Du cours magistral à l’entreprise éditoriale
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Between 1898 and 1957 the Gauthier-Villars publishing house brought out some fifty mathematics titles in the « Collection de monographies sur la théorie des fonctions » directed by Emile Borel. The vast majority of this collection was written following a series of lessons given by the author. The particularity of this collection lay in its explicit presentation as an intermediary between teaching and research. The study of this collection enables the interleaving of lecture, initiation into research and publication to be explored.
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- 1 Étienne Bézout, Cours de mathématiques à l’usage des gardes du pavillon et de la marine, Paris, Mu (...)
- 2 Bruno Belhoste, La formation d’une technocratie. L’École polytechnique et ses élèves de la Révolut (...)
- 3 Selon le Catalogue annuel de la librairie française de 1893, le second tome du Traité d’analyse de (...)
- 4 Pour ne citer que quelques exemples, notons que le Cours de calcul différentiel et intégral de Jos (...)
1La publication des cours de mathématiques professés dans les établissements d’enseignement scientifique supérieur est un phénomène ancien. Les manuels de Bézout, grands classiques des XVIIIe et XIXe siècles, sont issus des cours donnés aux élèves des Gardes de la marine et du corps d’artillerie dans les années 1760-17701. Les cours de l’École normale de l’an III ont été sténographiés et, jusque dans les années 1850, les élèves polytechniciens ont rédigé et fait lithographier ceux de leurs enseignants2. De même, après 1850, la plupart des professeurs d’analyse de la Sorbonne et de l’École polytechnique ont fait publier leurs cours, rédigés par leurs soins ou par l’un de leurs élèves. Au début du XXe siècle, le catalogue de l’éditeur Gauthier-Villars, spécialisé dans l’édition mathématique, contient ainsi de nombreux manuels d’analyse de plusieurs centaines de pages, parfois en plusieurs volumes, relativement onéreux3. Certains, à force de rééditions, sont devenus de véritables ouvrages de référence rassemblant le savoir légitime en la matière ; d’autres, plus récents, constituent une sorte d’aboutissement dans la carrière des professeurs qui les signent4.
2Dans ce paysage éditorial bien balisé, la « Collection de monographies sur la théorie des fonctions », dirigée par le mathématicien Émile Borel (1871-1956) et publiée par Gauthier-Villars à partir de 1898, occupe une place à part. En effet, cette collection s’inscrit dans la tradition de publication de cours magistraux, puisqu’au moins trente-quatre des cinquante titres sont issus de séries de leçons professées en France ou à l’étranger, la moitié des volumes ayant été rédigés par l’enseignant, l’autre moitié par l’un de ses étudiants. Elle diffère cependant des autres manuels du catalogue de Gauthier-Villars, par sa matérialité, ses objectifs et ses contenus.
- 5 Le premier livre de la collection coûte 3,50 F au moment de sa parution, soit quatre à cinq fois m (...)
- 6 Émile Borel, Leçons sur les fonctions entières, Paris, Gauthier-Villars, 1900, p. V.
- 7 Ibid.
3D’une part, il s’agit d’ouvrages courts — les trois quarts font moins de deux cents pages — et bon marché5, qui entendent amener « des jeunes gens dont les connaissances en analyse sont généralement peu étendues mais solides […] à approcher, au moins sur certains points, les limites actuelles de la science»6. La « conception de l’enseignement »7 défendue par Borel conduit à des livres qui s’appuient sur les acquis de la théorie des fonctions telle qu’elle est cristallisée dans les traités classiques précédemment évoqués, mais qui sont également des outils de travail que les étudiants peuvent se procurer facilement et lire dans leur totalité. Ils leur permettent notamment de mettre un pied dans le monde de la recherche en prenant connaissance non seulement des travaux récemment publiés, mais aussi des nouvelles méthodes que ceux-ci emploient et des problèmes encore ouverts. À l’opposé des sommes que constituent habituellement les manuels d’analyse, ces « petits livres », comme leurs auteurs prennent rapidement l’habitude de les appeler, proposent de faire parcourir un domaine circonscrit, correspondant, comme nous le verrons, à une vingtaine d’heures de cours, mais de manière aussi approfondie que possible.
- 8 Cette nouvelle théorie des fonctions se caractérise par l’usage de nouveaux outils, provenant de l (...)
- 9 Nous reprenons ici à notre compte la distinction établie par Annie Bruter dans « Le cours magistra (...)
4D’autre part, l’objectif n’est pas de promouvoir n’importe quel domaine de recherche mais une théorie « moderne » des fonctions, qui tire parti des acquis récents de la théorie des ensembles pour élargir le spectre des objets et des méthodes de l’analyse et défricher de nouveaux territoires, dans une optique différente de celle des mathématiciens de la génération précédant celle de Borel8. Ces ouvrages, et donc les cours magistraux dont la plupart d’entre eux sont issus, sont ainsi des lieux d’élaboration de nouveaux savoirs, parfois produits et mis en forme dans la seule perspective de cet enseignement direct ou différé9. De ce point de vue, Borel, directeur scientifique de la collection, œuvre au départ pour la diffusion de ses propres recherches, mais aussi de celles de plusieurs de ses jeunes condisciples à l’École normale supérieure, les plus célèbres d’entre eux étant Henri Lebesgue et René Baire. À partir des années 1920, la collection Borel devient un lieu d’expression international pour des mathématiciens plus confirmés, poursuivant le développement du domaine de recherche institué par les premiers ouvrages : ces publications contribuent alors à former une nouvelle génération d’étudiants, pour qui les livres de la collection sont devenus, à leur tour, des « classiques ».
- 10 La question de la transmission orale des savoirs est encore un thème de recherche peu exploré ; il (...)
- 11 L’histoire de l’édition scolaire aux XIXe et XXesiècles est aujourd’hui mieux connue notamment grâ (...)
- 12 Si la collection Borel en tant que telle n’a pas attiré l’attention des historiens des mathématiqu (...)
5Les trente premières années de la « Collection de monographie sur la théorie des fonctions », au cours desquelles celle-ci renouvelle à la fois une tradition éditoriale et une tradition mathématique, constituent un objet d’enquête privilégié pour explorer l’imbrication entre cours magistral et publication. Cette étude permet ainsi d’établir une connexion entre plusieurs domaines de recherche largement disjoints, l’histoire de la parole magistrale10, celle de l’édition universitaire11 et celle des mathématiques12, tout en questionnant à la fois l’interdépendance de leurs sources (puisque la publication demeure bien souvent le seul accès de l’historien au cours magistral) et la pluralité des identités (de chercheur, de professeur et d’auteur) revêtues par les acteurs.
- 13 Fonds Émile Borel, Archives de l’Académie des sciences, 44 J (désormais Arch. Ac. Sc.). Une partie (...)
6Outre les sources que constituent les livres eux-mêmes, qui nous informent sur les objectifs des auteurs, mais aussi sur ceux du directeur de la collection et de son éditeur, et permettent de mettre au jour un « effet collection » dans le dialogue qui s’instaure entre les différents volumes, les archives de l’Académie des sciences conservent un grand nombre de lettres adressées à Borel, écrites pour la plupart avant la Première Guerre mondiale, qui s’avèrent riches d’informations sur la mise en place concrète de la collection et le travail éditorial effectué sur certains des ouvrages13.
7Au travers de ces documents, la « collection Borel » apparaît, d’une part, comme le lieu d’expression d’un réseau de mathématiciens centré sur le directeur scientifique, qui se perpétue par l’initiation de nouveaux membres à travers les relations entre professeurs et étudiants et la rédaction des livres, et aussi, d’autre part, comme une entreprise dont le succès est conditionné par des contraintes diverses, matérielles quand il s’agit de l’obtention d’allocations ou du choix du format des livres, ou scientifiques et pédagogiques dans le cas des comptes rendus publiés dans les revues spécialisées.
I – Une collection, un thème, des cours et un réseau
8Au-delà de l’originalité mathématique de chaque ouvrage, les livres de la « collection Borel » abordent un même thème de recherches et le font selon des modalités similaires. Cette cohérence est d’abord liée à l’existence d’un cahier des charges présidant à la rédaction des volumes, et que le recrutement des auteurs parmi les proches de Borel permet de faire perdurer au fil des livres. Elle est ensuite maintenue par « effet d’entraînement » puisque, à partir des années 1920, les nouveaux auteurs sont des mathématiciens qui ont fait leurs armes en théorie des fonctions à l’aide des ouvrages de la « collection Borel ».
1 – Une « conception de l’enseignement » au service d’un domaine de recherches
- 14 Émile Borel, Leçons sur la théorie des fonctions. Éléments de la théorie des ensembles et applicat (...)
- 15 Henri Poincaré, Leçons sur la théorie de l’élasticité, rédigées par MM. Émile Borel et Jules Drach(...)
9Émile Borel a 27 ans lorsque paraît en 1898 ce qui deviendra le premier livre de la collection, les Leçons sur la théorie des fonctions14. Auparavant, avec son camarade Jules Drach, il a déjà rédigé des notes prises lors des cours de Henri Poincaré à la Sorbonne et écrit un manuel d’algèbre et de théorie des nombres très librement inspiré des leçons de Jules Tannery, qu’ils ont tous deux suivies à l’École normale supérieure (ENS)15. Les Leçons sur la théorie des fonctions, premier ouvrage que Borel écrit en son propre nom, sont issues des cours qu’il a faits l’année précédente à l’ENS, où il est maître de conférences. Ce premier essai sera complété par quatre autres volumes publiés entre 1900 et 1903. Le premier est tiré une nouvelle fois des cours de l’ENS. Les trois autres sont issus du cours Peccot du Collège de France, créé en 1900 afin d’aider le début de carrière d’un mathématicien de moins de 30 ans en lui permettant d’exposer le sujet de son choix durant 20 heures de cours, et dont Borel a été chargé les trois premières années suivant sa création.
- 16 É. Borel, Leçons sur les fonctions entières…, op. cit., p. V.
- 17 Émile Borel, Leçons sur les fonctions mésomorphes, Paris, Gauthier-Villars, 1903, p. V.
10Ces cinq livres, présentés dès le second volume comme une série de « nouvelles leçons sur la théorie des fonctions », sont pensés et conçus par Borel comme des objets destinés à l’enseignement, qui guideraient les étudiants vers la recherche. Sa « conception de l’enseignement », qui consiste à « montrer, sur un exemple particulier […], quelle est la nature des méthodes employées dans la recherche mathématique et quelle est la forme sous laquelle se posent les problèmes qui restent à résoudre »16, a des conséquences sur l’agencement et les contenus mathématiques des livres. Chacun d’eux est censé être indépendant des autres et n’exiger, pour être compris, « que les connaissances générales d’analyse et de théorie des fonctions analytiques qui se trouvent dans tous les cours »17. De même, dans la rédaction de ses livres, Borel a pris soin de garder pour les notes de bas de page ou les notes complémentaires finales les contenus moins élémentaires qui auraient rendu plus ardue la lecture linéaire des chapitres.
- 18 Émile Borel, Leçons sur les séries divergentes, Paris, Gauthier-Villars, 1901, p. V.
- 19 É. Borel, Leçons sur la théorie des fonctions…, op. cit., p. VIII.
- 20 É. Borel, Leçons sur les fonctions mésomorphes, op. cit., p. VI.
11Les savoirs présentés, quant à eux, sont le plus souvent inédits sur ce type de support et appartiennent à l’actualité des mathématiques : ce sont les recherches relativement récentes de Cantor, de Weierstrass, de Mittag-Leffler, voire celles, tout juste publiées sous forme de thèse ou d’articles, de jeunes mathématiciens comme Paul Painlevé, Pierre Boutroux, Ernst Lindelöf, Edmond Maillet et Borel lui-même. Par exemple, ce dernier n’hésite pas à inclure, dans ses Leçons sur les séries divergentes de 1901, « l’exposition de certains résultats nouveaux [qu’il a] obtenus depuis un an »18. L’objectif, ici, n’est pas simplement d’inculquer un savoir. Il s’agit plutôt d’éveiller la curiosité, de montrer des méthodes et de faire connaître des problématiques. Dès le premier volume, Borel a prévenu qu’il n’a « pas cherché à remplacer la lecture des mémoires originaux, mais seulement à la faciliter […], il y a toujours avantage, pour le lecteur qui désire approfondir une question, à recourir lui-même au mémoire original »19. De même, il conclut la préface de son cinquième livre par une phrase qui s’est avérée prophétique : « On me permettra sans doute d’exprimer le vœu de voir ce nouveau petit livre être aussi l’origine ou l’occasion de nombreuses recherches »20.
- 21 Lettre de Volterra à Borel, 5 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 372.
- 22 Lettre de Mittag-Leffler à Borel, 26 novembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J M 207 ; lettre de Lindelöf (...)
- 23 Lettre de von Koch à Borel, 4 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 158.
- 24 Voir les introductions de : Henri Lebesgue, Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions (...)
- 25 Lettre de Boutroux à Borel, 7 octobre 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M 035, à propos de Pierre Boutrou (...)
12L’esprit et les idées directrices qui font la cohérence des cinq livres de Borel seront conservés dans les ouvrages qui leur font suite. Ainsi, parmi les trente premiers volumes de la collection, seuls cinq ont été écrits en dehors d’un contexte d’enseignement. Cet ancrage pédagogique est d’ailleurs encouragé par Borel, qui s’informe auprès de ses correspondants à propos des cours récents et des auteurs potentiels. Par exemple, en 1904, Vito Volterra lui conseille de solliciter Ernesto Cesàro plutôt que Luigi Bianchi, dont « la valeur scientifique est très supérieure », car le premier est « très habile pour écrire des ouvrages didactiques »21. La même année, ayant entendu parler d’un cours professé par Helge von Koch à l’université de Stockholm, Borel propose à celui-ci de le publier dans sa collection22. Von Koch souligne dans sa réponse que, dans les leçons dont il s’agit, il a « commencé par des développements assez simples et élémentaires […] pour préparer [l]es auditeurs aux recherches qui faisaient l’objet principal »23. Si ces deux projets ont finalement avorté, les auteurs qui ont publié dans la collection après Borel se sont efforcés de remplir le cahier des charges, en partant eux aussi des connaissances des étudiants pour les initier aux mathématiques les plus actuelles et encourager des recherches futures. Henri Lebesgue, René Baire, Paul Montel, Ludovic Zoretti, ou encore Paul Dienes, insistent ainsi sur le peu de connaissances requises pour l’intelligence de leurs monographies24. Pierre Boutroux estime, quant à lui, nécessaire de « préparer longuement les définitions par l’étude d’exemples élémentaires et de réexposer des résultats connus tels que ceux de Briot et Bouquet [auteurs d’un ouvrage d’analyse très utilisé], sous une forme nouvelle »25.
- 26 H. Lebesgue, Leçons sur l’intégration…, op. cit., p. VII ; P. Montel, op cit., p. V ; Otto Blumen (...)
13Le second critère, la nouveauté du propos, est également mis en avant dans les préfaces : Lebesgue et Montel précisent qu’ils n’ont eu recours qu’aux « mémoires originaux » ; Otto Blumenthal mentionne que « le contenu du livre est, presque entièrement, inédit », et Volterra explique que son ouvrage résulte de l’invitation de la Faculté de Paris à venir « exposer le résultat de ses recherches »26. De même, le caractère « initiatique » des livres constitue une préoccupation constante des auteurs, qui rédigent explicitement leurs ouvrages avec cet objectif. Les propos introductifs de Zoretti sont ici emblématiques de « l’esprit » si particulier de la « collection Borel » :
- 27 L. Zoretti, op. cit., p. V. Cette idée selon laquelle la monographie constitue une introduction et (...)
« On ne s’étonnera […] pas de trouver à plusieurs reprises des questions amorcées et non traitées à fond. C’est justement le but de cette collection de fournir aux chercheurs un guide, en les mettant rapidement au courant de l’état d’une question, en précisant la nature des difficultés qui ont jusqu’ici empêché d’aller plus loin, et de leur indiquer en même temps, sans prétendre faire une bibliographie complète, les premiers ouvrages qu’ils auront à consulter »27.
- 28 On trouve ainsi de nombreux comptes rendus dans les Nouvelles annales de mathématiques, dans la re (...)
14Force est de reconnaître que la « Collection de monographies » a fait une réalité de la conception de l’enseignement supérieur comme lieu de formation à la recherche, en permettant une large diffusion de cours magistraux novateurs, mais qui avaient été professés de manière exceptionnelle. En effet, la plupart des livres ont bénéficié de comptes rendus dans des revues destinées aux professeurs et aux étudiants, en France comme à l’étranger, et les recenseurs ont mis en avant leur clarté, la qualité de leur rédaction, leur logique d’exposition ou encore leur accessibilité pour des débutants autant que la nouveauté de leurs contenus28. La publication a donc ici clairement joué un rôle dans la diffusion, la pérennisation et l’assimilation des nouvelles connaissances introduites dans les cours magistraux.
- 29 L. Zoretti, op. cit. p. VI ; P. Dienes, op. cit., p. VIII.
15Mieux encore, les premiers ouvrages de la collection acquièrent rapidement le statut de référence que les nouveaux auteurs prennent pour point de départ de leurs cours et des monographies qu’ils en tirent. Dès 1905, Baire inclut certaines des notions développées dans les livres de Borel parmi les « notions courantes » qu’il faut maîtriser pour comprendre ses leçons. De même, Zoretti élimine « ce qui avait déjà été dit dans d’autres livres de la collection » et Dienes précise qu’« en dehors de la connaissance des propriétés élémentaires des fonctions analytiques, les Leçons de M. Lebesgue sur les séries trigonométriques sont le seul ouvrage dont la connaissance est désirable pour la lecture [de son] livre »29.
- 30 Charles de La Vallée Poussin, Intégrales de Lebesgue, fonctions d’ensemble, classes de Baire, Pari (...)
16Les propos de Charles-Jean de La Vallée Poussin, en 1916, selon lesquels « les questions traitées dans [son] ouvrage appartiennent à la théorie récente dont MM. Borel, Baire et Lebesgue sont les fondateurs », marquent la fin de la période où les livres de la collection demeuraient indépendants les uns des autres30. Le succès de l’entreprise, qui a conduit de nombreux chercheurs à prendre connaissance des contenus de la collection, a eu raison de l’idéal d’accessibilité de Borel. Après la Première Guerre mondiale, les livres font système non seulement par leur agenda commun mais aussi par les liens mathématiques entre leurs contenus : il faudra désormais maîtriser bien plus que les cours de licence classiques de la fin du XIXe siècle pour y avoir accès.
2 – Le rôle du directeur de collection : mobiliser un réseau d’étudiants et de professeurs
17Si Borel a joué un rôle central dans la définition de l’identité de la collection de monographies, et s’il en a lui-même écrit dix volumes, l’ensemble n’en conserve pas moins une dimension collective et, la liste des auteurs suffit à s’en convaincre, fortement internationale. Ainsi, l’existence et le succès de l’entreprise sont liés à la capacité de Borel à mobiliser et animer un réseau de mathématiciens et à se servir pour cela des leviers à sa disposition.
- 31 Les informations biographiques sur Borel sont tirées de Maurice Fréchet, « La vie et l’œuvre d’Émi (...)
- 32 Paul Painlevé (ENS 1883) a ainsi rédigé une note à la suite du livre de Borel, Leçons sur les fonc (...)
- 33 Dubesset (ENS 1896) a aidé à la rédaction du second livre de Borel (Leçons sur les fonctions entiè (...)
18Le premier de ces leviers se trouve sans conteste du côté de l’enseignement. D’une part, Émile Borel, normalien de la promotion 1889, maître de conférences à l’ENS à partir de 1897, puis sous-directeur des études scientifiques de 1910 à 1920, est toujours resté en contact avec le vivier de jeunes savants que représente alors l’École31. De fait, à l’exception de Paul Levy, tous les auteurs français de la collection — que ce soit pour des livres effectivement publiés ou pour ceux qui sont restés à l’état de projet — sont normaliens, la plupart un peu plus jeunes que Borel32. Plus encore, lorsque l’auteur a fait appel à un étudiant pour rédiger le livre, c’est encore d’un élève ou ancien élève de l’ENS qu’il s’agit33. Le rôle du directeur de collection se double donc, dans de tels cas, de celui de mentor.
- 34 Il s’agit de : Henri Lebesgue, Leçons sur l’intégration, op. cit. ; id., Leçons sur les séries tri (...)
- 35 Sur l’intervention ou l’aide de Borel dans l’attribution du cours Peccot : lettres de Denjoy à Bor (...)
- 36 Sur les échanges institutionnels entre universités : Christophe Charle, La République des universi (...)
19D’autre part, Borel a su profiter de nouvelles opportunités de financement, offrant un espace pour un enseignement relativement libre de contraintes, pour enrichir sa collection. Ainsi, les cours Peccot du Collège de France ont fourni la matière de trois des premiers livres de Borel, puis de neuf autres volumes de la collection, de 1903 à 193334. Or, bien que Borel ne soit pas professeur au Collège de France et ne participe donc pas aux nominations, sa correspondance montre qu’il suit celles-ci de très près, appuyant sans doute certaines candidatures. Par ailleurs, la publication des leçons dans la collection est parfois prévue avant même que celles-ci n’aient eu lieu35. De la même façon, Borel profite des invitations ponctuelles à la Sorbonne ou au Collège de France de mathématiciens étrangers confirmés, comme Volterra, La Vallée Poussin, Maxime Bôcher, Sergeï Bernstein, Nikolaï Luzin, Simion Stoilow ou Szolem Mendelbrojt, pour obtenir de nouveaux livres pour sa collection36.
- 37 Le rapport sur la thèse de Borel, rédigé par Henri Poincaré, est conservé aux Archives nationales (...)
- 38 C. Charle, La République des universitaires, op. cit, p. 135-186.
- 39 Camille Marbo, À travers deux siècles. Souvenirs et rencontres (1883-1967), 1968, Paris, Grasset, (...)
- 40 Sur cette famille : Martin Zerner, « Le règne de Joseph Bertrand (1874-1900) », in H. Gispert, La (...)
20Le second levier dont dispose Borel pour la mise en place et la pérennisation de sa collection est le statut dont il jouit dans le milieu mathématique, en France comme à l’étranger. Émile Borel s’est fait remarquer très tôt par sa double réussite aux concours d’entrée de l’École normale supérieure et de l’École polytechnique, puis par sa thèse intitulée « Sur quelques points de la théorie des fonctions », soutenue en 189437. Dans un système où l’obtention d’un poste à Paris était l’aboutissement de toute une carrière, il ne lui a pas fallu plus de quatre ans pour quitter la faculté de Lille et rejoindre l’ENS38. Si l’on en croit les mémoires de son épouse, l’écrivain Camille Marbo, il était déjà considéré par les « patrons » des mathématiques parisiennes, Joseph Bertrand, Gaston Darboux, Paul Painlevé ou encore Paul Appel, comme un « cas exceptionnel » à qui l’on prédisait « une carrière fulgurante »39. Cette reconnaissance précoce se double d’ailleurs d’une véritable adoption de Borel par le milieu mathématique parisien : Camille Marbo n’est autre que Marguerite Appell, la fille de Paul Appell, qui faisait lui-même partie (par alliance) d’une grande famille mathématique comptant Joseph Bertrand, Charles Hermite et Émile Picard parmi ses membres40. Si le mathématicien Borel était bien plus que le gendre du futur doyen de la Faculté des sciences de Paris de 1903 à 1920, on peut tout de même supposer que de telles relations familiales, par les contacts qu’elles permettaient de nouer ou les informations qu’elles permettaient d’obtenir, ont été un atout pour faire de lui un intermédiaire entre le milieu institutionnel et les jeunes mathématiciens qu’il parrainait.
- 41 Sur les congrès internationaux des mathématiciens : José M. Sánchez-Ron, « From the private to the (...)
- 42 C. Marbo, op. cit., p. 123 et p. 172.
- 43 Ibid., p. 208.
- 44 Ibid., p. 242-248. Certains de ces livres sont issus de cours professés, à la Sorbonne, où ces pro (...)
21En outre, Borel a eu très tôt une réputation internationale. Dès 1897, il fait partie des représentants de la France au premier congrès international des mathématiciens, qui se tient à Zurich41 ; il participera ensuite à ceux de Paris (1900), Heidelberg (1904), Rome (1908), Cambridge (1912), etc. Borel effectue également de nombreux voyages officiels à l’étranger, liés à la position de professeur de la Faculté de sciences de Paris qu’il a obtenue en 1909, mais également à l’estime ou l’amitié que lui portent des savants influents comme Poincaré et Painlevé42. Certains des volumes de la collection de monographies sont sans doute liés aux contacts que Borel a pu nouer lors de tels déplacements : la publication du premier livre de Nörlund suit de deux années à peine un voyage que Borel a effectué au Danemark, où il a rencontré ce dernier43 ; de même, les mémoires de Camille Marbo nous apprennent que le couple Borel a effectué de nombreux voyages dans les universités du Nord de l’Europe entre 1924 et 1939, période qui correspond à la publication des livres de Torsten Carleman (université de Stockholm), Tommy Bonnesen (école polytechnique de Copenhague), Niels Nörlund (université de Copenhague) et Rolf Nevanlinna (université d’Helsinki)44.
3 – Des choix scientifiques qui perdurent grâce au contexte d’apprentissage
- 45 H. Gispert, « La théorie des ensembles en France… », op. cit., p. 64-67.
- 46 É. Borel, Leçons sur la théorie des fonctions…, op. cit., p. VII-VIII.
- 47 P. Boutroux, op. cit., 2e de couverture.
22Au moment où la collection de monographies se met en place, dans les premières années du XXe siècle, la théorie « moderne » des fonctions que Borel cherche à développer n’est plus un thème de recherche marginal : elle représente le quart des notes consacrées au domaine de l’analyse dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences entre 1895 et 1899, et la moitié entre 1900 et 1904 ; de même, l’utilisation de la théorie des ensembles, qui constituait une originalité de la thèse de Borel, a été reprise dans la moitié des thèses d’analyse des années 1900-191045. Face à ces « recherches […] qui prennent chaque jour une importance plus considérable »46, Borel a tout de suite donné un rythme soutenu à sa collection. Ainsi, certaines années ont vu la parution de deux, voire trois monographies (en 1905 et en 1913). En outre, la seconde de couverture des Leçons sur l’intégration de Lebesgue de 1904, premier ouvrage publié sous l’étiquette de « Collection de monographies sur la théorie des fonctions », annonce déjà cinq ouvrages sous presse ou en préparation, nombre qui montera jusqu’à sept dans les années 1908-191047.
- 48 Paul Montel, Leçons sur les séries de polynômes à une variable complexe, Paris, Gauthier-Villars, (...)
- 49 Cette citation est extraite de Gustav Elfing, The History of Mathematics in Finland 1828-1918, Hels (...)
23Quelle était donc la marge de manœuvre de Borel quant aux choix des thèmes traités face à la nécessité d’amorcer la collection si rapidement ? Il est clair qu’il pouvait « faire son marché » parmi les mathématiciens débutants que ses fonctions de professeur l’amenaient à côtoyer, et que ses choix n’étaient pas seulement conditionnés par l’obtention d’un cours Peccot. Par exemple, au vu de « l’importance [des] travaux » de Paul Montel, Borel a sollicité ce dernier pour l’ouvrage sur les séries de polynômes à variable complexe qu’il avait lui-même projeté d’écrire, et ce indépendamment du cours Peccot48. De plus, Borel n’hésitait pas à discuter ou à négocier avec les auteurs pressentis, du moins lorsque ceux-ci étaient suffisamment proches de lui. Ainsi, il refuse la première proposition de Lindelöf, qu’il a pourtant sollicité, de traiter des fonctions entières et des applications conformes et lui propose en échange d’écrire un ouvrage sur la théorie des résidus, afin de « faire revivre cette admirable invention de Cauchy et de mettre en évidence son excellence comme méthode de découverte et d’exposition »49.
- 50 Lettre de Volterra à Borel, 5 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 372.
- 51 Lettre de Lindelöf à Borel, 20 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 209.
24En fait, la planification simultanée de plusieurs volumes dès 1904 peut laisser penser que Borel avait, dès le départ, une vue d’ensemble des contenus que devait recouvrir sa collection. Cette hypothèse semble confirmée par sa correspondance : une lettre de Volterra, datée de décembre 1904, donne une liste d’auteurs susceptibles d’écrire le livre que Borel lui a « décrit » dans une lettre précédente50 ; dans une autre lettre, écrite le même mois, Lindelöf explique que le sujet que Borel lui « propose » le tente, mais qu’il préfère décliner l’invite51 ; et Pierre Cousin répond ainsi à la proposition de Borel de rédiger l’un des volumes :
- 52 Lettre de Cousin à Borel, 17 novembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, M 051.
« J’accepte avec plaisir de collaborer à la collection de monographies dont vous avez la direction. Vous me demandez de m’occuper des fonctions de plusieurs variables ; entendez-vous par là des fonctions de variables complexes, c’est-à-dire des fonctions analytiques, ou des fonctions de variables réelles envisagées d’une façon plus générale ? En outre, quelles sont les autres monographies se rattachant à la théorie des fonctions de plusieurs variables ? Je voudrais savoir pour ne pas empiéter sur des sujets réservés à d’autres »52.
- 53 R. Baire, op. cit., 2e de couverture ; P. Montel, op. cit, introduction.
- 54 Au XIXe siècle, l’analysis situs est la branche des mathématiques qui étudie les propriétés qualit (...)
- 55 Lettres de Lebesgue à Borel, 15 août 1904 et 21 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 037 et L 04 (...)
25Mieux encore, certains thèmes ont apparemment suffisamment tenu à cœur à Borel pour qu’il les maintienne à l’ordre du jour alors que le projet initial de publication se trouvait différé. C’est le cas des séries de polynômes, sur lesquelles Borel annonçait un livre depuis 1905, mais dont la publication a été différée à 1910 pour attendre les résultats des recherches de Montel53. De même, le thème de l’analysis situs54, initialement retenu en 1904 par Lebesgue pour son second cours Peccot puis écarté au profit des séries trigonométriques, est ensuite réapparu sous la forme de l’annonce d’un prochain ouvrage de Lebesgue, en 1910, pour ne finalement devenir le thème d’un livre de la collection qu’en 1924, sous la plume de Solomon Lefschetz55.
- 56 Ce sujet est évoqué dans la lettre de Volterra à Borel du 4 décembre 1911 (Arch. Ac. sc., 44 J, M (...)
- 57 Lettre de Lebesgue à Borel, 10 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 049.
- 58 Cette étude de cas met ainsi en lumière une dimension peu explorée de cette relation complexe entr (...)
- 59 Lettres de Baire à Borel, 9 novembre 1904 et 13 novembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, B 032 et B 033 (...)
- 60 Lettre de Lebesgue à Borel, 17 février 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 027. De même, Denjoy a reçu l’ (...)
26Or, une fois le « ton » scientifique de la collection donné par les premiers ouvrages, c’est encore le lien étroit entre ces monographies et le contexte d’apprentissage qui a permis à cette cohérence mathématique de perdurer. D’une part, comme nous l’avons déjà dit, la plupart des livres sont issus d’un enseignement direct et, s’il est impossible de reconstituer l’ensemble du public de ces cours, on peut toutefois retrouver un certain nombre de futurs auteurs parmi les étudiants ayant assisté à certains d’entre eux. De fait, la rédaction des leçons, attribuée par avance à des étudiants comme Denjoy, Zoretti, Fréchet ou encore Julia en vue de la publication des monographies, a permis à ceux-ci d’acquérir une excellente connaissance du corpus, que ce soit par la reprise des cours proprement dite ou bien par les contacts privilégiés et les discussions que cela supposait avec le professeur pour d’éventuelles corrections, sur le fond comme sur la forme56. De façon significative, Lebesgue écrit, après avoir lu la thèse de Denjoy, rédacteur du livre de Baire, que celui-ci « nage dans le Baire comme dans son élément naturel »57. De plus, la rédaction des cours matérialise entre les auteurs et les étudiants une relation de maître à disciples qui va bien au-delà de ce seul événement58. On sait, par exemple, que Baire a surveillé attentivement l’avancée des premiers travaux de Denjoy, et que Pérès et Volterra ont travaillé ensemble et co-écrit un livre de la collection après que le premier eut servi de rédacteur au second59. Une autre trace de cette adoption symbolique se trouve dans les envois pour hommage des ouvrages de la collection : ainsi, Denjoy et Zoretti font partie, au même titre que les auteurs précédents de la collection, de la liste des personnes à qui a été envoyée la première monographie de Lebesgue60. L’élaboration des ouvrages constitue donc en elle-même une formation à la recherche qui permet à certains étudiants de devenir à leur tour, quelques années plus tard, des auteurs de la collection.
- 61 Friedrich Riesz, « L’évolution de la notion d’intégrale depuis Lebesgue », Annales de l’Institut F (...)
- 62 Szolem Mandelbrojt, « Souvenirs à bâtons rompus de Szolem Mandelbrojt, recueillis en 1970 et prépa (...)
- 63 Après la guerre, Borel s’est engagé en politique : il a été député de 1924 à 1936, et nommé minist (...)
27D’autre part, la circulation des ouvrages s’est traduite par une forme d’enseignement différé qui a permis d’élargir l’éventail géographique des auteurs tout en maintenant l’homogénéité scientifique de la collection. Friedrich Riesz, mathématicien hongrois auteur d’un ouvrage pour la collection en 1913, remarque ainsi que c’est « le livre de Lebesgue sur les séries trigonométriques, dans la collection Borel, qui a attiré [son] attention sur sa notion d’intégrale »61. Szolem Mandelbrojt, qui sera l’un des derniers auteurs de la collection, rappelle également dans ses souvenirs l’influence qu’a eue sur lui la lecture de ces monographies alors qu’il était étudiant en Pologne62. Ainsi, la publication des cours a donné au « réseau Borel » une dimension bien plus large que celle du petit groupe des jeunes normaliens des premières années du XXesiècle. Les auteurs ne sont plus nécessairement en contact étroit avec le directeur scientifique à partir des années 1930, mais ils n’en continuent pas moins à voir dans les livres de Borel, de Baire et de Lebesgue les fondements du domaine de recherches qu’ils cultivent63. Si ce sont désormais les affinités méthodologiques et thématiques qui forment le ciment de la collection, il n’en reste pas moins que c’est par l’enseignement différé mis en place à travers ces livres que ces conceptions partagées ont pris corps.
II – Du cours magistral à l’objet éditorial
28Le directeur scientifique et les auteurs ne sont pas les seuls à être impliqués dans le processus qui mène du cours magistral au livre imprimé. La « collection de monographies sur la théorie des fonctions » s’est bâtie sur la qualité scientifique des contenus, mais aussi sur un support spécifique, des « petits livres », destinés en priorité à un lectorat particulier, celui des étudiants avancés en mathématiques. Ce sont donc les liens entre la matérialité de ces objets, les connaissances qu’ils présentent et la réception qu’ils ont eue qu’il nous faut maintenant étudier.
1 – Le choix de la maison d’édition Gauthier-Villars
29Il semblerait, si l’on examine chronologiquement les deuxièmes de couverture, que la « Collection de monographies sur la théorie des fonctions » ne soit née, en fait, qu’après la première série de cinq livres de Borel, regroupés au départ sous l’étiquette de « Nouvelles leçons sur les fonctions ». En effet, le premier ouvrage à porter l’en-tête « Collection de monographies… » est celui de Lebesgue sur l’intégration, publié en 1904 ; les livres de Borel, qui y apparaissent dans la liste des titres déjà parus, sont alors intégrés rétrospectivement dans la collection. C’est donc autour de 1903, lorsqu’il quitte le cours Peccot au profit de son condisciple, que Borel troque la casquette d’auteur pour celle de directeur de collection et qu’il s’entend avec Gauthier-Villars pour la mise en place de celle-ci.
- 64 L’un des rapports du dossier de Gauthier-Villars (Archives nationales, F/18/1767) précise en effet (...)
- 65 Verhandlungen des ersten internationalen Mathematiker-Kongresses in Zürich vom 9 bis 11 August 189 (...)
- 66 Sur ce point, voir par exemple l’extrait de la Revue des industries du livre de 1898, cité dans No (...)
30Du côté de Borel, le choix d’un tel partenaire ne saurait surprendre. En effet, Gauthier-Villars est un éditeur spécialisé en mathématiques qui jouit d’une très bonne réputation. Jean-Albert Gauthier-Villars, polytechnicien de la promotion 1848, a fondé l’entreprise en 1864 par le rachat de la maison Mallet-Bachelier, qui remplissait les mêmes fonctions ; il a su conserver le savoir-faire de son prédécesseur en gardant son personnel64. La maison d’édition s’occupe notamment des publications de l’Académie des sciences, des thèses de la Faculté des sciences de Paris et de journaux prestigieux comme le Journal de mathématiques pures et appliquées et les Annales scientifiques de l’ENS. Elle publie également les traités des mathématiciens reconnus, des œuvres complètes, et une bonne partie des imposants cours d’analyse que nous avons évoqués dans l’introduction de cet article. La légitimité de l’entreprise provient également de la proximité entre ses patrons et les mathématiciens français : ces derniers considèrent Jean-Albert Gauthier-Villars et son fils Albert-Paul (également polytechnicien) comme des membres à part entière de leur milieu, comme en témoigne la présence d’Albert-Paul aux côtés des mathématiciens au congrès de Zurich en 1897 ou l’hommage rendu par l’Académie des sciences à la mort de son père, l’année suivante65. En un mot, à la fin du XIXe siècle, Gauthier-Villars est une véritable institution dans le monde mathématique. Être publié chez cette maison d’édition apporte un indéniable prestige, en France comme à l’étranger. C’est également un gage de qualité pour les objets matériels que sont les livres, la maison ayant développé un savoir-faire inégalé en matière de typographie mathématique66.
- 67 Un fonds d’archives est conservé à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), mais n’a (...)
- 68 Borel a reçu le Grand prix de mathématiques en 1898, le prix Poncelet en 1901 et le prix Vaillant (...)
31En l’absence d’archives consultables, on ne peut faire que des hypothèses quant aux motivations de Gauthier-Villars pour fonder la collection Borel67. Notons d’abord que celle-ci ne détonne pas parmi les publications de Gauthier-Villars, puisqu’elle remplit le double cahier des charges, d’excellence scientifique et de lien avec l’enseignement supérieur, qui caractérise depuis le départ le catalogue de l’éditeur. De plus, la réputation montante de Borel, qui accumule les prix dans les premières années du XXe siècle, a sans doute joué dans la confiance que l’éditeur lui a accordée68.
- 69 Sur ce point, voir par exemple : Isabelle Olivero, L’invention de la collection. De la diffusion d (...)
- 70 Sur l’augmentation des effectifs des Facultés de sciences à la fin du XIXe siècle : Pierre Moulini (...)
- 71 N. Verdier, op. cit., p. 358-359.
32Le projet trouve également un sens si on l’envisage d’un point de vue économique. En effet, le principe de la collection était également développé par d’autres maisons d’édition, et Gauthier-Villars leur avait emboîté le pas en inaugurant en 1900 la collection « Scientia », dirigée par Appel, d’Harsonval, Moissan et Poincaré, et destinée à rendre compte des questions scientifiques contemporaines69. Cela correspond donc à une volonté de renforcer la position de la maison d’édition. D’une part, le marché étudiant était devenu plus intéressant du fait de l’accroissement des effectifs, mais aussi plus concurrentiel depuis les créations récentes des éditions Hermann et Nony-Vuibert70. D’autre part, les scientifiques constituaient des clients moins captifs qu’ils avaient pu l’être du temps de Mallet-Bachelier et n’hésitaient plus forcément à sacrifier le prestige de Gauthier-Villars à l’obtention de meilleurs tarifs pour leurs publications périodiques ; dans ce contexte, s’attacher Borel signifiait également renforcer les liens avec la nouvelle génération – autrement dit, assurer l’avenir71.
- 72 Harry W. Paul, From Knowledge to power. The Rise of the Science Empire in France, 1860-1939, Cambr (...)
- 73 La première édition a été publiée en 1898, la seconde au début de l’année 1914.
33Pour ce qui est des avantages financiers d’une telle opération, il est clair que les ventes des monographies sur les fonctions ne devaient pas représenter des bénéfices importants comparés à ce que Gauthier-Villars avait pu obtenir de la souscription publique de 300 exemplaires des Œuvres complètes de Lagrange (10 500 francs), et encore moins à ce que devait lui rapporter l’impression des œuvres de Jules Verne, dont la maison se chargeait pour le compte de Hetzel72. Néanmoins, le succès des premiers livres de Borel pouvait laisser soupçonner qu’il ne s’agissait pas d’une mauvaise affaire : comme nous l’avons vu, leur qualité et leur intérêt avaient été salués dans de nombreux journaux et la réédition des Leçons sur la théorie des fonctions au bout de seulement seize ans montre que les ventes n’étaient pas négligeables73. Le pari de Gauthier-Villars sur l’avenir commercial de la collection est parfaitement résumé par Lebesgue dans une lettre à Borel de 1905 :
- 74 Lettre de Lebesgue à Borel, 29 janvier 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 053.
« Il me semble que Gauthier-Villars a raison ; il est certain que vos livres se sont fait une clientèle qui devient celle de la collection de monographies, etc. »74.
- 75 Lettre de Forsyth à Borel, 11 novembre 1904, Arch Ac. sc., 44 J, M 104 ; lettre de Coar à Borel, 2 (...)
34En outre, si l’on en croit les compliments enthousiastes de Forsyth (université de Cambridge) et de Coar (université d’Illinois), les premiers ouvrages de Borel ont rapidement trouvé un lectorat complémentaire parmi les étudiants étrangers ; une traduction anglaise des Leçons sur la théorie des fonctions était d’ailleurs en discussion avec Gauthier-Villars dès 190375.
2 – Un contrat, trois parties en présence
- 76 Ce document est joint à la lettre de Blumenthal à Borel du 14 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, (...)
35Les termes de l’arrangement entre Borel, Gauthier-Villars et les auteurs ont été fixés par un contrat, dont on peut raisonnablement penser qu’il a été le même pour tous les livres publiés avant la guerre et dont un exemplaire est conservé dans le fonds Borel des archives de l’Académie des sciences76.
- 77 À titre de comparaison, notons que La science et l’hypothèse, ouvrage d’un auteur prestigieux (Hen (...)
- 78 Nous avons mentionné les prix des traités de Jordan et Picard dans la note 3. Les prix de la colle (...)
36Tout d’abord, ce document indique les modalités pratiques de la publication des ouvrages. Ainsi, y sont fixés la longueur, « 6 et au plus 8 feuilles, c’est-à-dire de 96 à 128 pages du type adopté pour l’impression des volumes de la collection », et le tirage, 1 800 exemplaires. Ce nombre, relativement élevé pour des livres de mathématiques, atteste ainsi de la confiance qu’avait Gauthier-Villars dans l’entreprise77. Il est cependant contrebalancé par le faible nombre de pages des ouvrages, qui permettait de réduire les coûts de production. Il faut noter, d’ailleurs, que les livres de la collection Borel étaient imprimés sur un type de papier différent – probablement moins cher – de celui qu’on utilisait pour des livres prestigieux comme les œuvres complètes de grands mathématiciens. Ainsi, plus de la moitié des titres publiés avant 1914 coûtent 3,50 francs, les autres s’échelonnant entre 3,75 francs et 6,50 francs78.
- 79 Lettre de Blumenthal à Borel, 23 avril 1912, Arch. Ac. sc., 44 J, M 027.
- 80 Lettre de Lebesgue à Borel, 15 avril 1910, Arch. Ac. sc., 44 J, L 136.
37S’il est impossible d’avoir une vue d’ensemble des ventes effectivement réalisées, les quelques informations dont nous disposons à ce sujet montrent que la collection Borel n’a pas été un énorme succès de librairie : 58 exemplaires du livre de Blumenthal ont été vendus en 191179 ; celui de Lebesgue sur l’intégration s’est vendu à 77 exemplaires en 1908, 96 en 1909, et son second ouvrage sur les séries trigonométriques à 89 exemplaires en 1907, 73 en 1908 et 75 en 190980. Toutefois, la réédition entre 1920 et 1936 d’environ le tiers des ouvrages publiés avant 1914 montre que, dans l’ensemble et sur le long terme, la collection Borel n’a probablement pas été un échec commercial.
- 81 Lettre de Lebesgue à Borel, 30 septembre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, L 125.
- 82 Lettre de Lebesgue à Borel, 4 janvier 1902, Arch. Ac. sc., 44 J, L 004.
- 83 Lettre de Lebesgue à Borel, 21 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 041.
- 84 Lettre de Blumenthal à Borel, 24 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 022.
38L’arrangement financier entre les parties est également établi dans ce document : les frais de fabrication sont à la charge de Gauthier-Villars, qui décide aussi du prix de vente ; les enseignants (qui signent l’ouvrage) touchent 10 % de ce prix et versent le montant de leur choix à l’étudiant qui s’est chargé de la rédaction au moment de la sortie du livre. Le nombre d’exemplaires gratuits est précisé : 150 en tout, dont « 40 pour hommages d’auteur, 10 pour M. Borel, 50 pour hommages d’éditeur et 50 pour publicité ». Dans ces conditions, les motivations des auteurs pour publier leur cours n’étaient certainement pas financières. Lebesgue remarque d’ailleurs, sur un ton amusé, que « la collection de monographies ne [lui] paraît pas le moyen certain de faire fortune »81. De fait, un rapide calcul effectué sur les ouvrages publiés avant guerre montre que la vente du stock entier rapportait en moyenne 770 francs à l’auteur. À titre de comparaison, la publication d’une thèse coûtait 1 200 francs82, et l’on touchait 3 000 francs pour le cours Peccot de 20 heures83. L’intérêt pour les auteurs réside donc avant tout dans la possibilité qu’offrent de tels livres de faire vivre dans la durée un cours magistral éphémère par nature, mais aussi d’en tirer une forme de reconnaissance scientifique. Ainsi, Blumenthal plaide pour que le prix de la monographie qu’il a écrite soit le plus bas possible, expliquant que la collection « doit nombre de ses lecteurs précisément au prix modéré de ses livres » et que « tout le monde s’étonnerait à juste titre si [s]on livre était si cher sans aucune raison apparente et beaucoup, sans doute, ne l’achèteraient pas »84.
- 85 L’épreuve en placard est une version imprimée du manuscrit composée sans tenir compte de la mise e (...)
39Enfin, le contrat entre Gauthier-Villars et l’auteur définit le rôle du troisième intervenant, le directeur de collection. Le plan de l’ouvrage doit être approuvé par Borel avant la rédaction ; une fois celle-ci terminée, c’est lui qui reçoit les épreuves en placard pour les corriger et, éventuellement, les annoter85. La version définitive, en revanche, demeure sous la responsabilité de l’auteur. C’est donc une véritable caution scientifique qu’apporte Borel, puisqu’il est chargé de veiller à l’intérêt et à l’exactitude du texte de l’auteur. La charge de travail, comme nous allons le voir, est importante, et ceci pour un bénéfice entièrement symbolique, puisque Borel ne reçoit que dix exemplaires en guise de rétribution.
40Les termes du contrat et le rôle de chacun des intervenants étant précisés, il convient maintenant de nous tourner vers la mise en œuvre concrète d’un tel arrangement, autrement dit vers le travail intellectuel collectif qui consiste à passer d’une série de leçons professées à un ouvrage imprimé.
3 – Publier un cours : des pratiques et des contraintes de travail
- 86 Lettres de Volterra à Borel, 31 décembre 1908 et 18 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 373 et M (...)
41Notons d’abord que la nouveauté des contenus exposés dans les livres de la collection Borel et le fait que la plupart des leçons qui y correspondent aient été exposées à titre exceptionnel, lors des cours Peccot ou à l’occasion d’échanges universitaires, interdit d’y voir la transcription d’un enseignement routinier qui serait reconduit d’une année sur l’autre. Au contraire, il semblerait, au vu des sources disponibles, que le fait que le cours soit prévu et soit destiné à la publication incite les professeurs à produire de nouveaux savoirs pour l’occasion. Par exemple, c’est à la suite d’un accord passé avec Borel pour rédiger un livre sur l’inversion des intégrales, apparemment conclu au printemps 1908, que Volterra s’est mis à travailler sur ce sujet et qu’il a décidé d’en faire l’objet de son cours pour l’automne 190986.
42En conséquence, des différences peuvent survenir entre le cours prévu, le cours professé et le cours finalement écrit, et ce pour des raisons pédagogiques aussi bien que scientifiques. Ainsi Lebesgue, qui avait préparé une série de plusieurs applications pour son second cours Peccot, s’aperçoit en cours de route que « cela ferait beaucoup trop » et qu’il lui faudra couper ; il indique alors à Borel, avant même d’avoir terminé son cours :
- 87 Lettre de Lebesgue à Borel, 17 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 051.
« Je suivrai dans la rédaction ce que je fais en leçons ; ce sera assez élémentaire parce que, comme j’ai cette année des élèves de l’École, je vais à pas lents et furtifs »87.
43Dans ce cas, c’est donc le rythme plus lent imposé par le niveau des auditeurs qui a conduit l’enseignant à restreindre les contenus du cours, mais aussi à prévoir les mêmes suppressions dans le livre, puisque celui-ci s’adresse au même public. De même, Baire annonce à Borel, juste avant de commencer son cours Peccot et alors qu’il n’a « pas encore d’idées nettes sur [sa] première leçon » :
- 88 Lettre de Baire à Borel, 16 décembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, B 019.
« Je vois qu’un peu de bruit commence à se faire autour du transfini ; l’occasion ne serait pas mauvaise pour que j’essaye à mon tour de dire comment je le comprends, c’est ce que je tâcherai peut-être de faire dans mon cours »88.
- 89 La notion de « nombre transfini » a pour origine les recherches de Georg Cantor, qui a prouvé qu’i (...)
44Le thème des ensembles transfinis, qui semble presque avoir été improvisé en fonction de l’actualité mathématique, est finalement devenu le chapitre II des Leçons sur les fonctions discontinues de Baire89.
- 90 Lettre de Volterra à Borel, 18 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 374.
- 91 Lettre de Baire à Borel, 12 avril 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, B 021. Baire n’a cependant pas dû fai (...)
- 92 Lettre de Lebesgue à Borel, 18 juillet 1903 et avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément), Ar (...)
- 93 Le cours s’est terminé mi-juin (lettre de Lebesgue à Borel, 16 juin 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 6 (...)
45Dans ce contexte d’innovation, le manuscrit du livre n’est pas prêt à l’avance. Volterra indique que « la rédaction définitive aura lieu pendant le commencement du cours »90. Baire, quinze jours après la fin de son cours, écrit, quant à lui, pour prévenir qu’il n’a pas de nouvelles de Denjoy, son rédacteur, et qu’il attend « d’avoir dans les mains tout l’ensemble de [son] cours pour faire les modifications, la division en chapitres, l’introduction, etc. »91. Parfois, le travail de transformation du cours en monographie s’est avéré délicat : ainsi, la première version des Leçons sur l’intégration de Lebesgue a été livrée entre août et septembre 1903, peu de temps après la fin du cours, mais Borel et Lebesgue ont ensuite correspondu durant quatre mois avant de terminer l’ouvrage92 ; quant aux Leçons sur les séries trigonométriques, Lebesgue a mis environ cinq mois pour les rédiger, et il a encore fallu deux mois et demi de corrections et de discussions avec Borel avant que l’impression ne soit lancée93.
46De tels délais laissent présager que la transformation des leçons en livre ne relève pas du simple enregistrement écrit de ce qui a été dit à l’oral. Elle engage un travail intellectuel qui comporte plusieurs dimensions et nécessite la coordination des trois parties que sont l’auteur, le directeur de collection et l’éditeur.
- 94 Boutroux, par exemple remercie Borel « d’avoir bien voulu annoter » les épreuves et lui indique qu (...)
- 95 Lettre de Lebesgue à Borel, avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément) et 18 décembre 1905, A (...)
47Un premier aspect de ce travail porte sur la clarté du texte, qui doit désormais se suffire à lui-même. Borel discute les contenus du manuscrit ou des épreuves avec l’auteur et demande des suppressions, des précisions, des modifications dans le fond ou dans la forme. Les allers et retours des épreuves entre le directeur scientifique et l’auteur permettent ainsi d’améliorer la qualité et l’intelligibilité du texte94, mais aussi des contenus mathématiques : les relectures que fait Borel des ouvrages de Lebesgue visent à apporter des précisions mathématiques et bibliographiques sur certains points, à améliorer certaines démonstrations ou à clarifier certaines notions95. Le travail éditorial est donc le point de départ d’un véritable dialogue scientifique entre deux mathématiciens, qui nourrit les recherches de chacun d’entre eux et participe de fait à l’élaboration des nouveaux savoirs mathématiques.
48Un second aspect concerne l’articulation des différents volumes, tâche délicate dans un domaine en cours de constitution, où l’actualité de la recherche évolue très vite et où les auteurs s’intéressent tous aux mêmes questions. Ainsi, Lebesgue remarque à la réception du livre de Baire – sans doute un peu perfidement, les deux hommes étant brouillés pour une question de rivalité au Collège de France :
- 96 Lettre de Lebesgue à Borel, 11 octobre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 042.
« Qu’est ce que le lecteur va trouver qui ne se trouve ni dans vos livres, y compris le dernier, ni dans la note de mon livre ; c’est là peut-être l’inconvénient de publier les ouvrages de la collection avec trop peu d’intervalle pour qu’on soit sûr d’éviter les trop grandes répétitions »96.
49Pour autant, si la cohabitation de jeunes auteurs travaillant sur des thèmes similaires est clairement une source de tensions, elle présente l’avantage de renforcer à la fois la collection et le nouveau domaine qu’est alors la théorie moderne des fonctions.
- 97 Lettre de Lebesgue à Borel, 29 janvier 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 053.
- 98 Lettre de Lebesgue à Borel, 4 mars 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 058.
50D’une part, les recoupements des ouvrages sur certains points, en garantissant l’indépendance de chacun d’entre eux vis-à-vis des autres, permettent aux lecteurs d’accéder plus facilement à ce champ de recherches, puisqu’on peut se former à la nouvelle théorie des fonctions en achetant un minimum de livres. Comme le remarque Lebesgue dès 1905, « peut-être certains […] clients cesseront d’acheter les livres s’ils doivent en acheter plusieurs à la fois »97. De plus, les étudiants ont le choix entre plusieurs modes d’exposition pour une même notion, ce qui facilite l’apprentissage. Ainsi, lorsque Lebesgue s’aperçoit que le livre sur les séries trigonométriques qu’il est en train de rédiger a des parties communes avec celui de Lindelöf, il décide tout de même d’en traiter certaines car, selon lui, « le Lindelöf est […] trop inutilement compliqué et général »98. De la même manière, même s’il déplore la proximité entre le livre de Baire et ceux qui ont déjà paru, Lebesgue se trouve bien obligé de reconnaître que :
- 99 Lebesque fait ici référence à R. Baire, Leçons sur les fonctions discontinues, op. cit., et à la n (...)
- 100 Lettre de Lebesgue à Borel, 13 octobre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 043.
« Il est évident qu’entre le livre de Baire et [sa] note99, par exemple, c’est le livre de Baire qu’on choisira pour apprendre ces questions. Ne serait-ce que parce qu’il a la bonne idée de procéder par échelons […] et de faire précéder l’étude du cas général, qui suffit au point de vue logique, de l’étude des cas particuliers, indispensables pour la compréhension »100.
- 101 Par exemple, Borel ayant remarqué la proximité entre deux démonstrations, figurant respectivement (...)
- 102 Ainsi, les épreuves des Leçons sur les fonctions de variables réelles et les développements en sér (...)
- 103 L’édition constitue ainsi une autre dimension de l’approche sociologique de la nouvelle théorie de (...)
51D’autre part, la proximité des contenus implique que soit mise en place une forme de travail collectif sur la collection : il faut s’assurer de la cohérence scientifique des volumes à paraître par le biais des inter-citations, mais aussi prévenir les conflits de priorité que la parution rapprochée de monographies portant sur des thèmes proches pouvait entraîner101. Pour cela, le travail éditorial procède en fait d’un partage des relectures entre le directeur et les différents auteurs, qui assure la qualité de l’expertise scientifique102. La collection de monographies permet donc de structurer un domaine mathématique élaboré collectivement, entre le monde de l’enseignement et le monde de la recherche, tout en lui offrant une véritable vitrine103.
- 104 L’éditeur avait même demandé à Borel de ralentir le rythme des publications en 1905 (Lettre de Gau (...)
- 105 Lindelöf a ainsi été obligé de renégocier son contrat en renonçant à une partie de ses droits d’au (...)
- 106 Sur ce point : lettre de Blumenthal à Borel, 24 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 022.
- 107 Lettre de Lebesgue à Borel, 29 novembre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 077.
52Enfin, le dernier aspect du travail de fabrication du cours imprimé consiste à gérer les contraintes matérielles. Si Gauthier-Villars était peu regardant sur les retards de livraison des manuscrits104, il s’est avéré bien plus intraitable sur la longueur des livres105. Le problème n’est pas simplement financier, puisque l’éditeur, libre de fixer les prix, peut rentrer dans ses frais en augmentant le tarif des ouvrages106. En fait, il s’agit davantage de trouver un compromis entre le nombre de pages, qui conditionne l’investissement financier, mais aussi l’investissement intellectuel du lecteur, et l’intelligibilité de l’ouvrage, qui doit rester accessible aux étudiants et ne peut donc se permettre de faire l’impasse sur les pré-requis. Autrement dit, comme le résume très bien Lebesgue, « c’est très beau d’enfermer beaucoup de choses en peu de pages mais il faudrait cependant que le lecteur puisse sortir ces choses des pages »107.
- 108 Lettre de Boutroux à Borel, 7 octobre 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M 035 ; lettre de Blumenthal à Bo (...)
- 109 Lettre de Lebesgue à Borel, 25 novembre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 074.
- 110 Lettre de Lebesgue à Borel, avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément), Arch. Ac. sc., 44 J, (...)
- 111 Lettre de Lebesgue à Borel, 23 octobre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, L 013.
53Dans ce contexte, il semblerait que ce soient les qualités pédagogiques des monographies qui aient primé malgré tout. En effet, le livre de Boutroux s’est avéré beaucoup trop long, mais l’augmentation du prix de vente a été préférée à la diminution des pages, peut-être parce qu’il était dans ce cas nécessaire de revenir sur des définitions et des exemples élémentaires afin que le propos soit mieux compris108. À l’inverse, Lebesgue a complètement réécrit un chapitre de son second livre afin de gagner « en longueur, en simplicité et en clarté »109. De même, les coupes réalisées dans son premier ouvrage ont conduit Lebesgue à supprimer « tout ce qu’il y avait de nouveau […] comme fond »110 : par rapport au cours Peccot, il a renoncé à la seconde note qu’il avait prévue, renvoyant pour cela à sa thèse, et s’est résigné à essayer de publier sur un autre support une partie des résultats inédits qu’il comptait présenter111. Ainsi, les contraintes matérielles de longueur ont rapproché cet ouvrage d’un manuel, et l’ont éloigné d’un mémoire de recherche. De fait, les conditions imposées par la maison d’édition ne sont pas sans conséquences sur les contenus, mais aussi sur la nature même du livre : elles ont contribué, de manière indirecte, au respect du cahier des charges de la « conception de l’enseignement » défendue par Borel.
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- 112 Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons ainsi relevé des comptes rendus dans un journal savant (...)
54La collection de monographies sur la théorie des fonctions est tout à la fois l’organe d’un réseau de mathématiciens animé par Borel et une série de livres au carrefour de l’enseignement et de la recherche, issus pour beaucoup de cours magistraux professés une seule fois. Les aspects scientifiques, pédagogiques et éditoriaux de l’entreprise s’avèrent de ce fait intrinsèquement liés, et c’est sans doute sur cela que s’est joué son succès. En effet, si l’on se réfère aux comptes rendus relatifs aux différents volumes, les auteurs de la collection n’ont pas trouvé un, mais des publics : celui des étudiants, mais aussi celui des enseignants et celui des mathématiciens, en France et à l’étranger112. Les qualités scientifiques et pédagogiques n’ont donc pas été sacrifiées les unes aux autres, du moins jusque dans les années 1920, moment à partir duquel les livres de la collection s’adressent davantage à un public de spécialistes. En tant que vecteur matériel de la promotion d’un domaine de recherche qui s’élabore dans un dialogue continu avec l’enseignement, la collection Borel est finalement parvenue à instituer la théorie « moderne » des fonctions en discipline : une chaire a été créée à la Sorbonne en 1909 (et attribuée à Borel), un réseau de mathématiciens et de doctorants s’est structuré autour du projet de collection, notamment grâce aux enseignements reçus directement lors des cours magistraux et, finalement, un public bien plus large que celui des seuls spécialistes a été conquis par l’intermédiaire des livres proprement dits. On est bien loin, on le voit, du cliché d’un enseignement magistral répétitif, solitaire et routinier, dont la version imprimée serait un reflet parfaitement fidèle.
Notes
1 Étienne Bézout, Cours de mathématiques à l’usage des gardes du pavillon et de la marine, Paris, Musier, 1767-1769 ; id., Cours de mathématiques à l’usage du corps royal d’artillerie, Paris, Imprimerie nationale, 1770-1772. Sur ce mathématicien, on pourra consulter : Pierre Lamandé, « Les manuels de Bézout », Rivista di storia della scienza, n° 4, 1987, p. 339-375 ; Liliane Alfonsi, Étienne Bézout. mathématicien, académicien et professeur des Lumières, thèse de doctorat, Université Paris 6, 2005.
2 Bruno Belhoste, La formation d’une technocratie. L’École polytechnique et ses élèves de la Révolution au Second Empire, Paris, Belin, 2003, p. 185-187.
3 Selon le Catalogue annuel de la librairie française de 1893, le second tome du Traité d’analyse de Picard coûtait 15 F. La même source nous apprend qu’en 1894 la seconde édition du tome II du Cours d’analyse de l’École polytechnique de Jordan coûtait 17 F.
4 Pour ne citer que quelques exemples, notons que le Cours de calcul différentiel et intégral de Joseph-Alfred Serret, publié en 1868, en était ainsi à sa 6e édition en 1900 et que le Cours d’analyse de l’École polytechnique de Charles Sturm, publié par le prédécesseur de Gauthier-Villars, Mallet-Bachelier, en 1847, connaît sa 11e édition en 1897, plus de 40 ans après la mort de l’auteur. La sortie du premier tome du Traité d’analyse d’Émile Picard (1891) a été saluée par un long compte rendu dans le Bulletin des sciences mathématiques, comme une œuvre « importante et nécessaire » que Picard était « désigné » pour écrire (t. XVI, 1892, 1ère partie, p. 81-92).
5 Le premier livre de la collection coûte 3,50 F au moment de sa parution, soit quatre à cinq fois moins cher que l’un des tomes du cours de Picard.
6 Émile Borel, Leçons sur les fonctions entières, Paris, Gauthier-Villars, 1900, p. V.
7 Ibid.
8 Cette nouvelle théorie des fonctions se caractérise par l’usage de nouveaux outils, provenant de la théorie des ensembles mise en place par Cantor, et par l’intérêt pour de nouveaux objets, en particulier certaines fonctions présentant des « bizarreries » mathématiques. Sur ce point, et pour plus de détails sur les contenus mathématiques des ouvrages : Hélène Gispert, « La théorie des ensembles en France avant la crise de 1905 : Baire, Borel, Lebesgue… et tous les autres », Revue d’histoire des mathématiques, n° 1, 1995, p. 39-81 ; id., « La France mathématique. La Société mathématique de France (1870-1914) », Cahiers d’histoire et de philosophie des sciences, 1991, p. 113-136.
9 Nous reprenons ici à notre compte la distinction établie par Annie Bruter dans « Le cours magistral comme objet d’histoire », Histoire de l’éducation, n° 120, 2008, p. 5-32 (en particulier p. 16-26).
10 La question de la transmission orale des savoirs est encore un thème de recherche peu exploré ; il convient toutefois de signaler le livre de Françoise Waquet, Parler comme un livre. L’oralité et le savoir (XVIe-XXe siècle), Paris, Albin Michel, 2003, ainsi que le n° 120 de la revue Histoire de l’éducation (Le cours magistral, XVe-XXe siècle. I. Publics et savoirs), dirigé par Annie Bruter et auquel le présent numéro fait suite.
11 L’histoire de l’édition scolaire aux XIXe et XXesiècles est aujourd’hui mieux connue notamment grâce aux travaux de Jean-Yves Mollier (voir en particulier : « Le manuel scolaire et la bibliothèque du peuple », Romantisme, n° 23, 1993, p. 79-93 ; Louis Hachette, Paris, Fayard, 1999 ; « Diffuser les connaissances au XIXe siècle, un exercice délicat », Romantisme, n° 108, 2000, p. 91-101) et d’Alain Choppin (en particulier : « Le livre scolaire », in Henri-Jean Martin, Roger Chartier (éd.), Histoire de l’édition française, t. 4 : Le livre concurrencé (1900-1950), Paris, Promodis, 1986, p. 281-306 ; « Le manuel scolaire, une fausse évidence historique », Histoire de l’éducation, n° 117, 2008, p. 7-57). L’histoire de l’édition scientifique a été étudiée par Valérie Tesnière (« L’édition universitaire », in Henri-Jean Martin, Roger Chartier (éd.), Histoire de l’édition française, t. 3 : Le temps des éditeurs, du romantisme à la Belle époque, Paris, Promodis, 1985, p. 216-227 ; « Le livre de science en France au XIXe siècle », Romantisme, vol. 23, n° 80, 1993, p. 67-77 ; Le Quadrige. Un siècle d’édition universitaire, 1860-1968, Paris, Presses universitaires de France, 2001). Elle reste néanmoins très peu connue en ce qui concerne les mathématiques.
12 Si la collection Borel en tant que telle n’a pas attiré l’attention des historiens des mathématiques jusqu’ici, le domaine mathématique auquel elle se consacre a été étudié, par exemple, par A. F. Monna, « The concept of function in the 19 th and 20 th centuries, in particular with regard to the discussion between Baire, Borel and Lebesgue », Archive for History of Exact Sciences, vol. 9, n° 1, 1972, p. 57-84, et par Hélène Gispert, « La théorie des ensembles en France avant la crise de 1905… », art. cit. Parmi les publications récentes, on pourra consulter : Thomas Hochkirchen, « Theory of measure and of integration from Riemann to Lebesgue », in Hans Niels Jahnke (éd.), A History of Analysis, Providence, American Mathematical Society, 2003, p. 261-290.
13 Fonds Émile Borel, Archives de l’Académie des sciences, 44 J (désormais Arch. Ac. Sc.). Une partie de cette correspondance a été publiée par Pierre Dugac : René Baire, « Lettres de René Baire à Émile Borel », Cahier du séminaire d’histoire des mathématiques, t. 11, 1990, p. 33-120 ; Henri Lebesgue, « Lettre de Lebesgue à Borel », Cahier du séminaire d’histoire des mathématiques, t. XII, 1991, p. 1-507 ; Henri Lebesgue, Les lendemains de l’intégrale : lettres à Émile Borel, éditées par Bernard Bru et Pierre Dugac, Paris, Vuibert, 2004.
14 Émile Borel, Leçons sur la théorie des fonctions. Éléments de la théorie des ensembles et applications, Paris, Gauthier-Villars, 1898.
15 Henri Poincaré, Leçons sur la théorie de l’élasticité, rédigées par MM. Émile Borel et Jules Drach, Paris, G. Carré, 1892 ; Émile Borel, Jules Drach, Introduction à l’étude de la théorie des nombres et de l’algèbre supérieure, Paris, Nony, 1895.
16 É. Borel, Leçons sur les fonctions entières…, op. cit., p. V.
17 Émile Borel, Leçons sur les fonctions mésomorphes, Paris, Gauthier-Villars, 1903, p. V.
18 Émile Borel, Leçons sur les séries divergentes, Paris, Gauthier-Villars, 1901, p. V.
19 É. Borel, Leçons sur la théorie des fonctions…, op. cit., p. VIII.
20 É. Borel, Leçons sur les fonctions mésomorphes, op. cit., p. VI.
21 Lettre de Volterra à Borel, 5 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 372.
22 Lettre de Mittag-Leffler à Borel, 26 novembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J M 207 ; lettre de Lindelöf à Borel, 9 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 233.
23 Lettre de von Koch à Borel, 4 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 158.
24 Voir les introductions de : Henri Lebesgue, Leçons sur l’intégration et la recherche des fonctions primitives, Paris, Gauthier-Villars, 1904 ; René Baire, Leçons sur les fonctions discontinues, Paris, Gauthier-Villars, 1905 ; Paul Dienes, Leçons sur les singularités des fonctions analytiques, Paris, Gauthier-Villars, 1913 ; Paul Montel, Leçons sur les séries de polynômes à une variable complexe, Paris, Gauthier-Villars, 1910 ; Ludovic Zoretti, Leçons sur le prolongement analytique, Paris, Gauthier-Villars, 1911.
25 Lettre de Boutroux à Borel, 7 octobre 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M 035, à propos de Pierre Boutroux, Leçons sur les fonctions définies par les équations différentielles du premier ordre, Paris, Gauthier-Villars, 1908.
26 H. Lebesgue, Leçons sur l’intégration…, op. cit., p. VII ; P. Montel, op cit., p. V ; Otto Blumenthal, Principes de la théorie des fonctions entières d’ordre infini, Paris, Gauthier-Villars, 1910, p. V ; Vito Volterra, Leçons sur les fonctions de lignes, Paris, Gauthier-Villars, 1913, p. V.
27 L. Zoretti, op. cit., p. V. Cette idée selon laquelle la monographie constitue une introduction et une initiation à mener des recherches est également exprimée, plus succinctement, dans les ouvrages de E. Lindelöf (op. cit.), de Frédéric Riesz (Les systèmes d’équations linéaires à une infinité d’inconnues, Paris, Gauthier-Villars, 1913), de Maxime Bôcher (Leçons sur les méthodes de Sturm dans la théorie des équations différentielles linéaires et leurs développements modernes, Paris, Gauthier-Villars, 1917) ou encore de Sergeï Bernstein (Leçons sur les propriétés extrémales et la meilleure approximation des fonctions analytiques d’une variable réelle, Paris, Gauthier-Villars, 1926).
28 On trouve ainsi de nombreux comptes rendus dans les Nouvelles annales de mathématiques, dans la revue belge Mathesis, dans le journal américain The American Gazette et dans l’organe de la commission internationale pour l’enseignement des mathématiques, L’enseignement mathématique. Notons cependant que la renommée des livres ne s’est pas limitée à ce milieu, puisque beaucoup ont également été recensés dans la presse mathématique « savante ».
29 L. Zoretti, op. cit. p. VI ; P. Dienes, op. cit., p. VIII.
30 Charles de La Vallée Poussin, Intégrales de Lebesgue, fonctions d’ensemble, classes de Baire, Paris, Gauthier-Villars, 1916, p. VII.
31 Les informations biographiques sur Borel sont tirées de Maurice Fréchet, « La vie et l’œuvre d’Émile Borel », L’enseignement mathématique, vol. 11, 1965, p. 1-95, et de Pierre Guiraidenq, Émile Borel, 1871-1956. L’espace et le temps d’une vie sur deux siècles, Paris, Blanchard, 1999.
32 Paul Painlevé (ENS 1883) a ainsi rédigé une note à la suite du livre de Borel, Leçons sur les fonctions de variables réelles et les développements en séries de polynômes, Paris, Gauthier-Villars, 1905. Jacques Hadamard (ENS 1884) a rédigé deux préfaces (Paul Lévy, Leçons d’analyse fonctionnelle, Paris, Gauthier-Villars, 1922 ; Vladimir Bernstein, Leçons sur les progrès récents de la théorie des séries de Dirichlet, Paris, Gauthier-Villars, 1933) et devait faire paraître une monographie sur les fonctions quasi-périodiques (annoncée en 1913 dans P. Dienes, op. cit., seconde de couverture). Pierre Cousin (ENS 1886) avait, quant à lui, prévu un livre intitulé Quelques principes fondamentaux des fonctions de plusieurs variables complexes, annoncé dans les premiers volumes de la collection mais qui n’a pas été publié ; il en va de même de la monographie que devait écrire Jules Drach (ENS 1889). Les jeunes normaliens qui ont écrit des livres dans la collection sont : Baire (ENS 1892), Lebesgue (ENS 1894), Montel (ENS 1894), Zoretti (ENS 1899), Fréchet (ENS 1900), Denjoy (ENS 1902), Giraud (ENS 1909) et Julia (ENS 1911).
33 Dubesset (ENS 1896) a aidé à la rédaction du second livre de Borel (Leçons sur les fonctions entières, Paris, Gauthier-Villars, 1900) ; il était prévu que Dauzats (ENS 1896) rédige le troisième (É. Borel, Leçons sur les séries divergentes, Paris, Gauthier-Villars, 1901). Vito Volterra a fait appel à Pérès (ENS 1908), qui avait fait un voyage d’études auprès de lui, pour rédiger les Leçons sur les fonctions de lignes (Paris, Gauthier-Villars, 1913), tandis que Julia a fait rédiger son livre par Paul Flamant (ENS 1913, agrégé-préparateur en 1923) pour son ouvrage Leçons sur les fonctions uniformes à point singulier essentiel isolé, Paris, Gauthier-Villars, 1924.
34 Il s’agit de : Henri Lebesgue, Leçons sur l’intégration, op. cit. ; id., Leçons sur les séries trigonométriques, Paris, Gauthier-Villars, 1906 ; R. Baire, op. cit. ; P. Boutroux, op. cit. ; L. Zoretti, op. cit. ; Georges Giraud, Leçons sur les fonctions automorphes, fonctions automorphes de « n » variables, fonctions de Poincaré, Paris, Gauthier-Villars, 1920 ; G. Julia, op. cit. ; Torsten Carleman, Les fonctions quasi analytiques, Paris, Gauthier-Villars 1926 ; Vladimir Bernstein, op. cit.
35 Sur l’intervention ou l’aide de Borel dans l’attribution du cours Peccot : lettres de Denjoy à Borel, 4 mai 1911, Arch. Ac. sc., 44 J, M 068 ; lettres de Baire à Borel, 4 février 1902 et 12 novembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, B 006 et B 018 ; lettres de Lebesgue à Borel, 7 février 1902 et 15 octobre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, L 006 et L 012. Sur les liens entre le cours Peccot et la publication d’une monographie : lettre de Boutroux à Borel, 4 août 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M. 032 ; lettres de Baire à Borel, 12 novembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, B 018 ; lettres de Lebesgue à Borel, 29 novembre 1903 et 21 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 014 et L 041.
36 Sur les échanges institutionnels entre universités : Christophe Charle, La République des universitaires (1870-1940), Paris, Seuil, 1994, p. 345-374 ; id., « Ambassadeurs ou chercheurs. Les relations internationales des professeurs de la Sorbonne sous la IIIeRépublique », Genèses, n° 14, 1994, p. 42-62. De nombreuses informations sur le cas de la Russie figurent dans : Serge S. Demidov, « Les relations mathématiques franco-russes entre les deux guerres mondiales », Revue d’histoire des sciences, t. 62, n° 1, 2009, p. 119-142. Les ouvrages correspondant sont : V. Volterra, op. cit. ; Ch. de La Vallée Poussin, Intégrales de Lebesgue, op. cit. ; id., Leçons sur l’approximation des fonctions d’une variable réelle, Paris, Gauthier-Villars, 1919 ; S. Bernstein, op. cit. ; Nikolaï Luzin, Leçons sur les ensembles analytiques et leurs applications, Paris, Gauthier-Villars, 1930 ; Simion Stoilow, Leçons sur les principes topologiques de la théorie des fonctions analytiques, Paris, Gauthier-Villars, 1938 ; Szolem Mandelbrojt, Séries de Fourier et classes quasi-analytiques de fonctions, Paris, Gauthier-Villars, 1935 ; id., Séries adhérentes, régularisation des suites, applications, Paris, Gauthier-Villars, 1952.
37 Le rapport sur la thèse de Borel, rédigé par Henri Poincaré, est conservé aux Archives nationales (AJ 16 5535) et reproduit dans H. Gispert, La France mathématique…, op. cit., p. 360-361.
38 C. Charle, La République des universitaires, op. cit, p. 135-186.
39 Camille Marbo, À travers deux siècles. Souvenirs et rencontres (1883-1967), 1968, Paris, Grasset, p. 19.
40 Sur cette famille : Martin Zerner, « Le règne de Joseph Bertrand (1874-1900) », in H. Gispert, La France mathématique…, op. cit., p. 299-322 ; Christophe Charle, Les élites de la république, 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, p. 297. Sur la question plus générale du recrutement des universitaires à cette époque : id., « Le champ universitaire parisien à la fin du XIXe siècle », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 47, n° 47-48, 1983, p. 77-89 et id., « Les professeurs des facultés des sciences en France : une comparaison Paris-Province (1880-1900) », Revue d’histoire des sciences, t. 43, n° 4, 1990, p. 427-450.
41 Sur les congrès internationaux des mathématiciens : José M. Sánchez-Ron, « From the private to the public: The road from Zürich (1897) to Madrid (2006) », Proceedings of the International Congress of Mathematicians, Madrid, Spain, 2006, European Mathematical Society, 2007, p. 777-793. Plus généralement, sur l’explosion des congrès internationaux durant cette période : Anne Rasmussen, L’internationale scientifique (1890-1914), thèse de doctorat, EHESS, 2005 (2 vol.).
42 C. Marbo, op. cit., p. 123 et p. 172.
43 Ibid., p. 208.
44 Ibid., p. 242-248. Certains de ces livres sont issus de cours professés, à la Sorbonne, où ces professeurs avaient été invités. Les voyages, les cours et les ouvrages de la collection apparaissent ainsi comme les diverses modalités à travers lesquelles fonctionne ce « réseau Borel » en Scandinavie. Voir T. Carleman, op. cit. ; Tommy Bonnesen, Les problèmes des isopérimètres et des isépiphanes, Paris, Gauthier-Villars, 1929 ; Rolf Nevanlinna, Le théorème de Picard-Borel et la théorie des fonctions méromorphes, Paris, Gauthier-Villars, 1929; Niels Nørlund, Leçons sur les séries d’interpolation, Paris, Gauthier-Villars, 1926 ; id., Leçons sur les équations linéaires aux différences finies, Paris, Gauthier-Villars, 1929.
45 H. Gispert, « La théorie des ensembles en France… », op. cit., p. 64-67.
46 É. Borel, Leçons sur la théorie des fonctions…, op. cit., p. VII-VIII.
47 P. Boutroux, op. cit., 2e de couverture.
48 Paul Montel, Leçons sur les séries de polynômes à une variable complexe, Paris, Gauthier-Villars, 1910, p. VI.
49 Cette citation est extraite de Gustav Elfing, The History of Mathematics in Finland 1828-1918, Helsinki,Societas Scientarum Fennica, 1981,p. 138. Voir également les lettres de Lindelöf à Borel, Arch. Ac. sc., 44 J, M 192 et M 194.
50 Lettre de Volterra à Borel, 5 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 372.
51 Lettre de Lindelöf à Borel, 20 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 209.
52 Lettre de Cousin à Borel, 17 novembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, M 051.
53 R. Baire, op. cit., 2e de couverture ; P. Montel, op. cit, introduction.
54 Au XIXe siècle, l’analysis situs est la branche des mathématiques qui étudie les propriétés qualitatives des figures géométriques et, plus généralement, la forme des objets mathématiques, sans considération de leur grandeur.
55 Lettres de Lebesgue à Borel, 15 août 1904 et 21 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 037 et L 041 ; P. Montel, op. cit., 2e de couverture. Le livre finalement publié est : Solomon Lefschetz, L’« Analysis situs » et la géométrie algébrique, Paris, Gauthier-Villars, 1924.
56 Ce sujet est évoqué dans la lettre de Volterra à Borel du 4 décembre 1911 (Arch. Ac. sc., 44 J, M 377) et dans celle de Baire à Borel du 17 septembre 1904 (Arch. Ac. sc., 44 J, B 026). La lettre de Julia à Borel du 19 mai 1917 (Arch. Ac. sc., 44 J, M 153) montre que le travail de celui-ci ne se limitait pas à la mise en forme, mais qu’il faisait également à Borel des suggestions sur le fond. Sur ce point, voir également la lettre de Baire à Borel, 17 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, B 026.
57 Lettre de Lebesgue à Borel, 10 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 049.
58 Cette étude de cas met ainsi en lumière une dimension peu explorée de cette relation complexe entre professeur et étudiant, au cours de la formation à la recherche, qui a été étudiée de manière plus générale par Françoise Waquet dans Les enfants de Socrate. Filiation intellectuelle et transmission du savoir, XVIIe-XXe siècle, Paris, Albin Michel, 2008.
59 Lettres de Baire à Borel, 9 novembre 1904 et 13 novembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, B 032 et B 033. Sur ce point, voir également le témoignage de Denjoy, recueilli par Pierre Dugac et évoqué dans : Pierre Dugac, « Notes et documents sur la vie et l’œuvre de René Baire », Archive for History of Exact Sciences, vol. 15, 1976, p. 297-383 ; Pérès avait effectué un voyage d’études auprès de Volterra, avant même de rédiger ses Leçons sur les fonctions de lignes. Les deux hommes ont ensuite collaboré régulièrement, et écrit ensemble un volume de la collection Borel : Vito Volterra, Joseph Pérès, Leçons sur la composition et les fonctions permutables, Paris, Gauthier-Villars, 1924.
60 Lettre de Lebesgue à Borel, 17 février 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 027. De même, Denjoy a reçu l’ouvrage de Blumenthal (lettre de Blumenthal à Borel, 24 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 022) et Zoretti le second livre de Lebesgue (lettre de Lebesgue à Borel, 14 mars 1906, Arch. Ac. sc., 44 J, L 087).
61 Friedrich Riesz, « L’évolution de la notion d’intégrale depuis Lebesgue », Annales de l’Institut Fourier, t. 1, 1949, p. 29-42.
62 Szolem Mandelbrojt, « Souvenirs à bâtons rompus de Szolem Mandelbrojt, recueillis en 1970 et préparés par Benoît Mandelbrojt », Cahiers du séminaire d’histoire des mathématiques, t. VI, 1985, p. 1-46, voir en particulier p. 4-5.
63 Après la guerre, Borel s’est engagé en politique : il a été député de 1924 à 1936, et nommé ministre de la Marine en 1925 ; il a également pris des responsabilités dans le monde universitaire (création de l’Institut de statistiques de la ville de Paris en 1922, de l’Institut Henri Poincaré en 1928, présidence de la confédération des travailleurs intellectuels en 1923-1924). Ses recherches ont pris un nouveau tournant, et ont délaissé la théorie des fonctions au profit de la théorie des jeux.
64 L’un des rapports du dossier de Gauthier-Villars (Archives nationales, F/18/1767) précise en effet que son « inexpérience » sera suppléée par « son intelligence et son instruction » et « qu’il sera assisté de M. Manière, qui dirigera les travaux de l’imprimerie et qui était attaché à la maison Mallet depuis plusieurs années comme compositeur ». Il n’y a pas d’étude historique concernant cette maison d’édition. À défaut, on pourra consulter : Pierre Faucheux, Éditions Gauthier-Villars. 1864-1964, Paris, Gauthier-Villars, 1964. Plus généralement, sur l’édition scientifique au XIXe et début du XXe siècle : Valérie Tesnière, « Le livre de science en France au XIXesiècle », art. cit. ; id., « L’édition universitaire », art. cit ; Jean-Yves Mollier, « Diffuser les connaissances au XIXe siècle. Un exercice délicat », art. cit.
65 Verhandlungen des ersten internationalen Mathematiker-Kongresses in Zürich vom 9 bis 11 August 1897, Leipzig, Teubner, 1898,p. 68 ; Séance du 7 février 1898, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, t. 126, 1898, p. 453-454. Les liens noués avec le milieu des mathématiciens ne dataient pas de la fin du siècle : Jean-Albert Gauthier-Villars faisait déjà partie des membres de la Société mathématique de France à sa création, en 1872 (voir Bulletin de la Société mathématique de France, t. 1, 1872-1873, p. 6).
66 Sur ce point, voir par exemple l’extrait de la Revue des industries du livre de 1898, cité dans Norbert Verdier, Le Journal de Liouville et la presse de son temps : une entreprise d’édition et de circulation des mathématiques au XIXe siècle (1824-1885), thèse de doctorat, université Paris 11, 2009, p. 360.
67 Un fonds d’archives est conservé à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), mais n’a pas encore été traité.
68 Borel a reçu le Grand prix de mathématiques en 1898, le prix Poncelet en 1901 et le prix Vaillant en 1904 (Louis de Broglie, Notice sur la vie et l’œuvre d’Émile Borel, Paris, Institut de France, 1957, p. 4).
69 Sur ce point, voir par exemple : Isabelle Olivero, L’invention de la collection. De la diffusion de la littérature et des savoirs à la formation du citoyen du XIXe siècle, Paris, IMEC/MSH, 1999 ; Élisabeth Parinet, Une histoire de l’édition à l’époque contemporaine, XIXe-XXe siècle, Seuil, coll. « Points histoire », 2004, p. 321-326, et V. Tesnière, Le Quadrige…, op. cit. Sur « Scientia » : Benoît Lelong, « Paul Villard, J. J. Thomson and the composition of the cathode rays », in Jed Buchwald, Andrew Warwick, Histories of the Electron. The Birth of Microphysics, Massachusetts Institute of Technology Press, 2001, p. 135-170.
70 Sur l’augmentation des effectifs des Facultés de sciences à la fin du XIXe siècle : Pierre Moulinier, La naissance de l’étudiant moderne (XIXe siècle), Paris, Belin, 2002, p. 134-146. Il n’y a pas à ce jour d’étude consacrée à Hermann et Vuibert. La maison Hermann, fondée en 1876, concurrence Gauthier-Villars dans le domaine des thèses comme dans celui des monographies scientifiques (elle publie à la fin du siècle des livres de Pierre Duhem, et la traduction d’un livre de Cantor) et des cours et leçons (son catalogue comprend notamment les cours d’Hermite, de Goursat, de Painlevé, etc.). La librairie Nony-Vuibert a été fondée en 1877. Elle publie essentiellement des annales (baccalauréat, concours, licence, agrégation), des programmes et des manuels pour l’enseignement secondaire, mais s’aventure parfois vers le marché universitaire. Parmi les exemples célèbres, on peut citer la publication de la thèse d’Élie Cartan (1894), celle du manuel de théorie des nombres et d’algèbre de Borel et Drach (1895) ou une petite monographie de René Baire sur les nombres irrationnels (1905).
71 N. Verdier, op. cit., p. 358-359.
72 Harry W. Paul, From Knowledge to power. The Rise of the Science Empire in France, 1860-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 252-253 (voir aussi Archives nationales, F 17 3247 sur la publication des œuvres de Lagrange).
73 La première édition a été publiée en 1898, la seconde au début de l’année 1914.
74 Lettre de Lebesgue à Borel, 29 janvier 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 053.
75 Lettre de Forsyth à Borel, 11 novembre 1904, Arch Ac. sc., 44 J, M 104 ; lettre de Coar à Borel, 29 août 1900, Arch. Ac. sc., 44J , M 49 ; lettre de Schwott à Borel, 20 août 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, M 334. Il semblerait que le projet ne ce soit pas concrétisé : nous n’avons trouvé aucune trace d’un tel ouvrage dans le catalogue de la Bibliothèque du Congrès (Washington, DC).
76 Ce document est joint à la lettre de Blumenthal à Borel du 14 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 011. La présence de pointillés à compléter pour les noms de l’auteur, du rédacteur et pour le titre, ainsi que l’inadaptation de ce document à la situation de Blumenthal (celui-ci a rédigé son livre lui-même) montre qu’il s’agit d’un contrat-type. En outre, des allusions sont faites au contrat passé avec Gauthier-Villars dans d’autres extraits de la correspondance de Borel (lettre de Julia à Borel, Arch. Ac. sc., 44 J, M 145 ; lettre de Lindelöf à Borel, 30 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 209 ; lettre de Lebesgue à Borel, 19 octobre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 071).
77 À titre de comparaison, notons que La science et l’hypothèse, ouvrage d’un auteur prestigieux (Henri Poincaré) et s’adressant à un public a priori bien plus large, a été initialement tiré en 1902 à environ 1 600 exemplaires (Valérie Tesnière, Le Quadrige…, op. cit.,p. 177).
78 Nous avons mentionné les prix des traités de Jordan et Picard dans la note 3. Les prix de la collection Borel sont du même ordre de grandeur que ceux des thèses vendues par Gauthier-Villars (voir Catalogue général de la librairie française, table des matières des tomes XXI et XXII, 1906-1909, entrée « analyse »).
79 Lettre de Blumenthal à Borel, 23 avril 1912, Arch. Ac. sc., 44 J, M 027.
80 Lettre de Lebesgue à Borel, 15 avril 1910, Arch. Ac. sc., 44 J, L 136.
81 Lettre de Lebesgue à Borel, 30 septembre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, L 125.
82 Lettre de Lebesgue à Borel, 4 janvier 1902, Arch. Ac. sc., 44 J, L 004.
83 Lettre de Lebesgue à Borel, 21 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 041.
84 Lettre de Blumenthal à Borel, 24 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 022.
85 L’épreuve en placard est une version imprimée du manuscrit composée sans tenir compte de la mise en page.
86 Lettres de Volterra à Borel, 31 décembre 1908 et 18 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 373 et M 374.
87 Lettre de Lebesgue à Borel, 17 décembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 051.
88 Lettre de Baire à Borel, 16 décembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, B 019.
89 La notion de « nombre transfini » a pour origine les recherches de Georg Cantor, qui a prouvé qu’il y avait plusieurs « sortes » d’infinis en mathématiques (celui de l’ensemble des nombres entiers n’est pas le même que celui de l’ensemble des nombres réels, par exemple). Cantor a utilisé le terme de « transfini » pour se démarquer de la notion d’infini, qui avait alors des contours plus vagues.
90 Lettre de Volterra à Borel, 18 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 374.
91 Lettre de Baire à Borel, 12 avril 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, B 021. Baire n’a cependant pas dû faire de remaniements importants, puisqu’il lui a fallu moins de dix jours avant de renvoyer le manuscrit à Denjoy avec ces nouvelles indications et que le bon à tirer a été signé au début de l’automne (Lettres de Baire à Borel, 21 avril 1904, 17 septembre 1904 et 2 octobre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, B 022, B 026 et B 02).
92 Lettre de Lebesgue à Borel, 18 juillet 1903 et avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément), Arch. Ac. sc., 44 J, L 07 et L 08.
93 Le cours s’est terminé mi-juin (lettre de Lebesgue à Borel, 16 juin 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 65) et Lebesgue a envoyé le manuscrit à Borel mi-novembre (lettre de Lebesgue à Borel, 15 novembre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 072). Le 29 janvier 1906, Lebesgue annonce à Borel qu’il est sur le point de donner le bon à tirer (lettre de Lebesgue à Borel, Arch. Ac. sc., 44 J, L 082).
94 Boutroux, par exemple remercie Borel « d’avoir bien voulu annoter » les épreuves et lui indique qu’il va se conformer à ses conseils et « modifier en particulier [la] notation […] qui prêtait à confusion » (lettre de Boutroux à Borel, 2 octobre 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M 034).
95 Lettre de Lebesgue à Borel, avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément) et 18 décembre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 08 et L 79.
96 Lettre de Lebesgue à Borel, 11 octobre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 042.
97 Lettre de Lebesgue à Borel, 29 janvier 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 053.
98 Lettre de Lebesgue à Borel, 4 mars 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 058.
99 Lebesque fait ici référence à R. Baire, Leçons sur les fonctions discontinues, op. cit., et à la note qu’il a lui-même rédigée à la fin des Leçons sur les fonctions de variables réelles et les développements en séries de polynômes de Borel, op. cit..
100 Lettre de Lebesgue à Borel, 13 octobre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 043.
101 Par exemple, Borel ayant remarqué la proximité entre deux démonstrations, figurant respectivement sur les premières épreuves du livre de Lindelöf et sur celle de l’ouvrage de Lebesgue sur l’intégration, il a servi d’intermédiaire entre les deux hommes, et a notamment envoyé la partie correspondante des épreuves du premier au second (lettre de Lindelöf à Borel, 27 octobre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, M 199 ; lettre de Lebesgue à Borel, avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément), Arch. Ac. sc., 44 J, L 08). Cette question a ensuite fait l’objet de négociations (et de quelques tensions, comme le montre la lettre de Lebesgue à Borel, du 15 octobre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, L 012) entre Borel et Lebesgue, pour finalement être signalée dans la dernière note de l’ouvrage (lettre de Lebesgue à Borel, avant le 17 décembre 1903, non datée précisément, et 20 décembre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, L 016 et L 018). Par la suite, Borel a communiqué les dernières épreuves de l’ouvrage de Lindelöf à Lebesgue, qui l’a alors assisté dans sa tâche de relecteur scientifique (lettre de Lindelöf à Borel, 8 novembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 205).
102 Ainsi, les épreuves des Leçons sur les fonctions de variables réelles et les développements en série de polynômes de Borel, dans lesquelles Lebesgue a rédigé une note complémentaire, sont envoyées à ce dernier au fur et à mesure de leur impression ; Lebesgue se charge alors de la relecture scientifique, faisant part de ses objections ou remarques sur certains points, puis, dans un second temps, des corrections typographiques (lettres de Lebesgue à Borel, 1er juillet 1904, 5 août 1904, 17 août 1904, 26 août 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, L 033, L 035, L 038 et L 039). De même, Lebesgue a secondé Borel pour le livre Montel (P. Montel, op. cit., p. VI) et Painlevé a relu celui de Boutroux (lettre de Boutroux à Borel, 4 août 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M 32). Frédéric Riesz a, quant à lui, bénéficié des conseils de Fréchet, tandis que La Vallée Poussin a pu profiter des discussions soulevées par les corrections de Lebesgue et Montel (F. Riesz, op. cit,p. VI ;Ch. La Vallée Poussin, Intégrales de Lebesgue…, op. cit.,p. VIII).
103 L’édition constitue ainsi une autre dimension de l’approche sociologique de la nouvelle théorie des fonctions étudiée par Hélène Gispert, « Un exemple d’approche sociologique en histoire des mathématiques : l’analyse au XIXe siècle », in Raymond Boudon, Maurice Clavelin (dir.), Le relativisme est-il irrésistible ? Regards sur la sociologie des sciences, Paris, Presses universitaires de France, 1994, p. 211-220.
104 L’éditeur avait même demandé à Borel de ralentir le rythme des publications en 1905 (Lettre de Gauthier-Villars à Borel, 28 septembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 120). Le contrat passé entre Gauthier-Villars et les auteurs ne fixe pas de délai pour la remise du manuscrit ; certains livres ont ainsi été annoncés plusieurs années avant leur publication, comme celui de Blumenthal, annoncé dès 1905 et qui n’est paru qu’en 1910, ou le premier ouvrage de Volterra, annoncé en 1906 et publié en 1910.
105 Lindelöf a ainsi été obligé de renégocier son contrat en renonçant à une partie de ses droits d’auteurs, car il avait dépassé d’une quinzaine de pages la longueur prévue (lettre de Lindelöf à Borel, 15 mai 1904, 2 juillet 1904, 8 novembre 1904, Arch. Ac. sc., 44 J, M 202, M 203, M 205). De même, le premier livre de Lebesgue a dû être réduit de 13 pages (lettre de Lebesgue à Borel, avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément), Arch. Ac. sc., 44 J, L 08).
106 Sur ce point : lettre de Blumenthal à Borel, 24 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 022.
107 Lettre de Lebesgue à Borel, 29 novembre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 077.
108 Lettre de Boutroux à Borel, 7 octobre 1907, Arch. Ac. sc., 44 J, M 035 ; lettre de Blumenthal à Borel, 24 octobre 1909, Arch. Ac. sc., 44 J, M 022.
109 Lettre de Lebesgue à Borel, 25 novembre 1905, Arch. Ac. sc., 44 J, L 074.
110 Lettre de Lebesgue à Borel, avant le 3 octobre 1903 (non datée précisément), Arch. Ac. sc., 44 J, L 08.
111 Lettre de Lebesgue à Borel, 23 octobre 1903, Arch. Ac. sc., 44 J, L 013.
112 Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons ainsi relevé des comptes rendus dans un journal savant spécialisé (Bulletin des sciences mathématiques), une revue généraliste (Revue générale des sciences pures et appliquées), des journaux destinés aux étudiants (Nouvelles annales de mathématiques, Mathesis), aux professeurs et aux universitaires (L’Enseignement mathématique), mais aussi dans une publication américaine (Mathematical Gazette).
Top of pageReferences
Bibliographical reference
Caroline Ehrhardt, “Du cours magistral à l’entreprise éditoriale”, Histoire de l’éducation, 130 | 2011, 111-139.
Electronic reference
Caroline Ehrhardt, “Du cours magistral à l’entreprise éditoriale”, Histoire de l’éducation [Online], 130 | 2011, Online since 01 April 2013, connection on 04 November 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2333; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2333
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