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Les élèves instituteurs et institutrices au lycée. Un projet de l’entre-deux-guerres

Male and female primary school teachers: a project for the inter-war years
Die Grundschullehrer Anwärter/innen auf dem Gymnasium: ein Projekt der Ära zwischen beiden Weltkriegen
Los aprendices de maestros y las aprendizas de maestras en el instituto: un proyecto del periodo entre las dos guerras mundiales
Marcel Grandière
p. 65-94

Résumés

Cet article a pour objet l’échec des projets de réforme de la formation des instituteurs en France entre 1918 et 1940. En effet, la grande réforme qui devait modifier les textes organiques de 1886-1887 afin de réorganiser de manière rationnelle le système éducatif, mettre en place l’école unique et créer une voie nouvelle pour le recrutement et la formation des instituteurs, cette grande réforme n’a pas eu lieu. Des propositions des Compagnons de l’Université nouvelle qui souhaitaient, au lendemain de la Première Guerre mondiale, la mise en place d’une nouvelle formation des instituteurs au sein de l’enseignement secondaire, jusqu’à celles du ministre Jean Zay, sous le Front populaire, tous les plans et projets ont échoué, quelles que soient leurs origines. Cette importante question avait pourtant mobilisé pendant vingt ans de multiples acteurs : à la Chambre des députés et au Sénat, dans les gouvernements successifs, dans les milieux enseignants qui s’expriment dans les revues spécialisées, dans les nombreuses associations professionnelles et syndicales. Mais l’idée que les futurs maîtres de l’école républicaine, en allant suivre au lycée des études secondaires, échapperaient aux écoles accueillant les enfants des catégories populaires a bloqué une évolution pourtant souhaitée par le pouvoir politique.

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Texte intégral

  • 1 Rapport fait au nom de la commission du budget chargée d’examiner le projet de loi portant fixation (...)

1Les élèves instituteurs au lycée ! C’est un vieux rêve de rapporteur du budget de la IIIe République, qui reprend une idée sans lendemain du Premier Empire. Pourquoi, en effet, dépenser tant d’argent pour les élèves instituteurs et institutrices puisqu’ils suivent dans les écoles normales primaires les mêmes études que « dans les lycées, les écoles primaires supérieures et les collèges » ? « On se demande dès lors », observe le député Alfred Massé, au cours de la discussion du budget de 1905 à la Chambre, « quelle utilité il y a d’avoir un si grand nombre d’institutions diverses où est donné un même enseignement »1.

  • 2 Ce qui n’a pas été assez suffisamment pris en compte par l’historiographie. Sur cette question, voi (...)
  • 3 Jean Jaurès avait situé le sujet plus judicieusement, lors de débats parlementaires à la Chambre de (...)

2Quelque quarante ans après les réformes de Paul Bert et de Jules Ferry, la question de la formation des instituteurs revient au premier plan dès avant la fin du premier conflit mondial, et ne quittera plus l’actualité pendant tout l’entre-deux-guerres. L’objet de cet article est de montrer l’importance capitale de cette question qui se situe au cœur du débat sur l’école unique et qui en est la clef2. Mais Alfred Massé l’avait-il bien posée ? Les enjeux d’une réforme de la formation des instituteurs dépassent totalement ses aspects budgétaires, comme ses considérations proprement scolaires d’ailleurs3.

I – Les Compagnons, l’école unique et les écoles normales

  • 4 La réforme Leygues institue deux cycles dans l’enseignement secondaire ; le premier cycle permet –  (...)

3La Grande Guerre a servi de puissant accélérateur à l’évolution de la société, et les responsables politiques, comme on peut le constater à la lecture des Documents parlementaires après 1918, ont pris conscience que cette accélération oblige la France à opérer les réformes que les autres grands pays sont en train ou ont déjà réalisées. Par comparaison avec les pays de même développement, le niveau des études est jugé désormais trop bas en France, en particulier celui des instituteurs, d’où l’idée reprise alors de « secondariser » leur formation. De plus, le recrutement des élites dans un milieu social beaucoup plus large que la seule bourgeoisie est devenu une priorité après 1918 ; la question se pose en conséquence de mettre en continuité les enseignements primaire et secondaire, ce que n’a pas fait la réforme de Georges Leygues de 19024. La réforme du système éducatif après guerre n’est pas un sujet franco-français. C’est une grave affaire de compétition internationale exacerbée par les conséquences du conflit mondial.

4Il n’est donc pas étonnant que la proposition des Compagnons de l’Université nouvelle de réaliser l’école unique ait eu un tel retentissement en 1918 :

  • 5 Les Compagnons de l’Université nouvelle, L’Université nouvelle (édition critique par Bruno Garnier) (...)

« La conséquence de l’école unique », écrivent les Compagnons dans L’Opinion du 9 mars 1918, « c’est, pour les maîtres, le recrutement unique. L’enseignement primaire supérieur, les brevets, les écoles normales d’instituteurs n’ont plus leur raison d’être. Nous voulons, à la sortie de l’école, la même égalité qu’à l’entrée. […] Nos instituteurs seront élevés dans les lycées et les collèges dont ils formeront la meilleure clientèle. Ils y retrouveront ceux qui furent leurs professeurs, le personnel de l’enseignement primaire supérieur. Réparti entre les collèges et les écoles professionnelles selon les vocations et les aptitudes, il apportera partout une méthode, une compétence et un dévouement auxquels nous rendons un public hommage »5.

5La réaction du bloc primaire, dans les semaines qui suivent cette prise de position des Compagnons, marquera tout l’entre-deux-guerres, et annonce le long défilé des réformes impossibles de cette période. D’abord, une brutale note sur la « campagne des Compagnons » dans la Revue pédagogique :

« De jeunes universitaires, mobilisés au front, ont trouvé le temps, entre deux combats, d’écrire dans L’Opinion des articles enflammés où ils réclament “la réforme totale” de l’enseignement.

À vrai dire, et bien qu’ils s’en défendent, ils ont, jusqu’à présent, plus démoli que bâti. Leur combativité juvénile paraît souvent oublier les efforts tentés – souvent dans le même sens qu’eux – par les générations qui les ont précédés, et ils s’attaquent souvent aux mesures que, suivant leurs propres principes, ils approuveraient s’ils en comprenaient la véritable signification. […]

Pas plus qu’ils ne comprennent le rôle de l’école primaire, les “Compagnons” ne comprennent celui de l’école normale. C’est avant tout une école professionnelle.

  • 6 « Revue de presse », Revue pédagogique, t. 73, 1918, p. 305-306. Dans la même Revue pédagogique, Pi (...)

Envoyer les élèves maîtres au lycée, c’est confondre – ce qu’on a cependant la prétention de nettement distinguer – l’enseignement secondaire et l’enseignement professionnel »6.

  • 7 Marcel Grandière. La formation des maîtres en France, 1792-1914, Lyon, INRP, 2006.
  • 8 L’enquête est dirigée vers les professeurs. La circulaire de Paul Lapie du 27 mai 1918, BAMIP, no 2 (...)

6Puis, le lancement le 27 mai 1918 par le directeur de l’enseignement primaire, Paul Lapie, d’une grande enquête nationale sur les écoles normales révèle l’ampleur du mécontentement vis-à-vis de la réforme de 1905, et l’échec de la troisième année exclusivement consacrée depuis cette date à la formation professionnelle7. L’enquête a pour but de mobiliser le camp primaire en vue de la grande réforme qui sera adoptée en 1920 et 1921. Celle-ci figera la situation jusqu’à la Seconde Guerre mondiale8.

  • 9 La Revue pédagogique y participe pour soutenir généralement le primaire. Par exemple : « Les écoles (...)
  • 10 Décret du 18 août 1920 modifiant les chapitres 3, 4 et 5 du titre Ier et les chapitres 2 et 3 du ti (...)
  • 11 Arrêté du 18 août 1920 modifiant les chapitres 3 et 4 du titre Ier et le chapitre 1er du titre II d (...)
  • 12 Instructions du 30 septembre 1920 relatives à l’organisation des cours complémentaires, des écoles (...)
  • 13 Décret et arrêté du 21 février 1921 relatifs aux examens de capacité de l’enseignement primaire et (...)
  • 14 Décret du 7 septembre 1921 portant règlement d’administration publique sur l’administration et la c (...)
  • 15 Décret du 27 mars 1922 portant règlement d’administration publique sur l’attribution de diverses in (...)
  • 16 Décret du 27 mars 1922 portant règlement d’administration publique sur le régime des écoles d’appli (...)

7Alors que le débat sur la nature des écoles normales est intense9, le décret du 18 août 1920 vise à consolider l’institution et à la replacer sur ses fondements : il prévoit la création de sections normales dans les écoles primaires supérieures pour préparer le recrutement ; l’instauration d’une commission identique pour le brevet élémentaire et le concours d’entrée à l’école normale, aux mains des inspecteurs d’académie et des directeurs ; le report en fin de troisième année du brevet supérieur – dont le programme est celui des écoles normales ; et l’attribution de bourses de quatrième année pour envoyer les meilleurs élèves dans les écoles normales supérieures de l’enseignement primaire de Saint-Cloud et de Fontenay-aux-Roses. Toute la chaîne est ainsi bien assurée10. Deux arrêtés du même jour fixent l’organisation nouvelle des écoles normales et les nouveaux programmes11, qu’accompagnent les remarquables instructions pédagogiques du 30 septembre rédigées par Paul Lapie12. Les brevets de capacité sont revus en conséquence en 192113. L’administration et la comptabilité des établissements sont réformées le 7 septembre 192114. Le tout est couronné le 27 mars 1922 par deux décrets, l’un relatif au service des directeurs, professeurs, maîtres auxiliaires et des personnels ouvriers15 et l’autre aux écoles d’application16 : les écoles normales primaires se trouvent alors entièrement remises sur pied.

  • 17 Décret et arrêté du 12 juillet 1921 relatifs au régime du certificat d’aptitude au professorat des (...)

8La réforme de 1920-1921 ne concerne pas que les écoles normales départementales. Très logiquement, Paul Lapie s’attache également à renforcer les écoles normales supérieures de Saint-Cloud et de Fontenay-aux-Roses. On est très loin ici du projet de recomposition et de simplification de l’édifice scolaire, comme le souhaitent alors les militants de l’école unique : il s’agit plutôt de reconstruire plus solidement les étages supérieurs de l’édifice primaire, comme s’en offusquent les partisans du secondaire. La grande nouveauté est la mise en place d’un cursus en deux parties pour accéder au professorat des écoles normales primaires, et l’ouverture très partielle de ce professorat aux élèves du secondaire (le baccalauréat et le diplôme de fin d’études secondaires sont acceptés pour se présenter au concours d’entrée) et du supérieur par un système restreint d’équivalences17.

9À ces réactions de l’institution s’ajoutent celles des associations et amicales des enseignants du primaire. Les Compagnons firent très vite machine arrière, et soutinrent alors avec conviction la formation des instituteurs dans les écoles normales :

  • 18 Les Compagnons de l’Université nouvelle, L’Université nouvelle, op. cit., p. 199. Souligné dans le (...)

« Il faut, en effet, des Écoles professionnelles pour les maîtres, parce que ceux-ci sont des spécialistes, parce qu’ils ont un métier difficile qui s’apprend difficilement. Nous ne voulons donc pas supprimer les Écoles normales, nous voulons au contraire, les rendre à leur vrai rôle d’Écoles professionnelles, les mettre en rapport plus étroit avec l’École unique qui est leur raison d’être »18.

  • 19 « Revue de presse », Revue pédagogique, t. 73, 1918, p. 306.
  • 20 Sur Paul Lapie, voir Hervé Terral, « Paul Lapie (1869-1927) : universitaire et bâtisseur de l’école (...)

10Ce recul des Compagnons révèle que la position de ces écoles dans l’architecture scolaire est aussi une affaire sociale et politique. Des millions d’enfants, assure la Revue pédagogique dans la même « Revue de presse » citée ci-dessus, devront de toute façon se contenter d’une éducation primaire : « L’école primaire a sa fin en elle-même »19. L’école normale devient alors un problème de taille pour la réalisation de l’école unique, de fait, l’un de ses principaux obstacles. C’est elle qui empêche la recomposition générale de l’édifice scolaire selon un schéma en degrés puisqu’il est impossible, dans les faits, d’imposer sa transformation en institut professionnel recevant ses élèves après le baccalauréat. Paul Lapie a pris le parti de consolider l’édifice bâti par Jules Ferry sans en modifier l’architecture, avec le soutien et la reconnaissance de l’ordre primaire, alors que les Compagnons, dans leur premier élan, cherchaient à transformer la structure pour garder l’esprit des fondateurs de l’école républicaine, en tenant compte de l’évolution sociale et de la forte accélération provoquée par la Grande Guerre. La réforme de l’édifice scolaire français et de la formation des instituteurs, pourtant en plein débat, s’est trouvée bloquée dès le départ20.

II – Le temps des commissions

11Comment alors, comme le demande Anatole France,

  • 21 Anatole France, La vie en fleurs, p. 89, cité par Hippolyte Ducos, dans son « Rapport fait au nom d (...)

« après cette guerre monstrueuse qui, en cinq ans, a rendu caduques toutes les institutions, […] reconstruire l’édifice de l’Instruction publique sur un plan nouveau, d’une majestueuse simplicité »21.

  • 22 Ibid.

« Même enseignement pour les enfants riches et pauvres. Tous iront à l’école primaire. Ceux d’entre eux qui montreront le plus d’aptitude aux études seront admis à recevoir l’enseignement secondaire qui, gratuitement donné, réunira sur les mêmes bancs, l’élite de la jeunesse bourgeoise et l’élite de la jeunesse prolétarienne. Et cette élite versera son élite dans les grandes écoles de science et d’art. Ainsi la démocratie sera administrée par les meilleurs »22.

12Pendant tout l’entre-deux-guerres, les principaux ministres de l’Instruction publique puis de l’Éducation nationale ont réfléchi à la réforme de la formation des instituteurs et institutrices en cherchant à la rapprocher de l’enseignement secondaire, voire de l’université, sans jamais aboutir. La forteresse du primaire a toujours résisté en suscitant bien des rancœurs.

  • 23 Premier rapport de la Commission des réformes instituée par le décret du 3 août 1922. Adressé à M.  (...)
  • 24 Hippolyte Ducos, député, dans son « Rapport fait au nom de la Commission des finances… » du 27 août (...)

13La décennie 1920 est particulièrement riche en rapports et projets, officiels ou non. La réforme paraît alors possible. Une commission présidée par Louis Marin, député, instituée par le décret du 3 août 1922 et chargée de proposer au gouvernement les réformes à entreprendre après guerre, suggère dans son rapport de régionaliser les écoles normales souvent très petites, et de les rapprocher des lycées et des facultés23. Cette commission, après les remous provoqués par les Compagnons, est fort prudente, et reste bien en deçà des propositions issues des milieux enseignants qui voudraient faire glisser la formation générale des instituteurs vers l’enseignement secondaire, et organiser leur préparation professionnelle dans des instituts spécialisés. L’inspecteur primaire Pierre Dufrenne, dans La réforme de l’école primaire (1919), préconisait, par exemple, de placer les élèves maîtres comme boursiers dans les collèges et lycées et de les former à leur profession, après le baccalauréat, par un stage dans une école comme adjoint, puis par une année de cours et conférences dans un institut pédagogique régional, à l’issue duquel serait donné le certificat d’aptitude pédagogique24. Un schéma qui préfigure celui des instituts de formation professionnelle créés par Vichy.

  • 25 Arrêté du 16 décembre 1924 instituant une commission d’étude des mesures propres à réaliser l’école (...)
  • 26 Rapport Langevin, « L’enseignement du troisième degré », cité dans « Rapport fait au nom de la comm (...)
  • 27 Cependant la discorde règne dans cette commission. Le 9 juin, la commission a entériné la formulati (...)
  • 28 Le CAPES (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) est en même temps (...)

14Vient ensuite la Commission de l’école unique, mise en place en 1924 par le ministre François Albert et modifiée par Anatole de Monzie après sa nomination au ministère de l’Instruction publique le 17 avril 192525. Le physicien Paul Langevin, chargé du rapport sur le troisième degré (15-18 ans) de cette commission, reprend la question de la réforme de la formation des maîtres26. Les écoles normales seraient maintenues, selon ce rapport27, pour « l’atmosphère » qui y règne, mais elles constitueraient désormais une section du troisième degré, avec les mêmes enseignements généraux et les mêmes professeurs que pour les autres sections de ce degré (générale, technique, agricole, ménagère). Il prévoit en conséquence des enseignements communs à l’ensemble des sections. De plus, le rapport prévoit un accès au métier d’instituteur selon deux voies différentes : ou bien par les écoles normales existantes ; ou bien par le baccalauréat ou un examen de fin d’études du troisième degré (pour les sections techniques) avec une année de formation professionnelle. La commission espère ainsi dépasser les divergences en son sein et le blocage radical que provoquerait la disparition des écoles normales, comme l’ont expérimenté les Compagnons en 1918. Les professeurs du troisième degré, en charge donc de la formation des futurs instituteurs, seraient tous titulaires de la licence et recrutés par voie de concours : soit l’agrégation, soit un nouveau concours que Langevin imagine ici « de niveau moins élevé » mais exigeant la licence – une proposition alors novatrice qui sera reprise et mise en œuvre après la Seconde Guerre mondiale avec la création du CAPES28. Toutes les écoles normales supérieures, y compris celles de Saint-Cloud et de Fontenay, appartiendraient naturellement au quatrième degré. On voit mal les directeurs des écoles normales primaires accepter un tel plan quelques années après la réforme Lapie de 1920 qui a très nettement consolidé leurs établissements.

  • 29 Les départements peuvent également pousser à la réforme, car ce sont eux qui financent la formation (...)
  • 30 Un ministre, écrit-il en présentant le projet de loi, « ajoute au travail d’une commission ses effo (...)

15C’est bien toutefois l’ambition d’Anatole de Monzie de réaliser ce projet quand il dirige le ministère de l’Instruction publique en 192529. Après s’être intéressé de près aux travaux de la Commission de l’école unique30, il s’appuie sur les débats autant que sur les rapports de synthèse pour préparer une loi de réforme générale de l’instruction publique qu’il ne pourra présenter qu’après sa sortie du ministère, en 1926.

16Il place alors, dans l’exposé des motifs de son projet, la réforme de la formation des maîtres au centre de la problématique de l’école unique :

« “Les écoles normales, dans leur forme actuelle, n’ont pas de place dans la réalisation de l’école unique”.

  • 31 Cf. Pierre Jossot, « La formation du personnel enseignant du premier degré », art. cit., p. 209, ci (...)

Cette dernière affirmation emprunte son autorité à la personne et au passé de M. Jossot31, qui se fait honneur d’avoir appartenu aux écoles normales primaires d’abord comme élève et, pendant vingt-cinq ans, comme professeur. Il conviendrait d’ajouter que, si l’école normale primaire reste en dehors du plan de réforme, le plan de réforme doit être abandonné, car tous les particularismes s’autoriseront de cette exception pour en réclamer le bénéfice à leur compte.

  • 32 JORF, DP, Sénat, annexe no 564, session ord. 2e séance du 7 août 1926, p. 1250. Pour Anatole de Mon (...)

Il faut donc faire choix entre l’institution de l’école unique ou la survivance de l’école normale primaire, telle que l’a créée M. Guizot et développée Jules Ferry »32.

  • 33 Pierre Jossot commence ainsi son article sur « La formation du personnel enseignant du premier degr (...)
  • 34 Célestin Bouglé, directeur de l’École normale supérieure, vice-président de l’Office central de la (...)
  • 35 JORF, DP, Sénat, annexe no 564, session ord. 2e séance du 7 août 1926, p. 1250.

17Dans cet exposé des motifs, Anatole de Monzie s’inquiète du corporatisme des nombreuses catégories de maîtres créées par une « organisation universitaire, constituée par retouches successives, [et] arrivée au maximum d’incohérence et de désordre ». Il date à la séance du 16 juin 1925 le début de la campagne du personnel des écoles normales contre les projets de la Commission de l’école unique, quand celle-ci a décidé que les écoles normales seraient, non des établissements indépendants, mais des sections distinctes des lycées, que les futurs maîtres du primaire partageraient les cours d’enseignement général avec les autres sections, et que les professeurs recevraient leur formation professionnelle dans l’enseignement supérieur, comme ceux du secondaire33. Cette campagne aboutit d’ailleurs, puisque le projet de loi, qui suivait les conclusions du rapport Langevin sur le troisième degré, ne passa pas le stade de l’analyse par la commission de l’enseignement du Sénat, et que la Ligue de l’enseignement, dans son congrès de 1926, opta « pour la vieille école normale primaire, sous l’influence oratoire de M. Bouglé34 et sous l’empire d’une campagne activement menée par le personnel », selon Anatole de Monzie35. Les obstacles s’amoncellent sur le chemin de la réforme de la formation des instituteurs et institutrices.

  • 36 Voir Jean-Michel Chapoulie, L’école d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire, (...)

18Cependant, un autre groupe de travail, non ministériel cette fois, se met à l’œuvre à partir de novembre 1925 : le Comité d’études et d’action pour l’école unique. La période du Cartel des gauches multiplie les initiatives. Ce nouveau groupe réunit dans les locaux de la Ligue de l’enseignement les grands acteurs du débat sur l’école, dont la réunion et les travaux montrent qu’une réforme est alors envisageable36. En juin 1927, le comité propose au pouvoir politique un premier « Projet de statut organique de l’enseignement public » dont un chapitre traite « De la formation des maîtres ». La question de l’ouverture de la préparation des futurs instituteurs est remise une nouvelle fois sur le métier :

« Art. 31. Les futurs maîtres du premier degré font d’abord des études régulières et complètes dans une section normale du deuxième cycle de l’enseignement du deuxième degré.

Après avoir obtenu le certificat d’études du deuxième degré, ils reçoivent obligatoirement un complément de formation générale, technique et professionnelle dans des instituts pédagogiques dépendant du troisième degré. Ces études sont sanctionnées par un diplôme spécial. Les écoles normales sont constituées par le groupement des sections normales et des instituts pédagogiques.

  • 37 Chapitre VI, article 31 du « Projet de statut organique de l’enseignement public », JORF, DP, Chamb (...)

La titularisation dans les fonctions d’instituteurs est conférée aux possesseurs de ces diplômes qui, après un stage, justifieront d’aptitudes professionnelles constatées par un certificat d’aptitudes pédagogiques à l’enseignement du premier degré »37.

19Voici, dès 1927, sous l’égide de membres de la Ligue de l’enseignement, des principaux syndicats, des Compagnons de l’Université nouvelle, une proposition de schéma de formation des instituteurs qui correspond de près, dans la forme au moins, à ce que le secrétaire d’État Jérôme Carcopino mettra en œuvre sous Vichy.

20Ce projet de statut organique sera repris par le congrès confédéral de la CGT tenu à Paris en septembre 1931. Celui-ci prend position sur le sujet de la réforme de l’enseignement et de la formation des maîtres. Le congrès, comme le montre le rapport de Lucien Mérat, est bien sûr d’accord sur le principe de l’égalité des enfants devant l’instruction. Mais il n’ignore pas non plus que « Tout progrès dans le recrutement et la fréquentation scolaire dépend de l’amélioration matérielle du milieu où l’enfant grandit et toute l’organisation de la sélection et de l’orientation est fonction du régime social et économique », ni « les méfaits possibles d’une sélection inspirée de conceptions utilitaires ou de préjugés intellectualistes incompatibles avec l’idéal égalitaire et généreusement humain du syndicalisme », pas plus que l’ambiguïté de l’implication des partis politiques :

  • 38 Lucien Mérat, « La réforme de l’enseignement, problème social », in Confédération générale du trava (...)

« Si le parti radical était demain maître des destinées de notre enseignement, il tenterait d’orienter la réforme vers la fusion des classes sociales chère au radicalisme ; comme la réforme scolaire du parti bolchevik s’appuie sur une intransigeante éducation de classe »38.

  • 39 Il s’agit du projet de statut organique de 1927.
  • 40 Henri Boivin, « La réforme de l’enseignement envisagée du point de vue technique », in Confédératio (...)

21La commission pédagogique de la Fédération générale de l’enseignement (FGE), après une synthèse difficile entre ses membres, selon le rapporteur Henri Boivin, soumet au congrès (et propose ainsi au pouvoir) un « Projet de statut organique de l’enseignement public » en prenant pour « base de son travail l’excellent projet de statut organique déjà mis sur pied depuis plusieurs années39 par le Comité d’étude et d’action pour l’École unique et les Compagnons de l’Université nouvelle »40. Leur travail a été amendé, mais finalement peu modifié, selon Boivin. Est-ce si sûr ?

22Les principes entérinés par les congressistes semblent toujours les mêmes, sur le socle de l’unité de tous les maîtres. Mais la réforme tant souhaitée paraît reportée aux calendes grecques :

« L’unification du personnel enseignant et les avantages considérables qu’il est permis d’en escompter ne seraient pas réalisés complètement si la formation des maîtres du premier degré n’était pas, dans une large mesure, rapprochée de celle de leur collègues du second.

  • 41 Ibid., p. 155-156.

Il n’est certes pas question de méconnaître les raisons qui justifient actuellement le régime en vigueur, ni de contester les services considérables qu’il a rendus en formant le corps remarquable des maîtres primaires ; à plus forte raison n’est-il pas question de le modifier avec une hâte maladroite et sans ménager les transitions nécessaires. Mais, quand la réforme de l’enseignement sera réalisée, […] on pourra concevoir un régime où les futurs instituteurs seraient formés, comme le reste de la jeunesse française, par l’enseignement régulier du second et du troisième degré »41.

  • 42 Ibid., p. 160. L’article est rédigé ainsi, les modifications apparaissant en italique : « Art. 33. (...)

23Et surtout, la rédaction de l’article 33 (article 31 dans la version de 1927 ci-dessus) relative à la formation des maîtres a subi une modification plus que significative : même si les futurs maîtres doivent toujours faire d’abord leurs études dans le second degré, « les sections normales » présentes dans le projet de 1927 ont disparu… Cette mise à l’écart change tout, car les partisans des écoles normales ont pu éviter une nouvelle fois ces « sections normales » dont ils ne veulent pas. Les lycées n’ont pu empêcher ce changement. D’ailleurs, la seconde modification de la rédaction de cet article 33 le confirme : « Écoles normales » a été rajouté dans le deuxième alinéa du même article, à côté du terme redouté d’« institut pédagogique » qui n’a pas dû pouvoir être enlevé42.

  • 43 Maurice Weber, « Le projet de statut organique », L’Université nouvelle, no 51, juillet 1931, p. 22 (...)

24Le travail de réécriture du projet de statut organique adopté par les Compagnons et le Comité pour l’école unique en 1927 a donc été réalisé par la commission pédagogique de la FGE pendant près de deux ans de travaux et finalisé en 1931. Maurice Weber, qui avait été le rapporteur du projet de 1927, salue cette nouvelle version, notamment l’abandon du projet de sections normales des lycées et le maintien des écoles normales, ainsi que le report de « leur transformation en instituts pédagogiques »43 rattachés au troisième degré : cette transformation devra suivre la réforme générale des premier et second degrés. Il n’y voit aucun recul par rapport à l’idéal des Compagnons :

  • 44 Ibid., p. 24.

« En quatre années, les idées sur ce point [la formation des maîtres] ont évolué dans un sens tout à fait satisfaisant […]. L’idée d’une “section normale”, réservée dès l’enseignement du second degré aux futurs instituteurs, n’a plus trouvé de défenseurs : l’existence de sections diversifiées n’oblige nullement à la création d’une section supplémentaire omnibus destinée à former les maîtres du premier degré ; la conception de l’instituteur memento encyclopédique se révèle de moins en moins soutenable. Ce qu’il faut pour le premier degré, ce sont, avant tout, des personnalités exerçant une action spirituelle »44.

  • 45 JORF, DP, Chambre, annexe no 4879, séance du 13 juillet 1927 pour le budget 1928, p. 1649 et suivan (...)
  • 46 Trois textes explicitent et décident les mesures d’économie : le rapport au président de la Républi (...)
  • 47 JORF, DP, Chambre, annexe no 613, séance du 9 juillet 1928, pour le budget 1929, p. 1765.
  • 48 Ibid.
  • 49 Voir l’ouvrage d’Hippolyte Ducos, Pourquoi l’École unique, préface d’Édouard Herriot, Paris, Nathan (...)

25De fait, dès 1927, la possibilité de transformer la formation des instituteurs en la confiant à l’enseignement secondaire semble s’éloigner. C’est l’impression que donne le rapport sur le budget de l’Instruction publique présenté à la Chambre par Hippolyte Ducos lors du débat de juillet 192745 : le grand élan des années précédentes est tombé dans des affaires de boutique et s’attarde beaucoup moins sur les grands projets de réforme. Les économies budgétaires sont passées au premier plan depuis les décrets Herriot qui touchent les écoles normales46. Cette impression d’élan brisé est confirmée l’année suivante par le même Hippolyte Ducos, quand il fait le bilan de la législature (1924-1928), après quatre ans de débats : « Disons-le tout de suite : la période que nous venons de traverser, marquée par la foi, l’enthousiasme, le travail intense de quelques bons ouvriers, n’a abouti qu’à de maigres réalisations »47. Et ce, malgré une mobilisation générale des milieux enseignants et syndicaux, d’associations diverses, de la presse. « Eh bien ! Quand on confronte aux aspirations les réalisations, aux espérances les faits, on est déçu, gêné »48. C’est particulièrement vrai pour l’impossible réforme de la formation des maîtres. Il faut bien dire que Ducos lui-même, tout en se faisant le chantre de l’école unique, a systématiquement défendu le parti de l’enseignement secondaire et des humanités classiques49. Il conçoit l’école unique comme un moyen d’élargir le vivier des élites, sans abaisser les barrières entre secondaire et primaire.

  • 50 Proposition de loi tendant à la réorganisation de l’enseignement public et privé, 10 mars 1931, JOR (...)

26Après 1930, le mouvement qui portait le projet de réalisation de l’école unique, et l’attribution de la formation des maîtres du primaire à l’enseignement secondaire reste toujours puissant, mais il est désormais entravé de préoccupations politiques liées aux difficultés du moment, en France et en Europe. Anatole de Monzie poursuit son objectif en présentant de nouveau sa proposition de loi en 193150. Le projet stipule, cette fois, que les candidats instituteurs préparent le baccalauréat en trois ans, soit dans une école normale, soit dans une section normale de lycée, avant d’achever leur formation en effectuant une quatrième année dans une faculté des lettres, ainsi que des stages dans des écoles primaires d’application. Ce projet restera encore sans suite.

  • 51 Ces sections existent depuis la circulaire du 4 août 1926 relative à la préparation du brevet supér (...)
  • 52 René Simon, « Le brevet supérieur et les écoles primaires supérieures », L’Information universitair (...)
  • 53 René Simon, « Sachons préparer l’avenir », L’Information universitaire, no 544, 1er avril 1933, p.  (...)
  • 54 Dans la préface qu’il donne au livre d’Émile Bélime, L’heure de la France (réflexions sur la crise)(...)

27C’est toutefois par une manœuvre du ministère, semble-t-il, que la formation des maîtres du primaire cherche à s’inviter dans le second degré. L’administration encourage à partir d’octobre 1931, dans des sections spécifiques51, « la préparation du brevet supérieur dans les écoles primaires supérieures en vue du recrutement des instituteurs », une préparation qui « a connu, tant dans les EPS de garçons que dans les EPS de jeunes filles, un très grand succès »52. Le brevet en poche, jeunes gens et jeunes filles peuvent obtenir des suppléances pour gagner leur vie – ce qui ne les engage pas. Ils peuvent ainsi attendre l’emploi de leur choix, hors du milieu scolaire, ou intégrer les cadres de l’Instruction publique après avoir assuré une suppléance suffisamment longue pour être retenu comme stagiaire. La méthode est efficace, d’autant que les personnels des écoles primaires supérieures, qui rencontrent un grand succès d’estime auprès des familles, ne cessent de réclamer leur intégration dans le second degré et semblent à la veille de l’obtenir en 1933 : « La loi de 1886 aura bientôt vécu », se réjouit René Simon, le chroniqueur et défenseur du primaire supérieur dans L’Information universitaire, en écho aux tractations en cours pour la réforme de l’enseignement en France53. Le ministre de Monzie y est favorable54. L’intégration au second degré se ferait ainsi de facto. Ce sera toutefois un échec.

III – Le temps des crispations

  • 55 Projet de loi sur l’instruction primaire, déposé le 14 janvier 1933, par M. Anatole de Monzie, mini (...)
  • 56 « Le congrès des instituteurs », L’Information universitaire, no 573, hors-série, septembre 1933, p (...)
  • 57 Proposition de loi ayant pour objet d’intégrer les écoles normales primaires d’instituteurs et d’in (...)

28À partir de 1933, la République n’est plus en mesure de faire aboutir la réforme de la loi Goblet sur l’organisation de l’enseignement primaire de 1886. Le retour au ministère d’Anatole de Monzie, en 1932, se solde par une série d’obstacles et de conflits : il ne représente pas son projet de réforme de la formation des instituteurs. Il échoue aussi sur l’obligation scolaire à 14 ans, une autre vieille lune du ministère, ainsi que sur son projet de certificat d’études primaires à partir de 11 ans55. La crise entre les instituteurs et le ministère est violente : le recrutement des fonctionnaires est suspendu depuis le décret Chéron du 2 janvier 1933 et, surtout, le congrès des instituteurs des 3-5 août, qui a lancé un appel contre la guerre et « se félicite de voir un nombre toujours plus élevé d’élèves maîtres refuser de participer à la préparation militaire supérieure »56, a mis le feu aux poudres. En 1934, la proposition de loi sur les écoles normales du député radical et ancien professeur d’école primaire supérieure Maurice Robert reste également sans suite. Écoles uniquement professionnelles, réduites aux classes annexes et d’application, recrutement après le second degré, avec des mises à niveau des brevets vers le baccalauréat, formation des élèves maîtres aux réalités économiques, rurales et industrielles, concours d’admission spécifique et validation unique par un certificat d’aptitude pédagogique : même si tous les principaux ingrédients de la future réforme Carcopino se trouvent une nouvelle fois dans cette proposition de loi, le principe est tout autre. Maurice Robert est très attaché aux écoles normales et cherche à maintenir le recrutement populaire et « républicain » du corps des instituteurs57.

29En fait, le temps des projets élaborés par de grandes commissions réunissant tous les acteurs de l’école est désormais révolu. Celui des réformes pour raisons d’économies budgétaires est par contre arrivé. C’est le temps des décrets-lois : ceux d’avril-juin 1934 réduisent le nombre de fonctionnaires, suppriment classes, écoles et postes d’instituteurs et d’institutrices ; ceux, surtout, de Laval et Roustan en 1935 déclenchent une nouvelle et vraie tempête, comme on le verra plus loin.

30Car à cette date, aucune des questions en débat depuis la fin de la Grande Guerre concernant les élèves instituteurs et institutrices n’a reçu un début de solution. Ces questions, ce sont le recrutement après des études du second degré, l’ouverture du métier aux diverses sections de ce degré, l’évolution des écoles normales vers des instituts pédagogiques et professionnels, la séparation du concours d’entrée d’avec le brevet élémentaire et le brevet d’enseignement primaire supérieur auxquels il est traditionnellement attaché, le mauvais fonctionnement du brevet supérieur devenu simple certificat de fin d’études des écoles normales, l’absence de prise en charge des besoins prévisibles de la scolarité prolongée à 14 ans et de l’enseignement post-scolaire (initiation à la vie économique, agriculture, horticulture, ateliers, commerce, éducation ménagère, selon une longue litanie de plaintes de la part des élus), et enfin la médiocrité de la préparation physique et sportive des écoles normales. Mais comment faire avancer ces importantes questions dans un contexte de crispation générale des forces politiques et d’insurmontables difficultés financières ? Le message est troublé, les motivations suspectées, le « passage en force » par décrets-lois non accepté.

31Au milieu des violentes disputes qui agitent le monde scolaire et, bien au-delà, la société toute entière, une intervention du maréchal Pétain ne passe pas inaperçue. Le lundi 3 décembre 1934, à l’issue du banquet clôturant le dîner annuel de la Revue des deux mondes, celui-ci expose ses vues sur la crise de l’école et demande pour le pays « une éducation nationale ». Faisant allusion aux conflits entre les syndicats d’instituteurs et le ministère, il interroge :

« Le culte de la patrie est-il toujours cher au cœur des Français ? Si notre esprit public demeure encore national, n’est-ce pas déjà trop qu’il soit menacé ?

  • 58 « Le maréchal Pétain réclame une éducation “nationale” », L’Information universitaire, no 652, 8 dé (...)

Pour que l’action des élites portât tous ses fruits, il faudrait que le terrain fût mieux préparé. Or, la France n’est pas dotée d’un véritable système d’éducation nationale »58.

32Pétain attribue la rupture de l’école avec l’esprit national à la philosophie nouvelle imposée, selon lui, par Jules Ferry et Paul Bert, alors qu’un souffle de patriotisme – avec Taine, Fustel de Coulanges – était passé sur l’Université après 1870 et avait accompagné le relèvement du pays :

  • 59 Ibid.

« C’est l’époque où Renan dénonce l’indifférence nationale et le matérialisme politique comme les causes principales de nos désastres, reprochant à la bourgeoisie et aux dirigeants de se laisser absorber par “les progrès de la prospérité matérielle” et par les seules questions sociales »59.

33Loin des « traditions de notre passé », Jules Ferry et Paul Bert

« proposent au nom de la science de donner aux éducateurs d’abord, ensuite aux Français, une formation affranchie de toute idée religieuse et de leur fixer comme unique idéal la patrie.

C’était admettre entre la science et la morale des liens de parenté. Malentendu ou désaccord, le malaise devait bientôt se faire sentir. L’exploitation par l’École d’un principe philosophique nouveau pour elle, l’émancipation des consciences, la neutralité scolaire mal comprise, certaines influences d’ordre politique, ces causes réunies allaient entraîner peu à peu une partie de l’Université à négliger et parfois même à contredire l’enseignement patriotique. […]

  • 60 Ibid.

Aujourd’hui, notre système pédagogique poursuit comme but unique le développement de l’individu considéré comme une fin en soi. Voici même qu’ouvertement des membres du personnel enseignant se donnent pour objet de détruire l’État et la société. Ce sont de tels maîtres qui élèvent nos fils dans l’ignorance ou le mépris de la patrie »60.

34L’Université de France s’est donc égarée, selon Pétain, hors des valeurs et de la tradition nationale ; il propose en conséquence son projet d’éducation nationale, tout en le situant dans les circonstances de l’Europe de 1934 :

  • 61 Ibid.

« Convaincre les éducateurs de leur haute responsabilité devant l’État, établir la charte de l’enseignement patriotique à l’école, instituer en quelque sorte la surveillance et le contrôle de cet enseignement à travers la nation, en un mot préciser et fixer les devoirs de tous, accorder en revanche aux maîtres la considération, le prestige, la place privilégiée que mérite la noblesse et l’étendue de leur mission, tels pourraient être les traits généraux d’un programme capable d’assurer à notre jeunesse le bénéfice d’une doctrine civile, exaltant l’effort collectif, l’intérêt national, les gloires et les destins de la patrie »61.

IV – La réforme impossible ?

  • 62 Décret-loi du 30 octobre 1935 prévoyant l’organisation nouvelle des écoles normales primaires, Bull (...)
  • 63 Discours de Mario Roustan du 17 novembre 1935, publié dans « Mario Roustan et la réforme des écoles (...)

35C’est donc dans un contexte politique et budgétaire difficile que paraît le VIIe décret-loi du 30 octobre 1935, qui prévoit une réorganisation d’ensemble de la formation des instituteurs selon les différents points en discussion depuis la guerre62. Concours au niveau du baccalauréat et du brevet supérieur, mais bourses « normales » accordées au passage du brevet élémentaire, élargissement du recrutement, et formation essentiellement professionnelle sont les piliers de cette réforme des écoles normales. Mario Roustan défend avec vigueur le choix des futurs maîtres « au terme du second degré, après les diplômes et certificats qui couronnent cette seconde partie des études »63. C’est se conformer, dit-il, aux vœux de la Ligue de l’enseignement qui déclarait dans son congrès de 1934 :

« La Ligue de l’enseignement, appelée à examiner la formation des maîtres du premier degré dans le cadre de l’école unique, demande que :

  • 64 Ibid.

1. les écoles normales soient maintenues dans le cadre départemental ou dans un cadre régional réduit ; 2. Leur recrutement se fera par concours entre les jeunes gens qui auront accompli l’un des cycles complet du premier degré ; 3. Elles donneront un complément de culture générale et seront chargées de la formation professionnelle des maîtres du premier degré ; 4. La culture générale sera donnée par des professeurs du second degré attachés à l’établissement et par des professeurs du troisième degré chargés plus spécialement de conférences, de directions d’études, d’initiation à des travaux personnels ; 5. La formation professionnelle sera maintenue sur les bases actuelles ; on y ajoutera une préparation spéciale pour l’éducation des enfants de 11 à 15 ans (cycle d’orientation professionnelle) »64.

  • 65 Les élèves qui ont suivi des études spécialisées (commerce, agriculture, etc.) pourront accéder au (...)
  • 66 Discours de Mario Roustan du 17 novembre 1935, op. cit.

36En fait, Mario Roustan est attaqué sur tous les fronts. Qu’il ait ouvert des discussions avec les milieux professionnels n’empêche pas que soit dénoncée la brutalité de sa décision. Les enseignants du secondaire craignent avant tout que le baccalauréat soit dévalorisé, et se mobilisent contre le « sabotage » de cet enseignement65. Surtout, les protestations contre ce qui n’est pas encore une décision définitive, puisque le texte doit passer devant le Conseil supérieur de l’instruction publique, dépassent tout de suite les enjeux purement scolaires. Le ministre doit se défendre contre l’accusation de vouloir nuire aux milieux populaires par le recrutement des élèves maîtres à l’issue du second cycle secondaire, et clamer son attachement à la laïcité alors que « des polémiques dangereuses »66 viennent de s’ouvrir de ce côté.

37Pierre Georges, alors professeur au lycée de Montpellier, écrit dans L’Humanité du 20 novembre que la réforme

  • 67 Cité dans « Revue de presse », L’Information universitaire, no 712, 30 novembre 1935, p. 5.

« favorise pour l’entrée à l’école normale les élèves sortis d’établissements d’enseignement secondaire et titulaires du baccalauréat. On ne veut plus d’instituteurs sortis du peuple, on veut leur substituer des jeunes gens issus de la bourgeoisie des villes élevés par des maîtres en majorité fascistes ou sympathisants au fascisme : ceux mêmes qui ont repoussé l’adhésion du Syndicat national des professeurs à la CGT, en 1934. Élever les élites, disent hypocritement les réformateurs, non, rejeter les campagnes sous l’influence du clergé allié des fascistes, écarter les paysans de toute instruction supérieure, recruter les maîtres dans la classe bourgeoise que l’on espère acquise au fascisme. Qui peut même affirmer que des postes d’instituteurs ne seront pas brigués et obtenus par des élèves des écoles libres, de ces écoles encouragées par le gouvernement puisque, jusqu’en octobre dernier, ce n’était pas un cumul pour un professeur fasciste de lycée d’aller faire des heures supplémentaires dans une école religieuse »67.

  • 68 Cité dans « Revue de presse », L’Information universitaire, no 710, 16 novembre 1935, p. 5.

38Le journal Le Temps soutient au contraire l’ouverture du recrutement aux jeunes titulaires du baccalauréat, la formation « des maîtres publics […] au cœur même de la nation, en compagnie d’adolescents de toutes origines, dans les lycées et collèges qui mènent aux plus hautes études » en vue de « l’unité qui presse le plus, celle de la formation des maîtres »68. La polémique sur les « isoloirs » pour laïcs, selon Anatole de Monzie, reprend de plus belle dans cette année cruciale, comme le montre la tonalité des articles du Temps :

  • 69 Cité dans « Revue de presse », L’Information universitaire, no 712, 30 novembre 1935, p. 5. La circ (...)

« Organiser des séminaires de laïcisme, préparatoires aux exercices d’une école militante en même temps que publique, telle était bien un peu, et peut-être plus qu’un peu, la conception qui domina les réformes de M. Paul Lapie en 1920 et 1921. Toujours est-il que Jules Ferry, grand ministre libéral, en avait une autre, dont les éducateurs confédérés ou unitaires, n’ont nul droit de se prévaloir. […] Depuis plusieurs lustres, ils regardaient, assurés sur la faiblesse des gouvernements, l’école primaire comme leur fief ; et des écoles normales, ils s’efforçaient, par une propagande intérieure sans scrupule, de faire leurs centres de recrutement syndicaliste et subversif. Or, à cette propagande, le gouvernement de M. Pierre Laval vient de mettre fin par une circulaire attendue, écartant des élèves maîtres revues et tracts qui prêchent le refus de la préparation militaire, quand les conducteurs du syndicat ne respirent que pacifisme, et en tout temps la haine du bourgeois, les bienfaits de la grève générale et de la révolution. Et à cette mesure, voici que ce gouvernement en joint une autre. Dans l’intérêt de l’enseignement primaire public, il ouvre les pépinières de ses maîtres à des candidats de toutes origines, et, pour tout dire, à des bacheliers munis d’une culture libérale et formés selon les méthodes critiques. Évidemment, aux yeux des laïcistes et marxistes, ceci n’est plus de jeu »69.

  • 70 « Discours de M. Roustan à la réunion des inspecteurs d’académie », L’Information universitaire, no(...)
  • 71 Son annulation est annoncée devant la Ligue de l’enseignement le 14 novembre 1935, Cf. « La Ligue d (...)
  • 72 Selon la réponse de Mario Roustan au Sénat, lors de la discussion – 26 décembre  1935 – de la loi d (...)

39En 1935, l’incapacité du gouvernement à s’imposer est manifeste, la société trop divisée, « l’unité » recherchée un vœu impossible à atteindre. Le ministre lance un vibrant appel aux inspecteurs d’académie le 29 novembre sur le thème de « l’indispensable autorité de l’État », au moment où la décision du gouvernement doit s’imposer70. Cependant, celui-ci a commencé à reculer sur un point au moins du texte : l’instauration d’un régime spécial de préparation pour les élèves issus des études spéciales (techniques, commerciales et agricoles), qui prévoyait, en une année, de se présenter au brevet supérieur, au baccalauréat ou au diplôme complémentaire d’études secondaires (DCES), en accordant, le cas échéant, pour ces examens, la dispense de certaines épreuves. La campagne des personnels du secondaire a rapidement emporté le projet71. En outre, les maîtres des cours complémentaires – qui préparent au brevet élémentaire – font campagne pour arracher au ministère la préparation au brevet supérieur dévolue par la réforme aux écoles primaires supérieures ; il semble qu’en décembre 1935, le ministre, assiégé d’exigences contraires par tous les groupements corporatifs, ne soit plus très sûr de rien72.

  • 73 « Syndicat des directeurs des écoles normales. Déclarations de M. Rosset », L’Information universit (...)

40En fait, à la fin de l’année 1935, il n’est plus question d’application immédiate. Rien ne sera changé en 1936. Selon la réponse faite aux directeurs des écoles normales par Théodore Rosset, directeur de l’enseignement primaire, un délai d’un an est prévu pour faciliter une large consultation, ce qui reporte la réforme au-delà des élections générales ; selon ce dernier, le projet de budget pour 1936 n’y fera pas référence et les nouveaux textes ne seront présentés au Conseil supérieur qu’à la fin de l’année scolaire73. Les professeurs des écoles normales ont aussi obtenu qu’on ne touchera pas à leur statut, contrairement à toutes les demandes faites au nom de l’école unique depuis vingt ans.

  • 74 G. Laurent, « Un peu de mesure », MGIP, no 17, 4 janvier 1936, partie générale, p. 312-313.
  • 75 Ibid., p. 313.
  • 76 « L’“aménagement” des décrets-lois », MGIP, no 27, 14 mars 1936, partie générale, p. 477.
  • 77 L’Humanité du 18 juin, cité dans L’Information universitaire, no 742, 20 juin 1936, p. 5 : « Le min (...)

41« La fièvre et l’affolement qui se sont emparés de l’Université à l’annonce du projet de réforme des écoles normales primaires » font sourire l’inspecteur d’académie de l’Allier74 : il « serait plaisant de voir nos inspecteurs généraux », chargés de mettre au point le projet, comme « les instruments ou les complices d’un machiavélique dessein qui aurait décidé la ruine de l’enseignement laïque et la disparition de l’esprit laïque des écoles normales »75. Le harcèlement du projet par le biais de la menace sur la laïcité de l’école prend de l’ampleur, malgré les appels à la mesure et toutes les explications données. Le nouveau ministre, Henri Guernut, crée et réunit pour la première fois le 4 mars 1936 une commission interministérielle chargée d’examiner les décrets-lois, pour tenter de les aménager76. Peine perdue. Après les élections générales, devant une délégation de députés communistes reçue le 17 juin, Jean Zay, qui vient d’être nommé ministre de l’Éducation nationale du gouvernement du Front populaire, annonce le retrait du projet de réforme qui mobilise l’Université et la presse depuis huit mois77. Invasion bourgeoise de l’école primaire, méfiance quant à la motivation des bacheliers qui veulent y enseigner, menace sur la laïcité, crainte de l’entrée d’anciens élèves du privé dans le corps des instituteurs, concurrence déloyale des élèves du secondaire au moment du concours, peur de mise à l’écart des élèves issus du monde populaire, d’un côté, avilissement du baccalauréat et sabotage du secondaire, de l’autre : les passions ont eu raison de deux ministres et Jean Zay préfère sagement remettre tout à plat. Les crispations de l’enseignement secondaire – entre autres – sont à peine retenues :

  • 78 E.A., « Réprouvés », L’Information universitaire, no 749, 27 juin 1936, p. 1.

« Le décret-loi sur la réforme des écoles normales est mort et joyeusement enterré par l’enseignement primaire. Dans un temps où la reconnaissance est une vertu périmée, saluons cet attachement d’anciens élèves aux maisons qui les ont faits ce qu’ils sont. D’ailleurs le recrutement régional qui apparente les tempéraments ; les souvenirs communs de l’internat et de la jeunesse, si puissants ; l’unité absolue d’atmosphère intellectuelle dans un enseignement qui recrute lui-même son personnel par une sorte de cycle permanent ; tout ne contribue-t-il pas à cimenter une solidarité forte et enviable ? »78.

42L’échec de la réforme voulue par Mario Roustan et Pierre Laval va marquer durablement les esprits et renforcer l’idée que toute réforme est impossible.

V – L’action de Jean Zay

  • 79 Exposé des motifs et projet de loi sur l’organisation des enseignements des premier et second degré (...)
  • 80 Ibid., p. 255.
  • 81 Ibid., p. 256.
  • 82 L’Œuvre, 4 mars 1937, cité dans L’Information universitaire, no 784, 6 mars 1937, p. 6.
  • 83 Le projet de loi de Jean Zay, dans son article 14, prévoit aussi un certificat d’aptitude pour les (...)

43Cependant, et malgré les mesures adoptées dans la décennie, la réforme de l’école unique reste à faire, de l’avis cette fois unanime des acteurs de l’école. Le projet de loi de Jean Zay, très attendu, réformant la structure de l’école en France est soumis au Conseil des ministres le 2 mars 1937, et déposé sur le bureau de la Chambre des députés le 5 mars suivant79. Le texte prévoit d’aménager l’éducation nationale en trois degrés successifs, et donc de créer ce second degré tant attendu : « L’heure paraît venue de donner aux enseignements secondaire, primaire supérieur et technique, le statut d’ensemble qu’ils attendent depuis de longues années »80. L’enseignement primaire supérieur est intégré dans ce degré. Le ministre rappelle après qu’« Il était impossible d’organiser l’enseignement du second degré sans aborder la question de la formation des maîtres »81. La question est effectivement centrale depuis vingt ans. Pour cela, il s’inspire de tous les débats qui ont eu lieu depuis la Grande Guerre, et en particulier du projet de statut organique élaboré en 1931 par le Comité d’études et d’action pour l’école unique, ratifié par le congrès confédéral de la CGT de 193182. Les futurs maîtres devront être titulaires du baccalauréat, l’école normale subsistera en tant qu’école professionnelle obligatoire pour tous, l’examen de sortie étant un certificat d’aptitude83. La formation des instituteurs serait ainsi allongée par rapport à l’existant : trois ans de préparation au baccalauréat, suivis de la formation professionnelle dans les écoles normales.

  • 84 Il fait passer à 3 000 le recrutement d’élèves maîtres en 1936, contre 2 000 prévus ; ils seront en (...)
  • 85 La Réforme de l’enseignement. Conférence faite par M. Jean Zay ministre de l’Éducation nationale à (...)
  • 86 « L’intention du Ministre était d’abord d’amorcer la réforme par l’organisation généralisée de ces (...)

44Ce projet ne fixe donc que les principes généraux, et laisse une large place au débat pour éviter tous les écueils qui avaient fait échouer le précédent projet. La méthode choisie permet d’abord d’éviter l’accusation de vouloir brusquer les choses. La recherche d’économies budgétaires ne suscite plus de soupçons : le ministre relance le recrutement d’élèves maîtres et de maîtres84 ; il n’y a plus de menaces sur l’existence de l’école normale, « foyer démocratique nécessaire »85, étant donné que le projet s’inspire largement de celui de la Fédération générale de l’enseignement (1931), approuvé après modification par la CGT, comme nous l’avons vu. La réponse au triple problème du recrutement populaire, du paiement des études, et de l’atmosphère intellectuelle de la formation paraît se dessiner peu à peu de la manière suivante : recrutement en fin de premier cycle du second degré (ce qui n’élimine pas les cours complémentaires du processus), alors que les directeurs avaient compris qu’il se ferait au niveau du baccalauréat, cours avec les autres élèves du secondaire, mais maintien de l’internat à l’école normale, bourses d’État pour la gratuité des études86. Quant à l’enseignement secondaire, il garde la maîtrise sur le baccalauréat. Celui-ci n’est plus menacé par l’équivalence avec le brevet supérieur et même par le régime spécial de préparation au baccalauréat pour les élèves des sections techniques prévus par la réforme Roustan de 1935.

45Jean Zay évoque ainsi, dans ses Souvenirs écrits en prison, la réforme envisagée en 1937 :

  • 87 Jean Zay, Souvenirs et solitude, Paris, Belin, 2010, p. 107 (1ère éd. 1946).

« Le plan de 1937 visait […] à améliorer la formation des maîtres primaires en les faisant bénéficier des études secondaires, en les mêlant sur les bancs du lycée aux autres élèves de l’université et en les soumettant au baccalauréat. Mais il maintenait l’école normale, d’abord comme internat, ensuite, après le bachot et pendant deux années, comme institut de formation pédagogique. Il s’agissait de mettre fin à ce que l’éducation des écoles normales pouvait avoir de trop “primaire”, de supprimer le “vase clos”, de ne plus laisser nos normaliens faire “bande à part” dans l’Université, mais de conserver en même temps ce que l’école normale avait d’excellent – et c’était beaucoup : un esprit de corps au meilleur sens du terme, une émulation dans le dévouement et la foi professionnelle, d’où sortaient des équipes homogènes avec leurs traditions. Le plan de 1937 avait souci de préserver l’origine démocratique et, tout spécialement l’origine rurale du recrutement »87.

  • 88 A. Albert-Petit, « Nouvelles réformes dans l’enseignement », Journal des débats politiques et litté (...)
  • 89 Ibid.
  • 90 Le Matin, 3 mars 1937, p. 1. L’auteur ajoute : « Il était impossible d’organiser l’enseignement du (...)

46L’accueil du projet de réforme est plutôt favorable. Les journaux réagissent dès le 3 ou le 4 mars. Même si un journal antirépublicain comme L’Action française profite de l’occasion pour reprendre, dans son édition du 4 mars, la vieille rengaine des « serres chaudes où, dans l’atmosphère retranchée de l’internat, on forme des républicains enflammés », les journaux mettent en avant ce qui paraît positif : la simplification, la suppression des « doubles emplois »88 ; le passage « des futurs instituteurs […] par le lycée, ce qui a beaucoup d’avantages, y compris celui de ne pas être éduqués en vase clos, dans les écoles normales dont l’atmosphère, soit dit sans offenser personne, est parfois celle d’un séminaire plus que laïque où la Loge n’est pas celle du concierge »89 ; « l’unité de l’enseignement » et la nécessité « d’emboîter plus sérieusement des enseignements jusqu’alors plus enclins à la rivalité qu’à la collaboration »90 ; « l’aménagement » du second degré sans « nivellement par le bas » et la disparition – « enfin » ! – du primaire supérieur, utile en son temps, mais ayant cessé de l’être, ce qui pour Le Temps du 4 mars est « le meilleur » du projet :

  • 91 Le Temps, 4 mars 1937, p. 1.

« Son principal objet était d’instruire les futurs instituteurs […]. Il devenait insoutenable que les futurs éducateurs de l’enfance reçussent leur formation à l’écart des autres éducateurs, et non seulement à l’écart, mais comme retranchés de l’Université. Obligés désormais de produire, pour enseigner dans une école primaire, le baccalauréat, ils rentrent dans le giron. Et le ministre de l’Éducation nationale accomplit à leur endroit un acte de réparation »91.

  • 92 L’Œuvre du 4 mars 1937, cité dans L’Information universitaire, 6 mars 1937, no 784, 6 mars 1937, p. (...)
  • 93 Ibid.
  • 94 L’Humanité, 3 mars 1937, p. 2.

47Dans Le Figaro du 3 mars, le président du Syndicat national des professeurs de lycée, André-Marie Gossard, exprime sa satisfaction « sur l’ensemble de la réforme », position assez générale, de bonne diplomatie aussi sans doute, avant de discuter de ce qui fâche. L’Œuvre du 3 mars rapporte les propos du secrétaire général du Syndicat national des instituteurs, André Delmas, heureux de la mise en place d’un véritable enseignement post-élémentaire, et que l’âge d’entrée au lycée se fasse avec le certificat d’études primaires : « Nous accueillons le dépôt de ce projet avec une réelle sympathie »92. Le chroniqueur relève que, si les instituteurs sont satisfaits, ce n’est guère surprenant : le projet du ministre « s’apparente au plan de réforme élaboré par la commission de l’enseignement à la CGT, et ratifié par le congrès confédéral de 1931 »93. L’Humanité du 3 mars souligne d’abord la nécessité du certificat d’études primaires pour accéder au second degré – une victoire pour les instituteurs –, la réorganisation des enseignements du premier et du second degré et la nouvelle préparation des instituteurs et professeurs. « Ces judicieuses mesures avaient été fortement étudiées par notre camarade Cogniot dans son rapport sur le budget de l’Éducation nationale »94. Le journal communiste ne s’en prend donc pas à l’une des mesures phares du projet, le passage des futurs maîtres dans le second degré.

  • 95 La CGT pense que le projet gouvernemental cherche à « sauver à tout prix le prestige de la section (...)

48Mais la réforme en discussion avec les associations professionnelles se heurte bientôt à de grosses difficultés : l’âge du certificat d’études primaires et l’inquiétude que soulève dans le camp secondaire l’hypothèse, finalement abandonnée, de sa fixation à 11 ans qui confierait au primaire la régulation de l’entrée en sixième ; la création d’une année d’orientation en début de secondaire, qui pose une grave difficulté pour les défenseurs des études classiques ; le rôle des cours complémentaires ; le mode de recrutement des écoles normales qui sont maintenues par le projet. Dès le mois de mai 1937, alors que l’accueil du projet de loi, nous le savons, avait été plutôt favorable, le mouvement de contestation est relancé, l’avenir de la réforme mis une nouvelle fois au milieu des opinions contradictoires des divers compartiments de l’Éducation nationale et aussi des différents courants de pensée95. La période de Pâques 1937, quand se réunissent les congrès des diverses associations professionnelles, qui expriment objections et inquiétudes de tous les groupements, correspond au début d’affaiblissement du projet de réforme :

  • 96 S. Paul, « Écoles normales. Obscurités », L’Information universitaire, no 796, 12 juin 1937, p. 1.

« Le mouvement défensif du primaire supérieur, le souci de sauver les cours complémentaires ruraux et de maintenir ainsi le recrutement démocratique des écoles normales ont amené ces “apaisements” et ces “ajustements” dans lesquels les grandes lignes du projet initial s’obscurcissent. Le discours d’Orléans [mercredi 5 mai] remet tout en question du concours d’entrée de nos écoles. Nous devions examiner des candidats bacheliers, “ils se présenteront aux écoles normales à 15 ou 16 ans ; reçus, ils recevront une bourse complète pour préparer leur baccalauréat” »96.

49Les discussions avec les syndicats s’avèrent compliquées, le débat se situant également dans leurs rangs. Avec la classe d’orientation que le ministre peine à imposer, le lieu de formation et l’âge de recrutement des futurs maîtres bloquent, comme auparavant, les négociations avec le gouvernement. Lucien Mérat (CGT) et Ludovic Zoretti (un des secrétaires de la FGE) exposent en avril 1937 les difficultés que « le cadre » proposé par le ministre appelle à résoudre ; il apparaît clairement que le primaire est en situation de sauver une nouvelle fois ses écoles normales :

« De tous côtés des craintes se font jour. De nombreux amis de l’école laïque redoutent que ne soit menacé le caractère démocratique du recrutement, que les meilleurs parmi les enfants du peuple ne s’écartent d’une profession ingrate et mal rétribuée, que ne soit affaiblie la solidarité des maîtres.

  • 97 Lucien Mérat, Ludovic Zoretti, « Le projet gouvernemental et les syndicats », art. cit., cité dans (...)

Il convient de remarquer, qu’ayant posé le principe de la formation commune des maîtres et affirmé la nécessité d’assurer aux instituteurs la conquête d’un diplôme du second degré, […] le projet ministériel ne préjuge pas de l’âge auquel les futurs instituteurs passeront le concours qui leur donnera à eux et à leur famille la garantie de sécurité indispensable. Ce concours se peut très bien situer avant la fin du second degré, ce qui n’empêchera pas la préparation aux examens de fin d’études »97.

  • 98 Ibid.
  • 99 Selon des extraits de discours de Lucien Lamoureux, ancien ministre, paru dans Le Temps du 9 septem (...)

50À quelques semaines donc de la fin de l’année scolaire 1936-1937, l’insécurité domine. Le premier cabinet Blum tombe le 21 juin. Le projet semble aussi s’éloigner, puisque le ministère a annoncé le 28 mai que la réforme ne sera appliquée que par étapes, et que le mode de recrutement des écoles normales ne sera modifié au plus tôt que quatre ans après le vote de la loi98. Autant dire les calendes grecques. À l’automne, la réforme des écoles normales paraît enlisée, l’obscurité n’est pas levée sur les principales questions concernant le recrutement et l’établissement des études générales des futurs maîtres. Tout semble de nouveau aller à reculons, la méfiance vis-à-vis des lycées est réactivée, de même que celle qui concerne « l’institution vicieuse » des écoles normales99.

  • 100 Dans la séance du 16 février 1939 du conseil d’administration de la Fédération générale de l’enseig (...)

51À partir de 1938, la situation est bloquée. Jean Zay n’aborde pas la question de la formation des maîtres lors de la session des 7-10 mars du Conseil supérieur de l’instruction publique. La désillusion est bientôt générale devant l’incapacité du gouvernement à présenter la réforme devant le Parlement100. La « grande réforme » quitte peu à peu l’actualité. Mais pas l’amertume. La question de la formation des instituteurs, qui est au cœur de celle de l’école unique, n’a pas avancé depuis les mesures prises par Lapie en 1920 et 1921. Faut-il recruter les élèves maîtres à la fin du premier cycle du second degré ? Par un concours séparé du brevet ? Au niveau du second cycle ? Supprimer le brevet supérieur, très critiqué, et exiger le baccalauréat, certes, mais où serait-il préparé ? Intégrer les écoles primaires supérieures dans le second degré, certes, mais que deviennent alors les cours complémentaires ? Qui doit assurer la formation générale des futurs maîtres ? Les lycées et les collèges, ou les écoles normales, comme celles-ci le demandent ? Comment s’assurer du recrutement « démocratique », laïque et populaire des écoles normales ? Faut-il des écoles normales ou des instituts professionnels ? Quelle part garder à la formation culturelle dans ces futurs établissements ?

  • 101 Alain Gérard, « La réforme par décret-loi ? », MGIP, no 31, 29 avril 1939, partie générale, p. 515.

52À la veille de la Deuxième Guerre mondiale, aucune de ces questions n’a trouvé de réponse, ce qui provoque l’arrêt de l’ensemble de la réforme. La Troisième République n’a pas eu la capacité de faire la grande réforme du système éducatif qu’elle souhaitait. Les chroniqueurs regrettent en 1939 l’anarchie qui s’est emparée du système, suite aux mesures fragmentaires du ministère. Ils regrettent que l’« absorption » des écoles primaires supérieures par le secondaire s’accélère, quand celles-ci sont annexées ou jumelées avec un lycée ou un collège. Le gouvernement cherche-t-il à passer en force ? Selon le chroniqueur du Manuel général de l’instruction primaire, « Le règne des décrets-lois n’est pas terminé. Il ne faudrait pas être surpris que la réforme de l’enseignement fît l’objet d’un de ceux qui sont actuellement en préparation »101. Inquiétude prémonitoire.

  • 102 Alain Gérard, « Controverse sur la réforme », MGIP, no 16, 14 janvier 1939, partie générale, p. 273

53« Occasion manquée », « sentiment d’amertume », effondrement « à coup de fausses manœuvres » « d’un grand espoir longtemps caressé », anarchie, mais présence toujours aussi vive dans les esprits de l’idéal des Compagnons, la tendance ne paraît guère à l’optimisme juste avant guerre102.

  • 103 L’Université nouvelle, no 51, juillet 1931, p. 25.

54La réforme de la formation des maîtres ne s’est donc pas faite entre les deux guerres. Langevin, Weber, la Ligue de l’enseignement, les Compagnons de l’Université nouvelle, la Fédération générale de l’enseignement ont cependant soutenu le principe d’une culture commune pour les maîtres des premier et second degrés. Chacun connaissait, selon Weber103, « l’insuffisante organisation pédagogique des écoles normales », et surtout savait que, par le double recrutement, plus de la moitié des instituteurs ne passaient pas par ces écoles. Cependant l’idée que les futurs maîtres de l’école républicaine échappent aux écoles accueillant les enfants des catégories populaires a bloqué l’évolution, pourtant souhaitée par les gouvernements successifs.

  • 104 Article 4 de la loi du 18 septembre 1940 relative à la suppression des écoles normales et à la form (...)
  • 105 Selon une enquête réalisée en 2009-2010 auprès des anciens élèves des écoles normales de l’actuelle (...)

55La loi du 18 septembre 1940 a finalement décidé l’inscription des élèves maîtres dans l’enseignement secondaire. « Les élèves-maîtres et les élèves-maîtresses reçus au concours d’entrée de 1940 seront inscrits en qualité de boursiers d’internat dans les classes de seconde B des lycées et collèges »104. Cette décision brutale est prise dans les pires conditions idéologiques et de fonctionnement qui soient. « Pendant trois ans, nous n’avons jamais entendu parler de notre métier », dit une normalienne d’Angers de la promotion 1940105. Il faut pourtant rappeler que l’attrait du baccalauréat existait aussi chez des normaliens d’avant-guerre, quelques-uns s’inscrivant en candidat libre à cet examen, en plus du brevet supérieur : aujourd’hui encore, ils n’en sont pas peu fiers !

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Notes

1 Rapport fait au nom de la commission du budget chargée d’examiner le projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1905, par Alfred Massé, député, dans Journal officiel de la République française, Documents parlementaires, Chambre des députés (désormais JORF, DP, Chambre), annexe no 1952, séance du 13 juillet 1904, p. 1295-1365, citation p. 1350. Lors de la discussion du budget pour l’exercice 1921, Édouard Herriot, alors député du Rhône, déclare à la Chambre des députés : « Notre Université de France ressemble trop à un monument très ancien dans les parties essentielles, que l’on aurait à tous les âges compliqué d’annexes, sans jamais oser le reconstruire suivant des lignes simples et modernes ». Cité par Hippolyte Ducos, député, JORF, DP, Chambre, annexe no 513, séance du 27 août 1924, p. 1763. La volonté de réformer et de simplifier, tout en imitant les pays étrangers comparables, est très forte et générale après guerre, mais l’unanimité s’arrête là.

2 Ce qui n’a pas été assez suffisamment pris en compte par l’historiographie. Sur cette question, voir notamment Antoine Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France. IV. L’école et la famille dans une société en mutation (1930-1980), Paris, Perrin, 2004 (1ère éd. 1981) ; Jean-François Condette, Histoire de la formation des enseignants en France (XIXe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 2007. Cet article doit beaucoup au travail réalisé dans le cadre de l’opération sur la mémoire des écoles normales primaires menée au Service d’histoire de l’éducation sous la direction de Pierre Caspard, ainsi qu’aux nombreux documents apportés par Rémi Paris.

3 Jean Jaurès avait situé le sujet plus judicieusement, lors de débats parlementaires à la Chambre des députés en 1888, en réclamant « une correspondance, une communication étroite de tous les ordres d’enseignement pour élever peu à peu l’enseignement primaire » et préparer ainsi « par la coordination de tous les enseignements, d’un bout à l’autre de l’échelle, l’unité et la continuité de toutes les classes sociales ». Cité dans JORF, DP, Chambre, annexe no 5829, rapport réalisé par Hippolyte Ducos, député, pour l’exercice 1931, p. 987.

4 La réforme Leygues institue deux cycles dans l’enseignement secondaire ; le premier cycle permet – théoriquement – à des élèves du primaire d’entrer en sixième, d’autant plus qu’il existe désormais une section sans latin. Les élèves peuvent obtenir en fin de cycle un diplôme d’études secondaires du premier cycle, ce qui permet à des enfants de milieu populaire d’avoir un autre objectif que le baccalauréat. Voir le décret du 31 mai 1902 relatif au plan d’études secondaires, Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique (désormais BAMIP), no 1522, p. 739-741.

5 Les Compagnons de l’Université nouvelle, L’Université nouvelle (édition critique par Bruno Garnier), Lyon, INRP, 2008, p. 199.

6 « Revue de presse », Revue pédagogique, t. 73, 1918, p. 305-306. Dans la même Revue pédagogique, Pierre-Félix Pécaut, inspecteur général de l’enseignement primaire, paraît beaucoup plus mesuré. Utilisant les propositions des Compagnons et celles de Ludovic Zoretti dans son ouvrage Éducation : un essai d’organisation démocratique, Paris, Plon-Nourrit, 1918, il voit l’école unique comme, « en dernière analyse, la démocratisation des hautes fonctions sociales par l’enseignement ». Cf. Pierre-Félix Pécaut, « École unique et démocratisation », Revue pédagogique, t. 74, 1919, p. 235-251, citation p. 241.

7 Marcel Grandière. La formation des maîtres en France, 1792-1914, Lyon, INRP, 2006.

8 L’enquête est dirigée vers les professeurs. La circulaire de Paul Lapie du 27 mai 1918, BAMIP, no 2335, p. 188, demande aux directeurs des écoles normales de réunir les conseils de professeurs avant l’été, et de rendre les conclusions en novembre. La Revue pédagogique rend largement compte des propositions et débats issus de cette enquête.

9 La Revue pédagogique y participe pour soutenir généralement le primaire. Par exemple : « Les écoles normales doivent-elles devenir des “Instituts pédagogiques” uniquement chargés de la préparation professionnelle des instituteurs ? », par A. Mollard, professeur à l’école normale de Haute-Savoie, Revue pédagogique, t. 73, 1918, p. 280-286. Il prend position contre l’idée alors en vogue de « faire de l’école normale une sorte d’“Institut pédagogique” où la culture générale ne serait plus représentée que par les études de pédagogie théorique ». Et bien sûr l’article de Lapie sous le pseudonyme d’André Duval, « Esquisse d’une réforme générale de notre enseignement national », Revue pédagogique, t. 80, 1922, p. 79-101.

10 Décret du 18 août 1920 modifiant les chapitres 3, 4 et 5 du titre Ier et les chapitres 2 et 3 du titre II du décret organique du 18 janvier 1887, BAMIP, no 2442, p. 685-701.

11 Arrêté du 18 août 1920 modifiant les chapitres 3 et 4 du titre Ier et le chapitre 1er du titre II de l’arrêté organique du 18 janvier 1887, BAMIP, no 2442, p. 715-727 ; arrêté du 18 août 1920 modifiant les programmes des écoles normales primaires, idem, p. 764-813. Dans « Que seront demain nos écoles normales ? » publié dans la Revue pédagogique d’octobre 1919 et repris dans Pédagogie française, Paris, Alcan, 1920, p. 175-216, Paul Lapie commente ainsi la réforme en préparation des écoles normales : à l’entrée dans cette école, tout doit être nouveau ; il évoque « l’écœurement » des élèves maîtres devant les répétitions qui leur sont imposées, « l’un des défauts les plus graves de l’organisation à tant d’égards si parfaite de notre enseignement primaire » ; l’école normale « doit être une petite république où les élèves font leur apprentissage de la vie sociale » ; il voudrait que la bibliothèque soit le cerveau de la maison, ce qui n’est guère le cas. Mais il est fermement opposé à la transformation de ces établissements de formation en « instituts pédagogiques », et d’en exclure toute science et connaissance générale. Il n’est pas sûr toutefois qu’il ait pu éviter, dans la pratique, la tentation de l’encyclopédisme.

12 Instructions du 30 septembre 1920 relatives à l’organisation des cours complémentaires, des écoles primaires supérieures et des écoles normales, BAMIP, no 2450, p. 1459-1497. Paul Lapie veut placer les écoles normales au plus près des évolutions scientifiques et épistémologiques en cours. Elles ne doivent pas être en retard sur les lycées où l’on tente de mettre en place cet enseignement fondé sur l’observation. L’enseignement scientifique devrait mettre l’élève au contact des objets naturels, procéder par expérience, l’enseignement littéraire au plus près des textes ; les documents, les « faits géographiques » seraient au départ des acquisitions en histoire et en géographie. Mais cet enseignement plus concret, moins livresque, se heurte à l’écueil du brevet qui ponctue les études.

13 Décret et arrêté du 21 février 1921 relatifs aux examens de capacité de l’enseignement primaire et du certificat d’aptitude pédagogique, BAMIP, no 2465, p. 288-296.

14 Décret du 7 septembre 1921 portant règlement d’administration publique sur l’administration et la comptabilité des écoles normales primaires d’instituteurs et d’institutrices, sur les prestations en nature à concéder au personnel de ces écoles et sur le régime des écoles annexes, BAMIP, no 2477, p. 448-460.

15 Décret du 27 mars 1922 portant règlement d’administration publique sur l’attribution de diverses indemnités, sur le service normal du personnel des écoles normales […], BAMIP, no 2485, p. 165-171.

16 Décret du 27 mars 1922 portant règlement d’administration publique sur le régime des écoles d’application des écoles normales primaires […], BAMIP, no 2485, p. 171-174.

17 Décret et arrêté du 12 juillet 1921 relatifs au régime du certificat d’aptitude au professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures et au certificat d’aptitude à l’enseignement des langues vivantes dans les mêmes établissements, BAMIP, no 2477, p. 431-438.

18 Les Compagnons de l’Université nouvelle, L’Université nouvelle, op. cit., p. 199. Souligné dans le texte.

19 « Revue de presse », Revue pédagogique, t. 73, 1918, p. 306.

20 Sur Paul Lapie, voir Hervé Terral, « Paul Lapie (1869-1927) : universitaire et bâtisseur de l’école laïque », Carrefour de l’éducation, no 19, janvier-juin 2005, p. 121-137.

21 Anatole France, La vie en fleurs, p. 89, cité par Hippolyte Ducos, dans son « Rapport fait au nom de la commission des finances chargée d’examiner le projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1925 (ministère de l’Instruction publique) (1ère section : instruction publique), par M. Ducos, député », JORF, DP, Chambre, 1924, p. 1765.

22 Ibid.

23 Premier rapport de la Commission des réformes instituée par le décret du 3 août 1922. Adressé à M. le ministre des Finances [Rapport Marin], JORF, 10 décembre 1923, annexe, p. 885-953.

24 Hippolyte Ducos, député, dans son « Rapport fait au nom de la Commission des finances… » du 27 août 1924, fait un large appel à l’ouvrage de Dufrenne pour étayer son raisonnement, tout en se démarquant de certaines conclusions : il est un défenseur attitré de l’enseignement secondaire. JORF, DP, Chambre, annexe no 513, séance du 27 août 1924, p. 1766.

25 Arrêté du 16 décembre 1924 instituant une commission d’étude des mesures propres à réaliser l’école unique, BAMIP, no 2551, p. 45-46. Entre juillet 1924 et juillet 1926, sept ministres se succèdent au ministère, dont Daladier à deux reprises.

26 Rapport Langevin, « L’enseignement du troisième degré », cité dans « Rapport fait au nom de la commission des finances chargée d’examiner le projet de loi portant fixation du budget général de l’exercice 1926, par Ducos, député », JORF, DP, Chambre, annexe no 1965, séance du 12 juillet 1925, p. 1798-1858, notamment p. 1811-1813. Sur Paul Langevin, voir Laurent Gutierrez, Catherine Kounelis, Paul Langevin et la réforme de l’enseignement. Actes du séminaire tenu à l’ESPCI ParisTech du 15 janvier au 14 mai 2009, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2010.

27 Cependant la discorde règne dans cette commission. Le 9 juin, la commission a entériné la formulation suivante : « Les écoles normales constituent des sections pédagogiques du troisième degré » ; elle demandait ainsi leur intégration dans les lycées, comme cela d’ailleurs existait à Laon. Le 23 juin, la formulation devenait : « Les écoles normales constituent des sections pédagogiques du troisième degré ; elles […] forment en principe des établissements distincts ». Le camp primaire sauvait ainsi les écoles normales. Quel rôle a joué Langevin dans ce sauvetage ? Le président de la commission, Pierre Jossot, manifeste quant à lui son complet désaccord : contre Paul Langevin, il demande que les écoles normales soient intégrées aux lycées comme c’est le cas dans la ville de Laon où l’expérience est tentée. Cf. Pierre Jossot, « La formation du personnel enseignant du premier degré », Revue universitaire, octobre 1925, p. 212. Pierre Jossot, alors sénateur, est un ancien professeur d’école normale.

28 Le CAPES (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) est en même temps l’héritier des certificats d’aptitude à l’enseignement secondaire du XIXe siècle, du certificat d’aptitude au professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures (décret du 5 juin 1880) et du certificat d’aptitude à l’enseignement des collèges institué en 1941.

29 Les départements peuvent également pousser à la réforme, car ce sont eux qui financent la formation des instituteurs. Voici le soutien apporté en 1925 par le conseil général du Maine-et-Loire qui, « Considérant qu’à l’heure actuelle il serait faux de prétendre que les enfants d’humble condition ne peuvent atteindre aux sommets de l’échelle sociale […] », émet le vœu suivant : « Que le gouvernement étudie les moyens de faire absorber par l’enseignement secondaire les écoles normales primaires, la formation des futurs instituteurs devant être réalisée dans les lycées et collèges secondaires comme celle de toutes les élites sociales de la nation, jusqu’à l’âge où, sur une solide base d’études classiques, une courte spécialisation pédagogique suffira pour faire de ces jeunes gens de vrais éducateurs ». Archives départementales du Maine-et-Loire, Délibérations, procès-verbaux des délibérations, 1925, vues 148 et 149.

30 Un ministre, écrit-il en présentant le projet de loi, « ajoute au travail d’une commission ses efforts personnels, ses suggestions personnelles. L’œuvre qui s’achève n’est pas son œuvre propre. Elle est le produit d’un délibéré prolongé auquel il a participé. Il a mis du sien dans l’élaboration du plan. Il a fait sienne la synthèse finale ». Proposition de loi tendant à la réorganisation générale de l’enseignement public, présentée par M. de Monzie, sénateur. (Renvoyée à la commission de l’enseignement), JORF, DP, Sénat, annexe no 564, session ord. 2e séance du 7 août 1926, p. 1249.

31 Cf. Pierre Jossot, « La formation du personnel enseignant du premier degré », art. cit., p. 209, cité dans JORF, DP, Sénat, annexe no 564, session ord. 2e séance du 7 août 1926, p. 1250.

32 JORF, DP, Sénat, annexe no 564, session ord. 2e séance du 7 août 1926, p. 1250. Pour Anatole de Monzie, « Les craintes que les partisans des écoles normales manifestent à la menace d’une concentration universitaire tiennent à ce que Nietzsche définissait “l’atavisme d’un idéal vieilli” » (Ibid., p. 1252).

33 Pierre Jossot commence ainsi son article sur « La formation du personnel enseignant du premier degré », art. cit., p. 209 : « La commission chargée de préparer la réalisation de l’école unique a, dans ses conclusions, envisagé l’unité de formation du personnel enseignant. Et c’est à l’Université qu’elle en confie le soin. Dans sa séance du 16 juin, elle a, en effet, adopté la formule suivante : “Le personnel chargé de l’enseignement général dans le second et le troisième degré doit compléter son instruction et recevoir sa formation professionnelle dans l’enseignement supérieur”. C’est d’une netteté qui élimine toute réserve et toute échappatoire ».

34 Célestin Bouglé, directeur de l’École normale supérieure, vice-président de l’Office central de la coopération à l’école, est membre de plusieurs revues qui promeuvent l’enseignement en France et dans les colonies. Voir Pierre Caspard (dir.), La presse d’éducation et d’enseignement, XVIIIe siècle-1940. Répertoire analytique, INRP/CNRS, 1981-1991.

35 JORF, DP, Sénat, annexe no 564, session ord. 2e séance du 7 août 1926, p. 1250.

36 Voir Jean-Michel Chapoulie, L’école d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 336-337. Le comité réunit des membres de la Ligue de l’enseignement, de l’association des Compagnons de l’Université nouvelle, de deux ordres maçonniques, des représentants de divers syndicats, dont Ludovic Zoretti et Maurice Weber, de la CGT, et des représentants de partis politiques comme le parti radical. Ludovic Zoretti et Maurice Weber furent membres, sous Vichy, du Rassemblement national populaire de Marcel Déat qui collabora avec les occupants.

37 Chapitre VI, article 31 du « Projet de statut organique de l’enseignement public », JORF, DP, Chambre, annexe no 613, rapport de Ducos, séance du 9 juillet 1928, p. 1781. Le principal rédacteur de ce projet est Maurice Weber, professeur de mathématiques au lycée Chaptal, à Paris.

38 Lucien Mérat, « La réforme de l’enseignement, problème social », in Confédération générale du travail, Congrès confédéral de Paris. Rapports moral et financier. Compte rendu sténographié des débats du XXVIIe congrès national corporatif tenu à la salle Japy du 15 au 18 septembre 1931, Paris, Éditions de la CGT, 1931, p. 144-150, citations p. 144, 145 et 147-148 respectivement. Consultable sur le site internet de l’Institut d’histoire sociale CGT.

39 Il s’agit du projet de statut organique de 1927.

40 Henri Boivin, « La réforme de l’enseignement envisagée du point de vue technique », in Confédération générale du travail, Congrès confédéral de Paris, op. cit., p. 150. Souligné dans le texte. Le projet de statut organique (39 articles) est reproduit p. 157-161.

41 Ibid., p. 155-156.

42 Ibid., p. 160. L’article est rédigé ainsi, les modifications apparaissant en italique : « Art. 33. Les futurs maîtres du premier degré font d’abord des études régulières et complètes dans l’enseignement du deuxième degré. Après avoir obtenu le certificat d’études du deuxième degré, ils reçoivent obligatoirement un complément de formation générale, technique et professionnelle dans des instituts pédagogiques (Écoles normales) dépendant du troisième degré. Ces études sont sanctionnées par un diplôme spécial ».

43 Maurice Weber, « Le projet de statut organique », L’Université nouvelle, no 51, juillet 1931, p. 22-26, notamment p. 25.

44 Ibid., p. 24.

45 JORF, DP, Chambre, annexe no 4879, séance du 13 juillet 1927 pour le budget 1928, p. 1649 et suivantes.

46 Trois textes explicitent et décident les mesures d’économie : le rapport au président de la République du 1er octobre 1926 sur la réorganisation des services du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, L’Enseignement public, t. 90, 1927, p. 81-96 ; le décret du même jour relatif aux professeurs d’école normale, L’Enseignement public, t. 90, 1927, p. 287 ; le décret du 15 octobre 1926 modifiant l’organisation des écoles normales primaires, BAMIP, no 2576, p. 122. Ces textes prévoient : suppression de postes ; regroupements d’écoles en écoles interdépartementales ; regroupements de promotions pour certains cours spéciaux ; regroupements des élèves maîtres et maîtresses, si possible ; intervention de professeurs extérieurs à l’établissement, quand leurs horaires ne sont pas complets.

47 JORF, DP, Chambre, annexe no 613, séance du 9 juillet 1928, pour le budget 1929, p. 1765.

48 Ibid.

49 Voir l’ouvrage d’Hippolyte Ducos, Pourquoi l’École unique, préface d’Édouard Herriot, Paris, Nathan, 1932. Ducos y affirme (p. 226-229) que les maîtres du primaire sont formés dans une « impasse », « en vase clos », que l’unité organique du recrutement des élèves demande l’unité intellectuelles des maîtres ; il dénonce violemment les « partisans des écoles normales primaires », et propose d’annexer les écoles normales primaires (« les séminaires laïques de Guizot ») aux lycées et collèges, ou de les maintenir comme écoles de pédagogie.

50 Proposition de loi tendant à la réorganisation de l’enseignement public et privé, 10 mars 1931, JORF, DP, Chambre, 1931, annexe no 4753, p. 538.

51 Ces sections existent depuis la circulaire du 4 août 1926 relative à la préparation du brevet supérieur dans les écoles primaires supérieures et les écoles normales, BAMIP, no 2573, p. 24.

52 René Simon, « Le brevet supérieur et les écoles primaires supérieures », L’Information universitaire, no 550, 20 mai 1933, p. 1.

53 René Simon, « Sachons préparer l’avenir », L’Information universitaire, no 544, 1er avril 1933, p. 1.

54 Dans la préface qu’il donne au livre d’Émile Bélime, L’heure de la France (réflexions sur la crise), Paris, Alcan, 1933, Anatole de Monzie se déclare encore favorable à la formation des élèves maîtres dans des sections normales de lycée.

55 Projet de loi sur l’instruction primaire, déposé le 14 janvier 1933, par M. Anatole de Monzie, ministre de l’Éducation nationale (revenu au ministère le 3 juin 1932), Manuel général de l’instruction primaire (désormais MGIP), no 20, 4 février 1933, partie générale, p. 78-79.

56 « Le congrès des instituteurs », L’Information universitaire, no 573, hors-série, septembre 1933, p. 8.

57 Proposition de loi ayant pour objet d’intégrer les écoles normales primaires d’instituteurs et d’institutrices dans « l’école unique », 11 janvier 1934, JORF, DP, Chambre, 1934, annexe no 2849, p. 18-19. Proposition présentée dans L’Information universitaire, no 601, 10 mars 1934, p. 3 (« Les EN dans l’école unique »), mais critiquée la semaine suivante par le chroniqueur du secondaire : selon ce dernier, le grec et le latin sont aussi républicains que l’atelier et les champs… Cf. E.A., « Sur un projet de loi », L’Information universitaire, no 602, 17 mars 1934, p. 1.

58 « Le maréchal Pétain réclame une éducation “nationale” », L’Information universitaire, no 652, 8 décembre 1934, p. 5.

59 Ibid.

60 Ibid.

61 Ibid.

62 Décret-loi du 30 octobre 1935 prévoyant l’organisation nouvelle des écoles normales primaires, Bulletin de l’instruction primaire de Maine-et-Loire, no 140, 1935, p. 126-127. Le mode opératoire nouveau est prévu ainsi par les services du ministère : quatre années d’études, deux à l’école primaire supérieure d’études générales, deux à l’école normale de formation surtout professionnelle ; les premiers reçus au brevet élémentaire obtiendront une bourse d’études complète pour préparer, à l’école primaire supérieure, le brevet supérieur et le concours d’entrée à l’école normale. Ainsi, les cours complémentaires continueront leur rôle dans le recrutement, les familles modestes ne seraient pas pénalisées, le recrutement populaire assuré. On ne semble pas penser au ministère que l’accès par la voie du baccalauréat apportera un grand nombre de candidats.

63 Discours de Mario Roustan du 17 novembre 1935, publié dans « Mario Roustan et la réforme des écoles normales », L’Information universitaire, no 711, 23 novembre 1935, p. 5.

64 Ibid.

65 Les élèves qui ont suivi des études spécialisées (commerce, agriculture, etc.) pourront accéder au brevet supérieur, diplôme équivalent au baccalauréat, par une préparation d’un an, en bénéficiant de dispenses d’épreuves.

66 Discours de Mario Roustan du 17 novembre 1935, op. cit.

67 Cité dans « Revue de presse », L’Information universitaire, no 712, 30 novembre 1935, p. 5.

68 Cité dans « Revue de presse », L’Information universitaire, no 710, 16 novembre 1935, p. 5.

69 Cité dans « Revue de presse », L’Information universitaire, no 712, 30 novembre 1935, p. 5. La circulaire du 25 septembre 1935 interdit journaux et revues dans les écoles normales.

70 « Discours de M. Roustan à la réunion des inspecteurs d’académie », L’Information universitaire, no 713, 7 décembre 1935, p. 5.

71 Son annulation est annoncée devant la Ligue de l’enseignement le 14 novembre 1935, Cf. « La Ligue de l’enseignement et la réforme des écoles normales », L’Information universitaire, no 713, 7 décembre 1935, p. 7.

72 Selon la réponse de Mario Roustan au Sénat, lors de la discussion – 26 décembre  1935 – de la loi de finances, à une question sur ce point du sénateur Pelletier : les « cours ne perdront rien à la réforme, mais en tireront de très sérieux avantages ». C’est immédiatement l’alarme dans le camp des écoles primaires supérieures. Cf. René Simon, « Primaire supérieur. Évitons la confusion », L’Information universitaire, no 717, 11 janvier 1936, p. 1.

73 « Syndicat des directeurs des écoles normales. Déclarations de M. Rosset », L’Information universitaire, no 717, 11 janvier 1936, p. 3.

74 G. Laurent, « Un peu de mesure », MGIP, no 17, 4 janvier 1936, partie générale, p. 312-313.

75 Ibid., p. 313.

76 « L’“aménagement” des décrets-lois », MGIP, no 27, 14 mars 1936, partie générale, p. 477.

77 L’Humanité du 18 juin, cité dans L’Information universitaire, no 742, 20 juin 1936, p. 5 : « Le ministre a annoncé le retrait du projet de mutilation des écoles normales de l’ordre du jour du Conseil supérieur ».

78 E.A., « Réprouvés », L’Information universitaire, no 749, 27 juin 1936, p. 1.

79 Exposé des motifs et projet de loi sur l’organisation des enseignements des premier et second degrés, reproduit dans Luc Decaunes, Marie-Louise Cavalier, Réformes et projets de réformes de l’enseignement français de la Révolution à nos jours (1789-1960). Étude historique, analytique et critique, Paris, IPN, 1962, p. 255-258.

80 Ibid., p. 255.

81 Ibid., p. 256.

82 L’Œuvre, 4 mars 1937, cité dans L’Information universitaire, no 784, 6 mars 1937, p. 6.

83 Le projet de loi de Jean Zay, dans son article 14, prévoit aussi un certificat d’aptitude pour les professeurs des enseignements généraux du second degré.

84 Il fait passer à 3 000 le recrutement d’élèves maîtres en 1936, contre 2 000 prévus ; ils seront en fait 3 337 recrutés (L’Information universitaire, no 775, 2 janvier 1937, p. 3). L’administration recrute beaucoup de maîtres dans le dernier trimestre de 1936 : 4 382 postes ont été créés du 31 octobre au 10 décembre, selon le ministre, pour alléger les classes surchargées et appliquer la loi de prolongation de scolarité (L’Information universitaire, no 776, 9 janvier 1937, p. 4).

85 La Réforme de l’enseignement. Conférence faite par M. Jean Zay ministre de l’Éducation nationale à l’Union rationaliste. Documentation rassemblée par Henri Belliot, Paris, Rieder, 1938, p. 23. La conférence est du 29 novembre 1937.

86 « L’intention du Ministre était d’abord d’amorcer la réforme par l’organisation généralisée de ces classes d’orientation ; il a dû renoncer à ce dessein, faute d’avoir pu réaliser sur ce point un accord avec les organisations de l’enseignement. Seules des expériences limitées seront tentées ». Cf. « La réforme de l’enseignement. Point de vue de la CGT », L’Information universitaire, no 792, 15 mai 1937, p. 3.

87 Jean Zay, Souvenirs et solitude, Paris, Belin, 2010, p. 107 (1ère éd. 1946).

88 A. Albert-Petit, « Nouvelles réformes dans l’enseignement », Journal des débats politiques et littéraires, 3 mars 1937, p. 1. L’auteur est circonspect : « Il est bon d’être prudent. […] Les précédentes [réformes] ont rarement donné ce qu’on en attendait, et ont souvent abouti à des désillusions ».

89 Ibid.

90 Le Matin, 3 mars 1937, p. 1. L’auteur ajoute : « Il était impossible d’organiser l’enseignement du second degré sans aborder la question de la formation des maîtres » (p. 2).

91 Le Temps, 4 mars 1937, p. 1.

92 L’Œuvre du 4 mars 1937, cité dans L’Information universitaire, 6 mars 1937, no 784, 6 mars 1937, p. 6.

93 Ibid.

94 L’Humanité, 3 mars 1937, p. 2.

95 La CGT pense que le projet gouvernemental cherche à « sauver à tout prix le prestige de la section classique en maintenant la sélection par le latin », s’inquiète « que ne soit menacé le caractère démocratique du recrutement » des maîtres du premier degré. Cf. Lucien Mérat, Ludovic Zoretti, « Le projet gouvernemental et les syndicats », Essais et combats, avril 1937, cité dans L’Information universitaire, no 792, 15 mai 1937, p. 3.

96 S. Paul, « Écoles normales. Obscurités », L’Information universitaire, no 796, 12 juin 1937, p. 1.

97 Lucien Mérat, Ludovic Zoretti, « Le projet gouvernemental et les syndicats », art. cit., cité dans L’Information universitaire, no 792, 15 mai 1937, p. 3.

98 Ibid.

99 Selon des extraits de discours de Lucien Lamoureux, ancien ministre, paru dans Le Temps du 9 septembre, et repris dans S. Paul, « Pour et contre les écoles normales », L’Information universitaire, no 827, 30 octobre 1937, p. 1.

100 Dans la séance du 16 février 1939 du conseil d’administration de la Fédération générale de l’enseignement (CGT), M. Delmas, déclare : « si le projet de loi ne doit pas être voté à brève échéance, mieux vaudrait revenir en arrière et faire disparaître toutes ses prétendues réformes réalisées par circulaires et arrêtés ; elles n’avaient de sens que dans un projet d’ensemble ; elles ont apporté le trouble et la désorganisation. L’ordre ancien était préférable ». Cf. « FGE », L’Information universitaire, no 909, 11 mars 1939, p. 3.

101 Alain Gérard, « La réforme par décret-loi ? », MGIP, no 31, 29 avril 1939, partie générale, p. 515.

102 Alain Gérard, « Controverse sur la réforme », MGIP, no 16, 14 janvier 1939, partie générale, p. 273.

103 L’Université nouvelle, no 51, juillet 1931, p. 25.

104 Article 4 de la loi du 18 septembre 1940 relative à la suppression des écoles normales et à la formation des instituteurs, Bulletin de l’instruction primaire de Maine-et-Loire, no 153, 1940,  p. 62-63.

105 Selon une enquête réalisée en 2009-2010 auprès des anciens élèves des écoles normales de l’actuelle académie de Nantes, enquête réalisée dans le cadre du Service d’histoire de l’éducation (INRP) dirigé par Pierre Caspard.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marcel Grandière, « Les élèves instituteurs et institutrices au lycée. Un projet de l’entre-deux-guerres »Histoire de l’éducation, 133 | 2012, 65-94.

Référence électronique

Marcel Grandière, « Les élèves instituteurs et institutrices au lycée. Un projet de l’entre-deux-guerres »Histoire de l’éducation [En ligne], 133 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 03 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2442 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2442

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Auteur

Marcel Grandière

Service d’histoire de l’éducation
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