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Comptes rendus

Les cahiers d’école de Thérèse de Lisieux, 1877-1888

Introduction et notes de Mgr Guy Gaucher en collaboration avec le Carmel de Lisieux, Paris : Cerf, 2008, 655 p.
Serge Chassagne
p. 121-123
Référence(s) :

Les cahiers d’école de Thérèse de Lisieux, 1877-1888. Introduction et notes de Mgr Guy Gaucher en collaboration avec le Carmel de Lisieux, Paris : Cerf, 2008, 655 p.

Texte intégral

1Ce gros volume, précédé d’une utile introduction par Mgr Guy Gaucher, carme et ancien évêque auxiliaire de Bayeux-Lisieux, est la publication, avec d’excellentes reproductions en couleurs, des 25 cahiers et de quelques feuilles volantes de Thérèse conservés au Carmel de Lisieux. Grâce aux précisions apportées en introduction, nous apprenons que la scolarité de Marie-Thérèse Martin, orpheline de mère à quatre ans, a connu trois phases : une phase domestique aux Buissonnets à Lisieux, de 1878 à 1881 (soit de cinq à huit ans et demi), sous la houlette de ses sœurs Marie (sa marraine) et Pauline, respectivement âgées de 17 et 16 ans en 1878 ; une phase conventuelle, d’octobre 1881 à mars 1886, comme demi-pensionnaire à l’abbaye Notre-Dame du Pré, où étaient déjà ses deux sœurs Léonie et Céline et ses cousines Guérin ; une phase « privée », enfin, de septembre 1886 à avril 1887, chez une dame Papinau, veuve, semble-t-il, de 51 ans, qui vit avec sa vieille mère dans une maison de la Grande Rue où Thérèse se rend quelques heures par mois pour parfaire son éducation avant son entrée, à quinze ans, au Carmel.

2Dès cinq ans, Thérèse apprend avec ses sœurs à lire (le premier mot qu’elle sait lire par elle-même est « Cieux »), écrire (au début, on lui tient la main), compter et prier (avant même de s’habiller, elle « donne son cœur au bon Dieu ») et s’imprègne d’histoire sainte. On sait que ses sœurs lui distribuent des bons points pour ses bonnes réponses et qu’un certain nombre de ceux-ci lui donnent droit à un « congé » En fin d’année, a lieu, dans l’abri au fond du jardin, la « distribution des prix », présidée par le père (« le roi de France et de Navarre ») : discours, saynètes des sœurs, couronne de la lauréate. Le cahier n° 1, daté de juin 1880, témoigne de cette première éducation : la première « dictée » évoque la confirmation de Céline, la lecture de la résurrection de Lazare et de la guérison du serviteur du « centenier » (intéressante dénomination du centurion de nos traductions) ; les exercices de calcul correspondent à des additions de ménage, les copies de texte à des psaumes (en français) ou à des phrases moralisantes (« les bons enfants aiment Dieu »), les analyses grammaticales à des phrases simples de ce style.

3Le pensionnat de l’Abbaye du Pré, dans lequel entre ensuite Thérèse, compte à la fin du XIXe siècle environ 80 élèves, réparties en cinq classes distinguées, comme à Saint-Cyr ou dans les pensionnats de la Légion d’honneur, par des ceintures de couleur (du rouge au blanc, des classes enfantines au brevet élémentaire) et ayant chacune deux ou trois divisions. Elle y découvre, à ses dépens, la vie en collectivité. Plus tard, elle confie à sa sœur Pauline, devenue en 1882 mère Agnès de Jésus, future prieure du Carmel : « Vous m’aviez si bien instruite, ma Mère chérie, qu’en arrivant en pension la plus avancée des enfants de mon âge, je fus placée dans une classe d’élèves toutes plus grandes que moi, l’une d’elles âgée de 13 à 14 ans, peu intelligente […] Me voyant si jeune, presque toujours la première de ma classe et chérie de toutes les religieuses, elle en éprouva sans doute une jalousie bien pardonnable à une pensionnaire et me fit payer de mille manières mes petits succès. Avec ma nature timide et délicate, je ne savais pas me défendre et me contentais de pleurer sans rien dire […] Heureusement chaque soir je retrouvais le foyer paternel ». L’instruction reste néanmoins fondamentalement identique : dictée-orthographe, calcul, histoire sainte et catéchisme deux fois par semaine par l’aumônier de l’institution, l’abbé Domin. Dès janvier 1882, Thérèse est inscrite à l’œuvre de la Sainte Enfance ; en mai suivant, elle est reçue « enfant des saints Anges » et signe ainsi son cahier. Déçue de ne pouvoir faire sa communion solennelle dans sa dixième année (il fallait avoir dix ans révolus au premier janvier de l’année, selon un synode diocésain de 1875, et Mgr Hugonin lui refuse une dispense), elle tombe malade et manque l’école pendant le printemps 1883. Elle ne revient au pensionnat à l’automne que pour préparer sa communion (8 mai 1884, « le premier baiser de Jésus à mon âme, un baiser d’amour »). Après deux ans dans la troisième classe (ceinture violette), elle passe dans la seconde (ceinture orange) et « se distingue par ses succès », portant régulièrement à sa ceinture « une décoration d’argent ». Après le départ de sa sœur Céline, elle tombe à nouveau malade et quitte le pensionnat en mars 1886, sur décision de son père.

4Désormais elle prend des leçons particulières chez la dame Papinau, qui se contente de lui indiquer les exercices à faire chez elles à partir de manuels (de style, de grammaire, d’histoire, dont on nous donne plus loin la liste). Rien ne semble donc spontané dans les « rédactions » de Thérèse, qui paraphrase les sujets proposés par ses manuels (ainsi le texte sur sa sainte patronne, cahier 22, p. 62, tiré du dix-huitième sujet de devoirs du Traité de narrations et de style épistolaire… de Jardeaux-Ray, officier d’académie). Son carnet de leçons, cahier de textes avant l’heure (p. 570-581), montre ces exercices à faire chez elle : « vendredi : grammaire une page verbes ; arithmétique une page 120, histoire de France ; H. naturelle une page ; calcul 4 problèmes p. 104 ; devoir verbe envoyer (à conjuguer) ; analyse grammaticale p. 1 »). On regrette que l’éditeur n’ait pas poussé plus avant la recherche des sources des exercices imposés à Thérèse, dont l’éducation repose sur l’apprentissage par cœur (elle rate un jour son interrogation d’histoire sainte parce qu’elle a oublié le nom du père de Moïse !) et l’inculcation (acceptée) de la religiosité ambiante. Il est vrai que son père lisait à ses enfants l’Imitation de Jésus-Christ et les Martyrs de Chateaubriand. Comme Freud (contemporain de Thérèse) nous l’a appris, tout est joué avant sept ans.

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Pour citer cet article

Référence papier

Serge Chassagne, « Les cahiers d’école de Thérèse de Lisieux, 1877-1888 »Histoire de l’éducation, 125 | 2010, 121-123.

Référence électronique

Serge Chassagne, « Les cahiers d’école de Thérèse de Lisieux, 1877-1888 »Histoire de l’éducation [En ligne], 125 | 2010, mis en ligne le 23 septembre 2010, consulté le 11 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2096 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2096

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Auteur

Serge Chassagne

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