L’histoire de l’éducation : discipline de recherche historique ou science auxiliaire de l’action pédagogique ? Les leçons d’une comparaison franco-allemande
Résumés
Partant du constat que l'histoire est régulièrement convoquée comme illustration ou argument dans les débats sur l'éducation, et en s'appuyant sur le concept des régimes d'historicité défini par François Hartog, l'article interroge la question de l'utilité de la recherche en histoire de l'éducation pour la réflexion contemporaine sur les problèmes du système éducatif. Il le fait en comparant les traditions française et allemande dans ce domaine. Patrie des pédagogues, l'Allemagne a longtemps considéré cette histoire particulière comme une science auxiliaire de la pédagogie générale tandis que la France républicaine avait une conception plus idéologique des études historiques sur l'école, touchant à l’histoire politique. Les positions se sont rapprochées depuis, grâce au renouvellement des thèmes et des approches, mais subsistent encore des différences sensibles dans la position institutionnelle et disciplinaire de ces études. La dernière partie cherche à évaluer les apports de l’historiographie à la compréhension des problèmes contemporains en relevant les obstacles à la réception de cette recherche par le public et les décideurs. Les débats en cours dans la discipline montrent en outre que celle-ci se trouve prise en tension, en France comme en Allemagne, entre les impératifs de l’utilité sociale et ceux de la logique scientifique.
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historiographie, comparaison internationale, science de l’éducation, histoire de l'éducationChronologie :
XXe siècle (après 1958)Plan
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- 1 Ce texte a été originellement conçu pour répondre à la problématique d’un colloque pluridisciplinai (...)
- 2 Marc Depaepe, « The Ten Commandments of Good Practices in History of Education Research », Zeitschr (...)
- 3 Richard Aldrich, « A Future Role for Historians of Education », Bildungsgeschichte. International J (...)
1À quoi sert l’histoire de l’éducation ? En quoi peut-elle nous aider à comprendre non seulement le passé, mais aussi les problèmes présents ? Et, à partir de cette mise en perspective du passé dans le présent, lui est-il possible d’extrapoler une vision du futur, autrement dit de faire du présent un passé pour demain1? Deux réponses extrêmes peuvent être apportées à ces questions. L’une, négative, entend au nom de la rigueur scientifique séparer la recherche historique des spéculations sur le présent. Ainsi Marc Depaepe, figure éminente de la discipline en Belgique, dans ses « Dix commandements à l’usage des chercheurs en histoire de l’éducation », énonce en premier : « 1. Tu te souviendras que l’histoire de l’éducation est de l’histoire ; 2. Tu écriras sur le passé de l’éducation ; 3. Tu ne te soucieras pas excessivement de présentisme ; 4. Tu n’écriras pas d’histoire du présent, ni pour le présent » 2. Ce cloisonnement quasi-prophylactique, même s’il n’interdit pas de faire ensuite usage du passé pour comprendre le présent, devrait conduire tout de même par symétrie à se méfier des importations dans le présent des schémas d’interprétation du passé, soumises en somme au risque d’un anachronisme inversé. À l’autre pôle de cette échelle de l’utilité de l’histoire de l’éducation pour comprendre le présent, se situe l’opinion de Richard Aldrich, professeur émérite à l’université de Londres et « pape » de la discipline au Royaume-Uni, qui y voit « un instrument de promotion de la sagesse », une science en soi, à valeur universelle, apte à comprendre et à préparer, en conjonction certes avec d’autres disciplines, les mutations qui marquent le moment crucial de l’histoire de l’humanité où nous nous trouvons selon lui. Et de citer entre autres les menaces du réchauffement climatique, les défis de la croissance démographique, de la répartition des richesses ou de la mondialisation, dans un contexte de conflit de civilisations et de déclin relatif des nations occidentales3.
2Si l’on peut sans doute assigner à l’histoire en général la fonction de propédeutique à la compréhension des grandes mutations du monde, il serait sans doute exagéré de focaliser cette approche sur l’histoire de l’éducation. Celle-ci est avant tout l’étude d’un sous-système social, pour parler comme les sociologues. On peut certes voir dans l’éducation le miroir des problèmes et des aspirations d’une époque et en faire un point d’entrée dans la compréhension des sociétés. Dans l’éducation de la jeunesse, l’humanité place en effet ce qu’elle a de plus précieux à transmettre et à construire, sa vision du monde, son savoir scientifique et technique, elle mobilise ses capacités administratives et financières, elle donne à voir sa conception des territoires comme ses stratégies familiales. Mais cet intérêt indéniable de l’histoire de l’éducation pour l’histoire générale n’est pas le sujet de cet article : il s’agit bien plutôt et seulement de s’interroger sur les apports de la recherche en histoire de l’éducation à la compréhension des problèmes présents de nos institutions d’enseignement et des processus qui s’y jouent, voire même à leur solution. Pour cela, le mieux est d’élargir quelque peu le regard, tant sur le plan temporel que géographique, car c’est dans la comparaison dans le temps et dans l’espace que l’on peut le mieux appréhender les différents usages et potentialités de cette discipline.
- 4 François Hartog, Régimes d’historicité : Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2002.
- 5 Voir par exemple les discours tenus après la guerre de Trente Ans, Jean-Luc Le Cam: « Extirper la b (...)
3Notons tout d’abord l’importance de la dimension temporelle dans les débats sur les questions d’éducation. Ce domaine touche en effet à la fois au passé, au présent et au futur. Au passé, car toute éducation vise et implique la transmission d’un héritage, culturel ou religieux, cognitif et pratique, de savoirs, savoir-faire et savoir-être que les générations ont au fil du temps mis au point, accumulés ou elles-mêmes transmis. C’est pourquoi le discours sur l’éducation est volontiers conservateur. Mais il touche aussi au futur par la « matière » qu’il entend transformer ou préparer. C’est un lieu commun des discours sur ce que doit être l’éducation à promouvoir. Ceux-ci sont saturés de futurisme, pour reprendre cette catégorie des régimes d’historicité distingués par François Hartog4. Même dans les sociétés d’Ancien Régime attachées à l’idéal fixiste de la conservation sociale, il était convenu que travailler sur l’éducation revenait à investir pour demain5. Et dans les périodes où l’idée de progrès a triomphé, telles les apogées de l’humanisme, des Lumières ou du positivisme, les utopies éducatives comme les projets ambitieux de transformation du monde par l’éducation se sont multipliés. Enfin, c’est bien évidemment dans le présent immédiat que se trouvent les problèmes à résoudre, les défauts à corriger mais aussi les moyens à mobiliser, les organisations et les méthodes à appliquer voire à réformer. Et ce toujours dans l’idée d’un avenir à améliorer, tout en gardant l’œil fixé sur le passé où puiser des sources d’inspiration pour les réformes à faire, ou au moins des leçons sur les erreurs à ne plus commettre. Voilà pourquoi les discours et débats sur l’éducation ont toujours quelque part un rapport avec le temps. Ils conjuguent dans un mélange parfois explosif conservatisme, futurisme et injonction à agir immédiatement dans le présent. Et de fait, nous verrons en lever de rideau comment les participants aux débats sur l’éducation convoquent régulièrement les exemples du passé comme arguments à l’appui de leur thèse.
- 6 Pour un tour d’horizon plus vaste, voir Marie-Madeleine Compère, L’histoire de l’éducation en Europ (...)
4Cela pourrait légitimer l’histoire de l’éducation comme discipline, non seulement de recherche, mais aussi de conseil à l’action. Pour comprendre ce qu’elle recouvre exactement, il nous faudra revenir brièvement sur ses origines, qui se situent à la fois au XIXe siècle et en Allemagne. Cette spécialité a ensuite rapidement essaimé ailleurs en Europe et en Amérique du Nord et a été, suivant les périodes, plus ou moins en vogue, ou négligée et décriée. Cette conjoncture n’est pas sans intérêt pour comprendre les forces intellectuelles, politiques et sociales qui ont porté l’histoire de l’éducation. À travers ce bref regard historique, on peut donc approcher les utilités différentes qu’on a pu lui trouver. Ce qui nous renseigne aussi sur sa finalité, ce sont les disciplines dont elle est issue et les institutions qui l’ont portée. Ici aussi, et sans doute plus encore, la comparaison internationale s’impose parce qu’elle est particulièrement éclairante. Nous nous limiterons à la France et à l’Allemagne qui présentent des conceptions très différentes de l’histoire de l’éducation, au moins pendant une longue période, à tel point qu’on peut parler de culture nationale de la discipline6. Enfin, nous verrons à travers ses thèmes de prédilection ce qu’elle cherche à comprendre et par là même ce à quoi elle peut servir, mais aussi comment elle se positionne par rapport aux enjeux du présent.
I. La projection du passé dans les débats contemporains sur l’éducation et l’école
- 7 Le programme PISA (Programm for International Student Assessment) conduit par l’OCDE vise à mesurer (...)
5En France, comme dans bien des pays d’Europe, il est convenu de dire que l’école va mal et de convoquer à la fois l’histoire et les comparaisons internationales à l’appui de ces convictions. La publication des différentes enquêtes PISA sur les performances scolaires comparées des élèves de 15 ans dans les pays de l’OCDE relance régulièrement les polémiques sur les causes d’une dégradation des performances du système scolaire français et les moyens d’y remédier7. Mais, bien avant ces publications, le débat public était déjà rempli de déplorations sur les problèmes de l’école : baisse du niveau des performances scolaires, ou disparité accrue de ses résultats en fonction des origines sociales et géographiques, difficultés d’adaptation et d’insertion des enfants issus de l’immigration, perte de l’autorité et banalisation de la violence, remise en cause des disciplines dans leur pérennité et leur hiérarchie, par exemple disparition des humanités, dépérissement des sections littéraires au profit des filières scientifiques ou économiques dont on dénonce par ailleurs la baisse de niveau, perte de l’efficacité pédagogique et démotivation des enseignants.
- 8 Un genre dont Jean-Paul Brighelli, enseignant de lettres modernes, s’est fait une spécialité sur le (...)
- 9 Alain Finkielkraut, Une Voix vient de l'autre rive, Paris, Gallimard, 2000 ; id., Enseigner les let (...)
- 10 Dans son dernier essai, L’identité malheureuse, Paris, Stock, 2013, Alain Finkielkraut dénonce le r (...)
- 11 Gérard De Vecchi, École : sens commun... ou bon sens ? Manipulations, réalité et avenir, Paris, Del (...)
- 12 Pierre Kahn : « Républicains contre pédagogues : Les habits neufs d’une vieille querelle ? » in Ala (...)
- 13 D’origines diverses, ce sont des prises de positions moins polémiques qui cherchent avant tout à pr (...)
6Sur ces sujets s’opposent très grossièrement deux écoles : l’une aspire à la restauration d’un modèle scolaire méritocratique fondé sur le primat des disciplines, qui aurait fonctionné avec efficacité dans le passé en permettant une véritable promotion sociale par l’école ; l’autre rejette comme réactionnaire cette vision, donne pour origine à l’essentiel des problèmes les dysfonctionnements de la société, et plaide pour un enseignement centré sur l’élève, ou tout au moins attentif à l’individu dans sa singularité psychologique et sociale. La première position est défendue avec plus ou moins de variantes et de finesse pas deux types d’acteurs : d’une part des enseignants « de terrain » qui se réclament de cette confrontation pratique avec la réalité pour pourfendre un discours pédagogique issu d’institutions ou d’acteurs détachés de ces contraintes (les « pédagogistes ») et dénoncent la dégradation que sa prise en compte dans les réformes et les pratiques éducatives contemporaines aurait provoquée8 ; d’autre part, ceux qui, sous le nom de (philosophes) républicains, s’attaquent au principe même d’une science pédagogique, en vertu du fait que chacun porte en soi la raison en ce qu’elle a d’universel et que la République doit instruire cette raison indépendamment des différences individuelles9. Les sciences de l’éducation seraient donc perverses en ce qu’elles renonceraient implicitement à hisser l’élève vers l’universel et les monuments de la culture, en posant avant toutes choses le principe d’une adaptation de l’enseignement à l’élève et à son milieu particulier10. Certains « pédagogues » ont répliqué en dénonçant dans ces critiques une caricature de leur propre position et les apories de leurs contradicteurs, soulignant l’impossibilité d’un retour en arrière11. D’aucuns ont argué que les réformateurs de l’école de la IIIe République étaient déjà « pédagogues », et que les « républicains » reconstituaient une histoire mythique12. D’autres enfin opposent à cette vision la primauté à leurs yeux de la dimension sociale de toute œuvre éducative et son attention nécessaire à l’individu13. Nous nous garderons bien de trancher ici le débat. Comme souvent, chaque camp a su appliquer plus de perspicacité à déceler les faiblesses des positions adverses que les siennes propres. Pour l’objet de notre réflexion actuelle, il importe seulement de relever que l’un des points sur lesquels porte le bras de fer est l’appréciation du fonctionnement de l’école du passé, celle d’avant 1968, voire celle de la IIIe République, en tout cas antérieure aux réformes inspirées par le courant des « pédagogues », ou réputées telles, car celle des périodes plus anciennes est soit ignorée, soit prise au mieux comme repoussoir. La référence au passé est utilisée des deux côtés, soit pour disqualifier les positions adverses (« l’école de papa »), soit, au contraire, pour l’exalter comme tradition au sens noble, à travers une instance supérieure à fonction axiologique, ici la République.
- 14 Une sélection de l’analyse des réactions : Bernd Fahrholz, Sigmar Gabriel, Peter Müller (dir.), Na (...)
- 15 La réticence à laisser à l’État une emprise trop grande sur l’enfant était certes, après l’expérien (...)
- 16 Petra Stanat et al., PISA 2000: Die Studie im Überblick. Grundlagen, Methoden und Ergebnisse, Berli (...)
- 17 Voir cependant Daniel Tröhler, « Schulgeschichte als Argument der politischen Presse », in Marcelo (...)
- 18 Eva Matthes, « Bildungsgeschichtliche Bezüge in aktuellen Diskussionen über Schulreform », in ibid. (...)
7Ce qui pourrait rassurer, c’est que des débats analogues ont cours dans bien des pays. L’Allemagne, par exemple, a connu en 2001 un véritable « PISA-Schock » à la découverte des médiocres résultats scolaires de ses enfants et adolescents. Elle avait l’illusion d’être à l’abri d’une telle contre-performance, en se fondant sur une prestigieuse tradition éducative et universitaire qui avait souvent servi de modèle dans le monde, et sur la réforme audacieuse qu’elle en avait entreprise après la Seconde Guerre mondiale pour en extirper tout ce qui avait pu conduire au désastre du nazisme. Trois particularités, issues précisément des réformes adoptées après la guerre, furent remises en cause à cette occasion14. D’une part, la faible pression du système éducatif sur l’enfant, qui se traduit par un âge de scolarisation tardif et une libération de l’après-midi pour différentes activités : un passage à la Ganztagschule (journée scolaire complète au lieu de la longue matinée) fut préconisé et déjà mis en application ici et là15. D’autre part, la liberté et la diversité des systèmes scolaires due à la constitution fédérale de la République, qui laisse à chaque Land toute autonomie en matière d’éducation ; ce qui fait que le baccalauréat (Abitur) de la Bavière démocrate-chrétienne diffère sensiblement de celui de la Hesse sociale-démocrate. Enfin, dans ce cadre ouvert, la question de la structuration même du système scolaire, dont les expériences contrastées d’un Land à l’autre semblaient se retrouver dans les résultats de l’enquête PISA : les Länder ayant choisi de garder un système à trois voies séparées, conforme à l’ancienne tradition allemande (Hauptschule, Realschule, Gymnasium) s’en sortaient apparemment mieux que ceux qui réunissaient toute la population scolaire dans des écoles à cursus adaptés, voire dans une Gesamtschule, équivalent approximatif de notre collège unique16. Les Allemands se sont donc aussi retournés vers le passé de leur système scolaire et ses évolutions pour y repérer les transformations qui ont pu expliquer cette contre-performance. Certes, à la différence de la France, il n’est pas bien porté en Allemagne de nourrir trop ouvertement la nostalgie du passé, pour des raisons compréhensibles17. Voilà pourquoi le débat s’alimente plus volontiers outre-Rhin de la comparaison dans l’espace plutôt que dans le temps. Mais il est aussi des voix qui s’élèvent pour rejeter le modèle d’une éducation évaluée en termes de performances techniques, qui sous-tend l’esprit et la méthodologie de l’enquête PISA, et pour revendiquer le maintien de la tradition culturelle nationale d’une éducation désintéressée, ou en tout cas largement ouverte, qui s’incarne typiquement dans le concept de Bildung. Ce rappel de la grandeur et de l’efficacité d’une tradition éducative allemande est aussi particulièrement sensible dans le débat qui entoure la réforme actuelle de l’université dans le sens du processus de Bologne : d’aucuns voient dans celle-ci un ajustement à la culture managériale et utilitaire contemporaine qui tournerait le dos à l’excellence universitaire conçue et mise en place à Berlin par Humboldt18.
8Dans les deux pays donc, mais avec des variantes tenant à leur histoire politique et culturelle, les problèmes contemporains du système scolaire ont provoqué également, avant toute proposition de réforme, un regard rétrospectif sur leur évolution, que l’on peut assimiler à une démarche historique.
II. Aux origines d’une discipline incertaine : de l’Allemagne pédagogique à la France républicaine
9Si se sont trouvés, de part et d’autre du Rhin, dès le XVIIIe siècle, des érudits pour faire l’histoire d’établissements scolaires particuliers ou de certains ordres enseignants, l’histoire de l’éducation conçue comme une spécialité identifiée et comme une discipline auxiliaire de la science pédagogique est une invention allemande. Théodore-Henri Barrau (1794-1865), enseignant et moraliste français, la décrivait plaisamment en 1857 pour la dénigrer :
- 19 Article paru en 1857 dans la revue qu’il dirigeait, véritable bible des instituteurs, le Manuel gén (...)
« Il est des sciences laborieusement inutiles : de ce nombre est celle qui, depuis le commencement du XIXe siècle, a pris naissance en Allemagne sous le nom d’histoire de la pédagogie ou de la pédagogique [en fait Pedagogik], ce qui signifie en français Histoire de l’éducation et de l’enseignement ; une foule de livres ont été publiés sous ce titre. Les pères de famille et surtout les instituteurs pourraient être séduits par ce titre : nous voulons les prévenir à ce sujet et leur épargner une étude dont ils ne recueilleraient aucun fruit »19.
10Il s’en prenait ensuite au penchant à l’anecdote, à l’idéalisme et au nationalisme, voire au chauvinisme, dont faisaient preuve selon lui ces spécialistes d’une fausse science, qui pourtant n’étaient pas encore coupables d’avoir pris l’Alsace et la Lorraine. Il y affirmait que l’histoire de l’éducation n’existait pas coupée de l’histoire générale, et qu’elle ne saurait être une science de pédagogues. Ainsi était soulignée d’emblée la différence d’approche entre les deux pays.
- 20 L’expression est employée pour la première fois par le célèbre pédagogue Joachim Heinrich Campe (17 (...)
- 21 Les premiers cours sont donnés à Königsberg à partir de 1776 par Emmanuel Kant ; Johann Friedrich H (...)
- 22 Ibid., p. 137-160.
- 23 Peter Lundgreen, « Historische Bildungsforschung », in Reinhard Rürup (dir.), Historische Sozialwis (...)
- 24 Dietmar Krause-Vilmar, « Materialen zur Sozialgeschichte der Erziehung. Über die Arbeit der „Gesell (...)
- 25 La production la plus remarquable de cette école historique est celle de Friedrich Paulsen, Geschic (...)
- 26 Bernard Trouillet, „Der Sieg des preussischen Schulmeisters“ und seine Folgen für Frankreich, 1870- (...)
11L’Allemagne était en effet depuis les Lumières le pays par excellence de la pédagogie. Si Rousseau n’est certes pas allemand, son Émile avait fait beaucoup d’émules dans les territoires germaniques (auxquels se rattache aussi culturellement une bonne partie de la Suisse). Cette époque vibrait d’ardeur éducative au point de se revendiquer de l’appellation de « siècle pédagogique » (das pädagogische Jahrhundert), reprise ensuite dans l’historiographie20. C’est pourquoi les universités allemandes furent les premières à développer à la fin du XVIIIe siècle un enseignement de pédagogie théorique ou sciences de l’éducation, rattaché d’abord à la philosophie21. Mais depuis la fin du XVIIe siècle, les théologiens piétistes qui participaient à la modernisation de l’université, en premier Hermann August Francke (1663-1727) à Halle, accordaient déjà aux problèmes pédagogiques une attention particulière22. Cette discipline naissante continua son développement jusqu’à conquérir son autonomie au tournant du XIXe et du XXe siècles. La montée en puissance des sciences de l’éducation entraîna par contrecoup un intérêt accru pour l’histoire de l’éducation et de la pédagogie. Celle-ci connut un premier apogée dans les années 1860 à 1920 environ23. Deux grandes tendances la régissaient alors. D’une part, la Geistesgeschichte, dans la tradition de l’historicisme ou Historismus, ce pendant allemand du positivisme historique français, qui réunit l’histoire des idées et de l’esprit du temps, tels qu’ils se révèlent dans la pensée de personnalités extraordinaires : l’histoire de la pédagogie théorique, des grands penseurs et de leurs projets éducatifs ou des politiques scolaires modèles en étaient les centres d’intérêt. D’autre part se développa avec beaucoup de succès une histoire des institutions scolaires et de leur transformation au cours des âges. Ces études furent portées par la Gesellschaft für deutsche Erziehungs- und Schulgeschichte (1890-1938) qui mena notamment une formidable entreprise d’édition de sources, les Monumenta Germaniae Paedagogica (62 tomes, dont 56 parus avant 1918)24. Ces deux voies historiographiques complémentaires considéraient l’histoire de la pédagogie comme une recherche pédagogique dans l’histoire qui devait, à la lumière des bons et des mauvais exemples passés, contribuer à l’amélioration du système éducatif contemporain25. Cet apogée de la discipline correspond clairement à la période triomphante du Second Empire allemand. C’est l’époque où les Français envoyaient en Allemagne des missions pour étudier le système scolaire et universitaire du pays qui les avait vaincus en 187026.
- 27 Peter Lundgreen, art. cit., p. 98.
- 28 Karl-Heinz Günther, « Traditionen und Leistungen der Geschichte der Erziehung als Wissenschaftsdisz (...)
12Tout cela s’est écroulé peu à peu dans les années 1920-1930 du fait des transformations de la société allemande suite à la guerre et à la crise, et de l’envahissement des sciences de l’éducation, d’abord par la psychologie, puis, après 1933, par l’idéologie national-socialiste, son nationalisme exacerbé et sa « science des races » (Rassenkunde). La défaite du nazisme n’entraîna pas un retour à la situation quo ante. L’historicisme et le règne des « sciences de l’esprit » avaient entre temps cédé devant la « realistische Wendung » (le tournant réaliste), c’est-à-dire l’intrusion des nouvelles sciences sociales, au détriment de l’histoire, comme éléments constitutifs essentiels de la réflexion sur l’éducation27. La recherche pédagogique s’est alors séparée complètement des études historiques sur l’école, qui végétèrent plus ou moins au niveau de l’érudition locale. Le traumatisme consécutif à l’écroulement du IIIe Reich et le refoulement qui s’ensuivit avaient aussi contribué à la perte du sentiment de l’histoire. Seule l’historiographie de l’Allemagne de l’Est reprit, avec une redistribution des valeurs, la tradition positiviste d’une histoire de l’éducation donneuse de leçons, conçue comme celle d’un progrès trouvant son achèvement dans l’œuvre scolaire de la République démocratique allemande28.
- 29 Peter Lundgreen, art. cit., p. 101-104.
13Il fallut attendre les années 1970 pour voir une certaine renaissance et rénovation de l’histoire de l’éducation. Les impulsions venant de la sociologie et les innovations de l’historiographie étrangère, notamment américaine, avaient suscité en retour un intérêt pour le fonctionnement social de l’école à travers l’histoire, sujet totalement négligé jusqu’alors par l’historiographie allemande29. C’était aussi le moment de l’expansion rapide du système scolaire accompagnant la démocratisation de l’accès à l’enseignement et le miracle économique allemand.
- 30 Daniel Denis, Pierre Kahn (dir.), L'école de la Troisième République en questions. Débats et contro (...)
14Il se trouve qu’au même moment, la France connaissait aussi un nouvel engouement pour l’histoire de l’éducation, après une longue éclipse. Sa tradition dans ce domaine était certes moins prestigieuse et ancienne. Mais la IIIe République et son œuvre scolaire avaient tout de même provoqué, en contrepoint, un débat historiographique entre les tenants du Nouveau et de l’Ancien Régime, entre les partisans de l’État et ceux de l’Église : les premiers voulant démontrer que tout n’était qu’obscurité avant la Révolution française et glorifiant l’œuvre de la République, tandis que les seconds voulaient réhabiliter les ordres enseignants et la réforme catholique, en leur attribuant la paternité de l’alphabétisation et de la scolarisation des Français, progrès que la Révolution et ses désordres avaient, selon eux, plutôt détruits30. C’est donc un arrière-plan plus politique que pédagogique qui sous-tend en France l’intérêt pour l’histoire de l’éducation, à laquelle il est assigné une fonction d’auxiliaire idéologique. Pour le reste, elle n’était pas très différente dans sa nature de son homologue allemande, avec son double intérêt pour les institutions scolaires et les grands penseurs de la pédagogie.
- 31 Gabriel Compayré, Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le seizième siècl (...)
- 32 Pierre Nora, « Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, cathédrale de l’école primaire », (...)
- 33 Karl Adolf Schmid, Encyklopädie des gesamten Erziehungs- und Unterrichtswesens, 11 tomes, Gotha, Be (...)
- 34 Louis Liard, L’Enseignement supérieur en France, 1789-1889, 2 vol., Paris, Armand Colin, 1888-1894. (...)
15Les travaux de Gabriel Compayré (1843-1913) constituent l’apport le plus remarquable de cette historiographie ; son engagement politique derrière Jules Ferry est représentatif de la dimension idéologique de son travail31. Un autre acteur éminent de cette historiographie engagée fut Ferdinand Buisson (1841-1932), auteur d’une thèse sur Sébastien Castellion et d’un ouvrage sur Condorcet, mais surtout coordinateur d’un imposant chantier éditorial réunissant plus de 350 collaborateurs : le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Véritable « Bible » de l’école laïque et républicaine, il comporte de nombreux articles à dimension historique et devint à son tour un « lieu de mémoire »32. Deux aspects de cette entreprise méritent d’être soulignés comme symptomatiques pour notre sujet : d’une part, elle était inspirée dans sa première édition par l’exemple allemand de l’encyclopédie pédagogique de Karl Albert Schmid33 ; d’autre part sa seconde édition était aussi motivée par le souci de faire le bilan de trente années de politique scolaire, au moment où se profilait en outre la réforme de l’enseignement secondaire de 1902. Dans le domaine de l’enseignement supérieur, son réformateur Louis Liard (1846-1917), professeur de philosophie avant d’embrasser une carrière administrative comme recteur puis directeur des enseignements supérieurs, se fit aussi son historien34. L’histoire de l’éducation était donc bien conçue à l’époque comme élément de la réflexion sur la transformation contemporaine du système éducatif.
- 35 Émile Durkheim, L’évolution pédagogique en France, introduction de M. Halbwachs, Paris, Presses uni (...)
- 36 Par exemple Joseph Leif, Georges Rustin, Histoire des institutions scolaires, Paris, Delagrave, 195 (...)
- 37 Georges Snyders, La pédagogie en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Presses universitaires (...)
16Au même moment, elle devenait un élément de la formation des maîtres, en prenant un tour moins philosophique ou politique, et plus sociologique. En 1904 en effet, Émile Durkheim inaugurait à la Sorbonne un cours d’histoire de l’enseignement en France, dans le cadre du stage pédagogique que la réforme de l’enseignement secondaire de 1902 avait prévu pour tous les candidats à l’agrégation. Il sera publié en 1938 par son élève Maurice Halbwachs35. Le fait que cette publication posthume ait encore un sens un tiers de siècle plus tard, et même toujours en 1969 pour sa seconde édition, montre assez le marasme et le désintérêt dans lequel plongea ensuite la discipline. Elle se réduisait à des ouvrages de vulgarisation à destination des élèves-maîtres36, ou de reprise de l’histoire des doctrines pédagogiques sans nouvelle approche épistémologique37. La raison en était, comme en Allemagne, la victoire de l’approche essentiellement psychologique et pratique des problèmes pédagogiques. Les années 1970-1980 allaient apporter un renouveau significatif, mais sur des bases assez différentes dans les deux pays.
III. Une résurgence sur des bases différentes : historiens contre pédagogues ?
- 38 Heinz-Elmar Tenorth, « Les sciences de l’éducation en Allemagne. Un cheminement vers la modernité e (...)
- 39 En ligne : <http://www.dgfe.de/dgfe-wir-ueber-uns.html>.
- 40 La Société est subdivisée en 13 sections et 31 commissions particulières et comporte 2 600 membres. (...)
- 41 Heinz-Elmar Tenorth, art. cit. ; Karl-Peter Horn, « Historische Bildungsforschung an den deutschen (...)
- 42 Mitteilungen der Gesellschaft für die deutsche Erziehungs- und Schulgeschichte, 1891-1910 ; Zeitsch (...)
- 43 Jahrbuch für Historische Bildungsforschung, dont le premier tome parut en 1993. Voir les thèmes sur (...)
- 44 Pädagogische Rundschau depuis 1947 ; Bildung und Erziehung depuis 1948 ; Zeitschrift für Pädagogik (...)
17Une comparaison franco-allemande montre comment les conditions institutionnelles d’exercice d’une discipline peuvent être déterminantes pour les orientations scientifiques de celle-ci. Outre-Rhin, l’histoire de l’éducation est restée, conformément à ses origines, pour l’essentiel fermement agrippée aux départements de sciences de l’éducation. Elle a donc bénéficié indirectement de l’expansion considérable que ceux-ci ont connue dans cette période, à l’instar de la plupart des sciences sociales, mais d’autant plus qu’ils sont, dans la tradition allemande, dépositaires de la formation des enseignants. Entre 1966 et 1980, le nombre d’universitaires relevant des sciences de l’éducation a été multiplié par 5,5, tandis que celui des étudiants spécialisés en pédagogie s’est accru de 3000 à plus de 35 000. De même, les candidats à l’enseignement qui passaient, au moins pour partie, par ces départements, voyaient leur nombre doubler38. Signe de l’autonomisation et de la montée en puissance de la pédagogie, seule une petite minorité de ses membres provient désormais d’autres domaines scientifiques, contrairement à ce qui se faisait avant-guerre. Cette expansion quantitative des sciences de l’éducation s’est accompagnée d’une différenciation interne en nombreuses spécialités (actuellement 25 !), dont l’histoire de l’éducation fait désormais officiellement partie : la Société allemande des sciences de l’éducation (Deutsche Gesellschaft für Erziehungswissenschaft, DGfE), fondée en 1964, a créé en 1972 une commission historique qui accéda peu après à la dignité supérieure de section39. Aujourd’hui, elle constitue la première des treize sections de la DGfE (Sektion Historische Bildungsforschung der DGfE)40. L’avantage de cette situation de dépendance a été de fournir aux historiens allemands de l’éducation des conditions institutionnelles et matérielles inconnues en France, en termes de nombre de chaires, de thèses soutenues, d’instituts et de vecteurs de diffusion41. Sur le plan des revues, l’avantage peut sembler moins net, puisqu’il fallut attendre 1991 pour voir la recréation, un siècle après les premières revues scientifiques dans le domaine42, d’un bulletin annuel de la recherche en histoire de l’éducation (Jahrbuch für Historische Bildungsforschung)43. Mais des travaux historiques pouvaient déjà être publiés dans différentes revues de sciences de l’éducation et continuent à l’être, au moins pour les articles concernant la période contemporaine44. Au total, cette base institutionnelle, à laquelle il faut rattacher les éléments suisses et autrichiens qui partagent la même tradition, donne à la spécialité un poids sans comparaison avec la situation française, qui confine à celui d’une véritable discipline. Mais la contrepartie de ces avantages est la situation de dépendance de l’histoire de l’éducation vis-à-vis des sciences pédagogiques qui l’hébergent.
- 45 Alain Vergnioux (dir.), 40 ans des sciences de l’éducation. L’âge de la maturité ? Questions vives, (...)
- 46 Voir l’historique de la création dans le premier numéro de la revue Histoire de l’éducation par Guy (...)
- 47 Voir détails sur le site <http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/ et dans Service d’histoire de l’éducation, (...)
18En France, les sciences de l’éducation ne trouvèrent une structuration et une identité plus affirmée qu’avec la fondation en 1967 de leurs premiers départements universitaires autonomes45. Mais ceux-ci restèrent relativement modestes, car ils n’eurent jamais de rôle comparable dans la formation des enseignants. Un petit nombre d’historiens y furent cependant rattachés. En même temps, suivant une tradition centralisatrice bien française, le gouvernement chercha à soutenir la discipline par une institution nationale : en 1970, le cabinet du ministre de l’Éducation nationale lui inspira la création d’un poste de « haut-fonctionnaire chargé de l’histoire de l’éducation », ayant une mission d’incitation et de promotion de la discipline auprès des universitaires, qui fournirent l’essentiel des membres de la « commission permanente » de réflexion dont il s’entoura. Transformé en « Mission d’histoire de l’éducation » en 1975, ce dispositif fut finalement intégré en 1977 dans l’INRP (Institut national de recherche pédagogique) et organisé par le responsable de la mission, Guy Caplat, un inspecteur de l’administration de l’Éducation nationale, en service de recherche, sous le nom de Service d’histoire de l’éducation (SHE)46. Celui-ci sortait en décembre 1978 le premier numéro d’Histoire de l’éducation qui devint rapidement la revue française de référence du domaine, jouissant d’une reconnaissance internationale. L’équipe formait un laboratoire de recherche et de service, associé au CNRS de 1989 à 200447. Car au-delà de ses productions de recherches historiques, le SHE a joué un rôle essentiel dans la construction d’instruments de travail et de ressources pour la discipline : bibliographie annuelle, répertoires voire numérisations de sources, annuaires de chercheurs, etc.
- 48 L’équipe de titulaires relevant de l’ENS comprend actuellement trois enseignants-chercheurs, un cha (...)
19Le déménagement à Lyon de l’INRP en 2003, puis sa refondation en Institut français de l’éducation (IFÉ) en 2011, au sein de l’ENS de Lyon, ainsi que la fin de la politique d’affectation de supports de postes par le ministère de l’Éducation nationale comme soutien à la recherche, entraîna une période d’incertitude et de fragilisation pour le service. Diverses hypothèses de reconfiguration pour un maintien à Paris du SHE n’aboutissant pas, le service rejoint finalement en janvier 2012 l’IFÉ à Lyon, en se rapprochant du modèle ordinaire de la recherche portée par les établissements d’enseignement supérieur. Ses quelques membres permanents restants sont en effet désormais affectés comme enseignants-chercheurs ou personnels de recherche sur des postes de l’École normale supérieure de Lyon, et sont rattachés pour leur recherche au grand laboratoire régional d’histoire, le LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), associé au CNRS (UMR 5190)48.
- 49 Il est impossible, dans le cadre de ce survol, de donner les références bibliographiques qui s’impo (...)
- 50 Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’ense (...)
- 51 Un spécimen remarquable de cette rencontre de la perspective sociale et de l’histoire sérielle fut (...)
- 52 Dans ce contexte, les questions de la démocratisation et de l’école unique se faisaient d’autant pl (...)
20Le rattachement primitif à l’INRP, puis à son successeur l’IFÉ, ne doit pas masquer le fait que ce mouvement de renaissance de l’histoire de l’éducation des années 1970 à 1990 a été porté essentiellement par des historiens de formation « classique », sans lien avec les départements de sciences de l’éducation : Antoine Prost, Maurice Crubellier, Paul Gerbod, Dominique Julia, Roger Chartier, Marie-Madeleine Compère, Jean Quéniart, François Furet, Mona Ozouf, Françoise Mayeur, Jean-Noël Luc, Pierre Caspard, certains d’entre eux ayant aussi d’autres spécialités de recherche dans le champ historique49. C’est précisément parce qu’ils importaient des questionnements, des approches et des méthodes aiguisés sur les chantiers de la « nouvelle » histoire sociale et culturelle, en vogue à l’époque, qu’ils ont pu profondément renouveler l’historiographie de l’éducation en l’orientant vers l’étude des pratiques réelles de l’école et de l’éducation, en particulier dans leurs dimensions sociales et culturelles. Certains de ces travaux étaient aussi inspirés par les apports de la nouvelle sociologie incarnée par Pierre Bourdieu. Celle-ci opérait un effet de dévoilement sur le fonctionnement social du système scolaire, analysé comme outil de reproduction opérant au profit des élites, ces dernières étant présentées toutefois de façon plus complexe qu’auparavant grâce à la notion différenciée de capital symbolique50. De ce fait, les institutions scolaires et les hiérarchies de savoirs héritées ne devaient plus tant être comprises dans leur logique affichée que comme des instruments de légitimation d’un système social. La conséquence de cette approche aurait pu être le rejet d’une histoire de l’éducation perçue dès lors comme un divertissement de l’essentiel, mais elle lui a donné au contraire un nouveau souffle et une orientation sociale très caractéristique de l’école française51. Au-delà de l’effet d’aubaine provoqué par la rencontre de questionnements et de méthodes innovantes mis au point sur d’autres champs et d’un terrain depuis longtemps délaissé, l’intérêt pour ce domaine a été stimulé par le contexte de la politique et de la conjoncture scolaires de la période, marqué par les défis de l’extension massive de la scolarisation secondaire et supérieure, et de l’élévation en cours du niveau d’étude52.
- 53 François Furet, Jacques Ozouf (dir.), Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Ju (...)
- 54 Roger Chartier, Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia, L’Éducation en France du XVIe au XVIIIe s (...)
- 55 Louis-Henri Parias (dir.), Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Paris, (...)
- 56 François Bédarida, L'histoire et le métier d'historien en France 1945-1995, Paris, Éd. de la Maison (...)
- 57 Isabelle Havelange, art. cit., p. 61.
21Les résultats de cette rupture épistémologique au profit de l’histoire socioculturelle furent nombreux et prirent la forme de synthèses déjà abouties sur certains grands chantiers, telles l’histoire de l’alphabétisation53 ou la redécouverte de l’éducation de la France d’Ancien Régime54, ou au contraire de thèses et d’essais sur des sujets plus spécialisés. On put éditer, dès 1981, une grande histoire collective de l’éducation en France en quatre tomes, représentative de ces nouvelles directions de recherche55. Puis, compte tenu de la loi des rendements décroissants, des nécessités de renouvellement thématique dans la gestion d’une carrière universitaire, mais aussi des changements de vogue historiographique, l’histoire de l’éducation française quitta les têtes d’affiche de la nouveauté historique pour suivre un destin plus ordinaire, mais aussi plus régulier dans son fonctionnement. Une nouvelle génération de chercheurs se spécialisa dans un domaine qui s’était entre temps assis institutionnellement, même s’il a gardé aux yeux de certains historiens la réputation d’un genre mineur. Cette situation de parent pauvre dans la corporation est illustrée par le bilan de l’historiographie française présenté par François Bédarida au congrès international de Montréal en 1995, bilan dans lequel le SHE, ses chercheurs et ses produits scientifiques, notamment sa revue, ne sont pas une seule fois cités56. Les statistiques bibliographiques sont pourtant là pour l’attester, l’histoire de l’enseignement est une des rubriques qui ont le plus augmenté en trente ans (+ 354 %), grâce aussi à l’implication croissante des spécialistes des différentes disciplines scolaires57. Si cette progression traduit indubitablement un intérêt et une demande sociale d’histoire de l’éducation, on peut se demander quel rapport ces productions entretiennent avec les problèmes actuels et les enjeux futurs de l’éducation, et si elles contribuent à leur maîtrise ou à leur compréhension, enfin si elles ont, de ce point de vue, les mêmes orientations en France et en Allemagne.
IV. Des thématiques irriguées par le présent et le poids de l’histoire, une prétention et une capacité différenciées à peser sur l’action
- 58 Il existe une bibliographie pléthorique sur le sujet. Signalons seulement le grand colloque organis (...)
- 59 On a notamment discuté de l’application à l’histoire de l’éducation du concept de confessionnalisat (...)
- 60 À titre d’échantillon, on consultera l’article de revue bibliographique de Karl-Peter Horn, « Erzie (...)
- 61 On accédera en français à ces problématiques et à la bibliographie grâce à Emmanuel Droit, Vers un (...)
22De façon plus ou moins consciente, les historiens sont souvent stimulés dans leurs recherches par les problématiques du présent. Et ils sont le mieux placés pour repérer, dans le système éducatif contemporain, la subsistance de structures ou de particularités du passé et à en expliquer les raisons et la genèse. En France, on l’a vu, les débats idéologiques autour de l’école, concernant notamment les rôles respectifs et souvent contradictoires de l’État et de l’Église dans l’éducation et l’apport de chaque régime politique à l’œuvre scolaire ont suscité de nombreux travaux58. La commémoration de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, et le débat actuel sur la laïcité, à vrai dire posé dans un cadre tout à fait différent qu’à l’origine, ont été l’occasion d’un regard rétrospectif où l’éducation avait sa part. En Allemagne, où cette opposition n’existe pas, c’est plutôt l’importance du fait confessionnel comme élément structurant le système éducatif qui a polarisé les recherches, avec toutefois une prédilection pour le protestantisme, souvent assimilé au progressisme dans ce domaine59. Sinon, le difficile travail de « digestion » ou dépassement du passé (Vergangenheitsbewältigung), et d’éducation démocratique, qui figure parmi les premières obligations du système scolaire allemand, a eu pour conséquence une multiplication de travaux disséquant les ressorts de l’endoctrinement et de l’embrigadement par l’école sous les régimes autoritaires ou dictatoriaux qui ont marqué l’histoire allemande, de l’absolutisme au nazisme en passant par l’impérialisme60. Un travail similaire est fait depuis la chute du Mur de Berlin sur le système éducatif de l’ex-RDA61. Mais on peut faire l’hypothèse que l’autre tropisme, toujours présent, de l’histoire de l’éducation allemande pour les Lumières pédagogiques et l’application progressive de leurs idées est également, pour une part, un contrepoint à cette entreprise nécessaire mais psychologiquement difficile d’exorcisation du passé.
- 62 La plupart des spécialistes de la question se retrouvent dans la grande histoire de l’éducation des (...)
- 63 Hans Jürgen Apel, Karl-Peter Horn, Peter Lundgreen, Uwe Sandfuchs (dir.), Professionalisierung päda (...)
- 64 Voir l’exemple de l’histoire de la période moderne, Jean-Luc Le Cam, « L’histoire de l’éducation en (...)
- 65 On consultera sur le site déjà cité du SHE les publications et séminaires d’André Chervel, Marie-Ma (...)
23Il y a bien sûr aussi des points communs des deux côtés du Rhin dans cette mise en perspective historique des problèmes présents. Par exemple, la place des femmes dans cette histoire, longtemps négligée, a fait l’objet dans les deux pays d’une attention accrue, répondant ainsi aux soucis contemporains d’égalité entre les sexes à l’origine du développement des études de genre62. Les interrogations actuelles sur les performances scolaires et les façons de les évaluer ont stimulé les recherches sur les travaux d’élèves et la certification par l’examen. Et la perpétuelle discussion sur la formation des enseignants encourage naturellement l’étude de la professionnalisation progressive du corps professoral63. Les rencontres internationales et les nécessités de renouvellement des thématiques ont fini en outre par rapprocher les points de vue. Malgré le poids de l’histoire des idées et des institutions, l’histoire socioculturelle a bien fini aussi par irriguer pour partie l’historiographie allemande de l’éducation64. Inversement, les recherches françaises ont changé de paradigme, passant d’une interrogation centrée essentiellement sur le fonctionnement social de l’école et ses enjeux politiques à des enquêtes sur la réalité des pratiques pédagogiques et la constitution des disciplines enseignées et d’une culture scolaire, rejoignant ainsi certains des centres d’intérêt des pédagogues allemands65. Nous y reviendrons en dernière partie quand il s’agira d’évaluer les apports de l’historiographie aux problèmes contemporains.
- 66 Karl-Peter Horn, « Zur Bedeutung der allgemeinen Erziehungswissenschaft: Anmerkungen aus Diszipling (...)
- 67 Helmut Fend, Neue Theorie der Schule. Einführung in das Verstehen von Bildungssystemen, Wiesbaden, (...)
- 68 Andreas Schäfer, Die Erfindung des Pädagogischen, Paderborn, Schöningh, 2009. Voir mon compte rendu (...)
24Si l’on reprend toutefois la question posée en introduction sur la contribution de l’histoire de l’éducation à la compréhension du présent et à la préparation de l’avenir, on retrouve de fortes nuances dans les deux approches. En Allemagne subsiste le penchant naturel à intégrer l’histoire de l’éducation au grand ensemble des sciences pédagogiques, voire même à l’instrumentaliser comme auxiliaire d’une discipline universitaire intitulée « pédagogie générale », « pédagogie systématique » ou « science de l’éducation générale ». Son objet est de produire, à partir de la discussion critique de ses concepts principaux, et en puisant dans les diverses sciences humaines et sociales, une théorie générale et systématique de l’éducation66. La démarche d’Helmut Fend, professeur émérite de pédagogie et de psychologie de l’éducation à l’université de Zurich, est révélatrice de ce point de vue : dans la vaste somme de la théorie de l’éducation en quatre volumes qu’il a entrepris de publier, le premier tome traite de l’école essentiellement du point de vue de la sociologie des organisations, tandis que le second est consacré à l’histoire du système éducatif européen conçu comme un chemin particulier dans l’histoire des civilisations, et que le troisième aborde la réalité des politiques scolaires et les modes de pilotage du système67. L’auteur mêle ici diverses sciences humaines et sociales, dont il n’est pas spécialiste, au service de sa construction globale, se sentant suffisamment légitimé par le but de son étude, ce qui n’irait pas de soi dans la conception française. Dans la même veine, mais plus conforme à la tradition d’histoire des idées et de philosophie de l’éducation, et donc totalement détachée de l’observation des pratiques, l’entreprise d’Alfred Schäfer, professeur de pédagogie générale, cherche à retracer l’invention du « pédagogique » dans le cheminement de la philosophie depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle68.
- 69 Voir par exemple, pour la période moderne, supra note 65.
- 70 Citons, parmi d’autres pour le Moyen Âge, Martin Kintzinger ; pour l’époque moderne, Arno Seifert, (...)
- 71 Par exemple, Christoph Schwinges pour le Moyen Âge ou Notker Hammerstein pour l’époque moderne, tou (...)
- 72 Christa Berg (dir.), Handbuch der deutschen Bildungsgeschichte, 6 tomes, (7 vol.), München, Beck, 1 (...)
- 73 Par exemple Till Kössler en histoire sociale de l’éducation, de l’enfance et de la jeunesse à Bochu (...)
25Certes, un nombre croissant d’historiens de l’éducation allemands, y compris ceux qui sont issus de la pédagogie, travaillent à la façon des historiens généralistes et en adoptent volontiers la revendication d’indépendance et de conformité aux standards de la discipline69. Mais à l’inverse, certains historiens ont aussi pris l’éducation ou les institutions d’enseignement comme objets de recherche. C’est vrai en particulier pour les périodes médiévale et moderne (du moins avant les Lumières), généralement délaissées par les pédagogues, car moins proches des problématiques actuelles et aux sources plus difficiles d’accès (paléographie, prépondérance du latin)70 ; de même pour l’histoire de l’université, qui est en Allemagne un quasi-monopole des historiens71. Dès les années 1980, l’équipe travaillant à la publication, chez l’éditeur prestigieux Beck à Munich, d’une grande histoire de l’éducation allemande (Bildungsgeschichte) en sept volumes, comprenait pour cette raison des représentants des deux disciplines, en particulier pour les premiers tomes72. Enfin, il arrive même aujourd’hui que, faute de débouchés dans les départements d’histoire, des historiens soient candidats sur des chaires de « pédagogie historique », pour reprendre cette expression allemande désignant l’histoire dans les Instituts de sciences de l’éducation73.
- 74 Cette critique a d’abord été formulée par un Américain d’origine allemande, Jurgen Herbst, « The hi (...)
- 75 Andreas von Prondczynsky, « Historische Bildungsforschung: Auf der Suche nach dem systematischen Or (...)
- 76 Max Liedtke, Eva Matthes, Gisela Miller-Kipp (dir.), Erfolg oder Misserfolg? Urteile und Bilanzen i (...)
26Mais l’on sent bien que cette émancipation de la pédagogie ou ce rapprochement vis-à-vis des historiens ne sont pas sans poser parfois problème à une corporation qui se trouve institutionnellement au service des sciences de l’éducation et de la formation des enseignants. Les derniers débats sur les orientations de la recherche le confirment : l’adhésion croissante aux paradigmes de l’histoire socioculturelle universitaire aurait, selon des voix critiques, éloigné la discipline de son utilité sociale, et l’aurait même, après une floraison dans le dernier quart du XXe siècle, conduite à une relative stérilité, faute d’impulsions nouvelles venant du terrain. Certains plaident donc pour la reconstitution d’un lien étroit entre cette recherche et les besoins de la formation des enseignants74. Lors du colloque annuel des historiens de l’éducation allemands en 2007, Andreas von Prondczynsky a proposé que leur discipline se place à nouveau dans la perspective d’une théorie systématique de l’éducation, en gardant ainsi un ancrage explicite dans les sciences pédagogiques75. Peu avant, ce congrès annuel orientait d’ailleurs la réflexion vers des problématiques comportant une dimension pratique, comme celle de l’évaluation des succès et des échecs des expériences éducatives, ou celle du rapport à la politique de la discipline76.
- 77 Voir le site <http://www.atrhe.org/home (page d’accueil consultée le 3/6/2014). En mars 2013, a été (...)
- 78 Voir la composition du bureau sur le site, qui précise que l’association a été fondée, le 14 novemb (...)
27Le paysage français de l’histoire de l’éducation ne connaît pas de débat semblable et aucune voix audible ne plaide pour une soumission utilitariste de la discipline aux sciences de l’éducation. Tout au plus pourrait-on interpréter la formation récente de l’ATRHE (Association transdisciplinaire pour les recherches historiques sur l’éducation) comme une critique implicite de l’hégémonie des historiens dans les institutions d’histoire de l’éducation ci-dessus évoquées. Ses buts affichés sont toutefois très classiques et sans exclusive : « l’organisation de manifestations publiques consacrées aux recherches historiques sur l’éducation, la promotion d’échanges avec des associations internationales poursuivant des buts identiques, le soutien à des groupes transdisciplinaires de recherches historiques sur l’éducation, la diffusion d’informations sur les recherches transdisciplinaires historiques sur l’éducation » 77. Mais l’origine institutionnelle des fondateurs et du bureau de l’association, relevant très majoritairement des sciences de l’éducation (70e section du CNU), et sans doute plus encore les périphrases choisies pour éviter soigneusement le terme d’histoire de l’éducation pourraient suggérer un contentieux, qui mériterait d’être exposé plus clairement78. En attendant, cette initiative a le mérite de remplir une lacune, la France étant l’un des rares pays à ne pas avoir eu jusqu’ici d’association dédiée à l’histoire de l’éducation, ce qui la différencie encore fortement de l’Allemagne.
- 79 Qui n’est pas toujours historienne, on peut citer par exemple le sociologue Jean-Michel Chapoulie, (...)
- 80 Voir comment cet enchevêtrement de causes et de domaines doit être envisagé à propos de l’histoire (...)
- 81 Jean-Luc Le Cam, « Fortune et infortunes des maîtres de Wolfenbüttel : paradoxes, faux-semblants et (...)
- 82 Jean-Luc Le Cam, « Le parcours de Pierre-Jakez Hélias vu par l’historien de l’éducation ou La mytho (...)
28Ainsi jusqu’à présent, les principaux acteurs reconnus, quelle que soit leur discipline d’origine79, se sont placés dans les pratiques scientifiques de l’histoire universitaire généraliste, seules à même d’éviter les écueils qui guettent le spécialiste d’une technique qui s’improvise historien : contresens historique, anachronisme, téléologie, réduction des causalités au champ interne à l’objet étudié, pour ne citer que les principaux. Le domaine de l’école et de l’éducation a ceci en outre de périlleux qu’il est rempli de termes qui désignent sous le même nom des réalités en fait totalement différentes suivant les époques, alors qu’inversement la tendance actuelle au néologisme et à la re-nomination politiquement correcte contribue à faire perdre le sens des continuités. Surtout, une histoire coupée de la connaissance de la complexité de son contexte et de ses facteurs s’expose à toutes les cécités et tous les contresens80. Même le recours à la source originale ou au témoin contemporain ne suffit pas à l’écarter sans expertise suffisante dans le « métier d’historien ». J’ai pu montrer comment une approche différente des sources pouvait conduire à une appréciation radicalement opposée de la situation matérielle des maîtres d’écoles du Brunswick après la guerre de Trente Ans81, ou comment une contre-enquête critique dans les archives contredisait la mémoire, passablement reconstruite, d’un témoin de premier choix tel Pierre-Jakez Hélias sur la réalité sociale qui l’entourait au lycée de Quimper entre les deux guerres82. Le réflexe critique vis-à-vis du document et de la manière de l’exploiter, qui est à la base de la méthode historique scientifique, reste un garde-fou indispensable. Tout le monde peut l’acquérir, mais il n’en reste pas moins que ce qui s’écrit sur l’histoire de l’éducation reste pour cette raison avant tout de l’histoire, comme le rappelle Marc Depaepe dans le premier de ses « Dix commandements » déjà cités, et doit donc remplir les critères de pertinence de cette science, fût-elle humaine ou sociale.
- 83 Bruno Belhoste « Culture scolaire et histoire des discipline », Annali di Storia dell’Educazione e (...)
- 84 André Chervel, La culture scolaire. Une approche historique, Paris, Belin, 1998 ; François Jacquet- (...)
- 85 Anne-Marie Chartier, L'école et la lecture obligatoire. Histoire et paradoxes des pratiques d'ensei (...)
29Ceci n’empêche pas qu’une histoire de l’éducation « historienne » puisse contribuer à la compréhension des problèmes contemporains et aux progrès des sciences de l’éducation. Il est d’abord un domaine qui a connu un fort développement dans les dernières décennies et dont l’apport potentiel à la réflexion sur la didactique est indéniable. C’est l’étude de la constitution et du développement des différentes disciplines scolaires, qu’on a trop longtemps considérées comme un donné préexistant en soi, que l’école se chargerait d’inculquer, et qui évoluerait simplement en fonction du mouvement des connaissances et des vogues culturelles ; alors même qu’elles sont en grande partie façonnées, voire inventées par l’école83. De même s’est construite, au carrefour de ces différentes recherches dans les spécialités disciplinaires, la notion nouvelle et plus générale de « culture scolaire », qui permet par exemple de repenser à nouveau frais les difficultés contemporaines d’adaptation de l’école à la culture et à la sociologie adolescente84. Mais certains de ces travaux peuvent aussi éclairer les praticiens en les aidant à comprendre comment, et en fonction de quel contexte et quelles finalités, se sont façonnées les pratiques pédagogiques mais aussi les méthodes d’apprentissage. L’exemple le plus parlant est celui de l’enseignement de la lecture, sur lequel Anne-Marie Chartier a enquêté toute sa carrière. Elle démontre que même une pratique en apparence aussi rudimentaire et technique est en fait toujours fortement déterminée par son contexte, et qu’elle a changé dans l’histoire dans ses modalités comme dans ses finalités85. Son travail devrait inspirer toute réflexion visant à améliorer l’efficience de l’apprentissage de la lecture aujourd’hui.
- 86 Voir Antoine Prost, « L’apport de l’histoire », in Jacky Beillerot, Nicole Mosconi (dir.), Traité d (...)
- 87 Jean-François Chanet, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996. Pierre-Jake (...)
- 88 Antoine Prost, Benoît Falaize, Charles Heimberg, Olivier Loubes (dir.), École, histoire et nation, (...)
- 89 Sur l’orthographe cf. supra note 63. Plus généralement, André Chervel, La culture scolaire, op. cit
30Plus généralement, l’utilité « pratique » de l’histoire de l’éducation est de relativiser, de mettre en perspective, de construire la compréhension du présent dans sa profondeur historique tout en démontrant la multiplicité des facteurs à l’œuvre et l’importance des contextes86. Cela permet d’une part d’éviter l’impression fallacieuse de nouveauté face à des phénomènes ou des réponses pédagogiques qui sont depuis longtemps attestés et qui ont parfois aussi déjà trouvé leurs limites. Certains contempteurs de « l’école de papa » seraient sans doute étonnés de voir la créativité des pédagogues anciens, et l’acuité des analyses du système scolaire de certains de leurs contemporains. D’autre part et en sens inverse, comme on l’a déjà évoqué, une connaissance contextualisée du passé des institutions éducatives évite de succomber aux assimilations abusives et aux comparaisons diachroniques trompeuses. Enfin, l’histoire devrait permettre de démonter un certain nombre de mythes que toute société construit, autant dans le positif que dans le négatif, et qui obscurcissent sa compréhension du passé comme du présent : ainsi cette figure mythique de l’instituteur de la IIIe République, ce « hussard noir », qui serait le héros de la scolarisation et de l’alphabétisation des campagnes, mais aurait aussi au passage écrasé les cultures régionales tout en fabricant le sentiment national. Des décennies de recherche ont établi au contraire la lente construction dès l’Ancien Régime, dans le sillage des Réformes, du réseau scolaire et de l’alphabétisation du pays, sans parler des voies d’instruction alternatives à l’école ; de même, la thèse de Jean-François Chanet a montré l’intérêt affirmé des instituteurs et des écoles normales pour les cultures régionales et leur contribution à leur sauvegarde87 ; enfin, les études sur le rapport entre enseignement et sentiment national incitent à apporter beaucoup de nuances voire des démentis à ce schéma d’un nationalisme insufflé par le haut et par l’école88. Dans le domaine de la pédagogie aussi et de son efficience, la recherche démontre que ce n’est pas tant l’école de Jules Ferry qui faisait de l’orthographe une obsession, que celle qui l’a précédée, au point de faire de la grammaire scolaire une discipline essentiellement tournée vers son apprentissage, ou que les résultats objectivement mesurés des performances d’élèves à travers les âges sont loin de corroborer le mythe répandu d’une maîtrise générale de l’écrit au temps béni du certificat d’études89.
31Il semble donc qu’il y ait une distorsion importante entre l’image que l’opinion commune et bon nombre des débatteurs évoqués en première partie, y compris le personnel politique, continuent de cultiver sur l’histoire de l’école et ce que la recherche a établi depuis quarante ans. Pierre Caspard, directeur du Service d’histoire de l’éducation jusqu’en 2010, a montré dans un article pénétrant comment la vague mémorielle et la sanctification du patrimoine, qui a touché l’école comme d’autres domaines dans les vingt dernières années, a pu aggraver cette difficulté à recevoir et vulgariser les acquis de la recherche. La mémoire ne cherche pas tant à comprendre le passé et les évolutions dans le temps qu’à y trouver les aliments de nos obsessions et de nos nostalgies actuelles. Elle est, de ce point de vue, le contraire de l’histoire comme discipline de recherche. Dans le débat public comme dans la vulgarisation sur l’histoire de l’école, telle qu’elle s’opère par exemple dans les musées scolaires ou les beaux livres commémoratifs, le curseur est resté pour cette raison, constate-t-il, bloqué sur l’école de la IIIe République, contrepoint fantasmé des problèmes contemporains de l’enseignement, sempiternellement encensée dans la nostalgie d’un âge d’or perdu.
- 90 Pierre Caspard, « La profession enseignante, entre histoire et mémoire. Une enquête chez les maître (...)
- 91 Pierre Caspard, « L’histoire de l’éducation dans un contexte mémoriel », art. cit., p. 82. Voir aus (...)
32Même chez les futurs enseignants, la situation n’est souvent guère meilleure, comme l’a montré en 2002 une enquête auprès d’élèves d’IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres)90. Sans être aussi imprégnés de ces représentations, sans doute caractéristiques de générations plus âgées, ils n’avaient cependant qu’une image largement stéréotypée de leurs prédécesseurs : des maîtres pauvres mais respectés, savants mais piètres pédagogues, faute de « mettre l’enfant au centre des apprentissages ». Incapables de percevoir les évolutions avec un minimum de nuances, et de dépasser la vulgate sur laquelle certains ont parfois voulu fonder la légitimité des IUFM, leur perception du temps semblait réduite à un « présentisme » du pauvre, simple dichotomie entre un « désormais » et un « jadis » indifférencié et passablement brumeux, commençant déjà pour eux en amont de la loi d’orientation de 1989. C’est donc avec un sentiment quelque peu désabusé que Pierre Caspard, au terme de son mandat, faisait le bilan des applications de la recherche des historiens de l’éducation dans la formation des enseignants ou de sa mobilisation par les acteurs du système éducatif pour aider à comprendre les problèmes du présent91.
- 92 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école (...)
33Certes, depuis cette enquête datant du début des années 2000, des évolutions positives ont pu être décelées, au moins au niveau de l’encadrement : dans la plupart des IUFM ont été créés des postes d’historiens de l’éducation, parfois combinés avec la didactique de l’histoire. Ceci nous rapproche un peu, mais à une échelle bien plus réduite, de la situation allemande où histoire de l’éducation, sciences de l’éducation et formation des enseignants sont liées. Si cela a pu favoriser sur ces sites la recherche en histoire de l’éducation, cela n’a guère pu se traduire dans la formation des maîtres du fait de la réforme de 2009. Cette « mastérisation » (transformation en master) imposée du système de recrutement et de formation des enseignants a réduit paradoxalement le temps de formation professionnelle, tout en écrasant les candidats sous les tâches les plus variées et contradictoires, ruinant toute possibilité de les soumettre en outre à un enseignement suivi d’histoire de l’éducation. La nouvelle réforme des concours et masters d’enseignement amorcée en 2012, et la transformation des IUFM en ÉSPÉ (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) à la rentrée 2013, permettront peut-être de revenir à une configuration plus satisfaisante pour cette discipline92. Toutefois, les impératifs de la préparation des concours dominant toujours l’emploi du temps et le programme, on peut craindre que cette formation ne se réduise à une généalogie historique sommaire des institutions et des normes éducatives, seuls éléments susceptibles d’être vérifiés par les examinateurs au moment des épreuves orales professionnelles. On peut douter dans ce cas de la possibilité d’un transfert à la formation des enseignants des principaux acquis de la recherche contemporaine en histoire de l’éducation.
- 93 C’est un peu ce que décrit François Jacquet-Francillon, « L’histoire de l’éducation et de l’enseign (...)
- 94 Signalons toutefois dans cet esprit la synthèse récente, dirigée par François Jacquet-Francillon, R (...)
- 95 Sans aller dans la grande profondeur d’un large recul chronologique, on peut jeter un regard rétros (...)
34Les exemples allemand et français offrent l’illustration de deux orientations différentes de l’histoire de l’éducation, dans leur origine comme dans leur application. L’une est issue majoritairement de la philosophie et des sciences de l’éducation et l’autre des sciences historiques et politiques. La première bénéficie d’un ancrage institutionnel très solide dans la formation des enseignants, gage de puissance, mais au prix d’une certaine dépendance et d’un risque d’instrumentalisation ; la seconde ne possède pas les mêmes atouts matériels, ni la même reconnaissance sociale, mais elle a gagné en quelques décennies une légitimité scientifique certaine dans le champ de la recherche historique. Les débats en cours dans la discipline montrent que celle-ci se trouve en fait prise en tension, en France comme en Allemagne, entre ces deux pôles, celui de l’utilité sociale et celui de la logique scientifique. Certes, l’on pourrait laisser cohabiter deux formes d’historiographie de l’éducation, comme c’est plus ou moins encore le cas dans les deux pays : l’une, « traditionnelle », retraçant essentiellement l’histoire des politiques scolaires et des théories pédagogiques à des fins pratiques de formation des enseignants et l’autre, véritable spécialité de recherche historique, se chargeant de continuer à explorer, en embrassant des objets toujours plus variés dans un dialogue avec les autres sciences sociales, la complexité des facteurs d’évolution du système éducatif et des modes d’enseignement93. Mais ce serait laisser perdurer auprès des utilisateurs finaux l’illusion d’optique entretenue par cette ancienne historiographie, celle de la primauté des constructions théoriques sur le cours réel des choses et des structures : or l’histoire, c’est la description de ce qui a été et non pas de ce qu’on a voulu qu’il soit, même si l’on doit bien sûr prendre en compte les théories, les discours et les normes. L’enjeu pour la discipline serait donc de réussir à rétablir une circulation entre la production de cette recherche historique moderne et l’éclairage par l’histoire des réflexions sur l’enseignement que doivent conduire les acteurs du système, quel que soit leur niveau. Cela implique sans doute un effort des chercheurs pour diffuser les résultats de leurs travaux dans des synthèses accessibles aux non spécialistes, comme ils ont su le faire il y a trente ans. L’élargissement constant du champ de la recherche, la complexification des objets et des méthodes, et la spécialisation qu’ils induisent, rendent cette synthèse plus difficile aujourd’hui qu’alors94. Mais cela suppose aussi que la capacité de réception du public visé ne soit pas détournée ou entravée par la projection de stéréotypes mémoriels, ou le ballast de présupposés idéologiques sourds à toute démonstration contraire. Moyennant quoi, l’histoire de l’éducation pourrait être à nouveau une source d’inspiration pour les acteurs et réformateurs de l’école présente et future. Non pas sur le mode d’historicité du futurisme qui consistait, dans une téléologie plus ou moins optimiste, à se placer dans la continuité d’une marche vers le progrès dont on égrenait les diverses étapes, les revers et les succès ; mais sur un mode à la fois plus modeste et plus ambitieux, qui n’impose pas une lecture univoque de l’histoire mais une éducation du regard. Elle met en lumière les permanences structurelles comme les potentialités offertes par la combinaison conjoncturelle de facteurs complexes, rappelle l’inertie des pesanteurs sociales mais aussi la fécondité des changements culturels95. Dans la mise à distance qu’offre l’observation du passé, une démarche historique critique et ouverte aux autres sciences sociales trouve le champ d’exercice qui lui permet ensuite de retourner vers le présent un regard dessillé, dans un mouvement comparable, mutatis mutandis, à ce que Jean Piaget, dans sa théorie de la connaissance, appelait la décentration.
Notes
1 Ce texte a été originellement conçu pour répondre à la problématique d’un colloque pluridisciplinaire sur le thème « Penser le présent comme un passé pour demain », organisé à Brest du 15 au 16 décembre 2010 par l’Institut des sciences de l’homme et de la société de l’université de Bretagne Occidentale. Il a été depuis enrichi et mis à jour des dernières évolutions du paysage de l’histoire de l’éducation en France et en Allemagne, essentiellement dans la mesure où celles-ci apportaient quelques nuances au propos initial.
2 Marc Depaepe, « The Ten Commandments of Good Practices in History of Education Research », Zeitschrift für Pädagogische Historiographie, n° 16, 2010, vol. 1, p. 31-34, p. 31, trad. de l’auteur. Voir aussi sa position infra, note 75.
3 Richard Aldrich, « A Future Role for Historians of Education », Bildungsgeschichte. International Journal for the History of Education, n° 1, 2014, p. 136-142.
4 François Hartog, Régimes d’historicité : Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2002.
5 Voir par exemple les discours tenus après la guerre de Trente Ans, Jean-Luc Le Cam: « Extirper la barbarie. La reconstruction de l’Allemagne protestante par l’École et l’Église au sortir de la guerre de Trente Ans », in François Pernot, Valérie Toureille (dir.), Les lendemains de guerre, Berne, Peter Lang, 2010, p. 377-386.
6 Pour un tour d’horizon plus vaste, voir Marie-Madeleine Compère, L’histoire de l’éducation en Europe. Essai comparatif sur la façon dont elle s’écrit, Paris, INRP/Peter Lang, 1995.
7 Le programme PISA (Programm for International Student Assessment) conduit par l’OCDE vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. La première étude de ce type fut menée en 2000 (et publiée en 2001), et suit depuis un rythme triennal. Ce n’est donc qu’en 2001 que les pays prirent connaissance de leur position dans ce classement, et plus récemment que l’on a pu mesurer l’évolution observée à partir des mêmes instruments et critères.
8 Un genre dont Jean-Paul Brighelli, enseignant de lettres modernes, s’est fait une spécialité sur le mode le plus provoquant et polémique avec successivement, chez Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, Paris : La Fabrique du crétin, 2005 ; À bonne école, 2006 ; Une école sous influence ou Tartuffe-roi, 2006 ; Fin de récré : pour unerefondation de l’école, 2008 ; et dernièrement : Tireurs d'élites : défense et illustration de l’élitisme républicain, Paris, Plon, 2010. Voir aussi la satire de l’IUFM de François Vermorel : La ferme aux professeurs, Paris, Éd. de Paris, 2005 ; et Natacha Polony, Nos Enfants gâchés. Petit traité sur la fracture générationnelle, Paris, Lattès, 2005 ; Id., M(me) le président, si vous osiez… : 15 mesures pour sauver l’école, Paris, Mille et une nuits, 2007. Par ailleurs, des acteurs moins médiatiques se sont regroupés en association pour assurer cette défense : Sauver les lettres (<http://www.sauv.net/>) ; Restaurer l’école (<http://www.r-lecole.freesurf.fr/>).
9 Alain Finkielkraut, Une Voix vient de l'autre rive, Paris, Gallimard, 2000 ; id., Enseigner les lettres aujourd'hui, Paris, Tricorne, 2003. Id., Collectif, La querelle de l'école, Paris, Stock, 2007. Voir l’analyse de Bernard Charlot, « Les sciences de l’éducation en France : une discipline apaisée, une culture commune, un front de recherche incertain » in Rita Hofstetter, Bernard Schneuwly (dir.), Le pari des sciences de l'éducation, Bruxelles, De Boeck, 2001, p. 150. Marcel Gauchet a également pointé la menace que faisait porter sur l’entreprise éducative le processus d’individualisation pédagogique et affirmé que l’autorité était une condition de l’éducation : voir Marcel Gauchet, Marie-Claude Blais, Dominique Ottavi, Pour une philosophie politique de l’éducation, Paris, Hachette, 2003 ; Marcel Gauchet, Conditions de l’éducation, Paris, Stock, 2008. À l’autre extrémité du spectre idéologique se développe aussi une critique radicale de l’école telle qu’elle est, mais qui aboutit finalement à la proposition de sa dissolution : Julie Roux, Inévitablement (après l'école), Paris, La Fabrique, 2007.
10 Dans son dernier essai, L’identité malheureuse, Paris, Stock, 2013, Alain Finkielkraut dénonce le renoncement à transmettre ce patrimoine culturel et à assumer l’identité française.
11 Gérard De Vecchi, École : sens commun... ou bon sens ? Manipulations, réalité et avenir, Paris, Delagrave, 2007 ; Franck Rimbert, La fabrique du génie. À bas l’école de papa, Paris, Éd. du Temps, 2007. Et bien sûr Philippe Meirieu, qui fait figure de symbole du « pédagogisme » pour ses adversaires, notamment comme défenseur attitré des sciences de l’éducation et des IUFM, voir entre autres : Frankenstein pédagogue, Paris, ESF, nouvelle édition, 2007 ; Pédagogie : le devoir de résister, Paris, ESF, nouvelle édition, 2008 et son site <http://www.meirieu.com/>. L’enquête PISA semble apporter de l’eau à leur moulin, cf. Christian Baudelot, Roger Establet, L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, Paris, Seuil, 2009.
12 Pierre Kahn : « Républicains contre pédagogues : Les habits neufs d’une vieille querelle ? » in Alain Vergnioux (dir), Grandes controverses en éducation, Berne, Peter Lang, 2013, p. 213-226. Jacqueline Gautherin, Une discipline pour la République. La science de l’éducation en France (1882-1914), Berne, Peter Lang, 2002, étudie précisément cette alliance originelle. Dans son dernier livre, Du changement dans l'école, Les réformes de l'éducation de 1936 à nos jours, Paris, Seuil, 2013, Antoine Prost montre comment les réformes pédagogiques tentées entre les années 1960 et la fondation des IUFM ont suscité de vives oppositions et consolidé par contrecoup ce discours « antipédagogique » (voir en particulier p. 159-164 et 207-213, 316-325).
13 D’origines diverses, ce sont des prises de positions moins polémiques qui cherchent avant tout à proposer des solutions : Gaëtane Chapelle, Denis Meuret (dir.), Améliorer l'école, Paris, Presses universitaires de France, 2006 ; Jean-Michel Wavelet, Une école pour chacun, Paris, L’Harmattan, 2007 ; Jean-Marie Petitclerc, Lettre ouverte à ceux qui veulent changer l'école, Paris, Bayard, 2007 ; Alain Bentolila, Urgence école.Le droit d'apprendre, le devoir de transmettre, Paris, Odile Jacob, 2007 ; Jean-Luc Dumont, Siré Camara, L’école, les jeunes et la culture, Paris, L'Harmattan, 2007.
14 Une sélection de l’analyse des réactions : Bernd Fahrholz, Sigmar Gabriel, Peter Müller (dir.), Nach dem PISA-Schock: Plädoyers für eine Bildungsreform, Hambourg, Hoffmann und Campe, 2002 ; Freerk Huisken, Der "Pisa-Schock" und seine Bewältigung: wieviel Dummheit braucht, verträgt die Republik?, Hambourg : VSA-Verl., 2005 ; Robert Schwager, « PISA-Schock und Hochschulmisere: hat der deutsche Bildungsföderalismus versagt? », Perspektiven der Wirtschaftspolitik, n° 6, 2005, p. 189-205 ; Deutscher Frauenrat, Vom Sputnik-Schock zum Pisa-Schock: Bildung in Deutschland, Berlin, Dt. Frauenrat, 2005 ; Marianne Demmer, « Vom PISA-Schock zur PISA-Show », Die deutsche Schule, 99/4, 2007, p. 390-399 ; Bernhard Payk, Deutsche Schulpolitik nach dem PISA-Schock: wie die Bundesländer auf die Legitimationskrise des Schulsystems reagieren, Hambourg, Kovač, 2009.
15 La réticence à laisser à l’État une emprise trop grande sur l’enfant était certes, après l’expérience du nazisme et du communisme, une des raisons profondes de vouloir maintenir cette particularité allemande du temps scolaire. Mais son origine remonte en fait à la fin du XIXe siècle, lorsque la nécessité du travail des enfants dans les classes populaires et la volonté de limiter les déplacements entre le domicile et l’école, en l’absence de cantine, ont conduit progressivement à une limitation des cours à la journée continue, réduite à une longue matinée; cf. Peer Zickgraf, « Eine kurze Geschichte der Ganztagsschule », Die Ganztagsschule, n° 48, 2008, p. 137-142 et plus généralement Karen Hagemann et al. (dir.), Children, families, and states: time policies of childcare, preschool, and primary education in Europe, New York, Berghahn Books, 2011.
16 Petra Stanat et al., PISA 2000: Die Studie im Überblick. Grundlagen, Methoden und Ergebnisse, Berlin, Max-Planck-Institut für Bildungsforschung, 2002, p. 15-24 (<http://www.mpib-berlin.mpg.de/pisa/PISA_im_Ueberblick.pdf>).
17 Voir cependant Daniel Tröhler, « Schulgeschichte als Argument der politischen Presse », in Marcelo Caruso, Heidemarie Kemnitz, Jörg-W. Link (dir.), Orte der Bildungsgeschichte, Bad Heilbrunn, Klinkhardt, 2009, p. 125-136.
18 Eva Matthes, « Bildungsgeschichtliche Bezüge in aktuellen Diskussionen über Schulreform », in ibid., p. 113-124 ; Hartmut Schiedermair, « Ist die Universitätsidee von Wilhelm von Humboldt tot? », Erfurter Universitätsreden, n° 5, 2002, p. 9-25 ; Birgit Sandkaulen, « Knowing how. Ein Plädoyer für Bildung jenseits von Modul und Elfenbeinturm », in Joachim Bauer, Olaf Breidbach, Hans-Werner Hahn (dir.), Universität im Umbruch, Universität und Wissenschaft im Spannungsfeld der Gesellschaft um 1800, Stuttgart, Steiner, 2010, p. 183-194.
19 Article paru en 1857 dans la revue qu’il dirigeait, véritable bible des instituteurs, le Manuel général de l’instruction primaire, 3e série, n° 1, p. 4-5 sous le titre « De l’histoire de l’enseignement et de l’éducation », reproduit dans Histoire de l’éducation, mai 1986, n° 30, p. 67-71.
20 L’expression est employée pour la première fois par le célèbre pédagogue Joachim Heinrich Campe (1746-1818). Voir Notker Hammerstein, Ulrich Herrmann (dir.), Handbuch der deutschen Bildungsgeschichte, t. 2, 18. Jahrhundert, Munich, Beck, 2005, où l’on trouvera une abondante bibliographie.
21 Les premiers cours sont donnés à Königsberg à partir de 1776 par Emmanuel Kant ; Johann Friedrich Herbart lui succédera en 1809. La première chaire spécialisée de pédagogie est fondée à Halle en 1779 pour Ernst Christian Trapp, et des cours analogues sont attestés dans la même décennie dans d’autres universités protestantes (Iéna, Göttingen, Helmstedt), ibid., p. 114-117.
22 Ibid., p. 137-160.
23 Peter Lundgreen, « Historische Bildungsforschung », in Reinhard Rürup (dir.), Historische Sozialwissenschaft. Beiträge zur Einführung in die Forschungspraxis, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1977, p. 96-125 ; Ulrich Herrmann, Historische Bildungsforschung und Sozialgeschichte der Bildung. Programme, Analysen, Ergebnisse, Weinheim, Deutscher Studien Verlag, 1991.
24 Dietmar Krause-Vilmar, « Materialen zur Sozialgeschichte der Erziehung. Über die Arbeit der „Gesellschaft für deutsche Erziehungs- und Schulgeschichte“ (1890-1938) », Zeitschrift für Pädagogik, n° 18, 1972, p. 357-372 ; Klaus-Peter Horn, « Die „Gesellschaft für deutsche Erziehungs- und Schulgeschichte“ (1890-1938) », in Gert Geißler, Ulrich Wiegmann (dir.), Außeruniversitäre Erziehungswissenschaft in Deutschland. Versuch einer historischen Bestandsaufnahme, Cologne, Böhlau, 1996, p. 91-112.
25 La production la plus remarquable de cette école historique est celle de Friedrich Paulsen, Geschichte des gelehrten Unterrichts auf den deutschen Schulen und Universitäten vom Ausgang des Mittelalters bis zur Gegenwart, 2 tomes, 3e éd., Berlin/Leipzig, Veit und Comp., 1921.
26 Bernard Trouillet, „Der Sieg des preussischen Schulmeisters“ und seine Folgen für Frankreich, 1870-1914, Cologne, Böhlau, 1991 ; Damiano Matasci, « Les missions pédagogiques françaises en Allemagne : un exemple de circulation transfrontière des modèles scolaires (1860-1914) », Trajectoires, n° 3, 2009, (<http://trajectoires.revues.org/index235.html>).
27 Peter Lundgreen, art. cit., p. 98.
28 Karl-Heinz Günther, « Traditionen und Leistungen der Geschichte der Erziehung als Wissenschaftsdisziplin in der Deutschen Demokratischen Republik », in Manfred Heinemann (dir.), Die historische Pädagogik in Europa und den USA, t. 2, Stuttgart, Clett-Cotta, 1985, p. 31-63 ; Karl-Heinz Günther, Geschichte der Erziehung, 11e éd., Berlin [Est], 1973.
29 Peter Lundgreen, art. cit., p. 101-104.
30 Daniel Denis, Pierre Kahn (dir.), L'école de la Troisième République en questions. Débats et controverses dans le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, Berne, Peter Lang, 2006.
31 Gabriel Compayré, Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le seizième siècle, 2 tomes, Paris, Hachette, 1879 et Histoire de la pédagogie, Paris, Delaplane, 1886, 4e édition, apparemment la plus ancienne conservée, qui devinrent des standards maintes fois réédités. Il est aussi l’auteur de treize monographies sur les « grands éducateurs ». Ses Éléments d'éducation civique et morale (Paris, P. Garcet, Nisius, 1880), considérable succès de librairie scolaire, furent mis à l’Index. Il fut d’abord professeur de lycée, puis d’université, puis député du Tarn de 1881 à 1889 dans le groupe des républicains modérés, enfin recteur d’académie. Sur son apport théorique aux sciences de l’éducation, voir Alain Vergnioux, « La théorisation par l’histoire : Gabriel Compayré » in Alain Vergnioux,Théories pédagogiques. Recherches épistémologiques, Paris, Vrin, 2009, p. 87-97.
32 Pierre Nora, « Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, cathédrale de l’école primaire », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, t. 1 : La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 327-347. La première édition fut publiée par Hachette entre 1882 et 1887. Voir sur Gallica, cette première version <http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k24232h> et sur le site de l’Institut français de l’Éducation, la réédition de 1911, <http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/>.
33 Karl Adolf Schmid, Encyklopädie des gesamten Erziehungs- und Unterrichtswesens, 11 tomes, Gotha, Besser, 1859-1878. En ligne : <https://archive.org/details/encyklopdiedesg02schmgoog>.
34 Louis Liard, L’Enseignement supérieur en France, 1789-1889, 2 vol., Paris, Armand Colin, 1888-1894. Voir aussi Louis Liard, L’université de Paris, 2 vol., Paris, A. Colin, 1902, qui est une présentation de l’université contemporaine, mais qui commence pour chacune de ses parties par rappeler son historique.
35 Émile Durkheim, L’évolution pédagogique en France, introduction de M. Halbwachs, Paris, Presses universitaires de France, 1938. Il avait déjà fait à Bordeaux un cours d’histoire de l’éducation et des doctrines pédagogiques.
36 Par exemple Joseph Leif, Georges Rustin, Histoire des institutions scolaires, Paris, Delagrave, 1954, nombreux retirages.
37 Georges Snyders, La pédagogie en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Presses universitaires de France, 1965 ; Jean Château, Les grands pédagogues, Paris, Presses universitaires de France, 1956, nombreuses rééditions. Dernier avatar de cette approche, Guy Avanzini , Histoire de la pédagogie du XVIIe siècle à nos jours, Toulouse, Privat, 1981.
38 Heinz-Elmar Tenorth, « Les sciences de l’éducation en Allemagne. Un cheminement vers la modernité entre science, profession enseignante et politique », in Rita Hofstetter, Bernard Schneuwly, Le pari des sciences de l'éducation, op. cit., p. 117-145.
39 En ligne : <http://www.dgfe.de/dgfe-wir-ueber-uns.html>.
40 La Société est subdivisée en 13 sections et 31 commissions particulières et comporte 2 600 membres. La section historique a son propre site : <http://www.bbf.dipf.de/hk/>.
41 Heinz-Elmar Tenorth, art. cit. ; Karl-Peter Horn, « Historische Bildungsforschung an den deutschen Universitäten: Personal, Studiengänge, Forschung », in Marcelo Caruso et al., Orte der Bildungsgeschichte, op. cit., p. 47-63.
42 Mitteilungen der Gesellschaft für die deutsche Erziehungs- und Schulgeschichte, 1891-1910 ; Zeitschrift für Geschichte der Erziehung und des Unterrichts, 1891-1938.
43 Jahrbuch für Historische Bildungsforschung, dont le premier tome parut en 1993. Voir les thèmes sur le site : <http://www.bbf.dipf.de/hk/jahrbuch.htm>.
44 Pädagogische Rundschau depuis 1947 ; Bildung und Erziehung depuis 1948 ; Zeitschrift für Pädagogik depuis 1955 ; Jahrbuch für Pädagogik depuis 1992 ; Zeitschrift für Erziehungswissenschaft (ZfE) depuis 1998 ; Erziehungswissenschaftliche Revue (EWR), revue électronique de recensions dans tous les domaines de l’éducation depuis 2002. En ligne : <http://www.klinkhardt.de/ewr/>.
45 Alain Vergnioux (dir.), 40 ans des sciences de l’éducation. L’âge de la maturité ? Questions vives, Caen, Presses universitaires de Caen, 2009.
46 Voir l’historique de la création dans le premier numéro de la revue Histoire de l’éducation par Guy Caplat : « Le Service d’histoire de l’éducation. Historique et missions », Histoire de l’éducation, décembre 1978, p. 3-11. Plus généralement voir Pierre Caspard : « L’éducation, son histoire et l’État. L’exemple français », Annali di Storia dell’educazione e delle istituzioni scolastiche, n° 5, 1998, p. 101-123.
47 Voir détails sur le site <http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/> et dans Service d’histoire de l’éducation, « Rapport Scientifique 2005-2008 », Lyon, INRP, 2009, (<http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=histoshe-rapports>). Ce dernier rapport fait état en introduction des reconfigurations alors en cours et des évolutions potentielles.
48 L’équipe de titulaires relevant de l’ENS comprend actuellement trois enseignants-chercheurs, un chargé de recherche, deux ingénieurs d’études et un documentaliste. L’équipe Histoire de l’éducation constitue un nouvel axe du LARHRA ; cf. <http://larhra.ish-lyon.cnrs.fr/Equipes/Histoire_education_fr.php>.
49 Il est impossible, dans le cadre de ce survol, de donner les références bibliographiques qui s’imposeraient. Nous renvoyons à la bibliographie annuelle de la revue Histoire de l’éducation, désormais en ligne (<http://bhef.ish-lyon.cnrs.fr/>) et aux synthèses historiographiques déjà produites : Dominique Julia, « Les recherches sur l'histoire de l'éducation en France au siècle des Lumières », Histoire de l’éducation, n° 1, 1978, p. 17-38 ; Pierre Caspard, « Histoire et historien de l’éducation en France », Les dossiers de l’éducation, n° 14-15, 1988, p. 9-29 ; André Chervel, « L’histoire des disciplines scolaires. Réflexions sur un domaine de recherche », Histoire de l’éducation, n° 38, 1988, p. 59-119 ; Isabelle Havelange, « 20 ans de bibliographie d’histoire de l’éducation française (1979-1998) », Histoire de l’éducation, n° 93, 2002, p. 59-90.
50 Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit, 1970 ; Pierre Bourdieu, Les héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964 ; Homo academicus, Paris, Minuit, 1984 ; et La noblesse d’État. Grandes écoles et esprit de corps, Paris, Minuit, 1989.
51 Un spécimen remarquable de cette rencontre de la perspective sociale et de l’histoire sérielle fut donné par l’enquête de Dominique Julia et Wilhelm Frijhoff, École et société dans la France d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1975.
52 Dans ce contexte, les questions de la démocratisation et de l’école unique se faisaient d’autant plus brûlantes, comme le soulignait la critique marxiste de Christian Baudelot et Roger Establet, L’école capitaliste en France, Paris, Maspero, 1971 ; Christian Baudelot, Roger Establet, L’école primaire divise, Paris, Maspero, 1975.
53 François Furet, Jacques Ozouf (dir.), Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, 2 tomes, Paris, Minuit, 1971.
54 Roger Chartier, Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia, L’Éducation en France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1976.
55 Louis-Henri Parias (dir.), Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Paris, Nouvelle librairie de France, 4 tomes, 1981-1982. Voir la postface de Pierre Caspard et Guy Caplat, t. 4, p. 665-675, qui porte sur la demande sociale d’histoire de l’éducation.
56 François Bédarida, L'histoire et le métier d'historien en France 1945-1995, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l'homme, 1995. Voir aussi ce qu’en dit plaisamment Jean-Noël Luc, « Territoires et pratiques de l'histoire de l’éducation. Le point de vue d’un historien des XIXe et XXe siècles », in Alain Vergnioux (dir.), 40 ans des sciences de l’éducation, op. cit., p. 115.
57 Isabelle Havelange, art. cit., p. 61.
58 Il existe une bibliographie pléthorique sur le sujet. Signalons seulement le grand colloque organisé à l’occasion du bicentenaire de l’Université napoléonienne intitulé L’État et l’éducation 1808-2008, Paris IV, Lille II et SHE, 11-13 mars 2008 et dont les actes sont publiés en deux volumes : Jean-Noël Luc, Philippe Savoie (dir.), « L’État et l’éducation en Europe, XVIIIe-XXIe siècles », Histoire de l’éducation, n° 134, 2012 et un second volume à paraître.
59 On a notamment discuté de l’application à l’histoire de l’éducation du concept de confessionnalisation forgé par les historiens de l’État princier et de l’Église, ou de la datation du processus de sécularisation : Juliane Jacobi, Hans-Ulrich Musolff, Jean-Luc Le Cam (dir.), Säkularisierung vor der Aufklärung? Bildung, Kirche und Religion 1500-1750, Köln, Böhlau, 2008 ; Stefan Ehrenpreis, Heinz Schilling (dir.), Frühneuzeitliche Bildungsgeschichte der Reformierten in konfessionsvergleichender Perspektive. Schulwesen, Lesekultur und Wissenschaft, Berlin, Duncker und Humblot, 2007 ; Agnes Winter, Das Gelehrtenschulwesen der Residenzstadt Berlin in der Zeit von Konfessionalisierung, Pietismus und Frühaufklärung (1574-1740), Berlin, Duncker und Humblot, 2007. Voir notre compte rendu de ces deux ouvrages sur le site Francia Recensio, 2010/3.
60 À titre d’échantillon, on consultera l’article de revue bibliographique de Karl-Peter Horn, « Erziehung im Nationalsozialismus. Eine Sammelbesprechung », Erziehungswissenschaftliche Revue, 3/1, 2004 (<www.klinkardt.de/ewr/issue/67/14.html>) et les n° 7 et 9 du Jahrbuch für Historische Bildungsforschung (2001, 2003).
61 On accédera en français à ces problématiques et à la bibliographie grâce à Emmanuel Droit, Vers un homme nouveau ? L’éducation socialiste en RDA 1949-1989, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
62 La plupart des spécialistes de la question se retrouvent dans la grande histoire de l’éducation des femmes de Elke Kleinau et Claudia Opitz (dir.), Geschichte der Mädchen und Frauenbildung, 2 tomes, Frankfort/M.-New York, Campus, 1996. Juliane Jacobi, spécialiste en outre de l’histoire du genre, vient de produire une vaste synthèse des connaissances concernant l’Allemagne, la France et l’Angleterre, Mädchen und Frauenbildung in Europa: Von 1500 bis zur Gegenwart, Frankfort/M.-New York, Campus, 2013. Sur la France, voir Rebecca Rogers, « L’éducation des filles. Un siècle et demi d’historiographie », Histoire de l’éducation, n° 114-115, 2007, p. 37-79.
63 Hans Jürgen Apel, Karl-Peter Horn, Peter Lundgreen, Uwe Sandfuchs (dir.), Professionalisierung pädagogischer Berufe im historischen Prozeß, Bad Heilbrunn/Obb., Klinkhardt, 1999. Pour la France, voir entre autres les travaux de Marcel Grandière, Gilbert Nicolas, Boris Noguès, Philippe Savoie, Christophe Charles, Jean-François Condette, Emmanuelle Picard, et le Rapport scientifique2005-2008 du SHE, Paris, INRP, 2009, p. 71-85.
64 Voir l’exemple de l’histoire de la période moderne, Jean-Luc Le Cam, « L’histoire de l’éducation en Allemagne avant les Lumières : Les colloques de l’Arbeitskreis fürdie Vormoderne in der Erziehungsgeschichte », Histoire de l’éducation, n° 121, janvier-mars 2009, p. 5-41.
65 On consultera sur le site déjà cité du SHE les publications et séminaires d’André Chervel, Marie-Madeleine Compère, Annie Bruter, Bruno Belhoste, entre autres. Voir aussi les rapports scientifiques du SHE très complets, édités en 2004, 2006 et 2009 à l’INRP.
66 Karl-Peter Horn, « Zur Bedeutung der allgemeinen Erziehungswissenschaft: Anmerkungen aus Disziplingeschichtlicher Perspektive », Bildung und Erziehung, n° 57/4, 2004, p. 387-402.
67 Helmut Fend, Neue Theorie der Schule. Einführung in das Verstehen von Bildungssystemen, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2006 ; id., Geschichte des Bildungswesens. Der Sonderweg im europäischen Kulturraum, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2006 ; id., Schule gestalten. Systemsteuerung, Schulentwicklung und Unterrichtsqualität, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2008.
68 Andreas Schäfer, Die Erfindung des Pädagogischen, Paderborn, Schöningh, 2009. Voir mon compte rendu dans la Revue de l’Institut français d’Histoire en Allemagne, n° 2, 2010, p. 317-320.
69 Voir par exemple, pour la période moderne, supra note 65.
70 Citons, parmi d’autres pour le Moyen Âge, Martin Kintzinger ; pour l’époque moderne, Arno Seifert, Anton Schindling, Wolfgang Neugebauer, Rainer A. Müller, plus récemment Stefan Ehrenpreis, Jens Bruning, Andreas Töpfer ; pour l’époque contemporaine, Karl-Ernst Jeismann, Peter Lundgreen.
71 Par exemple, Christoph Schwinges pour le Moyen Âge ou Notker Hammerstein pour l’époque moderne, tous deux historiens, ont fortement marqué ce champ de recherche dans les trois dernières décennies. Pour l’historiographie de la période moderne, voir notre synthèse récente : Jean-Luc Le Cam, « Les universités du Saint-Empire à l’époque moderne : problématiques, concepts, tendances historiographiques », in Les universités en Europe à l’époque moderne, Colloque de l’Ahmuf, Paris-Sorbonne, 21 janvier 2010, Bulletin de l’Association des historiens modernistes des universités françaises, n° 36, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2013, p. 265-345, et en particulier sur ce cloisonnement p. 280-286.
72 Christa Berg (dir.), Handbuch der deutschen Bildungsgeschichte, 6 tomes, (7 vol.), München, Beck, 1987-2005.
73 Par exemple Till Kössler en histoire sociale de l’éducation, de l’enfance et de la jeunesse à Bochum, Jürgen Overhoff en histoire de l’éducation allemande et américaine à Münster.
74 Cette critique a d’abord été formulée par un Américain d’origine allemande, Jurgen Herbst, « The history of education: state of the art at the turn of the century in Europe and North America », Paedagogica Historica, n° 35, 1999, p. 737-747. Le Belge Marc Depaepe lui a répondu en montrant que cette ancienne histoire de l’éducation n’était pas scientifique, mais se contentait de styliser les classiques dans une perspective morale et étroitement nationale : « A professional relevant history of education for teachers: Does it exist? Reply to Jurgen Herbst’s State of the art article », Paedagogica Historica, n° 37, 2001, p. 631-640. Sur les débats qui agitent l’historiographie de l’éducation, voir le numéro spécial de Studies in Philosophy and Education, 23/5-6, 2004, et Rita Casale, Daniel Tröhler, Jürgen Oelkers (dir.), Methoden und Kontexte. Historiographische Probleme der Bildungsforschung, Göttingen, Wallstein, 2006 (voir notre compte rendu dans Bulletin de la Mission historique française en Allemagne, n° 44, 2008, p. 252-254).
75 Andreas von Prondczynsky, « Historische Bildungsforschung: Auf der Suche nach dem systematischen Ort der Bildungsgeschichte », in Marcelo Caruso et al., Orte der Bildungsgeschichte, op. cit., p. 15-30.
76 Max Liedtke, Eva Matthes, Gisela Miller-Kipp (dir.), Erfolg oder Misserfolg? Urteile und Bilanzen in der Historiographie der Erziehung, Bad Heilbrunn/Obb., Klinkhardt, 2004 ; Gisela Miller-Kipp, Bernd Zymek (dir.), Politik in der Bildungsgeschichte - Befunde, Prozesse, Diskurse, Bad Heilbrunn/Obb., Klinkhardt, 2006.
77 Voir le site <http://www.atrhe.org/home> (page d’accueil consultée le 3/6/2014). En mars 2013, a été organisé le premier colloque de l’Atrhe à l’université de Cergy-Pontoise sur le thème : Éducation et identités : perspectives historiques ; en octobre 2014 est prévu à l’université de Corte un colloque sur L’histoire des éducations dans et hors l’école.
78 Voir la composition du bureau sur le site, qui précise que l’association a été fondée, le 14 novembre 2011, « à l’initiative d’enseignants et de chercheurs de plusieurs disciplines engagés dans des travaux historiques ayant pour objet l’éducation ».
79 Qui n’est pas toujours historienne, on peut citer par exemple le sociologue Jean-Michel Chapoulie, pour sa contribution remarquée à l’histoire de l’enseignement primaire supérieur, François Jacquet-Francillon philosophe de formation mais docteur en histoire, et tous ceux qui se sont distingués en étudiant la généalogie de leur spécialité disciplinaire, voir ci-après.
80 Voir comment cet enchevêtrement de causes et de domaines doit être envisagé à propos de l’histoire des établissements secondaires laïcs ou du développement des écoles enfantines, Jean-Noël Luc, « Territoires et pratiques », art. cité, p. 111, et L’invention du jeune enfant au XIXe siècle : de la salle d’asile à l’école maternelle, Paris, Belin, 1997.
81 Jean-Luc Le Cam, « Fortune et infortunes des maîtres de Wolfenbüttel : paradoxes, faux-semblants et réalités de la condition matérielle des enseignants au sortir de la guerre de Trente Ans », in Ronan Cassard et al. (dir.), Le prince, l'argent, les hommes au Moyen Âge. Mélanges offerts à Jean Kerhervé, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 589-600.
82 Jean-Luc Le Cam, « Le parcours de Pierre-Jakez Hélias vu par l’historien de l’éducation ou La mythologie de l’école républicaine », in Jean-Luc Le Cam (dir.), Hélias et les siens, Actes du colloque Pierre-Jakez Hélias, Brest, CRBC, 2001, p. 87-113, en ligne : <http://hal.univ-brest.fr/hal-00388509>.
83 Bruno Belhoste « Culture scolaire et histoire des discipline », Annali di Storia dell’Educazione e delle istituzioni scolastiche, n° 12, 2005, p. 213-223, en parle comme de la « nouvelle histoire de l'enseignement ». On ne saurait donner ici la bibliographie pléthorique qui concerne ce domaine.
84 André Chervel, La culture scolaire. Une approche historique, Paris, Belin, 1998 ; François Jacquet-Francillon, Denis Kambouchner (dir.), La crise de la culture scolaire : origines, interprétations, perspectives, Paris, Presses universitaires de France, 2005. Sur sa place dans l'histoire culturelle, Philippe Poirrier, Les enjeux de l'histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004, p. 134-135. Voir le cas des « humanités» qui n’en sont qu’une déclinaison, Marie-Madeleine Compère, André Chervel (dir.), Les Humanités classiques, Histoire de l'éducation, n° 74, mai 1997.
85 Anne-Marie Chartier, L'école et la lecture obligatoire. Histoire et paradoxes des pratiques d'enseignement de la lecture, Paris, Retz, 2007, fait la synthèse de ses travaux. Voir sa bibliographie sur le site du SHE.
86 Voir Antoine Prost, « L’apport de l’histoire », in Jacky Beillerot, Nicole Mosconi (dir.), Traité des sciences et des pratiques de l’éducation, Paris, Dunod, 2006, p. 23-30, notamment p. 29 : « La perspective historique ne simplifie pas l’analyse. Elle démystifie, j’aimerais dire elle déniaise en complexifiant. L’histoire n’est pas un filet d’eau claire, un parcours linéaire évident d’une cause à une conséquence. Elle est va-et-vient entre le présent où s'enracinent ces questions et un passé aux échelles plurielles, où elle cherche ses réponses. Elle tente d'articuler dans son récit les conditions objectives et les intentions des acteurs, de donner leur poids aux contraintes tout en dégageant la fécondité des événements, de chercher dans le tout la raison des parties sans cesser de saisir chaque partie dans sa singularité. Et surtout sans oublier que le tout, comme les parties, sont en perpétuelle évolution, selon des rythmes changeants et des degrés divers. Par quoi elle est école de complexité. Et de modestie ».
87 Jean-François Chanet, L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996. Pierre-Jakez Hélias, professeur de français à l’école normale de Quimper, et en même temps acteur essentiel et promoteur de la radio et de la création théâtrale contemporaine en breton est l’exemple parfait de cette double fidélité ou de ces identités culturelles emboitées. Il l’a volontairement exprimé dans son prénom d’auteur, mi-français, mi-breton, cf. Jean-Luc Le Cam, « Introduction », in Jean-Luc Le Cam (dir), Hélias et les siens, op. cit., p. 11-12.
88 Antoine Prost, Benoît Falaize, Charles Heimberg, Olivier Loubes (dir.), École, histoire et nation, Histoire de l’éducation, n° 126, 2010, notamment Olivier Loubes, « L’école et les deux corps de la nation en France (1900-1940) », p. 55-76.
89 Sur l’orthographe cf. supra note 63. Plus généralement, André Chervel, La culture scolaire, op. cit.
90 Pierre Caspard, « La profession enseignante, entre histoire et mémoire. Une enquête chez les maîtres en formation », in Marcel Grandière, Agnès Lahalle (dir.), L’innovation dans l’enseignement français, XVIe-XXe siècle, Lyon/Nantes, INRP/CRDP des Pays de la Loire, 2004, p. 161-172.
91 Pierre Caspard, « L’histoire de l’éducation dans un contexte mémoriel », art. cit., p. 82. Voir aussi Pierre Caspard, Rebecca Rogers, « The history of education in France: a laboriously useless science? », in Jesper Eckhardt Larsen (dir.), Knowledge, Politics and the History of Education, Berlin, Lit, 2012, p. 73-85.
92 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
93 C’est un peu ce que décrit François Jacquet-Francillon, « L’histoire de l’éducation et de l’enseignement dans et hors les sciences de l’éducation », in Alain Vergnioux, 40 ansdes sciences de l’éducation…, op. cit., p. 129-139.
94 Signalons toutefois dans cet esprit la synthèse récente, dirigée par François Jacquet-Francillon, Renaut d’Enfert et Laurence Loeffel, Une histoire de l’école, Anthologie de l’éducation et de l’enseignement en France, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Retz, 2010. Elle fait le choix de traiter les sujets non pas de façon chronologique mais thématique, en accordant une large place à la publication de sources illustratives.
95 Sans aller dans la grande profondeur d’un large recul chronologique, on peut jeter un regard rétrospectif distancié comme le fait Antoine Prost, Du changement dans l’école : les réformes de l’éducation de 1936 à nos jours, Paris, Seuil, 2013.
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Référence papier
Jean-Luc Le Cam, « L’histoire de l’éducation : discipline de recherche historique ou science auxiliaire de l’action pédagogique ? Les leçons d’une comparaison franco-allemande », Histoire de l’éducation, 137 | 2013, 93-123.
Référence électronique
Jean-Luc Le Cam, « L’histoire de l’éducation : discipline de recherche historique ou science auxiliaire de l’action pédagogique ? Les leçons d’une comparaison franco-allemande », Histoire de l’éducation [En ligne], 137 | 2013, mis en ligne le 20 octobre 2016, consulté le 05 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2612 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2612
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