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Comptes rendus

GINGRAS (Yves), ROY (Lyse) (dir.), Les transformations des universités du XIIIe au XXIe siècle

Québec : Presses de l’Université du Québec, 2006, 256 p.
Emmanuelle Picard
Référence(s) :

GINGRAS (Yves), ROY (Lyse) (dir.), Les transformations des universités du XIIIe au XXIe siècle, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2006, 256 p.

Texte intégral

1Ce livre est issu d’un colloque qui s’est tenu à l’Université du Québec, à Montréal, en septembre 2003, et rassemble les contributions de spécialistes européens et canadiens sur l’histoire de l’Université du Moyen Âge à nos jours. S’inscrivant dans le contexte des débats autour des réformes universitaires actuelles, il se propose d’étudier la question dans une perspective historique et comparatiste. Au centre de la réflexion se trouve la volonté de questionner l’idée, actuellement très répandue, que les systèmes universitaires occidentaux vivraient une crise inédite, qui se traduirait par leur enfermement dans une tour d’ivoire et leur incapacité à s’adapter aux nouvelles conditions économiques et sociales. Loin de conforter cette analyse, cet ouvrage entreprend de souligner la variabilité et l’adaptabilité des universités tout au long d’une histoire séculaire, en montrant la permanence des relations qu’elles entretiennent avec les sociétés dont elles sont partie prenante. Le recours à des études de cas, dispersés dans le temps et dans l’espace (Europe et Amérique du Nord), mais faisant apparaître d’évidentes similitudes, laisse à penser qu’au delà des différences locales, on peut retrouver des caractéristiques communes aux institutions universitaires des pays occidentaux.

2La dimension historique de cette adaptation est envisagée au travers de la question des réformes des universités médiévales et modernes : Jacques Verger traite des universités françaises du Moyen Âge, Anuschka de Coster des universités de Padoue et Bologne et Jean-Marie Le Gall de l’Université de Paris au XVIe siècle. Ces trois articles soulignent combien les réformes que connaissent ces universités s’inscrivent dans des processus de régulation négociés entre le pouvoir académique et le pouvoir temporel, en articulation avec les élites sociales. Loin de se vouloir des révolutions, ces transformations, d’ampleur variable, ont avant tout pour fonction de réaffirmer la place de l’université dans la société politique de leur temps. Les institutions décrites ne constituent en aucun cas un modèle idéalisé d’indépendance académique, mais s’inscrivent au contraire étroitement dans un ensemble de contingences qui les englobent et les contraignent à renégocier sans cesse leurs fonctions sociales. On pourrait en conséquence, bien que ce soit seulement évoqué en pointillés, voir l’histoire universitaire comme une série de crises et d’adaptations au moyen de réformes successives. Pour clore cette première partie « historique », Pieter Dhont propose une très intéressante contribution sur l’histoire des universités belges au XIXe siècle : plusieurs décennies de débats ont été nécessaires pour aboutir à un consensus politique et social autour d’un modèle comportant à la fois des universités d’État et des universités privées.

3Cette introduction historique a le mérite de poser d’emblée la question des relations entre le monde universitaire et le reste des sociétés concernées. Cette question se retrouve dans les contributions suivantes, qui concernent la période contemporaine (XIXe et XXe siècles) et élargissent la réflexion, au delà des exemples européens, aux universités canadiennes. Pas plus que sous l’Ancien Régime, l’université contemporaine n’est coupée du monde social. La révolution industrielle a contribué à ajouter de nouveaux interlocuteurs à cette relation étroite, comme le montre Kenneth Bertrams lorsqu’il étudie les interactions entre l’industrie et l’université depuis le XIXe siècle. Renversant la perspective, il montre combien la révolution humboldtienne, qui saisit l’université allemande à partir de 1810 et qui se répand progressivement comme modèle dominant de l’université moderne, est liée aux conséquences sociales de cette révolution. Dès lors, les relations étroites que l’université entretient avec le monde industriel vont jouer dans les évolutions de l’une et de l’autre. Cette analyse générale est accompagnée d’une étude de cas, présentée par Jean-François Auger, sur les laboratoires canadiens en génie. D’autres aspects de cette relation étroite entre université et société sont abordés dans la suite du volume, à travers l’étude des étudiants de Montréal dans la première moitié du XXe siècle (Karine Hébert), de la transformation des diplômes des universités québécoises entre 1920 et 1945 (Yves Gingras et Julie Sarraut) et de la « culture académique canadienne » au XXe siècle (Adrienne S. Chan et Donald Fisher). Enfin, à partir d’une analyse des problèmes posés par l’harmonisation européenne des diplômes autour du LMD, Christophe Charle défend l’idée qu’il est nécessaire de repenser aujourd’hui les moyens et les fins de l’université du début du XXIe siècle, dans une société qui a connu de rapides transformations dans les dernières décennies.

4L’intérêt de ce colloque et de ses actes réside dans la démonstration de la permanence (historique et géographique) du lien très étroit qu’entretiennent l’université et la société, dans ses différentes déclinaisons : économiques, politiques, sociales ou techniques. Il n’y a pas, et il n’y a jamais eu, d’enseignement universitaire fonctionnant comme une tour d’ivoire. Cette réalité, bien connue de tous ceux qui travaillent sur ces questions, n’est pourtant pas inutile à rappeler alors que la question de la fonction sociale de l’enseignement supérieur est au centre du débat politique contemporain. À la lecture, cependant, on ressent une certaine frustration, liée à l’habituelle juxtaposition d’études de cas qui, si elle nous assure de la pérennité du phénomène, nous fait parfois douter de l’existence d’une entité nommée « université ». Mais la contribution de Sheldon Blatt, qui fait office de conclusion, nous invite à nous interroger sur l’existence d’une « idée essentialiste » qui serait au fondement de l’université, au delà des particularités propres à chaque cas. Cette essence de l’institution, assurant sa spécificité et sa cohérence au travers des changements, pourrait s’appuyer à la fois sur une réalité professionnelle (les universitaires) et sur un ensemble de représentations sur les finalités de l’institution (qui ont été tour à tour le développement de la culture, la formation des élites, la promotion de la démocratie).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Emmanuelle Picard, « GINGRAS (Yves), ROY (Lyse) (dir.), Les transformations des universités du XIIIe au XXIe siècle »Histoire de l’éducation [En ligne], 119 | 2008, mis en ligne le 13 octobre 2010, consulté le 06 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/1865 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.1865

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Auteur

Emmanuelle Picard

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