La maîtrise ès arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles
Résumés
Quelles fonctions remplit la maîtrise ès arts aux XVIIe et XVIIIe siècles ? Si la préservation de rites universitaires archaïques entretient l’illusion d’une continuité formelle avec la période médiévale, la signification de ce titre a profondément changé à l’époque moderne. En effet, les congrégations enseignantes tendent à transformer ce degré en simple certificat d’études, lié à un établissement particulier. Alors que les épreuves de la maîtrise restent centrées sur la philosophie, le décalage devient patent avec la formation humaniste désormais délivrée dans les collèges. Enfin, la maîtrise ne marque plus l’entrée dans la communauté des maîtres universitaires et ne représente plus la garantie d’un statut social ou d’un accès privilégié aux bénéfices ecclésiastiques. Si elle reste indispensable pour obtenir les degrés de certaines facultés supérieures, elle semble donc surtout révéler l’adhésion des récipiendaires aux valeurs universitaires et cléricales traditionnelles.
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Mots-clés :
éducation et promotion sociale, examen, grades universitaires, rites académiques, universitéGéographie :
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- 1 Les contemporains utilisent indifféremment les termes de « grade » ou de « degré » pour désigner l (...)
- 2 Henri Ferté, Des grades universitaires dans l’ancienne faculté des arts. Déterminance ou baccalaur (...)
- 3 Émile Durkheim, L’évolution pédagogique en France, Paris, Presses universitaires de France, 1990 ( (...)
1Le degré1 de maître ès arts remonte aux origines des universités occidentales et semble avoir traversé près de six siècles sans grand bouleversement. Jusqu’à sa suppression en 1793, l’obtention de ce grade suit en effet le même déroulement formel, fondé sur des rituels universitaires qui distinguent encore nettement un baccalauréat, une licence et une maîtrise ès arts, même si les trois degrés forment alors un tout indissociable. Surtout, la maîtrise conserve jusqu’au XVIIIe siècle, dans les statuts et règlements des universités, les mêmes fonctions théoriques de couronnement des études d’humanités et de philosophie, de préparation aux degrés des facultés supérieures et d’entrée dans la communauté des maîtres. Si le sujet a peu intéressé pour la période postérieure au Moyen Âge, ceux qui se sont penchés sur la question ont choisi de suivre ce cadre théorique et de voir dans la maîtrise soit l’ancêtre du baccalauréat ès lettres du XIXe siècle (but des études secondaires et porte d’accès aux facultés), soit un simple rite d’intégration corporatif. La première perspective est privilégiée par les historiens du XIXe siècle, comme Henri Ferté ou Octave Gréard, sensibles à la continuité avec l’Ancien Régime marquée par l’arrêté du 12 mai 1809, qui accorde aux détenteurs de l’ancienne maîtrise ès arts l’équivalence des baccalauréats ès sciences et ès lettres2. L’interprétation proposée en 1938 par Émile Durkheim privilégie, en revanche, une lecture sociologique du sens de ce degré, qu’il voit comme « le grade par excellence [qui marque] l’entrée dans la corporation universitaire, en qualité de maître, avec tous les droits et privilèges attachés à cette qualité », sans opérer de distinction nette entre les périodes médiévale et moderne3. Bien que fort différentes, ces deux approches mettent en avant la continuité formelle du degré de maître ès arts à travers les siècles et peinent à dégager les éventuelles inflexions propres à la période moderne.
- 4 Luce Giard, « Sur le cycle des « artes » à la Renaissance », in Olga Weijers, Louis Holtz (dir.), (...)
2Le renouvellement des savoirs à partir de la Renaissance, la place dominante qu’acquièrent les humanités dans le cursus scolaire et la construction d’un réseau de collèges congréganistes souvent étrangers aux anciennes facultés des arts transforment pourtant radicalement le contexte pédagogique dans lequel est délivrée cette maîtrise. Plus largement, comme l’a souligné Luce Giard, le rapport qu’entretiennent les élites (elles-mêmes renouvelées) aux artes traditionnels est également remis en cause au début du XVIe siècle : à quoi peuvent désormais servir scolairement, intellectuellement, professionnellement et socialement la formation scolastique et le grade de maître ès arts ?4 La question court finalement jusqu’à la Révolution et invite à une relecture du déroulement et du sens de cet examen, qui prendrait la mesure de l’adaptation de la maîtrise à ce nouveau contexte. Le problème ainsi posé revient donc à étudier l’évolution sur le long terme du rapport entre une institution – ici la maîtrise ès arts – et les pratiques scolaires et sociales qui lui sont liées.
- 5 De multiples exemples étayent cette affirmation. À Bordeaux,auXVe siècle, le corps de ville décide (...)
- 6 Roger Chartier, Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia, L’éducation en France du XVIe au XVIIIe (...)
3L’étude de la mise en place de ce contexte au XVIe siècle dépasse le cadre de ce travail, qui se limitera à l’étude des XVIIe et XVIIIe siècles, pendant lesquels le système scolaire est largement stabilisé – figé même, diront certains à partir de 1750. Si les comparaisons avec l’étranger sont toujours fructueuses, il a également semblé préférable de centrer l’étude sur la France, qui constitue un espace éducatif cohérent sinon homogène. Enfin, l’étude s’appuiera avant tout sur l’analyse du cas parisien, mais cette approche est objectivement justifiée par la place prépondérante qu’occupe cette université dans le royaume et par le rôle de modèle que lui reconnaissent alors volontiers les autres places5. Les facultés et les collèges provinciaux ne seront cependant pas négligés, car leurs pratiques s’écartent parfois du modèle, et surtout parce qu’ils captent à partir du XVIIe siècle la plus grande part de la clientèle scolaire, au détriment de Paris6.
I – Le modèle parisien : procédures et rituels d’admission à la maîtrise ès arts
4Si la description de la maîtrise ès arts au Moyen Âge n’entre pas dans le cadre chronologique de cette étude, il convient d’en rappeler brièvement un certain nombre de caractéristiques qui se mettent en place avec la naissance des institutions universitaires, entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle.
1 – Les origines médiévales de la maîtrise ès arts
- 7 Jacques Verger, « Examen privatum, examen publicum. Aux origines médiévales de la thèse », in Clau (...)
- 8 Charles Thurot, De l’organisation de l’enseignement dans l’université de Paris au Moyen Âge, Paris (...)
- 9 J. Verger, art. cit., p. 19 et p. 31.
5La licence ès arts est la première à avoir été formellement organisée, sous l’égide de l’Église qui cherche à encadrer la pratique de l’enseignement à Paris. Le chancelier de Notre-Dame délivre à partir de 1179 une licentia docendi, c’est-à-dire une permission d’enseigner7. Elle est obtenue à partir de 1213 à l’issue d’épreuves passées devant un jury présidé par le chancelier de Notre-Dame, ou par celui de l’abbaye de Sainte-Geneviève, et composé de six maîtres (trois désignés par le chancelier et trois par la faculté)8. Au XIIIe siècle, cet examen porte sur les qualités morales et intellectuelles de l’aspirant et se décompose en plusieurs épisodes, parmi lesquels on distingue ceux qui se déroulent à huis clos (examen secretum, examen privatum, destinés à vérifier les capacités de l’impétrant et le respect des temps d’études requis) et les cérémonies publiques (examen publicum) qui sont des étapes plus formelles9. L’institution d’une procédure d’examen change alors la signification de la licence : elle n’est plus une simple autorisation d’enseigner, mais valide et manifeste publiquement les capacités du licencié dans une discipline donnée.
- 10 Ch. Thurot, op. cit., p. 42 ; É. Durkheim, op. cit, p. 94-99 et p. 147-149 ; A. Bernstein, art. ci (...)
- 11 É. Durkheim, op. cit., p. 150 ; J. Verger, art. cit., p. 25-26.
- 12 Ch. Thurot, op. cit., p. 43-48 et p. 53.
- 13 A. Bernstein, art. cit., p. 297 et Ch. Thurot, op. cit., p. 52
6Cette licence ès arts souffre cependant, aux yeux des maîtres de l’université, de l’inconvénient d’être placée sous la tutelle de l’Église.DepuisDurkheim, l’historiographie a mis en avant le contexte de tension entre l’université et l’évêque de Paris, ainsi que le développement de corporations urbaines jalouses de leur autonomie, pour expliquer la mise en place des deux autres degrés, le baccalauréat et la maîtrise, purement universitaires, qui encadrent la licence10. Le titre de bachelier ès arts ne correspond pas à l’origine à la réussite à un examen ni à la remise d’un diplôme, mais plutôt à un changement de statut de l’étudiant, qui est reconnu comme suffisamment formé pour participer activement aux disputes11. À partir de 1275 au moins, ce titre est pourtant obtenu à l’issue d’une série d’épreuves formelles calquées sur le modèle de la licence : un examen particulier sur un sujet de morale devant un maître ; un examen devant la nation pour vérifier que les conditions réglementaires sont remplies ; la déterminance, enfin, disputepublique tenue pendant le Carême12. Pour les quatre nations de la faculté des arts, la finalité de ce degré est bien de réguler en amont l’accès à la licence. Le chancelier garde un temps la possibilité de licencier des non bacheliers, avant que la nation de France n’impose en 1444 le baccalauréat comme préalable indispensable à la licence13.
- 14 A. Bernstein, art. cit., p. 291 ; É. Durkheim, op. cit., p. 94, p. 96 et p. 147 ; J. Verger, art. (...)
- 15 A. Bernstein, art. cit., p. 294. La nécessité de retourner étudier Aristote n’est formellement exi (...)
- 16 A. Bernstein, art. cit., p. 294, J. Verger, art. cit., p. 34
- 17 Ch. Thurot, op. cit., p. 60
7La mise en place d’un degré supplémentaire après la licence, la maîtrise ès arts, relève de la même logique que celle qui a présidé à la formalisation du baccalauréat : manifester l’entier contrôle de la corporation universitaire sur sa propre composition14. La maîtrise marque en effet la reconnaissance du licencié par ses nouveaux pairs et son entrée en fonction fictive, à travers une leçon inaugurale (inceptio) et la remise des insignes d’appartenance au groupe, comme le bonnet. Elle ne peut s’obtenir que six mois après la licence et une nouvelle étude d’Aristote – manière pour la faculté de souligner l’insuffisance de la licence15. Comme les autres grades, elle se décompose au Moyen Âge en deux ou trois séquences exclusivement orales (dispute vespérale, dispute aulique et, parfois, leçon résompte, au cours de laquelle le nouveau maître reprend les arguments échangés), qui se caractérisent cependant toutes par leur caractère public, par l’importance attachée aux rites et par l’absence d’évaluation scolaire des capacités du candidat par un jury16. Si le chancelier assiste à la cérémonie de la maîtrise, le discours de réception est prononcé par un membre de la faculté, le serment de respecter les privilèges et statuts de l’université est prêté au recteur et le bonnet est reçu des mains du maître sous lequel le lauréat a étudié et qui l’a accompagné jusqu’à ce jour au cours des épreuves17.
- 18 Laurence Brockliss, « Le contenu de l’enseignement et la diffusion des idées nouvelles », in Jacqu (...)
8Le schéma général parisien ainsi dressé connaît au cours du Moyen Âge des évolutions dont il serait hors de propos de retracer ici le détail. L’introduction des pratiques humanistes à Paris au début du XVIe siècle provoque cependant un changement profond de la scolarité au sein de la faculté des arts, qui intègre de nouveaux contenus : l’enseignement de la grammaire latine est renouvelé, l’étude directe des textes antiques occupe une place centrale et la rhétorique devient une finalité éducative. Ces matières occupent une place grandissante dans le cursus au fil du XVIe siècle, au détriment des arts médiévaux (trivium et quadrivium) sur lesquels portaient les épreuves de la maîtrise. Ces arts sont rejetés en fin de scolarité, dans les deux dernières années dites de philosophie, et n’occupent donc plus qu’un quart des huit années d’étude dans la faculté18. Parallèlement, cette dernière connaît un important changement pratique et institutionnel avec l’émergence des collèges comme lieux exclusifs de l’enseignement.
2 – L’obtention de la maîtrise à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles
- 19 Guillaume Guillier, Candidatus artium…, ad usum candidatorum baccalaureatus artiumque magisterii, (...)
9L’analyse des procédures d’admission à la maîtrise ès arts montre que ces évolutions ne sont que partiellement prises en compte dans les nouveaux statuts de l’université de Paris, rédigés en 1598 et officiellement promulgués en 1600. En effet, malgré une réduction du nombre d’épreuves, les démarches et le cadre formel dans lequel doit s’inscrire le candidat (décrits dans ces statuts de 1600 ou dans le guide du candidat à la maîtrise ès arts écrit par Guillier en 173219) diffèrent assez peu de ceux de la période précédente.
- 20 J. Verger, « Examen privatum,… », art. cit., p. 42, estime à propos des examens : « plus que l’exc (...)
- 21 G. Guillier, op. cit., p. IX : « […] lectiones meas philosophicas attentè, assiduè, diligenter et (...)
- 22 Arrêt du parlement qui ordonne que les étudiants des collèges établis par lettres patentes…, Aix, (...)
10La condition réglementaire la plus importante pour se présenter à l’examen reste l’assistance à un cours complet de philosophie dans l’un des collèges de la faculté des arts. Cette prescription se rattache aux dispositions médiévales qui faisaient du respect des temps d’étude un élément clé du jugement porté sur les candidats20. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le professeur de philosophie doit donc encore certifier, dans une redondance des termes censée garantir leur rigueur, que le candidat a « écouté et pris en note [ses] cours avec attention, assiduité, soin et modestie » 21, ce dernier terme laissant penser que ce certificat a pu aussi être utilisé comme moyen de contrôle disciplinaire des élèves. Cette interprétation est confirmée par l’arrêt du parlement de Provence qui ordonne en 1772 que « les étudiants […] pourront être admis au grade de maître ès arts, en rapportant […] des attestations suffisantes d’études et de bonne conduite […] » 22. La nécessité d’avoir assisté aux cours de philosophie dans un collège de la faculté des arts revêt cependant aux XVIIe et XVIIIe siècles une importance qui dépasse le simple contrôle pédagogique, car elle permet également à l’université de Paris, qui est alors confrontée à la concurrence des jésuites du collège de Clermont (ensuite devenu Louis-le-Grand), de s’assurer une participation à la formation des futures élites cléricales du Royaume. Ce contexte explique les multiples dispositifs de vérification de la scolarité à Paris (tableau 1) : le candidat doit obtenir des attestations signées de ses professeurs (étape 1 du tableau), contresignées du principal du collège et du greffier de l’université (2 et 3) et présenter des cahiers écrits de sa main au censeur de sa nation (5). Cette inflation procédurière est une manière pour la faculté de proclamer sa rigueur et, partant, la grande valeur des grades qu’elle délivre. Elle pourrait également signaler l’incapacité à faire respecter ces temps d’études par les candidats, mais il semble difficile de contourner ce quadruple contrôle, et les indications données par Guillier laissent penser que les procédures sont formellement suivies, au moins au XVIIIe siècle.
- 23 H. Ferté, op. cit., p. 7 et 9.
- 24 Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981 (1re édition 1908), p. 14.
11Les historiens des XIXe et XXe siècles ont eu une lecture sévère de la multiplicité de ces étapes préliminaires et du formalisme de ce parcours23. Il convient cependant de rappeler que la multiplication des procédures apparaît – à tort ou à raison – aux yeux des contemporains comme une garantie de la valeur des actes tenus. D’autre part, le nombre d’étapes à franchir, comme le terme de « degré » suggèrent une volonté d’imposer au candidat un véritable itinéraire avant de lui délivrer le diplôme. Une lecture anthropologique identifierait ainsi, à l’intérieur de ce cheminement, une phase de séparation, représentée par le départ du collège avec les attestations d’études comme viatique (1, 2 et 3), puis une phase de mise en marge du candidat, considéré comme un élément étranger et inconnu qui doit se présenter et se faire accepter par les autorités (6, 7 et 9), avant de pouvoir prétendre à l’intégration parmi les maîtres24.
- 25 Tableau établi à partir des Statuts de l’université de Paris, 1598, publiés par Charles Jourdain, (...)
Tableau 1 : Les étapes de la maîtrise ès arts à Paris (XVIIe-XVIIIe siècles)25
- 26 Statuts de la faculté des arts, art. 48, cités par Ch. Jourdain, op. cit., pièces justificatives, (...)
- 27 Bibl. Mazarine, Liber Censorius, Ms 3313 (1660-1676), ms 3314 à ms 3318 (1691-1786).
- 28 H. Ferté, op. cit., p. 7.
- 29 Sur l’évolution de la forme des examens dans l’Europe du Nord, voir William Clark, Academic Charis (...)
- 30 J. Verger, « Examen privatum,… », art. cit., p. 32. W. Clark, op. cit., p. 109-124 sur le développ (...)
12L’examen du baccalauréat proprement dit se déroule, comme les étapes préliminaires, exclusivement dans le cadre de la nation du candidat. Ces nations (de France, d’Allemagne, de Picardie et de Normandie) regroupentdepuis le XIIIe siècle les membres de l’université en fonction de leur diocèse d’origine et conservent donc jusqu’à la Révolution des attributions importantes. Le jury est composé du censeur de la nation (officier élu par ses pairs, chargé entre autres de tenir à jour les registres d’inscriptions des maîtres) et de quatre autres maîtres ès arts de cette nation, qui doivent avoir enseigné pendant au moins deux ans26. Cette disposition revient à choisir les examinateurs parmi les professeurs des collèges de la faculté ou bien parmi les étudiants avancés en théologie (sorbonistes devenus bacheliers). On conserve quelques traces de la composition effective de ces jurys dans les archives de la nation de France27. Sans prétention statistique, un rapide sondage montre qu’ils sont en général formés de trois régents en exercice et d’un bachelier en théologie. Pendant les épreuves, le jury se présente avec tous les attributs vestimentaires liés à son statut de représentant de la communauté des maîtres ès arts (robe longue, pèlerine, bonnet carré), alors que le candidat, maître inachevé, ne doit en avoir qu’une partie (robe longue, bonnet rond)28. Comme dans beaucoup d’autres universités européennes, le baccalauréat de l’époque moderne diffère sensiblement de son ancêtre médiéval puisqu’il correspond désormais à une épreuve unique (qu’on n’appelle plus la déterminance aux XVIIe et XVIIIe siècles), qui garde certes l’apparence d’une dispute, mais revient en réalité à une interrogation orale en latin du candidat par le jury (voir infra)29. À l’issue de cette épreuve, les cinq membres du jury votent et le candidat qui obtient au moins trois voix favorables est admis au baccalauréat. Autant qu’on puisse le savoir, l’épreuve ne donne lieu à aucune note ou classement qui situerait la valeur du candidat dans un ensemble – alors que la pratique est attestée à Paris dans les facultés supérieures du Moyen Âge, et dans d’autres universités de l’époque moderne30.
- 31 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, recueil de pièces sur la licence ès arts délivrée par le chanceli (...)
- 32 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, fol. 25, 27 et 32.
- 33 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, fol. 2, détail du compte de partage entre les intervenants pour l (...)
- 34 Le coût des différentes épreuves est estimé par H. Ferté, op. cit., p. 9, 14 et 17, à partir d’ind (...)
13L’examen de licence (« grand examen ») apparaît comme une réplique de celui du baccalauréat, même si c’est à l’origine le baccalauréat qui a calqué son organisation sur la licence pour la dépouiller de sa fonction de sélection. Le candidat ayant déjà démontré à l’occasion du baccalauréat la validité formelle de sa candidature, les étapes préliminaires se réduisent aux traditionnelles visites à l’un des deux chanceliers (11) et aux quatre autres membres du jury (12). Ces derniers sont tous désignés par le chancelier – et non plus à parité avec la corporation des maîtres comme auparavant – dans le même vivier que pour le baccalauréat et présentent le même profil. Le chancelier établit un équilibre en choisissant en général trois professeurs et un simple bachelier en théologie, chacun des quatre examinateurs représentant une nation31. La comparaison des listes d’examinateurs et des collèges attribués par tirage au sort au chancelier de Sainte-Geneviève pour les années 1765 à 1768 montre qu’au moins pour ces années, les professeurs sont issus de collèges différents de ceux des candidats32. La fonction d’examinateur est naturellement rémunérée et rapporte 114 livres à chaque examinateur en 177333, alors que la licence coûte environ 8 livres au candidat, contre 26 livres pour le baccalauréat et 4 livres pour la maîtrise34.
- 35 Registres de maîtres ès arts reçus par le chancelier de Sainte-Geneviève, Bibl. Sainte-Geneviève, (...)
- 36 Registres de maîtres ès arts de l’université de Paris, Bnf ms lat 9161 (1768-1793). L’année 1768 a (...)
- 37 Ch. Jourdain, Histoire de l’université de Paris, op. cit., t. 2, 1866, p. 291.
14La licence peut être passée tout au long de l’année, à condition que soient remplies les conditions réglementaires (respect du temps d’études)35. Les sessions qui se tiennent dans les premiers jours du mois d’août sont toujours les plus chargées, car elles accueillent les écoliers qui terminent leur philosophie, comme on le voit, par exemple, au cours de l’année 1768 : quatre maîtres sont reçus en janvier ; sept en février ; un en mars ; aucun en avril et mai ; cinq en juin ; vingt en juillet ; cent vingt-sept en août ; six en septembre ; treize en octobre ; sept en novembre et trois en décembre36. Le jury se réunit donc parfois pour un seul candidat pendant les mois d’hiver, alors que le 3 août 1767, sept candidats sont examinés le matin et neuf l’après-midi. Cela donne une indication sur le temps réellement requis pour le passage des grades : si une session dure quatre heures, une demi-heure environ est consacrée à chaque candidat qui passe en même temps la licence et la maîtrise, ce qui laisse sans doute quinze à vingt minutes pour l’interrogation. La durée de l’épreuve du baccalauréat semble comparable, au moins au XVIIIe siècle, puisqu’il est interdit à partir de 1705, dans la nation de France, d’examiner plus de six candidats le matin et six le soir37. Ici aussi, le jury décide à la majorité si le candidat est reçu, sans procéder à aucune notation ou classement : les lauréats apparaissent dans les registres avec la simple mention « admissus est » et sont généralement regroupés par collège d’étude, parfois par diocèse d’origine, certainement pas par mérite.
- 38 Requête de Pierre Blondel, chancelier de Sainte-Geneviève, …, op. cit., p. 5.
- 39 G. Guillier, op. cit., p. 271, et H. Ferté, op. cit., p. 15.
15Le candidat admis reçoit la maîtrise au cours de la même séance38. Ce grade ne correspond plus aux XVIIe et XVIIIe siècles à aucune épreuve (ou simulacre d’épreuve), mais à une cérémonie fortement ritualisée autour duquel se nouent encore tous les enjeux liés à l’autonomie et à la nature de la corporation universitaire. Le futur maître s’approche du chancelier (ou du vice-chancelier, qui le remplace en général pour les examens), s’agenouille et prête serment « quels que soient les honneurs ou les dignités [qu’il pourra obtenir] dans l’université, de rendre toujours honneur et de témoigner du respect au méritissime chancelier de l’Église et de l’université de Paris, ainsi qu’à ses successeurs, d’observer les lois et les statuts de l’académie et de l’université de Paris ». Le chancelier prononce alors la formule consacrée : « En vertu de l’autorité apostolique […], je te donne le pouvoir d’enseigner, de lire, de régenter et de faire tous les actes de la maîtrise ès arts, ici et partout ailleurs… ». Il dépose alors le bonnet de docteur sur la tête du nouveau maître39. Ce dernier est par la suite inscrit dans les registres de sa nation, signés du chancelier et du recteur, et se voit remettre un diplôme de maîtrise au nom de l’université.
- 40 Remarques du chancelier de l’église et université de Paris, défendeur, sur la requête présentée au (...)
- 41 Voir Bibl. Mazarine, Liber Censorius, ms 3313 (1660-1676), ms 3314 à 3318 (1691-1786), et Liber Qu (...)
- 42 Requête de Pierre Blondel…, op. cit., p. 6-7.
- 43 Ibid., p. 25.
16Prenant le contre-pied de l’engagement imposé avant le baccalauréat, ce serment au chancelier met en avant la fidélité à l’Église plutôt qu’à la corporation des maîtres. Celle-ci n’a cependant pas dit son dernier mot, car elle intervient à plusieurs titres à la suite du chancelier pour achever la consécration du nouveau maître (16 à 21) : elle se réserve la délivrance du diplôme, qui est revêtu de son sceau. De plus, contrairement à l’énoncé du chancelier, le nouveau maître n’a pas, à l’issue de la cérémonie, la capacité de « faire tous les actes de la maîtrise ès arts. » Il ne bénéficie en réalité à ce moment que des dispositions étrangères à la corporation enseignante (poursuivre ses études et demander un bénéfice)40. Pour entrer pleinement dans le groupe des maîtres, et en particulier avoir la possibilité d’enseigner et de participer lui-même à la délivrance de la maîtrise ou aux délibérations des nations, il doit encore se soumettre à une dernière formalité, six mois plus tard, devant sa nation (18, 19 et 20), en la « suppliant » de l’admettre en son sein, soit comme futur enseignant, c’est-à-dire « pro regentia et scholis », soit comme bachelier en théologie jouissant des mêmes droits que les maîtres, « pro baccalaureu ». L’assemblée des maîtres de la nation décide alors souverainement de donner une réponse favorable à la demande et l’envoie payer les droits d’entrée au questeur41. Cette dernière formalité apparaît comme une cérémonie de compensation, après la perte de la remise du bonnet de maître par la corporation elle-même, au profit du chancelier. Seule la nation de Normandie a en effet conservé après 1592 l’ancienne cérémonie de « birretation nationale », qui rejoue entièrement la remise du bonnet déjà réalisée lors de la réception comme maître42. Cette conquête des chanceliers remonte au XVIe siècle (à 1592, selon l’avocat d’un des chanceliers) et reste contestée après 1600 par le recteur, qui admet difficilement la perte de cette prérogative43. Les arguments échangés à l’occasion d’un procès engagé en 1717 par le recteur pour rapatrier dans les nations la cérémonie de remise du bonnet montrent que c’est bien l’autonomie du monde universitaire vis-à-vis de l’Église qui se joue derrière ces enjeux symboliques. Dans tous les cas, ces limites montrent que la maîtrise ès arts n’est plus, après 1600, la procédure d’intégration dans la communauté des maîtres chère à Durkheim : si elle n’est pas complétée par d’autres actes devant la nation, elle est devenue un simple diplôme acquis devant le chancelier, reconnu par l’Église dans la course aux bénéfices et permettant d’accéder aux degrés des facultés supérieures.
II – Variations et variabilité du modèle
- 44 G. Guillier, op. cit., p. XVIII.
17Le modèle qui vient d’être décrit constitue une trame valable en général pour la période considérée : quelle que soit la manière dont on déroge à cette norme, elle représente toujours, à Paris comme en province, le cadre auquel on se réfère. Tous les candidats à la maîtrise ne passent cependant pas les grades dans les formes qui viennent d’être décrites. Les candidats provinciaux ont souvent une expérience différente dans la mesure où, si toutes les facultés des arts revendiquent à l’origine leur parenté avec le modèle parisien, la plupart n’ont que partiellement reproduit ce modèle ou bien s’en sont écartées au cours de la période moderne. À Paris même, certains ont préféré soutenir publiquement une thèse de philosophie, qui se substitue alors aux examens de la licence44.
1 – Gloire et déclin de la thèse publique
- 45 Remarque du chancelier de l’église et université de Paris, op. cit., p. 30.
- 46 Véronique Meyer, L’illustration des thèses à Paris dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Peintre (...)
- 47 Jean-Marcellin-Ferdinand Faucillon, La faculté des arts (des lettres) de Montpellier (1242-1793), (...)
- 48 Cité par V. Meyer, op. cit., p. 33.
18La soutenance d’une thèse publique pour l’obtention de la maîtrise est une possibilité, en aucun cas une obligation. L’avocat du chancelier de Notre-Dame affirme ainsi que « [l]e droit d’appeler les chanceliers […] pour cette cérémonie [de la soutenance], est un droit public, le droit des écoliers ou de leurs parents, comme celui de faire le choix d’un professeur ou d’un collège, de soutenir un acte public ou de n’en pas soutenir […] » 45. Véronique Meyer estime que seule une minorité fait ce choix, en raison du coût élevé d’une soutenance publique et, peut-être, de la difficulté de l’exercice46. Ce jugement est confirmé par toutes les estimations dont on peut disposer. Par exemple, à Montpellier, les jésuites reçoivent aux XVIIe et XVIIIe siècles environ 1 500 maîtres ès arts en 133 ans, mais seulement une soixantaine auraient été reçus avec la pompe d’une cérémonie publique47. À Paris, les noms des ministres ou de la haute aristocratie sont ceux que l’on retrouve le plus souvent lors des soutenances publiques de thèses de philosophie – mais il est vrai que ces exemples ont davantage de chance d’être documentés. En 1668, la soutenance du fils de Colbert donne lieu à un compte rendu dans La Gazette du 1er septembre, du fait de la qualité de l’assistance et de la performance jugée extraordinaire du jeune candidat : « Le 29, le fils aîné du sieur Colbert soutint au collège des jésuites, une thèse dédiée au roy, sur toute la philosophie, avec un succès d’autant plus surprenant qu’il n’en est qu’à sa 16e année… » 48.
19Le témoignage Jean d’Ibbarat d’Etchegoyen, élève à Paris en 1786, cité par V. Meyer, donne un éclairage sur le public, qui semble être sélectionné, et sur les contraintes financières et l’« honneur » encore attachés à cette pratique à la fin du XVIIIe siècle :
- 49 V. Meyer, « Les thèses, leur soutenance et leurs illustrations dans les universités françaises sou (...)
« Il est vrai que j’ai bien travaillé ; aussi le principal et les maîtres veulent-ils absolument que je soutienne une thèse générale sur la physique et les mathématiques, à la fin de l’année scolaire. Il est sûr que cela me fera beaucoup d’honneur et que bien des gens en enrageraient ; mais j’hésite, c’est si coûteux ! Je ne m’en tirerais pas à moins de 800 livres. Rien que l’impression de la thèse coûte 200 livres, il faut ensuite faire disposer la salle, donner une sorte de collation aux examinateurs, aux académiciens, ainsi qu’à nos connaissances et à nos correspondants, ce qui revient à 400 livres, puis il y a le présent d’usage aux professeurs : une paire de gants avec un louis dans chaque doigt » 49.
20Finalement, Jean d’Ibbarat d’Etchegoyen renonce.
- 50 Ibid., p. 52. Autres exemples de soutenances collectives dans V. Meyer, L’illustration des thèses… (...)
21La difficulté est parfois tournée par des soutenances collectives, dont les jésuites semblent s’être fait une spécialité. En 1678, le collège jésuite de Caen présente cinquante élèves dans une même soutenance50. Le passage de plusieurs dizaines de candidats interdit évidemment un examen rigoureux de leurs capacités, ce que ne manquent pas de relever les adversaires des jésuites. Ainsi, Claude Nicolay (dont on sait qu’il était régent de la faculté des arts de Poitiers en 1649) fournit une description orientée mais significative de la manière dont se déroulent ces soutenances publiques :
- 51 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit., p. 3-4
« Car pour toute épreuve de capacité, et sans avoir aucun égard aux statuts, [les jésuites] proposent de leur propre autorité, sans prendre jour ni heure des docteurs, dix-sept ou dix-huit écoliers pour répondre publiquement sur toute la philosophie, en deux ou trois heures d’après dînée, en présence de tous les ordres de la ville, et avec grand apparat et magnificence, de préfaces et harangues qui consomment la plupart de ce peu de temps, en sorte qu’à peine chaque répondant peut-il [résoudre] un argument d’une seule question de toute la philosophie, et encore sait-on les artifices qu’on y apporte pour faire paraître comme il est fort aisé les plus ignorants » 51.
- 52 Ibid., p. 4.
22Nicolay déplore alors que « les lettres que l’on délivre pour les degrés ne contiennent aucune vérité », c’est-à-dire la dévaluation du grade consécutive à de telles pratiques52.
23Ce témoignage montre non seulement la facilité avec laquelle on peut ainsi obtenir la maîtrise, mais aussi l’importance des enjeux sociaux de la soutenance publique d’une thèse. Cette soutenance se distingue en effet du simple examen par la participation systématique des élites locales à une cérémonie très fortement théâtralisée. On assiste bien alors à un transfert de la procédure de reconnaissance du candidatdepuisl’institution universitaire vers une instance purement sociale. Ce transfert – qui s’inscrit parfaitement dans le cadre de la « société de cour » – s’appuie cependant sur la réappropriation de la tradition universitaire de la dispute publique, centrale au Moyen Âge et délaissée, comme on l’a vu, par les facultés après le XVIe siècle. Comme pour les autres exercices publics qui se déroulent dans les établissements scolaires, cette intégration des usages sociaux propres aux élites du XVIIe siècle à la procédure de délivrance des grades suppose la mise en œuvre d’un dispositif particulier : publicité de l’acte (obtenue par voie d’affiches annonçant la soutenance) ; impression d’un placard de thèse, composé d’une gravure dans la partie supérieure de la feuille et d’un résumé des « positions » qui seront défendues au cours de la soutenance dans la partie inférieure ; dédicace de l’acte à un puissant personnage ou à une institution, avec la déclamation préalable de panégyriques et de harangues ; décoration aussi fastueuse que possible d’une salle du collège, etc.
- 53 V. Meyer, L’illustration des thèses…, op. cit., p. 39.
- 54 A. Germain, op. cit., p. 53.
- 55 Pierre Costabel, « L’enseignement classiqueauXVIIIe siècle. Collèges et universités », in René Tat (...)
24La pratique de la soutenance publique atteint son apogée dans la seconde moitié du XVIIe siècle, avant de décliner au XVIIIe siècle, comme l’explique V. Meyer : « Par suite des lois somptuaires, mais aussi à cause de la désaffection du public et des scientifiques pour les exercices académiques, la fin du [XVIIe] siècle voit à la fois le déclin de la gravure de thèse et le désintérêt pour leur soutenance53 ». Ce jugement est confirmé par de multiples indices : en 1695 les consuls de Montpellier se plaignent de ce que le vice-chancelier de cette ville ne prenne même plus la peine d’assister aux soutenances54 ; le recensement par Pierre Costabel des thèses de philosophie soutenues au XVIIIe siècle dans les collèges parisiens compte dix-neuf occurrences entre 1700 et 1760, une seule après 176055. La soutenance publique d’une thèse de philosophie ne disparaît pas complètement, comme le montre en 1786 l’exemple de Jean d’Ibbarat (qui hésite, mais ne soutient finalement pas), mais elle est indiscutablement liée à des pratiques sociales (mise en scène des élites, formes rhétoriques spécifiques…) qui sont dévalorisées au cours du XVIIIe siècle. L’examen du candidat par un jury devient alors la forme de passage pratiquement exclusive de la maîtrise.
2 – Variations régionales
25De ce dernier point de vue, l’évolution observée en province ne diffère pas de celle des pratiques parisiennes. Le modèle parisien précédemment décrit couvre théoriquement l’ensemble du territoire, car l’université de la capitale a servi au cours du Moyen Âge de matrice aux fondations ultérieures. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’idiosyncrasie des différentes facultés des arts s’explique donc de manière marginale par quelques singularités héritées des premiers siècles de l’université et, de façon beaucoup plus évidente, par les positions acquises dans chaque ville entre la fin du XVIe et le XVIIe siècle par les congrégations enseignantes (jésuites et oratoriens).
- 56 Factum pour maître Claude Nicolay, op. cit., p. 2.
- 57 Faucillon, op. cit., p. 34 ; Gilbert Dehon, L’université de Douai dans la tourmente (1635-1765). H (...)
26Les particularismes proprement universitaires sont souvent liés à la conservation ou à la moindre évolution (par rapport à Paris) des pratiques ou des statuts médiévaux. C’est le cas, par exemple, à Poitiers, où les candidats à la maîtrise sont théoriquement tenus, d’après les statuts de la fin du XVe siècle encore en vigueur, d’observer un intervalle de plusieurs mois entre le baccalauréat et la licence – ce qu’ils ne font d’ailleurs pas56. De même, le baccalauréat ès arts est obtenu dès la fin de l’année de logique, soit un an avant la maîtrise, dans quelques villes comme Douai ou Montpellier entre 1608 et 162957. À Poitiers encore, le rituel de réception des nouveaux maîtres a conservé symboliquement des traces de l’inceptio médiévale, avec un bref accès à la chaire magistrale pour un simulacre de leçon inaugurale : le doyen invitait chacun
- 58 Cité par V. Meyer, « Les thèses, leur soutenance et leurs illustrations… », art. cit., p. 53, à pa (...)
« à monter successivement dans la chaire où se trouvaient une chausse bordée de fourrure et une barrette ornée d’une houppe d’argent ; chacun d’eux déposait lui-même la chausse sur son épaule gauche, la barrette sur sa tête, et, ainsi décoré des insignes caractéristiques du droit d’exercer l’enseignement public, il prononçait à son choix une phrase latine qui […] devait exprimer quelque maxime religieuse ou morale » 58.
- 59 F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 48 ; A. Germain, op. cit., p. 53 ; Faucillon (...)
- 60 F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 29.
27Ailleurs, la maîtrise déborde du cadre universitaire, et le faste d’une cérémonie urbaine assure la reconnaissance sociale du grade, comme à Bordeaux, où les lauréats sont reçus en grande pompe à la cathédrale, ou bien à Montpellier, où ils sont « promenés par la ville » par les consuls59. À l’inverse, on observe parfois dans certains domaines un détachement plus fort qu’à Paris des formes médiévales. Ainsi, à Bordeaux, on ne délivre plus de baccalauréat et de licence ès arts, mais seulement une maîtrise ès arts, prenant acte de l’unicité de fait des trois grades60. C’est aussi la voie choisie dans la déclaration du roi du 31 mars 1759 qui réforme l’université de Perpignan :
- 61 Jean Sagnes, L’université de Perpignan au XVIIIe siècle, Perpignan, Presses universitaires de Perp (...)
« [Nous…] abrogeons l’usage établi dans ladite université de conférer les grades de bachelier et de docteur en philosophie, au lieu desquels voulons que celui de maître ès arts puisse être accordé à ceux qui auront rempli le temps d’études prescrit pour l’obtention du même grade dans l’université de Toulouse » 61.
- 62 Encyclopédie…, op. cit., t. VII, p. 807 : « Les régents septenaires de l’université de Paris, c’es (...)
- 63 Ibid. : « Les régents septenaires des universités de Caen & de Reims ont aussi le même privilège q (...)
- 64 Abbé Pelletier, « La réitération de grades », Bulletin de la société archéologique de l’Orléanais, (...)
- 65 L. Liard, op. cit., p. 107-108 ; P. Costabel, art. cit., p. 22 ; D. Julia, « Universités et collèg (...)
28Ces différences formelles apparaissent cependant comme secondaires et n’influent pas sur la reconnaissance accordée au grade selon la ville où on le passe. Indiscutablement, la maîtrise parisienne est la plus recherchée. Outre le prestige historique et le statut de capitale, Paris s’affirme en effet par son poids numérique, qui écrase les autres facultés, ainsi que par sa capacité à attirer des étudiants venus de toutes les régions et à placer ses maîtres partout en France. Cette prééminence est officiellement reconnue dans les dispositions concernant la priorité accordée aux gradués pour obtenir des bénéfices ecclésiastiques, qui stipulent que les maîtres enseignants parisiens passeront devant tous les autres, à l’exception des docteurs en théologie62. Toujours du point de vue réglementaire, Caen et Reims sont les deux seules universités provinciales qui se distinguent par leur proximité avec Paris : les maîtres ès arts de ces villes jouissent, pour l’accès aux bénéfices, de la même priorité que les maîtres septénaires parisiens (c’est-à-dire qui ont enseigné pendant sept années) et sont également les seuls auxquels la faculté parisienne consent à délivrer sa propre maîtrise après une seule année passée sur ses bancs, alors que les maîtres des autres villes doivent reprendre tout le cursus des arts63. Parmi toutes les facultés de France, s’établit enfin une hiérarchie entre les « universités fameuses » (les plus anciennes) et les autres, dont les gradués ne peuvent prétendre aux mêmes privilèges. Ce statut d’université « fameuse » – qui correspond à une catégorie juridique précise et non à un jugement de valeur communément admis – ne paraît cependant pas très discriminant, car il est très largement partagé : Paris, Reims, Orléans, Bourges, Angers, Poitiers, Toulouse, Montpellier, Caen, Dijon, Bordeaux et Valence sont les universités fameuses du royaume64. D’une manière générale, les historiens ont considéré que les exigences scolaires étaient faibles en province et que seule la maîtrise parisienne avait une réelle valeur65. S’il est en effet possible de citer plusieurs témoignages ponctuels de l’indulgence des jurys provinciaux, qui se contentent souvent d’une simple attestation d’études philosophiques obtenue dans un collège quelconque pour délivrer le grade, cette impression n’est cependant étayée à ce jour par aucune étude précise.
29À l’intérieur du groupe des facultés provinciales, les différences les plus significatives pour l’accès à la maîtrise relèvent en pratique, à partir du XVIIe siècle, de la position qu’est parvenu à occuper le collège jésuite ou oratorien dans la faculté des arts locale. Avec des nuances intermédiaires, deux configurations se rencontrent : ou bien une congrégation contrôle totalement la faculté et délivre le grade comme bon lui semble, y compris pour des usages purement internes, ou bien les enseignants du collège congréganiste dépendent encore d’une faculté qui leur échappe. Plutôt que de se livrer à un fastidieux tour de France, il a semblé préférable de retenir quelques cas typiques présentés sous forme de tableau (voir tableau 2).
30Le contrôle exclusif d’une faculté des arts par un groupe unique lié à un collège (les jésuites à Pau et Bourges ; les oratoriens à Nantes) change le statut de la maîtrise : délivrée par des professeurs à leurs propres élèves, elle ne se différencie plus d’un simple certificat d’études valant pour un établissement singulier. Disparaît alors la spécificité du grade universitaire, qui repose sur la distinction des institutions (collège vs faculté), des personnes (professeur vs communauté des maîtres) et des fonctions (enseignement vs évaluation par un jury composé des futurs pairs). Le grade perd ainsi le caractère théoriquement universel conféré par un dispositif qui cherche, à travers un jeu d’échelles institutionnel, à échapper à la singularité de la relation pédagogique en plaçant l’évaluation dans le cadre plus large de la communauté universitaire. De même que pour l’enseignement des arts, qui a abandonné les facultés pour se replier dans les collèges au XVIe siècle, on enregistre ici les effets de la « scolarisation » d’un examen originellement universitaire.
Tableau 2 : Délivrance de la maîtrise ès arts par les jésuites ou les oratoriens dans quelques villes françaises
- 66 Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia, Les collèges français (XVIe-XVIIIe siècles), Répertoire (...)
- 67 Bordeaux : F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 37 ; Montpellier : A. Germain, op (...)
- 68 Caen : CF, t. 2, p. 149-150 ; Douai : G. Dehon, op. cit., p. 19-20 ; Avignon : CF, t. I, p. 94, p. (...)
- 69 Les relations entre l’université de Paris et les jésuites ont donné lieu à une abondante littératu (...)
- 70 CF, t. 2, p. 140.
- 71 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit. ; Jean-Médéric Tourneur-Aumont, La faculté des arts d (...)
- 72 Joseph-Cyprien Nadal, Histoire de l’université de Valence et des autres établissements d’instructi (...)
- 73 H. Ferté, op. cit., p. 18.
- 74 Gérard Emptoz (dir.), Histoire de l’université de Nantes. 1460-1993, Rennes, Presses universitaire (...)
- 75 Factum intitulé Mémoire pour les prêtres de la congrégation de l’oratoire de Jésus…, vers 1691, Ar (...)
Pau66 ; Bordeaux, Perpignan et Montpellier67 ; Caen, Avignon et Douai68 ; Paris69 ; Bourges70 ; Poitiers71 ; Valence72 ; Orange73 ; Nantes74 ; Angers75.
- 76 CF, t. 2, p. 151. Les jésuites font graduer peu d’élèves à Caen, ce qui confirmerait l’accusation (...)
- 77 D. Julia, in J. Verger (dir.), Histoire des universités…, op. cit., p. 185.
31Seconde difficulté liée à une telle configuration, les jésuites et les oratoriens semblent souvent utiliser les facultés qu’ils contrôlent comme centres de distribution de la maîtrise au profit de tous les membres ou élèves de la congrégation. Ainsi les jésuites de Bourges sont-ils accusés par le président du parlement de Normandie de graduer avec complaisance tous les élèves que leurs confrères de Caen ne souhaitent pas présenter devant la faculté des arts de cette dernière ville, alors que les oratoriens utiliseraient la faculté de Nantes pour distribuer la maîtrise à l’échelle nationale dans leur congrégation76. Dominique Julia cite le cas d’un ancien élève des jésuites de Rennes, qui a besoin de la maîtrise ès arts pour s’inscrire en 1761 à la faculté de médecine : il se rend chez les jésuites de Caen, qui écrivent à leurs collègues de Bourges et leur expédient le prix du grade ; le diplôme arrive à Caen quelques jours plus tard77. Ce degré délivré par correspondance s’exonère totalement des formes prescrites de l’examen comme des rites en usage. Surtout, les facultés ainsi contrôlées ne fonctionnent plus dans le cadre d’une université urbaine, mais à l’échelle déterritorialisée d’une congrégation qui fait jouer à plein son réseau.
- 78 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit., p. 3.
- 79 F. de Dainville, art. cit., p. 78.
32La situation est en apparence fort variable dans les autres villes. À Bordeaux, Montpellier, Poitiers ou Angers (configuration n° 2), les jésuites ou les oratoriens dominent le jury, même s’ils ne le composent pas en entier, et semblent avoir les coudées franches. À Poitiers, par exemple, où le doyen de la faculté n’est pas jésuite, un de leurs adversaires affirme en 1650 que « les jésuites […] se sont rendus maîtres de la faculté et ont disposé à leur volonté du doyen pour l’examen des écoliers de leur collège »78. À Angers, François de Dainville dénonce comme un diplôme de complaisance la maîtrise signée le 1er décembre 1780 par le R. P. Delaplace, supérieur du collège oratorien et doyen de la faculté des arts de cette ville, au profit d’Antoine Brun, « licencié de la faculté des arts et professeur des arts libéraux », prêtre de l’Oratoire, du diocèse d’Aix79. À Douai ou à Valence, les jésuites n’appartiennent pas à la faculté (configuration n° 3), mais ils sont suffisamment puissants face à des facultés des arts moribondes pour que la graduation de leurs élèves ne soit qu’une formalité. Malgré la diversité des situations locales, on retrouve bien, dans la plupart des cas, le même schéma de fonctionnement qui permet au principal collège d’une ville universitaire provinciale de délivrer à sa guise la maîtrise ès arts à l’issue de la scolarité. Caen ou Avignon, où les jésuites se heurtent aux exigences d’éléments moins bien disposés à leur égard (la faculté des arts à Caen, l’évêque à Avignon), font figure d’exceptions dans ce paysage.
- 80 Roger Chartier, Jacques Revel, Dominique Julia (dir.), Les universités européennes du XVIe au XVII (...)
- 81 Faucillon, op. cit., p. 30.
- 82 Ibid., p. 56.
- 83 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit., p. 3.
- 84 À Poitiers, voir Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit.,p. 12. Témoignage bordelais présenté (...)
33Le cas des collèges situés dans une ville ne disposant pas d’une faculté pose des problèmes différents. Outre le contournement des dispositions réglementaires par le réseau d’une congrégation, comme à Bourges ou Nantes, la solution traditionnelle consiste à différencier la ville dans laquelle on entame ses études de celle où ont les achève pour prendre les grades. Le phénomène a été bien étudié pour les facultés supérieures de droit, théologie ou médecine, et certaines universités sont connues pour délivrer des grades à n’importe quel étudiant prêt à payer80. De telles pratiques peuvent être repérées pour la maîtrise ès arts à l’époque moderne. À Montpellier, lorsque l’évêque refuse de délivrer la maîtrise suite à un conflit avec les professeurs protestants du collège, pendant les années 1606 et 1607, on apprend que les élèves se déplacent pour obtenir les grades dans d’autres villes81. En 1762, les deux nouveaux professeurs nommés dans cette ville pour remplacer les jésuites obtiennent sans difficulté la maîtrise en quelques jours, respectivement à Avignon et à Orange, où la vénalité des grades est célèbre82. Plus discrètement, à Poitiers, au milieu du XVIIe siècle, « Maistre Guillaume Piry, doyen, examine tout seul la plus grande part de ceux qui demandent les degrés et leur en signe tout seul les lettres testimoniales […] sans y appeler les deux autres docteurs, ni observer aucune sorte d’examen prescrite par les articles ci-dessus et [on] prouverait bien que les absents trouvent la même facilité envers lui pour de l’argent que les présents », ce qui signifie qu’il vend des diplômes de complaisance à des élèves qui n’ont jamais fréquenté la faculté des arts de Poitiers83. À Bordeaux, un maître fait scandale en délivrant des lettres de maître ès arts « sans autre forme de cérémonie que de faire répondre […] dans une chambre sur quelques questions imprimées […], étant lui-même l’argumentant et le souffleur de quelques réponses répétées84 ». S’il est possible d’exhumer d’autres exemples de fraudes, elles semblent moins systématiques que dans le cas des études de droit, par exemple.
34Les comptages dans les archives montrent en effet un gonflement des effectifs à partir de la classe de logique dans les établissements qui permettent d’accéder à la maîtrise, ce qui laisse penser qu’à la différence du droit, les élèves étudientaumoins quelques mois la philosophie. C’est le cas à Caen, par exemple :
- 85 D’après un décompte manuscrit en vue d’une estimation des revenus des enseignants, Arch. nat. M 19 (...)
Tableau 3 : Répartition des effectifs dans les différentes classes à la faculté des arts de Caen (année 1777-1778)85
- 86 G. Dehon, op. cit. p. 203-204. Même phénomène repéré à Bordeaux, par exemple (F. Cadilhon, B. Lach (...)
35Le cas particulier de la cinquième mis à part (en l’absence de classe de sixième, la classe de cinquième fait office de cinquième et de sixième, ce qui explique le nombre important d’élèves qui y sont inscrits), les effectifs doublent bien à partir de la logique. La différence entre la logique et la physique s’explique en partie par les variations annuelles des effectifs et en partie par l’abandon de certains élèves. Une évolution identique a été relevée à Douai, où Gilbert Dehon estime les effectifs de philosophie au collège d’Anchin à 600 élèves, contre seulement 350 pour les humanités86.
- 87 Arrêt du parlement qui ordonne que les étudiants des collèges établis…, op. cit., p. 2.
- 88 Déclaration royale du 4 décembre 1725, citée par CF, t. 1, p. 519.
- 89 J. Nadal, Histoire de l’université de Valence…, op. cit., p. 231.
- 90 Arrêt du parlement qui ordonne que les étudiants des collèges établis…, op. cit., p. 1.
- 91 Ibid., p. 3
36Une telle mobilité constitue cependant une contrainte lourde pour les élèves et leurs familles. Une solution est esquissée au cours du XVIIIe siècle : on affilie ou agrège les collèges isolés à une faculté voisine, ce qui permet de faire reconnaître les temps d’études passés dans ces collèges et de n’envoyer les élèves dans la ville universitaire que pour prendre le grade. Se dessine ainsi une sorte de régionalisation des grades. Les motifs en sont clairement exposés dans l’arrêt du parlement d’Aix de 1772, qui rappelle dans ses attendus qu’« il était nécessaire de pourvoir à cet objet […] car s’étant présenté divers candidats qui avaient fait leurs études dans les principaux collèges de la Province, autres que celui de l’université, ils n’ont pu être admis aux examens, et ont été obligés de recourir aux autres universités qui ne font aucune difficulté pour les admettre »87. La voie a été ouverte, comme on le voit, par les usages anciens de certaines universités qui distribuaient libéralement les grades et par les discrètes pratiques des congrégations enseignantes déjà évoquées. Mais il s’agissait là d’« abus », dénoncés comme tels par les contemporains. Le système d’affiliation qui se développe au XVIIIe siècle vise donc à inscrire la pratique dans un cadre réglementaire capable de conférer aux grades ainsi obtenus une légitimité absente des détournements précédents. Les deux modèles qui se dessinent au début du siècle concernent soit un collège qui obtient l’agrégation dans la faculté d’une ville voisine tenue par la même congrégation (cas du collège jésuite de Lescar, qui est officiellement agrégé à la faculté de Pau en 172588), soit des séminaires isolés qui cherchent à valoriser leur formation (par exemple, le séminaire de Bourg-Saint-Andéol, qui est uni à la faculté des arts de Valence par les lettres patentes du 15 décembre 1737)89. C’est à Aix-en-Provence que le mouvement est le plus systématique avec l’arrêt déjà cité de 1772 « qui ordonne que les étudiants des collèges [de la province] établis par lettres patentes pourront être admis au grade de maître ès arts, en rapportant à la faculté des arts de l’université d’Aix des attestations suffisantes d’études et de bonne conduite des collèges où ils auront étudié, et en se conformant à tout ce qui est prescrit pour les étudiants du collège royal de Bourbon »90. Les facultés des arts jouent alors pour la première fois officiellement le rôle de centres d’examen à l’échelle régionale. L’arrêt du parlement d’Aix ne va cependant pas au bout de cette logique de territorialisation du grade, puisqu’il instaure une maîtrise à deux niveaux : le diplôme remis aux lauréats venus des villes voisines sera incomplet (il permettra seulement la poursuite des études de théologie et de médecine), et seuls les élèves d’Aix jouiront « des droits et privilèges que les lois n’accordent qu’aux études académiques » et auront ainsi un accès prioritaire aux bénéfices91. Le cadre du vieux monopole urbain conféré aux universités n’est donc pas complètement brisé et la sélectivité d’un grade obtenu dans une ville universitaire est en apparence préservée.
III – Sélectivité scolaire et signification sociale d’un examen
37La question de la sélectivité de la maîtrise ne peut être abordée sous le seul angle de la « difficulté » des épreuves, car cette notion est éminemment relative et conduit souvent l’exposé à verser dans un jugement de valeur anachronique. En effet, il n’est pas certain que pour les contemporains la « difficulté » ait été centrale dans la définition des critères d’accès à la maîtrise ès arts. L’analyse cherchera donc plutôt à présenter la performance attendue du candidat, avant d’évaluer et d’expliquer la proportion des écoliers qui accèdent finalement aux grades.
1 – Contenu et déroulement des épreuves
- 92 Laurent Duhan, Philosophus in utramque partem, sive Selectae et limatae difficultates in utramque (...)
- 93 Guillaume Guillier, Candidatus artium, ubi de rhetorica et philosophia, ejusque singulis partibus, (...)
- 94 Jean-Charles-Félix Caron, Compendium institutionum philosophiae, in quo de rhetorica et philosophi (...)
38Le déroulement de ces épreuves est indirectement connu grâce à une série de manuels édités à Paris, à partir de la fin du XVIIe siècle. L’ouvrage que publie en 1694 Laurent Duhan, professeur au collège du Plessis,Philosophus in utramque partem […] ad usum scholae… n’est pas encore tout à fait abouti, malgré les six rééditions qu’il connaît jusqu’en 1733, car il ne se distingue pas complètement d’un cours de philosophie imprimé et choisit une présentation qui suit la forme canonique de la dispute (propositio 1/objectio 1…), sans reproduire exactement le mode d’interrogation orale du candidat au début du XVIIIe siècle92. Le manuel de Guillaume Guillier, professeur au collège des Grassins, qui est édité en 1732 et réédité en 1749 sous le titre Candidatus artium […], ad usum candidatorum baccalaureatus artiumque magisterii, paraît le plus proche du déroulement des deux examens, à la préparation desquels il est explicitement et exclusivement consacré93. Il prend la forme d’une liste de sujets possibles (176), avec, pour chacun d’eux, une présentation des questions posées par le jury et des réponses attendues du candidat, en une ou deux pages. Son succès éclipse le manuel de Duhan, et le plagiat dont il est l’objet en 1770 par Jean-Charles-Félix Caron montre qu’il reste bien adapté à son objet à cette date et peut servir de référence pour tout le XVIIIe siècle94.
- 95 Ch. Jourdain, op. cit., Pièces justificatives, p. 5, art. XLVII : artium baccalaureatus candidati, (...)
- 96 Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut et Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses env (...)
39Ces manuels ne font pas de différence entre la préparation des épreuves du baccalauréat et celle des épreuves de la licence, ce qui suppose un programme identique et fondé sur le cours de philosophie, qui exclurait de l’évaluation les six premières années du cursus consacrées aux belles lettres. De même, les statuts de 1600 de la faculté des arts de Paris précisent que l’examen du baccalauréat ès arts comprend seulement une interrogation sur la « logique, l’éthique, la physique et la métaphysique95 ». Ces statuts n’explicitent pas les matières de l’examen de licence, qui est supposé identique à celui du baccalauréat. Une source tardive (1779) et extra-universitaire laisse cependant penser qu’une évolution des pratiques a pu avoir lieu en dehors de toute modification réglementaire, lorsqu’elle précise que « cet examen [du baccalauréat] roule sur les belles lettres, la rhétorique et les quatre parties de la philosophie. On y fait expliquer différents auteurs latins et grecs à livre ouvert. […] Le second examen [de licence] n’a pour objet que les quatre parties de la philosophie seulement »96. Si cette dernière mention ne peut être ignorée et doit conduire à nuancer toute conclusion, la domination de la philosophie paraît cependant incontestable dans les deux épreuves, sur l’ensemble de la période étudiée, alors que sa place est réduite dans un cursus scolaire largement consacré aux belles lettres.
- 97 L.W.B. Brockliss, « Le contenu de l’enseignement et la diffusion des idées nouvelles », in Jacques (...)
- 98 Louis de Jaucourt, in D. Diderot et al., Encyclopédie…, op. cit., entrée « études », vol. VI, p. 9 (...)
40Le manuel de Guillier montre, de plus, qu’il existe un léger décalage entre la nature des épreuves proposées et l’évolution générale de l’enseignement de la philosophie. Laurence Brockliss a présenté l’évolution de cet enseignement : la tendance générale est à une réduction du poids de la logique, de l’éthique et de la métaphysique dans le cursus, avec le regroupement de ces matières dans la première année (dite de « logique ») à partir du milieu du XVIIe siècle. La physique se voit, en revanche, accorder toute la deuxième année, ce qui permet d’intégrer lentement les révolutions philosophiques et scientifiques du XVIIe siècle97. Mais si les programmes ont ainsi été redécoupés pour laisser une plus grande place aux parties les plus novatrices de la physique et des mathématiques, l’économie générale de l’ouvrage de Guillier continue à faire la part belle aux matières les plus traditionnelles, en 1732 comme en 1749 (tableau 4). Les cinq premières parties de l’ouvrage occupent toujours les deux tiers de l’ouvrage en volume et fournissent 110 sujets sur 176 (63 %). La place importante accordée à la seule logique (28 % du total des pages, 33 sujets) justifie le caractère éponyme de cette matière pour la première année d’études et explique les critiques qui sont adressées à partir du milieu du siècle à un examen présenté comme le conservatoire de la tradition scolastique98.
- 99 G. Guillier, op. cit., p. 219. Lacryma batavica : expérience à la modedepuisles années 1640, qui c (...)
- 100 Ibid., p. 227.
- 101 Ibid., p. 210.
- 102 Alain de Libera « Faculté des arts ou faculté de philosophie ? », in Olga Weijers, Louis Holtz, L’ (...)
- 103 Sur l’adoption du cartésianisme par les professeurs de l’université de Paris, voir L.W.B. Brocklis (...)
- 104 A. Firode, art. cit., p. 60, et un autre article du même auteur qui aborde également ce sujet : « (...)
41Au-delà du poids des différentes parties de l’ouvrage, les propositions contenues dans chaque sujet s’écartent fort peu de la vulgate aristotélicienne. En physique même, on pourrait bien identifier une dizaine de sujets neufs au début du XVIIIe siècle, comme celui sur les « larmes bataves »99, ou bien revisités à la lumière des nouvelles théories, comme ces interrogations sur les rôles respectifs de la lune et du soleil dans le mécanisme des marées100 ou la comparaison entre les systèmes de Ptolémée et de Copernic101. Mais, dans tous les cas, on reste fidèle, quand les propositions s’écartent d’Aristote, à une présentation qui suit la trame de la dispute médiévale102. Alors que les professeurs de philosophie parisiens ont tous accepté les principes cartésiens avant 1732, l’organisation générale de la physique comme le poids consacré à la définition des différentes catégories aristotéliciennes restent inchangés dans les épreuves que présente Guillier103. Si l’écart avec la démarche (restée traditionnelle) suivie en classe est à cette date assez modeste, comme le montre l’étude de l’enseignement d’Adrien Geffroy présentée par Alain Firode104, la reprise à l’identique de l’ouvrage de Guillier en 1770 par J.-C.-F. Caron pourrait manifester un décalage plus net à cette date entre les épreuves de la maîtrise et la philosophie enseignée dans les classes, où le newtonisme commence à poindre dans les années 1760. En l’absence d’archives des examens de baccalauréat et de licence, les interprétations possibles de ces manuels doivent rester prudentes et ne pas exclure de possibles différences avec la pratique des jurys, comme le laisse entrevoir le Dictionnaire historique de la ville de Paris. Cependant, si le conservatisme des épreuves par rapport à l’enseignement se trouvait confirmé, il pourrait éclairer d’un jour nouveau la charge menée par les contemporains des Lumières contre la maîtrise ès arts.
- 105 G. Guillier, op. cit., p. 1-2.
42L’analyse d’un exemple de sujet traité permet de donner une idée plus précise de la manière dont pouvait se dérouler l’épreuve, étant entendu qu’il s’agit ici d’un modèle fourni par un professeur, correspondant aux questions et aux réponses attendues d’un bon candidat. Le premier des cent soixante-seize sujets possibles (Rhetorica definitur) a été retenu pour illustrer l’échange entre le candidat et les examinateurs, ainsi que la manière dont est abordée la rhétorique dans cet examen105 :
- 106 Des remarques identiques concernant le maintien des formes rhétoriques traditionnelles et le recou (...)
43D’un point de vue formel, l’interrogation – individuelle – se présente ici comme une alternance de questions et de réponses peu développées (une ou deux propositions), qui diffèrent de l’argumentation appuyée sur un véritable raisonnement, telle qu’on la trouve dans certaines soutenances de thèses de philosophie. De manière assez systématique, l’examinateur reprend un élément de réponse du candidat pour lancer une nouvelle question. L’auteur prend soin de respecter la titulature propre à chaque intervenant dans la transcription du dialogue (meritissimus examinator, eruditus candidatus), sans doute pour familiariser le candidat avec les conditions de l’épreuve. Si la morphologie latine est respectée – c’est le moins que l’on puisse attendre de la part d’un professeur –, la syntaxe diffère de celle du latin classique et l’on pourrait relever dans les autres sujets traités de nombreux glissements sémantiques. Ces éléments montrent que, deux siècles après les débuts de l’humanisme, le latin utilisé dans les facultés reste proche du latin scolastique (qui était peut-être le seul à pouvoir être utilisé oralement). On n’attend pas du candidat des réponses approfondies ou qui témoigneraient d’une réflexion originale, mais bien, dans ce sujet comme dans les autres, la récitation de définitions vues en cours – mais en va-t-il différemment à d’autres périodes dans les examens passés aux mêmes âges ? Dans ce sujet qui porte sur la rhétorique, on remarque que les références à la littérature classique (suivre le raisonnement de Cicéron sur la « manutention » des esprits et le citer explicitement) sont valorisées, mais la matière reste abordée de manière philosophique, à travers des réflexes intellectuels et méthodologiques traditionnels (par exemple, une définition selon l’étymologie, ou bien selon la chose). La justesse formelle du raisonnement est privilégiée, au détriment d’une réflexion fondée sur une démarche empirique, comme on le voit avec la dernière réponse, sous laquelle affleure le syllogisme (1. on peut parler de tout ; 2. la rhétorique est l’art de parler ; 3. donc la rhétorique embrasse toutes les choses)106. D’une manière générale, l’exercice intellectuel imposé au cours de ces épreuves s’éloigne donc assez peu de la tradition médiévale. En définitive, les exigences implicites de l’examen sont de deux ordres : connaître les notions vues en cours et être capable de les présenter oralement en latin.
2 – Sens et rôle des épreuves
- 107 C. Nicolay affirme que « jamais […] un [écolier n’a] été refusé » par le jury dominé par les jésui (...)
- 108 Requête de Pierre Blondel…, op. cit., p. 28.
44Se pose évidemment la question de l’indulgence du jury par rapport aux normes ainsi définies. Les jugements des contemporains sur la sélectivité d’une épreuve sont à utiliser avec prudence, car la question n’est abordée que dans un contexte polémique. La complaisance supposée de tel ou tel jury sert toujours à disqualifier intellectuellement ou moralement ses membres, comme on l’a vu dans la charge de Claude Nicolay contre les jésuites de Poitiers en 1649 ou bien à l’occasion du conflit qui oppose en 1717 et 1718 les deux chanceliers parisiens aux professeurs107. Ces derniers reprochent alors à la licence, surtout si elle prend la forme d’une soutenance publique de thèse, d’être « un examen public, où il n’y point d’exemple qu’on ait jamais refusé personne, [et qui] a donné lieu souvent à d’indignes sujets d’acquérir un degré qu’ils ne méritaient pas, et qu’on leur aurait refusé dans un examen particulier »108.
- 109 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, fol. 26-45. Parmi ces 32 candidats refusés, 27 sont explicitement (...)
- 110 L’absence de suivi de ces individus ne peut s’expliquer par l’interruption brutale de la source en (...)
45Une telle affirmation n’est cependant pas tout à fait exacte, car elle passe sous silence une réalité plus complexe. En effet, les archives du jury de licence de Sainte-Geneviève, conservées pour les années 1764 à 1768, montrent que tous les candidats ne sont pas admis à l’issue des épreuves : sur 395 élèves qui se présentent au fil de ces quatre années, 363 obtiennent la licence dès la première session (92 %) et 32 sont ajournés (8 %)109. Parmi ces trente-deux candidats malheureux, vingt-trois se représentent quelques mois plus tard pour une deuxième tentative, à laquelle échouent encore trois d’entre eux. Ces trois derniers reviennent à une troisième session, au cours de laquelle tous sont admis. Parmi les trente-deux qui avaient échoué à la première tentative, neuf ne se sont cependant plus représentés et ont complètement disparu des registres, leur premier échec devenant ainsi définitif110. De fait, comme l’affirment les adversaires des chanceliers, on finit toujours par délivrer la maîtrise à ceux qui insistent pour l’obtenir. Mais cette délivrance n’est pas acquise d’emblée et une forme de sélection est à bien l’œuvre lors de cet examen, au moins aux yeux du jury. Le rejet du candidat jugé insuffisant est certes toujours provisoire, mais le sens de cette relégation est ambigu : constitue-t-elle une seconde chance ou a-t-elle vocation à décourager les candidats les plus faibles ? Y a-t-il une politique de l’ajournement qui nuancerait la fermeté du rejet suivant les cas, comme pourrait le laisser penser le fait que la majorité est ajournée « à trois mois » et que quelques-uns le sont « à huit jours » ou « au prochain examen » ? Il n’est ainsi pas impossible que la dissuasion par le biais d’ajournements successifs ou éloignés dans le temps ait été une forme douce d’exclusion au moment du passage de la licence.
- 111 J. Verger, « Examen privatum… », art. cit., p. 32-33.
- 112 Requête de Pierre Blondel, op. cit., p. 28.
- 113 Ibid., p. 29.
- 114 En réalité, l’article 43 des statuts de la faculté des arts stipule que les candidats auront été r (...)
- 115 J.-Ch.-F. Caron, op. cit., vol. 1, p. VI-VII.
46De plus, les élèves qui se présentent aux épreuves terminales de la licence ont déjà été l’objet d’une sélection préalable, ce qui explique les réticences du jury à rejeter trop brutalement un candidat et à déjuger ainsi le travail effectué en amont. Les élèves ont effet passé auparavant les épreuves du baccalauréat, similaires à celles de la licence (et réputées moins solennelles mais plus sélectives au Moyen Âge111). Avant même ce premier examen, le professeur qui prend la responsabilité de présenter un élève (son nom figure toujours dans les registres, à côté de celui du candidat) a dû opérer un premier tri. Comme l’explique Pierre Blondel, l’avocat du chancelier de Notre-Dame en 1718, « l’intérêt des écoliers et celui des professeurs ne permet pas en effet de croire qu’on ait facilement et souvent exposé aux yeux du public des soutenants ignorants, qui n’auraient pu que se déshonorer eux-mêmes, leurs parents et l’université »112. Cette sélection préalable est inscrite dans les statuts de 1600, à l’article 43, selon ce même avocat : « Car il y est enjoint aux professeurs de ne produire en public à la seconde année de leur cours, que les écoliers qu’ils auront bien exercés en particulier pendant la première année. Au moyen de l’observation de ces statuts, on ne verra aucun candidat soutenir pour le bonnet de maître ès arts, qui n’ait une capacité suffisante pour mériter d’être reçu à l’examen du chancelier »113. Si Blondel force un peu le sens de cet article114, le témoignage de J.-C.-F. Caron va dans le même sens lorsqu’il raconte, dans l’introduction à son manuel de préparation à la maîtrise, comment il avait été prévenu par son professeur de philosophie au collège de Montaigu, M. Delneuf, qu’il était « mal engagé » pour la réussite des examens. Sur les conseils de ce professeur, il suit une préparation spécifique organisée par son collègue M. Lettrier : des « leçons particulières qu’il donnait à plusieurs jeunes gens qu’il disposait pour lors à la maîtrise ès arts115 ». On voit ici que la préparation à l’examen se différencie du cours de philosophie lui-même et ne s’adresse qu’à une partie des effectifs.
- 116 Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, A. Fayard, (...)
- 117 Requête de Pierre Blondel, op. cit., p. 29.
47L’existence d’une forme de sélection préalable conduit donc à reconsidérer la fonction des épreuves de baccalauréat et de licence aux XVIIe et XVIIIe siècles : elles ne servent pas à évaluer les capacités du candidat, mais à lui permettre d’en faire étalage ou, si l’on préfère, à confirmer publiquement qu’il possède bien ces capacités. De ce point de vue, la maîtrise ès arts s’inscrit parfaitement dans ce que Pierre Bourdieu décrit comme des « rites de consécration, ou rites de légitimation », même si les contemporains continuent d’y voir des actes « probatoires »116. Il peut certes arriver que le candidat ne puisse démontrer son savoir pendant l’épreuve, mais ceci n’est qu’un problème ponctuel, puisque, s’il est présenté, il a normalement la capacité de réussir. Son échec momentané n’implique donc pas nécessairement un jugement négatif à son endroit. C’est ainsi que l’avocat du chancelier justifie la réussite « de quelques bons sujets, que leur excessive timidité, ou la difficulté des questions proposées, ou leurs talents déjà connus d’ailleurs […], peuvent permettre de traiter avec quelque indulgence »117. L’absence de classement ou de notation à l’issue des épreuves confirme cette lecture du rôle des examens.
- 118 D. Julia, art. cit., p. 191. À Caen et à Besançon à la fin du XVIIIe siècle, moins de 1 % des étud (...)
- 119 Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), papiers de Chapelle, ms na 191, fol. 113-135.
- 120 Les élèves de Chapelle ont été recherchés dans les registres entre 1781 et 1793 (Bnf ms lat 9161).
48Sans qu’il soit possible de faire la part du découragement et celle du désintérêt pour la prise de grades, on constate que seule une minorité d’écoliers accède finalement à la maîtrise. La faible part de gradués dans la population scolaire constitue un trait que l’on retrouve tout aussi nettement en théologie118. Une étude de détail montre cependant que cette explication est insuffisante, car les défections se poursuivent pendant les deux années de philosophie, pourtant réputées n’attirer que les candidats à la maîtrise. À Paris, les listes d’élèves dressées par Brice François Chapelle au collège de Louis-le-Grand pour les années scolaires 1779-1780 et 1780-1781 montrent ainsi que sur 99 inscrits en logique, seuls 53 se retrouvent en physique l’année suivante119. Et parmi ceux qui sont présents en physique jusqu’à la fin de l’année scolaire 1780-1781, seuls 41 % finissent maîtres ès arts et figurent à ce titre dans les registres de la faculté120. Malgré une documentation lacunaire sur le baccalauréat, l’hypothèse purement théorique selon laquelle tous se seraient présentés et 60 % auraient échoué doit être exclue, l’examen n’étant pas si difficile et le collège et le professeur ayant une bonne réputation pédagogique. Clairement, la majorité des élèves de Louis-le-Grand qui se trouvent à l’orée du grade négligent de le prendre.
- 121 M.-M. Compère, « D’Alembertau collège, le parcours scolaire d’un Parisien », Recherches sur Didero (...)
- 122 D’après Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144.
49Cette affirmation mériterait sans doute d’être nuancée suivant les établissements car, à l’intérieur de la faculté parisienne, certains collèges semblent plus orientés que d’autres vers la préparation à la maîtrise. Le collège de Mazarin, qui offre un enseignement de mathématiques et de philosophie reconnu et accueille les effectifs les plus importants de la faculté des arts121, présente ainsi moins de 5 % des candidats au jury de Sainte-Geneviève entre 1764 et 1768, alors que le collège du Plessis fournit à lui seul plus de 18 % des candidatures122. Ces différences suggèrent l’existence de stratégies complexes de la part des élèves, liées à un espace scolaire parisien qui est loin d’être homogène, même si les différents collèges offrent théoriquement les mêmes possibilités d’accès au grade. Elles s’expliquent par la tradition singulière de chaque établissement ou la personnalité de tel professeur de philosophie : les collèges de Plessis-Sorbonne et de Navarre sont évidemment marqués par l’enseignement de la théologie, vers laquelle débouche la maîtrise ès arts, alors que l’on constate que les prêtres clunisiens qui passent leur licence à Sainte-Geneviève entre 1764 et 1768 ont tous été présentés par M. Duval, professeur au collège d’Harcourt, qui semble entretenir ainsi une véritable filière de recrutement.
- 123 Sur le départ des écoliers à la fin de la logique, voir, par exemple, à Caen le tableau 3 donné pl (...)
- 124 L.W.B. Brockliss, « Patterns of Attendance at the University of Paris, 1400-1800 », in R. Chartier (...)
- 125 Montpellier : Faucillon, op. cit., p. 48, compte 1 500 maîtres reçus dans les registres de la facu (...)
- 126 Remarques du chancelier de l’église et université de Paris…, op. cit., p. 30.
50De plus, il conviendrait d’élargir l’analyse à l’ensemble de la période moderne et de l’espace national. Mais, quelles que soient les nuances à apporter suivant les lieux, les établissements et les périodes, le départ de nombreux écoliers à la fin de la logique et la faible part des physiciens qui passent finalement la maîtrise sont incontestables, comme l’ont montré les études de détail des populations étudiantes menées dans différentes villes123. Ainsi, du XVIe au XVIIIe siècle, la faculté des arts de Paris délivre rarement plus de deux cents maîtrises par an, bien que les effectifs de chaque cohorte d’élèves de physique s’élèvent au moins au double, comme on l’a vu avec l’exemple de Chapelle124. À Montpellier, la faculté délivre seulement une dizaine de maîtrises par an aux XVIIeet XVIIIe siècles, alors qu’à Bordeaux on en compterait une trentaine par an vers 1639 et qu’il y aurait seulement à Cahors entre trente et quarante nouveaux maîtres tous les ans125. La prise de grade n’est donc en aucun cas la finalité exclusive des études, comme le montre le plaidoyer de l’avocat Gin en 1718, lorsqu’il rappelle comme une évidence que le choix de prendre ou non un degré à la sortie du collège relève de la liberté absolue des familles126.
3 – Pourquoi devenir maître ès arts ?
- 127 J. Verger, « Pour une histoire de la maîtrise ès artsauMoyen Âge : quelques jalons », Médiévales, (...)
- 128 W. Clark, op. cit., p. 184.
51Cette nette dissociation des études et de la prise du grade s’explique par l’utilité scolaire et sociale limitée de la maîtrise ès arts, malgré sa double fonction théorique de validation des études de philosophie et d’accès aux facultés supérieures. En effet, si Jacques Verger estime que la maîtrise suffit à conférer à son détenteur un véritable statut social à la fin du Moyen Âge (dans le monde universitaire, l’Église, mais aussi peut-être parmi les gens de justice), la situation semble bien différente pour la période moderne127. William Clark note d’ailleurs qu’hormis à Oxford et Cambridge, on assiste à une dévaluation générale de la maîtrise ès arts à l’échelle européenne après 1500128.
- 129 F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 28 ; CF,t. I, p. 142.
- 130 Sur le concours de l’agrégation, D. Julia, « La naissance du corps professoral », Actes de la rech (...)
- 131 D. Julia, art. cit., p. 191.
- 132 L.W.B. Brockliss, « Patterns… », art. cit., p. 490 et p. 492.
- 133 Comptages à partir des registres de maîtres ès arts de l’université de Paris, BnF ms lat 9161 (176 (...)
- 134 Patrick Ferté, Répertoire géographique des étudiants du Midi de la France (1561-1793), Toulouse, P (...)
- 135 J.-J. Piales, Traité de l’expectative des gradués, op. cit., t. 1, p. 315.
52Dans un système économique où la place du salariat qualifié reste marginale, l’intérêt d’un diplôme pour attester de compétences professionnelles est faible. Le professorat au sein des facultés des arts représente le débouché le plus naturel pour les maîtres ès arts : cette logique fonctionne encore au début du XVIe siècle, par exemple au collège de Guyenne à Bordeaux, où l’on fait systématiquement appel à des maîtres ès arts parisiens pour enseigner les humanités129. Mais le poids de ces facultés décline à la fin du XVIe siècle, au profit des congrégations enseignantes qui deviennent dominantes et dont les membres n’ont aucune obligation d’être maîtres ès arts. Et si la maîtrise reste requise jusqu’à la Révolution pour enseigner dans quelques facultés survivantes, l’institution du concours de l’agrégation en 1766 démontre, s’il en était encore besoin, qu’elle n’est plus une garantie d’accès à la corporation enseignante130. Les bénéfices ecclésiastiques constituent l’autre débouché « professionnel » de la maîtrise ès arts, par le biais du quinquennium, qui permet aux titulaires de la maîtrise ayant ensuite suivi trois années de théologie – sans prendre de grade en cette matière – d’être prioritaires lors de la collation des bénéfices vacants dans le cadre d’une procédure appelée « expectative des gradués »131. L’espoir de gagner facilement une place dans l’Église grâce à cette procédure suscite sans doute une part significative des candidatures. Ainsi s’expliquerait l’apogée du nombre de maîtrises à Paris à la fin du XVIIe siècle, avec 266 nouveaux maîtres par an dans la décennie 1680-1689132. De fait, les lauréats parisiens de la maîtrise conservent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle un profil nettement clérical, puisque 68 % des élèves reçus en 1768 appartiennent encore au clergé (le plus souvent comme simples clercs, ce qui correspond bien à une population de jeunes gens qui entament à peine la course aux bénéfices)133. On a même pu parler, pour les mêmes raisons, de « demi-siècle de la maîtrise ès arts et du quinquennium » à Cahors, entre 1690 et 1740134. Mais le système de l’expectative des gradués s’essouffle dans la seconde partie du siècle, sans pour autant s’effondrer, puisque la baisse du nombre de maîtrises n’est à Paris que de 30 % sur un siècle, d’après les comptages réalisés par L. Brockliss. Les gradués nommés sont alors en effet trop nombreux pour que ce statut leur donne un avantage décisif par rapport à leurs concurrents dans la course aux bénéfices et, de plus, les privilèges qui leur étaient accordés sont réduits en 1745135.
- 136 Statuts de la faculté des arts de Paris (1598), art. 57, in Ch. Jourdain, op. cit., Pièces justifi (...)
- 137 Déclaration royale du 19 juillet 1696… portant que nul ne pourra exercer la médecine, qu’il n’ait (...)
- 138 Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), ms na 191, et BnF, ms lat 9161.
- 139 Ibid.
- 140 Patrick Ferté, L’université de Cahors au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 134.
- 141 Une estimation rigoureuse du nombre de maîtrises délivrées annuellement en France aux XVIIe et XVI (...)
53L’autre fonction de la maîtrise est de valider une formation artienne conçue comme préalable à la poursuite d’études dans les facultés supérieures. Si les étudiants en droit n’ont jamais été contraints de prendre formellement ce degré, à Paris cette obligation s’impose dès 1598 à ceux qui souhaitent obtenir un diplôme en théologie ou en médecine136. Elle est même étendue en 1696 à tous les futurs médecins du royaume et, en 1745, aux chirurgiens parisiens137. Ces dernières dispositions réglementaires alimentent, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, le vivier des candidats à la maîtrise et expliquent qu’un tiers des lauréats parisiens de 1768 soient laïcs. Les flux générés par cette obligation restent cependant modestes, car les étudiants peuvent commencer leurs études supérieures sans être titulaires de la maîtrise et ne sont tenus de la présenter qu’au moment d’acquérir un degré dans une faculté supérieure. Les étudiants différent donc le passage de la maîtrise, parfois de plusieurs années, comme dans le cas d’Antoine-Pierre Lamouroux, élève de Chapelle en physique en 1780-1781, qui ne devient maître ès arts que le 20 juillet 1786138. Pour les élèves de Chapelle dont on peut suivre la scolarité, le décalage entre la fin de la philosophie et la prise effective du degré est en moyenne de deux ans139. La pratique se vérifie à Cahors, où l’annonce de la suppression de la faculté des arts provoque en 1751 un afflux massif d’anciens élèves qui avaient négligé de prendre la maîtrise à l’issue de leur scolarité140. La possibilité ainsi offerte aux étudiants de prendre la maîtrise à n’importe quel moment en cas de nécessité provoque un report du grade qui favorise les abandons. Enfin, malgré les efforts continus de reprise en main par le pouvoir royal entre la fin du XVIIe siècle et la Révolution, les dispositions réglementaires ne sont pas toujours respectées, soit parce que les jurys des facultés supérieures acceptent de délivrer un grade au vu de simples attestations d’études en philosophie, soit parce que des professeurs complaisants se livrent au trafic de faux diplômes de maîtrise, comme on l’a vu plus haut. L’ensemble de ces éléments explique que le nombre de maîtrise annuellement délivrées en France par les universités soit resté à un niveau relativement modeste, de l’ordre de quelques centaines, sans commune mesure avec une population de plusieurs dizaines de milliers d’élèves qui suivent une scolarité dans les collèges et pourraient accéder à ce degré141.
*
- 142 L. Brockliss, « Patterns… », art. cit., p. 492, à propos de la faculté des arts de Paris à la fin (...)
54En définitive, la situation de la maîtrise ès arts à la veille de la Révolution révèle un triple décalage entre une définition théorique, toujours nourrie de références aux origines médiévales du grade, et le déroulement, le sens et l’usage de celui-ci. Si les formes prises par les épreuves et les cérémonies de la maîtrise ont peu changé, l’effacement des valeurs universitaires portées par la communauté des maîtres y est patent. En revanche, la Réforme catholique et l’épanouissement des collèges congréganistes ont favorisé la récupération des rituels par le chancelier de l’évêque à la fin du XVIe siècle et la transformation du degré universitaire en un examen de type scolaire. On est alors bien loin de la cérémonie d’intégration dans la corporation des maîtres d’un impétrant reçu par ses pairs que décrivait Émile Durkheim. En second lieu, on relève, au cours de la période moderne, un décalage grandissant entre les pratiques scolaires et les épreuves de l’examen, dont le contenu n’intègre ni le cursus humaniste, ni même les timides évolutions de la philosophie enseignée dans les collèges (et qui requiert parfois une préparation spécifique en dehors de la classe). De plus – mais ce n’est sans doute pas un trait propre à la période considérée –, cet examen ne concerne qu’une petite partie de la population scolaire, même dans les collèges des villes universitaires comme Paris. Ainsi, la faculté des arts de Paris ne peut en aucun cas être présentée comme une « machine à délivrer les grades142 ». Enfin, force est de constater que ce degré ne remplit qu’imparfaitement les fonctions qu’on lui prête aux XVIIe et XVIIIe siècles : professionnellement, les places sont trop chères pour garantir aux maîtres ès arts l’accès à l’enseignement ou aux bénéfices ecclésiastiques, malgré le recours à l’expectative des gradués ; scolairement, il ne régule guère l’accès aux facultés supérieures, puisqu’on y suit souvent les cours sans prendre préalablement la maîtrise.
- 143 Maximilien-Marie de Robespierre est reçu maître ès arts à Paris en 1778, Camille-Benoît Desmoulins (...)
- 144 Dans l’attente de la publication des actes du colloque sur l’histoire du baccalauréat, tenu à Lill (...)
55S’il fallait privilégier une interprétation susceptible d’expliquer la survie du degré et son obtention par quelques centaines de jeunes gens chaque année, on rappellerait que la maîtrise ès arts a surtout pour vertu d’inscrire le lauréat à l’intérieur d’un itinéraire, celui de la quête successive des grades, jusqu’à la licence ou au doctorat, et, partant, à l’intérieur d’un groupe. Devenir maître ès arts, comme le firent volontiers à vingt ans Robespierre et Desmoulins143, c’est donc franchir la ligne qui sépare ceux qui adhèrent à ce schéma – et à l’ordre intellectuel et social afférent – de ceux qui lui sont hostiles ou qu’une telle configuration indiffère à la fin du XVIIIesiècle. De ce dernier point de vue, la maîtrise ès arts se distingue nettement du baccalauréat du XIXe siècle, même si celui-ci en reproduit provisoirement certains traits lors de sa création par Napoléon. Entre 1808 et 1820, le baccalauréat reste en effet, comme la maîtrise, une épreuve purement orale, passée devant une faculté – manière d’assurer le monopole de l’université –, qui porte sur « les matières enseignées dans les classes de rhétorique et de philosophie » et que peu d’élèves se soucient d’obtenir, tant les débouchés professionnels qu’il offre sont réduits144. Mais il est ensuite profondément transformé par une série de réformes intervenues entre 1820 et 1849, et il devient alors l’institution connue par Henri Ferté ou Octave Gréard, qui couronne les études secondaires et fait figure de passage obligé pour toutes les carrières administratives ou libérales. La continuité établie par ces deux auteurs entre la maîtrise ès arts et le baccalauréat ne vaut donc en réalité que pour les toutes premières années du grade napoléonien, avant qu’il n’acquière un poids social et symbolique écrasant dans la France des XIXe et XXe siècles.
Notes
1 Les contemporains utilisent indifféremment les termes de « grade » ou de « degré » pour désigner la reconnaissance officielle par une université d’une qualification. En toute rigueur, il conviendrait de ne parler ici que de degré universitaire, le grade étant réservé au contexte ecclésiastique, lors d’une demande de bénéfice. Une explication « en faveur des personnes qui confondent ces deux manières de parler, avoir des grades et avoir des degrés» est pourtant donnée dans l’Encyclopédie, à l’entrée « degré » (auteur non identifié, in Denis Diderot et al., Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences…, vol. 4, Paris, Briasson, 1754, p. 764).
2 Henri Ferté, Des grades universitaires dans l’ancienne faculté des arts. Déterminance ou baccalauréat, licence et maîtrise ès arts, Paris, Hachette, 1868, p. 3. Octave Gréard, Le baccalauréat et l’enseignement secondaire, Paris, Impr. Nationale, 1885, p. 61-64, qui s’appuie explicitement sur l’arrêté en question p. 61. L’article 1 de cet arrêté stipule que « Le grade de maître ès arts correspond à ceux de bacheliers ès sciences et ès lettres » (A. de Beauchamp, Recueil de lois et règlements sur l’enseignement supérieur, t. 1, 1789-1847, Paris, Delalain, 1880, p. 218). Cette apparente continuité avait incité Marie-Madeleine Compère à envisager un travail sur ce grade, en vue des commémorations prévues du bicentenaire du baccalauréat, qu’elle entendait mettre en perspective dans la longue durée. Faute de temps, elle avait finalement abandonné l’idée, qu’on reprend et développe ici.
3 Émile Durkheim, L’évolution pédagogique en France, Paris, Presses universitaires de France, 1990 (1re éd. 1938), p. 147. Idée également développée p. 96.
4 Luce Giard, « Sur le cycle des « artes » à la Renaissance », in Olga Weijers, Louis Holtz (dir.), L’enseignement des disciplines à la faculté des arts (Paris Oxford, XIIIe-XVe siècles), Turnhout, Brepols, 1997, p. 511-538 (en particulier p. 537-538).
5 De multiples exemples étayent cette affirmation. À Bordeaux,auXVe siècle, le corps de ville décide de transformer le collège « à l’instar, formes et manières des collèges de Paris » (cité par François Cadilhon, Bernard Lachaise, Jean-Michel Lebigre, Histoire d’une université bordelaise : Michel-de-Montaigne, faculté des arts, faculté des lettres, 1444-1999, Talence, Presses universitaires de Bordeaux, 1999, p. 28). Pour un témoignage du XVIIe siècle, le Factum pour maître Claude Nicolay, docteur en la faculté des arts de l’université de Poitiers…, s. l. n. d., [vers 1650], Arch. nat. M/197, se réfère explicitementaumodèle parisien p. 5, 6 et 14. Enfin, la similitude des procédures d’acquisition de la maîtrise entre Caen et Paris à la fin du XVIIIe siècle est illustrée par Eugène Chatel, Statistique de l’enseignement supérieur à Caen de 1786 à 1791, Caen, impr. de F. Le Blanc-Hardel, (Extrait des Mémoires de l’Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres de Caen), 1883, p. 27-30.
6 Roger Chartier, Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia, L’éducation en France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, SEDES-CDU, 1976, p. 190-191.
7 Jacques Verger, « Examen privatum, examen publicum. Aux origines médiévales de la thèse », in Claude Jolly, Bruno Neveu (dir.), Eléments pour une histoire de la thèse, Paris, Klincksieck, 1993, p. 17-18 ; Alan E. Bernstein, « Magisterium and Licence : Corporate Autonomy against Papal Authority in the Medieval University of Paris », Viator. Medieval and Renaissance Studies, 9, 1978, p. 291-307 (spécialement p. 293).
8 Charles Thurot, De l’organisation de l’enseignement dans l’université de Paris au Moyen Âge, Paris, Dezobry, 1850, p. 49-50 ; A. Bernstein, art. cit., p. 298.
9 J. Verger, art. cit., p. 19 et p. 31.
10 Ch. Thurot, op. cit., p. 42 ; É. Durkheim, op. cit, p. 94-99 et p. 147-149 ; A. Bernstein, art. cit., p. 291 et p. 293 ; J. Verger, art. cit., p. 25 et p. 29.
11 É. Durkheim, op. cit., p. 150 ; J. Verger, art. cit., p. 25-26.
12 Ch. Thurot, op. cit., p. 43-48 et p. 53.
13 A. Bernstein, art. cit., p. 297 et Ch. Thurot, op. cit., p. 52
14 A. Bernstein, art. cit., p. 291 ; É. Durkheim, op. cit., p. 94, p. 96 et p. 147 ; J. Verger, art. cit., p. 27 et p. 29.
15 A. Bernstein, art. cit., p. 294. La nécessité de retourner étudier Aristote n’est formellement exigée qu’à partir des statuts de 1366.
16 A. Bernstein, art. cit., p. 294, J. Verger, art. cit., p. 34
17 Ch. Thurot, op. cit., p. 60
18 Laurence Brockliss, « Le contenu de l’enseignement et la diffusion des idées nouvelles », in Jacques Verger (dir.), Histoire des universités en France, Toulouse, Privat, 1986, p. 205.
19 Guillaume Guillier, Candidatus artium…, ad usum candidatorum baccalaureatus artiumque magisterii, Paris, impr. de P. Prault, 1732, « Monita candidatis et ritus », p. V-XX de l’introduction.
20 J. Verger, « Examen privatum,… », art. cit., p. 42, estime à propos des examens : « plus que l’excellence intellectuelle, c’était l’assiduité qu’ils récompensaient. »
21 G. Guillier, op. cit., p. IX : « […] lectiones meas philosophicas attentè, assiduè, diligenter et modestè scriptis et auribus excepisse. »
22 Arrêt du parlement qui ordonne que les étudiants des collèges établis par lettres patentes…, Aix, E. David, 1771, Bnf F-23678 (98), p. 1.
23 H. Ferté, op. cit., p. 7 et 9.
24 Arnold Van Gennep, Les rites de passage, Paris, Picard, 1981 (1re édition 1908), p. 14.
25 Tableau établi à partir des Statuts de l’université de Paris, 1598, publiés par Charles Jourdain, Histoire de l’université de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Hachette, 1862-1866, p. 3-7 des pièces justificatives ; G. Guillier, op. cit., p. VIII-XX ; Requête de Pierre Blondel, chancelier de Sainte-Geneviève, aux fins d’être maintenu en possession de conférer le bonnet de maître ès arts…, [Paris], imp. de J.-B. Delespine, 1718 (Bnf Fol FM 1636) ; Jean-Jacques Piales, Traité de l’expectative des gradués, Paris, Desaint et Saillant, 1757, t. 1, p. 431-433 ; Henri Ferté, op. cit., p. 7.
26 Statuts de la faculté des arts, art. 48, cités par Ch. Jourdain, op. cit., pièces justificatives, p. 5.
27 Bibl. Mazarine, Liber Censorius, Ms 3313 (1660-1676), ms 3314 à ms 3318 (1691-1786).
28 H. Ferté, op. cit., p. 7.
29 Sur l’évolution de la forme des examens dans l’Europe du Nord, voir William Clark, Academic Charisma and the Origins of the Research University, Chicago, University of Chicago Press, 2007 (en particulier p. 109-112).
30 J. Verger, « Examen privatum,… », art. cit., p. 32. W. Clark, op. cit., p. 109-124 sur le développement du système de classement et de notation en Angleterre et dans les pays germaniques. Sur l’examen en général, on lira avec profit :Bruno Belhoste (dir.), L’examen. Évaluer, sélectionner, certifier XVIe-XXe siècles, Histoire de l’éducation, n° 94, 2002 (en particulier les contributions de Pierre Caspard et André Chervel).
31 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, recueil de pièces sur la licence ès arts délivrée par le chancelier de Sainte-Geneviève (pièces éparses entre 1764 et 1776) : fournit la liste des examinateurs pour les années 1764 à 1768 (fol. 32, 37 et 44) et 1775 et 1776 (fol. 3).
32 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, fol. 25, 27 et 32.
33 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, fol. 2, détail du compte de partage entre les intervenants pour les examens passés entre le 2 janvier et le 14 août 1773.
34 Le coût des différentes épreuves est estimé par H. Ferté, op. cit., p. 9, 14 et 17, à partir d’indications données en 1732 par G. Guillier, op. cit. Selon Louis Liard, le coût total de la maîtrise varie à la veille de la Révolution de 24 livres à Bordeaux à 65 livres à Avignon, avec un prix souvent compris entre 30 et 40 livres (L. Liard, L’enseignement supérieur en France, 1789-1889, t. I, Paris, A. Colin, 1888, p. 15-21).
35 Registres de maîtres ès arts reçus par le chancelier de Sainte-Geneviève, Bibl. Sainte-Geneviève, ms 941 (1622-1637) ; recueil de pièces relatives à la maîtrise ès arts, Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144. Par exemple,aucours de l’année universitaire 1622-1623, on compte 27 sessions de licence à Sainte-Geneviève pour 121 candidats, et en 1766-1767, 17 sessions pour 97 candidats.
36 Registres de maîtres ès arts de l’université de Paris, Bnf ms lat 9161 (1768-1793). L’année 1768 a été choisie car elle permettait un croisement avec les pièces conservées à Sainte-Geneviève. La répartition pour les autres années est identique et recoupe les observations faites à partir des archives de la licence de Sainte-Geneviève (cf.note précédente).
37 Ch. Jourdain, Histoire de l’université de Paris, op. cit., t. 2, 1866, p. 291.
38 Requête de Pierre Blondel, chancelier de Sainte-Geneviève, …, op. cit., p. 5.
39 G. Guillier, op. cit., p. 271, et H. Ferté, op. cit., p. 15.
40 Remarques du chancelier de l’église et université de Paris, défendeur, sur la requête présentée au Parlement par les sieurs recteur et autres de la faculté des arts de ladite Université…, par Gin, avocat, Paris, imp. de J.-B. Delespine, 1718 (Bnf, fol-FM-12976), p. 5 ; Requête de Pierre Blondel, chancelier de Sainte-Geneviève, …, op. cit., p. 4. et 7 : « […] que le candidat qui en est revêtu par le chancelier, ait le pouvoir d’enseigner librement dans Paris, et hors de Paris, en qualité de maître ès arts, comme aussi de se faire graduer dans les facultés supérieures, et de posséder les bénéfices qui requièrent ce degré ; toutefois, il n’acquiert ni le droit d’immatriculation et de suffrage dans l’assemblée de sa nation, ni la liberté d’enseigner dans les collèges de l’université, et d’y paraîtreaurang et avec l’habit des maîtres de la faculté, jusqu’à ce qu’il ait supplié dans une assemblée de sa nation, qu’il y ait prêté les serments, et payé les droits accoutumés. » Voir aussi Bnf, ms Joly de Fleury 469, fol. 250-251.
41 Voir Bibl. Mazarine, Liber Censorius, ms 3313 (1660-1676), ms 3314 à 3318 (1691-1786), et Liber Questorius, ms 3320 (1704-1723).
42 Requête de Pierre Blondel…, op. cit., p. 6-7.
43 Ibid., p. 25.
44 G. Guillier, op. cit., p. XVIII.
45 Remarque du chancelier de l’église et université de Paris, op. cit., p. 30.
46 Véronique Meyer, L’illustration des thèses à Paris dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Peintres. Graveurs. Éditeurs, Paris, Paris-Musées, 2002, p. 19-20 : « Après la rhétorique, arrivé en classe de philosophie, le collégien pouvait soutenir publiquement des thèses pour obtenir les titres de bachelier, licencié et docteur ès arts. Mais le plus souvent il se contentait de passer des examens : la soutenance publique pour laquelle il fallait inviter une nombreuse assemblée, faire décorer la salle, imprimer affiches ou livrets et acquitter des droits […] était jugée trop onéreuse par la famille ».
47 Jean-Marcellin-Ferdinand Faucillon, La faculté des arts (des lettres) de Montpellier (1242-1793), Montpellier, impr. de J. Martel, 1860, p. 48 ; Alexandre-Charles Germain, La Faculté des arts et l’ancien collège de Montpellier. 1242-1749, Montpellier, impr. de Boehm et fils, 1882. p. 53.
48 Cité par V. Meyer, op. cit., p. 33.
49 V. Meyer, « Les thèses, leur soutenance et leurs illustrations dans les universités françaises sous l’Ancien Régime », in Claude Jolly, Bruno Neveu (dir.), Eléments pour une histoire de la thèse, op. cit., p. 45-111, en particulier p. 52.
50 Ibid., p. 52. Autres exemples de soutenances collectives dans V. Meyer, L’illustration des thèses…, op. cit., p. 20.
51 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit., p. 3-4
52 Ibid., p. 4.
53 V. Meyer, L’illustration des thèses…, op. cit., p. 39.
54 A. Germain, op. cit., p. 53.
55 Pierre Costabel, « L’enseignement classiqueauXVIIIe siècle. Collèges et universités », in René Taton (dir.), Enseignement et diffusion des sciences, Paris, Hermann, 1986, p. 160-161. On ne peut certes compter que les thèses conservées, mais la tendance à la baisse du nombre de soutenances ne paraît guère contestable.
56 Factum pour maître Claude Nicolay, op. cit., p. 2.
57 Faucillon, op. cit., p. 34 ; Gilbert Dehon, L’université de Douai dans la tourmente (1635-1765). Heurts et malheurs de la faculté des arts, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1998, p. 19.
58 Cité par V. Meyer, « Les thèses, leur soutenance et leurs illustrations… », art. cit., p. 53, à partir de M. de La Liborlière, « Souvenirs de l’ancienne université de Poitiers », Bulletin de la Société des antiquaires de l’Ouest, 1844, p. 68-84.
59 F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 48 ; A. Germain, op. cit., p. 53 ; Faucillon, op. cit., p. 47.
60 F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 29.
61 Jean Sagnes, L’université de Perpignan au XVIIIe siècle, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1996, p. 55, art. 14.
62 Encyclopédie…, op. cit., t. VII, p. 807 : « Les régents septenaires de l’université de Paris, c’est-à-dire qui ont professé quelque science pendant sept ans, même la Grammaire […], sont préférés dans les mois de rigueur à tous les gradués nommés, excepté aux docteurs en Théologie. »
63 Ibid. : « Les régents septenaires des universités de Caen & de Reims ont aussi le même privilège que ceux de Paris » ; « L’université de Paris est dans l’usage de recevoir maîtres ès arts ceux qui ont fait leur cours dans les universités de Reims & de Caen, & qui ont étudié un an dans l’université de Paris ». Voir aussi David Houard, Dictionnaire analytique, historique, étymologique, critique et interprétatif de la coutume de Normandie, Rouen, Le Boucher, 1780, t. 2, p. 636.
64 Abbé Pelletier, « La réitération de grades », Bulletin de la société archéologique de l’Orléanais, n° 33, 2e trimestre 1859. Les universités qui ne sont pas « fameuses » sont les suivantes : Douai, Pont-à-Mousson, Strasbourg, Besançon, Orange, Aix, Perpignan, Nantes, Avignon. À Orléans il n’y a pas de faculté des arts, à Valence elle n’est créée qu’en 1716.
65 L. Liard, op. cit., p. 107-108 ; P. Costabel, art. cit., p. 22 ; D. Julia, « Universités et collèges à l’époque moderne (16e-18e siècles) », in Jacques Verger, Histoire des universités en France, op. cit., p. 185.
66 Marie-Madeleine Compère, Dominique Julia, Les collèges français (XVIe-XVIIIe siècles), Répertoire (désormais CF), Paris, INRP/Éditions du CNRS, 3 vol. parus, 1984-2002, t. 1, p. 519.
67 Bordeaux : F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 37 ; Montpellier : A. Germain, op. cit., p. 53 ; Perpignan : J. Sagnes, op. cit., p. 9-10.
68 Caen : CF, t. 2, p. 149-150 ; Douai : G. Dehon, op. cit., p. 19-20 ; Avignon : CF, t. I, p. 94, p. 100.
69 Les relations entre l’université de Paris et les jésuites ont donné lieu à une abondante littérature. Sur l’exclusion des grades, on se contente de citer ici Annie Bruter in CF, t. 3, p. 364.
70 CF, t. 2, p. 140.
71 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit. ; Jean-Médéric Tourneur-Aumont, La faculté des arts de l’université de Poitiers des guerres religieuses du XVIe siècle à la Révolution de 1789, Poitiers, impr. de Renault, 1932, p. 2. ; CF, op. cit., t. 2, p. 538.
72 Joseph-Cyprien Nadal, Histoire de l’université de Valence et des autres établissements d’instruction de cette ville depuis leur fondation jusqu’à nos jours, Valence, impr. de E. Marc-Aurel, 1861, p. 215-218 et p. 227-234 ; CF, t. 1, p. 732.
73 H. Ferté, op. cit., p. 18.
74 Gérard Emptoz (dir.), Histoire de l’université de Nantes. 1460-1993, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002, p. 42 ; P. Costabel, op. cit., p. 77-78 ; CF, t. 2, p. 489.
75 Factum intitulé Mémoire pour les prêtres de la congrégation de l’oratoire de Jésus…, vers 1691, Archives nationales, M 197, pièce XVI ; P. Costabel, op. cit., p. 77-78 ; CF, t. 2, p. 42.
76 CF, t. 2, p. 151. Les jésuites font graduer peu d’élèves à Caen, ce qui confirmerait l’accusation portée en 1783 par le Président Rolland selon laquelle ils font graduer leurs élèves à Bourges qu’ils contrôlent complètement, sans observer les formalités requises : François de Dainville, « L’enseignement scientifique dans les collèges des jésuites », in R. Taton, op. cit., p. 78. La position acquise par les oratoriens dans la faculté des arts d’Angers est également contestée : voir Mémoire pour les prêtres de la congrégation de l’oratoire de Jésus…, op. cit.
77 D. Julia, in J. Verger (dir.), Histoire des universités…, op. cit., p. 185.
78 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit., p. 3.
79 F. de Dainville, art. cit., p. 78.
80 Roger Chartier, Jacques Revel, Dominique Julia (dir.), Les universités européennes du XVIe au XVIIIe siècle. Histoire sociale des populations étudiantes, Paris, Éditions de l’EHESS, t. 2, 1989, p. 17 ; Laurence W. B. Brockliss, French Higher Education in the Seventeenth and Eighteenth Centuries. A Cultural History, Oxford, Clarendon Press, 1987, p. 78.
81 Faucillon, op. cit., p. 30.
82 Ibid., p. 56.
83 Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit., p. 3.
84 À Poitiers, voir Factum pour maître Claude Nicolay…, op. cit.,p. 12. Témoignage bordelais présenté par F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 49.
85 D’après un décompte manuscrit en vue d’une estimation des revenus des enseignants, Arch. nat. M 196.
86 G. Dehon, op. cit. p. 203-204. Même phénomène repéré à Bordeaux, par exemple (F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 42).
87 Arrêt du parlement qui ordonne que les étudiants des collèges établis…, op. cit., p. 2.
88 Déclaration royale du 4 décembre 1725, citée par CF, t. 1, p. 519.
89 J. Nadal, Histoire de l’université de Valence…, op. cit., p. 231.
90 Arrêt du parlement qui ordonne que les étudiants des collèges établis…, op. cit., p. 1.
91 Ibid., p. 3
92 Laurent Duhan, Philosophus in utramque partem, sive Selectae et limatae difficultates in utramque partem, cum responsionibus, ad usum scholae, circa celebres universae philosophiae controversias…, Paris, Vve C. Thiboust et P. Esclassan, 1694. Nouvelles éditions en 1697, 1704, 1711, 1714, 1723, 1733.
93 Guillaume Guillier, Candidatus artium, ubi de rhetorica et philosophia, ejusque singulis partibus, necnon de sphaera et mathesi tractatur, modoque respondendi et disputandi in scholis, dum theses propugnantur, ad usum candidatorum baccalaureatus artiumque magisterii, Paris, imp. de P. Prault, 1732 et 1749.
94 Jean-Charles-Félix Caron, Compendium institutionum philosophiae, in quo de rhetorica et philosophia tractatur, ad usum candidatorum baccalaureatus artiumque magisterii, autore D. Caron, Paris, N.-M. Tilliard, 1770, 2 vol.
95 Ch. Jourdain, op. cit., Pièces justificatives, p. 5, art. XLVII : artium baccalaureatus candidati, ab examinatoribus de logicis, ethicis, physicis et metaphysicis audiantur, et, si illis probentur, ad baccalaureatum admitantur.
96 Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut et Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, Moutard, 1779, t. II, p. 790. Hurtaut se présente comme maître ès arts dans la page de titre.
97 L.W.B. Brockliss, « Le contenu de l’enseignement et la diffusion des idées nouvelles », in Jacques Verger (dir.), Histoire des universités…, op. cit., p. 205-206.
98 Louis de Jaucourt, in D. Diderot et al., Encyclopédie…, op. cit., entrée « études », vol. VI, p. 93 : « Il y a plus à retrancher dans la Logique, qu’on n’y saurait ajouter ; il me semble qu’on en peut dire à peu près autant de la Métaphysique. […] À l’égard de la Physique, il en faudrait aussi beaucoup élaguer […] pour se livrer aux recherches utiles et tendantes à l’économie. […] Un cours bien purgé de ces chimères scholastiques, mais fourni de toutes les notions intéressantes sur l’Histoire naturelle, sur la Mécanique, et sur les Arts utiles, sur les mœurs et sur les lois, se trouverait à la portée des moindres étudiants ; et pour lors […] ils profiteraient de tout ce qu’il y a de bon dans la saine Philosophie ; le tout sans se fatiguer dans la répétition machinale des arguments, et sans faire la dépense ni l’étalage des thèses, qui, à le bien prendre, servent moins à découvrir la vérité qu’à fomenter l’esprit de parti, de contension et de chicane ».
99 G. Guillier, op. cit., p. 219. Lacryma batavica : expérience à la modedepuisles années 1640, qui consiste à réaliser des gouttes de verre trempé.
100 Ibid., p. 227.
101 Ibid., p. 210.
102 Alain de Libera « Faculté des arts ou faculté de philosophie ? », in Olga Weijers, Louis Holtz, L’enseignement des disciplines à la faculté des arts (Paris et Oxford, XIIIe-XVe siècles). Actes du colloque international organisé à l’Institut de France, Paris, 18-20 mai 1995, Turnhout, Brepols, 1997, p. 429-444 (p. 430).
103 Sur l’adoption du cartésianisme par les professeurs de l’université de Paris, voir L.W.B. Brockliss, French Higher Education…, op. cit., p. 350, et Alain Firode, « Le cartésianisme dans le cours de philosophie au début du XVIIIe siècle », Le cours magistral, XVe-XXe siècles, Histoire de l’éducation, n° 120, oct.-déc. 2008, p. 55-76.
104 A. Firode, art. cit., p. 60, et un autre article du même auteur qui aborde également ce sujet : « Le cours de philosophie d’Adrien Geffroy », Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, n° 38, avril 2005, p. 204-224. Adrien Geffroy enseigne la philosophieaucollège de Mazarin de 1718 à 1741.
105 G. Guillier, op. cit., p. 1-2.
106 Des remarques identiques concernant le maintien des formes rhétoriques traditionnelles et le recours systématique aux syllogismes dans les cours de philosophie ont été faites par A. Firode, « Le cartésianisme dans le cours de philosophieau début du XVIIIe siècle », art. cit., p. 61.
107 C. Nicolay affirme que « jamais […] un [écolier n’a] été refusé » par le jury dominé par les jésuites, Factum pour maître Claude Nicolay, op. cit., p. 4.
108 Requête de Pierre Blondel…, op. cit., p. 28.
109 Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144, fol. 26-45. Parmi ces 32 candidats refusés, 27 sont explicitement ajournés (remissus ad tres menses, lit-on en face de leur nom), alors que 5 voient simplement leur nom biffé (mais certains se représentent un peu plus tard, comme les candidats ajournés). On remarque que le pourcentage de réussite est très proche de celui observé à Oxford vers 1800, qui est estimé à 95 % par W. Clark, op. cit.,p. 134.
110 L’absence de suivi de ces individus ne peut s’expliquer par l’interruption brutale de la source en août 1768, car leurs échecs ont lieu entre 1764 et mars 1767, ce qui leur laissait largement le temps de se représenter.
111 J. Verger, « Examen privatum… », art. cit., p. 32-33.
112 Requête de Pierre Blondel, op. cit., p. 28.
113 Ibid., p. 29.
114 En réalité, l’article 43 des statuts de la faculté des arts stipule que les candidats auront été régulièrement exercés aux disputes pendant les deux années de philosophie, avant d’être présentés aux épreuves, sans qu’il soit explicitement dit que seuls les individus capables seront présentés.
115 J.-Ch.-F. Caron, op. cit., vol. 1, p. VI-VII.
116 Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, A. Fayard, 1982, p. 121. On suit ici la lecture des rites – universitaires en particulier – proposée contre A. Van Gennep par P. Bourdieu, qui affirme : « en marquant solennellement le passage d’une ligne qui instaure une division fondamentale de l’ordre social, le rite attire l’attention de l’observateur vers le passage (d’où l’expression de rite de passage), alors que l’important est la ligne [qui sépare ceux qui la passent et ceux qui ne la passeront jamais]. »
117 Requête de Pierre Blondel, op. cit., p. 29.
118 D. Julia, art. cit., p. 191. À Caen et à Besançon à la fin du XVIIIe siècle, moins de 1 % des étudiants inscrits prennent un degré en théologie (ibid.).
119 Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), papiers de Chapelle, ms na 191, fol. 113-135.
120 Les élèves de Chapelle ont été recherchés dans les registres entre 1781 et 1793 (Bnf ms lat 9161).
121 M.-M. Compère, « D’Alembertau collège, le parcours scolaire d’un Parisien », Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, n° 38, avril 2005, p. 37-49, p. 45, et CF, t. III, p. 147 et p. 150.
122 D’après Bibl. Sainte-Geneviève, ms 2144.
123 Sur le départ des écoliers à la fin de la logique, voir, par exemple, à Caen le tableau 3 donné plus haut, ou les estimation des effectifs des collèges de Guyenne et de la Madeleine à BordeauxauXVIIIe siècle, qui donnent toujours nettement plus d’élèves en logique qu’en physique, CF, t. I, p. 140 et p. 148.
124 L.W.B. Brockliss, « Patterns of Attendance at the University of Paris, 1400-1800 », in R. Chartier, J. Revel, D. Julia (dir.), Les universités européennes…, op. cit., t. II, p. 490, sur le nombre annuel de maîtrises (donne également en note une estimation de la population scolaire parisienne globale).
125 Montpellier : Faucillon, op. cit., p. 48, compte 1 500 maîtres reçus dans les registres de la faculté entre 1629 et 1762 ; Bordeaux : F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 35 ; Cahors : Patrick Ferté, L’université de Cahors au XVIIIe siècle (1700-1751). Le coma universitaire au siècle des Lumières, Saint-Sulpice-la-Pointe, P. Ferté, 1975, p. 235.
126 Remarques du chancelier de l’église et université de Paris…, op. cit., p. 30.
127 J. Verger, « Pour une histoire de la maîtrise ès artsauMoyen Âge : quelques jalons », Médiévales, 1987, t. 13, p. 117-130, particulièrement p. 124-126.
128 W. Clark, op. cit., p. 184.
129 F. Cadilhon, B. Lachaise, J.-M. Lebigre, op. cit., p. 28 ; CF,t. I, p. 142.
130 Sur le concours de l’agrégation, D. Julia, « La naissance du corps professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 39, septembre 1981, p. 71-86.
131 D. Julia, art. cit., p. 191.
132 L.W.B. Brockliss, « Patterns… », art. cit., p. 490 et p. 492.
133 Comptages à partir des registres de maîtres ès arts de l’université de Paris, BnF ms lat 9161 (1768-1793).
134 Patrick Ferté, Répertoire géographique des étudiants du Midi de la France (1561-1793), Toulouse, Presses de l’Université des sciences sociales, t. II, 2004, p. 63.
135 J.-J. Piales, Traité de l’expectative des gradués, op. cit., t. 1, p. 315.
136 Statuts de la faculté des arts de Paris (1598), art. 57, in Ch. Jourdain, op. cit., Pièces justificatives, p. 5.
137 Déclaration royale du 19 juillet 1696… portant que nul ne pourra exercer la médecine, qu’il n’ait esté receu docteur dans quelqu’une des Universitez, et défenses aux docteurs et professeurs desdites Universitez d’admettre aucuns écoliers aux degrez, qu’ils ne soient maistres es arts… Registrée en Parlement le 28 juillet 1696, Paris, F. Muguet, 1696. Voir aussi François-André Isambert et al., Recueil général des anciennes lois françaises…, Paris, Belin-Leprieur, 1821-1833, t. 20, p. 500. Sur la chirurgie, déclaration royale du 23 avril 1743, citée dans l’Encyclopédie…, op. cit., vol. 9, p. 902.
138 Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), ms na 191, et BnF, ms lat 9161.
139 Ibid.
140 Patrick Ferté, L’université de Cahors au XVIIIe siècle…, op. cit., p. 134.
141 Une estimation rigoureuse du nombre de maîtrises délivrées annuellement en France aux XVIIe et XVIIIe siècles imposerait de procéder à un comptage précis pour chaque université et pour chaque période, puisque les variations dans le temps sont loin d’être négligeables. Une telle entreprise paraît difficile, compte tenu de la documentation disponible. L’ordre de grandeur proposé ici retient deux cents maîtres reçus annuellement à Paris, entre dix et cent dans la vingtaine d’universités ouvertespendant aumoins une partie de la période considérée, soit une fourchette sans doute comprise entre quatre cents et mille maîtrises suivant les moments. Une estimation du nombre de maîtrises délivrées avant la Révolution dans quelques villes est fournie par Louis Liard, L’enseignement supérieur…, op. cit, t. I, p. 12-15, mais le dossier n’a pas été reprisdepuis1888, hormis dans les études déjà citées. L’estimation des effectifs des collèges (48 000 en 1789) est fournie par R. Chartier, M.-M. Compère, D. Julia, L’éducation en France…, op. cit., p. 190.
142 L. Brockliss, « Patterns… », art. cit., p. 492, à propos de la faculté des arts de Paris à la fin du XVIIe siècle : « The faculty had become a factory for gaining degrees ».
143 Maximilien-Marie de Robespierre est reçu maître ès arts à Paris en 1778, Camille-Benoît Desmoulins en 1781 (BnF, ms lat. 9161). On note que tous deux sont de futurs avocats à qui la maîtrise ès arts est scolairement et professionnellement totalement inutile, même si l’on sait par ailleurs que l’Incorruptible a commencé sa carrière comme jugeau tribunal épiscopal d’Arras.
144 Dans l’attente de la publication des actes du colloque sur l’histoire du baccalauréat, tenu à Lille en 2008, on suit ici Jean-Baptiste Piobetta, Le baccalauréat de l’enseignement secondaire, Paris, Baillière et fils, 1937, p. 5-44.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Tableau 1 : Les étapes de la maîtrise ès arts à Paris (XVIIe-XVIIIe siècles)25 |
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Titre | Tableau 2 : Délivrance de la maîtrise ès arts par les jésuites ou les oratoriens dans quelques villes françaises |
Légende | Pau66 ; Bordeaux, Perpignan et Montpellier67 ; Caen, Avignon et Douai68 ; Paris69 ; Bourges70 ; Poitiers71 ; Valence72 ; Orange73 ; Nantes74 ; Angers75. |
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Titre | Tableau 3 : Répartition des effectifs dans les différentes classes à la faculté des arts de Caen (année 1777-1778)85 |
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Titre | Tableau 4 : Poids des différentes parties de la philosophie chez Guillier |
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Pour citer cet article
Référence papier
Boris Noguès, « La maîtrise ès arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », Histoire de l’éducation, 124 | 2009, 95-134.
Référence électronique
Boris Noguès, « La maîtrise ès arts en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », Histoire de l’éducation [En ligne], 124 | 2009, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/2069 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.2069
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