LEGRAND (Guy), DELCAMBRE (Isabelle) (dir.), Textes officiels et école
LEGRAND (Guy), DELCAMBRE (Isabelle) (dir.), Textes officiels et école, Spirale, n° 42, 2008, 206 p.
Texte intégral
1Ce numéro de la revue Spirale, coordonné par Guy Legrand et Isabelle Delcambre, propose d’examiner la façon dont les textes officiels contribuent, dans le primaire et le secondaire, à la constitution des disciplines scolaires et à leurs évolutions. Quinze articles sont ainsi réunis, qui étudient sous cet angle plusieurs disciplines ou champs d’enseignement : le français (celui-ci s’y taille la part du lion, avec pas moins de sept articles), les sciences, les mathématiques, l’histoire, la technologie, l’éducation physique et sportive, le « fait religieux ». Dans leur majorité, les articles sont consacrés à l’enseignement français, mais certains d’entre eux proposent des incursions au-delà des frontières de la France métropolitaine : vers la Nouvelle-Calédonie, d’une part (un article), le Québec, d’autre part (trois articles). Les grilles d’analyse utilisées par les auteurs relèvent, quant à elles, bien davantage du champ de la didactique que de l’histoire des disciplines scolaires. La période la plus récente de l’histoire de l’enseignement, des années 1980 aux années 2000, est d’ailleurs très largement privilégiée, et seuls quelques auteurs s’aventurent dans des périodes plus anciennes.
2La publication est organisée en trois parties. La première examine l’évolution de disciplines déjà constituées à travers les modifications des programmes ou des instructions officielles. On y trouvera notamment un article synthétique présentant les transformations de l’enseignement du français à l’école primaire entre 1945 et 1972 (Marie-France Bishop) ; une étude sur la difficile intégration d’« activités physiques d’entretien et de développement de la personne » (de la musculation au yoga, en passant par le fitness) dans les programmes d’éducation physique et sportive au cours des années 1980-2000 (Yves Travaillot et Yves Moralès) ; une autre, fort éclairante, sur l’élaboration des programmes d’enseignement de la Nouvelle-Calédonie, dans le cadre du transfert de compétences prévu par les accords de Nouméa de 1998 (Magali Hardouin) ; une autre encore, sur la perspective interculturelle -— et non le multiculturalisme — introduite dans l’enseignement du français au Québec depuis les années 1970 (Monique Lebrun). La deuxième partie s’intéresse à l’émergence de nouveaux objets d’enseignement. Outre un article sur l’enseignement du « fait religieux » depuis les années 1990, pour lequel ce sont en fait les manuels scolaires plus que les textes officiels qui font programme (Anne-Raymonde de Beaudrap), on lira avec intérêt l’étude consacrée à l’introduction de la technologie au collège entre 1962 et 1985 (Joël Lebeaume) : l’auteur propose en effet une réflexion méthodologique sur le type d’analyse de l’histoire d’une discipline scolaire que permet l’étude des textes officiels et insiste sur leur nécessaire contextualisation. Enfin, la troisième partie étudie la façon dont évolué les conceptions pédagogiques, épistémologiques et/ou didactiques à l’œuvre dans les textes officiels. On pourra alors être intéressé par la problématique de l’article relatif à l’enseignement de l’histoire tel qu’il est défini à la fin des années 1980, dans lequel l’auteur s’interroge sur les articulations entre pratiques savantes, en l’occurrence celle des historiens, et pratiques scolaires, et sur l’éventuelle intégration des premières dans les secondes (Yannick Le Marec).
- 1 Liste officielle des ouvrages qui ont été autorisés depuis l’année 1802 jusqu’au 1er septembre 185 (...)
3Pour les historiens des disciplines scolaires — et plus généralement pour les historiens de l’enseignement —, l’importance des textes officiels n’est plus à démontrer : s’ils constituent une source indispensable pour saisir l’évolution des politiques scolaires, des plans d’études, des contenus et des méthodes d’enseignement ainsi que des objectifs qui leur sont assignés, ils fournissent également des informations de première importance sur les conceptions dominantes en matière d’enseignement comme sur les pratiques pédagogiques en vigueur à telle ou telle période de l’histoire. Reste que leur étude peut difficilement se passer d’une prise en considération des conditions de leur fabrication et de leur diffusion. Aussi peut-on regretter qu’une partie des articles, privilégiant les analyses textuelles, n’aient pas véritablement pris en compte, ou alors trop superficiellement, le fait qu’un texte officiel est aussi le résultat d’un processus social auquel participe, à une époque donnée et dans un contexte donné, une pluralité d’acteurs. Le lecteur pourra ainsi être surpris par la comparaison, dans un article relatif à l’enseignement de la grammaire, de textes officiels publiés à des dates fort éloignées (1923, 2002 et 2007) et dans des contextes fort différents, tout comme il le sera par la rapidité de certaines « mises en perspective historique ». Enfin, nombre d’articles sont placés sous le signe de la « transposition didactique », ce qui peut parfois conduire leurs auteurs à des interprétations discutables, ainsi en ce qui concerne la genèse de l’arithmétique enseignée à l’école primaire dans la première moitié du XIXe siècle. L’examen de la liste officielle des ouvrages autorisés « pour le service de l’instruction primaire » entre 1802 et 18501 aurait en effet suffit à convaincre que, loin de dériver des seuls « traités savants » de mathématiques scolaires, ceux d’un Bézout, d’un Lacroix ou d’un Reynaud (et non Raynaud), l’enseignement primaire de l’arithmétique, tout comme celui de la géométrie d’ailleurs, se nourrit largement, au XIXe siècle, de la tradition déjà ancienne des mathématiques pratiques.
Notes
1 Liste officielle des ouvrages qui ont été autorisés depuis l’année 1802 jusqu’au 1er septembre 1850 pour le service de l’instruction primaire, avec indication de la date d’autorisation, Bulletin administratif de l’instruction publique, tome 2, p. 234-286.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Renaud Enfert (d'), « LEGRAND (Guy), DELCAMBRE (Isabelle) (dir.), Textes officiels et école », Histoire de l’éducation, 127 | 2010, 148-150.
Référence électronique
Renaud Enfert (d'), « LEGRAND (Guy), DELCAMBRE (Isabelle) (dir.), Textes officiels et école », Histoire de l’éducation [En ligne], 127 | 2010, mis en ligne le 10 mars 2011, consulté le 14 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2235 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2235
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