L’enseignement de l’histoire nationale à l’école primaire avant la IIIe République
Résumés
Il est couramment admis que c’est l’école qui a forgé le sentiment national chez les petits Français grâce à l’enseignement de l’histoire nationale mis en place par la IIIe République, elle-même héritière de la Révolution française. Or l’examen des textes officiels sur cet enseignement montre qu’il s’agit là d’une généalogie mythique. La Révolution n’a pas souhaité faire enseigner l’histoire de France à l’école primaire ; en revanche, la création de cet enseignement est due au Second Empire et non à la IIIe République, dont l’œuvre propre consiste dans la suppression de celui de l’histoire sainte. On est ainsi conduit à relativiser le rôle de l’école dans l’édification du sentiment national, en posant la question des canaux qui l’ont diffusé et entretenu avant que les républicains ne parviennent au pouvoir à la fin du XIXe siècle.
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- 1 « Ernest Lavisse : son rôle dans la formation du sentiment national », Revue historique, juillet-s (...)
- 2 « Lavisse, instituteur national. Le “Petit Lavisse”, évangile de la République », in Pierre Nora ( (...)
1L’idée est communément admise que la IIIe République a forgé le sentiment national chez les Français, en particulier par l’enseignement de l’histoire de France à l’école primaire. Elle se fonde largement sur l’article par lequel Pierre Nora a étudié le rôle joué par Lavisse dans l’enseignement de l’histoire, article écrit il y a presque cinquante ans, puisqu’il a été publié pour la première fois en 19621, qui a ensuite été repris dans la première partie des Lieux de mémoire sous un titre légèrement différent2. Le cœur de l’article se fonde sur les archives de l’éditeur Armand Colin pour suivre pas à pas la façon dont Lavisse a écrit ses manuels d’histoire pour l’école primaire et montrer leur succès, d’où la qualification d’« instituteur national » dont P. Nora le gratifie. Curieusement, la partie de l’article dans laquelle l’auteur montre que Lavisse, bonapartiste de cœur, ne s’est rallié que tardivement à la République est passée inaperçue, sans doute parce que la tradition historiographique faisant remonter l’enseignement du patriotisme à la IIIe République est assez puissante pour rejeter dans l’ombre ce qui a précédé.
- 3 Dans tout cet article, on emploie « l’école » au sens de « l’école primaire ».
- 4 Annie Bruter, L’enseignement de l’histoire à l’école primaire de la Révolution à nos jours. Textes (...)
- 5 Par la loi du 10 avril 1867, ibid., p. 208.
- 6 Eugen Weber, Peasants into Frenchmen. The modernization of rural France, Stanford (Cal.), Stanford (...)
2Or, est-ce bien la IIIe République qui a assigné cette tâche à l’école3 ? L’examen des textes officiels consacrés à l’enseignement de l’histoire4 permet de montrer que non : l’initiative de mettre l’histoire de France, avec sa géographie, au rang des matières obligatoires de l’école primaire revient à Victor Duruy, ministre du Second Empire5, qui répondait ainsi à un vœu formulé dès la monarchie de Juillet. Certes, c’est bien sous la IIIe République que cette disposition législative est partout passée dans les faits, de même que c’est sous ce régime que les paysans des zones les plus reculées de l’espace national sont devenus « des Français », pour reprendre l’expression qui sert de titre (anglais) à un ouvrage célèbre d’Eugen Weber6. Il n’en reste pas moins que le désir d’enseigner l’histoire de France aux enfants des écoles s’était fait jour bien avant la IIIe République, et avait connu un début de réalisation. On se demandera donc pourquoi ce fait est si généralement méconnu, avant de se pencher ensuite sur les textes officiels relatifs à l’enseignement de l’histoire à l’école au XIXe siècle, ce qui conduira à relativiser le rôle des différents régimes de l’époque dans la création de l’enseignement de l’histoire nationale à l’école.
I – Par la république ou par la science ?
3On a vu que l’insistance de la tradition historiographique sur le rôle de la IIIe République dans l’édification du sentiment national ignore les efforts qui ont précédé et contribue ainsi à détourner la recherche historienne de ce champ, du coup laissé en friche. Deux ordres de raisons semblent pouvoir rendre compte de cette méconnaissance.
- 7 Maurice Agulhon, « Que faire de la patrie ? », Histoire vagabonde III. La politique en France d’hi (...)
- 8 Voir infra p. 16
4Le premier semble lié à la volonté de rattacher la conception de la nation — la nation comme communauté de citoyens, la nation « civique » par opposition à la nation « ethnique » ou « linguistique » — à la Révolution française. Un exemple particulièrement frappant en est donné par Maurice Agulhon qui, après avoir décrit le panthéon historique constitué au XVIIIe siècle autour des « bons » rois et des grands hommes de guerre, continue ainsi : « De cette vulgate d’affirmation nationale, la Révolution française devait presque tout conserver. Tous les personnages que nous avons cités se retrouvent dans les manuels d’histoire de la Troisième République en posture de héros positifs (à quelques reproches près, bien entendu…) »7. Le contenu de l’enseignement de l’histoire à l’école de la IIIe République se trouve alors découler de la Révolution (et de l’Ancien Régime par son intermédiaire). On ne peut certes faire une synthèse de dix siècles d’histoire en quarante pages sans quelques raccourcis. Celui-ci présente néanmoins l’inconvénient de fausser la vision du rapport qu’ont entretenu les révolutionnaires avec le passé monarchique de la France : loin de vouloir en rappeler le souvenir, ils ne songeaient qu’à l’effacer, comme l’examen des textes mentionnant l’histoire qui furent votés à l’époque le montre clairement8. Mais on voit l’intérêt de l’accélération prodigieuse à laquelle se livre M. Agulhon : se trouve ainsi constituée une généalogie de l’enseignement de l’histoire nationale qui le légitime par l’onction révolutionnaire et renforce l’idée que la nation est un produit de la Révolution.
- 9 Jean-Yves Guiomar, La Nation entre l’histoire et la raison, Paris, La Découverte, 1990, p. 152-153
- 10 René Grevet, L’avènement de l’école contemporaine en France (1789-1835). Laïcisation et confession (...)
- 11 EHEP, p. 101.
5Cette pseudo-généalogie se retrouve dans d’autres ouvrages, qui n’ont pas forcément la même orientation. On ne voit pas ce qui autorise Jean-Yves Guiomar à assurer que « les révolutionnaires mettent au premier plan les peuples (franc, gaulois) et leur espace. Ils avaient été précédés par Boulainvilliers et ses amis historiens, mais ceux-ci, en passant des rois aux peuples ou aux races, avaient voulu relancer la dynamique monarchique. Les révolutionnaires vont jusqu’au bout de l’opération, en jetant les bases de ce qui devient l’histoire de la nation française »9, sinon sa position critique à l’égard de l’État-nation. De la même façon, on s’étonne que René Grevet affirme que les finalités du programme de 1795 pour les écoles primaires étaient identiques à celles des programmes de 1816 et 1833 et que tous trois prescrivaient l’étude du passé de la France10, puisque la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) se contente de dire que « dans chaque école primaire, on enseignera à lire, à écrire, à calculer, et les éléments de la morale républicaine »11. Ce n’est pas à la Révolution qu’il faut faire remonter le désir d’instruire les Français de leur histoire nationale.
- 12 François Furet, « La naissance de l’histoire », H-Histoire, n° 1, mars 1979, repris dans François (...)
- 13 Ibid., p. 118.
- 14 Ibid., p. 126.
- 15 Même idée dans Marcel Gauchet, « Les Lettres sur l’histoire de France d’Augustin Thierry. “L’allia (...)
- 16 François Furet, art. cit., p. 118.
6Cela, François Furet le savait, qui écrivait dans un article retraçant le passé de l’histoire : « Pour les révolutionnaires français, l’histoire n’est donc pas une généalogie, comme elle le sera pour les idéologies nationalistes du XIXe siècle. Elle constitue un tableau universel de références par rapport auquel se dévoilent l’excellence et la rationalité suprême de l’expérience française »12. C’est donc autrement qu’il explique l’essor de l’enseignement historique à l’école sous la IIIe République. L’histoire est alors devenue, dit-il, « intellectuellement autonome, socialement nécessaire et techniquement enseignable »13. Les deux premières de ces caractéristiques, il les fait — à juste titre — remonter à « la grande mutation du XIXe siècle, et notamment des années 1820 et 1830 », où l’histoire devient « l’arbre généalogique des nations européennes et de la civilisation dont elles sont porteuses »14 : le prisme de la nation donne un point de vue à partir duquel ordonner l’étendue infinie des faits historiques15, fournissant donc à l’histoire un champ spécifique tout en justifiant son enseignement aux jeunes générations. Quant à la troisième caractéristique, celle qui définit l’histoire comme « techniquement enseignable », elle tient, selon F. Furet, au statut « scientifique » que celle-ci a acquis dans la deuxième moitié du XIXe siècle, quand « Taine, Renan, Fustel, Gabriel Monod fondent à nouveau l’histoire comme science »16. Commentant l’œuvre de Lavisse, il le crédite d’avoir écrit
- 17 Ibid., p. 120.
« une histoire « philosophique », dominée par une bourgeoisie éclairée et savante, progressivement émancipée de l’Église et des rois, élargissant bientôt au monde les conquêtes de la science et du progrès. Mais cette « histoire philosophique » présente avec sa devancière deux différences capitales : elle a intégré l’ars antiquaria, sous la forme perfectionnée du positivisme ; et elle a fait de l’État-nation la figure centrale de l’évolution. Bref, elle a une méthode et un objet ; c’est ce qu’on appelle une discipline »17.
- 18 Arnaldo Momigliano, « Ancient History and the Antiquarian », Journal of the Warburg and Courtauld (...)
- 19 André Chervel, « L’histoire des disciplines scolaires », Histoire de l’éducation, n° 38, mai 1988, (...)
- 20 EHEP, p. 119-120, 122-127, 133-138, 141-156.
7F. Furet reprend ici la thèse d’Arnaldo Momigliano sur la formation de l’histoire comme discipline savante, et non plus comme branche de la rhétorique, par fusion, au XIXe siècle, de l’histoire philosophique du siècle précédent et des méthodes de recherche développées par les « antiquaires » depuis l’époque humaniste18. C’est donc, pour lui, le statut « scientifique » acquis par l’histoire qui légitime la promotion de celle-ci au rang de matière enseignée à tous les niveaux de l’édifice scolaire sous la IIIe République. F. Furet prend ainsi à son compte la conception courante de la discipline contre laquelle s’élève André Chervel dans son article sur l’histoire des disciplines scolaires : « Dans l’opinion commune, l’école enseigne les sciences qui ont fait leurs preuves par ailleurs »19. Mais la lecture, l’écriture, l’arpentage, la couture, tous enseignés par les écoles primaires du XIXe siècle, ont-ils jamais été des sciences ? De même, l’enseignement de l’histoire de France a commencé bien avant ce qu’on tient aujourd’hui pour l’époque où il est devenu « scientifique » (les professeurs d’histoire du début du XIXe siècle considéraient déjà qu’ils faisaient de la science), au moins ponctuellement), puisqu’il a fait son apparition dans les écoles de la municipalité parisienne dès la seconde moitié des années 183020.
- 21 Règlement concernant les écoles normales primaires, 14 décembre 1832, EHEP, p. 109.
- 22 Sur l’évolution de la formation des professeurs d’histoire, voir Philippe Marchand, L’histoire et (...)
8Cet enseignement ne se réclamait alors nullement du savoir universitaire, pour la bonne raison que la formation des instituteurs relevait d’une institution entièrement distincte de l’Université : elle se faisait dans les écoles normales primaires, qui devaient enseigner « les éléments de la géographie et de l’histoire, et surtout de la géographie et de l’histoire de la France » depuis le règlement de 183221. Rappelons au passage qu’il n’existait à l’époque pas de licence d’histoire et que les facultés des lettres ne jouaient alors aucun rôle dans la préparation à l’agrégation d’histoire créée en 1830. C’est sous la IIIe République que les membra disjecta de l’écriture et de l’enseignement de l’histoire ont commencé à être rassemblés sous l’égide de Lavisse, à la fois professeur de Sorbonne, formateur de professeurs du secondaire par suite des réformes qu’il a inspirées — dont la création d’une licence spécialisée d’histoire — et auteur de manuels pour l’école primaire22. L’importance de son action comme « instituteur national » tient donc non seulement au succès de ses manuels mais aussi à la légitimation savante qu’il a ainsi fournie à l’histoire enseignée à l’école.
9Mais il achève ainsi un processus commencé bien avant lui, par les nombreux personnages qui ont œuvré pour que l’école primaire enseigne l’histoire de la nation, et qui n’étaient pas nécessairement républicains. Le moment est donc venu de se pencher sur ce processus.
II – La construction de l’enseignement de l’histoire nationale
10Le bilan historiographique qui vient d’être tiré montre qu’il faut commencer par une brève mise au point sur la manière dont la Révolution a envisagé l’enseignement de l’histoire à l’école primaire, de façon à mettre en relief la nouveauté qu’a constituée le vœu d’instruire les Français de leur histoire au XIXe siècle.
1 – Sous la Révolution, un enseignement historique à finalité morale
11Les projets éducatifs des révolutionnaires, et les textes qu’ils ont votés, ont parfois prévu — pas toujours — d’inscrire des faits historiques au programme des écoles primaires. Mais ces faits n’étaient pas ceux de l’histoire de France, pour une série de raisons dont le passage suivant du rapport de Talleyrand sur l’instruction publique donne un bon résumé. Il est extrait d’un passage dans lequel Talleyrand examine les moyens de « rassembler et fortifier les motifs qui peuvent porter l’homme à faire le bien dans les divers âges de la vie », motifs qui sont l’intérêt, l’honneur, la conscience, la raison et enfin l’exemple. C’est à propos de ce dernier motif que l’histoire a un rôle à jouer :
- 23 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, « Rapport sur l’instruction publique », in Bronislaw Baczk (...)
« [La société] doit enfin exciter l’homme par l’exemple : et ce moyen puissant, c’est à l’histoire qu’elle doit le demander, car l’orgueil de l’homme se défendra toujours de le devoir à ses contemporains. Quelle histoire sera digne de remplir cette vue morale ? Aucune, sans doute, de celles qui existent : ce qui nous reste de celle des anciens nous offre des fragments précieux pour la liberté, mais ce ne sont que des fragments ; ils sont trop désunis, trop loin de nous ; aucun intérêt national ne les anime, et notre long asservissement nous a trop accoutumés à les ranger parmi les fables. La nôtre, telle qu’elle a été tracée, n’est presque partout qu’un servile hommage décerné à des abus ; c’est l’ouvrage de la faiblesse écrivant sous les vœux, souvent sous la dictée de la tyrannie ; mais cette même histoire, telle qu’elle devrait être, telle qu’on la conçoit en ce moment, peut devenir un fonds inépuisable des plus hautes instructions morales »23.
- 24 James Guillaume (éd.), Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale, (...)
12On le voit, l’histoire est sollicitée pour enseigner la morale, conformément à la tradition de réflexion pédagogique du XVIIIe siècle, pour laquelle histoire et morale n’étaient que les deux faces d’un même enseignement, celle-ci offrant des « préceptes » tandis que celle-là illustrait les préceptes en question par des exemples, au pouvoir supposé plus entraînant en ce qu’ils étaient censés provoquer le désir d’imitation. Les deux « matières » coïncidaient si bien que Lakanal put répliquer au conventionnel Mailhe, qui reprochait au projet que Lakanal venait de présenter de ne pas mentionner l’histoire, que pour le Comité d’instruction publique, « cet objet devait rentrer […] dans les divers développements de la morale et de la constitution républicaine »24. On retrouvera cette finalité morale de l’enseignement de l’histoire dans tous les textes révolutionnaires.
- 25 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, « Rapport sur l’instruction publique », loc. cit., p. 161.
- 26 Louis-Michel Lepeletier, Plan d’éducation nationale présenté à la Convention nationale par Maximil (...)
- 27 Ibid., p. 34-35, 91-97.
- 28 Décret relatif à l’organisation générale de l’instruction publique, 29 frimaire an II (19 décembre (...)
- 29 Le Comité d’instruction publique continua à voter le renvoi d’actes héroïques et patriotiques à la (...)
13Mais quelle sorte d’histoire enseigner pour remplir cette finalité ? Manifestement, aux yeux de Talleyrand, cette histoire n’existait pas encore. Le passage se poursuit d’ailleurs par un vibrant appel à écrire cette histoire qui manquait encore : « Que désormais s’élevant à la dignité qui lui convient, elle devienne l’histoire des peuples, et non plus celle d’un petit nombre de chefs »25. En effet, l’histoire ancienne renfermait des « fragments » précieux (on sait combien les hommes de l’époque révolutionnaire étaient fascinés par Sparte), mais elle était, justement, trop fragmentée, et aussi trop lointaine (« aucun intérêt national ne les anime »). L’histoire de France, quant à elle, n’était pas imbue des valeurs qu’on souhaitait inculquer aux enfants, puisqu’elle était servile à l’égard des « abus » et de la « tyrannie ». Quand on mit de l’histoire au programme des écoles primaires, ce fut donc l’histoire des « peuples libres »26, tels celui de Sparte ou des cantons suisses, ou même le peuple français en Révolution : répondant à sa manière à l’appel de Talleyrand, la Convention décida la création d’un périodique destiné à faire connaître les traits d’héroïsme de la population française combattant pour la liberté, le Tableau des actions héroïques ou vertueuses27, qu’elle mit au nom des « livres élémentaires des connaissances absolument nécessaires pour former les citoyens »28. La Révolution se constituait ainsi elle-même en objet d’histoire (mais le périodique ne survécut guère à la chute de Robespierre29).
- 30 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, « Rapport sur l’instruction publique », loc. cit., p. 141.
- 31 Voir Édouard Pommier, L’art de la liberté. Doctrines et débats de la Révolution française, Paris, (...)
14Quant au passé monarchique, il ne pouvait qu’être banni de l’enseignement, puisqu’il n’était qu’une suite d’exemples d’abus et de crimes. On le voit, la vertu réconciliatrice attribuée à l’histoire de France un siècle plus tard n’était pas de mise en une époque où il s’agissait au contraire de rompre avec le passé, y compris en détruisant les ouvrages jugés sans valeur qui encombraient les rayons des bibliothèques30 ou en détruisant les « monuments du despotisme »31.
2 – De l’interdiction à l’obligation
- 32 Décret impérial sur l’organisation de l’Université, 17 mars 1808, dans EHEP p. 102-103.
15La dernière loi révolutionnaire sur l’instruction publique a été la loi du 3 brumaire an IV, qui créait les écoles centrales et l’Institut mais renonçait de fait à donner un rôle à l’État dans l’instruction primaire. Par la suite, la législation napoléonienne fit de l’histoire, avec le latin et les mathématiques, une matière réservée aux écoles secondaires, soumises à la rétribution universitaire32. L’histoire se trouva donc exclue du programme des écoles primaires, où elle ne fit son entrée que très progressivement.
- 33 Recueil des lois et règlements concernant l’instruction publique, depuis l’édit de Henri IV, en 15 (...)
- 34 EHEP, p. 103-104.
16L’Ordonnance du 29 février 181633 prescrivant aux instituteurs de se munir d’un brevet de capacité ne la mentionne pas, mais l’Instruction sur les examens pour la délivrance des brevets de capacité pour l’instruction primaire du 14 juin suivant34, qui précise les connaissances dont doivent faire preuve les candidats pour chaque degré de capacité, exige quelques connaissances historiques chez le candidat au brevet du degré le plus élevé (le premier), en appendice de sa connaissance de la géographie :
« Il devra mettre un soin particulier à rapporter à chaque localité les événements remarquables qui s’y rattachent ; il rappellera surtout ceux de ces événements qui seront honorables pour nos Rois ou pour la nation, et qui pourront développer dans le cœur des élèves l’amour du souverain et de la patrie ».
17Il ne faut pas donner trop d’importance à ce texte posant une équivalence entre patriotisme et loyalisme monarchique, puisque la délivrance des brevets du premier degré était rare, non seulement en raison de la faible capacité des instituteurs de l’époque, mais aussi parce qu’elle était soumise au contrôle du Conseil royal de l’instruction publique, qui ne souhaitait pas multiplier le nombre des instituteurs de première classe. Il montre toutefois que, dès cette époque, l’idée de cultiver le sentiment patriotique par l’enseignement de l’histoire nationale n’était pas inconnue et aussi que ce qui n’était pas « honorable » dans cette histoire n’avait pas à être mis en relief…
18Comment concilier cette précocité de l’idée de la formation du sentiment national par l’enseignement de l’histoire et la lenteur de sa mise en œuvre ? C’est que l’édification de l’enseignement primaire, condition de cette mise en œuvre, a elle-même été un processus de longue durée.
- 35 Paul Lorrain, Tableau de l’instruction primaire en France d’après des documents authentiques…, Par(...)
- 36 Le dépouillement de l’enquête de 1833 sur les écoles primaires est en cours au Service d’histoire (...)
- 37 Loi sur l’instruction primaire, 28 juin 1833, dans EHEP, p. 111.
- 38 Règlement concernant les écoles normales primaires, 14 décembre 1832, ibid., p. 109.
- 39 Règlement sur les brevets de capacité et les commissions d’examen, 19 juillet 1833, ibid., p. 113.
19Sans accepter les yeux fermés le tableau horrifique dressé de la situation des écoles avant la loi Guizot35 (on sait que les auteurs de réformes ont tendance à noircir la situation antérieure pour mieux mettre leur œuvre en valeur), il faut convenir que l’épisode révolutionnaire n’a pas été favorable aux institutions éducatives et que le niveau d’instruction des instituteurs du début du XIXe siècle était très inégal36. Il fallait donc relever le niveau des moins instruits avant de pouvoir inscrire des matières allant au-delà du rudiment au programme des écoles primaires ; et, pour ce qui est de l’histoire de France, il fallait commencer par l’enseigner aux instituteurs. La loi Guizot sur l’instruction primaire de juin 1833 fit de l’histoire une matière des écoles primaires supérieures et ouvrit la possibilité de l’enseigner dans les écoles élémentaires au titre des « développements » qui pouvaient être apportés au programme minimal, mais sans en faire une matière obligatoire37. En revanche, avant même le vote de cette loi, Guizot entreprit d’améliorer la formation des instituteurs, parce qu’il pouvait le faire par voie réglementaire, et n’oublia pas d’y inscrire l’histoire : le décret du 14 décembre 1832 donnant un règlement uniforme aux écoles normales primaires mettait notamment à leur programme « les éléments de la géographie et de l’histoire, et surtout de la géographie et de l’histoire de la France »38, disposition renforcée par le règlement pour le brevet élémentaire adopté en juillet 1833, qui prévoyait une épreuve portant sur les « premières notions de géographie et d’histoire »39, ce qui obligeait les candidats à les étudier.
- 40 Loi relative à l’enseignement, 15 mars 1850, ibid., p. 163-164.
- 41 Décret relatif aux écoles normales primaires, 2 juillet 1866, ibid., p. 201-202.
- 42 Voir note 5.
- 43 Règlement concernant l’examen pour le brevet de capacité des instituteurs et institutrices primair (...)
20On sait qu’en 1850 la loi Falloux revint sur ces dispositions, sans d’ailleurs viser particulièrement l’histoire puisque ce sont toutes les matières allant au-delà du rudiment qui devinrent optionnelles et virent leur enseignement considérablement réduit40. Victor Duruy referma donc une parenthèse en rétablissant l’enseignement des matières supprimées par la loi Falloux dans les écoles normales41. Le vote, l’année suivante, de la loi du 10 avril, dont un article plaçait l’histoire et la géographie de la France parmi les matières obligatoires de l’école élémentaire42, rendit ensuite exécutoire le nouveau règlement du brevet, qui y introduisait une épreuve d’histoire et géographie de la France43.
- 44 Voir Jean-Michel Chapoulie, « L’organisation de l’enseignement primaire de la IIIe République : se (...)
- 45 Règlement d’organisation pédagogique pour les écoles publiques de la Seine, 10 juillet 1868, EHEP, (...)
- 46 Rapport sommaire et général sur les travaux de la Commission des livres et méthodes, 2 septembre 1 (...)
- 47 Rapport sommaire et général sur les travaux de la Commission des livres et méthodes, 29 août 1840, (...)
- 48 Rapport sommaire et général sur les travaux de la Commission des livres et méthodes, 2 septembre 1 (...)
21Parallèlement, les inspecteurs primaires s’efforçaient de donner aux écoles une « organisation pédagogique », c’est-à-dire un emploi du temps permettant de combiner harmonieusement les matières désormais plus nombreuses que devaient enseigner les instituteurs44. L’organisation pédagogique élaborée sous l’égide d’Octave Gréard, inspecteur de l’académie de Paris chargé de l’instruction primaire, qui parut en juillet 1868, comprit donc un programme détaillé d’histoire de France pour les écoles parisiennes, assorti d’instructions tout aussi détaillées45. Car Paris représente un cas particulier. L’enseignement de l’histoire de France avait été établi dans les écoles relevant de la municipalité dès la monarchie de Juillet, sous l’impulsion de Henri Boulay de la Meurthe, bonapartiste et membre de la Société pour l’instruction élémentaire, qui était devenu président de la Commission des livres et méthodes créée par le Comité central d’instruction primaire mis en place par la municipalité parisienne élue en 1834. C’est cette Commission qui décidait des programmes, des horaires et des manuels. Boulay de la Meurthe développa l’enseignement de l’histoire dans les classes supérieures des écoles primaires et fit interdire le manuel d’histoire dont se servaient les frères des Écoles chrétiennes46 en raison de son esprit « fort peu national »47. Son intérêt pour cette matière s’accrut encore en 1840, moment d’une forte bouffée nationaliste qui accentua le désir de faire enseigner l’histoire nationale : « Un des plus puissants moyens de faire aimer la France, ses institutions et son gouvernement, d’assurer son indépendance, sa grandeur et son repos, c’est l’enseignement de son histoire dans les écoles primaires »48. Boulay de la Meurthe poursuivit son action à la Commission des livres et méthodes jusqu’en 1843, date après laquelle cessent ses rapports au Comité central d’instruction primaire de Paris, sans doute parce qu’il se consacrait désormais à son activité comme député à la Chambre.
- 49 Pierre Nora, « Lavisse, instituteur national… », art. cit.
- 50 T. XIII, passim.
22Henri Boulay de la Meurthe, Victor Duruy : deux bonapartistes convaincus. Lavisse, qui commença sa carrière sous le Second Empire et fut précepteur du prince impérial, resta bonapartiste longtemps avant de se rallier à la République49. Comment nier le rôle de ce courant politique dans l’édification d’un enseignement destiné à exalter la grandeur de la France, et notamment sa grandeur militaire ? Cette œuvre pouvait prendre appui, au moins au début du règne, sur l’impression que le Second Empire rendait au pays le prestige dont l’humiliation des campagnes de 1814 et 1815 l’avait privé, humiliation douloureusement ressentie si l’on en juge d’après le cours de géographie publié dans le Manuel général de l’enseignement primaire50 pendant les années 1830, où le souvenir des combats de 1814 tenait une large place. En tout cas, si plusieurs des articles de la loi de Victor Duruy sur l’instruction primaire furent vivement critiqués, ce qui en retarda le vote, celui qui introduisait l’histoire et la géographie de la France parmi les matières obligatoires des écoles primaires ne fit l’objet d’aucune contestation, le rapport de la commission du Corps législatif chargée d’examiner le projet de loi en 1866 se contentant de déclarer, au sujet de l’article en question :
« Des notions sommaires sur l’histoire et la géographie de la France sont indispensables aux enfants qui seront un jour des citoyens français. Un Français ne doit pas être comme un étranger sur le sol où il est né, où il vivra. Il ne doit pas demeurer dans une ignorance absolue de ce qui s’est passé autrefois dans son pays ».
- 51 Numéroté 15 dans le projet de loi 1866, cet article portera finalement le numéro 16 dans le projet (...)
- 52 Archives nationales, F/17/9115.
23C’est donc avec raison que l’article 1551 déclare obligatoire un enseignement qui n’était que facultatif dans la loi de 185052.
24Restait cependant à faire appliquer cette loi. Lavisse allait s’y employer après la chute du Second Empire, mais dans un contexte en partie nouveau, qui constitue l’apport propre de la IIIe République.
III – Continuité et rupture
25Cet apport ne se laisse saisir qu’en remontant, en deçà de la IIIe République, jusqu’à la conception de l’histoire qui avait cours à l’époque où furent jetées les premières fondations d’un enseignement historique à l’école, dans les années 1820-1830. L’histoire n’était alors une discipline ni au sens universitaire ni au sens scolaire du mot : non seulement il n’y avait aucune formation spécifique pour devenir historien ni aucun critère défini d’appartenance à une profession qui n’existait pas, mais les contenus historiques ne formaient pas, comme aujourd’hui, un ensemble homogène organisé par tranches chronologiques. S’il y avait bien une césure chronologique, située à l’époque de Charlemagne, entre histoire « ancienne » et histoire « moderne », on distinguait aussi, à côté de l’histoire « générale » héritée de l’histoire universelle d’Ancien Régime, deux « corps » particuliers d’histoire : l’histoire de France et l’histoire sainte. C’est par l’élimination successive de l’histoire « générale » et de l’histoire sainte que l’histoire nationale en est venue à régner presque sans partage sur l’enseignement historique des écoles élémentaires.
1 – L’élimination de l’histoire « générale »
- 53 « L’histoire des disciplines scolaires… », art. cit., p. 26.
26La recherche reste à mener sur les contenus historiques réellement dispensés dans les écoles, là où il y eut un enseignement de l’histoire, dans la première moitié du XIXe siècle : l’extrême disparité des situations locales interdit toute généralisation à partir d’un ou deux manuels. Pour s’en tenir aux textes officiels, on notera le flou de leurs formulations quant à ces contenus : le règlement déjà cité de 1832 sur les écoles normales, la loi de 1833, le programme d’examen de la même année pour le brevet supérieur mentionnent « les éléments de la géographie et de l’histoire, et surtout de la géographie et de l’histoire de la France » ; quant au programme d’examen pour le brevet élémentaire, il se contente de parler des « premières notions de géographie et d’histoire ». Si on voit clairement, chez les rédacteurs de ces textes, la volonté de donner aux instituteurs un minimum de culture historique, on voit aussi qu’il n’existait pas alors de programme précis, ce qui semble donner à raison à André Chervel quand il écrit que « chargée par la société de quelques consignes très générales qui sont les finalités de l’enseignement, l’école reçoit en revanche carte blanche pour mettre au point les modalités de cet enseignement »53.
- 54 « Tant que les questions seront arbitrairement posées, si c’est un ecclésiastique qui interroge su (...)
- 55 [L.-Al. Lamotte, Achille Meissas, Auguste Michelot], Manuel des aspirants aux brevets de capacité (...)
- 56 Programme d’histoire des écoles normales, EHEP, p. 127-131.
- 57 EHEP, p. 46.
- 58 Voir le programme d’histoire de 1838 pour les collèges dans Philippe Marchand, L’histoire et la gé (...)
27Mais le risque, pointé très tôt par le Manuel général de l’enseignement primaire54, était que les membres des commissions d’examen issus de l’enseignement secondaire privilégient les questions portant sur l’histoire ancienne, celle avec laquelle les études d’humanités donnaient une familiarité, au détriment de l’histoire de France. Un décompte par période évoquée du nombre des questions d’examen proposées par le Manuel des aspirants aux brevets de capacité55, qui servit de guide aux candidats et aux examinateurs avant la parution d’un programme officiel en 183856, montre que celles qui portaient sur l’histoire de l’Antiquité (histoire sainte, histoire « ancienne » et histoire romaine) représentent le tiers du total des questions d’histoire, celles qui concernaient l’histoire de France moins de la moitié57. De même, le programme d’histoire de 1838 pour les écoles normales primaires reprend largement, en les résumant, les contenus des programmes d’histoire des collèges58, dans lesquels l’histoire de France n’était étudiée qu’en classe de rhétorique, soit pendant une année sur six.
- 59 Sur Barrau, voir l’entrée à ce nom dans Ferdinand Buisson (dir.), Dictionnaire de pédagogie et d’i (...)
- 60 Théodore-Henri Barrau, De l’éducation morale de la jeunesse à l’aide des écoles normales, Paris, H (...)
28De ceux que cette situation ne satisfaisait pas, Théodore-Henri Barrau59 se fit l’interprète dans un ouvrage qui reçut en 1840 — année, on l’a dit, d’une vague de nationalisme ardent — le premier prix ex-aequo d’un concours ouvert par l’Académie des sciences morales et politiques sur la question du rôle des écoles normales60. L’enseignement de l’histoire générale, ancienne ou moderne, lui paraissait tout à fait contraire à la mission de ces écoles :
« Pourquoi […] introduire dans l’éducation de nos jeunes maîtres tout ce fracas d’États renversés, ce tumulte de batailles, ce bruit de clairons et de trompettes ? Quel besoin nouveau, inaperçu jusqu’à ce jour, les oblige à sortir de leur profession tranquille pour suivre, dans leurs courses, ces ravageurs de la terre ? Qu’ont-ils de commun avec tous ces conquérants perses, grecs, romains, arabes ? Que leur importent les Séleucides, les Ptolémées, et Mahmoud le Gaznévide ? Est-il utile qu’ils transmettent cette connaissance aux enfants de nos écoles ? Et s’ils ne doivent pas la transmettre, en quoi est-il nécessaire de la leur communiquer ? »
29Barrau ne se contentait pas de protester contre l’enseignement d’une histoire étrangère à celle du pays. Même l’histoire de France enseignée dans les écoles normales ne trouvait pas grâce à ses yeux, parce qu’elle ne lui paraissait pas assez patriotique :
« Tout ce qu’ont fait les hommes n’est pas bon à dire aux enfants. On pourrait leur laisser ignorer les hontes et les malheurs de la patrie ; est-il bien nécessaire de leur en faire la narration officielle ? »
30La suite montre qu’en dépit de ses vitupérations contre les « ravageurs de la terre », il ne faut pas projeter sur Barrau le pacifisme de maints instituteurs du XXe siècle. S’il prend soin d’inclure toutes les classes et tous les groupes de la population dans son éloge de la France, l’une des composantes essentielles de son patriotisme est le souvenir des gloires militaires du pays. Exposant sa conception du livre encore manquant qui, « par une suite de récits intéressants placés selon l’ordre des dates », apprendrait aux enfants des écoles « à aimer la France », il y mentionne notamment les hommes de guerre :
« Les grands noms dont la France s’honore ne seraient point passés sous silence : aucun de nos enfants ne pourrait ignorer ce que furent les Montmorency, les La Trémoille, les Du Guesclin, les Bayard, les Turenne, et tant d’autres héros plus rapprochés de nos jours […] À toutes les pages éclateraient le dévouement, les vertus, l’héroïsme du grand peuple. Des traits intéressants, le détail des hardis exploits et des grands coups de lance graveraient dans la mémoire le souvenir des batailles importantes ».
- 61 Christian Amalvi, Les héros de l’histoire de France. Recherche iconographique sur le panthéon scol (...)
31On voit que le « panthéon » national étudié par Christian Amalvi61 a commencé à se former bien avant la IIIe République. Barrau, en fait, trace déjà le programme qu’elle remplira une quarantaine d’années plus tard :
- 62 Toutes les citations de Barrau sont prises dans EHEP, p. 139-141.
« Le professeur chargé d’expliquer ce livre aux élèves-maîtres rendrait cette étude plus fructueuse encore, en y ajoutant de vive voix une foule de détails nouveaux et de réflexions intéressantes. Après l’avoir étudié, les élèves-maîtres seraient ensuite chargés de l’enseigner dans les écoles élémentaires. Missionnaires de la patrie, ils ne devraient pas parler froidement de sa gloire. On leur apprendrait à mettre dans ce noble enseignement l’intelligence d’un maître habile et la chaleur d’un cœur vraiment français »62.
- 63 Ibid., p. 168-171.
- 64 Voir supra, note 46.
32Entre-temps, le programme des écoles normales adopté en 1851 pour l’histoire (devenue, on s’en souvient, matière facultative et enseignée désormais seulement en troisième année) allait donner satisfaction à Barrau puisqu’à l’histoire ancienne, en dix leçons, succédait directement l’histoire de France menée jusqu’à 1814, en quatorze leçons63. Cette structure ne changea pas lorsque Victor Duruy rétablit l’enseignement de l’histoire comme matière obligatoire pendant les trois années de scolarité passées à l’école normale64.
- 65 EHEP, p. 177.
- 66 Sur Rapet, voir Patrick Dubois, Le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinan (...)
- 67 Ibid., p. 187.
- 68 G. Bruno [Mme Alfred Fouillée], Le tour de la France par deux enfants. Devoir et patrie. Livre de (...)
- 69 Jacques et Mona Ozouf, « Le Tour de la France par deux enfants. Le petit livre rouge de la Républi (...)
- 70 La Patrie. Description et histoire de la France, Paris, Hachette, 1860.
- 71 La France, livre de lecture courante pour toutes les écoles. Géographie : histoire ; administratio (...)
- 72 Sur Eugène Manuel, voir Patrick Dubois, op. cit., p. 102-103 ; Guy Caplat (dir.), op. cit.
33Ainsi, l’enseignement historique dans le primaire se distinguait désormais plus clairement de celui du secondaire, en se centrant davantage sur l’histoire nationale. « Veillez à ce que l’instituteur ne retienne point trop longtemps ses écoliers dans l’étude de l’histoire ancienne et de l’histoire romaine, si peu appropriées à leurs besoins ; c’est l’histoire de leur pays qui doit surtout fixer leur attention », écrivait par exemple, en 1854, le ministre de l’Instruction publique Hippolyte Fortoul dans une Instruction aux recteurs65. L’enseignement de l’histoire nationale, par ailleurs, s’étendait peu à peu, si l’on en croit l’inspecteur Jean-Jacques Rapet66 écrivant dans le semi-officiel Bulletin de l’instruction primaire qu’« il est infiniment peu d’écoles où l’enseignement ne s’étende, au moins pour une partie des élèves, un peu au-delà de la première partie du programme. C’est ce qui a lieu, en particulier, pour les éléments de la géographie et de l’histoire de France »67. Faute, cependant, d’un temps suffisant pour exposer cette histoire et cette géographie en détail aux élèves, Rapet préconisait d’avoir recours aux leçons de lecture. Précisément, parurent à cette époque au moins deux livres de lecture qui préfigurent, plus ou moins adroitement, le fameux Tour de la France par deux enfants68 désormais mis au rang des « lieux de mémoire »69 : La Patrie70, par le même Barrau que nous avons vu militer contre l’histoire générale, qui ne connut apparemment qu’une seule édition, et La France71 d’Eugène Manuel72 et E.L. Alvarès, mieux écrit et qui eut davantage de succès (quatorze rééditions, la dernière ayant eu lieu en 1885, et au moins trois éditions de sa version abrégée). Dans ce domaine encore, la IIIe République s’est inscrite dans le prolongement du Second Empire et a recueilli les fruits du travail des hommes de lettres, des inspecteurs et des maîtres qui l’avaient précédée.
2 – La laïcisation de l’histoire
- 73 François Laplanche, La Bible en France entre mythe et critique (XVIe-XIXe siècle), Paris, Albin Mi (...)
34Reste à examiner un second « corps » d’histoire, celui de l’histoire sainte. Celle-ci faisait partie de plein droit du champ de l’histoire dans la première moitié du XIXe siècle, époque qui précède la réception de la critique biblique allemande en France et où la perspective d’une « science chrétienne » ne semblait pas exclue73, mais elle était l’objet d’un statut particulier dans l’enseignement primaire du fait qu’elle relevait alors de l’instruction morale et religieuse.
- 74 « L’histoire sainte continuée jusqu’à la destruction de Jérusalem appartient au cours d’instructio (...)
- 75 Voir supra, note 44.
- 76 Ordonnance du Roi portant règlement pour les écoles de filles, 23 juin 1836, EHEP, p. 117-118.
- 77 Connaissances exigibles des aspirantes au brevet de capacité, 28 mai 1847, ibid., p. 157-158.
- 78 Arrêté du Conseil relatif aux examens de capacité des institutrices primaires, 28 juin 1836, ibid.(...)
- 79 Règlement pour l’examen des aspirants et aspirantes au brevet de capacité d’instruction primaire, (...)
- 80 Voir supra, note 51.
- 81 Annie Bruter, « Un laboratoire de la pédagogie de l’histoire : l’histoire sainte à l’école primair (...)
35Or la loi Guizot de 1833 fit de cette matière la première des matières enseignées à l’école primaire. L’enseignement de l’histoire de France était facultatif dans les écoles élémentaires, mais l’histoire sainte devait, en théorie, être enseignée partout, y compris dans les écoles normales, où son enseignement était dispensé par l’aumônier74. Surtout, le règlement du brevet de capacité de juillet 183375 mit au programme de l’examen une épreuve d’instruction morale et religieuse dont une partie était consacrée au catéchisme et l’autre à l’histoire sainte. Preuve supplémentaire de l’importance accordée à cette dernière, quand fut organisé l’enseignement primaire féminin quelques années après la loi Guizot76, le Conseil royal de l’instruction publique décida de dispenser les candidates de l’interrogation sur les « premières notions de géographie et d’histoire », en raison de la faiblesse de leur niveau (cette dispense allait disparaître dix ans plus tard77), mais pas de celle sur l’histoire sainte78. Et c’est encore l’histoire sainte qui fut choisie, en parallèle avec la question de la tenue des écoles, pour fournir les sujets de composition quand fut introduite une épreuve de rédaction à l’écrit du brevet de capacité, en 185379. L’introduction de l’histoire et de la géographie de la France parmi les matières obligatoires à l’école et les épreuves du brevet de capacité par la loi de 1867 ne remit pas en cause sa présence dans les écoles, les écoles normales et les épreuves du brevet (elle eut sa place parmi les programmes élaborés pour les écoles parisiennes quand fut adoptée « l’organisation pédagogique » de Gréard80), situation qui dura jusqu’à la loi de laïcisation du 28 mars 1882. Et on peut considérer que c’est son enseignement qui a constitué le « laboratoire » où a commencé à se constituer une pédagogie de l’histoire81.
- 82 Paul Bénichou, Le temps des prophètes. Doctrines de l’école romantique, Paris, Gallimard, 1977.
- 83 Jules Michelet, Le peuple, Paris, Comptoir des éditeurs unis, 1846, rééd. Paris, Flammarion, 1974, (...)
- 84 Ibid., p. 238.
36Enseignement de l’histoire sainte et enseignement de l’histoire nationale avaient en effet, un point commun au-delà de leur différence de contenu : leur finalité ultime n’était pas de transmettre des connaissances, mais des valeurs. C’est pourquoi les procédés recommandés pour l’enseignement de l’histoire sainte (la leçon orale du maître, vivante et chaleureuse) pouvaient s’appliquer aussi à celui de l’histoire de France. Mais il saute aux yeux que ces valeurs, si elles ne s’excluaient pas absolument, n’étaient pas les mêmes, non plus que les communautés auxquelles elles renvoyaient. Cette diversité ne constituait pas un problème majeur pour la première moitié du XIXe siècle, marquée par la réflexion sur le type de lien social convenant à une société modifiée par la Révolution, que certains croyaient trouver dans les religions existantes, d’autres dans une religion à créer82. On sait que la situation se raidit lors de l’offensive catholique contre l’Université qui se produisit sous la monarchie de Juillet. Michelet en conclut dans Le peuple que la religion qui convenait à son époque était celle de la France, nation-messie, et que cette religion devait passer par l’enseignement : « Le jour où, se souvenant qu’elle fut et doit être le salut du genre humain, la France s’entourera de ses enfants et leur enseignera la France, comme foi et comme religion, elle se retrouvera vivante, et solide comme le globe »83. Or enseigner la France suppose notamment d’enseigner son histoire : « Pour reprendre foi à la France, espérer dans son avenir, il faut remonter son passé, approfondir son génie naturel »84.
- 85 Annie Bruter, « Un laboratoire de la pédagogie de l’histoire… », art. cit., p. 66.
37Un tel enseignement, on le voit, entrait en concurrence directe avec celui de l’histoire sainte. Mais on sait aussi que la frayeur des classes dirigeantes lors de l’insurrection ouvrière de juin 1848 les jeta dans les bras de l’Église : même le Bulletin de la Société pour l’instruction élémentaire, avec laquelle les catholiques avaient rompu tant de lances, décrit avec faveur, en 1851, la participation du clergé aux cérémonies scolaires parisiennes ! Ayant fait alliance avec l’Église (au moins dans la première partie du règne), le Second Empire mena la scolarisation de la religion à une sorte d’apogée : ce fut l’époque où les éditions d’ouvrages d’histoire sainte à destination des enfants et des écoles furent les plus nombreuses85.
- 86 Maurice Crubellier, « De l’histoire sainte à l’histoire de France », Cahiers aubois d’histoire de (...)
38On voit mieux, dès lors, la promotion dont bénéficia l’histoire nationale à la suite de la laïcisation de l’enseignement primaire public. Non seulement elle était débarrassée d’une histoire concurrente, ce qui lui laissait plus de champ dans la mémoire des élèves (même si l’histoire sainte continuait à être enseignée en dehors de l’école, au catéchisme), mais elle reprenait à son compte, implicitement, la fonction de situer l’élève dans la marche du monde. Ainsi s’opérait un transfert de sacralité de la communauté chrétienne à la patrie, que Maurice Crubellier avait signalé dès 198686. C’est en cela que consiste l’œuvre propre de la IIIe République.
*
- 87 Eugen Weber, op. cit., p. 481. La référence de la citation est Archives Nationales, F/17/9276, Tar (...)
- 88 EHEP, p. 157.
39On voudrait, en conclusion, poser la question de savoir si l’enseignement de l’histoire nationale est vraiment « un des plus puissants moyens de faire aimer la France », comme le disait Boulay de la Meurthe en 1841 et comme le répètent maints historiens. Ainsi Eugen Weber écrit-il qu’« il n’y avait pas de meilleurs instruments d’endoctrinement et de conditionnement patriotique que l’histoire et la géographie françaises, et tout spécialement l’histoire qui, “correctement enseignée [est] le seul moyen de maintenir le patriotisme dans les générations que nous éduquons” »87. L’historien ne prend, ici, guère de recul par rapport à sa source. D’autres sources rendent pourtant un son différent. Un rapport confidentiel de Jean-Jacques Rapet daté de 1847 oppose à l’accusation de pervertir les enfants qui avait été lancée contre l’histoire (et la géographie) la constatation que l’enseignement de l’histoire se bornait « à des séries de noms et de dates confiés exclusivement à la mémoire » : « nul pour l’esprit comme pour le cœur »88, cet enseignement ne pouvait donc pervertir qui que ce soit…
40Inversement, on trouve des exemples de sentiment national qui ne doivent rien à l’école. Rainer Riemenschneider a exhumé un témoignage d’Henri Brunschwig montrant que les valeurs patriotiques lui avaient été inculquées bien avant qu’il n’entre à l’école :
- 89 Cité par Rainer Riemenschneider, « La confrontation internationale des manuels. Contribution au pr (...)
« Dès avant que je sache lire, j’étais convaincu que “français” équivalait à “bon” et « allemand” à “mauvais”. […] ma grand-mère, feuilletant un jour un manuel allemand pour la 7e classe, s’écria indignée : “Ça y est, les voilà qui nous ont volé Charlemagne ! Je ne connaissais pas Charlemagne, mais je connaissais ma grand-mère. Elle était la plus douce des femmes qu’on ait pu s’imaginer. Et lorsque, plus tard, on me fit prendre connaissance des Carolingiens à l’école, je savais depuis fort longtemps qu’il fallait défendre Charlemagne des Allemands, pour le conserver à la France – et à ma grand-mère »89.
- 90 Mona Ozouf, Composition française. Retour sur une enfance bretonne, Paris, Gallimard, 2009, p. 54.
- 91 Ibid., p. 70.
- 92 Ibid., p. 71.
- 93 Ibid., p. 71-72.
41Et Mona Ozouf, dans un ouvrage récent, dit de sa grand-mère, paysanne bretonne qui ne fréquenta jamais l’école parce qu’elle avait déjà dix ans au moment de la loi Ferry sur l’obligation scolaire90, que « si la France avait une existence à la maison, c’était grâce à elle »91. Et elle pose la question : « que savait ma grand-mère de la France, elle qui n’avait eu ni école, ni service militaire, ni droit de vote ? Pas d’histoire, pas de géographie »92. D’où cette mise en garde : « De l’ignorance de la culture savante, il ne faut pas trop vite conclure à l’absence du sentiment d’appartenance. Ma grand-mère avait beau “être de Lannilis”, elle était, elle se savait, française »93.
- 94 Nicole Lautier, Á la rencontre de l’histoire, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septent (...)
- 95 Françoise Mélonio, Naissance et affirmation d’une culture nationale. La France de 1815 à 1880, Par (...)
42De tels témoignages viennent à l’appui des recherches des didacticiens de l’histoire sur les conditions d’efficacité de son enseignement. Nicole Lautier a montré que tous les élèves n’ont pas le même rapport à l’histoire, certains y voyant « un moyen de se situer individuellement et collectivement dans le monde » tandis que d’autres y restent indifférents94. À partir du témoignage d’Henri Brunschwig, Rainer Riemenschneider a, de son côté, suggéré l’hypothèse d’un effet de renforcement apporté à l’enseignement de l’histoire nationale par la société ambiante. Cela nous rappelle utilement que l’école n’est pas seule à émettre des messages à destination des jeunes générations et qu’il serait bon d’étendre l’enquête à toutes les voies, presse, romans, peintures, statuaire et manifestations diverses95, par lesquelles s’est diffusé le sentiment national au XIXe siècle.
Notes
1 « Ernest Lavisse : son rôle dans la formation du sentiment national », Revue historique, juillet-sept. 1962.
2 « Lavisse, instituteur national. Le “Petit Lavisse”, évangile de la République », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984, rééd. 1997, coll. « Quarto », t. 1, p. 239-275.
3 Dans tout cet article, on emploie « l’école » au sens de « l’école primaire ».
4 Annie Bruter, L’enseignement de l’histoire à l’école primaire de la Révolution à nos jours. Textes officiels, t. I : 1793-1914, Lyon, INRP, 2007, désormais désigné EHEP.
5 Par la loi du 10 avril 1867, ibid., p. 208.
6 Eugen Weber, Peasants into Frenchmen. The modernization of rural France, Stanford (Cal.), Stanford University Press, 1976, [trad. fr. La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale 1870-1914, Paris, Fayard, 1983.]
7 Maurice Agulhon, « Que faire de la patrie ? », Histoire vagabonde III. La politique en France d’hier à aujourd’hui, Paris, Gallimard, 1996, p. 229-253, citation p. 236.
8 Voir infra p. 16
9 Jean-Yves Guiomar, La Nation entre l’histoire et la raison, Paris, La Découverte, 1990, p. 152-153.
10 René Grevet, L’avènement de l’école contemporaine en France (1789-1835). Laïcisation et confessionnalisation de la culture scolaire, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2001, p. 238.
11 EHEP, p. 101.
12 François Furet, « La naissance de l’histoire », H-Histoire, n° 1, mars 1979, repris dans François Furet, L’atelier de l’histoire, Paris, Flammarion, 1982, coll. « Champs », p. 113.
13 Ibid., p. 118.
14 Ibid., p. 126.
15 Même idée dans Marcel Gauchet, « Les Lettres sur l’histoire de France d’Augustin Thierry. “L’alliance austère du patriotisme et de la science” », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire. II. La nation, Paris, Gallimard, 1986, t. 1, p. 247-316.
16 François Furet, art. cit., p. 118.
17 Ibid., p. 120.
18 Arnaldo Momigliano, « Ancient History and the Antiquarian », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 13, 1950, p. 285-315, trad. fr. « L’histoire ancienne et l’Antiquaire », dans A. Momigliano, Problèmes d’historiographie ancienne et moderne, Paris, Gallimard, 1983, p. 244-293.
19 André Chervel, « L’histoire des disciplines scolaires », Histoire de l’éducation, n° 38, mai 1988, p. 59-119, repris dans André Chervel, La culture scolaire. Une approche historique, Paris, Belin, 1998, p. 9-56, citation p. 13. Toutes mes citations renvoient à ce dernier ouvrage.
20 EHEP, p. 119-120, 122-127, 133-138, 141-156.
21 Règlement concernant les écoles normales primaires, 14 décembre 1832, EHEP, p. 109.
22 Sur l’évolution de la formation des professeurs d’histoire, voir Philippe Marchand, L’histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire. Textes officiels, t. 1 : 1795-1914, Paris, INRP, 2000 ; Patrick Garcia et Jean Leduc, L’enseignement de l’histoire en France de l’Ancien Régime à nos jours, Paris, Armand Colin, 2003.
23 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, « Rapport sur l’instruction publique », in Bronislaw Baczko (éd.), Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l’époque révolutionnaire, Paris, Garnier Frères, 1982, coll. « Les classiques de la politique », p. 161. Souligné dans le texte.
24 James Guillaume (éd.), Procès-verbaux du Comité d’instruction publique de la Convention nationale, Paris, Imprimerie nationale, 1891-1907, 7 vol., t. V, p. 231.
25 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, « Rapport sur l’instruction publique », loc. cit., p. 161.
26 Louis-Michel Lepeletier, Plan d’éducation nationale présenté à la Convention nationale par Maximilien Robespierre le 13 juillet 1793, in B. Baczko, op. cit., p. 377 (les « traits d’histoire » à enseigner seront adaptés aux spécificités de chaque sexe) ; Décret relatif à l’organisation de l’instruction et à la distribution des premières écoles, 30e jour du premier mois de l’an deuxième (21 octobre 1793), EHEP,p. 98 ; Décret sur les écoles primaires, 27 brumaire an III (17 novembre 1794), ibid., p. 100-101.
27 Ibid., p. 34-35, 91-97.
28 Décret relatif à l’organisation générale de l’instruction publique, 29 frimaire an II (19 décembre 1793), ibid., p. 99. Ce recueil est encore cité dans le Décret sur les écoles primaires du 27 brumaire an III.
29 Le Comité d’instruction publique continua à voter le renvoi d’actes héroïques et patriotiques à la section chargée de recueillir ceux-ci en vue de leur publication par le périodique jusqu’au 6 avril 1795 : James Guillaume (éd.), Procès-verbaux…, op. cit., t. VI, p. 42.
30 Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, « Rapport sur l’instruction publique », loc. cit., p. 141.
31 Voir Édouard Pommier, L’art de la liberté. Doctrines et débats de la Révolution française, Paris, Gallimard, 1991, chap. III : « De l’iconoclasme au patrimoine ».
32 Décret impérial sur l’organisation de l’Université, 17 mars 1808, dans EHEP p. 102-103.
33 Recueil des lois et règlements concernant l’instruction publique, depuis l’édit de Henri IV, en 1598, jusqu’à ce jour, Paris, Brunot-Labbé, 1814-1828, 7 vol. et une table, t. VI, p. 107-117.
34 EHEP, p. 103-104.
35 Paul Lorrain, Tableau de l’instruction primaire en France d’après des documents authentiques…, Paris, Hachette, 1837.
36 Le dépouillement de l’enquête de 1833 sur les écoles primaires est en cours au Service d’histoire de l’éducation. Ses résultats pour onze départements sont consultables en ligne.
37 Loi sur l’instruction primaire, 28 juin 1833, dans EHEP, p. 111.
38 Règlement concernant les écoles normales primaires, 14 décembre 1832, ibid., p. 109.
39 Règlement sur les brevets de capacité et les commissions d’examen, 19 juillet 1833, ibid., p. 113.
40 Loi relative à l’enseignement, 15 mars 1850, ibid., p. 163-164.
41 Décret relatif aux écoles normales primaires, 2 juillet 1866, ibid., p. 201-202.
42 Voir note 5.
43 Règlement concernant l’examen pour le brevet de capacité des instituteurs et institutrices primaires, 3 juillet 1866, EHEP, p. 205-206.
44 Voir Jean-Michel Chapoulie, « L’organisation de l’enseignement primaire de la IIIe République : ses origines parisiennes et provinciales, 1850-1880 », Histoire de l’éducation, n° 105, janvier 2005, p. 3-44.
45 Règlement d’organisation pédagogique pour les écoles publiques de la Seine, 10 juillet 1868, EHEP, p. 214-215 ; Instruction générale sur la mise à exécution du règlement d’organisation pédagogique des écoles, 17 août 1868, ibid., p. 216-223. C’est de ce programme que devaient s’inspirer les rédacteurs républicains du plan d’études des écoles primaires adopté après le vote de la loi de laïcisation et d’obligation scolaire du 28 mars 1882.
46 Rapport sommaire et général sur les travaux de la Commission des livres et méthodes, 2 septembre 1837, ibid., p. 122-123. L’ouvrage incriminé est celui de L.C. et F.P.B. (Louis Constantin et Mathieu Bransiet), Cours d’histoire contenant l’histoire de France précédée de l’histoire sainte et suivie d’un précis sur l’histoire de France et de notions sur les anciens et les nouveaux peuples, Paris, Moronval, 1834.
47 Rapport sommaire et général sur les travaux de la Commission des livres et méthodes, 29 août 1840, EHEP, p. 133.
48 Rapport sommaire et général sur les travaux de la Commission des livres et méthodes, 2 septembre 1841, ibid., p. 142.
49 Pierre Nora, « Lavisse, instituteur national… », art. cit.
50 T. XIII, passim.
51 Numéroté 15 dans le projet de loi 1866, cet article portera finalement le numéro 16 dans le projet voté l’année suivante.
52 Archives nationales, F/17/9115.
53 « L’histoire des disciplines scolaires… », art. cit., p. 26.
54 « Tant que les questions seront arbitrairement posées, si c’est un ecclésiastique qui interroge sur l’histoire, n’est-il pas naturel que l’examen prenne un tour particulier, et que l’Histoire Sainte domine et absorbe quelquefois tout l’enseignement historique ? Si c’est un membre du corps enseignant, n’est-il pas possible aussi que l’histoire de la Grèce et de Rome obtienne à son insu la préférence ? » : Manuel général de l’instruction primaire, t. II, 1833, p. 210.
55 [L.-Al. Lamotte, Achille Meissas, Auguste Michelot], Manuel des aspirants aux brevets de capacité pour l’enseignement primaire élémentaire et pour l’enseignement primaire supérieur ; contenant les matières déterminées par le règlement du 19 juillet 1833 et le statut du 25 avril 1834, par plusieurs membres de l’Université, Paris, Librairie Hachette/Firmin-Didot frères/P. Dupont, 1834.
56 Programme d’histoire des écoles normales, EHEP, p. 127-131.
57 EHEP, p. 46.
58 Voir le programme d’histoire de 1838 pour les collèges dans Philippe Marchand, L’histoire et la géographie dans l’enseignement secondaire…, op. cit., p. 141-154.
59 Sur Barrau, voir l’entrée à ce nom dans Ferdinand Buisson (dir.), Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1878, 1re partie, t. I, p. 173, art. repris dans l’édition de 1911 et accessible en ligne.
60 Théodore-Henri Barrau, De l’éducation morale de la jeunesse à l’aide des écoles normales, Paris, Hachette, 1840.
61 Christian Amalvi, Les héros de l’histoire de France. Recherche iconographique sur le panthéon scolaire de la Troisième République, Paris, Phot’oeil, 1979.
62 Toutes les citations de Barrau sont prises dans EHEP, p. 139-141.
63 Ibid., p. 168-171.
64 Voir supra, note 46.
65 EHEP, p. 177.
66 Sur Rapet, voir Patrick Dubois, Le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson. Répertoire biographique des auteurs, Paris, INRP, 2002, p. 120-121 ; Guy Caplat (dir.), Les Inspecteurs généraux de l’instruction publique. Dictionnaire biographique 1802-1914, Paris, INRP/Éditions du CNRS, 1986 ; Ferdinand Buisson (dir.), Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1887, 1re partie, t. II, p. 2538-2540 ; rééd. 1911, notice accessible en ligne.
67 Ibid., p. 187.
68 G. Bruno [Mme Alfred Fouillée], Le tour de la France par deux enfants. Devoir et patrie. Livre de lecture courante, Paris, Belin, 1877. Consultable en ligne sur le site Gallica dans l’édition de 1922 (qui présente des différences avec la première).
69 Jacques et Mona Ozouf, « Le Tour de la France par deux enfants. Le petit livre rouge de la République », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, op. cit., t. I, p. 277-301.
70 La Patrie. Description et histoire de la France, Paris, Hachette, 1860.
71 La France, livre de lecture courante pour toutes les écoles. Géographie : histoire ; administration ; aspect ; agriculture ; industrie ; commerce ; grands hommes ; hommes utiles ; notions diverses, Paris, E. Magdeleine, 1885-1857, 4 vol.
72 Sur Eugène Manuel, voir Patrick Dubois, op. cit., p. 102-103 ; Guy Caplat (dir.), op. cit.
73 François Laplanche, La Bible en France entre mythe et critique (XVIe-XIXe siècle), Paris, Albin Michel, 1994, coll. « L’évolution de l’humanité ».
74 « L’histoire sainte continuée jusqu’à la destruction de Jérusalem appartient au cours d’instruction morale et religieuse qui est confié à M. l’aumônier de l’école normale primaire », Programme d’histoire des écoles normales, 11 septembre 1838, EHEP, p. 127.
75 Voir supra, note 44.
76 Ordonnance du Roi portant règlement pour les écoles de filles, 23 juin 1836, EHEP, p. 117-118.
77 Connaissances exigibles des aspirantes au brevet de capacité, 28 mai 1847, ibid., p. 157-158.
78 Arrêté du Conseil relatif aux examens de capacité des institutrices primaires, 28 juin 1836, ibid., p. 118-119 ; Quelles sont les connaissances en histoire et en géographie que l’on doit exiger des institutrices du degré élémentaire ?, 15 septembre 1837, ibid., p. 123.
79 Règlement pour l’examen des aspirants et aspirantes au brevet de capacité d’instruction primaire, 15 février 1853, ibid., p. 173-175.
80 Voir supra, note 51.
81 Annie Bruter, « Un laboratoire de la pédagogie de l’histoire : l’histoire sainte à l’école primaire (1833-1882) », Histoire de l’éducation, n° spécial 114 Pédagogies de l’histoire, mai 2007, p. 53-86, accessible en ligne via abonnement/accès payant sur le portail de Cairn.
82 Paul Bénichou, Le temps des prophètes. Doctrines de l’école romantique, Paris, Gallimard, 1977.
83 Jules Michelet, Le peuple, Paris, Comptoir des éditeurs unis, 1846, rééd. Paris, Flammarion, 1974, présentation, notes et bibliographie par Paul Viallaneix, p. 229.
84 Ibid., p. 238.
85 Annie Bruter, « Un laboratoire de la pédagogie de l’histoire… », art. cit., p. 66.
86 Maurice Crubellier, « De l’histoire sainte à l’histoire de France », Cahiers aubois d’histoire de l’éducation, 1986.
87 Eugen Weber, op. cit., p. 481. La référence de la citation est Archives Nationales, F/17/9276, Tarn-et-Garonne, 1877.
88 EHEP, p. 157.
89 Cité par Rainer Riemenschneider, « La confrontation internationale des manuels. Contribution au problème des rapports entre manuels d’histoire et mémoire collective » in Henri Moniot (dir.), Enseigner l’histoire. Des manuels à la mémoire, Berne, Peter Lang, 1984, p. 130.
90 Mona Ozouf, Composition française. Retour sur une enfance bretonne, Paris, Gallimard, 2009, p. 54.
91 Ibid., p. 70.
92 Ibid., p. 71.
93 Ibid., p. 71-72.
94 Nicole Lautier, Á la rencontre de l’histoire, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1997, p. 55-59.
95 Françoise Mélonio, Naissance et affirmation d’une culture nationale. La France de 1815 à 1880, Paris, Seuil, 1998, 2e éd. « Points Seuil », 2001.
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Référence papier
Annie Bruter, « L’enseignement de l’histoire nationale à l’école primaire avant la IIIe République », Histoire de l’éducation, 126 | 2010, 11-32.
Référence électronique
Annie Bruter, « L’enseignement de l’histoire nationale à l’école primaire avant la IIIe République », Histoire de l’éducation [En ligne], 126 | 2010, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 12 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2147 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2147
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