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Notes critiques

FITZGERALD (Tanya), SMITH (Elizabeth M.) (dir.), Women Educators, Leaders and Activists. Educational Lives and Networks, 1900-1960

New York, Palgrave MacMillan, 2014, 214 p.
Rebecca Rogers
p. 125-128
Référence(s) :

FITZGERALD (Tanya), SMITH (Elizabeth M.) (dir.), Women Educators, Leaders and Activists. Educational Lives and Networks, 1900-1960, New York, Palgrave MacMillan, 2014, 214 p.

Texte intégral

1Ce volume, né d’une conversation commencée lors du colloque annuel de la société australienne et néo-zélandaise d’histoire de l’éducation, offre un bel aperçu des travaux anglophones récents sur l’histoire des femmes enseignantes. Les coordinatrices, l’une spécialiste de l’Australie, l’autre du Canada, ont réuni des historien.ne.s travaillant sur divers espaces de l’Empire britannique (le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Angleterre, l’Irlande) et les États-Unis. Il y est question des trajectoires de femmes professionnelles du monde éducatif : religieuses enseignantes, pédagogues de la petite enfance, directrices d’établissements secondaires et enseignantes d’économie domestique à l’université. L’axe biographique privilégié s’appuie sur une tradition ancienne de l’histoire des femmes en pays anglo-saxons, enrichie ici par de nouvelles perspectives marquées par l’histoire du genre, l’histoire transnationale et la nouvelle histoire impériale. Outre l’introduction par les éditrices et le dernier chapitre conclusif par Deirdre Raftery, spécialiste des congrégations enseignantes, le livre se compose de sept chapitres qui font découvrir des femmes enseignantes et pédagogues, souvent pionnières dans leur pays ou dans leur domaine de spécialité. La période étudiée – la première moitié du XXe siècle – est celle où les femmes pénètrent dans les universités grâce au développement d’un enseignement secondaire féminin ; les femmes dont il est question ont ainsi bénéficié d’une instruction de qualité et, célibataires pour la plupart, cherchent une place de « professionnelle » dans le monde scolaire. Elles y arrivent, nous montrent les auteur.e.s, en grande partie grâce aux réseaux professionnels, scolaires ou amicaux qui les soutiennent ou qu’elles créent elles-mêmes, à l’instar de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités qui voit le jour en 1919.

2Les premiers chapitres montrent l’importance d’espaces féminins comme lieu d’éclosion des vocations et notamment l’univers des pensionnats féminins, tenus aussi bien par des religieuses que par des laïques. Deux chapitres synthétiques traitent des congrégations enseignantes et de leur rôle dans l’ouverture de nouvelles opportunités pour les femmes au Canada et en Irlande, à travers l’étude des Ursulines, des Dominicaines, des Sœurs de Saint-Joseph de Toronto et des sœurs de Loretto. Au Canada, E. Smyth analyse avec finesse comment des magazines littéraires (la Loretto Rainbow, 1892-1959 et Saint Joseph’s Lilies, 1912-1954) ou des associations d’anciennes élèves construisent des réseaux au-delà des études scolaires. Judith Harford pour sa part montre comment les sœurs religieuses ont participé à la création d’études universitaires pour les femmes catholiques en Irlande. Le milieu universitaire est le cadre du chapitre original de Tanya Fitzgerald sur les enseignantes des « sciences ménagères » à l’université de la Nouvelle-Zélande. L’étude des quatre premières femmes professeures de cette matière montre à quel point la création d’un tel enseignement universitaire a bénéficié de soutiens intellectuels et professionnels de la part d’Américaines ou d’Anglaises. L’obtention de bourses d’études (la Frances Mary Buss Memorial travelling scholarship, par exemple), ou les expériences de formation ou d’enseignement à l’étranger ont permis à ces quatre femmes de marquer de leur empreinte une discipline universitaire émergente. Certes, il s’agit d’une discipline marginale dans la hiérarchie universitaire, mais cette marginalité a ouvert la possibilité pour ces femmes de faire carrière et de doter ce nouveau champ de traditions qui leur étaient propres.

3Les quatre chapitres biographiques suivants s’appuient sur de riches fonds d’archives notamment en Nouvelle-Zélande, en Angleterre et aux États-Unis. Outre le cas de l’enseignante militante américaine Henrietta Rodman (Patricia A. Carter), très focalisé sur le débat autour du travail des enseignantes mariées à New York, il est question du rôle de l’Empire, voire même de l’idée de citoyenneté impériale, pour comprendre les parcours singuliers étudiés. Les voyages et les longs séjours loin du home jouent ici un rôle critique dans la construction des identités professionnelles. La pédagogue maorie Bessie (Wene) Te Wenerau Grace (1899-1944), étudiée par Kay Morris Matthews avec l’aide de Jonathan Mane-Weoki, est la première femme maorie à obtenir un diplôme universitaire. Née d’un père européen et d’une mère maorie, ce double héritage lui permet d’être scolarisée comme une Européenne et d’intégrer par la suite des études universitaires. Après un premier poste en Nouvelle-Zélande, elle trouve sa vocation en Angleterre où elle devient sœur Eudora au sein d’une communauté anglicane. Elle y enseigne, poursuit des études supérieures de langues, puis part au début de la guerre en Australie pour assumer la direction d’un autre établissement de femmes. Son parcours de vie nous est connu grâce aux témoignages oraux et à la récolte d’archives émanant des établissements où elle a travaillé.

4Le voyage est au cœur des chapitres stimulants portant sur Reta Oldham (1861-1934) et Mary Gutteridge (1887-1962). En s’intéressant au rôle de l’âge dans l’évolution des carrières, les auteures de ces deux chapitres (Joyce Goodman et Zoe Milsom pour le premier, Kay Whitehead pour le deuxième) montrent comment les contacts noués à l’étranger ou dans l’Empire britannique ont permis aux deux femmes d’œuvrer professionnellement bien au-delà de leur retraite officielle. Née en Irlande, Reta Oldham est directrice pendant vingt-cinq ans de la réputée Streatham Hill High School à Londres, membre puis présidente de l’association de Headmistresses, responsable du comité d’éducation de la Colonial Intelligence League for Educated Women. Oldham a marqué son époque par son engagement dans la promotion de l’Empire comme espace de travail pour les femmes éduquées. Elle transmettait sa vision d’une mission féminine de la citoyenneté mondiale à travers ses cours d’histoire et ses engagements multiples. Mary Gutteridge, pour sa part, a mené ce que K. Whitehead décrit comme une « carrière transnationale » dans le secteur de la jeune enfance. Née en Tasmanie, scolarisée à Melbourne, elle découvre ce secteur par un séjour à l’institut d’éducation Froebel à Londres. Lors d’un séjour en Europe pendant la Première Guerre mondiale, elle visite l’institut Jean-Jacques Rousseau à Genève et dirige en France pendant deux années une école maternelle pour enfants évacués, avant de s’engager dans la coordination et la promotion des kindergarten dépendant du Free Kindergarten Union en Australie. Véritable globe-trotteuse par la suite, elle bénéficie de bourses et de congés sabbatiques qui lui font découvrir tous les grands centres d’études sur la petite enfance en Europe et aux États-Unis. Grâce aux archives américaines de l’école Merrill Palmer à Detroit dans le Michigan (spécialisée dans la recherche sur le développement de l’enfant), l’auteure montre la densité des échanges internationaux qui nourrissent son engagement dans ce champ de l’éducation.

5Outre le caractère « exotique » des trajectoires étudiées dans ce volume, les lecteurs/lectrices français.e.s apprécieront l’apport méthodologique de ces études de cas qui montrent l’intérêt heuristique du tournant transnational et de l’étude des réseaux. L’attention portée aux espaces de vie rappelle aussi l’intérêt d’approches matérielles spatiales dans la compréhension de parcours individuels. Lors d’un séminaire à l’École française de Rome en 1985, Françoise Mayeur avait noté le besoin de développer des approches biographiques d’enseignantes françaises. Trente ans plus tard, son appel reste toujours d’actualité malgré quelques publications biographiques récentes. Espérons que ce volume saura stimuler des initiatives similaires en France pour faire découvrir la manière dont les enseignantes françaises ont profité de voyages et de réseaux pour promouvoir des carrières dans l’Empire sur lesquelles nous savons encore bien peu de choses.

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Pour citer cet article

Référence papier

Rebecca Rogers, « FITZGERALD (Tanya), SMITH (Elizabeth M.) (dir.), Women Educators, Leaders and Activists. Educational Lives and Networks, 1900-1960 »Histoire de l’éducation, 144 | 2015, 125-128.

Référence électronique

Rebecca Rogers, « FITZGERALD (Tanya), SMITH (Elizabeth M.) (dir.), Women Educators, Leaders and Activists. Educational Lives and Networks, 1900-1960 »Histoire de l’éducation [En ligne], 144 | 2015, mis en ligne le 31 décembre 2015, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/3095 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.3095

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Auteur

Rebecca Rogers

UMR 8070 Cerlis, université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité

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