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Dossier

Le pouvoir des pairs : le tribunal de la faculté des arts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles

The power of peers: the Court of the Paris Arts Faculty in the Seventeenth and Eighteenth Centuries
Boris Noguès
p. 19-44

Résumés

Le tribunal de la faculté des arts de Paris naît, sans doute au XVe siècle, comme instance chargée de faire appliquer les règlements et de résoudre les conflits internes. Composé du recteur et des quatre procureurs des nations universitaires, tous élus, il représente alors l’ensemble des membres de la faculté. Cependant, à partir de la fin du XVIIe siècle, les professeurs des collèges d’humanités mettent la main sur l’institution, dont ils excluent les étudiants. Celle-ci devient alors un organe corporatif contrôlant l’entrée dans le groupe enseignant et défendant les intérêts collectifs ou individuels des régents, en particulier contre les principaux, qui échouent à imposer leur autorité. Dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, le tribunal esquisse une évolution vers une forme de conseil académique permanent, chargé d’administrer certaines fondations universitaires et de dialoguer avec le pouvoir, marque de la reconnaissance dont il jouit. À travers l’histoire de cette institution universitaire médiévale, l’article met ainsi en valeur la capacité du groupe enseignant à transformer et mobiliser une structure traditionnelle pour se distinguer des étudiants, résister efficacement à l’autorité naissante des chefs d’établissement et finalement affirmer une identité et des intérêts propres.

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Texte intégral

  • 1 Maxime Targe, Professeurs et régents de collège dans l’ancienne Université de Paris (XVIIe et XVII (...)
  • 2 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, (...)
  • 3 James K. Farge, Orthodoxy and Reform in Early Reformation France. The Faculty of Theology of Paris (...)
  • 4 Historia universitatis parisiensis ipsius fundationem, nationes, facultates, magistratus, decreta, (...)

1Historien oublié du corps enseignant de l’époque moderne, Maxime Targe affirmait en 1902, à propos du recteur de l’université de Paris, que « sa principale fonction consistait à présider le tribunal de l’université et celui de la faculté des arts, qui se réunissaient chez lui »1. Ce jugement trouve cependant peu d’illustration sous la plume des historiens de cette université. À les lire, le recteur de l’époque moderne, quand il n’est pas en train de processionner, passe semble-t-il son temps à se disputer avec les pouvoirs concurrents que sont l’évêque, la faculté de théologie et la monarchie. Friande de tumulte et d’affaires, fidèle à une chronologie rigoureuse sans négliger pour autant le cadre institutionnel, les synthèses qui dominent l’historiographie traditionnelle, dans une veine souvent positiviste ou commémorative inaugurée par Charles Jourdain et plus récemment illustrée par André Tuillier2, se sont en effet bien peu penchées sur les acteurs qui animaient les institutions universitaires sous l’Ancien Régime – d’autres l’ont pourtant fait à propos des théologiens3 –, sur le fonctionnement pratique de ces institutions, sur les rapports de pouvoir qu’elles révélaient et régissaient et, surtout, sur le fait que ces institutions avaient une histoire, parfois dans un temps court. Certes, les nouveaux statuts donnés à l’université de Paris en 1600 forment un cadre stable jusqu’à la Révolution et l’université ne connaît pas de bouleversements d’aussi grande ampleur que lors de l’introduction de l’humanisme et de la Réforme protestante, ce qui justifie le cadre chronologique de cette étude. Et ce qui explique aussi sans doute que les auteurs précités, après avoir présenté en ouverture ces institutions, ou plutôt le cadre réglementaire qui les fonde, en abandonnent l’analyse et y recourent comme décor d’une pièce où les diverses personnalités peuvent éventuellement donner toute leur mesure. Pourtant, à partir de modifications en apparence mineures, ou en tout cas peu visibles, ces institutions universitaires connaissent au cours de la période considérée des transformations importantes. De manière apparemment paradoxale, c’est peut-être César Égasse Du Boulay, historien très engagé de l’université, écrivant au milieu du XVIIe siècle, qui s’est montré le plus sensible à la vie de ces institutions (même s’il n’utilise pas le terme comme catégorie d’analyse) et aux rapports de pouvoir qui s’y nouaient4.

  • 5 Alain Guery, « Institution : Histoire d'une notion et de ses utilisations dans l'histoire avant le (...)
  • 6 Dans l’immense littérature sur la sociologie des organisations, d’ailleurs souvent orientée vers l (...)

2Cet auteur illustre parfaitement les remarques d’Alain Guery rappelant que l’institution n’a pas toujours eu le sens statique que lui assignent les historiens des XIXe et XXsiècles, marqués par la stabilisation postrévolutionnaire de la France5. L’institution en effet a longtemps correspondu au processus même de mise en place des structures et, ajouterait-on, de réaménagement permanent de celles-ci. On sait aussi, qu’outre l’évolution des structures, leur fonctionnement ne se comprend qu’en prêtant attention aux intérêts et au jeu des acteurs qui les animent et qui disposent toujours d’une certaine marge de manœuvre6.

  • 7 Pour une comparaison internationale avec les autres universités, qui ont toutes un tribunal univer (...)

3C’est dans ce sens dynamique et dans le cadre collectif du présent dossier consacré aux conseils et commissions régulant les carrières enseignantes qu’on envisagera ici l’exemple du tribunal de l’université de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles. L’exemple est certes limité à une seule ville et il est toujours souhaitable de replacer la réflexion dans un cadre comparatiste plus large7. Cependant, la nécessité, comme on le verra, d’entrer dans le détail du fonctionnement des institutions pour en comprendre le sens et les usages interdit dans ce cadre limité de multiplier les exemples trop rapidement exposés. D’autre part, la postérité indirecte de l’ancienne université de Paris au XIXe siècle comme l’exemplarité des ressorts mobilisés par les régents parisiens laissent espérer que l’étude aura un intérêt autre qu’anecdotique. En effet, alors que le tribunal du recteur n’était à l’origine qu’une instance disciplinaire chargée de faire appliquer les statuts ou de régler les différends internes, l’analyse de son fonctionnement aux XVIIe et XVIIIe siècles montre que s’y fixe précisément le pouvoir collectif des enseignants. L’enjeu pour la communauté des professeurs a été d’utiliser ce levier institutionnel pour préserver son autonomie et son identité, dans un contexte général de développement du pouvoir absolutiste et de déplacement de l’enseignement de la faculté vers des collèges d’humanités dirigés par un principal, force centrifuge qui menace de désagréger la communauté enseignante.

I. L’émanation de la communauté des maîtres

  • 8 Sur la notion d’université, voir Pierre Michaud-Quantin, Universitas. Expressions du mouvement com (...)
  • 9 Jacques Verger, Christophe Charle, Histoire des universités XIIe-XXIe siècle, Paris, Presses unive (...)

4Si une présentation des institutions universitaires médiévales serait ici hors de propos, il convient de rappeler que, dès l’origine et pour longtemps, l’université de Paris est fondamentalement une association professionnelle de maîtres qui enseignent. Comme d’autres associations contemporaines qui souvent se donnent également le nom d’universitas (métiers, groupes de jeunes gens, etc.), sa finalité est de défendre les intérêts de ses membres réunis par une activité commune8. Née vers 1200 et formalisée par les premiers statuts de 1215, l’institution parisienne se caractérise d’emblée, comme Oxford, par la domination du groupe des maîtres, à la différence du modèle fourni par Bologne où l’université est constituée par les étudiants et où les professeurs occupent une situation périphérique9. Outre ses statuts, l’université de Paris prend alors corps à travers l’assemblée générale de ses membres, qui reste jusqu’à la Révolution l’instance de référence. L’organisme universitaire se complexifie et sort de cette forme exclusive de démocratie primitive directe à partir des années 1240, lorsqu’il se divise en quatre facultés de théologie, droit canon, médecine et arts (celle-ci se scindant en plus en quatre nations suivant le diocèse de naissance des individus) et, d’autre part, en faisant émerger pour chacune de ces nouvelles institutions des représentants élus, procureurs pour les nations, doyens pour les facultés supérieures et recteur issu de la faculté des arts pour l’ensemble.

  • 10 Les textes des deux réformes ont été publiés dans le Chartularium Universitatis Parisiensis, édité (...)
  • 11 Charles Jourdain, op. cit., pièces justificatives, p. 15. Citation et traduction par Maxime Targe, (...)
  • 12 Robert Goullet, Compendium recenter editum de multiplici Parisiensis universitatis…, Paris, Toussa (...)
  • 13 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité, rang, préséance, autorité et juridiction du rect (...)

5Émanation du corps universitaire ou de ses subdivisions, ces huit officiers (trois doyens, quatre procureurs, le recteur) constituent lorsqu’ils sont réunis ce qu’on appelle à la période moderne le tribunal du recteur ou tribunal de l’université. Si l’instance n’est pas explicitement citée dans les grands statuts médiévaux tel celui des cardinaux de Montaigu et de Blauzac en 1366 (tout au plus y est-il fait allusion à « l’université ou ses députés », « l’université ou les députés des quatre facultés, choisis par elle »), ceux du cardinal d’Estouteville en 1452 demandent, à propos d’un membre de la faculté des arts fautif, que « le recteur en exercice de l’université l’avertisse, avec le concours des procureurs des quatre nations10 ». La référence à cette formation se retrouve dans les statuts officiels de l’université de 1600, dans l’article 20 de l’appendice rédigé par le parlement de Paris (« Le recteur, après avoir pris l’avis des doyens des facultés supérieures et des procureurs des Nations, aura le pouvoir de connaître les différends entre les principaux, les professeurs, les pédagogues et les maîtres, en matière scolaire, et de se prononcer sur ces difficultés. On s’adressera à lui en première instance. Si l’affaire est grave, il restera le droit d’appel11 »). S’il ne figure donc pas explicitement dans les premiers statuts médiévaux et relève de la tradition universitaire, il n’est pourtant pas douteux que ce tribunal fonctionne précocement comme instance disciplinaire et arbitrale se substituant à l’assemblée générale, ainsi que le montrent les différentes affaires survenues au cours des trois premiers siècles de l’université et transcrites par Robert Goullet12. César Egasse Du Boulay, lui-même ancien recteur et historien partial de l’université (très favorable à la faculté des arts, il a cependant une connaissance directe des sources anciennes), estime au milieu du XVIIe siècle qu’il « n’est rien de si ordinaire dans les registres de l’université depuis environ 500 ans que ce tribunal13 ».

  • 14 Le siège de l’université est fixé par arrêt du parlement du 30 août 1763 au collège Louis-le-Grand (...)
  • 15 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 100.
  • 16 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 100.
  • 17 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 95-110. Voir aussi BnF, fonds Joly (...)
  • 18 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 14 et citation empruntée à Jean-Ch (...)

6Alors que l’organe ne dispose pas avant 1763 de locaux propres14 ni d’archives (ses décisions sont transcrites dans les registres de l’université, au milieu de toutes les autres conclusions), une périodicité régulière pour sa tenue est réinstaurée en 1664 (elle existait avant 1517), manière de marquer son institutionnalisation : « Louis Rouillard estant recteur fit conclure et arrêter en l’assemblée du 4 octobre 1664 que les samedis non fêtés, qui est le jour le plus commode pour les professeurs, l’on tiendrait l’audience de la faculté des arts en la chambre du recteur15 ». Peu après, avant 1668, le calendrier est réorganisé, avec les premier et troisième samedis du mois réservés au tribunal de l’université, les deuxième et quatrième au tribunal de la faculté des arts16. En effet, l’organisme siège en deux formations bien distinctes : si l’affaire concerne toute l’université, et en particulier des membres de facultés supérieures ou un conflit entre les différentes facultés, les huit officiers représentant tous les corps sont assemblés, et l’on parle alors de tribunal du recteur ou de l’université ; si en revanche seuls les membres de la faculté des arts sont concernés, le tribunal n’est composé que du recteur et des quatre procureurs des nations et il est appelé tribunal de la faculté des arts17. Par ailleurs, « le syndic de la faculté des arts y assiste comme partie publique, avec le greffier et le receveur, [mais] ces trois officiers […] n’ont pas voix délibérative18 ».

  • 19 Les conditions d’admission dans les nations peuvent varier suivant les nations : celles de France (...)
  • 20 Les conditions de vote ont donné lieu à une littérature très abondante de la part de l’université (...)
  • 21 Maxime Targe, op. cit., p. 7 citant l’arrêt du 29 avril 1670.
  • 22 Dominique-François Rivard, Mémoire sur les élections fréquentes de M. le recteur de l’université d (...)
  • 23 Maxime Targe, op. cit., p. 20, citant l’arrêt du 6 juin 1668. Sur l’alternance entre régents et ét (...)

7Le mode de désignation de ces officiers et donc du tribunal marque de plus en plus nettement au fil de la période moderne la mainmise des seuls enseignants sur la faculté des arts. À l’intérieur de chaque nation ou de la faculté des arts, ceux qui sont au moins maîtres ès arts, c’est-à-dire les régents des collèges et, en général, les étudiants d’une faculté supérieure constituent la communauté universitaire des arts19. Mais diverses dispositions successives réduisent pratiquement ce corps électoral aux régents20, en particulier un arrêt du parlement de Paris de 1670 qui ordonne que seuls les membres âgés de plus de 30 ans pourront participer dans chaque nation à l’élection de l’intrant (grand électeur) qui désignera avec ses trois homologues le recteur21. L’élection de celui-ci est certes ensuite validée en assemblée plénière, mais en 1763 Dominique-François Rivard estime que « cette confirmation n’est presque qu’une formalité, par l’usage où l’on est de s’en tenir au choix des quatre électeurs, que l’on appelle intrans »22. Les procureurs eux-mêmes sont désignés dans chaque nation à partir d’un corps électoral similaire à celui du recteur, le plus ancien régent ou le plus ancien étudiant étant alternativement éligible23.

8L’analyse du statut des recteurs au moment de leur élection illustre clairement la mainmise du corps enseignant des arts sur la fonction la plus importante de l’université à partir de la fin du XVIIsiècle. En effet, entre 1600 et 1670, un tiers des recteurs élus étaient des étudiants avancés (bacheliers ou licenciés de théologie, ou professeurs de philosophie des petits collèges, qui n’enseignaient que deux ans dans le cadre de leur cursus de théologie) et les professeurs des grands collèges fournissaient également un tiers des recteurs (tableau 1). Mais après 1670, 80 % des recteurs élus sont professeurs en titre dans des collèges d’humanités.

Tableau 1 : statut des individus élus au rectorat 1600-1791

Étudiants en théologie et professeurs de philosophie des petits collèges Professeurs de philosophie et d’humanités des grands collèges Principaux des grands collèges Autres ou indéterminés
1600-1670 31 32 13 18
1671-1791 3 60 11 2

Comptages effectués à partir de la liste des recteurs fournie par Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris, op. cit., p. 285-288, dont les informations ont été complétées par la prosopographie donnée en annexe de la thèse de Boris Noguès, Des intellectuels entre Église et État. Étude sur les carrières enseignantes dans la faculté des arts de Paris (vers 1660-vers 1793), université de Paris I, 2002.

  • 24 Marie-Madeleine Compère, Boris Noguès, « Le chef d’établissement à l’époque moderne », Histoire de (...)
  • 25 Pour un exemple de détaillé de carrière de professeur de philosophie (puis principal) devenu recte (...)

9Encore faut-il souligner que parmi les trois jeunes théologiens élus après 1670, deux le sont respectivement en 1679 et 1685, et que le seul élu du XVIIIe siècle est Armand de Rohan-Ventadour (recteur en 1739), fils du prince de Soubise, dont le statut social explique l’exception faite par les professeurs au monopole qu’ils détiennent désormais sur la fonction. On notera également que les principaux des collèges d’humanités élus sont tous d’anciens professeurs reconnus24, et par conséquent que les recteurs du XVIIIe siècle sont presque tous issus d’une manière ou d’une autre du corps enseignant. À l’intérieur de celui-ci, le profil le plus fréquent des élus après 1670 est le professeur de rhétorique (37 cas), qui enseigne dans les classes les plus élevées et les plus prestigieuses du cursus d’humanités, alors que des philosophes, qui se rattachent à la tradition ancienne des arts, sont élus 21 fois au rectorat et les professeurs des basses classes seulement deux fois25. Le corps enseignant se choisit ainsi assez logiquement pour parler en son nom et administrer ceux qui représentent à ses yeux l’élite de ses membres et incarnent son cœur de métier, l’enseignement des belles-lettres.

  • 26 « Projet de changements différents qui doivent être proposés à faire dans les usages et estat de l (...)
  • 27 Ibid.
  • 28 Boris Noguès, « Les professeurs de la faculté des arts de Paris et le jansénisme au XVIIIe siècle, (...)
  • 29 Anonyme, Lettre d’un maître ès arts de Paris à un vicaire de province au sujet de l’adresse que M. (...)
  • 30 Bibl. Arsenal, carton 10294, dossier « Faculté des arts », papier du 15 décembre 1738.
  • 31 Sur les effectifs : Boris Noguès, Une archéologie du corps enseignant. Les professeurs de la facul (...)
  • 32 Guillaume Garner, article « Corporation » in Jean-François Sirinelli, Claude Gauvard, Dictionnaire (...)

10En plus du contrôle des postes d’officiers par les professeurs, on assiste à un déclin du rôle des assemblées générales, au moins au XVIIIe siècle : « [Les assemblées générales] ne se tiennent que six fois par année, savoir quatre pour l’élection du recteur, une pour l’élection des examinateurs pour la licence ès arts et une fois pour l’élection des censeurs26 ». Et ceci « dans un temps très court d’une demy heure avant chaque procession27 ». En même temps que la réduction du poids des étudiants dans le corps électoral, ces pratiques entraînent de fait un transfert du pouvoir de l’instance délibérative au profit du tribunal, qui fait désormais figure de commission permanente. L’exclusion progressive des étudiants en théologie du suffrage et des postes au bénéfice des régents crée une tension récurrente entre les deux groupes tout au long de la période, opposition qui recoupe un conflit de générations et plus encore un clivage idéologique et social entre théologiens et artistes. On le voit en particulier au moment du second jansénisme28 comme au début de la Révolution, lorsque les prises de position du recteur Dumouchel en faveur du serment civique au nom de l’assemblée de la faculté des arts sont contestées par un étudiant en théologie. Selon celui-ci, « dans sa convocation [à l’assemblée générale] on n’y avait invité que les principaux de collège, les professeurs et les agrégés. Les bacheliers de théologie sont cependant partie intégrante de la faculté des arts29 ». S’il était avéré, l’épisode marquerait une étape supplémentaire dans la marginalisation des étudiants, complètement exclus d’une assemblée réduite aux enseignants. Un professeur justifiait pourtant dès 1738 cette exclusion des étudiants car « les professeurs qui sont le véritable corps de la faculté des arts, parce qu’ils y sont fixés et permanents, y étant attachés par leur état et leur fortune, sont en nombre limité ; au lieu que le nombre de bacheliers immatriculés est libre et illimité30 ». De fait, la sodalité enseignante peut s’appuyer sur la taille réduite du groupe, à peine quatre-vingts enseignants dans les grands collèges et une dizaine de principaux31. Il serait cependant hasardeux de dresser un parallèle entre l’exclusion des étudiants et les tensions sociales qui animent à l’époque moderne les corporations, ou la supposée fermeture de celles-ci32, car ce qui motive le monopole des régents sur les institutions est qu’ils constituent un groupe désormais différent des étudiants par la nature de leurs activités, distinction qui n’était pas clairement établie au Moyen Âge. Quoi qu’il en soit, on constate qu’à la fin de la période moderne, le tribunal ne représente plus que le corps enseignant, dont il est issu, ce qui explique d’ailleurs le choix en 1664 d’un jour « commode pour les professeurs » pour sa tenue.

II. Entre roi, facultés et pairs : le pouvoir limité du tribunal du recteur

  • 33 La réduction de son périmètre d’intervention est rappelée par exemple dans un édit royal enregistr (...)
  • 34 Serge Lusignan, La Construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), op. cit (...)
  • 35 Serge Lusignan, La Construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), op. cit (...)
  • 36 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit.
  • 37 Actes et autoritez du recteur assisté de son conseil, soit des doyens des Facultés et des procureu (...)

11Ce tribunal est à cette date essentiellement chargé des affaires disciplinaires concernant ses membres et des contentieux internes à l’université, alors qu’il entendait au Moyen Âge avoir une juridiction générale sur les membres de l’université, y compris dans les conflits qui impliquaient des tiers33. Ainsi en 1387 recevait-il la plainte d’étudiants s’estimant mal logés, contre leur propriétaire qui refusait d’engager des travaux, propriétaire que le tribunal du recteur jugea en toute légitimité et condamna avec l’appui de la justice civile à reconstruire ses bâtiments34. Cependant, on le sait, cette justice particulière qui s’apparentait au for ecclésiastique et conférait aux universitaires des privilèges judiciaires importants a depuis longtemps disparu à l’époque moderne, en raison de la concurrence victorieuse de la justice royale, en même temps que s’effondrait l’autonomie politique de l’université. La collaboration ou le recours au parlement de Paris avait de toute façon été très fréquente dès les premiers siècles, comme le montre l’étude de Serge Lusignan35. Il n’est donc plus question à l’époque considérée d’y traduire des affaires ou des individus extérieurs à l’université. Si Du Boulay donne des exemples remontant au XVe siècle de conflits de juridiction avec l’officialité (le tribunal de l’évêque), il est incapable d’en fournir pour une période plus récente36. Signe du recul de son autorité, ou du moins de la volonté de l’assurer, la faculté des arts a entrepris au XVIIe siècle un important effort de compilation des affaires qu’elle a eu à traiter. Parmi plusieurs de ces recueils, les Actes et autoritez du recteur assisté de son conseil (1744) recensent ainsi 48 affaires, essentiellement pour le XVIIe siècle et le début du XVIIIe37. Dans cette source, les seuls personnages extérieurs à la faculté des arts qui apparaissent sont les religieux de Saint-Germain-des-Prés, en 1505, et le doyen de la faculté de médecine, en 1726. De ce point de vue le tribunal du recteur ne constitue plus une instance corporative protectrice dont pouvaient bénéficier les membres de la faculté dans leurs rapports avec le monde extérieur.

12L’immixtion de la justice royale ne concerne pas seulement les affaires où des tiers sont impliqués, mais aussi celles qui sont directement de la compétence du tribunal du recteur, à travers l’appel systématique de ses décisions devant le parlement. Du Boulay le reconnaît :

  • 38 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 123.

« Les choses ont bien changé depuis ces temps là, soit par la négligence des officiers, ou par la malice des particuliers, qui prenant occasion des troubles qui survinrent dans l’État à l’occasion des hérésies des Luther et Calvin, renversèrent tout le bel ordre de l’université, qui fut enfin contrainte de céder au temps et de se contenter de juger en première instance sauf l’appel »38.

  • 39 Augustin Théry, Histoire de l’éducation en France, Paris, Dezobry, 1858, p. 342. Voir aussi les Act (...)
  • 40 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 125.
  • 41 BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, fol. 297.
  • 42 Au roy et à nosseigneurs de son conseil plaidoyer pour Jacques Rohault, régent de Beauvais menacé d (...)
  • 43 « Fait défenses à tous les suppôts de ladite université de se pourvoir ou faire poursuite ailleurs (...)

13Dès 1445 Charles VII avait autorisé le parlement de Paris à juger les « causes, querelles et négoces de l’université et ses suppôts »39. Et, de multiples affaires le montrent, l’appel au parlement, reconnu dans les statuts de 1600, est tellement systématique en cas de décision défavorable que les plaignants ont tendance à s’adresser de suite et directement à lui, ce qui revient contester la juridiction même du recteur. Comme l’écrit Du Boulay, « et l’on a été si aveugle dans l’université que d’abandonner ce droit et cette prérogative de la première instance devant son juge naturel et légitime pour porter les moindres contestations et bagatelles au Châtelet et Parlement40. » Près de cent ans plus tard, vers 1738, la pratique est similaire puisque, selon un réformateur anonyme, l’usage est de « porter toutes les affaires devant les juges royaux, même en première instance, et de là l’oppression des particuliers qui aiment mieux laisser perdre leurs droits que d’avoir à essuyer les fatigues et les dépenses d’une longue procédure41 ». La réaction du parlement à ce recours systématique fut ambivalente. Il rappelle à plusieurs reprises que c’est au tribunal du recteur de régler les litiges internes, afin de ne plus avoir à trancher des vétilles sans enjeu à ses yeux. Ainsi la cour déclare-t-elle par arrêt du 4 septembre 1666 « parjures, amateurs de procès, ceux qui porteront en première instance leurs contestations ailleurs qu’au tribunal de l’université42 », puis décide le 6 juin 1668 de ne plus recevoir en appel les affaires qui concernent la contestation des élections internes à l’université, qui effectivement sont particulièrement nombreuses en ce siècle43. Mais, au-delà de ces décisions ponctuelles concernant ces cas précis, le parlement ne renonce évidemment pas à cette forme de tutelle sur l’université et l’appel reste général.

  • 44 Henri Ferté, Rollin, sa vie, ses œuvres et l’université de son temps, Paris, Hachette, 1902, p. 58.
  • 45 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., pièces justificatives, p. 159-160.
  • 46 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., pièces justificatives, p. 161.
  • 47 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., p. 354.
  • 48 Pour documenter les conflits et ce qu’il reste de la juridiction du chancelier au XVIIe siècle (ess (...)

14Le pouvoir royal ne manque pas non plus d’intervenir directement comme puissance souveraine dans les affaires de l’université, en particulier à l’occasion du second jansénisme. En juin 1712, la grande figure de Charles Rollin, ancien recteur et pédagogue modèle, est démise de ses fonctions de principal et obligée se retirer du collège de Beauvais en raison de son soutien au Père Quesnel, démission précédée d’une perquisition dans ses appartements au collège44. Le 11 juin 1714, Louis XIV écrit directement à l’assemblée des nations pour démettre le recteur : « ayant de justes sujets d’être mécontent dudit sieur Godeau, nous ne voulons point qu’il soit continué, et qu’ainsi notre intention est que dans votre prochaine élection, vous fassiez le choix d’un autre sujet pour remplir la place de recteur », et de désigner par l’intermédiaire du chancelier Pontchartrain son successeur, Philippe Poirier, « car tel est notre plaisir »45. Trois mois plus tard, Pontchartrain veille fermement à ce que Poirier soit bien continué dans sa charge46. Celui-ci est finalement déposé le 10 octobre 1715 (Louis XIV étant mort le 1er septembre) au profit de Jean-Gabriel Petit de Montempuys, janséniste notoire. La faculté bénéficie un temps du climat de la Régence et de la mansuétude de Noailles, archevêque de Paris, mais après son décès survenu en 1729, Loudier et Guillaume, professeurs de philosophie au Plessis sont destitués en raison de leur engagement janséniste, sans que le tribunal de l’université n’ait son mot à dire47. La tutelle absolutiste se fait donc sentir sur la compagnie au-delà du règne de Louis XIV et écrase l’autorité rectorale issue de la communauté des maîtres. En définitive, si l’officialité et les chanceliers de l’évêque et de l’abbaye de Sainte-Geneviève ne constituent plus une puissance rivale de celle du recteur à l’époque moderne48, le pouvoir royal a définitivement eu raison de l’autonomie universitaire médiévale. Les maîtres de l’université sont devenus des justiciables et des sujets ordinaires.

  • 49 Voir par exemple la contestation en 1614 par les facultés supérieures du choix du receveur de l’uni (...)
  • 50 Onze affaires de ce type sont portées devant le parlement pendant cette période. Décompte partiel é (...)
  • 51 BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705 « Projet de changements différents qui doivent être proposés à f (...)
  • 52 Voir entre autres le Mémoire touchant le différent meu entre les trois facultés, et les quatre nati (...)

15Le refus des trois facultés supérieures de se soumettre à l’autorité d’un recteur issu des arts limite d’une autre manière la compétence de son tribunal. Cette opposition s’explique par la contradiction entre un plus grand prestige intellectuel et social des facultés supérieures et, d’autre part, la domination institutionnelle des artiens, qui désignent seuls le chef de l’université. Théologie, droit et médecine n’eurent donc de cesse de renforcer leur autonomie, en contestant le nombre de votes détenus par les arts (quatre procureurs et le recteur, contre les trois doyens des facultés supérieures49), en portant systématiquement les conflits entre facultés devant le parlement, comme on le voit avec une particulière intensité dans la première moitié du XVIIe siècle50, et en retenant leurs affaires internes51. Ce conflit des facultés nourrit depuis les origines la chronique universitaire et a donné lieu à une production imprimée particulièrement abondante, destinée à alimenter un argumentaire de nature juridique, qu’il serait hors de propos de présenter ici52. Mais, qu’il s’agisse de contentieux collectifs ou individuels, les facultés supérieures et leurs docteurs échappent bien à la juridiction rectorale.

  • 53 Voir le factum manuscrit du 22 mai 1786 (BnF, fonds Joly de Fleury, ms 608, fol. 13), contestant un (...)
  • 54 Des exemples de procès verbaux de visites sont publiés par Charles Jourdain, Histoire de l’universi (...)
  • 55 Mémoire pour Louis Antoine de Noailles, …., signé Angran, impr. J. F. Knapen, [vers 1719], BnF FOL- (...)

16Ainsi borné, concurrencé voire contesté, le tribunal ne traite donc plus que des questions qui relèvent de l’application des règlements et de la résolution des conflits entre principaux, régents et étudiants. La première fonction suppose quand même une surveillance active de l’activité facultaire. La réforme de 1452 avait prévu l’inspection régulière des collèges par le recteur, accompagné de délégués de l’université (les censeurs à l’origine, mais aussi les procureurs, au moins à partir de 170953). La disposition est reprise à l’article 70 des statuts de 1600, la visite devant s’effectuer dans le mois qui suit l’élection du recteur, c’est-à-dire tous les trois mois. Outre la discipline, ils doivent se préoccuper de « l’habileté de l’enseignement » et des livres détenus par les régents et les élèves, ce qui, en théorie, fait de ces visites un instrument important de gouvernance de la faculté des arts. Cependant, ces visites sont tellement irrégulières que les recteurs qui s’y emploient avec rigueur sont l’objet de louanges qui révèlent surtout l’incurie des autres. Et, autant qu’on puisse en juger, les manquements relevés au cours de ces visites portent surtout sur l’administration matérielle de l’établissement, en particulier les comptes, et le respect des statuts par les communautés de boursiers54. Certaines de ces communautés, marquées par une forte tradition d’autonomie et peuplées d’étudiants en théologie contestent d’ailleurs le principe même de ces inspections, comme au collège du Cardinal Lemoine, où les portes restent closes au recteur et où les boursiers refusent de se soumettre « aux visites et réformes des assemblées rectorales, composées pour l’ordinaire de laïques, et même de personnes qui n’ont pour qualités que la maîtrise ès arts, et pour titre que celuy d’avoir vieilli dans la régence de quelque classe […]55 ». On ne saurait mieux exprimer le mépris de ces théologiens en herbe vis-à-vis des professeurs des arts.

  • 56 Actes et autoritez du recteur assité de son conseil, soit des doyens des Facultés et des procureurs (...)
  • 57 Charles Jourdain, Histoire de l'Université de Paris, op. cit., pièce justificative no 31, p. 34.
  • 58 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 126.

17Outre les inspections, l’activité de ce tribunal peut être saisie à travers le recueil cité plus haut (partiel et partial) des décisions rectorales qu’a fait composer en 1744 l’ancien recteur Nicolas Piat, à défaut de mener une analyse systématique des registres de l’université56. Sur 48 affaires qui y sont présentées, celles qui concernent l’élection des officiers arrivent en tête (19), suivies des contestations touchant les examinateurs ou les candidats à la maîtrise ès arts (9). Celles concernant le personnel de la faculté sont rares dans cette sources (trois : un régent, un principal et un bedeau destitués). Dans d’autres sources, on voit cependant ce tribunal condamner en 1610 des régents de philosophie convaincus d’avoir cessé leur classe avant le 1er août, date officielle des vacances (mais sans prendre de sanctions)57. Ou bien exclure des fastes universitaires et priver en 1662 de tous ses grades et revenus académiques Michel Foucault, procureur du collège du Mans, « pour vie dissolue, paroles blasphématoires et injurieuses, insolence in vino commissas »58. Le rappel à l’ordre peut prendre la forme d’une menace véhémente, peut-être d’autant plus directe qu’il s’agit d’un principal, moins soutenu par ses pairs : le 22 avril 1786, le recteur Jean Delneuf écrit au principal absentéiste du collège de Grassins :

  • 59 BnF fonds Joly de Fleury, ms 608, fol. 16.

« Je vous préviens encore une fois, Monsieur, que si vous abandonnez votre place, vos fonctions, comme vous l’avez fait par le passé, vous vous exposez à être privé des émoluments et privilèges dont vous jouissez en qualité de principal […]. Conciliez, si vous pouvez, cette loi, avec votre séjour habituel à Fontainebleau, avec des actes passés entre vous et ledit Sr Audrein [qui vous remplace sans en avoir le titre] 59 ».

18Cependant, après consultation de dizaines de pièces d’archives et d’une centaine d’affaires, les sanctions effectives contre le personnel en place avec destitution par le tribunal restent très rares.

19Cette mansuétude découle directement du mode de désignation des membres du tribunal et en particulier du recteur, exposé plus haut, qui les place dans une dépendance étroite vis-à-vis de leurs collègues-électeurs. Le témoignage et l’analyse, valables au moins pour le milieu du XVIIIe siècle, en sont fournis par Antoine Rivard, lui-même professeur, qui cherche à perfectionner les études et qui déplore l’impossibilité de sanctionner d’éventuels manquements des enseignants :

  • 60 Dominique-François Rivard, Mémoire sur les élections fréquentes de M. le recteur, s.l., 1763, p. 11 (...)

« Il faut donc nécessairement que le chef anime les membres, et les engage à s’acquitter de leur devoir par les voies convenables. Or c’est ce que n’ose pas entreprendre M. le recteur dans l’université de Paris, à cause de l’usage où l’on est de faire tous les trois mois une nouvelle élection pour le rectorat. […] On voit par là que si M. le recteur avait indisposé quelques uns des quatre électeurs ou de leurs confrères auxquels ils seraient attachés, il se trouverait dans le danger d’être déplacé, c’est ce qui arriverait d’autant plus aisément que, quoiqu’on n’approuve pas la négligence de ses confrères à remplir leur devoir, on souffre néanmoins de les voir repris par qui a le même pouvoir sur nous, et qui fait sentir, par l’exemple des autres, qu’il pourrait l’exercer pareillement sur nous, si nous lui en donnions l’occasion : tel est l’effet de l’opposition naturelle que l’on a pour la dépendance. Aussi, ce qui doit arriver de ces élections nouvelles si fréquentes, c’est qu’un recteur, de peur de perdre sa place, ferme les yeux sur des abus auxquels il devrait s’opposer »60.

20Le jugement a le mérite de mettre en avant, outre la remise en jeu très régulière du mandat rectoral, qui renforce le contrôle par les électeurs, la forte solidarité corporatiste qui anime le groupe enseignant, qui préfère selon Rivard soutenir un confrère négligent plutôt que de nourrir une autorité à laquelle il serait potentiellement lui-même soumis.

III. L’épreuve hiérarchique du XVIIe siècle

21Le groupe enseignant adopte au XVIIe siècle une position similaire vis-à-vis des principaux de collège, autre autorité hiérarchique susceptible d’imposer une forme de sujétion. L’enjeu de cette résistance est bien l’autonomie enseignante à l’intérieur du collège d’humanités nouvellement institué et, plus fondamentalement encore, la nature du groupe enseignant : reste-t-il corps universitaire régulé par ses pairs à l’échelle de la faculté entière, comme à l’origine, ou devient-il une collection d’individus, certes qualifiés par l’université, mais contractuellement liés à des principaux qui leur procurent un emploi ? Dans le cadre de cette lutte, les régents n’ont pas manqué de mobiliser le tribunal du recteur, comme représentant institutionnel de cette communauté qui, on l’a vu, détenait un pouvoir limité, mais avait quand même l’avantage d’être largement à leur main.

  • 61 Marie-Madeleine Compère, Du collège au lycée (1500-1850). Généalogie de l'enseignement secondaire f (...)
  • 62 Statuts de 1600, Charles Jourdain, Histoire de l'Université de Paris, op. cit., pièce justificative (...)
  • 63 Pierre Bourdieu, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociale (...)

22Un bouleversement complet de la position des régents dans la faculté des arts de Paris avait en effet eu lieu au XVIe siècle, avec la naissance et le développement des collèges d’humanités61. Désormais, les cours ne se déroulent plus dans la rue ou dans des locaux dépendant des nations, comme aux premiers siècles de l’université, mais à l’intérieur des collèges qui avaient souvent été fondés comme communautés de boursiers. À l’origine simples chefs de ces communautés, en général nommés par les supérieurs des collèges (ceux qui administrent la fondation originelle), les principaux se trouvent donc à la tête d’un établissement qui accueille l’enseignement des arts, élargi à la grammaire et la rhétorique, suivant la mode humaniste. Amorcé au XVe siècle, le processus est loin d’être linéaire et suit pour chaque établissement des cheminements particuliers. Sans entrer dans ces détails, on peut considérer que les statuts de 1600 en constituent l’aboutissement et entérinent pour deux siècles la nouvelle situation. Ces statuts reconnaissent donc au principal des pouvoirs importants, en particulier celui de recruter les régents de leur collège (article 1), et leur accordent une autorité générale sur l’ensemble des individus présents dans l’établissement, symbolisée par exemple par le droit de visiter toutes les chambres, dont celles des enseignants62. S’ils marquent un incontestable affaiblissement de la communauté des maîtres par rapport à la période médiévale, ces statuts ne réduisent cependant pas son rôle à néant. Comme dans la période précédente, les futurs enseignants doivent en effet être agréés par l’assemblée des nations pour obtenir le droit de régenter. Si l’exercice est formel voire symbolique (il n’y a rejet que s’il manque une pièce au dossier), cette « supplique » pro regentia et scholis permet au groupe enseignant d’intervenir dans le processus réglementaire de nomination et d’entretenir l’idée que le droit d’enseigner procède d’une communauté qui continue à coopter ses membres et d’instituer les professeurs63.

  • 64 BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, fol. 266-280 « Projet de changements différents qui doivent êtr (...)

23Le droit des principaux de choisir leur personnel n’a guère été contesté par les enseignants, car les chefs d’établissements fournissent aux régents une clientèle, une salle et plus largement une structure pédagogique complexe qu’ils ne pourraient guère trouver seuls, en particulier à la fin du XVIe siècle où les effectifs de la faculté ont fortement baissé. Tout au plus le corps enseignant critique-t-il régulièrement la faveur qui dicte trop souvent selon lui les nominations par les principaux, c’est-à-dire la manière dont ce droit s’exerce. Pour améliorer les choses, certains proposent d’empêcher qu’un principal n’attribue un poste « pour gratifier un parent », tout en reconnaissant que « néanmoins ne paraît pas convenable d’ôter entièrement au principal le choix d’un professeur64 ». Il demande en conséquence l’institution d’un jury composé de douze professeurs désignés par le recteur, qui sélectionnerait trois candidats, parmi lesquels le principal effectuerait son choix. Sans application immédiate, ce projet écrit vers 1738 préfigure l’agrégation mise en place trente ans plus tard et visait donc plutôt à encadrer le droit de nomination du principal qu’à le supprimer, en accordant une place importante à un jury composé de futurs pairs.

  • 65 Jean-Baptiste Crevier, Histoire de l’université de Paris, Paris, Desaint et Saillant, 1761, t. 4, p (...)
  • 66 Voir Au roy et à nosseigneurs de son conseil, plaidoyer pour Jacques Rohault, régent de Beauvais me (...)
  • 67 Au roy et à nosseigneurs de son conseil, op. cit., p. 2-4. Le parlement intervient dans les affaire (...)

24Les points qui ont suscité une franche et précoce opposition entre les deux groupes concernent donc plutôt l’autorité effective que peut exercer le principal sur ses professeurs et la possibilité pour lui de les révoquer. La destitution des régents par les principaux est une question régulièrement débattue au cours d’un XVIIe siècle marqué par la volonté de ces derniers de contrôler plus étroitement leur collège. Outre les intérêts personnels des individus concernés, chaque groupe a conscience que ce droit détermine largement les rapports effectifs de pouvoir dans la faculté des arts. Jean-Baptiste Crevier, ancien professeur et historien de l’université qui suit largement Du Boulay, fait remonter à 1486, c’est-à-dire au moment même où la migration de l’enseignement vers les collèges s’esquisse, le premier conflit de ce type entre un régent et son principal65. Ce conflit débouche sur le désaveu de ce dernier, et l’instauration du principe selon lequel seul le tribunal du recteur peut destituer un enseignant de collège. Au cours de la période étudiée, l’affaire qui oppose entre 1683 et 1684 Jacques Rohault à son principal est exemplaire de ce type de conflits, et présente l’avantage d’être bien documentée, grâce aux mémoires produits par l’intéressé, avec le soutien des autres régents66. Rohault (qui est par ailleurs en 1683 procureur de la nation de Picardie et donc un personnage qui compte), avait été nommé en 1677 régent de la classe de  troisième au collège par Antoine Moreau, alors principal. Son successeur, Nicolas Boutillier, « forma [en 1783] le dessein de faire destituer le suppliant de sa classe, pour y mettre Claude Lorrey, une de ses créatures, quoiqu’il n’y eut aucun sujet de plainte contre le suppliant 67». Boutillier obtient pour cela le soutien d’un président du parlement (qui n’intervient pas ici en tant que juge de l’université, mais comme administrateur du collège de Beauvais, fonction que les magistrats remplissent pour plusieurs collèges de la faculté). En réponse, les professeurs de la faculté des arts introduisent collectivement une action devant le parlement et obtiennent par arrêt 29 mars 1684 la réintégration de Rohault comme régent de troisième à Beauvais.

  • 68 Decret de l’université de Paris contre la destitution arbitraire des professeurs, 29 août 1699, arc (...)
  • 69 Ibid., p. 4.

25Le jugement clôt définitivement ce type de tentatives de destitution, mais une autre pratique mobilise ensuite le groupe. En effet, soucieux de tenir leurs enseignants, certains principaux leur demandaient au moment du recrutement de signer un billet dans lequel ils s’engageaient à céder leur place sur simple demande. La pratique est solennellement condamnée en 1699 par l’université, dans un décret qu’elle prend soin de faire imprimer et qui déclare nuls ces billets68. La majorité qu’ils détiennent parmi les officiers permet aux professeurs de faire endosser par l’ensemble de l’université ce décret pour lui donner davantage de poids, mais c’est bien la corporation enseignante qui est à la manœuvre et qui souligne dans ce texte, par la bouche du syndic, les enjeux de cette question, affirmant que « rien ne serait plus pernicieux à l’université que de voir toute l’autorité de la faculté des arts réduite et renfermée dans dix principaux de collège ; que les suffrages ne seraient plus libres dans les assemblées ; que les professeurs devenus par là les esclaves de ces sortes de souverains, n’oseraient plus ouvrir la bouche […] 69 ». Derrière l’autonomie de chacun à l’intérieur du collège, c’est donc la faculté dans son ensemble qui serait susceptible de basculer d’une communauté d’égaux à un corps hiérarchisé.

  • 70 Mémoire instructif concernant l’institution et destitution des regens…, op. cit., p. 6.
  • 71 Mémoires pour le règlement de l’université, 1610, BnF, 8-Z LE SENNE-13266 (6), p. 8.
  • 72 Boris Noguès, Une archéologie du corps enseignant, op. cit., p. 60-72.
  • 73 Réponse de l’université de Paris contre le factum de 5 ou 6 principaux de ladite université, sl, 16 (...)

26Déboutés sur ce point, les chefs d’établissement eurent les plus grandes peines à s’imposer face à des enseignants qui ont toujours joué pour leur plus grand profit l’appartenance à leur nation ou à la faculté plutôt qu’à leur collège d’exercice. Comme on peut le lire dans un mémoire de défense de Rohault, « il est notoire que les régents sont externes [à la fondation du collège] 70 ». Dès 1610, en période de reconstruction de l’université après les troubles religieux et dynastiques, on déplore l’âge d’or de Henri II et Charles IX où les principaux auraient été obéis, alors que « aujourd’hui c’est tout à rebours, les principaux des collèges qui devraient commander, dépendent de tous les pédagogues et régents […et] tous veulent commander et personne n’obéit, chacun instruit et gouverne ses escholiers à sa guise71 ». L’autonomie des enseignants est encore renforcée à partir de 1719, quand ils touchent un salaire fixe et régulier de la faculté et ne dépendent plus des contributions scolaires de leurs élèves72. De fait les régents ne reconnaissent aucune supériorité aux principaux qu’ils se plaisent à considérer comme leurs pairs. Ils soulignent avec complaisance que les principaux doivent eux-mêmes être immatriculés dans une nation et formuler la même supplique que les enseignants, et qu’ils «  doivent savoir que dans les nations ils ne sont pas plus considérables que le moindre régent, et il n’y a que l’antiquité qui les distingue du dernier des supposts73 ». Leur point de vue est parfaitement illustré dans un mémoire des professeurs rédigé entre la fin 1763 et le début de l’année 1764 en réponse à un projet de règlement (fort modéré pourtant) écrit quelques jours auparavant par les principaux :

  • 74 Archives de la Sorbonne, carton 15, dossier 13, pièce 94.

« Les professeurs n’aspirent point à l’indépendance. L’anarchie d’un collège serait un spectacle qui blesserait leurs yeux. Ils le répètent : ils croient devoir du respect au principal où ils donnent leurs leçons  ; ils croient aussi être obligés de recevoir honnêtement ses avis. Mais un principal dans l’exercice même de sa charge d’inspecteur général des classes doit réciproquement aux professeurs, chargés par état de la discipline particulière de ces classes et du poids de l’enseignement public, des égards et des attentions. Quant à la soumission et à l’obéissance, ils font profession d’en payer le tribut à l’université et à son chef, et ce devoir leur est commun avec tous les principaux »74.

27Sans surprise, les professeurs choisissent ainsi, dans les discours et dans les faits, de se placer sous l’autorité du recteur qui est leur représentant et parviennent à échapper à la tutelle d’un chef qui aurait l’inconvénient d’être à la fois indépendant (car nommé par des supérieurs extérieurs à l’université) et dans une proximité quotidienne.

IV. Vers un conseil académique

  • 75 Recueil de toutes les délibérations importantes prises depuis 1763 par le bureau d’administration d (...)
  • 76 Par arrêt du 5 septembre 1767 (Recueil de toutes les délibérations importantes prises depuis 1763…, (...)
  • 77 Règlement pour la bibliothèque de l’université, homologué par arrêt du 25 mai 1770, BnF, 4 Z LE SEN (...)
  • 78 Extrait des registres du parlement du 28 juillet 1786, Paris, impr. Simon et Nyon, 1786, BnF 4 Z LE (...)
  • 79 Ibid., p. 4 : « les receveurs, vices-receveurs continueront de payer tous les trois mois, aux princ (...)

28Ce pouvoir de la communauté des maîtres, hérité de la période médiévale et préservé au cours de la période moderne (au moins contre le principal), est renforcé à l’occasion de la remise à plat de l’enseignement qui suit l’expulsion des jésuites en 1762. Dans la conjoncture politique des années 1760 favorable à la faculté des arts, celle-ci récupère en 1763 le collège jésuite Louis-le-Grand, qui devient son siège officiel. Plus largement, les autorités monarchiques et parlementaires font régulièrement du tribunal du recteur leur interlocuteur privilégié. Une série de décisions tendent en effet à le transformer en instance d’administration permanente qui prolonge ses fonctions arbitrale et disciplinaire originelles. Des antécédents à ce nouveau rôle d’administrateur peuvent être repérés plus tôt dans le siècle, par exemple dans la fondation d’une bourse et d’un cours en 1733 par Edme Pourchot, ancien professeur et recteur, qui dans son testament « supplie monsieur le recteur, et messieurs de son conseil qui composent le tribunal de l’université, de prendre la direction de cette fondation […]75. » Il s’agit dans ce cas d’un particulier, lui-même ancien recteur, et l’exemple ne marque alors pas de reconnaissance du tribunal par les autorités politiques. Mais Pourchot inaugure une nouvelle conception de ce tribunal comme conseil d’administration, alors que la tutelle des fondations universitaires était traditionnellement dévolue à un « supérieur », ecclésiastique, parlementaire ou descendant du fondateur. Dans les années 1760, le tribunal se voit d’abord reconnaître par les autorités un rôle d’expertise et de conseil, par exemple à l’occasion de la réorganisation des bourses de l’université, quand le procureur général du parlement en charge de l’affaire « ordonn[e] que le tribunal de l’université et la faculté de droit et de médecine, lui remettraient des mémoires et leurs avis sur les bourses fondées dans les collèges réunis à Louis-le-Grand76 ». En 1770 est créée la première bibliothèque universitaire, dont la supervision lui est confiée77. Sans entrer dans le détail de cette tutelle, les articles 1 et 2 précisent que « le bibliothécaire sera nommé par le tribunal de l’université, et choisi parmi les professeurs émérites de la faculté des arts » et qu’« aussitôt après sa nomination il prêtera serment à l’université, entre les mains du recteur, en plein tribunal », preuve des compétences de ce tribunal, mais aussi des fonctions symboliques de représentation de l’université qu’il a récupérées, au détriment de l’assemblée qui n’est nulle part mentionnée. C’est auprès de lui que le bibliothécaire rendra des comptes et qu’il fera valider sa politique documentaire. Dans le même registre administratif, une réforme de l’université par le parlement, intervenue en juillet 1786, confie au tribunal la tâche de nommer les régents à la place des principaux qui continueraient d’exiger des billets de désistement78 et lui donne le droit d’ordonner au receveur de l’université de suspendre immédiatement le salaire d’un professeur qui manquerait à ses devoirs79. Sans application connue avant la Révolution, ces dispositions illustrent le rôle croissant du tribunal.

  • 80 Lettres patentes du 3 mai 1766 et règlement du 10 août 1766, publiés par Barthélemy-Gabriel Rolland (...)
  • 81 Ibid., p. 225, titre 2 du règlement, « des juges du concours ». art. 4.
  • 82 Ibid., art. 6
  • 83 Dominique Julia, « La naissance du corps professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, (...)

29L’institution du concours de l’agrégation marque cependant la reconnaissance la plus manifeste du tribunal. Point rarement souligné, le règlement du concours, qui fait suite aux lettres patentes du 3 mai 1766, confie en effet toute l’organisation du concours au tribunal, tant pour la fixation du calendrier que pour le choix des livres sur lesquels seront examinés les candidats ou encore pour la composition du jury80. Il doit en particulier soumettre au premier président du parlement une liste de douze jurés « membres de ladite faculté par lui désignés », liste au sein de laquelle les parlementaires, en accord avec le recteur, arrêteront la liste des six juges du concours81. Dans le cadre de la tutelle de ce concours, le tribunal de la faculté des arts «  sera composé, pour ce regard seulement, du recteur de l’université, et en son absence de l’ex-recteur qui y présidera, des quatre procureurs des nations, et de deux des anciens de chaque nation, lesquels seront nommés à cet effet dans l’assemblée qui se tient chaque année le 16 décembre pour l’élection du recteur82 ». Enfin, préservation ultime du pouvoir traditionnel d’institution de la communauté des maîtres parisiens, l’article XIV des lettres patentes ordonne que « les docteurs agrégés seront tenus de se présenter à la première assemblée de la faculté des arts, qui sera tenue après leur élection, pour s’y faire immatriculer, et de supplier pro regentia et scholis. » Si Dominique Julia avait insisté à juste titre sur la rupture que l’agrégation représentait par rapport à la tradition (en sélectionnant les lauréats sur des compétences scolaires et professionnelles plutôt que sur des vertus morales et religieuses) et sur les oppositions des évêques de province qu’elle a suscitées83, on pourrait souligner ici une autre dimension du concours, qui relativise la rupture opérée. En effet, la maîtrise complète de son organisation par le tribunal de la faculté des arts et le monopole concédé à ses membres dans la composition du jury permettent, sous des modalités actualisées, de prolonger et même de renforcer une longue pratique d’autorecrutement et d’autocontrôle universitaire. Pour le corps enseignant, le rôle central concédé au tribunal dans l’organisation de l’agrégation constitue une belle victoire, qui consacre son pouvoir d’institution des professeurs.

Conclusion

  • 84 Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens avis du Conseil d’Etat, t. 2, Paris, (...)
  • 85 Antoine Gayet de Sansale, Un mot à M. Pastoret, un rien à M. Gaudin, …, Paris, impr. Crapart, 1792, (...)
  • 86 Les universités sont maintenues en 1791 (décret relatif à tous les corps et établissements d’instru (...)

30Ce mouvement est brisé par la Révolution. En effet, le tribunal et la faculté des arts se trouvent rapidement mis en cause, en raison de la méfiance envers un groupe plus ou moins clérical (même si plus des deux tiers des régents prêteront le serment civique en 1791), et surtout à cause de l’hostilité générale envers des institutions qui incarnent alors trop bien le privilège et l’exclusivité des corps d’Ancien Régime. Significativement, c’est entre la loi du 17 mars 1791, dite décret d’Allarde, qui supprime les jurandes, et la loi Le Chapelier adoptée les 14 et 17 juin 1791, que prennent place la suspension des élections du recteur (loi du 22 mars 179184) puis la suspension (définitive en réalité) du tribunal du recteur, par un arrêté du directoire du département du 12 mai 1791. Jean Delneuf, recteur intérimaire mais insermenté, est suspendu le 20 août de la même année85, avant que les universités ne soient supprimées en 179386.

  • 87 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire. 1802-1914, Lyon, ENS éditions, p. 40 (...)

31On le sait, cette suppression ne marque cependant pas tout à fait la fin de l’histoire pour les universités traditionnelles, ni pour les valeurs et les pratiques qu’elles supportaient, puisqu’après bien des tâtonnements, c’est à elles que se réfère la refondation napoléonienne intervenue en 180887. L’un de ses principaux inspirateurs, Antoine François Fourcroy, ne manque d’ailleurs pas de s’inspirer précisément de l’université de Paris dans les réflexions qui ont précédé la création de l’Université. Les titres IX et X du fameux décret du 17 mars 1808, qui instituent le conseil de l’université et, localement, les conseils académiques, rappellent cette généalogie, en reprenant les attributions disciplinaires, contentieuses et de surveillance générale des études, voire de conseil du pouvoir, qui étaient celles du tribunal du recteur. Cependant, malgré les similitudes formelles et la volonté de reconstituer une sorte de corporation universitaire, la continuité de part et d’autre de la Révolution est très partielle, puisque le modèle napoléonien est essentiellement hiérarchique (les membres des conseils sont nommés et sont souvent des cadres supérieurs de l’administration), rompant ainsi avec la domination d’un petit groupe d’enseignants tous égaux entre eux et désignant par élection leurs représentants.

32Sans porter de jugement sur cette domination, il convient au passage de souligner combien ses fondements étaient fragiles. En effet, la grande réussite des régents parisiens a été de négocier au mieux les deux facettes de la révolution pédagogique du XVIe siècle et de l’avènement du collège d’humanités : la professionnalisation de l’enseignement et la distinction nette d’avec les étudiants les ont conduits à exclure les simples maîtres ès arts, en rupture avec la tradition médiévale, tandis que cette même tradition, ainsi que les anciennes institutions réactualisées, leur ont permis de résister à la hiérarchie induite par le collège et incarnée par le principal. Dans la longue durée, ce remarquable opportunisme historique des régents parisiens a sans doute laissé des traces plus durables que la conception autoritaire et pyramidale du pouvoir napoléonien, en modelant un imaginaire professoral nourri d’horizontalité et d’égalité entre pairs, imaginaire qui ne demande certainement qu’à être réactivé au fil des épisodes d’affaiblissement ou de bienveillance du pouvoir.

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Notes

1 Maxime Targe, Professeurs et régents de collège dans l’ancienne Université de Paris (XVIIe et XVIIIe siècles), Paris, Hachette, 1902, p. 7.

2 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1862 ; André Tuilier, Histoire de l’université de Paris et de la Sorbonne, t. 1, Des origines à Richelieu ; t. 2, De Louis XIV à la crise de 1968, Paris, Nouvelle librairie de France, 1994.

3 James K. Farge, Orthodoxy and Reform in Early Reformation France. The Faculty of Theology of Paris, 1500-1543, Leyde, Brill, 1985 ; Jacques M. Grès-Gayer, Théologie et pouvoir en Sorbonne. La faculté de théologie de Paris et la bulle Unigenitus, Paris, Klincksieck, 1991 ; Jacques M. Grès-Gayer, Jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, Paris, Klincksieck, 1996.

4 Historia universitatis parisiensis ipsius fundationem, nationes, facultates, magistratus, decreta, censuras et judicia in negociis fidei, privilegia, comitia, legationes, reformationes. […] Authore Caesare Egassio Bulaeo eloquentiae emerito professore, antiquo rectore et scriba ejusdem universitatis, Paris, 1665-1673, 6 vol.

5 Alain Guery, « Institution : Histoire d'une notion et de ses utilisations dans l'histoire avant les institutionnalismes », Cahiers d'Économie politique / Papers in Political Economy, vol. 1 no 44, 2003, p. 7-18 et en particulier p. 9 : « Quand aujourd’hui on parle d’institution, dans le sens le plus général du mot, on désigne par là des structures organisées qui maintiennent un état social. Ce sens large ne diffère de son étymologie que sur un point, mais capital : il est statique, alors qu’à l’origine institution avait un sens dynamique. Il désignait le processus même de mise en place et d’organisation de ces structures ».

6 Dans l’immense littérature sur la sociologie des organisations, d’ailleurs souvent orientée vers le modèle ici inopérant de l’entreprise contemporaine, on se contentera de renvoyer à Virginie Tournay, Sociologie des institutions, Paris, Presses universitaires de France, 2011.

7 Pour une comparaison internationale avec les autres universités, qui ont toutes un tribunal universitaire, on se reportera, à la synthèse éditée par Walter Ruegg et Hilde de Ridder-Symoens, A History of the University in Europe, vol. 1: Universities in the Middle Ages, vol. 2: Universities in Early moderne Europe (1500-1800), Cambridge University Press, 1992-1996.

8 Sur la notion d’université, voir Pierre Michaud-Quantin, Universitas. Expressions du mouvement communautaire au Moyen Âge latin, Paris, Vrin, 1970.

9 Jacques Verger, Christophe Charle, Histoire des universités XIIe-XXIe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 2012, p. 12-15 pour une présentation synthétique de ces organisations respectives.

10 Les textes des deux réformes ont été publiés dans le Chartularium Universitatis Parisiensis, édité par Heinrich Denifle et Émile Chatelain, 4 tomes, Delalain, 1889-1897, no 1319 et no 2690. Jacques Verger a proposé une étude de chacun de ces deux textes, qui prêtent justement attention aux acteurs, « La première grande réforme de l’université de Paris (5 juin 1366) », Commentaire, vol. 1, 2013, no 141, p. 146-154 et « La réforme du cardinal d’Estouteville (1452) : l’université de Paris entre Moyen Âge et modernité » in Lucien Bély (préfacier), « Les universités en Europe (1450-1814) », Revue de l'Association des historiens modernistes des universités françaises, no 36, 2013, p. 55-75.

11 Charles Jourdain, op. cit., pièces justificatives, p. 15. Citation et traduction par Maxime Targe, op. cit., p. 7.

12 Robert Goullet, Compendium recenter editum de multiplici Parisiensis universitatis…, Paris, Toussaint Denis, 1517, et, sur le tribunal du recteur au Moyen Âge, Serge Lusignan, « Vérité garde le roy », La construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 135-139.

13 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité, rang, préséance, autorité et juridiction du recteur, Paris, Pierre de Bresche et Jacques Laize-de Bresche, 1658, p. 95.

14 Le siège de l’université est fixé par arrêt du parlement du 30 août 1763 au collège Louis-le-Grand vidé des jésuites. Voir le Recueil de toutes les délibérations importantes prises depuis 1763 par le bureau d’administration du collège Louis-le-Grand, Paris, 1781, p. 14. Le tribunal y est installé en novembre 1763 (lettres patentes citées dans le même recueil, p. 54).

15 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 100.

16 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 100.

17 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 95-110. Voir aussi BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705 « Projet de changements différents qui doivent être proposés à faire dans les usages et estat de l’université », fol. 295.

18 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 14 et citation empruntée à Jean-Charles Poncelin, Histoire de Paris, et description de ses plus beaux monuments, Paris, 1781, Valade impr., t. 3, p. 99.

19 Les conditions d’admission dans les nations peuvent varier suivant les nations : celles de France et de Normandie ne reçoivent pas comme membres à part entière les simples maîtres ès arts et sont donc essentiellement composées des bacheliers en théologie (outre les professeurs), alors que les nations de Picardie et d’Allemagne reçoivent des individus dès la maîtrise ès arts. Voir BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, pièce 2, fol. 237, ainsi que la Réponse de l’université de Paris contre le factum de 5 ou 6 principaux de ladite université, 1667, signé Berlize, avocat, BnF 4-FM-24304, p. 4. Les docteurs des facultés supérieures sont exclus de la faculté des arts, comme membres des facultés supérieures.

20 Les conditions de vote ont donné lieu à une littérature très abondante de la part de l’université qu’il n’est pas possible de reprendre ici. On peut se reporter entre autres aux Actes concernans l’unité du recteur de l’université de Paris, son élection1652 contenu dans Partie des pièces et actes qui concernent l’état présent et ancien de l’université de Paris…, Paris, Julien, 1653, (compilation célèbre et bien connue sous le nom de « livre bleu » par les universitaires parisiens modernes), fol. 475-501 de l’exemplaire BnF R 8181, disponible en ligne sur Gallica. Voir aussi sur l’élection du recteur, César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p.10-15 et du même Factum ou remarques sur l’élection des officiers de l’université, Paris, Pierre de Bresche et Jacques Laize-de Bresche, 1668. On mentionne ici à titre d’exemple l’arrêt du parlement du 6 juin 1668 qui fixe des conditions d’ancienneté restrictives en décidant qu’à l’instar de ce qui se pratique déjà dans la nation de France, désormais dans celle de Picardie « l’élection des intrans se fera par les procureurs en charge, doyens des tribus, anciens recteurs et procureurs, principaux des collèges de plein et entier exercice, avec les licenciés en théologie et médecine, les régents de quatre années de régence, et les anciens maîtres ès arts de sept années de réception dans ladite nation ». Les licenciés des facultés supérieures étant de fait parvenus au terme de leurs études (le doctorat se prend de suite après la licence) et les simples maîtres ès arts depuis plus de sept ans ayant certainement tendance à se raréfier, on voit qui compose désormais majoritairement le corps électoral picard : le personnel fixe. Cité dans les Actes et autoritez du recteur…, BnF, fonds Joly de Fleury, ms 608, fol. 6 bis ro (p. 14).

21 Maxime Targe, op. cit., p. 7 citant l’arrêt du 29 avril 1670.

22 Dominique-François Rivard, Mémoire sur les élections fréquentes de M. le recteur de l’université de Paris, Paris, 1763, BnF R-51970, p. 12.

23 Maxime Targe, op. cit., p. 20, citant l’arrêt du 6 juin 1668. Sur l’alternance entre régents et étudiants dans les postes d’officiers de nations voir le Mémoire pour les procureur, doyens et suppôts de la nation de France…, slnd [1708], BnF, fonds Joly de Fleury, ms 2271, fol. 84 vo. Alternance établie par arrêt du parlement du 9 août 1662 pour empêcher que les bacheliers en théologie, plus nombreux, ne monopolisent les postes.

24 Marie-Madeleine Compère, Boris Noguès, « Le chef d’établissement à l’époque moderne », Histoire de l’éducation, no 90, 2001, p. 21-78.

25 Pour un exemple de détaillé de carrière de professeur de philosophie (puis principal) devenu recteur, voir Liam Chambers, Michael Moore, c. 1639-1726, provost of Trinity, rector of Paris, Dublin, Four courts Press, 2005.

26 « Projet de changements différents qui doivent être proposés à faire dans les usages et estat de l’université », BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, fol. 297.

27 Ibid.

28 Boris Noguès, « Les professeurs de la faculté des arts de Paris et le jansénisme au XVIIIe siècle, un engagement en trompe-l'œil ? », Chroniques de Port Royal, no 55, 2005, p. 311-324.

29 Anonyme, Lettre d’un maître ès arts de Paris à un vicaire de province au sujet de l’adresse que M. le recteur a présentée à l’Assemblée nationale, Paris, 1790, p. 3, Bibliothèque de l’Arsenal, 8 H 9220, dossiers de l’abbé Grégoire.

30 Bibl. Arsenal, carton 10294, dossier « Faculté des arts », papier du 15 décembre 1738.

31 Sur les effectifs : Boris Noguès, Une archéologie du corps enseignant. Les professeurs de la faculté des arts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles (1598-1793), Paris, Belin, 2006, p. 23. Sur la notion de sodalité envisagée non comme association mais comme capacité à s’assembler, voir Jean Baechler, « Groupes et sociabilité », in Raymond Boudon (dir.), Traité de sociologie, Paris, Presses universitaires de France, 1992, chapitre 2.

32 Guillaume Garner, article « Corporation » in Jean-François Sirinelli, Claude Gauvard, Dictionnaire des historiens, Presses universitaires de France, 2015, p. 127-129.

33 La réduction de son périmètre d’intervention est rappelée par exemple dans un édit royal enregistré en parlement le 5 septembre 1661, cité aux archives de la bibliothèque de la Sorbonne, U20, pièce 13, p. 7. Le tribunal du recteur n’a plus alors à connaître que les différends « entre les particuliers de l’université, touchant l’ordre et la discipline d’icelle et exécution des statuts. ».

34 Serge Lusignan, La Construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), op. cit., p. 136.

35 Serge Lusignan, La Construction d’une identité universitaire en France (XIIIe-XVe siècle), op. cit., en particulier les chapitres 1 et 2 sur les rapports entre les universités le parlement de Paris (et celui de Poitiers).

36 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit.

37 Actes et autoritez du recteur assisté de son conseil, soit des doyens des Facultés et des procureurs des nations, soit des procureurs des nations seulement, Thiboust impr., 1744, BnF fonds Joly de Fleury, ms 608, fol. 3 et suiv. On pourrait citer comme exemple plus précoce de ces compilations, outre les travaux de Du Boulay, les Actes tirez des archives et registres de l’université de Paris pour justifier sa juridiction exercée par ses députés, 1651 contenu dans Partie des pièces et actes qui concernent l’état présent et ancien de l’université de Paris …, op. cit., fol. 711-734 du foliotage de l’exemplaire BnF R 8181.

38 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 123.

39 Augustin Théry, Histoire de l’éducation en France, Paris, Dezobry, 1858, p. 342. Voir aussi les Actes concernans le droit qu’ont les maistres, escholiers et officiers de l’université de Paris de plaider devant monsieur le Prevost de Paris, 1652, contenu dans Partie des pièces et actes qui concernent l’état présent et ancien de l’université de Paris op. cit., fol. 653-666 vo de l’exemplaire BnF R 8181.

40 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 125.

41 BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, fol. 297.

42 Au roy et à nosseigneurs de son conseil plaidoyer pour Jacques Rohault, régent de Beauvais menacé de destitution, 1684, BnF 24309, p. 3.

43 « Fait défenses à tous les suppôts de ladite université de se pourvoir ou faire poursuite ailleurs [que devant le recteur] pour raison de ce que dessus… » Actes et autoritez du recteur assité de son conseil, soit des doyens des Facultés et des procureurs des nations, soit des procureurs des nations seulement, Anonyme, Thiboust impr., 1744, BnF fonds Joly de Fleury, ms 608, p. 15. Autres décisions en ce sens en 1661, 1671.

44 Henri Ferté, Rollin, sa vie, ses œuvres et l’université de son temps, Paris, Hachette, 1902, p. 58.

45 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., pièces justificatives, p. 159-160.

46 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., pièces justificatives, p. 161.

47 Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., p. 354.

48 Pour documenter les conflits et ce qu’il reste de la juridiction du chancelier au XVIIe siècle (essentiellement des conflits autour de la collation des bourses et des principalités des petits collèges), voir le recueil de décisions judiciaires (qui lui sont favorables) composé par le chancelier de l’université : Jugement et arrests pour la jurisdiction du chancelier de l’Eglise et université de Paris touchant les principalitez, chapelles, bourses et régences des collèges, mœurs et discipline scholastique de ladite université et de tout ce qui en dépend, Paris, impr. Veuve de Gabriel Martin, 1692, BnF 4o Z Le Senne 886 (1).

49 Voir par exemple la contestation en 1614 par les facultés supérieures du choix du receveur de l’université (Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., p. 77, 79, 83, 89). Ce conflit apparaît également dans l’Examen de l'Abrégé de l'Histoire de l'Université dont le sous titre est : Pour les trois facultés supérieures contre les procureurs des nations de la faculté des arts, prétendant au droit de quadruple suffrage dans les assemblées de l'Université, publié en 1657. César Egasse Du Boulay s’en fait l’écho dans Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 108-109.

50 Onze affaires de ce type sont portées devant le parlement pendant cette période. Décompte partiel établi à partir de la chronologie fournie par Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris, op. cit. et du rappel systématique des conflits antérieurs qu’on trouve dans les factums produits par les différents camps.

51 BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705 « Projet de changements différents qui doivent être proposés à faire dans les usages et estat de l’université », [vers 1738], fol. 296 : « Mais comme les affaires des sciences supérieures ne se portent presque jamais à ce tribunal, les suppôts des quatre nations n’y portent aussy les causes que le moins qu’ils le peuvent ».

52 Voir entre autres le Mémoire touchant le différent meu entre les trois facultés, et les quatre nations de l’université de Paris, [1653], BnF 4-FM 24198 et pour le point de vue des facultés supérieures, le Discours sommaire pour l’université de Paris sur le différent des doyens, docteurs, suppôts des trois facultés supérieures, scavoir theologie, droict canon et medecine contre les injustes pretentions de la Faculté des arts inferieure et quatre procureurs des nations…, contenu dans Partie des pièces et actes qui concernent l’état présent et ancien de l’université de Paris …, op. cit., fol. 901-908.

53 Voir le factum manuscrit du 22 mai 1786 (BnF, fonds Joly de Fleury, ms 608, fol. 13), contestant un arrêt de parlement d’avril 1786 qui donne au recteur le droit de s’entourer de qui il veut pour la visite des collèges.

54 Des exemples de procès verbaux de visites sont publiés par Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris…, op. cit., pour les années 1653 (pièces 116 et 117), 1696 (pièce 145) et 1709 (pièce 154). D’autres exemples de visites de collèges sont conservés aux archives de la Sorbonne, carton 15, dossier 4.

55 Mémoire pour Louis Antoine de Noailles, …., signé Angran, impr. J. F. Knapen, [vers 1719], BnF FOL-FM-12328, p. 18.

56 Actes et autoritez du recteur assité de son conseil, soit des doyens des Facultés et des procureurs des nations, soit des procureurs des nations seulement, op. cit.

57 Charles Jourdain, Histoire de l'Université de Paris, op. cit., pièce justificative no 31, p. 34.

58 César Egasse Du Boulay, Remarques sur la dignité…, op. cit., p. 126.

59 BnF fonds Joly de Fleury, ms 608, fol. 16.

60 Dominique-François Rivard, Mémoire sur les élections fréquentes de M. le recteur, s.l., 1763, p. 11-12. La même idée d’un déficit d’autorité du tribunal est exprimée dans un mémoire anonyme, un peu antérieur, qui estime, pour assurer la discipline parmi les principaux et régents, que « Comme il faut des personnes choisies et bien instruites et zélées pour cela, on avait cru que un conseil de discipline donné au recteur et composé de personnes nommées par les nations, deux de chacune, de trois ans en trois ans était le meilleur moyen », BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, fol. 230.

61 Marie-Madeleine Compère, Du collège au lycée (1500-1850). Généalogie de l'enseignement secondaire français, Paris, Gallimard, 1985 et « Les Collèges de l'université de Paris au XVIe siècle : structures institutionnelles et fonctions éducatives », Atti del convegno di studi della commissione internazionale per la storia della Università, Siena-Bologna, 16-19 mai 1988, 1991, p. 101-118.

62 Statuts de 1600, Charles Jourdain, Histoire de l'Université de Paris, op. cit., pièce justificative no 1, p. 3-15.

63 Pierre Bourdieu, « Les rites comme actes d’institution », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 43, 1982, p. 58-63.

64 BnF, fonds Joly de Fleury, ms 1705, fol. 266-280 « Projet de changements différents qui doivent être proposés à faire dans les usages et estat de l’université », [vers 1738], fol. 278 : « Le choix des professeurs ». Gabriel Dabes, dans son Advis pour le bien et la conservation de l’Université (slnd, [milieu du XVIIe siècle], archives de la Sorbonne, U 44, pièce 4, p. 18-19) avance la même idée quant au poids du favoritisme ou des recommandations dans les nominations par les principaux.

65 Jean-Baptiste Crevier, Histoire de l’université de Paris, Paris, Desaint et Saillant, 1761, t. 4, p. 420-422.

66 Voir Au roy et à nosseigneurs de son conseil, plaidoyer pour Jacques Rohault, régent de Beauvais menacé de destitution, 1684, BnF 24309, et le Mémoire instructif concernant l’institution et destitution des regens de la faculté des arts, 1684, suite à l’appel du principal qui a perdu en parlement, archives de la Sorbonne, U 44, pièce 8.

67 Au roy et à nosseigneurs de son conseil, op. cit., p. 2-4. Le parlement intervient dans les affaires de l’université comme instance d’appel, mais fait aussi, pour ce collège et quelques autres, office d’administrateur, comme successeur désigné du fondateur (ce que l’on appelle alors supérieur du collège).

68 Decret de l’université de Paris contre la destitution arbitraire des professeurs, 29 août 1699, archives de la Sorbonne, U 44, pièce 12, Paris, Simon Langlois impr.

69 Ibid., p. 4.

70 Mémoire instructif concernant l’institution et destitution des regens…, op. cit., p. 6.

71 Mémoires pour le règlement de l’université, 1610, BnF, 8-Z LE SENNE-13266 (6), p. 8.

72 Boris Noguès, Une archéologie du corps enseignant, op. cit., p. 60-72.

73 Réponse de l’université de Paris contre le factum de 5 ou 6 principaux de ladite université, sl, 1667, signé Berlize, avocat, BnF 4-FM-24304, p. 1.

74 Archives de la Sorbonne, carton 15, dossier 13, pièce 94.

75 Recueil de toutes les délibérations importantes prises depuis 1763 par le bureau d’administration du collège Louis-le-Grand, Paris, Simon impr., 1781, p. 594.

76 Par arrêt du 5 septembre 1767 (Recueil de toutes les délibérations importantes prises depuis 1763…, op. cit., p. 91).

77 Règlement pour la bibliothèque de l’université, homologué par arrêt du 25 mai 1770, BnF, 4 Z LE SENNE 886 (14).

78 Extrait des registres du parlement du 28 juillet 1786, Paris, impr. Simon et Nyon, 1786, BnF 4 Z LE SENNE 886 (24), p. 2-3 : « Ladite nomination, audit cas, sera dévolue au tribunal ».

79 Ibid., p. 4 : « les receveurs, vices-receveurs continueront de payer tous les trois mois, aux principaux et professeurs les émoluments de leurs places toutes les fois qu’il n’y aura pas entre leurs mains d’empêchements résultat de décrets émanés du tribunal de l’université ».

80 Lettres patentes du 3 mai 1766 et règlement du 10 août 1766, publiés par Barthélemy-Gabriel Rolland d’Erceville, Recueil de plusieurs des ouvrages de Monsieur le président Rolland, Paris, impr. Simon et Nyon, 1783, lettres patentes p. 216-224, règlement p. 224-238. Voir en particulier les articles 8 et 9 des lettres patentes qui composent le jury (le recteur et six anciens professeurs de la faculté des arts) et l’article 9 qui fait du recteur le président du concours.

81 Ibid., p. 225, titre 2 du règlement, « des juges du concours ». art. 4.

82 Ibid., art. 6

83 Dominique Julia, « La naissance du corps professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, no 39, 1981, p. 71-86, en particulier p. 79-80 sur les oppositions au concours ; « Le choix des professeurs en France : vocation ou concours ? 1700-1850 », Paedagogica historica, vol. 30, 1994, no 1, p. 175-205 et « Les professeurs, l'Église et l'État après l'expulsion des Jésuites (1762-1789) », The Making of Frenchmen: Current Directions in the History of Education in France 1679-1979, Historical Reflections, vol. 7, no 2 et 3, 1980, p. 459-481.

84 Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens avis du Conseil d’Etat, t. 2, Paris, Guyot, 1834, p. 268.

85 Antoine Gayet de Sansale, Un mot à M. Pastoret, un rien à M. Gaudin, …, Paris, impr. Crapart, 1792, p. 17.

86 Les universités sont maintenues en 1791 (décret relatif à tous les corps et établissements d’instruction publiques. 14 et 26 septembre-12 octobre 1791 : « Article 1er- Tous les corps et établissements d’instruction et d’éducation publiques existant à présent dans le royaume continueront provisoirement d’exister sous leur régime actuel, et suivant les mêmes lois, statuts et règlements qui les gouvernent. ») et supprimées par le décret du 18 septembre 1793. Voir Arthur de Beauchamp, Recueil des lois et règlements de l’enseignement supérieur, Paris, Delalain, 1880 , t. 1, 1789-1847, p. 8 et 14.

87 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire. 1802-1914, Lyon, ENS éditions, p. 40-45 et p. 139-143.

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Pour citer cet article

Référence papier

Boris Noguès, « Le pouvoir des pairs : le tribunal de la faculté des arts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles »Histoire de l’éducation, 145 | 2016, 19-44.

Référence électronique

Boris Noguès, « Le pouvoir des pairs : le tribunal de la faculté des arts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles »Histoire de l’éducation [En ligne], 145 | 2016, mis en ligne le 30 juin 2019, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/3177 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.3177

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Auteur

Boris Noguès

LARHRA UMR 5190- École normale supérieure de Lyon

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