs » ; ce qui contribue à une désaffection et une disparition progressives de leur public (p. 117).

4En dépit de ces difficultés, les bibliothèques populaires ont su évoluer. La troisième et dernière partie de l’ouvrage décrit les actions des responsables de ces institutions pour répondre aux besoins spécifiques de leur public : l’ouverture les soirs et les dimanches ; l’institution d’un système de prêt à domicile ; la mise en place de caisses et de bibliothèques de circulation pour favoriser la communication d’ouvrages récents (particulièrement dans les zones rurales) ; l’addition d’animation autour du livre (« leçons de bibliothèques », conférences, lectures publiques, excursions) aux activités de la bibliothèque (p. 137). Les promoteurs des bibliothèques ont également cherché à associer les lecteurs – y compris les femmes – à la gestion et à l’administration de ces institutions ainsi qu’à diversifier leur offre (par la création de bibliothèques militaires, de bibliothèques cantonales d’adultes ou de bibliothèques pédagogiques) en vue de toucher un public populaire étendu. En dépit de ces actions innovantes – dont certaines ont prospéré au siècle suivant –, le développement de la production éditoriale à bas prix à destination de la classe populaire et « la volonté de superviser toutes les institutions de lecture de la part de l’État » (p. 170) contribuent, après les années 1870, au déclin progressif des bibliothèques populaires. En conclusion, cet ouvrage propose une lecture vivante de l’apparition, de l’essor, de la vie et du déclin des bibliothèques populaires. Parmi les nombreux thèmes récurrents qui le traversent, il en est un qui retient particulièrement l’attention : celui de la relation entre l’État et l’initiative privée. En effet, si, comme Michelle Perrot le rappelle dans la préface, « le livre et la République ont partie liée » (p. 11), il semble que, pour ce qui est de faire accéder les hommes et les femmes du peuple au livre, l’initiative privée ait souvent précédé et préfiguré – en s’appuyant parfois sur les structures administratives existantes (particulièrement dans les communes rurales) – l’action étatique. Par-là, Arlette Boulogne invite également à penser l’histoire de l’éducation (largement comprise) d’une manière moins stato-centrée.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sébastien-Akira Alix, « Arlette Boulogne, Des livres pour éduquer les citoyens. Jean Macé et les bibliothèques populaires (1860-1881) »Histoire de l’éducation, 147 | 2017, 206-208.

Référence électronique

Sébastien-Akira Alix, « Arlette Boulogne, Des livres pour éduquer les citoyens. Jean Macé et les bibliothèques populaires (1860-1881) »Histoire de l’éducation [En ligne], 147 | 2017, mis en ligne le 30 juin 2017, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/3332 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.3332

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Auteur

Sébastien-Akira Alix

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