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Les multiples facettes des cours de chimie en France au milieu du XVIIIe siècle

The multiple facets of chemistry lessons in mid 18th century France
Die vielfältigen Facetten des Chemieunterrichts in Frankreich um 1750
Las múltiples facetas de las clases de química en Francia a mediados del siglo XVIII
Christine Lehman
p. 31-56

Résumés

Au milieu du XVIIIe siècle en France, les cours publics et gratuits du Jardin des apothicaires et du Jardin du roi attirent un public nombreux, tout comme les cours particuliers payants donnés par les apothicaires dans leur laboratoire. Chaque cours de chimie a sa spécificité : selon le lieu, le professeur et le public, les expériences, l’ordre de présentation de la connaissance et le rôle des expériences diffèrent.

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Texte intégral

1Au milieu du XVIIIe siècle, la chimie fait l’objet d’un engouement particulier de la part du public. À Paris, les cours de chimie attirent plus de six cents auditeurs au Jardin du roi, plus de deux cents au Jardin des apothicaires, sans compter ceux des cours particuliers. Cependant, les démonstrations de chimie se distinguent nettement des autres démonstrations, de science d’optique ou d’électricité, par exemple. Quelle est leur spécificité ? Comment expliquer un tel succès ?

  • 1  Le manuscrit du cours de Rouelle de 1767 est mis en ligne sur le site du Service d’histoire de l’é (...)

2Nous tenterons de répondre à ces questions en décrivant dans un premier temps le cadre matériel, institutionnel et social des cours de chimie au milieu du XVIIIe siècle : le lieu des cours, le statut des maîtres et les attentes du public. L’examen des cahiers d’élèves de trois grands professeurs de chimie, Guillaume-François Rouelle (1703-1770), Pierre-Joseph Macquer (1718-1784) et Gabriel-François Venel (1723-1775)1, permettra ensuite de faire ressortir quelques particularités de chacun de ces cours mettant en lumière d’autres aspects du cadre de cet enseignement.

I – Entre philanthropie et commerce : les conditions d’enseignement de la chimie au XVIIIe siècle

  • 2  Gazette de médecine, 1761, p. 199-200.
  • 3  Pour comparaison, notons qu’un quotidien grand public comme, par exemple, les Annonces, affiches, (...)

3On peut répertorier un grand nombre de cours de chimie à Paris au milieu du XVIIIe siècle : la longue liste proposée par la Gazette de médecine pour la seule année 1761 (ill. 1) montre que le choix est grand2. Le titre du journal dans lequel paraît cette annonce cible déjà le public de ces cours : le corps médical3. La chimie se présente ainsi comme une science utile, auxiliaire de la médecine.

4Un examen plus approfondi de cette annonce permet aussi de localiser les lieux et les modes d’enseignement. On y relève, d’une part, les jardins, le Jardin des apothicaires et le Jardin du roi, où se donnent des cours de chimie publics et gratuits, ouverts à tous sans inscription préalable, et, d’autre part, les laboratoires des officines des apothicaires, espaces privés, dont les cours « particuliers », payants, nécessitent quelquefois une inscription préalable. Tout au long du siècle cohabitent ainsi des cours publics et privés. Ce sont les mêmes enseignants, toujours des apothicaires, que l’on retrouve dans les deux cas. Le nom de Rouelle apparaît à la fois au Jardin du roi et dans son cours particulier, celui de La Planche trois fois : aux écoles de médecine, au Jardin des apothicaires et chez lui, dans son laboratoire. Ils délivrent donc des cours particuliers en plus de leurs cours publics et gratuits. Cela suggère qu’il existe une demande suffisante et témoigne du succès de l’enseignement de la chimie au XVIIIe siècle.

Ill. 1 : annonce des cours de chimie, Gazette de Médecine, 1761 (Bibliothèque interuniversitaire de médecine, Paris).

Ill. 1 : annonce des cours de chimie, Gazette de Médecine, 1761 (Bibliothèque interuniversitaire de médecine, Paris).

1 – Des cours publics pour des audiences variées

5Dans la tradition des cours du XVIIe siècle, la chimie bénéficie au siècle suivant de plusieurs lieux officiels d’enseignement.

Un lieu de formation professionnelle : le Jardin des apothicaires

  • 4  « Tous les ans, il sera fait publiquement et gratis un cours de chimie par un des apothicaires de (...)

6Au Jardin des apothicaires, un enseignement de chimie est mis en place dès 1700, pour la formation des futurs apothicaires, par la compagnie des Marchands apothicaires-épiciers4. Ces cours rappellent l’alliance durable de la chimie et de la pharmacie, doublement scellée autour de la préparation des médicaments et des produits de laboratoire. Ce jardin, créé au milieu du XVIe siècle par Nicolas Houël, est une entreprise exclusivement philanthropique, qui vise à instruire des enfants orphelins « à piété, servir et honorer Dieu, aux bonnes Lettres ; & par après en l’Art d’apothicairerie ». Sa vocation est d’enseigner, et cet enseignement est entièrement pris en charge, dans son fonctionnement et son financement, par la corporation des apothicaires. Les cours de chimie, annoncés par voie d’affiches (entre 500 et 1 000 d’entre elles sont placardées dans Paris), ont lieu régulièrement de 1702 à 1723. Interrompus à cette date, ils reprennent en 1753 pour être supprimés en 1768 par ordre de la faculté de médecine, jalouse de voir des apothicaires s’ériger en professeurs.

7L’annonce de la Gazette fait apparaître le nom de neuf démonstrateurs chargés en alternance du « cours d’expériences chimiques ». Les expériences et le contenu des cours sont décidés en commun et nul ne peut s’en prévaloir à titre individuel. Il n’y a donc pas de titulaire de cet enseignement.

8Les cours ont lieu dans le laboratoire même, construit en 1700. Un « État de la Maison et Jardin appelé Collège de Pharmacie » réalisé en 1788 donne une description très détaillée des lieux, dont on trouvera ci-dessous les points essentiels :

« À gauche nous avons trouvé un laboratoire dans lequel on a construit un grand gradin en menuiserie de bois de chêne, composé de neuf degrés et de deux bancs posant sur le carreau. Le dit gradin est entouré d’une barrière […].

  • 5  Pierre de liair ou pierre de liais : pierre calcaire dure d’un grain très fin.
  • 6  Archives de la faculté de pharmacie de Paris, reg. 43, fol. 19-20, « État de la Maison et Jardin a (...)

Au droit de la cheminée un comptoir servant à poser les objets de démonstrations, et des fourneaux et ustensiles pour le même effet […]. Au fond du laboratoire, le manteau de la cheminée construite dans toute sa longueur […]. Sous la dite cheminée sont construites en pierre de liair5 des paillasses […] servant à porter les fourneaux […]. Deux tables de caractères chimiques et rapport […]. Le laboratoire et dessous d’amphithéâtre carrelés en petits carreaux de terre cuite. Dans le dit laboratoire, il y a cinquante chaises des plus communes »6.

Ill. 2 : Le Jardin des apothicaires. Plan Louis Bretez dit plan Turgot, 1739.

Ill. 2 : Le Jardin des apothicaires. Plan Louis Bretez dit plan Turgot, 1739.
  • 7  Dans cette table des affinités, ou de rapports, les composés chimiques sont disposés en colonne su (...)

9Ainsi le laboratoire et l’amphithéâtre, carrelés avec les mêmes petits carreaux, ne font qu’un : il n’y a qu’un seul lieu d’enseignement. Dans cette description, dont nous n’avons cité qu’une partie, le nombre de fenêtres et la hauteur des gradins laissent penser que l’ensemble occupait la moitié de la maison (ill. 2) et pouvait accueillir 228étudiants, comme ce sera le cas en 1787. Il faut noter la présence de tables de caractères chimiques et de rapports, qui montre la pratique courante d’outils didactiques dans les cours de chimie7 (ill. 3).

Ill. 3 : table des rapports recopiée par l’élève Balme. « Cours de Chymie fait chez monsieur Montet apothicaire par monsieur Venel Docteur et professeur en l’université de médecine à Montpellier 1761 », (bibliothèque du Wellcome Institute, Londres, Ms 4914)

Ill. 3 : table des rapports recopiée par l’élève Balme. « Cours de Chymie fait chez monsieur Montet apothicaire par monsieur Venel Docteur et professeur en l’université de médecine à Montpellier 1761 », (bibliothèque du Wellcome Institute, Londres, Ms 4914)

10Le domaine du démonstrateur, situé entre la cheminée et la table de démonstrations, est distinct de celui du public, séparé et protégé par une barrière. Les gradins permettent à tous de suivre le cours des démonstrations. Plus surprenante est la présence des « cinquante chaises des plus communes », qui font partie de l’équipement du laboratoire au même titre que la cheminée, les fourneaux, vaisseaux de verre et faïences diverses, etc. Le laboratoire est donc pensé comme un lieu de rencontre pour un groupe limité de spectateurs assis, qui peuvent être soit les maîtres, soit les élèves. En dehors des cours officiels, les auditeurs sont libres de venir assister aux préparations pharmaceutiques qui s’y déroulent. Une délibération de la communauté rappelle d’ailleurs, en 1763, la possibilité d’utiliser le laboratoire « pour y travailler à toutes sortes de préparations tant chimiques que galéniques qui y seront faites avec tout le soin et l’exactitude possible sous les yeux et par les mains des Maîtres ». On voit donc qu’au Jardin des apothicaires tout est organisé pour que les expériences soient effectuées sous le regard de spectateurs dans un but de transmission d’un art, d’apprentissage de gestes et de tours de mains.

11Il s’agit avant tout d’une formation professionnelle. Le public de ces cours est donc surtout composé d’apprentis apothicaires, et aussi de médecins, car la faculté de médecine ne propose pas de cours de chimie. Les archives de la faculté de pharmacie mentionnent cependant que

  • 8  Archives de la faculté de pharmacie de Paris, reg. 38, fol. 26, délibération du 23 août 1761.

« le cours de chimie que la Compagnie fait faire chaque année était de plus en plus suivi et applaudi, que le nombre des maîtres qu’elle a choisi pour faire ce cours redoublaient leurs efforts pour répondre à l’empressement que marquait une multitude d’amateurs et d’élèves de tous états tant nationaux qu’étrangers qui vient s’y instruire et qu’ils ne négligent rien »8.

12Ce succès explique sans doute qu’en 1760 il ait fallu agrandir le laboratoire. Ainsi l’hétérogénéité des publics qui caractérise tous les cours de chimie vers le milieu du XVIIIe siècle ne se dément pas aux cours du Jardin des apothicaires, même si ces derniers ne relèvent pas d’une culture des curiosités mais plutôt d’un apprentissage pour l’entrée dans une corporation.

Un public hétérogène au Jardin du roi

  • 9  Jean-Paul Contant, L’enseignement de la chimie au Jardin royal des plantes de Paris, Cahors, Coues (...)

13Contrairement aux cours du Jardin des apothicaires, les cours du Jardin du roi sont une institution monarchique : les professeurs et les démonstrateurs sont nommés par le roi. Essentiellement consacré aux plantes médicinales, le Jardin du roi, créé en 1635, n’enseignait au départ que la botanique. Deux postes de professeur et de démonstrateur de chimie sont créés dès le XVIIe siècle afin d’enseigner la composition des plantes médicinales9. Comme le montre le tableau 1, la chimie vient progressivement se greffer sur cet enseignement et va occuper une place de plus en plus importante.

Tableau 1 : Les chaires de professeur et de démonstrateur au Jardin du roi

Tableau 1 : Les chaires de professeur et de démonstrateur au Jardin du roi
  • 10  Archives du Muséum d’histoire naturelle, Ms 1934 : « Notes pour servir à l’histoire du Jardin du R (...)

14Jusqu’à la rénovation entreprise par Buffon en 1787, les cours de chimie au Jardin du roi ont lieu dans un amphithéâtre que Jussieu décrit ainsi : « Cet amphithéâtre qui pouvait contenir 600 élèves était placé dans le bâtiment situé entre la grande porte d’entrée du Jardin et la terrasse de la grande butte ». André Thoin précise en outre qu’« il était trop petit de moitié pour contenir les auditeurs »10. Voilà un amphithéâtre de six cents places trop petit de moitié : il y aurait donc plus de mille auditeurs à ces cours du Jardin du roi au milieu du XVIIIe siècle.

  • 11  Bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle, Plan Verniquet, 1783, p. 1 112.
  • 12  « Cours de Chymie au Jardin du Roy », Gazette de médecine, 1761, t. 1, p. 352. Les cours sont anno (...)

15Le plan du Jardin établi en 1783 par Edme Verniquet11, architecte de Buffon, avant les agrandissements et la construction du nouvel amphithéâtre, permet de voir que l’amphithéâtre et le laboratoire de chimie se trouvent en deux endroits différents du Jardin. Il y a donc séparation des deux lieux d’enseignement, théorique et pratique. L’amphithéâtre est polyvalent : l’hiver, il sert aux cours d’anatomie, mais au printemps et l’été, quand la température ne permet plus la conservation des cadavres, on y donne les cours de botanique et de chimie, comme l’annonce la Gazette de médecine en 176112. Les démonstrations de chimie, plus longues, sont réalisées dans le laboratoire. Il faut noter que le cas de Guillaume-François Rouelle est tout à fait unique au Jardin du roi car il porte le titre de « Démonstrateur de chimie au Jardin des plantes sous le titre de professeur de chimie ». Il est donc à la fois démonstrateur du professeur Louis-Claude Bourdelin dans l’amphithéâtre et professeur dans le laboratoire du Jardin, où il doit mener de front l’exposition théorique et les opérations chimiques.

  • 13  Une vue d’ensemble des cahiers des élèves de Rouelle, conservés dans quelques bibliothèques, est d (...)

16Il faut relever le succès de ce cours de chimie et l’hétérogénéité de son public, chimistes, philosophes, bourgeois, gens du monde y compris des femmes, des badauds. Parmi ses élèves les plus célèbres citons des philosophes comme Diderot, d’Alembert, Rousseau ; des médecins comme de Bordeu (pris comme exemple par Diderot dans le Rêve de d’Alembert), des botanistes comme Antoine-Laurent de Jussieu et de futurs grands chimistes comme Lavoisier13. Au-delà de la personnalité pittoresque de Rouelle, la raison de ce succès réside dans le fait que ce cours, répondant simultanément à une demande de formation et à une demande de culture, contribue à faire de la chimie une science à la fois à la mode et cultivée par les philosophes.

Un public d’étudiants : la faculté de médecine de Montpellier

17À l’inverse de Paris, à Montpellier les cours publics de chimie font partie du cursus universitaire des étudiants en médecine depuis 1675. On y retrouve la séparation des deux lieux d’enseignement de la chimie, théorique et pratique. Dans l’amphithéâtre, le professeur en robe parlait du haut de sa chaire devant une rangée de bancs pouvant asseoir trois à quatre cents auditeurs. Alexandre Germain, chroniqueur de la faculté de médecine de Montpellier, décrit une leçon pratique de chimie en 1749 :

  • 14  Alexandre Germain, L’école de médecine de Montpellier, Montpellier, Martel, 1880, p. 62. Il s’agit (...)

« Le même amphithéâtre où se font en hiver les cours d’anatomie et d’opérations chirurgicales sert, au printemps, au cours de chimie, dans lequel la leçon du professeur et l’explication du démonstrateur ou distillateur royal concourent à instruire les étudiants en médecine et les étudiants en pharmacie. Les uns et les autres sont ensuite les témoins oculaires des opérations ou procédés chimiques dans le laboratoire, situé à côté de l’amphithéâtre »14.

18Ce fonctionnement est vivement contesté mais il perdure au temps de l’enseignement de Gabriel-François Venel, pendant les cours de chimie qu’il donne en 1764, pendant la maladie du professeur en titre Antoine Fizes, et en 1765-1766, en attendant la nomination du nouveau titulaire. Ce cours est principalement suivi par les étudiants en médecine et en pharmacie, ainsi que par quelques étrangers.

2 – L’association entre médecins et apothicaires : les cours privés et payants

19À côté de ces cours publics et gratuits, il existe une longue tradition des cours de chimie particuliers et payants, qui se maintient tout au long du siècle. Parmi les plus célèbres, citons ceux des deux frères Geoffroy – Étienne-François, le frère aîné, célèbre pour sa table des affinités, et Claude-Joseph, le cadet – qui donnent des cours dans leur officine de la rue Bourtibourg. Rouelle enseigne rue Jacob à partir de 1746, Pierre-Joseph Macquer et Antoine Baumé rue Saint-Denis à partir de 1757, et La Planche rue de la Monnaie.

20Le cours se déroule sur le territoire de l’apothicaire – dans le laboratoire de préparation attenant à son officine –, l’enseignant est quelquefois un apothicaire seul mais, au XVIIIe siècle, celui-ci est souvent associé avec un médecin. On a ainsi, à Paris, le duo formé du médecin Macquer et de l’apothicaire Baumé. À Montpellier Gabriel-François Venel, médecin, donne ses cours particuliers dans le laboratoire de son ami apothicaire Jacques Montet. Quelle est la raison d’être de ces associations ? Il semble que l’initiative vienne de médecins, membres d’une académie des sciences. Mais ils ont besoin d’un apothicaire en vertu des statuts propre à leur corporation. En effet, les médecins doivent enseigner en robe et leurs leçons ne peuvent être que scriptis et auribus, écrites ou orales. Ils se sont expressément interdit toute opération manuelle, comme le souligne Vicq d’Azyr :

  • 15  Félix Vicq d’Azyr, éloge de Macquer lu à la séance publique de la Société royale de médecine le 15 (...)

« La physique n’a été pendant plusieurs siècles, qu’un tissu de systèmes, qu’un assemblage d’autorités extraites des anciens, & que des docteurs environnés de toute la pompe magistrale, enseignaient à leurs disciples. Lorsque les progrès des connaissances les ont forcés à sortir des écoles pour interroger la nature dans les laboratoires, ils ont cru qu’il était de leur dignité d’y paraître encore avec leurs robes : ils se sont réduits, par cet appareil, à l’impossibilité d’y faire autre chose que de discourir »15.

  • 16  Archives de la faculté de pharmacie de Paris, reg. 16, pièce 45. « Manuel » s’entend ici comme le (...)

21Du côté des apothicaires, les statuts de la corporation interdisent à toute personne qui n’a pas acquis une charge d’apothicaire de faire une démonstration. Cette prohibition s’applique notamment aux médecins. D’où les relations complexes entre médecins et apothicaires, qui oscillent entre complémentarité et concurrence. Placés sous les ordres des médecins, qui contrôlent la réalisation des drogues et visitent les apothicaireries, les apothicaires ont un statut en général subalterne. Mais les médecins, empêchés de « mettre la main à la pâte » pour réaliser des expériences publiques, dépendent d’eux. L’ambivalence se répercute sur les rapports entre théorie et expérience, qui s’expriment par deux voies différentes en deux lieux différents, comme on l’a déjà montré avec la description des lieux d’enseignement. Elle est confirmée par un mémoire des apothicaires revendiquant leur savoir-faire exclusif du « manuel » de la médecine16. On retrouve cette dualité dans les notes de l’académicien Claude Melchior Cornette, qui a suivi le cours de Macquer chez Baumé :

  • 17  Feuille volante trouvée dans des extraits d’un cours de chimie de Cornette, archives départemental (...)

« Le professeur fait la théorie et parle sur la vertu et les qualités de l’opération. Le démonstrateur reprend le même sujet, fait le détail de l’opération, enseigne la manière d’opérer et les risques que l’on court en opérant »17.

  • 18  Bibliothèque nationale de France [désormais BNF], Ms Fr 9134, fol. 82-84. Ce contrat daté du 16 ju (...)

22Cette distribution des tâches et des attributions de chacun est perceptible jusque dans le contrat régissant l’association de Macquer et Baumé pour les cours de chimie18, dans lequel on note que les charges matérielles – location du local, recouvrement des honoraires et réalisation des expériences – sont assurées par l’apothicaire Baumé. La théorie est sous la responsabilité exclusive du médecin Macquer, c’est aussi lui qui choisit le plan du cours, donc probablement les expériences à réaliser.

  • 19  Notices et rapports de notes de P.-J. Macquer, BNF, Ms Fr 9134, fol. 131.
  • 20  John Perkins, « Creating Chemistry in Provincial France before the Revolution: The Examples of Nan (...)

23Les auditeurs qui suivent ces cours particuliers de chimie sont nombreux. En 1764, Venel dit en avoir quarante-deux, Macquer et Baumé plus de cinquante19. Et pourtant, ces cours semblent fort chers. Il en coûte 96 livres pour suivre ceux de Macquer et Baumé, avec une réduction de moitié, cependant, si on a déjà suivi un cours particulier de chimie. Il est vrai qu’en province, à Montpellier, le cours de Venel et Montet revient à 48 livres, ce qui est aussi le prix du cours de Jean-Baptiste Thyrion à Metz entre 1765 et 1769. Cette somme est importante mais c’est le prix à payer pour qui veut acquérir une formation en chimie20.

  • 21  C’est ce public que vise l’annonce du cours particulier de Rouelle rue Jacob. Le programme de ce « (...)

24Qui sont ces auditeurs ? Le public de ces cours est principalement composé d’étudiants en médecine et pharmacie. Cependant, comme le montre l’examen des nombreux cahiers d’élèves qui nous sont parvenus, ces cours, largement ouverts aux applications pratiques « des Arts et de la vie ordinaire », attirent, à l’instar de Turgot, bon nombre d’amateurs aisés et curieux21. En quête de formation, ces derniers se tournent vers les cours particuliers donnés chez les apothicaires.

II – Une chimie à plusieurs facettes

  • 22  Un exemplaire du cours de Macquer est conservé dans le fonds Malesherbes, Archives nationales, 399 (...)

25Donnés dans des cadres institutionnels différents, les cours de chimie du milieu du XVIIIe siècle se différencient aussi par leur contenu et leur objectif pédagogique. Il est en effet difficile d’assimiler sous une même dénomination le cours de Rouelle au Jardin du roi, devant ses six cents auditeurs, à celui du même Rouelle dans son laboratoire, ou même le cours de ce dernier à celui de Venel à Montpellier dans le laboratoire de Montet. Chaque cours a sa singularité, comme on peut le voir à partir de leurs annonces, lorsqu’elles ont été conservées, ou dans le discours préliminaire du professeur, dans lequel il indique son but et sa méthode de travail. Les cours diffèrent, par exemple, par le nombre et la durée des leçons. Alors que le cours de Rouelle au Jardin du roi comporte une moyenne annuelle d’une soixantaine de leçons et se déroule sur un cycle de trois ans, le cours particulier de Venel à Montpellier s’étend sur 64 leçons, celui de Macquer comporte entre 80 et  eçons annuelles d’environ deux heures chacune22. Les expériences ne sont pas les mêmes, l’ordre d’exposition des connaissances et la place de l’expérience par rapport à la théorie semblent, par ailleurs, liées au professeur et au public.

1 – Entre l’utile et le spectaculaire : des expériences adaptées au contexte d’enseignement

  • 23  Lissa Roberts, « Chemistry on stage: G.F. Rouelle and the theatricality of Eighteenth-Century Chem (...)
  • 24  Cours de Rouelle, bibliothèque de la faculté de médecine de Paris, Ms 5021, p. 1-9.
  • 25  Gallica, NUMM 61856.
  • 26  Pour définir un « essai » en docimasie, Rouelle prend l’exemple de la quantité de soufre que l’on (...)

26Ce n’est pas dans la présentation qu’il en fait que se décèlent les différences entre le cours que Rouelle donne au Jardin du roi et celui qu’il fait dans son laboratoire. Pour répondre aux attentes de son vaste auditoire du Jardin du roi, parisien et hétérogène, il privilégie le côté spectaculaire de la chimie23, et aussi ses applications : celle-ci apprendra aux médecins la composition du sang ; elle leur expliquera « l’épaississement des liqueurs, la putréfaction, la gangrène, la carie des os, etc » ; elle permettra aux artisans peintres d’obtenir des couleurs durables et chatoyantes ; elle enseignera aux teinturiers l’art de traiter la laine et la soie ; elle enseignera également l’art du vernis, de la verrerie, l’imitation des pierres précieuses, la métallurgie, la cuisine, avec la conservation et la préparation des aliments, sans oublier la préparation des vins et des liqueurs24. De même, pour attirer le public dans son laboratoire, Rouelle met en avant le côté spectaculaire des expériences : « des changements de couleur, des détonations, et la production de flamme »25. Mais il n’oublie pas les recettes utiles comme, par exemple, celle qui permet de déterminer promptement quel est le métal contenu dans une mine, d’en faire l’essai, c’est-à-dire d’en déterminer la proportion, avec exactitude26, de séparer les métaux les uns des autres, d’utiliser les sels métalliques pour fabriquer des verres colorés. Il promet donc, comme au Jardin du roi, à la fois du spectaculaire et de l’utile. Cependant, dans son laboratoire, il n’intitule pas son cours « Cours de chimie » mais cours d’« Expériences chymiques ». Ce changement de dénomination signifie-t-il un enseignement différent ?

  • 27  Procédés chimiques du cours de Mr Rouelle année 1752, bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle (...)
  • 28  Cours de chymie pratique de M. Rouelle. Rédigé par Mr Turgot, Bibliothèque de l’Institut catholiqu (...)
  • 29  Celle de Turgot est cependant plus détaillée que celle de l’étudiant anonyme, qui n’en donne que l (...)
  • 30  Turgot laisse quelques points de suspension entre crochets, ce qui constitue un argument supplémen (...)
  • 31  Les notes de Turgot prennent fin au procédé 116 tandis que le cours sur le règne minéral en compor (...)

27Les notes manuscrites prises par deux élèves qui ont suivi ce cours témoignent de sa structure originale, annoncée par son titre : « Procédés chimiques du cours de Mr Rouelle » pour l’un des cahiers, conservé au Muséum27 ; « Cours de chimie pratique de M. Rouelle » pour l’autre, écrit par Anne-Robert Turgot (1727-1781)28. Les deux cahiers concernent des rapports d’expériences (ill. 4 et 5). Leurs pages sont divisées en trois colonnes : celle de droite concerne la mise en œuvre de l’opération (pour laquelle les deux manuscrits rapportent les mêmes détails)29, celle du milieu contient les observations de l’expérience (ici encore, le nombre de procédés et les commentaires qui les accompagnent sont les mêmes dans les deux manuscrits). La similitude de ces deux colonnes suggère qu’elles sont dictées par Rouelle30. Par contraste, la colonne de gauche révèle la personnalité de l’auteur. Le manuscrit conservé au Muséum contient des schémas représentant le matériel de distillation utilisé pour l’étude du règne végétal, comme par exemple celui des analyses des huiles essentielles, des acides et des alcalis extraits au moyen de ces distillations. Ces schémas décrivent aussi le matériel plus complexe utilisé pour l’étude des règnes animal et minéral. Il est tout à fait exceptionnel de trouver des schémas dans les cahiers d’élèves de cette époque. En reproduisant avec soin le dispositif expérimental, l’étudiant, probablement un apothicaire, voulait sans doute être capable de reproduire personnellement l’expérience. Turgot, en revanche, a remplacé les schémas par des commentaires personnels concernant la sécurité de la manipulation, des notes de botanique, des applications médicales ou des explications complémentaires faisant appel aux affinités. Ces notes méticuleuses, d’une écriture soignée et serrée, semblent se rapprocher du discours de Rouelle31.

Ill. 4 : cahier d’élèves du cours particulier de Rouelle : Procédés chimiques du cours de M. Ruelle année 1752. (bibliothèque de l’Institut catholique de Paris, Ms français 212)

Ill. 4 : cahier d’élèves du cours particulier de Rouelle : Procédés chimiques du cours de M. Ruelle année 1752. (bibliothèque de l’Institut catholique de Paris, Ms français 212)

Ill. 5 : cahier d’élèves du cours particulier de Rouelle : Cours de chymie pratique de M. Rouelle rédigé par M. Turgot (bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Ms 2017)

Ill. 5 : cahier d’élèves du cours particulier de Rouelle : Cours de chymie pratique de M. Rouelle rédigé par M. Turgot (bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Ms 2017)

28Alors que les notes du cours de Rouelle au Jardin du roi s’organisent en procédés décrits précisément par un long discours, chacun d’entre eux faisant l’objet de remarques et de commentaires de la part du professeur, le découpage en trois colonnes est tout à fait spécifique à ce cours particulier de Rouelle. Il est donc clair que Rouelle n’y utilise pas les mêmes méthodes pédagogiques qu’au Jardin du roi. Le cours donné dans son laboratoire est exclusivement pratique et a pour but d’enseigner le savoir-faire des opérations sur les trois règnes de la nature. La finalité de ces cours particuliers est ainsi d’initier les élèves à la technique de laboratoire.

  • 32  Lettres de Gabriel-François Venel (1760-1775) et de son frère André-Joseph Venel, médecin de Pézen (...)

29De son côté, dans l’espace restreint du laboratoire de l’apothicaire Montet, Venel dispense son cours de chimie devant un petit comité d’élèves. Ce sont, par ailleurs, les mêmes élèves qui suivent ses cours de médecine, d’hygiène ou de pharmacie à la faculté de médecine. Venel les connaît bien et, comme en témoigne la correspondance qu’il établit avec son ami lyonnais Jean-Baptiste Rast de Maupas32, il gardera longtemps des contacts avec ses anciens élèves. Les relations sont personnelles, voire amicales. Lors de son discours préliminaire, Venel ne donne pas de définition de la chimie. Il préfère esquisser le profil du chimiste véritable que ses élèves doivent devenir. Qu’est-ce qu’un « vrai chimiste » ? Il doit posséder à la fois la connaissance des corps naturels et les talents d’un artiste, ce qui n’implique pas nécessairement d’être un manipulateur agile mais de posséder le savoir-faire, d’avoir l’œil exercé, « qui sait voir autour de soi », et l’initiative qui permet d’oser « de nouveaux emplois des moyens connus ». Venel sait qu’il s’adresse à des médecins, il signale souvent les applications thérapeutiques des substances étudiées et donne quelquefois les posologies. Son enseignement est pratique et théorique plus que spectaculaire.

30À côté du spectacle des cours « grand public » du Jardin du roi, les cours particuliers dans le laboratoire de l’apothicaire ont donc un double but : enseigner à la fois comment « être un artiste » et comment « posséder la connaissance », c’est-à-dire non seulement apprendre le savoir-faire et les tours de main spécifiques des manipulations de chimie, mais aussi approfondir la connaissance des corps de la nature par des expériences conjointes d’analyse et de recomposition des substances étudiées.

2 – Des méthodes d’enseignement diversifiées

31L’importance relative donnée à chaque catégorie de substances étudiées, l’ordre d’introduction des connaissances et la méthode d’enseignement font apparaître d’autres facteurs de diversité entre les différents cours de chimie. On constate, par exemple, que, si la part du cours réservée à l’étude des sels, ou halotechnie, reste approximativement la même pour les trois professeurs, Venel consacre plus du tiers de son cours aux végétaux, alors que Rouelle et Macquer attachent plus d’importance à l’analyse du règne minéral. Chaque professeur donne ainsi la préférence au domaine qu’il connaît le mieux, soit parce qu’il l’a travaillé, soit parce qu’il s’y intéresse davantage.

Des centres d’intérêt différents

  • 33  J. G. Wallerius, Minéralogie ou description générale des substances du règne minéral, [traduction (...)
  • 34  Docimasie : étude des minerais, qui consiste à déterminer la qualité et la quantité de métaux util (...)
  • 35  Les premiers travaux de Lavoisier ont porté sur la minéralogie. Il participera activement à la pub (...)

32L’exploitation des mines, domaine en pleine expansion, s’accompagne de progrès techniques dans l’analyse des minéraux. Rouelle est un spécialiste de cette question. Il s’est intéressé très tôt à la minéralogie en s’associant dès 1753 à d’Holbach pour la traduction du traité de Wallerius33. Quand il introduit la partie de son cours portant sur le règne minéral, il expose une théorie générale des stratifications géologiques. Il y discute aussi de la localisation des mines, de la purification des minerais et de docimasie34. Sa réputation de minéralogiste attire des élèves aussi brillants qu’Antoine-Laurent de Lavoisier35. L’attente de son auditoire l’emporte sur la formation initiale d’apothicaire et peut expliquer la prédominance de l’étude du règne minéral sur le végétal.

33C’est aussi par intérêt que Macquer s’attache à l’étude des minéraux. Ses fonctions officielles à la Manufacture des Gobelins et à la Manufacture royale de Sèvres orientent ses recherches vers les applications de la chimie industrielle, plus particulièrement la teinture et la fabrication de la porcelaine. La recherche de kaolin, base nécessaire à la fabrication d’une porcelaine qui imitera le mieux la porcelaine de Chine, est l’une de ses préoccupations. L’analyse des terres et l’examen du sous-sol font donc partie de ses compétences.

  • 36  « Je penserai tres volontiers dans l’occasion a vous procurer des echantillons pour completter vot (...)

34Venel, comme il l’écrit à son ami Rast de Maupas, avoue son ignorance en minéralogie et le peu d’intérêt qu’il porte aux collections de pierres36. Il préfère de beaucoup les drogues et la chimie végétale. Cette vocation est précoce et, quand il dirige le laboratoire du duc d’Orléans entre 1751 et 1752, ses recherches personnelles sont déjà centrées sur l’analyse végétale. Ce travail s’est traduit par la lecture à l’Académie des sciences, en 1752, d’un mémoire sur ce sujet. En 1753, Venel dépose à l’Académie plusieurs plis cachetés, l’un sur l’extrait des végétaux, l’autre sur le « Moyen de faire végéter les plantes dans un air purgé de tout acide ». À Montpellier, ses centres d’intérêt restent les mêmes, puisqu’il lit à la Société royale des sciences de Montpellier un mémoire concernant la couleur verte des plantes. Comme le confirment les notes prises par ses élèves, ces derniers ont d’ailleurs la primeur de ces découvertes, car les plis cachetés ne seront ouverts qu’après le décès de Venel. On peut supposer que cette orientation vers l’analyse des végétaux est aussi favorisée par son public, composé essentiellement de médecins et de pharmaciens.

35Le choix des sujets et des expériences dépend donc des goûts, des sujets de recherche et de l’auditoire de chaque professeur.

Des choix didactiques variés

36Indépendamment de la fonction de l’expérience, la place de la théorie par rapport à l’expérience appartient au choix didactique propre à chaque professeur. L’expérience doit-elle venir après la théorie pour l’asseoir, comme dans les cours de Rouelle et Macquer ? Ou la théorie doit-elle, au contraire, coordonner et unifier les résultats expérimentaux, comme chez Venel ? Le choix didactique de la méthode déductive ou inductive – pour utiliser un langage moderne – que se posent encore actuellement les professeurs de sciences expérimentales n’est donc pas une question nouvelle. C’est une question sur laquelle se sont interrogés les professeurs de chimie dès qu’il a été question d’enseigner leur discipline.

  • 37  Pierre-Joseph Macquer, Antoine Baumé, Plan d’un cours de chymie expérimentale et raisonnée avec un (...)

37La grande difficulté qui se présente ici, c’est de savoir s’il est plus avantageux de commencer par les détails et de remonter de là jusqu’aux généralités, ou s’il faut établir d’abord les principes généraux et les suivre de conséquence en conséquence, jusque dans les détails dont ils forment la liaison. Chacune de ces méthodes, dont toutes les sciences sont susceptibles, a des avantages comme des inconvénients, et par conséquent des adversaires et des partisans37.

38Macquer opte pour la méthode allant du général au particulier. Le premier chapitre de son cours s’intitule « Définition de la chimie, principes généraux sur la composition et décomposition des corps ». Il y définit les affinités et les rapports chimiques, qu’il considère comme les fondements sur lesquels il construit toute la suite de son cours. La chimie se présente ainsi comme une science déductive dont les phénomènes obéissent à des lois générales. L’étude des métaux avant celle des « demi-métaux », celle de l’or avant celle du mercure, permet à Macquer d’introduire au fur et à mesure de nouveaux corps qui permettent de vérifier les lois d’affinité. On peut remarquer que, pour lui, la science chimique ne consiste pas dans la collecte ou l’établissement des faits mais dans leur liaison : « Si la chimie n’était qu’un ensemble de faits sans aucune liaison, elle ne serait point une science ».

39Bien que Rouelle adopte un ordre inverse d’introduction des substances chimiques, puisqu’il commence par étudier le règne végétal au lieu du règne minéral, les notes manuscrites de ses élèves qui ont été conservées révèlent la même méthode pédagogique que celle de Macquer. Il débute son cours par les généralités et les définitions des outils de la chimie, principes et instruments, puis il analyse séparément chacun des trois règnes. Rouelle présente cependant les faits expérimentaux, qu’il nomme « procédés », avant de les associer sous forme de remarques, ce qui tend à montrer que, pédagogiquement, il préfère la méthode inductive. En fait, il est contraint de suivre un programme imposé par le gouvernement royal. Le règlement de 1731 donne, en effet, des directives précises sur le déroulement des cours de chimie au Jardin du roi :

  • 38  Cité par René Sordes, Histoire de l’enseignement de la chimie en France, Paris, Chimie et industri (...)

« Le professeur de chimie commencera ses cours en même temps que celui de botanique.
Il expliquera les cinq ou six premiers jours l’usage des différents vaisseaux ou fourneaux et des degrés du feu qu’on emploie dans les opérations de chimie.
Il expliquera la manière de faire les opérations et leur usage pendant trente jours.
Les trente autres leçons se feront au mois de novembre et seront consacrées à la démonstration et vertus des drogues »38.

40On comprend ainsi pourquoi le cours de Rouelle au Jardin du roi commençait par une description des principes et des instruments (les quatre éléments, les « menstrues » ou solvants et les « vaisseaux »).

41À l’inverse, pour Venel, la spécificité de la chimie est d’être une science expérimentale portant sur des objets matériels. Il faut donc choisir la méthode « analytique », c’est-à-dire inductive en langage moderne. Il y a ainsi opposition complète de choix didactique entre les deux anciens condisciples Venel et Macquer. Venel, qui n’est soumis à aucune contrainte administrative, ne débute pas par les généralités de la chimie : celles-ci ne viennent qu’en conclusion à la fin de son cours. Il ajoute enfin, et il est le seul des trois professeurs à le faire, un tableau récapitulatif des opérations chimiques, afin de faire une synthèse de tous les types d’opérations rencontrées au fil des leçons.

La parole du professeur et la prise de notes par les élèves

  • 39  La délibération du 8 septembre 1732 est intégralement transcrite par Alexandre Germain, op. cit., (...)
  • 40  Cette uniformité du discours préliminaire me permet de certifier que le manuscrit Ms 337 de la bib (...)
  • 41  Bibliothèque municipale de Carpentras, Ms 1131.

42L’usage dans les écoles de médecine et à l’université est de lire en public des cahiers rédigés avec soin. Le règlement de 1732 de la faculté de médecine de Montpellier stipule : « Chaque leçon durera pour le moins une heure ; et le professeur dictera demi-heure, et expliquera de l’autre demi-heure »39. Il s’agit de règlements concernant les cours publics officiels. Mais même dans le cas de cours privés, l’organisation et le soin des manuscrits consultés laissent penser qu’un grand nombre des cours étaient dictés. Cependant, le cours particulier de chimie que dispense Venel dans le laboratoire de son ami apothicaire Jacques Montet semble faire exception. Dans les manuscrits de ses élèves qui ont été retrouvés, seul a été pris sous la dictée le discours préliminaire qui permet au professeur, lors du premier cours, d’expliquer son programme, ses orientations, sa méthode de travail, et de justifier l’ordre de l’exposition des leçons. Tous les manuscrits étudiés contiennent en effet le même discours préliminaire de Venel, en 1761 comme en 176740. Ils sont tous écrits à la première personne du singulier : c’est le « Je » du professeur de chimie qui s’adresse à ses étudiants. Le caractère très officiel de ce discours préliminaire transparaît à travers le texte de la vignette d’un des manuscrits41 : « Discours préliminaire lu par Mr Venel le 12 avril 1761 qui a commencé le cours qui a servi de première leçon ». En revanche, les cahiers de ses élèves correspondant à la même date (1761) qui ont été retrouvés, à Londres et à Carpentras, ont été rédigés par des auditeurs dont les notes trahissent la personnalité et l’intérêt de leur auteur, comme c’était le cas en partie, on l’a vu plus haut, pour les notes prises par les deux élèves du cours particulier de Rouelle. Le cours rédigé par l’élève de Carpentras est très concis, relevant avec précision les conditions expérimentales des expériences et les données numériques comme la masse et le volume utilisés ou obtenus :

  • 42  Id. Il s’agit de l’extraction de l’huile essentielle, p. 14-15. Le manuscrit de Jean Laurent Duran (...)

« De cinquante livres de cette plante, on ne retire qu’un gros d’huile, de dix livres que nous avons employé nous n’en avons rien retiré de sensible. L’eau était seulement teintée et trouble, à la longue elle s’éclaircit et l’huile s’en sépare […]. La rose en donne un peu, savoir un gros sur cinq cent [sic] roses »42.

  • 43  Bibliothèque municipale de Carpentras, Ms 1131, p. 13.

43Avec un regard critique et précis sur les expériences réalisées, il relate très fidèlement entre parenthèses le résultat observé dans le cas où ce dernier ne correspond pas au résultat escompté, et note aussi une explication de l’échec. Il précise par exemple, à propos du marron, dont l’eau essentielle doit présenter des propriétés acides : « Le marum n’a pas donné de l’acide come [sic] nous l’attendions parce que cette plante s’est trouvée trop jeune »43.

  • 44  « Cours de Chymie fait chez monsieur Montet apothicaire par monsieur Venel Docteur et professeur e (...)

44En revanche, Claude Balme, scripteur du manuscrit conservé à la bibliothèque du Wellcome Institute à Londres44, utilise un grand nombre d’images pour illustrer la théorie : l’eau mouille la plante « comme une éponge », les parties homogènes de l’agrégat sont retenues comme par de la glu et, dans une analyse, il faut détricoter la couverture et ensuite séparer les fils, c’est-à-dire aller progressivement du simple connu au complexe inconnu. Il s’attache à des descriptions, des citations, des images, des comparaisons sans doute utilisées par Venel à l’oral. Il rapporte aussi avec fidélité les commentaires souvent peu amènes de Venel sur ses contemporains. Toutes ces remarques sont omises du texte de l’élève de Carpentras, qui a pourtant suivi le cours la même année.

  • 45  Ce qui lui a valu une exclusion du corps des apothicaires, ceux-ci l’accusant d’improvisations har (...)

45En fait, il ne semble pas y avoir de règle, et chaque professeur enseigne selon ses choix personnels. Au Jardin des apothicaires, la rédaction commune des cours assure une unité de l’enseignement et la dictée garantit la communauté de pensée. De La Planche, habitué aux cours particuliers dispensés dans son laboratoire, n’accepte cependant pas de dicter ses cours45, au motif qu’il faut donner de la vivacité à l’instruction, qui devient alors plus agréable et utile aux élèves. Quant à la lecture des cours,

  • 46  Recueils de pièces de procédures, disputes et procès entre les apothicaires, bibliothèque de la fa (...)

« convenable à des professeurs qui développent des traités théoriques, [elle] n’est pas applicable à un démonstrateur, qui tient sous sa main, et doit montrer en même temps aux yeux comme aux esprits les objets qu’il analyse ; qui se trouve forcé suivant les circonstances de s’attacher plus ou moins, soit à la théorie, soit à la manipulation, & de s’appesantir sur les détails dont il lui paraît que ses auditeurs ont besoin pour le mieux comprendre »46.

  • 47  V. d’Azyr, op. cit., p. 73.

46La lecture du cours semble être l’apanage du professeur médecin, comme Macquer, qui dicte ses cours au Jardin du roi sans sembler s’inquiéter de son public : « Il avait coutume d’enseigner en lisant ces cahiers », dira Vicq d’Azyr dans son éloge47. Heureusement, le prestige et l’autorité du professeur soutiennent l’attention des auditeurs.


*

47Ainsi, la chimie enseignée en France au milieu du XVIIIe siècle est tout à la fois expérimentale et théorique, utile et spectaculaire. Mais il faut prendre garde à ne pas banaliser et à unifier les cours de chimie. Chacun a sa spécificité liée à son cadre, à son public et ses attentes, tout comme à la personnalité du professeur, qui influe sur les sujets traités, les expériences réalisées et la méthode pédagogique utilisée.

48Dans les années 1770, la formation chimique des médecins est prise en charge par la faculté de médecine et celle des pharmaciens par le collège de pharmacie. Cette modification institutionnelle de la formation du corps médical ne fait pas pour autant disparaître les cours particuliers et payants. Cependant, le public évolue et les annonces de cours de chimie ne paraissent plus exclusivement dans les revues spécialisées de médecine et de pharmacie, comme c’était le cas vingt ans plus tôt, mais dans les journaux quotidiens. Il faut noter aussi une évolution très sensible des cours payants chez les apothicaires vers le spectacle. La science a changé. L’intégration à la doctrine chimique des corps récemment découverts, en particulier les gaz, donne lieu à un nouveau style d’expériences, plus ludiques, destinées à éveiller la curiosité ou les émotions. Les nouveaux gaz (inflammable, méphitique, etc.) donnent, en effet, lieu à des expériences impressionnantes, comme l’annonce l’apothicaire Antoine-Louis Brongniart :

  • 48  Journal de Paris, n° 37, 6 février 1778.

« Les différentes émanations élastiques, connues sous le nom général de l’Air, seront analysées dans le plus grand détail. L’air fixe ou acide méphitique, dont la connaissance a occasionné une si grande révolution dans la Physique et la Chimie, sera traité avec la plus grande exactitude. On démontrera de nouveau appareils, pour pouvoir exécuter facilement les expériences intéressantes que procurent ces fluides particuliers »48.

49Le fluide électrique permet au même Brongniart tout à la fois de jouer et de soigner les malades, un peu comme Mesmer avec son fluide magnétique.

Ill. 6 : Gabriel de Saint Aubin, « La leçon de M. Sage à l’hotel de la monaye », 1779 (Pierpont Morgan Library, New York)

Ill. 6 : Gabriel de Saint Aubin, « La leçon de M. Sage à l’hotel de la monaye », 1779 (Pierpont Morgan Library, New York)
  • 49  Gabriel de Saint Aubin, 1779, « La leçon de M. Sage à l’hotel de la monaye », photographie de la P (...)
  • 50  Ce grand salon sera réaménagé en 1785 pour accueillir la collection minéralogique de Sage achetée (...)

50Mais le spectacle ne chasse pas l’utile. L’analyse des eaux minérales reste un thème permanent. On observe, en effet, un regain d’intérêt pour l’exploitation du sous-sol, et nombre de propriétaires se lancent dans des recherches ou exploitations minières. Pour répondre à cette demande, Balthazar-Georges Sage, directeur de l’École des mines, commence le 2 décembre 1778 son premier cours public et gratuit de « Minéralogie docimastique » à l’Hôtel de la Monnaie. Ce cours a un succès considérable, comme le montre l’esquisse qu’en a faite en 1779 un des auditeurs, le peintre et graveur Gabriel de Saint Aubin (ill. 6)49. Sur la gauche, le professeur est représenté debout à l’extrémité d’une grande table recouverte de divers instruments. Il montre un ballon de verre à ses auditeurs pressés autour de la table, et le déroulement du cours est placé sous la vigilance d’un garde. L’esquisse, bien que floue, reflète bien l’ambiance de ce cours de chimie50.

51On assiste donc à la fin du siècle à une banalisation des cours de chimie, au sens où le public assis sur les bancs s’élargit à d’autres catégories que les pharmaciens et les médecins. La chimie s’adresse maintenant à toute l’élite de la nation, comme le signale Pierre-François Mitouard, professeur de chimie au Collège de pharmacie :

  • 51  Journal de Paris, n° 314, 10 novembre 1778.

« La chimie étant devenue une branche de l’éducation des personnes bien nées, [le professeur] croit devoir dans ce cours mettre ses auditeurs au fait de tout ce qui les environne, afin qu’ils ne soient pas au milieu de leurs possessions comme dans une terre étrangère »51.

  • 52  Voir B. Bensaude-Vincent, C. Blondel (dir.), op. cit.

52Alors qu’au début du siècle le rapport de la chimie au public était marqué au sceau de l’utile plus qu’à celui du spectacle ou du divertissement mondain, les démonstrations publiques expérimentales étant la voie principale de la formation des apothicaires, ces démonstrations s’intègrent peu à peu à la vie intellectuelle et mondaine : la chimie est cultivée par les aristocrates, goûtée des femmes comme des philosophes vers le milieu du XVIIIesiècle. Mais si, à la faveur de l’étude des airs, certaines démonstrations tendent au cours des années 1770 à s’ouvrir au style ludique qui prévaut dans les cabinets de physique52, il reste que la plupart d’entre elles se justifient encore par leur utilité pour le développement des arts et surtout par l’ambition de réformer l’éducation, qui doit s’adresser à l’ensemble des élites et non aux seuls professionnels.

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Notes

1  Le manuscrit du cours de Rouelle de 1767 est mis en ligne sur le site du Service d’histoire de l’éducation à l’adresse : http://www.inrp.fr/she/cours_magistral/rouelle.htm. Pour une étude approfondie de ces trois enseignements et plus particulièrement de celui de Venel, voir Christine Lecornu Lehman, Gabriel-François Venel (1723-1775), sa place dans la chimie française du XVIIIe siècle, thèse de doctorat, Université Paris 10, 2006 (Lille, ANRT, 2008).

2  Gazette de médecine, 1761, p. 199-200.

3  Pour comparaison, notons qu’un quotidien grand public comme, par exemple, les Annonces, affiches, avis divers annonce au milieu du XVIIIe siècle (mais cela ne sera plus vrai à la fin du siècle) des cours de toute nature : mathématiques, langues, architecture, latin, élocution, etc., mais qu’on n’y trouve pas d’annonce de cours de chimie.

4  « Tous les ans, il sera fait publiquement et gratis un cours de chimie par un des apothicaires de ladite communauté pour l’instruction de ceux qui s’appliquent à la médecine et à la pharmacie », Archives de la Faculté de pharmacie de Paris, reg. 37, fol. 58. Un fonds est constitué « pour subvenir aux frais que l’on peut faire pour la démonstration du cours de chimie qu’elle [la compagnie] désire qu’on fasse tous les ans », ibid., fol. 59.

5  Pierre de liair ou pierre de liais : pierre calcaire dure d’un grain très fin.

6  Archives de la faculté de pharmacie de Paris, reg. 43, fol. 19-20, « État de la Maison et Jardin appelé Collège de Pharmacie par M. Essart Me Maçon demeurant rue St-Etienne près St-Etienne du Mont ; à la réquisition de Mrs Bataille et Solomé prévôts et du Sr Santotte Ecrivain déchiffreur ».

7  Dans cette table des affinités, ou de rapports, les composés chimiques sont disposés en colonne suivant leur réactivité mutuelle. Cette table a été étudiée par Mi Gyung Kim, « Entre la physique et la chimie : L’Affinité chimique dans l’Encyclopédie », Corpus revue de philosophie, n° 56, 2009, p. 143-167. Pour son utilisation dans les cours de chimie voir Christine Lehman, « Innovations in Chemistry Courses in France in the Mid-Eighteenth Century : Experiments and Affinities », Ambix, n° 57, 2010, p. 3-26, spécialement p. 17-25.

8  Archives de la faculté de pharmacie de Paris, reg. 38, fol. 26, délibération du 23 août 1761.

9  Jean-Paul Contant, L’enseignement de la chimie au Jardin royal des plantes de Paris, Cahors, Coueslant, 1952.

10  Archives du Muséum d’histoire naturelle, Ms 1934 : « Notes pour servir à l’histoire du Jardin du Roi pendant l’administration de Mr le Comte de Buffon » (1788) par André Thouin, jardinier et homme de confiance de Buffon, et notes d’Antoine-Laurent de Jussieu pour l’histoire du Jardin du Roi, troisième notice, p. 6, note (s).

11  Bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle, Plan Verniquet, 1783, p. 1 112.

12  « Cours de Chymie au Jardin du Roy », Gazette de médecine, 1761, t. 1, p. 352. Les cours sont annoncés par voie d’affiche. La BNF conserve quelques affiches annonçant l’ouverture de cours de médecine et de chirurgie au Jardin du roi (Fol T6 720), de format folio horizontal (environ 50 x 40 cm), elles sont rédigées en latin et précisent le nom du professeur et du démonstrateur.

13  Une vue d’ensemble des cahiers des élèves de Rouelle, conservés dans quelques bibliothèques, est donnée par l’inventaire consultable à l’adresse : http://www.inrp.fr/she/cours_magistral/table/index.html.

14  Alexandre Germain, L’école de médecine de Montpellier, Montpellier, Martel, 1880, p. 62. Il s’agit du témoignage du Docteur Combalusier. Cette alternance saisonnière tient à la difficulté de conserver les cadavres et les préparations anatomiques à la belle saison quand la température augmente.

15  Félix Vicq d’Azyr, éloge de Macquer lu à la séance publique de la Société royale de médecine le 15 février 1785. Il évoque le fonctionnement des cours au Jardin du roi mais cela s’applique aussi aux cours privés : « Éloge de M. Macquer », Histoire de la Société royale de médecine, 1782-1783, Paris, Théophile Barrois, 1787, p. 74.

16  Archives de la faculté de pharmacie de Paris, reg. 16, pièce 45. « Manuel » s’entend ici comme le tour de main de l’apothicaire.

17  Feuille volante trouvée dans des extraits d’un cours de chimie de Cornette, archives départementales des Yvelines, E 694. Dans les notes sporadiques de Cornette concernant l’analyse des végétaux, le nom de Baumé est fréquemment cité : « Mr Baumé nous a dit que » ; « Mr Baumé divise les huiles grasses de deux façons » ; « Mr Baumé pour mieux nous faire apercevoir que son discours était fondé sur la vérité a pris »… Quand il s’agit d’expériences, c’est le démonstrateur qui parle. Cette dualité rend l’analyse des notes de cours de chimie ambiguë car il est difficile de départager le discours entre le professeur et le démonstrateur sauf si l’élève le précise expressément.

18  Bibliothèque nationale de France [désormais BNF], Ms Fr 9134, fol. 82-84. Ce contrat daté du 16 juin 1757 est retranscrit par Jean-Paul Contant, op. cit., p. 65-69.

19  Notices et rapports de notes de P.-J. Macquer, BNF, Ms Fr 9134, fol. 131.

20  John Perkins, « Creating Chemistry in Provincial France before the Revolution: The Examples of Nancy and Metz. Part 1 Nancy », Ambix, n° 50, 2003, p. 145-181 ; « Part 2 Metz », Ambix, n° 51, 2004, p. 43-75. Sur les cours de province voir aussi Bernadette Bensaude-Vincent, Christine Lehman, « Public Lectures of Chemistry » in Lawrence M. Principe (dir.), New Narratives in Eighteenth-Century Chemistry, Dordrecht, Springer, 2007, p. 77-96.

21  C’est ce public que vise l’annonce du cours particulier de Rouelle rue Jacob. Le programme de ce « cours d’expériences chymiques » est disponible sur Gallica, NUMM 61856. Voir aussi Rhoda Rappaport, « G.-F. Rouelle : An Eighteenth-century Chemist and Teacher »,Chymia, n° 6, 1960, p. 68-101.

22  Un exemplaire du cours de Macquer est conservé dans le fonds Malesherbes, Archives nationales, 399 AP 104.

23  Lissa Roberts, « Chemistry on stage: G.F. Rouelle and the theatricality of Eighteenth-Century Chemistry », in Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel (dir.), Science and Spectaclein the European Enlightenment, Londres, Ashgate, 2008, p. 129-139.

24  Cours de Rouelle, bibliothèque de la faculté de médecine de Paris, Ms 5021, p. 1-9.

25  Gallica, NUMM 61856.

26  Pour définir un « essai » en docimasie, Rouelle prend l’exemple de la quantité de soufre que l’on peut extraire d’une masse donnée de pyrite (sulfure de fer) : cours de Rouelle, Bibliothèque de la faculté de médecine de Paris, Ms 5021, p. 130.

27  Procédés chimiques du cours de Mr Rouelle année 1752, bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle de Paris, Ms 2017.

28  Cours de chymie pratique de M. Rouelle. Rédigé par Mr Turgot, Bibliothèque de l’Institut catholique de Paris, Ms Fr 212. La présence de cet auditeur illustre, conseiller au Parlement de Paris et maître des requêtes, futur ministre de Louis XVI, au cours de Rouelle montre que ce cours particulier ne s’adresse pas exclusivement aux médecins et apothicaires. Je remercie Mme Odile Dupont, directrice de la bibliothèque de l’Institut catholique de Paris, pour son aide et son autorisation de publier ce document.

29  Celle de Turgot est cependant plus détaillée que celle de l’étudiant anonyme, qui n’en donne que l’essentiel.

30  Turgot laisse quelques points de suspension entre crochets, ce qui constitue un argument supplémentaire en faveur de la dictée.

31  Les notes de Turgot prennent fin au procédé 116 tandis que le cours sur le règne minéral en comporte 307. Ces notes doivent avoir pris du temps à leur auteur, ce qui explique que le règne minéral soit resté incomplet.

32  Lettres de Gabriel-François Venel (1760-1775) et de son frère André-Joseph Venel, médecin de Pézenas (1775-1777), à Jean-Baptiste Rast de Maupas, médecin lyonnais, Société archéologique de Montpellier, Ms 225. Cette correspondance est transcrite en annexe dans Christine Lecornu-Lehman, op. cit.

33  J. G. Wallerius, Minéralogie ou description générale des substances du règne minéral, [traduction d’Holbach], Paris, 1753.

34  Docimasie : étude des minerais, qui consiste à déterminer la qualité et la quantité de métaux utiles qu’ils contiennent.

35  Les premiers travaux de Lavoisier ont porté sur la minéralogie. Il participera activement à la publication en 1780 de l’ouvrage de Jean Etienne Guettard, Atlas et description minéralogiques de la France, Paris, Didot, Desnos, A. Jombert, 1780.

36  « Je penserai tres volontiers dans l’occasion a vous procurer des echantillons pour completter votre droguier quant a la partie des mineraux je suis assez peu a portee ; mais je ferai ce que je pourrai dans l’occasion » : correspondance avec Jean-Baptiste Rast de Maupas, op. cit., lettre 9, Montpellier, 13 décembre 1761.

37  Pierre-Joseph Macquer, Antoine Baumé, Plan d’un cours de chymie expérimentale et raisonnée avec un discours historique sur la chymie, Paris, Herissant, 1757, p. 3.

38  Cité par René Sordes, Histoire de l’enseignement de la chimie en France, Paris, Chimie et industrie, 1928, p. 68.

39  La délibération du 8 septembre 1732 est intégralement transcrite par Alexandre Germain, op. cit., p. 62-65. Il faut noter aussi le point n° 8 : « chacun desdits professeurs choisira, selon son ancienneté dans l’Ecole, le pensum qu’il trouvera à propos, sur lequel il composera un traité qu’il dictera aux etudians ».

40  Cette uniformité du discours préliminaire me permet de certifier que le manuscrit Ms 337 de la bibliothèque municipale de Montpellier intitulé « Règnes animal et végétal (traité de chimie animale et organique, recettes) » est un cours de chimie de Venel.

41  Bibliothèque municipale de Carpentras, Ms 1131.

42  Id. Il s’agit de l’extraction de l’huile essentielle, p. 14-15. Le manuscrit de Jean Laurent Durand, Ms 2184, indique « sçavoir un gros sur cinq cent [sic] livres de fleurs », p. 6.

43  Bibliothèque municipale de Carpentras, Ms 1131, p. 13.

44  « Cours de Chymie fait chez monsieur Montet apothicaire par monsieur Venel Docteur et professeur en L’université De medecine à Montpellier 1761 », bibliothèque du Wellcome Institute, Londres, Ms 4914 ; Gabriel-François Venel, Cours de Chimie, Corpus des œuvres de philosophie en langue française, Dijon, Éd. universitaires de Dijon, 2010.

45  Ce qui lui a valu une exclusion du corps des apothicaires, ceux-ci l’accusant d’improvisations hardies et de falsification d’expériences.

46  Recueils de pièces de procédures, disputes et procès entre les apothicaires, bibliothèque de la faculté de médecine de Montpellier, référence d’expériences.Ibid., référence 230 381. Réponse du Sieur de La Planche au mémoire pour les Maîtres & Gardes du corps des marchands apothicaires & épiciers, & les démonstrateurs du cours de chymie, p. 13.

47  V. d’Azyr, op. cit., p. 73.

48  Journal de Paris, n° 37, 6 février 1778.

49  Gabriel de Saint Aubin, 1779, « La leçon de M. Sage à l’hotel de la monaye », photographie de la Pierpont Morgan Library, New York, que je remercie pour son autorisation de publier ce document.

50  Ce grand salon sera réaménagé en 1785 pour accueillir la collection minéralogique de Sage achetée par Louis XVI. Une galerie supérieure et un amphithéâtre central faciliteront l’accueil du public, comme le montre la gravure de Née publiée en 1789. Voir Mazerolles, L’hôtel des monnaies, Paris, Renouard, H. Laurens, 1907, p. 82.

51  Journal de Paris, n° 314, 10 novembre 1778.

52  Voir B. Bensaude-Vincent, C. Blondel (dir.), op. cit.

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Table des illustrations

Titre Ill. 1 : annonce des cours de chimie, Gazette de Médecine, 1761 (Bibliothèque interuniversitaire de médecine, Paris).
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Titre Ill. 2 : Le Jardin des apothicaires. Plan Louis Bretez dit plan Turgot, 1739.
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Titre Ill. 3 : table des rapports recopiée par l’élève Balme. « Cours de Chymie fait chez monsieur Montet apothicaire par monsieur Venel Docteur et professeur en l’université de médecine à Montpellier 1761 », (bibliothèque du Wellcome Institute, Londres, Ms 4914)
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Titre Tableau 1 : Les chaires de professeur et de démonstrateur au Jardin du roi
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Titre Ill. 4 : cahier d’élèves du cours particulier de Rouelle : Procédés chimiques du cours de M. Ruelle année 1752. (bibliothèque de l’Institut catholique de Paris, Ms français 212)
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Titre Ill. 5 : cahier d’élèves du cours particulier de Rouelle : Cours de chymie pratique de M. Rouelle rédigé par M. Turgot (bibliothèque du Muséum d’histoire naturelle, Paris, Ms 2017)
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Titre Ill. 6 : Gabriel de Saint Aubin, « La leçon de M. Sage à l’hotel de la monaye », 1779 (Pierpont Morgan Library, New York)
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Pour citer cet article

Référence papier

Christine Lehman, « Les multiples facettes des cours de chimie en France au milieu du XVIIIe siècle »Histoire de l’éducation, 130 | 2011, 31-56.

Référence électronique

Christine Lehman, « Les multiples facettes des cours de chimie en France au milieu du XVIIIe siècle »Histoire de l’éducation [En ligne], 130 | 2011, mis en ligne le 01 avril 2013, consulté le 08 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2336 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2336

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Auteur

Christine Lehman

Université Paris-ouest-Nanterre, IREPH
christine.lehman@wanadoo.fr

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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