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En quête du progressisme : l’évolution de l’historiographie américaine sur l’éducation progressiste aux États-Unis (1960-2013)

In Search of Progressivism: The Evolution of the Historiography of Progressive Education in the United States (1960-2013)
Sébastien-Akira Alix
p. 221-245

Résumés

L’éducation progressiste (1890-1957) est l’un des phénomènes qui ont suscité le plus d’intérêt et de débats dans le champ de l’histoire de l’éducation américaine. À cette époque, l’enseignement, notamment secondaire, se modifie pour prendre les formes et les caractéristiques que les Américains lui connaissent aujourd’hui. Cette modification a fait l’objet d’interprétations nombreuses, et souvent opposées, par les historiens de l’éducation américains. Le présent article examine l’évolution de cette historiographie sur l’éducation progressiste entre 1960 et 2013.

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Texte intégral

  • 1 William J. Reese, « American Education in the Twentieth Century: Progressive Legacies », Paedagogic (...)

1« Peu d’idées dans la pensée et la pratique pédagogiques ont engendré plus de passions et de débats que l’“éducation progressiste »1. Ce mot de l’historien William J. Reese résume tout à la fois la fascination que les historiens de l’éducation américains entretiennent de longue date pour la période progressiste et leur difficulté à l’appréhender conceptuellement. Depuis plus d’un demi-siècle, ils ne cessent de s’interroger et de débattre à propos de la définition du progressisme en éducation et de son influence sur les structures et les pratiques scolaires aux États-Unis. Le pays est d’ailleurs régulièrement le théâtre d’une lutte idéologique sur le sujet, dont la tonalité et la tournure ne sont pas sans rappeler la vivacité des disputes qui, en France, opposent rituellement « pédagogues » et « républicains ».

  • 2 Voir notamment : David L. Angus, Jeffrey E. Mirel, The Failed Promise of the American High School 1 (...)

2En effet, il existe aux États-Unis une tradition assez ancienne qui tend à considérer l’évolution de l’éducation américaine comme la résultante d’un lent processus de déliquescence de l’exigence académique. De nombreux intellectuels, historiens et éducateurs, tels Arthur Bestor dans les années 1950 ou Eric D. Hirsch et Diane Ravitch plus récemment, font du mouvement de l’éducation progressiste la source de tous les maux de l’école américaine contemporaine : les partisans de l’école progressiste de la première moitié du XXsiècle – John Dewey en tête –, en prônant une éducation centrée sur l’enfant en rupture avec les principes de l’éducation libérale du XIXe siècle, seraient à l’origine d’un affaiblissement des curricula et d’une baisse du niveau scolaire des jeunes Américains, baisse particulièrement perceptible dans l’enseignement secondaire. Dans cette affaire, les Colleges of Education sont présentés comme de véritables bastions d’idées progressistes qui ont joué un rôle déterminant non seulement dans la dissémination de principes anti-intellectualistes dans les écoles mais également dans la dilution de la formation académique des enseignants américains2.

  • 3 Voir notamment : Lawrence A. Cremin, « What Was Progressive Education, What Happened To It ? », Vit (...)

3Une seconde tradition insiste au contraire sur le rôle déterminant du mouvement de l’éducation progressiste dans la démocratisation de l’école américaine. Dans cette perspective, les idées progressistes sont conçues comme ayant contribué à une ouverture de l’école, à une modification des méthodes pédagogiques ainsi qu’à un enrichissement des programmes pour répondre aux besoins d’une nouvelle population scolaire comprise dans son hétérogénéité, notamment au niveau secondaire. Pour les tenants de cette seconde tradition, les attaques virulentes formulées à l’encontre du mouvement de l’éducation progressiste sont largement infondées : elles sont faites au nom d’un attachement à une conception conservatrice et élitiste de l’enseignement, et au prix d’importantes distorsions historiques ; elles ne tiennent compte ni de la pluralité du mouvement ni du fait que John Dewey s’opposait à la fois aux partisans de l’éducation progressiste et à ceux de l’éducation traditionnelle3. Aujourd’hui encore, l’éducation progressiste, avec ses défenseurs et ses accusateurs, est dans le débat public américain un sujet houleux.

4C’est dire si la période qui s’étend de 1890 à 1920, communément désignée sous le nom d’« Ère progressiste » (Progressive Era, marquée par un ensemble de politiques à caractère social, à distinguer du mouvement de l’éducation progressiste qui lui survit jusqu’à la fin des années 1950), constitue un moment charnière dans l’évolution de la société et de l’école états-uniennes. Le pays est alors la scène d’un vaste élan de réformes visant à mettre de l’ordre dans un état de choses déconcertant : de rurale, l’Amérique devient urbaine sous la pression de multiples facteurs tels que l’immigration, l’industrialisation et l’urbanisation. Dans le champ de l’éducation, l’explosion des effectifs de l’enseignement secondaire, l’hétérogénéité croissante de la population scolaire et l’importance du taux d’abandon et d’échec scolaires (dropout rate) sont perçus par les contemporains comme des maux résultant des mutations de la société et comme les signes d’une nécessaire réforme du système éducatif du pays. C’est ainsi qu’au tournant du siècle, un grand nombre de réformateurs, avec des positions politiques et idéologiques souvent opposées, s’assemblent et proposent de modifier les finalités, les méthodes, la gestion et l’administration de l’enseignement public en réponse à ces phénomènes. C’est le moment de l’élaboration de la pensée progressiste en éducation et celui de l’incorporation de ses principes à la base du système éducatif américain.

  • 4 À cet égard, dès 1955, l’historien Lawrence A. Cremin avait noté à propos du rapport Cardinal Princ (...)
  • 5 Sur ce point, il est d’usage dans l’historiographie américaine de considérer que la période de l’éc (...)
  • 6 Lawrence A. Cremin, « The Revolution in American Secondary Education, 1893-1918 », art. cit.
  • 7 John Dewey, The School and Society, 1899, in Jo Ann Boydston (éd.), The Middle Works of John Dewey, (...)

5À cet égard, le triomphe de la pensée progressiste dans l’éducation américaine se matérialise dans les faits par trois grands évènements : l’adoption par le Congrès des États-Unis de la loi Smith-Hughes sur l’enseignement professionnel national (Smith-Hughes National Vocational Education Act) de 1917 ; le rapport publié en 1918 par la Commission pour la réorganisation de l’enseignement secondaire intitulé « Principes cardinaux de l’enseignement secondaire » (Cardinal Principals of Secondary Education) qui peut être considéré comme l’acte fondateur des high schools modernes des États-Unis ; et la création en 1919 de la Progressive Education Association. Ces trois évènements majeurs, qui correspondent aux premières grandes réformes progressistes, consacrent une profonde transformation des principes de l’éducation américaine que les éducateurs progressistes qui suivront s’efforceront de mettre en œuvre4 jusque dans la seconde moitié des années 19505. En l’espace de quelques décennies, l’Ère progressiste et l’école progressiste qui en découle modifient ainsi radicalement les objectifs du système éducatif du pays : aux idéaux d’une culture scolaire mettant l’accent sur l’exigence académique, l’enseignement des disciplines et la magistralité tels que cristallisés dans le rapport du Committee of Ten de 1893 sont substitués ceux d’une éducation socialement efficace, centrée sur l’enfant, sur la nécessité de respecter son régime propre et de former les futurs citoyens pour la démocratie. Le système éducatif s’adapte donc à la société industrielle et démocratique moderne : l’enseignement, notamment secondaire, se modifie pour prendre les formes et les caractéristiques que les Américains lui connaissent aujourd’hui. Cette révolution6 pédagogique, que le philosophe John Dewey a pu qualifier de « copernicienne »7, inverse complètement les principes au fondement du projet éducatif américain.

  • 8 En langue anglaise, parmi les ouvrages et articles touchant à l’évolution de l’historiographie de l (...)
  • 9 En contexte américain, ce terme de « révisionniste » n’a pas de connotation politique : il désigne (...)

6Cette révolution, son origine, ses fondements ainsi que ses conséquences ont fait l’objet d’interprétations diverses, parfois opposées, de la part des historiens de l’éducation américains. Tiraillée entre une volonté d’affirmer l’existence d’un mouvement progressiste cohérent en éducation et un souci de mettre en lumière la diversité inhérente au mouvement lui-même, l’historiographie8 sur les réformes scolaires progressistes a connu d’importants changements. Ce débat s’est doublé, sous l’influence de l’œuvre d’historiens qu’il est d’usage de désigner sous le nom de « révisionnistes »9, d’un questionnement de fond sur la valeur de l’éducation progressiste et de son influence sur le système scolaire américain. L’objectif du présent article est de présenter les grandes lignes de l’évolution de l’historiographie américaine sur l’éducation progressiste aux États-Unis entre 1960 et 2013.

I. Le mouvement de l’éducation progressiste : entre idéal humanitaire et iniquité

7Pendant la première moitié du XXe siècle, l’histoire des transformations progressistes de l’enseignement américain est principalement présentée sous une perspective glorificatrice. Les historiens de l’éducation de l’époque, dont les plus célèbres sont Ellwood Cubberley et Paul Monroe, sont alors souvent des partisans actifs des réformes pédagogiques à l’œuvre et, partant, inclinent à les présenter comme des mouvements démocratiques. Ils conçoivent le développement de la scolarisation des jeunes Américains et l’institutionnalisation progressive des départements d’éducation comme une marque du progrès de la nation états-unienne, et comme un motif de fierté pour la corporation enseignante alors en voie de professionnalisation. D’où une tendance à l’exaltation du passé éducatif de la nation, conçu comme un lent acheminement vers le progrès. Les réformes du système éducatif et les transformations progressistes de l’enseignement américain sont ainsi souvent associées à la concrétisation des idées démocratiques, en lien avec le développement industriel, social et économique de la nation.

1. La première vague du révisionnisme : la nouvelle histoire de l’éducation

  • 10 Cette thématique d’une rupture quasi-totale entre une « histoire ancienne » et une « histoire nouve (...)
  • 11 Le mot est de David Tyack, The One-Best System: A History of American Urban Education, Cambridge, M (...)
  • 12 Bernard Baylin, Education in the Forming of American Society: Needs and Opportunities for Research, (...)

8À partir des années 1960, cette vision glorificatrice est remise en cause par une nouvelle génération d’historiens. Cette année-là, l’historien Bernard Bailyn, dans l’ouvrage Education in the Forming of American Society, plaide en faveur d’une nouvelle approche de l’histoire de l’éducation, à même de corriger deux des défauts majeurs qu’il identifie dans l’œuvre des historiens qui l’ont précédé. D’une part, Bailyn reproche à ce qu’il appelle l’« ancienne histoire »10, également désignée par les historiens révisionnistes comme une « house history triomphante »11 ou une « Whig history », son caractère trop exclusivement institutionnel et sa tendance corrélative à restreindre l’histoire de l’éducation à la seule histoire de l’école et de la scolarisation. D’autre part, considérant que les travaux d’historiens comme Cubberley ont un caractère évangélique, Bailyn les récuse, arguant du fait qu’ils se privent par là même d’une compréhension historique des phénomènes qu’ils prétendent étudier. Contre cette tendance, il propose d’appliquer à l’histoire de l’éducation les normes et les canons de l’histoire académique : l’histoire de l’éducation doit être reliée à l’histoire sociale et culturelle. Il s’agit pour Bailyn « de voir l’éducation dans ses relations complexes, élaborées avec le reste de la société »12, de sortir du carcan de l’histoire institutionnelle et de rejeter le présentisme corporatiste.

  • 13 John Rury, dans un article rédigé à l’occasion du trentième anniversaire de la publication de l’ouv (...)
  • 14 Cremin demeure aujourd’hui encore une référence de premier ordre dans le domaine de l’histoire de l (...)
  • 15 Voir Michael B. Katz, « The Metropolitan Experience in American Education », History of Education Q (...)
  • 16 Dans l’article déjà cité, John L. Rury affirme que la lecture de The Transformation of the School a (...)

9Si Bailyn dresse ainsi ce qu’on pourrait appeler le « cahier des charges » de la nouvelle histoire de l’éducation américaine des années 1960, c’est à l’historien Lawrence A. Cremin qu’est revenu le mérite de sa mise en œuvre. Son ouvrage majeur de 1961, The Transformation of the School, couronné par le prix Brancroft en histoire américaine l’année suivante, a connu un écho considérable, tant dans les départements américains d’éducation que dans ceux d’histoire13. La clarté et la simplicité du style de son auteur, mais aussi la stature de l’historien dans le champ14, ont contribué à faire que cet ouvrage devienne un classique incontournable dont l’influence s’est fait sentir sur plusieurs générations d’historiens, parmi lesquels on peut notamment citer Michael B. Katz15 ou John L. Rury16.

  • 17 Lawrence A. Cremin, The Transformation of the School: Progressivism in American Education, 1876-195 (...)

10Dans ce livre, Cremin défend la thèse forte selon laquelle l’ensemble des réformes de l’enseignement américain qui ont eu lieu entre 1876 et 1957 ont abouti à une transformation de l’école. Par là, il faut entendre un changement dans la conception de l’institution scolaire, de ce que pourraient et de ce que devraient être ses finalités essentielles. Cette « transformation », Cremin l’attribue à un mouvement de réforme pédagogique qu’il appelle « éducation progressiste », dont il considère qu’elle est « la phase éducative du progressisme américain au sens large », c’est-à-dire « une partie et une parcelle du programme plus large de réforme sociale et politique appelé Mouvement Progressiste »17.

  • 18 Ibid., p. VIII-IX, p. 306-308.

11S’il affirme dans sa préface l’impossibilité de donner une « définition succincte (capsule definition) de l’éducation progressiste » et s’il insiste sur le fait que « le mouvement fut marqué dès le départ par un caractère pluraliste, souvent contradictoire », Cremin considère néanmoins que l’éducation progressiste est un mouvement de réforme pédagogique cohérent, qui « trouve son origine […] dans un effort pour faire de l’école un levier fondamental de la régénération sociale et politique ». Le mouvement de l’éducation progressiste, en dépit de ses contradictions internes, apparaît ainsi comme le fruit d’une inspiration démocratique dont les réalisations ont laissé une empreinte globalement positive sur l’éducation américaine. Cremin mentionne par exemple l’élargissement de l’offre proposée aux jeunes Américains, l’ajustement de l’instruction aux différentes catégories d’enfants scolarisés, l’expansion d’activités extracurriculaires, le développement de jardins d’enfants (kindergartens), ou encore l’institutionnalisation et la professionnalisation des administrateurs scolaires et des enseignants18.

  • 19 William J. Reese, « In Search of American Progressives and Teachers », art. cit., p. 321.
  • 20 Jeffrey E. Mirel, « Progressive School Reform in Comparative Perspective », art. cit., p. 153.

12Comme l’explique l’historien William J. Reese, c’est à cet ouvrage de Cremin que revient le mérite d’avoir valorisé et remis au goût du jour l’étude du progressisme en éducation19. C’est à partir de son travail, et souvent contre certaines de ses affirmations, que les historiens qui suivirent développèrent leurs propres analyses du mouvement et de ses effets sur l’enseignement américain20. Dès 1962, l’historien Raymond E. Callahan publie un ouvrage, Education and the Cult of Efficiency, qui propose une interprétation plus critique des réformes progressistes de l’enseignement américain. Dans son livre, Callahan étudie l’influence exercée par les valeurs et les pratiques du monde des affaires, du commerce et de l’industrie sur les administrateurs scolaires entre 1900 et 1930. L’historien y insiste sur « l’ampleur, non seulement du pouvoir des groupes du monde de l’industrie et du commerce (business-industrial groups), mais aussi de la force de l’idéologie du monde des affaires dans la culture américaine, d’un côté, et de la faiblesse et la vulnérabilité extrême du monde enseignant (schoolmen), de l’autre ».

  • 21 Raymond E. Callahan, Education and the Cult of Efficiency: A Study of the Forces That Have Shaped t (...)

13Callahan met en lumière les conséquences néfastes de cette vulnérabilité du monde enseignant : l’enseignement américain a connu une détérioration sensible sous l’influence des méthodes du monde des affaires et de l’industrie, notamment inspirées du management scientifique de Frederick W. Taylor. En faisant leur le « culte de l’efficacité », en cherchant à maximiser la production tout en minimisant les coûts et en concevant l’école comme une usine, les administrateurs scolaires ont, selon Callahan, progressivement détourné l’école de ses fins éducatives et l’ont ainsi affaiblie. D’après l’historien, ces administrateurs et leurs méthodes ont été des « forces plus puissantes que l’“éducation progressiste” dans la remise en cause de l’atmosphère intellectuelle des écoles américaines »21. Callahan révèle ainsi ce qu’il considère comme l’échec du progressisme américain au sens où Cremin l’entendait, qui se retrouve comme happé et subjugué par l’idéologie du monde des affaires et de l’économie capitaliste naissante du tournant du XIXe et du XXe siècle aux États-Unis.

  • 22 Edward A. Krug, The Shaping of the American High School, 1880-1920, Madison, University of Wisconsi (...)

14Dans son livre, Callahan ouvre ainsi une large fenêtre sur un aspect du progressisme que Cremin n’avait mentionné qu’en passant dans son ouvrage. Avec l’emploi du terme « efficacité », l’historien offre alors un prisme d’analyse pour l’étude des transformations progressistes de l’enseignement américain sur lequel les historiens n’ont pas hésité à s’appuyer par la suite. C’est Edward A. Krug qui, le premier, a thématisé son usage au point d’en faire une doctrine et une grille d’interprétation historiographique à part entière : l’« efficacité sociale » (social efficiency). Dans un ouvrage majeur, The Shaping of the American High School, Krug essaie de rendre compte de la diversité, de la pluralité de cet ensemble auquel renvoie la notion d’« éducation progressiste » en identifiant différentes tendances en son sein. C’est dans ce but qu’il mobilise la notion d’« efficacité sociale » entendue comme une idéologie distincte et cohérente de réforme de l’enseignement. Pour Krug, la période qui s’étend de 1880 à 1920 est « un âge de critiques dirigées à l’encontre de l’ordre établi ». Ces critiques, l’historien considère qu’elles proviennent, dans leur majorité, « des partisans de l’efficacité sociale plutôt que de ceux qui ont pu être associés à l’interprétation conventionnelle de l’éducation progressiste comme liberté de l’enfant »22.

  • 23 Krug affirme : « Dans l’ensemble, le mouvement [en faveur de l’idée selon laquelle l’école devrait (...)
  • 24 Le titre du chapitre onze de l’ouvrage est significatif : « L’efficacité sociale triomphante » (Soc (...)
  • 25 Ibid., p. 276, 387.
  • 26 William G. Wraga, « A Progressive Legacy Squandered: The “Cardinal Principles” Report Reconsidered  (...)

15Krug souligne ainsi le contraste entre deux types de réformateurs : d’un côté, il y a ceux qui, comme John Dewey et Samuel T. Dutton, considéraient que l’école devait être une « instance de service social » (agency of social service) ; de l’autre, il y a les réformateurs en faveur de l’efficacité sociale qui, à l’instar d’Albion Small, David Snedden ou Clarence Kingsley, entendaient en faire « une instance de contrôle social » (agency of social control). S’il note à juste titre que l’idéologie des premiers impliquait également une forme de contrôle social (il s’agissait bien pour eux aussi de produire par l’école une société d’un certain type), Krug insiste sur la différence « d’esprit et d’accent » qui existait entre eux et les seconds. Et l’historien de conclure à la défaite de cette tendance qu’on pourrait qualifier de libérale23 et à la victoire du camp de l’efficacité sociale24. Krug va d’ailleurs jusqu’à affirmer, non sans quelque paradoxe, qu’« en fin de compte, l’efficacité sociale a tout conquis » (in the end, social efficiency conquered all). Dans cette perspective, l’historien soutient que, sous l’action de réformateurs comme Snedden et Kingsley, l’idéologie de l’efficacité sociale a exercé une influence déterminante sur le rapport Cardinal Principles of Secondary Education de 1918. Selon lui, la vision de la société mise en avant dans le rapport n’est autre que « la démocratie telle que l’âge de l’efficacité sociale la concevait »25. Cette thèse forte a connu dans l’historiographie de l’éducation américaine une postérité sans précédent, notamment sous l’influence d’un courant historiographique que les historiens américains de l’éducation appellent la seconde vague du révisionnisme ou « révisionnisme radical ». Si bien qu’elle a pu être considérée comme un véritable « article de foi parmi les historiens de l’éducation et du curriculum » depuis la publication de l’ouvrage26.

2. La seconde vague du révisionnisme : le révisionnisme « radical »

  • 27 Dans cette littérature, on peut notamment citer : Michael B. Katz, The Irony of Early School Reform (...)

16À la fin des années 1960, les États-Unis, comme d’autres pays occidentaux tels la France, connaissent une période de contestations sociales dont l’ampleur est considérable. Des voix s’élèvent alors en faveur de la reconnaissance de parties de la population américaine, tels les Africains-Américains ou les femmes, qui avaient connu une marginalisation certaine. C’est dans ce contexte de montée de la nouvelle gauche américaine (New Left) qu’une nouvelle génération d’historiens propose une interprétation radicalement critique du mouvement de l’éducation progressiste. Aux yeux de ces « révisionnistes radicaux », parmi lesquels on peut citer Michael Katz, Clarence Karier, Paul Violas, Joel Spring, Samuel Bowles, Herbert Gintis ou encore David Nasaw27, les historiens précédents n’étaient pas allés assez loin : Cremin, Callahan et Krug, tout en pointant un certain nombre de difficultés et de problèmes importants dans l’histoire de l’enseignement public, ne remettaient jamais en cause la valeur même du projet à l’origine du développement de l’institution scolaire américaine. C’est précisément ce présupposé que ces jeunes historiens rejettent et fustigent. Dans leurs travaux, ils défendent la thèse radicale, d’où l’épithète, selon laquelle l’institution scolaire fut imposée par des élites libérales dont le but était de faire prévaloir leurs intérêts de classe aux différentes minorités, notamment aux immigrants, aux femmes, aux Africains-Américains et aux membres des classes ouvrière et populaire. L’école américaine, loin d’avoir une vocation démocratique et méritocratique, est conçue comme une institution destinée à asseoir les intérêts de classe ainsi qu’à entériner la domination des élites et de la classe moyenne supérieure sur ces franges marginalisées de la société américaine.

  • 28 À cet égard, Joel Spring écrit : « Les écoles publiques du vingtième siècle furent organisées pour (...)
  • 29 David Tyack, dans The One Best System, étudie « la révolution organisationnelle » qui a eu lieu dan (...)
  • 30 Lawrence A. Cremin, The Transformation, op. cit., p. VIII.
  • 31 Michael B. Katz, Class, Bureaucracy, and Schools, op. cit., p. 122-123.
  • 32 Joel Spring, The American School, 1642-1990, New York, Longman, 1990, p. 205.

17Les historiens « révisionnistes radicaux » proposent ainsi une analyse complètement différente de celle défendue par ceux qui les ont précédés : le système d’enseignement public américain a été principalement créé en vue de reproduire l’ordre social existant28 ; l’organisation hiérarchique et bureaucratique de l’école a été avant tout conçue dans le but d’empêcher, voire même de prévenir, la réussite des enfants issus de la classe ouvrière29. Loin d’« appliquer la promesse de la vie américaine […] à la nouvelle civilisation urbaine-industrielle déconcertante qui apparut durant la seconde moitié du XIXe siècle »30, le progressisme en éducation et les réformes éducatives qui lui sont attachées « opérèrent comme des mécanismes de tri social (social sorting mechanisms) qui soutenaient les structures et les inégalités sociales existantes »31. Sous ce prisme néo-marxiste, Joel Spring a ainsi pu présenter le rapport Cardinal Principles comme une traduction de « la forte influence de la rhétorique de l’efficacité sociale » et comme une tentative « de façonner la high school pour répondre aux besoins de l’État corporatif moderne »32.

  • 33 Robert H. Wiebe, The Search for Order, New York, Hill and Wang, 1967, p. 151-152.
  • 34 Clarence J. Karier, « Liberalism and the Question for Orderly Change », History of Education Quarte (...)

18Par là même, les historiens « révisionnistes radicaux » affirment l’existence, comme Cremin, d’un mouvement progressiste cohérent en éducation mais lui donnent un sens radicalement différent, celui de l’« efficacité sociale » qu’ils associent étroitement à l’idée de contrôle social, et dont les effets sur l’enseignement américain ont été essentiellement néfastes. Par exemple, l’historien Robert Wiebe affirme que « la pensée bureaucratique et le pragmatisme ne se rencontrèrent qu’après que John Dewey l’ait transformé en une théorie qui faisait des individus la matière plastique (plastic stuff) de la société »33. Dans le même sens, Clarence Karier affilie la pensée de Dewey aux théories de l’efficacité et du contrôle social : « l’expérimentation de Dewey en éducation, comme l’essentiel de l’éducation progressiste au vingtième siècle, peuvent être conçus comme conservateurs. La philosophie libérale que Dewey développa durant ses années à Chicago (1894-1904) fut réellement le centre idéologique pour une grande partie de la tradition progressiste dans l’éducation américaine »34. De telles affirmations consacrent un important glissement dans l’historiographie américaine de l’éducation.

  • 35 Jeffrey E. Mirel, « Progressive School Reform in Comparative Perspective », art. cit., p. 155-156.
  • 36 Il est difficile aujourd’hui d’imaginer l’impact qu’ont eu les travaux de ces historiens « révision (...)
  • 37 Voir notamment William A. Musrakin, « The Social-Control Theory in American History: A Critique », (...)

19En l’espace de quelques années, on aboutit à une espèce de renversement de la perspective sur l’éducation progressiste : de démocratique, le mouvement était devenu inique, reflétant l’idéologie de l’efficacité et du contrôle social d’une classe dominante. Si, comme l’explique l’historien Jeffrey Mirel, « la grande vertu de l’interprétation révisionniste [radicale] est sa cohérence, enracinée dans un postulat de conflit de classes comme étant la force motrice de l’histoire des États-Unis »35, cette interprétation fait néanmoins l’objet de débats importants et houleux au sein de la discipline historique, comme en dehors36. Nombre d’historiens pointent alors les incohérences des travaux des « révisionnistes radicaux »37. Ils soulignent en particulier leur tendance à déformer les sources pour les conformer à leur postulat initial ainsi que leur méconnaissance des évolutions de l’historiographie politique américaine sur le mouvement progressiste aux États-Unis.

3. L’apport de l’historiographie politique américaine

  • 38 John D. Buenker, « The Progressive Era : A Search for Synthesis », Mid-America, n° 51, 1969, p. 178

20En effet, s’ils inversent la perspective proposée antérieurement du mouvement progressiste en éducation, les historiens « révisionnistes radicaux » ne remettent pas en cause l’existence dudit mouvement : tout se passe comme si l’ensemble des réformes menées à cette époque pouvait être attribué à un mouvement clairement identifiable, l’éducation progressiste. Ce faisant, ils ignorent les controverses historiographiques qui avaient lieu autour de la définition du mouvement progressiste dans le champ de l’histoire politique américaine. Dès 1969, l’historien John D. Buenker défendait la thèse selon laquelle on ne pouvait attribuer les législations qualifiées de « progressistes » entre 1890 et 1920 à un seul mouvement progressiste. Selon lui, il y avait en fait plusieurs mouvements, chacun avec ses objectifs propres, parfois contradictoires38.

  • 39 Filene définit le terme mouvement de la manière suivante : « les membres d’un mouvement s’associent (...)
  • 40 Ibid., p. 27, 33 et 34.

21Un an plus tard, dans un article au titre révélateur, « Une nécrologie du mouvement progressiste », l’historien Peter Filene va plus loin : il met en lumière l’inconséquence de l’emploi par les historiens du terme « mouvement progressiste » dans l’analyse historique des évolutions politiques pendant la période 1890-1920. Partant d’une définition sociologique restrictive du terme « mouvement »39, Filene démontre que les réformateurs progressistes n’adhéraient pas à une doctrine cohérente et consistante : ils n’avaient ni objectifs clairement définis, ni fins communes nettement arrêtées et s’opposaient souvent les uns aux autres sur une politique donnée ; le progressisme ne faisait l’unanimité ni « à un niveau philosophique ni à un niveau programmatique ». D’où le rejet par Filene de l’idée d’un « mouvement progressiste ». À ce prisme d’analyse, il substitue celui de « coalitions changeantes autour de différentes questions » plus à même, selon lui, d’appréhender la complexité et l’ambiguïté de la période considérée. L’historien conclut son article en affirmant que « le cadre de référence “progressiste” » (“progressive” frame of reference), en raison de « ses connotations erronées et déroutantes, doit être mis de côté »40.

  • 41 Daniel T. Rodgers, « In Search of Progressivism », Reviews in American History, vol. 10, n° 4, déce (...)

22Dans la même veine, l’historien Daniel T. Rodgers propose une analyse originale de la notion de « progressisme ». Partant du constat de l’échec des tentatives de l’historiographie pour produire une définition positive du mouvement progressiste, il affirme que le progressisme ne peut être défini par une « liste stable de valeurs progressistes centrales (core progressive values) ». Pour autant, Rodgers considère que ceux (les réformateurs et les groupes d’intérêt) qu’il est d’usage de qualifier de « progressistes » avaient en commun « une capacité à s’appuyer sur trois groupes distincts d’idées – trois langages sociaux distincts – pour articuler leurs mécontentements et leurs visions sociales ». Si, pour Rodgers, ces « trois langages sociaux » ne forment pas à eux seuls « une idéologie cohérente que nous pouvons appeler “progressisme” », ils constituent ce qu’il appelle une « colle idéationnelle » (ideational glue). C’est à partir de ces langages, porteurs de nombreuses « contradictions mutuelles », que des réformateurs progressistes aux idéologies divergentes ont pu « lancer leurs croisades, recruter leurs partisans et réaliser leur œuvre ». Pour Rodgers, ces trois langages ne sont autres que 1) la rhétorique de l’antimonopolisme ; 2) « une insistance sur les liens sociaux et la nature sociale des êtres humains » ; 3) le « langage de l’efficacité sociale »41. Ainsi, c’est l’existence même d’un mouvement progressiste, ou du progressisme américain en général, qui apparaît alors problématique.

II. L’éducation progressiste : un mouvement pluriel ?

23Très tôt conscients de l’hétérogénéité du mouvement, les historiens de l’éducation ont cherché à faire ressortir le caractère contradictoire et antagonique de l’éducation progressiste, sans pour autant renoncer à l’idée d’un mouvement progressiste. En effet, bon nombre d’historiens reconnaissent l’utilité de notions telles que l’efficacité et le contrôle social pour aborder l’histoire de l’éducation ; mais ils refusent la perspective des révisionnistes radicaux. De nouvelles histoires sont alors écrites qui proposent une analyse historique nouvelle des différents mouvements – et de leur relation – qui composent l’éducation progressiste. Dans cette perspective « post-révisionniste », les historiens insistent ainsi davantage sur la diversité de la catégorie de « réformateurs progressistes ».

1.  Une perspective post-révisionniste : les dissensions intestines

  • 42 Comme l’explique Tyack : « Le “progressisme” en éducation est une étiquette qui a été largement acc (...)
  • 43 Tyack parle d’une « success-story » des « progressistes administratifs ». Ibid., p. 182-198.
  • 44 Tyack écrit à cet égard la chose suivante : « Bien que leurs écrits soient fascinants à lire, les l (...)

24Renouant avec la perspective proposée par Krug une décennie auparavant, l’historiographie a établi un certain nombre de distinctions entre plusieurs types de réformateurs. La plus célèbre d’entre elles est proposée par David Tyack dans son ouvrage, The One Best-System, paru en 1974. Tyack y distingue deux catégories de réformateurs progressistes : d’un côté, il y a les « progressistes administratifs » (administrative progressives) et de l’autre les « progressistes pédagogues » (pedagogical progressives)42. L’histoire de l’éducation progressiste, selon Tyack, est celle du triomphe des premiers sur les seconds43 ; les « progressistes pédagogues » n’ayant eu, en dernière analyse, que très peu d’influence sur l’éducation44. En effet, d’après Tyack, les « progressistes administratifs » sont des réformateurs élitistes, le plus souvent scientistes, imprégnés de l’idéologie de l’efficacité et du contrôle social, dont l’objectif est de rompre avec la tradition de décentralisation de l’éducation américaine en instaurant un système éducatif centralisé, différencié et contrôlé d’en haut par des spécialistes de l’éducation – c’est l’idée fameuse du « top-down system ». Les « progressistes pédagogues », quant à eux, font partie d’une « petite aile libertaire du progressisme éducatif », plus idéaliste. Ils entendent rompre avec les pratiques scolaires établies et désirent centrer l’éducation sur l’enfant. C’est dans cette aile qu’on retrouve des individualités marquantes de l’histoire de l’éducation comme John Dewey ou William H. Kilpatrick.

  • 45 H. M. Kliebard, The Struggle, op. cit., p. 23 et p. 24-25.

25Dans le prolongement des travaux de Tyack, nombre d’historiens se sont efforcés de comprendre les transformations de l’enseignement américain à partir de cette distinction entre différents groupes de réformateurs, qui constituent autant d’ailes ou de tendances à l’intérieur d’un mouvement plus vaste. Dans ce sens, l’historien du curriculum Herbert Kliebard, dans un ouvrage classique intitulé The Struggle for the American Curriculum paru en 1986, conçoit l’histoire du programme scolaire américain comme une histoire conflictuelle qui serait le fruit d’une lutte, d’une bataille entre quatre groupes de réformateurs :
1) les « humanistes, les gardiens d’une ancienne tradition attachée au pouvoir de la raison et aux éléments les plus raffinés de l’héritage culturel occidental » ;
2) les « développementalistes », partisans du mouvement en faveur de l’étude scientifique de l’enfant (child study movement) qui « poursuivaient avec un grand dévouement leur intuition selon laquelle l’énigme du programme scolaire pouvait être résolue par l’accumulation toujours accrue de données scientifiques précises, non seulement quant aux différents stades de développement de l’enfant et de l’adolescent, mais également à propos de la nature de l’apprentissage » ;
3) les « éducateurs partisans de l’efficacité sociale » (social efficiency educators) dont la priorité résidait dans l’organisation et la mise en place d’une société ordonnée et efficace sur la base des techniques standardisées issues du monde de l’industrie ;
4) les « mélioristes sociaux » qui concevaient « les écoles comme une force majeure, peut-être même la principale, en faveur du changement social et de la justice sociale45 ».

  • 46 Ibid., p. 25.
  • 47 Ibid., p. 287, p. XIX. Kliebard explique les raisons qui président à son rejet de la notion d’éduca (...)

26Pour l’historien, le vingtième siècle fut l’arène au sein de laquelle ces quatre « groupes d’intérêt » s’affrontèrent en vue d’imposer leurs idées sur les écoles et le programme scolaire américains. Le résultat en fut « un compromis bancal, largement inarticulé et peu ordonné » entre toutes les parties en présence46. Dans le sillage des travaux de Filene, Kliebard insiste sur le fait qu’il a « soigneusement cherché à éviter toute référence directe à une quelconque éducation progressiste », expression qu’il considère comme « non seulement vide, mais trompeuse »47. Non sans quelque paradoxe, l’historien propose néanmoins une définition de la notion dans une postface publiée en 1995 à l’occasion de la seconde édition de son livre : comme le progressisme au sens large, « l’éducation progressiste devient une réaction à l’encontre des structures et des pratiques traditionnelles, mais comportant l’émergence de multiples positions idéologiques et programmes de réformes ».

  • 48 Cette thèse, Kliebard la défend au chapitre cinq de son livre, dans une sous-partie au titre révéla (...)
  • 49 David F. Labaree, « How Dewey Lost: The Victory of David Snedden and Social Efficiency in the Refor (...)

27Par là, tout comme Tyack, Kliebard renonce à une définition positive de l’éducation progressiste, cette dernière étant conçue comme un ensemble englobant différents sous-groupes en opposition les uns avec les autres en vue de l’obtention du contrôle de l’éducation américaine. La tâche consiste désormais à déterminer qui de tel ou tel groupe d’intérêt, ou sous-groupe, a exercé l’impact le plus important sur l’enseignement américain au cours de la période considérée. C’est d’ailleurs ce que Kliebard n’hésite pas à faire dans un autre ouvrage publié en 1999, Schooled to Work. Dans ce livre consacré à l’influence des idées du monde du travail, de l’industrie et de l’efficacité sociale sur les curricula américains, Kliebard considère que les réformateurs en faveur de l’efficacité et du contrôle social tels David Snedden et Clarence Kingsley l’ont emporté et que c’est leur vision de la démocratie et de la société que reflète le rapport Cardinal Principles48. Plus récemment, l’historien David Labaree défend des idées semblables, considérant que Snedden l’a emporté et que Dewey a perdu. Pour Labaree, les « progressistes administratifs » ont su imposer leurs idéaux aux écoles américaines, là où les « progressistes pédagogues » en ont été incapables ; l’historien va même jusqu’à affirmer que les Américains « se sont retrouvés avec un système scolaire qui reflétait les éléments principaux du programme de l’efficacité sociale »49.

  • 50 Voir notamment David K. Cohen, « A Revolution in One Classroom: The Case of Mrs. Oublier », Educati (...)
  • 51 David B. Tyack, The One-Best System, op. cit., p. 197.
  • 52 Larry Cuban, How Teachers Taught, op. cit. ; Arthur Zilversmit, Changing Schools, op. cit.

28Si certains historiens se sont ainsi focalisés sur la victoire du progressisme administratif, d’autres ont souligné le caractère limité de l’impact des progressistes pédagogues sur les pratiques scolaires50. Dès 1974, Tyack avait insisté sur la difficulté pour les idées des « progressistes pédagogues » de s’imposer dans les pratiques scolaires : « changer un large système scolaire urbain était plus difficile pour les idées d’éducation démocratique de Dewey qui réclamaient une autonomie substantielle de la part des enseignants et des enfants – une autonomie qui […] faisait généralement défaut aux enseignants »51. Des historiens comme Larry Cuban ou Arthur Zilversmit aboutissent à de semblables conclusions à partir d’analyses historiques de l’évolution des pratiques scolaires dans certaines villes américaines : en dépit des nombreuses tentatives de réformes, l’école américaine, dans l’ensemble, est demeurée centrée sur le maître ; les disciplines scolaires sont restées le centre de l’activité enseignante ; et des contrôles fréquents des connaissances continuent à servir de base pour vérifier que le programme est bien assimilé par les élèves52.

  • 53 Jeffrey E. Mirel, op. cit., p. 157.

29Ainsi, les pratiques scolaires, mais également l’ensemble des réalisations progressistes sont conçues comme l’imposition du programme des « progressistes administratifs ». Comme le souligne Jeffrey Mirel, l’avantage de cette approche est qu’elle permet à l’historien « d’appréhender l’éducation progressiste sous l’angle de la complexité du mouvement tout en identifiant la direction générale des réformes »53 de l’enseignement américain. En revanche, sa faiblesse réside dans le postulat suivant lequel ces réformes scolaires sont faites par le haut, qu’elles sont formulées par un certain nombre de décideurs appartenant à un groupe donné qui, en dernière analyse, impose sa vision des finalités et des objectifs de l’enseignement. Cette perspective est problématique dans un contexte décentralisé comme celui des États-Unis où le rôle joué par les acteurs locaux est considérable.

2. L’apport de l’histoire sociale « par le bas »

  • 54 William J. Reese, Power and the Promise of School Reform: Grass-Roots Movements During the Progress (...)

30C’est l’apport de nombre de travaux d’histoire sociale que d’avoir remis en cause la validité de cette approche. Dans un ouvrage consacré à l’étude des mouvements de réformes progressistes dans quatre villes des États-Unis (Rochester, dans l’État de New York ; Toledo, dans l’Ohio ; Milwaukee, dans le Wisconsin ; et Kansas City, dans le Missouri), l’historien William J. Reese fait ressortir l’inadéquation de ces interprétations avec la réalité des réformes locales  : « Étant donné la nature éclectique de l’idéologie réformatrice du début des années 1900, toute tentative pour appréhender l’essence de la réforme scolaire doit […] abandonner les théories analytiques telles que l’imposition et le contrôle social, en dépit de leur popularité auprès de certains historiens ». Pour l’historien, l’institution scolaire n’a pas docilement subi les réformes de tel ou tel groupe d’individus imposant leurs idées par le haut, mais a fait l’objet de luttes considérables au niveau local. Il considère en effet que les écoles urbaines ont été « un terrain contesté » (contested terrain). À ses yeux, « les débats étaient concentrés autour de la question de savoir quelles valeurs prédomineraient dans l’école du quartier (neighborhood school), et non autour de celle de savoir si l’imposition et le contrôle auraient lieu »54.

  • 55 Ibid., p. XXI-XXIII.

31Dans son étude, l’historien fait voler en éclats les distinctions entre « progressistes administratifs » et « progressistes pédagogues ». En s’intéressant à l’institution scolaire au niveau local, William J. Reese démontre que l’innovation scolaire est « un processus dynamique, interactif » impliquant des groupes locaux divers tels que « les organisations de femmes, les associations de parents, les syndicats de travailleurs, les évangélistes sociaux, et les partis [politiques] populistes et socialistes ». Ces acteurs locaux, loin d’accepter passivement les réformes bureaucratiques et centralisatrices proposées par des élites professionnelles, s’y opposent en fait très souvent. Le résultat de ces luttes étant des coalitions changeantes et variées entre des réformateurs très différents les uns des autres autour de réformes spécifiques : « les réformateurs du tournant du siècle qui avaient des perspectives politiques et idéologiques diamétralement opposées – tels que les socialistes et les experts capitalistes partisans de l’efficacité sociale – soutinrent souvent la même innovation »55.

  • 56 Larry Cuban, How Teachers Taught, op. cit., p. 70 et p. 136.

32Dans le même sens, l’historien Larry Cuban a souligné la manière dont les idées des « progressistes administratifs » et des « progressistes pédagogues » pouvaient aller de pair dans les systèmes scolaires de certaines villes américaines. À Denver, dans l’État du Colorado, Cuban met en lumière la manière dont deux surintendants des écoles, Jesse Newlon et A. L. Threkeld, qui « croyaient dans la doctrine progressiste de l’efficacité sociale et du management scientifique, […] mélangèrent le progressisme administratif avec des idées clairement pédagogiques sur le rôle crucial de l’enseignant dans la prise de décision en matière d’instruction et de programme ainsi que sur l’importance d’avoir des écoles flexibles, centrées sur les activités qui liaient la vie quotidienne à ce que les élèves apprenaient ». Cuban démontre ainsi que, dans les faits, loin d’être antagoniques, les idées des deux groupes pouvaient travailler de concert. Il va même jusqu’à affirmer que les idées des « progressistes pédagogues » ont effectivement pénétré les salles de classe des districts scolaires au sein desquels les « administrateurs donnèrent leur accord officiel » à cet effet, « construisirent une machinerie organisationnelle pour les mettre en place, et persistèrent dans leur mise en œuvre »56.

  • 57 David A. Gamson, « District Progressivism: Rethinking Reform in Urban School Systems, 1900-1928 » P (...)

33Plus récemment, l’historien David A. Gamson propose une analyse de « la notion d’éducation progressiste telle qu’elle était comprise et exprimée par les acteurs de trois districts scolaires » de villes de taille moyenne (Seattle dans l’État de Washington ; Oakland en Californie ; et Denver dans le Colorado) réputées être progressistes entre 1900 et 1930. À partir de ces études de cas, Gamson démontre que « les praticiens locaux étaient relativement hermétiques aux différences que nous [les historiens] voyons entre les diverses philosophies progressistes ». D’après lui, ces « progressistes locaux » ou « de district » (district progressives) considéraient les réformes qui avaient lieu à l’époque comme compatibles : ils les concevaient comme faisant partie intégrante d’un mouvement en faveur de l’éducation progressiste en rupture « avec les conceptions plus anciennes de l’éducation du dix-neuvième siècle ». Ils ne se souciaient donc pas de ce qui leur semblait être « des différences mineures à l’intérieur de ce mouvement ». Pour Gamson, les distinctions établies par les historiens pour différencier différentes tendances au sein du mouvement de l’éducation progressiste doivent être nuancées et critiquées afin d’éviter qu’elles ne fassent obstacle à une compréhension des réformes et des acteurs sur le terrain, au niveau local57.

  • 58 William G. Wraga, « A Progressive Legacy Squandered », art. cit., p. 511 et 519.

34Sur un tout autre plan, mais dans la même perspective, l’historien William G. Wraga a critiqué l’interprétation selon laquelle le rapport Cardinal Principles of Secondary Education serait le reflet des seules idées des « progressistes administratifs ». À partir d’un travail d’archives sur les travaux de la commission, il démontre que l’historiographie a faussement attribué le rapport à Kingsley et a méconnu le rôle considérable joué par les idées de John Dewey sur ce rapport, au point qu’il parle d’un « héritage progressiste dilapidé ». Il affirme ainsi qu’il convient de considérer « le rapport Cardinal Principles comme une réalisation progressiste deweyenne ». L’historien dénonce par ailleurs l’usage abusif « de la thèse de l’efficacité sociale et du contrôle social dans la compréhension de l’éducation américaine du début du vingtième siècle »58.

  • 59 Thomas D. Fallace et Victoria Fantozzi, « Was There Really a Social Efficiency Doctrine ? The Uses (...)

35Cette mobilisation abusive par l’historiographie du schème interprétatif de l’efficacité sociale a récemment été dénoncée par les historiens Thomas D. Fallace et Victoria Fantozzi. Ces derniers voient dans cette doctrine une perspective historiographique constitutivement floue et ambiguë car jamais précisément définie par les historiens, de sorte qu’ils considèrent que ladite doctrine a été utilisée comme un « accordéon historiographique qui pouvait être déployé pour englober le mouvement de l’éducation progressiste ou qui pouvait être comprimé pour ne se référer qu’aux idées particulières sur le curriculum défendues par Snedden, Charters et Bobbitt ». Cette mobilisation problématique de la doctrine, rattachée le plus souvent aux « progressistes administratifs » (catégorie elle-même confusément définie et aux contours flous), conduit les deux auteurs à récuser son usage actuel : « la doctrine de l’efficacité sociale a été un prisme d’analyse inconséquent, hétérogène et imprécis pour expliquer les changements curriculaires sur le long terme […] Le terme efficacité sociale sous sa présente forme obscurcit autant qu’il révèle »59.

36À ce stade de la discussion sur l’historiographie du mouvement de l’éducation progressiste aux États-Unis, on peut avoir l’impression de se trouver dans une impasse. En effet, les distinctions établies pour distinguer différentes tendances au sein du mouvement ne résistent pas à une analyse d’histoire sociale soucieuse de l’action et du point de vue des acteurs au niveau local. Après avoir critiqué la définition de l’éducation progressiste proposée par Lawrence A. Cremin en 1961, les historiens de l’éducation américains semblent en revenir à l’idée d’un mouvement progressiste en éducation largement compris, tout en récusant les formulations qui leur semblent excessives dans l’œuvre de Cremin. Conscients de la difficulté qu’il y a à considérer l’éducation progressiste comme un mouvement sociologique restreint, comme un tout cohérent de penseurs et de réformateurs en accord avec une même doctrine pré-donnée, les historiens américains tendent à proposer une définition plus lâche du terme « mouvement », suivant ainsi la voie proposée par l’historien Robert M. Crunden dès 1977.

3. L’éducation progressiste : une définition culturelle

  • 60 John D. Buenker, John C. Burnham, Robert M. Crunden, Progressivism, Cambridge, Massachusetts, Schen (...)

37Cette année-là, dans un essai intitulé « Progressisme », Crunden propose une critique de la thèse défendue par Peter Filene. Il considère que ce dernier a raison d’affirmer que les réformateurs communément qualifiés de progressistes n’ont jamais fait partie d’un « mouvement progressiste » compris dans une acception politique et sociologique restreinte. Pour autant, Crunden considère qu’il est possible de parler de progressisme et de mouvement progressiste pour étudier la période si on lui donne une définition plus lâche, à la manière des historiens de la période victorienne en Angleterre qui, à l’instar de Walter Houghton, n’hésitent pas à parler de « victorianisme » pour désigner « une cohérence authentique, quoique plus relâchée » que celle de mouvement progressiste au sens que Peter Filene donne à ce terme60. Par là, Crunden entend opposer à l’approche politique et sociologique du progressisme proposée par Filene, une interprétation culturelle de cette notion.

  • 61 Robert M. Crunden, Ministers of Reform: The Progressives’ Achievement in American Civilization, 188 (...)

38Pour Crunden, c’est se fourvoyer que de prétendre, comme le fait Filene, rendre compte d’une réalité culturelle par une analyse strictement politique. Pour lui, les catégories d’analyse de l’histoire politique « sont fréquemment trompeuses lorsqu’elles sont appliquées à des domaines comme la religion, l’éducation ou la littérature » car « les gens “pensent” et “sentent” de manière souvent déconnectée de la façon dont ils votent ». Dans cette perspective, le terme progressisme n’est pas « un terme spécifiquement politique ou social, mais bien plutôt culturel », renvoyant « au ton dominant de la période du tournant du XXe siècle ». Pour l’historien, le progressisme est en effet à concevoir comme une « disposition d’esprit » (frame of mind). Par où il faut entendre « les attitudes morales et émotionnelles de base, le cadre de référence élémentaire, souvent tacite, qui détermine les habitudes de pensée fondamentales parmi les leaders d’une période, quelles que soient les positions qu’ils adoptent sur des questions spécifiques ». En ce sens, le progressisme est conçu par Crunden comme « un climat de créativité au sein duquel les écrivains, les artistes, les politiciens et les penseurs évoluèrent »61.

  • 62 John D. Buenker, John C. Burnham, Robert M. Crunden, Progressivism, op. cit., p. 72 et 73.
  • 63 Comme l’explique William J. Reese : « De nombreux Américains avec des conceptions variées quant à l (...)

39En effet, pour l’historien, « les progressistes ne partageaient aucune plate-forme [politique et électorale], ni n’étaient les membres d’un mouvement unique » au sens que Filene pouvait donner à ce concept. Pour Crunden, loin d’être une doctrine prédonnée à laquelle l’ensemble des réformateurs pouvait souscrire, le progressisme « est un mot applicable à la motivation derrière la réforme » et non pas « à la forme spécifique d’une réforme donnée »62. Par là, l’historien est à même de mettre en lumière les relations entre les différents progressistes « qui, quelles que puissent être leurs divergences sur une réforme particulière, travaillaient tous à la régénération morale de la société ». Cette approche a l’avantage non négligeable de résoudre une des difficultés majeures soulevées par le rejet de l’emploi de notions telles que « le progressisme » ou « mouvement progressiste », à savoir le fait que les contemporains percevaient l’existence de ce mouvement et que les réformateurs s’en réclamaient pour faire valoir leurs diverses réformes63.

*

  • 64 Ibid., p. 416.

40« Comme les chercheurs qui étudient les “Lumières” ou le “Romantisme”, les historiens du progressisme rencontrent un château avec de nombreuses pièces, souvent inconfortablement (awkwardly) habitées par des individus avec des perspectives philosophiques, politiques et idéologiques diverses »64. À la manière de l’archéologue, ce sont les divers éléments, des fondations au faîte, de ce château que les historiens de l’éducation américains s’attachent à exhumer dans une perspective d’histoire sociale et culturelle. En dépit de l’ampleur des travaux déjà produits et du caractère épineux, peut-être insoluble, de l’entreprise, ces historiens n’ont pas renoncé à parvenir à une définition de la notion d’« éducation progressiste » et à écrire l’histoire du mouvement. En attestent sur ce point les nombreux ouvrages et articles qui paraissent chaque année sur le sujet. C’est que cette quête du progressisme a une importance qui dépasse de très loin son seul enjeu historiographique : elle est le reflet d’une tension inhérente à l’identité de l’école états-unienne, qui oscille entre liberté, laisser-faire et poursuite du bonheur individuel et collectif.

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Notes

1 William J. Reese, « American Education in the Twentieth Century: Progressive Legacies », Paedagogica Historica, vol. 39, n° 4, 2003, p. 415.

2 Voir notamment : David L. Angus, Jeffrey E. Mirel, The Failed Promise of the American High School 1890-1995, New York, Teachers College Press, 1999 ; Arthur E. Bestor, Educational Wastelands: The Retreat from Learning in Our Public Schools, Urbana, University of Illinois Press, 1953 ; Eric D. Hirsch, Cultural Literacy: What Every American Needs to Know, Boston, Houghton Mifflin, 1987 ; Id., The Schools We Need: And Why We Don’t Have Them, New York, Doubleday, 1996 ; John F. Latimer, What’s Happened to Our High Schools?, Washington, D.C., Public Affairs Press, 1958 ; Diane Ravitch, Left Back: A Century of Failed School Reform, New York, Simon and Schuster, 2000 ; Mortimer B. Smith, The Diminished Mind:A Study of Planned Mediocrity in Our Public Schools, Chicago, H. Regnery, 1954.

3 Voir notamment : Lawrence A. Cremin, « What Was Progressive Education, What Happened To It ? », Vital Speeches of the Day, n° 25, 15 septembre 1959, p. 721-725 ; James S. Johnston, Inquiry and Education: John Dewey and the Quest for Democracy, Albany, New York, State University of New York Press, 2006 ; Daniel et Laurel N. Tanner, History of the School Curriculum, New York, Macmillan, 1990 ; Laurel N. Tanner, Dewey’s Laboratory School: Lessons for Today, New York, Teachers College Press, 1997 ; Robert B. Westbrook, John Dewey and American Democracy, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1993 ; William G. Wraga, Democracy’s High School: The Comprehensive High School and Educational Reform in the United States, Lanham, Maryland, University Press of America, 1994.

4 À cet égard, dès 1955, l’historien Lawrence A. Cremin avait noté à propos du rapport Cardinal Principles la chose suivante : « il ne semble pas inapproprié de soutenir que la plupart des mouvements importants et influents dans le champ [de l’éducation] depuis 1918 ont simplement été des notes de bas de page inscrites en marge du classique lui-même ». Cf. Lawrence A. Cremin, « The Revolution in American Secondary Education, 1893-1918 », Teachers College Record, vol. 56, n° 6, 1955, p. 307.

5 Sur ce point, il est d’usage dans l’historiographie américaine de considérer que la période de l’école dite progressiste s’étend jusqu’en 1957, année qui marque la fin de la parution de la revue Progressive Education, journal de la Progressive Education Association dissoute deux années auparavant. La seconde période progressiste n’étant en un certain sens qu’une mise en œuvre et un prolongement du programme établi pendant l’Ère progressiste par les premiers réformateurs progressistes.

6 Lawrence A. Cremin, « The Revolution in American Secondary Education, 1893-1918 », art. cit.

7 John Dewey, The School and Society, 1899, in Jo Ann Boydston (éd.), The Middle Works of John Dewey, vol. 1, 1899-1901, Carbondale, Southern Illinois University Press, 1976, p. 23.

8 En langue anglaise, parmi les ouvrages et articles touchant à l’évolution de l’historiographie de l’éducation progressiste, on peut notamment citer : Jeffrey E. Mirel, « Progressive School Reform in Comparative Perspective », in David N. Plank, Rick Ginsberg (éd.), Southern Cities, Southern Schools: Public Education in the Urban South, Westport, CT, Greenwood Press, 1990, p. 151-174 ; David N. Plank, Richard K. Scotch, Janet L. Gamble, « Rethinking Progressive School Reform: Organizational Dynamics and Educational Change », American Journal of Education, vol. 104, n° 2, février 1996, p. 79-102 ; Herbert M. Kliebard, The Struggle for the American Curriculum, 1893-1958, New York, Routledge Farmer, 1986, 3e éd., 2004, p. 271-292 ; William J. Reese, John L. Rury, Rethinking the History of American Education, Palgrave Macmillan, 2012 ; William J. Reese, « In Search of American Progressives and Teachers », History of Education: Journal of the History of Education Society, vol. 42, n° 3, 2013, p. 320-334. En langue française, sur l’historiographie de l’éducation américaine en général, seuls sont disponibles deux articles publiés dans la revue Histoire de l’éducation : Antonio Nóvoa, « La nouvelle histoire américaine de l’éducation », Histoire de l’éducation, n° 73, 1997, p. 3-48 et Ivan Jablonka, « Les historiens américains aux prises avec leur école », Histoire de l’éducation, n° 89, 2001, p. 3-58. On trouve également de précieuses informations dans l’ouvrage de Malie Montagutelli, Histoire de l’enseignement aux États-Unis, Paris, Belin, 2000.

9 En contexte américain, ce terme de « révisionniste » n’a pas de connotation politique : il désigne ici un mouvement historiographique très influent, composé des plus grands noms de l’histoire de l’éducation des années 1960 comme par exemple Bernard Bailyn et Lawrence Cremin, désireux de prendre ses distances à l’égard d’une histoire produite au cours de la première moitié du XXe siècle au sein des Colleges of Education américains, qu’il considère comme exagérément présentiste, partisane et utilitaire. Ce « révisionnisme » peut ainsi être compris, en un premier sens, comme une volonté affirmée par certains historiens de réinscrire l’histoire de l’éducation au sein de l’histoire totale et de se détacher dans l’analyse de ce phénomène de la seule étude des systèmes scolaires et de la scolarisation.

10 Cette thématique d’une rupture quasi-totale entre une « histoire ancienne » et une « histoire nouvelle » de l’éducation est devenue un véritable lieu commun de l’historiographie américaine dont le bien-fondé a été remis en cause par les contributions majeures de Sol Cohen et Milton Gaither. Cf. Sol Cohen, « The History of the History of American Education, 1900-1976: The Uses of the Past », Harvard Educational Review, vol. 46, n° 3, 1976, p. 298-330 ; Milton Gaither, American Educational History Revisited: A Critique of Progress, Teachers College, Columbia University, 2003.

11 Le mot est de David Tyack, The One-Best System: A History of American Urban Education, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1974, p. 8. Le passage dans lequel cette expression s’inscrit est en lui-même intéressant pour brosser les traits de la vision, quelque peu caricaturale, que se font de leurs prédécesseurs du début du XXe siècle les historiens révisionnistes américains : « Pour des auteurs tels qu’Ellwood P. Cubberley et les chercheurs (scholars) qui le précédèrent et le suivirent, le sujet était l’évolution de l’enseignement public (public education). Lorsqu’ils parlaient des écoles urbaines, ils contaient une “house history” triomphante d’un accroissement des effectifs scolaires, d’une augmentation des investissements, d’un élargissement des curricula, d’une croissance du professionnalisme, et d’une extension des opportunités pour les enfants. L’objet majeur de l’histoire de l’éducation (educational history) était de donner aux professeurs et aux administrateurs un sens accru de l’esprit et de l’identité professionnels. C’était un conte de progrès, entaché ici et là par des  “politiques” , ou par l’ingérence de groupes d’intérêt particuliers, ou par des enseignants ou des individus rétrogrades (backward-looking teachers or laymen). ».

12 Bernard Baylin, Education in the Forming of American Society: Needs and Opportunities for Research, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1960, p. 14.

13 John Rury, dans un article rédigé à l’occasion du trentième anniversaire de la publication de l’ouvrage de Cremin et consacré à l’analyse de son influence et de sa portée, écrit : « Il est difficile de penser à un autre livre qui ait exercé autant d’influence sur le champ de l’histoire de l’éducation que Transformation of the School […] peu de livres ont été aussi largement lus, aussi bien dans les cercles de l’histoire professionnelle de l’éducation qu’en dehors. » Cf. John L. Rury, « Transformation in Perspective: Lawrence Cremin’s Transformation of the School: Progressivism in American Education, 1876-1957 », History of Education Quarterly, vol. 31, n° 1, Spring 1991, p. 68.

14 Cremin demeure aujourd’hui encore une référence de premier ordre dans le domaine de l’histoire de l’éducation américaine. Il est l’auteur d’une œuvre exceptionnellement abondante et variée. En 1981, il obtient le prix Pulitzer en histoire pour son livre American Education: The National Experience, 1783-1876, le deuxième opus d’une trilogie sur l’éducation américaine. Sur le plan institutionnel, l’historien a contribué à la création de la History of Education Society dont il a été le président en 1959. Il a également pris la tête d’autres institutions éminentes, comme le Teachers’ College à New York entre 1974 et 1984. Cf. Ellen C. Lagemann, Patricia A. Graham, « Lawrence A. Cremin (October 31, 1925 – September 4, 1990): A Biographical Memoir », Educational Researcher, vol. 20, n° 5, juin-juillet 1991, p. 27-29.

15 Voir Michael B. Katz, « The Metropolitan Experience in American Education », History of Education Quarterly, vol. 29, n° 3, automne 1989, p. 426-427.

16 Dans l’article déjà cité, John L. Rury affirme que la lecture de The Transformation of the School a représenté, pour lui comme pour plus d’une demi-douzaine d’historiens avec lesquels il avait pu échanger pendant les deux mois précédent la publication de son article, « un moment clé dans leur décision de s’engager dans le champ [de l’histoire de l’éducation] ». Cf. John L. Rury, « Transformation in Perspective », art. cit., p. 69.

17 Lawrence A. Cremin, The Transformation of the School: Progressivism in American Education, 1876-1957, New York, Vintage Books, 1961, p. VIII et 88.

18 Ibid., p. VIII-IX, p. 306-308.

19 William J. Reese, « In Search of American Progressives and Teachers », art. cit., p. 321.

20 Jeffrey E. Mirel, « Progressive School Reform in Comparative Perspective », art. cit., p. 153.

21 Raymond E. Callahan, Education and the Cult of Efficiency: A Study of the Forces That Have Shaped the Administration of Public Schools, Chicago, Chicago University Press, 1962, p. VII-VIII et p. 263.

22 Edward A. Krug, The Shaping of the American High School, 1880-1920, Madison, University of Wisconsin Press, 1969, p. XI-XII et p. 255.

23 Krug affirme : « Dans l’ensemble, le mouvement [en faveur de l’idée selon laquelle l’école devrait être une instance de service social] n’affecta pas directement les high schools ». Ibid., p. 260.

24 Le titre du chapitre onze de l’ouvrage est significatif : « L’efficacité sociale triomphante » (Social Efficiency Triumphant).

25 Ibid., p. 276, 387.

26 William G. Wraga, « A Progressive Legacy Squandered: The “Cardinal Principles” Report Reconsidered », History of Education Quarterly, vol. 41, n° 4, hiver 2001, p. 497.

27 Dans cette littérature, on peut notamment citer : Michael B. Katz, The Irony of Early School Reform: Educational Innovation in Mid-Nineteenth Century Massachusetts, Cambridge, Mass., 1968 ; Id., Class, Bureaucracy, and Schools: The Illusion of Educational Change in America, New York, 1971 ; Clarence J. Karier, Paul C. Violas, Joel Spring, Roots of Crisis: American Education in the Twentieth Century, Chicago, 1973 ; Joel Spring, Education and the Rise of the Corporate State, Boston, Beacon Press, 1972 ; Marvin Lazerson, Norton W. Grubb, American Education and Vocationalism: Documents in Vocational Education, 1870-1970, New York, 1974 ; Clarence J. Karier, Shaping the American Educational State, 1900 to the Present, New York, Free Press, 1975 ; Samuel Bowles, Herbert Gintis, Schooling in Capitalist America: Educational Reform and the Contradictions of Economic Life, New York, Basic Books, 1976 ; Paul C. Violas, The Training of the Urban Working Class: A History of the Twentieth Century American Education, Chicago, 1978 ; David Nasaw, Schooled to Order: A Social History of Public Schooling in the United States, New York, Oxford University Press, 1979.

28 À cet égard, Joel Spring écrit : « Les écoles publiques du vingtième siècle furent organisées pour répondre aux besoins de l’État corporatiste (corporate state) et donc pour protéger les intérêts de l’élite régnante et de la machine technologique ». Cf. Joel Spring, Education and the Rise of the Corporate State, op. cit., p. 1-2.

29 David Tyack, dans The One Best System, étudie « la révolution organisationnelle » qui a eu lieu dans la scolarisation américaine au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle. Il soutient la thèse suivante : « En dépit des bonnes intentions fréquentes et de la rhétorique abondante à propos de “l’égalité des chances éducatives” (equal educational opportunity), les écoles ont rarement enseigné efficacement aux enfants pauvres – et cet échec a été systématique, et non idiosyncrasique ». Cf. David B. Tyack, The One Best System, op. cit., p. 3, 11.

30 Lawrence A. Cremin, The Transformation, op. cit., p. VIII.

31 Michael B. Katz, Class, Bureaucracy, and Schools, op. cit., p. 122-123.

32 Joel Spring, The American School, 1642-1990, New York, Longman, 1990, p. 205.

33 Robert H. Wiebe, The Search for Order, New York, Hill and Wang, 1967, p. 151-152.

34 Clarence J. Karier, « Liberalism and the Question for Orderly Change », History of Education Quarterly, vol. 12, n° 1, printemps 1972, p. 67.

35 Jeffrey E. Mirel, « Progressive School Reform in Comparative Perspective », art. cit., p. 155-156.

36 Il est difficile aujourd’hui d’imaginer l’impact qu’ont eu les travaux de ces historiens « révisionnistes radicaux ». Ils ont marqué une période d’effervescence qui demeure dans la mémoire de ceux qui y ont participé et des historiens actuels, qui poursuivaient alors leurs études. En 1999, dans un article sur l’historiographie américaine de l’éducation, Jürgen Herbst regrette la disparition de l’atmosphère de bouillonnement intellectuel de l’époque qui, selon lui, n’a jamais été retrouvée depuis lors. Cf. Jürgen Herbst, « The History of Education: State of the Art at the Turn of the Century in Europe and North America », Paedagogica Historica, vol. 35, n° 3, 1999, p. 739. Dans le même sens, Rubén Donato et Marvin Lazerson n’hésitent pas à parler d’un « âge d’or (Golden Era) de l’histoire de l’éducation » pour désigner l’historiographie du tournant des années 1960 et 1970 : « Rétrospectivement, l’“âge d’or” de l’histoire de l’éducation américaine est remarquable pour avoir captivé l’attention des historiens, chercheurs en éducation et en sciences sociales, des décideurs politiques, des réformateurs scolaires et, dans une certaine mesure, du public en général ». Cf. Rubén Donato, Marvin Lazerson, « New Directions in American Educational History: Problems and Prospets », Educational Researcher, vol. 29, n° 8, novembre 2000, p. 5.

37 Voir notamment William A. Musrakin, « The Social-Control Theory in American History: A Critique », Journal of Social History, vol. 9, 1976, p. 559-569 ; Wayne J. Urban, « Some Historiographical Problems in Revisionist Educational History: Review of Roots of Crisis », Educational Research Journal, vol. 12, n° 3, 1975, p. 337-350 ; Diane Ravitch, The Revisionists Revised: A Critique of the Radical Attack on the Schools, New York, Basic Books, 1978.

38 John D. Buenker, « The Progressive Era : A Search for Synthesis », Mid-America, n° 51, 1969, p. 178.

39 Filene définit le terme mouvement de la manière suivante : « les membres d’un mouvement s’associent et agissent ensemble de manière délibérée et consciente, à la différence d’un groupe non-collectif ou « agrégatif » (tel que les blondes ou les familles à revenus modestes) qui ont une identité commune dans l’esprit des chercheurs ou d’autres observateurs plutôt que dans l’esprit des membres eux-mêmes. » Cf. Peter G. Filene, « An Obituary for “The Progressive Movement” », American Quarterly, vol. 22, n° 1, printemps 1970, p. 21.

40 Ibid., p. 27, 33 et 34.

41 Daniel T. Rodgers, « In Search of Progressivism », Reviews in American History, vol. 10, n° 4, décembre 1982, p. 122, 123, 121 et 123.

42 Comme l’explique Tyack : « Le “progressisme” en éducation est une étiquette qui a été largement accolée à des réformateurs, des philosophies et des pratiques divers. J’ai défendu l’idée […] qu’une aile de réformateurs, que j’ai appelés “les progressistes administratifs”, constituait un mouvement politico-éducatif avec une philosophie et un cercle d’influence élitiste (an elitist philosophy and constituency) ». Pour Tyack, « ces administrateurs progressistes avaient peu de buts en commun avec la petite aile libertaire du progressisme éducatif ou avec le petit groupe de reconstructionnistes sociaux (social reconstructionists) qui rêvaient dans les années 1930 d’utiliser les écoles pour construire un nouvel ordre social. » Cf. David B. Tyack, The One Best System, op. cit., p. 196.

43 Tyack parle d’une « success-story » des « progressistes administratifs ». Ibid., p. 182-198.

44 Tyack écrit à cet égard la chose suivante : « Bien que leurs écrits soient fascinants à lire, les libertaires et les radicaux [les progressistes pédagogues] n’eurent qu’un maigre impact sur les écoles urbaines. » Ibid., p. 196

45 H. M. Kliebard, The Struggle, op. cit., p. 23 et p. 24-25.

46 Ibid., p. 25.

47 Ibid., p. 287, p. XIX. Kliebard explique les raisons qui président à son rejet de la notion d’éducation progressiste de la manière suivante : « je partageais l’avis exprimé par Krug, et plus tard celui de certains révisionnistes radicaux, selon lequel certaines des réformes auxquelles avait été accolée l’étiquette progressiste étaient en fait régressives. Mais, plus important encore, j’étais également favorable au scepticisme exprimé par Filene et Rodgers à propos de la question de savoir si un seul mouvement, qu’il soit progressiste ou non, avait jamais existé ». Ibid., p. 287.

48 Cette thèse, Kliebard la défend au chapitre cinq de son livre, dans une sous-partie au titre révélateur « gagnants et perdants » (Winners and Losers). Il y écrit la chose suivante : « S’agissant de la manière dont l’éducation fut conçue eu égard à l’ordre social plus large, Snedden reflétait avec plus de précision les sentiments de la majorité des Américains, tandis que Dewey exprimait les aspirations d’une petite minorité ». Cf. Herbert M. Kliebard, Schooled to Work: Vocationalism and the American Curriculum, 1876-1946, New York, Teachers College Press, 1999, p. 146-147. L’année suivante, Diane Ravitch soutient la même idée lorsqu’elle affirme que « tous les doutes quant au fait que l’efficacité sociale soit devenue l’idéologie régnante de la profession éducative (education profession) furent dissipés en 1918 par la publication des “Cardinal Principles of Secondary Education” ». Cf. Diane Ravitch, Left Back, op. cit., p. 123. Voir aussi Ellen C. Lagemann, « The Plural Worlds of Educational Research », History of Education Quarterly, vol. 29, n° 2, été 1989, p. 185 ; Id., An Elusive Science: The Troubling History of Education Research, Chicago, The University Press of Chicago, 2000.

49 David F. Labaree, « How Dewey Lost: The Victory of David Snedden and Social Efficiency in the Reform of American Education », in Daniel Tröhler, Thomas Schlag, Fritz Osterwalder (éd.), Pragmatism and Modernities, Rotterdam, Netherlands Sense Publishers, 2010, p. 184.

50 Voir notamment David K. Cohen, « A Revolution in One Classroom: The Case of Mrs. Oublier », Educational Evaluation and Policy Analysis, vol. 12, n° 3, automnes 1990, p. 311-329 ; Larry Cuban, How Teachers Taught: Constancy and Change in American Classrooms, 1890-1980, New York, Longman, 1993 ; Arthur Zilversmit, Changing Schools: Progressive Education Theory and Practice, 1930-1960, Cambridge, Massachusetts, Harvard University Press, 1993 ; John Goodlad, A Place Called School: Prospects for the Future, New York, McGraw-Hill, 1984 ; David B. Tyack, Larry Cuban, Tinkering Toward Utopia. A Century of Public School Reform, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts, 1995.

51 David B. Tyack, The One-Best System, op. cit., p. 197.

52 Larry Cuban, How Teachers Taught, op. cit. ; Arthur Zilversmit, Changing Schools, op. cit.

53 Jeffrey E. Mirel, op. cit., p. 157.

54 William J. Reese, Power and the Promise of School Reform: Grass-Roots Movements During the Progressive Era, Boston, Routledge and Kegan, 1986, p. XX.

55 Ibid., p. XXI-XXIII.

56 Larry Cuban, How Teachers Taught, op. cit., p. 70 et p. 136.

57 David A. Gamson, « District Progressivism: Rethinking Reform in Urban School Systems, 1900-1928 » Paedagogica Historica, vol. 39, n° 4, août 2003, p. 433 et p. 417.

58 William G. Wraga, « A Progressive Legacy Squandered », art. cit., p. 511 et 519.

59 Thomas D. Fallace et Victoria Fantozzi, « Was There Really a Social Efficiency Doctrine ? The Uses and Abuses of an Idea in Educational History », Educational Researcher, vol. 42, n° 3, 2013, p. 145 et 148.

60 John D. Buenker, John C. Burnham, Robert M. Crunden, Progressivism, Cambridge, Massachusetts, Schenkman Publishing Company, 1977, p. 72 et p. 73.

61 Robert M. Crunden, Ministers of Reform: The Progressives’ Achievement in American Civilization, 1889-1920, 1982, Chicago, Illinois, University of Illinois Press, 1984, p. IX.

62 John D. Buenker, John C. Burnham, Robert M. Crunden, Progressivism, op. cit., p. 72 et 73.

63 Comme l’explique William J. Reese : « De nombreux Américains avec des conceptions variées quant à la nature de l’enfant, de l’école, du programme scolaire et de l’éducation en général, se reconnaissaient comme des progressistes, comme des individus précurseurs (forward-thinking individuals) soucieux du bien-être de l’individu ainsi que du bien commun ». Cf. William J. Reese, « American Education in the Twentieth Century: Progressive Legacies », Paedagogica Historica, vol. 39, n° 4, août 2003, p. 415.

64 Ibid., p. 416.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sébastien-Akira Alix, « En quête du progressisme : l’évolution de l’historiographie américaine sur l’éducation progressiste aux États-Unis (1960-2013) »Histoire de l’éducation, 142 | 2014, 221-245.

Référence électronique

Sébastien-Akira Alix, « En quête du progressisme : l’évolution de l’historiographie américaine sur l’éducation progressiste aux États-Unis (1960-2013) »Histoire de l’éducation [En ligne], 142 | 2014, mis en ligne le 31 décembre 2016, consulté le 09 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2968 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2968

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Auteur

Sébastien-Akira Alix

Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris-Cité

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