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De l’enquête à la réforme. L’enseignement secondaire des garçons de 1898 à 1902

From Enquiry to Reform. Secondary Schooling for Boys 1898-1902
Von der Umfrage zur Reform: Knabengymnasien zwischen 1898 und 1902
De la encuesta a la reforma. La segunda enseñanza de los varones de 1898 a 1902
Antoine Prost
p. 29-81

Résumés

En 1898, la Commission de l’enseignement de la Chambre des députés, présidée par Alexandre Ribot, a lancé une grande enquête sur l’état de l’enseignement secondaire des garçons. Elle a entendu deux cents personnalités, reçu des centaines de réponses émanant de professeurs, d’inspecteurs, de chefs d’établissements, consulté les Chambres de commerce et les Conseils généraux et fait établir des statistiques remarquablement précises sur les établissements privés comme publics. Les six volumes qu’elle a publiés ne livrent qu’une partie des documents originaux, conservés aux Archives nationales. Cette enquête permet de dresser un tableau fouillé de l’enseignement secondaire et des problèmes qu’il posait alors. Les députés étaient préoccupés par la concurrence que livraient les collèges privés aux établissements publics. Cette concurrence est réelle ; elle porte surtout sur l’internat et sur l’enseignement classique. Mais la Commission a découvert une autre concurrence : celle des écoles primaires supérieures. Les procès-verbaux de ses réunions et ceux du Conseil supérieur de l’Instruction publique permettent de comprendre comment on est passé du constat à la réforme de 1902.

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Texte intégral

  • 1  Voir notamment Hélène Gispert, Nicole Hulin, Marie-Claire Robic (dir.), Science et enseignement. L (...)

1La réforme de 1902 est bien connue et des travaux récents ont éclairé d’un jour nouveau son importance pédagogique1. On n’a peut-être pas assez insisté, en revanche, sur le processus dont elle résulte. Nous avons tant d’exemples récents de commissions qui ont lancé de vastes enquêtes pour préparer des réformes sans aboutir qu’il peut être intéressant de comprendre pourquoi la commission Ribot a au contraire réussi. D’autant que sa réussite est doublement paradoxale.

  • 2  Procès-verbaux de la commission (désormais PV/C), Archives nationales (désormais AN), C 5663, vol. (...)

2D’abord, la commission de l’enseignement de la Chambre des députés, élue en pleine affaire Dreyfus, semblait initialement préoccupée de l’importance croissante de l’enseignement catholique et du rôle qu’il prenait dans la préparation aux écoles du gouvernement. Pourtant, aucune des dispositions de la réforme qu’elle a inspirée ne concerne spécifiquement l’enseignement libre. Elle avait certes choisi pour président – par seize voix sur trente et une2 – un républicain modéré, partisan de la liberté de l’enseignement, Alexandre Ribot, qui bénéficiait de l’estime générale ; mais la pression était forte et l’on est surpris qu’elle n’ait pas laissé de trace. Ensuite, on pouvait s’attendre à ce que les travaux d’une commission parlementaire débouchent sur une loi. Or la réforme de 1902 fut réalisée par de simples décrets, dont le contenu a certes été négocié entre le ministre et la commission, mais dont la Chambre n’a approuvé que les grandes lignes.

  • 3  C’est pourquoi, dès sa seconde réunion, le 8 décembre 1898, la Commission a demandé à la Chambre, (...)
  • 4  PV/C, 10 mai 1899, AN, C 5663, vol. 1.

3Ces particularités s’éclairent si l’on s’attache au travail de la commission. Elle a en effet adopté une démarche très ambitieuse, que rendait possible le concours des bureaux du ministère et de l’administration de la Chambre3. Elle a d’abord demandé au ministère une statistique détaillée de l’enseignement secondaire, public aussi bien que privé. Comparable aux statistiques de 1876 ou 1887, celle-ci est plus complète et comprend notamment des indications sur les petits séminaires. Simultanément, pour compléter cet état des lieux, la commission a questionné les chefs d’établissement et leur hiérarchie sur l’évolution des effectifs et sur ses causes. Puis elle a lancé une seconde enquête, très générale, appelant tous ceux qui le désiraient à répondre à une série de questions sur le régime des lycées et collèges, l’éducation, l’organisation de l’enseignement, classique et moderne, et ses rapports avec l’enseignement primaire et professionnel, le baccalauréat, etc., renvoyant l’enseignement des filles à un examen ultérieur. Ce questionnaire de quatre pages a été largement diffusé aux recteurs, inspecteurs d’académie, inspecteurs primaires, chefs d’établissements, bureaux des lycées et collèges, associations d’anciens élèves, assemblées de faculté. Des professeurs, des répétiteurs, parfois même de simples particuliers, ont renvoyé à la commission son questionnaire annoté. En outre, elle a consulté ce que nous appellerions aujourd’hui la société civile, demandant aux Conseils généraux et aux Chambres de commerce un avis qu’ils lui ont donné en le motivant parfois fortement. Enfin, elle a auditionné, à partir de janvier 1899, près de deux cents personnalités, dont les dépositions furent publiées rapidement : deux gros volumes au format des journaux officiels, disponibles dès le mois de mai4.

  • 5  Sa publication demande six volumes in-4° : Enquête sur l’enseignement secondaire, Paris, Imprimeri (...)

4Cette enquête monumentale5 est un fait sans précédent. Elle a découvert aux députés de la commission des problèmes qu’ils soupçonnaient à peine, orientant leurs réflexions dans des directions auxquelles ils ne songeaient probablement pas initialement. Les décisions de 1902 sont directement issues de l’état de l’enseignement secondaire tel que la commission Ribot se l’est représenté au terme de son enquête. C’est ce rapport entre l’enquête et la réforme, inscrit dans le rapport institutionnel entre la commission parlementaire et le ministère, qu’on se propose ici d’explorer.

I – Une pesée globale

1 – De faibles effectifs

  • 6  La Statistique de l’enseignement primaire de 1896 donne le nombre de 4 636 381 enfants de 6 à 13 a (...)

5L’enseignement secondaire ne pèse alors pas très lourd. Tous établissements confondus, y compris les petits séminaires, et tous niveaux pris en compte, il accueille 183 000 élèves. Rapporté aux 38,5 millions d’habitants que compte la France au recensement de 1896, c’est très peu : 0,48 %. Et par rapport à la population masculine scolarisable à ce niveau, soit environ 2,3 millions, ce n’est pas encore considérable : 7,9 %6.

6Encore ce résultat inclut-il les élèves des classes élémentaires. La plupart des établissements secondaires accueillent en effet les enfants dès six ou sept ans et leur font suivre un programme spécifique. Ces « petites classes » représentent 43 800 élèves, soit près du quart de l’effectif (23, 9 %). La scolarité proprement secondaire concerne donc, à la fin du XIXe siècle, moins de 140 000 élèves, soit à peine plus de 6 % de la moitié masculine de la classe d’âge.

Tableau 1 : Effectifs des établissements secondaires de garçons en 1898

Tableau 1 : Effectifs des établissements secondaires de garçons en 1898

7Cette scolarisation n’est pas uniforme. À la différence des inégalités de scolarisation primaire, relevées dès le début du XIXe siècle, celles du secondaire sont mal connues. Elles sont aussi moins certaines, car l’internat dissocie le lieu d’étude de la résidence familiale. Elles méritent pourtant l’attention, et les taux de scolarisation des garçons de 6 à 13 ans en fournissent une approximation raisonnable. Mesurées à cette aune, elles apparaissent considérables : 18 départements dépassent le taux de 10 %, tandis que 32 n’atteignent pas 6 %. Aux deux extrémités, 4 départements dépassent 15 %, et 5 sont en-dessous de 4 %.

  • 7  Toutes les cartes de cet article ont été réalisées avec le logiciel Philcarto de Philippe Waniez : (...)
  • 8  La prise en compte des classes élémentaires (de la dixième à la septième) conduirait à des conclus (...)

8La répartition de ces inégalités semble au premier abord respecter un trait classique de la géographie scolaire du XIXe siècle : la ligne Saint-Malo-Genève, qui délimite, pour le primaire, une France du nord plus instruite et un sud attardé. Un examen plus attentif révèle cependant des différences sensibles. La carte de la scolarisation proprement secondaire, de la sixième aux classes préparatoires (carte 1)7, ne se superpose pas à celle de la scolarisation primaire. Elle montre bien une France du nord en avance sur la Bretagne, le centre-ouest et le sud-ouest, mais, dans cette zone, bien des départements sont en retrait (Vosges, Haute-Saône, Pas-de-Calais, Yonne, Manche). Surtout, le midi pyrénéen et le pourtour méditerranéen connaissent une scolarisation secondaire au moins aussi forte et plus homogène8. Là est sa véritable terre d’élection.

Carte 1 : Scolarisation secondaire des garçons en 1898

Carte 1 : Scolarisation secondaire des garçons en 1898
  • 9  Michelle Kergoat, « Quelques aspects de la scolarisation secondaire dans les départements français (...)
  • 10  Voir cette carte dans Louis Girard, Antoine Prost, Rémi Gossez, Les Conseillers généraux en 1870. (...)

9Ces inégalités semblent difficilement explicables. Au terme d’une analyse qui porte sur l’ensemble du XIXe siècle, Michelle Kergoat a mis en évidence l’influence de facteurs économiques, en s’appuyant sur des corrélations significatives entre des indicateurs de niveau de vie, comme la valeur moyenne de l’actif net des successions, et les taux de scolarisation départementaux9. Ce résultat incontestable n’épuise pourtant pas la question, car une partie importante de la population lycéenne n’a pas de liens directs avec l’élite locale, en raison non seulement de l’internat, mais aussi du grand nombre d’élèves fils d’officiers ou de fonctionnaires, dont la mobilité dans le territoire national est connue. Au demeurant, les cartes de fortune des élites locales, comme celle des conseillers généraux de 1870, n’ont pas de trait commun avec celle de la scolarisation10. On ne peut exclure que ces différences départementales tiennent aussi aux inégalités de l’offre des établissements, même s’il semble que la capacité d’accueil de beaucoup d’entre eux ne soit pas saturée. Un examen du maillage du territoire s’impose donc.

2 – Un maillage serré

10L’enquête Ribot recense au total, petits séminaires compris, 1 089 établissements secondaires scolarisant au moins un élève, soit en moyenne plus de 12 par département. Évidemment, cette moyenne n’a aucun sens, car Paris dispose depuis longtemps d’une offre d’enseignement sans commune mesure avec celle de la province. À elle seule, la capitale compte 134 établissements, soit plus de 12 % du total. L’État y entretient 12 lycées et la ville 2 collèges, alors qu’aucune ville de province ne dispose de plus d’un établissement public.

11La province ne constitue pas pour autant un espace homogène. L’armature supérieure du réseau de lycées est constituée d’établissements qui préparent aux écoles du gouvernement (carte 2). Leur prestige peut attirer des internes et élever ainsi le taux de scolarisation de leur département. Mais si des lycées comme ceux de Poitiers, Caen, Reims, Bar-le-Duc ou Nancy jouent sans doute ce rôle, le phénomène n’est pas général. La Loire, par exemple, ne bénéficie guère des succès du lycée de Saint-Étienne. Plus que le rayonnement des grands lycées, c’est la proximité d’un établissement secondaire, quel qu’il soit, qui peut rendre compte des inégalités de scolarisation secondaire. Leur explication par l’offre d’enseignement renvoie à l’examen de tout le réseau d’établissements et à sa densité.

Carte 2 : L’armature supérieure du réseau de lycées

Carte 2 : L’armature supérieure du réseau de lycées

Carte 3 : Le réseau des lycées et collèges de garçons

Carte 3 : Le réseau des lycées et collèges de garçons
  • 11  Rapport sur le régime des lycées, par M. Raiberti, Enquête, t. VI, fasc. 2.
  • 12  Jean-François Condette, loc. cit. La commission Ribot reprend évidemment cette critique.

12À première vue, ce réseau forme un maillage serré, plus lâche cependant dans la zone centrale où la carte 1 faisait apparaître une scolarisation plus faible. Un regard plus attentif décèle de très fortes disparités entre départements bien et mal dotés. Or, elles sont loin de correspondre aux différences de population. Outre le lycée de Lons-le-Saunier, le Jura compte cinq collèges (Dôle, Saint-Claude, Arbois, Salins et Poligny). La Charente-Inférieure ou l’Hérault ont un réseau dense de collèges qui les rapproche de départements beaucoup plus peuplés, comme le Nord. Inversement, le Rhône n’a qu’un lycée à Lyon et un collège à Villefranche-sur-Saône : le même équipement que la Creuse, avec son lycée de Guéret et son collège d’Aubusson. Pontivy, avec 9 000 habitants, dispose d’un lycée, alors que Boulogne (45 000 habitants) ou Dunkerque (40 000) n’en ont pas11. Manifestement, la carte ne répond pas aux besoins de la population : c’est un héritage séculaire, et les recteurs ne manquent pas d’en dénoncer l’anarchie12.

  • 13 La statistique du tome III de l’Enquête précise, pour les établissements publics, l’effectif par ni (...)

13Mais peut-être l’initiative privée ou ecclésiastique compense-t-elle ces différences ? Les établissements libres pèsent en effet très lourd. Ils sont plus nombreux que les établissements publics, et de loin : plus du double, 761 contre 328. Leur concurrence ne peut-elle s’analyser comme une forme de complémentarité ? Ne s’inscrivent-ils pas dans les vides du réseau public et ne rétablissent-ils pas ainsi une certaine homogénéité du réseau secondaire ?13

14L’hypothèse ne résiste pas. En divisant le nombre de garçons de 6 à 13 ans par le nombre d’établissements publics et privés, petits séminaires compris, on construit un indicateur de l’offre d’enseignement dans chaque département. La carte 4, qui en visualise les variations, accuse plutôt les contrastes. Aux six établissements publics cités plus haut, le Jura ajoute, par exemple, deux petits séminaires, un collège de jésuites, un établissement laïque et cinq établissements confessionnels, ce qui donne un établissement pour seulement 2 285 garçons de 6 à 13 ans. Le département le mieux pourvu, les Bouches-du-Rhône (un établissement pour 2 274 jeunes garçons) compte 4 établissements publics, 16 établissements privés laïques, 10 établissements confessionnels et 2 petits séminaires. En revanche, la Creuse n’ajoute à ses deux établissements publics qu’un séminaire et un collège privé, ce qui lui donne 8 876 jeunes garçons pour un établissement. Quant au Finistère, très peuplé, il ferme la marche avec un établissement pour 14 681 garçons, car il n’ajoute qu’un séminaire et deux collèges confessionnels à ses six établissements publics.

Carte 4 : Densité du réseau d’établissements secondaires

Carte 4 : Densité du réseau d’établissements secondaires
  • 14  La corrélation entre les deux séries (r de Pearson) est de 0,77.

15En fait, cette carte de l’offre globale d’enseignement secondaire ressemble beaucoup à celle des inégalités de scolarisation secondaire (carte 1 ci-dessus). On retrouve les mêmes zones de force et de faiblesse et les mêmes exceptions, comme la Vienne. Manifestement, la scolarisation secondaire dépend de l’offre d’enseignement à ce niveau, et ses inégalités s’expliquent par l’inégale densité du réseau d’établissements14. Paradoxalement, pourtant, ce maillage serré n’assure qu’une scolarisation relativement faible. C’est qu’il est constitué de petits établissements.

3 – De petits établissements

16182 000 élèves pour 1 089 établissements, c’est en effet en moyenne 167 élèves par établissement, et comme la scolarité s’étend souvent de la onzième ou la dixième à la rhétorique ou à la philosophie, cela ne représente guère plus de 10 élèves par classe. C’est dire combien on se fourvoierait à transposer sur la fin du XIXe siècle les images du début du XXIe, avec ses classes d’une trentaine d’élèves et parfois plus.

  • 15  PV/C, loc. cit., vol. I, 19 mai 1899. Michel Bréal suggère lui aussi de moins gros lycées, Enquête (...)

17La moyenne, cependant, ne veut rien dire, car les établissements ne se ressemblent guère. À l’un des extrêmes, quelques grands établissements, des lycées pour la plupart : Janson-de-Sailly et Condorcet sont deux lycées parisiens qui reçoivent beaucoup d’externes (respectivement 1 908 et 1 523 élèves) ; au dessus de 1 000 élèves, figurent les lycées de Marseille, Lyon, Bordeaux, Toulouse et Nantes, les deux collèges parisiens Rollin et Chaptal et un seul établissement privé, le collège Stanislas. On juge alors ces établissements trop gros, et Ribot voudrait dédoubler ceux qui dépassent 1 000 élèves15. Plus de la moitié des lycéens fréquentent des établissements d’au moins 500 élèves. Le plus petit lycée, celui d’Auch (171 élèves), est encore d’une taille supérieure à la moyenne générale des établissements secondaires.

  • 16  Pour reprendre les termes de l’Enquête.
  • 17  Ainsi d’une institution de Neuilly fondée vers 1864, pour laquelle il est mentionné en observation (...)

18À l’autre extrême, figurent les « établissements libres laïques d’instruction secondaire »16 qui prennent la suite des « pensions » et « institutions » du Second Empire. Ce sont de tout petits établissements, puisqu’ils comptent en moyenne 52 élèves, et moins de 32 pour la moitié d’entre eux ; les maisons de moins de 100 élèves accueillent 55 % de l’effectif de ce groupe. On ne les rencontre pratiquement que dans de grandes villes : Paris d’abord (77), Marseille (16), Bordeaux (16) ou Lyon (9). On est parfois très proche d’une famille : 37 ont moins de 10 élèves. Manifestement, ces établissements déclinent et sont en train de s’éteindre, comme l’atteste involontairement la statistique en recensant dix institutions qui n’ont plus aucun élève17.

Tableau 2 : Etablissements secondaires de garçons en 1898 selon la nature et la taille

Tableau 2 : Etablissements secondaires de garçons en 1898 selon la nature et la taille
  • 18  La distinction a été imposée par Ribot pour identifier clairement les établissements congréganiste (...)
  • 19  C’est le cas des deux plus grosses écoles de la congrégation à Paris, celle du frère Girard, rue R (...)

19Entre ces deux extrêmes, les petits séminaires se caractérisent par une grande homogénéité, que signale la proximité de leur moyenne et de leur médiane. Ce sont des établissements d’une ou deux centaines d’élèves, tous internes et tous latinistes, sans classes élémentaires ni externes, sauf de rares exceptions. Parmi les établissements confessionnels, la statistique distingue les établissements dirigés par des prêtres séculiers, souvent petits ; ceux qui sont soumis à l’autorité diocésaine, plus importants ; et ceux qui appartiennent ou ont appartenu à des congrégations18, les seuls à comporter de relativement gros effectifs puisque plus de la moitié de leurs élèves fréquentent des établissements de plus de 300 élèves. Dans ce groupe, les collèges des jésuites et ceux des frères des Écoles chrétiennes se distinguent, mais dans des horizons très différents. Les jésuites concurrencent directement les lycées et ils préparent aux écoles du gouvernement dans huit de leurs vingt-six collèges. Les frères concurrencent plutôt des établissements techniques comme l’école nationale professionnelle de Vierzon, car ils préparent souvent leurs meilleurs élèves aux Arts et Métiers. On est surpris de trouver dans la statistique de l’enseignement secondaire des établissements d’une congrégation que ses statuts vouent au primaire. En fait, les frères respectent l’interdiction édictée par leur fondateur d’enseigner le latin, et 3 seulement de leurs 32 collèges « secondaires » comportent une section classique. Ce sont des écoles primaires supérieures qui ont mis à profit la transformation de l’enseignement spécial en secondaire moderne (1890) et la création de son baccalauréat (1891) pour adopter le statut juridiquement plus favorable d’établissements secondaires19.

Graphique 1 : Établissements et élèves selon la nature des établissements et leur taille

Graphique 1 : Établissements et élèves selon la nature des établissements et leur taille
  • 20  AN, F17-12988, section permanente du Conseil supérieur de l’Instruction publique (désormais CSIP), (...)

20Restent les collèges communaux, qui accueillent autant d’élèves que les congréganistes, mais dans un beaucoup plus grand nombre d’établissements. Ils sont donc beaucoup plus petits et ressemblent davantage aux établissements libres qu’aux lycées (graphique 1 ci-dessus). Alors que ceux-ci ont en général des classes étoffées, celles des collèges sont souvent squelettiques. La statistique de l’enquête permet d’évaluer cette différence, car elle détaille, pour l’enseignement public, les effectifs par niveau (tableau 3). Le contraste est frappant. Dans les lycées, les très petites classes (10 élèves ou moins) représentent un sixième du total (17 %), avec des classes de premier cycle relativement étoffées et des classes de second cycle moins chargées, notamment dans la section moderne. Par contre, les trois quarts (73 %) des classes de collège ont 10 élèves ou moins, proportion qui serait plus forte encore sans le premier cycle moderne, dont près de la moitié des classes dépassent ce seuil. Le ministère tire d’ailleurs argument de cette situation pour refuser de séparer les élèves du classique et du moderne des mêmes niveaux quand les enseignements sont identiques (en français, histoire, etc.)20.

Tableau 3 : Les classes des lycées et collèges communaux selon la taille et le cycle

Tableau 3 : Les classes des lycées et collèges communaux selon la taille et le cycle

II – La concurrence des établissements catholiques

1 – Les progrès des établissements catholiques

  • 21  Le 28 octobre 1900 : Pierre Sorlin, Waldeck-Rousseau, Paris, A. Colin, 1966, p. 219.
  • 22  Celui de la Chartreuse, à trois kilomètres du Puy (250 élèves, dont 31 externes ou demi-pensionnai (...)

21Loin d’occuper une position dominante, les établissements publics affrontent, en effet, une concurrence redoutable. C’est le fait central qui préoccupe les députés et donne son actualité au thème des deux jeunesses, « moins séparées encore par leur condition sociale que par l’éducation qu’elles reçoivent », et qui « grandissent sans se connaître jusqu’au jour où elles se rencontrent si dissemblables qu’elles risquent de ne plus se comprendre », comme le dira Waldeck-Rousseau un peu plus tard21. Les lycées et collèges sont minoritaires, avec 82 000 élèves sur 182 000 : sur 100 élèves du secondaire, 45 fréquentent un lycée ou un collège communal et 55 un établissement libre. La balance s’équilibre si l’on oppose aux établissements catholiques les établissements publics en leur ajoutant les institutions libres tenues par des laïques. Mais ce regroupement semble peu fondé : d’une part, les institutions protestantes sont recensées comme établissements libres tenus par des laïques ; d’autre part, beaucoup de ces maisons portent le nom d’un saint, ce qui suggère leur proximité avec les institutions officiellement catholiques. Pour que les établissements publics retrouvent un avantage, d’ailleurs faible (5 800 élèves, soit 7 %), il faudrait exclure les petits séminaires ; on les néglige souvent parce qu’ils relèvent du ministère chargé des Cultes et non de l’Instruction publique, mais il n’y a pas lieu de les écarter car très peu de leurs élèves se destinent en fait à la prêtrise22.

  • 23  Ils passent de 89 902 à 86 084 élèves, académie d’Alger incluse.
  • 24  Les plus gros lycées parisiens pour les préparationnaires sont Saint-Louis (530) et Janson-de-Sail (...)
  • 25  Pierre Sorlin, op. cit., p. 430, n. 53, citant le rapport sur le budget de l’Instruction publique (...)

22Cette concurrence préoccupe d’autant plus les députés que l’avantage des établissements privés semble s’accroître. Depuis 1887, en effet, les lycées et collèges ont perdu près de 4 000 élèves23. Ce recul est minime, et les rapports des proviseurs et principaux le minimisent encore en lui trouvant de bonnes raisons, comme la crise du phylloxéra dans les régions viticoles ; il n’est, au demeurant, pas général. Reste que, dans la même période, l’enseignement catholique a gagné 17 500 élèves. Loin d’être stabilisé, il manifeste son dynamisme en multipliant les créations d’établissements. Ce n’est pas un héritage du début du siècle, ni même du Second Empire, comme le prouvent les dates de fondation des collèges recensés en 1898 (graphique 2 ci-dessous, petits séminaires exclus). Bien plus, il développe les préparations aux grandes écoles avec succès. À Paris, le collège Sainte-Geneviève, fondé par les jésuites en 1854, accueille 531 élèves, tous préparationnaires et tous internes, et le collège Stanislas 42924. Au total, le quart environ des candidats reçus à Polytechnique et à Saint-Cyr ou Navale sort de chez « les pères »25. Au moment où l’affaire Dreyfus manifeste la collusion entre le monde militaire et le monde catholique dans la stigmatisation du régime, on conçoit que les progrès quantitatifs et qualitatifs de l’enseignement catholique aient alarmé les députés républicains.

Graphique 2 : Etablissements confessionnels selon leur date de création (Enquête, t. III)

Graphique 2 : Etablissements confessionnels selon leur date de création (Enquête, t. III)
  • 26  François-André Isambert, Jean-Paul Terrenoire et al., Atlas de la pratique religieuse des catholiq (...)
  • 27  Les différences régionales de pratique religieuse ont été cartographiées un demi-siècle plus tard, (...)

23Les raisons de ce succès sont multiples. La première qui vienne à l’esprit est d’ordre religieux, et les différences régionales en ce domaine, qui sont bien connues, devraient entraîner de forts contrastes. De fait, les zones de forte attraction des établissements confessionnels sont bien les terres de chrétienté du chanoine Boulard26 (carte 5). À regarder la carte de plus près, cependant, les choses sont moins simples. La concordance entre pratique religieuse et force de l’enseignement confessionnel n’est vraiment satisfaisante que pour le bastion cévenol. Le contraste des deux Savoie ne s’explique pas ; la Flandre catholique et la Picardie déchristianisée devraient au contraire s’opposer. Certains départements échappent à toute logique religieuse : le Loiret déchristianisé a proportionnellement plus d’élèves dans le privé que le Doubs très catholique. Surtout, le bastion breton n’est pas homogène : comment expliquer la différence accusée entre le Finistère et les Côtes-du-Nord, ou encore entre la Mayenne, la Loire-inférieure, la Vendée et les Deux-Sèvres, d’une part, l’Ille-et-Vilaine et le Maine-et-Loire, de l’autre ? Invoquera-t-on le poids des villes comme Brest ou Angers ? Mais outre que ce sont, semble-t-il, des villes relativement pratiquantes, comment expliquer que Rennes ou Nantes ne jouent pas dans le même sens ? Manifestement, la force du catholicisme ne suffit pas à expliquer celle de l’enseignement catholique27.

Carte 5 : Proportion d’élèves dans les établissements privés

Carte 5 : Proportion d’élèves dans les établissements privés

2 – Les raisons sociales et politiques

  • 28  Le proviseur de Macon, AN, F17-13941, 14 janvier 1899.
  • 29  Comme le notent Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie, « L’institution scolaire, les famille (...)
  • 30  AN, F17-13942, inspection académique de l’Oise, 4 février 1899.
  • 31  AN, F17-13936, 23 janvier 1899.
  • 32  AN, F17-13942, 15 avril 1899. Coupé pour la publication.
  • 33  Cité par l’inspecteur d’académie, Enquête, t.III, p. 243.
  • 34  Inspecteur d’académie de l’Isère, Enquête, t.III, p. 325.
  • 35  Enquête, t.III, p. 285.

24Les rapports reçus par la commission n’évoquent d’ailleurs guère cet aspect du problème. Il arrive qu’un proviseur signale que l’enterrement civil d’un de ses professeurs a eu un effet « désastreux » sur le recrutement de son lycée28, mais les chefs d’établissement, les inspecteurs et les recteurs évoquent bien davantage des raisons d’ordre social et politique. Par leur intermédiaire, nous apercevons les motivations des familles, trop souvent absentes des analyses sur l’évolution des enseignements29. Beaucoup des réponses voient dans le succès des établissements catholiques l’effet d’une mode, voire même d’un « snobisme »30. Le recteur d’Aix parle du « besoin d’inégalité de la bourgeoisie »31, tandis que son collègue de Clermont-Ferrand note sobrement : « Plus nos lois deviennent égalitaires, plus les tendances de la bourgeoisie deviennent aristocratiques ». Et d’imputer le succès des collèges catholiques dans les hautes classes de la société à des « préjugés soi-disant aristocratiques habilement entretenus »32. « Actuellement », confirme le principal de Pontarlier, « dans la bourgeoisie, il semble être de mode et de bon ton de mettre ses fils dans les écoles libres ; on croit se donner ainsi un cachet d’aristocratie et des apparences de fortune. On a l’air de reprocher à nos établissements secondaires de s’être trop démocratisés »33. L’enseignement public souffre manifestement d’un recrutement plus démocratique, qu’accroît la défection des classes supérieures. À Vienne, aucune famille de la bonne bourgeoisie, médecins, avocats, avoués, notaires, officiers, gros industriels, ne confie plus son fils au collège34. Le recteur de Caen va même jusqu’à écrire : « L’Université ne se recrute plus que parmi les fils des plus humbles fonctionnaires, des petits artisans, des petits commerçants et des ouvriers »35.

  • 36  Il est impossible de l’apprécier exactement, les sources manquant pour une sociologie comparée des (...)
  • 37  AN, F17-13944, 13 mars 1899.
  • 38  AN, F17-13942, 1er février 1899.

25La volonté de distinction sociale ne constitue pas, cependant, une explication suffisante36. D’une part leur caractère payant écarte des lycées et collèges les élèves de milieu populaire, à l’exception des boursiers ; d’autre part, les établissements libres accueillent aussi des élèves de milieu modeste « intéressants » de leur point de vue, et ils leur accordent des rabais que proviseurs et principaux voudraient bien avoir eux-mêmes le droit de pratiquer. Le choix semble, en fait, au moins autant idéologique et politique que social. Le bureau d’administration du lycée d’Angoulême unit les deux registres : « C’est devenu une mode, une mode distinguée » de ne pas mettre ses enfants dans les établissements publics, « où se rencontrent des enfants appartenant à des familles d’ouvriers, de petits commerçants, de petits propriétaires ruraux », à moins que ce ne soit « une manière de faire de l’opposition au gouvernement »37. Certains vont même plus loin, comme l’inspecteur d’académie de la Marne, qui dénonce l’abandon des idées républicaines par la haute bourgeoisie et les craintes du haut commerce et de l’industrie, pour lesquels l’enseignement religieux serait « le dernier boulevard contre les revendications du prolétariat »38.

  • 39  Une circulaire du 20 mars 1899 demande aux recteurs et inspecteurs d’académie de compléter leurs r (...)
  • 40  Loc. cit. La censure est facile à repérer dans les rapports originaux conservés aux Archives natio (...)
  • 41  Enquête, t. III, p. 486.
  • 42  AN, F17-13942, 4 février 1899.

26La commission n’insiste pas sur les engagements politiques des professeurs et elle édulcore pour la publication certains rapports qui les évoquent trop précisément39. Dans celui du recteur d’Aix, par exemple, elle retire le passage où celui-ci mettait en cause l’intervention des professeurs dans la vie municipale ou la presse locale40. Mais elle publie la phrase où le recteur de Toulouse affirme : « Une des causes qui a fait le plus de tort à quelques unes de nos maisons, c’est l’immixtion de certains de leurs professeurs dans la politique et plus particulièrement dans la politique locale »41. L’inspecteur d’académie de l’Oise est clair : « Certains de nos professeurs ont éloigné de nous un assez grand nombre d’esprits rassis ou de gens modérés en se lançant inconsidérément dans la politique, en se mêlant imprudemment aux querelles locales, en professant publiquement des opinions qui, pour n’être pas universitaires, passaient cependant pour telles venant d’eux »42. L’impact de ces prises de positions n’est pas douteux : les parents confient leurs fils aux collèges catholiques pour qu’ils soient élevés dans un bon milieu, mais aussi dans de « bonnes idées ».

  • 43  Enquête, t. III, p. 286.
  • 44  Michel Winock indique qu’on a compté 261 professeurs du secondaire et du supérieur parmi les signa (...)
  • 45  Georges Joumas, Gallouédec, 1864-1937, géographe de la IIIe République, Orléans, Ed. Paradigme, 20 (...)

27Ce courant est si fort qu’il peut sembler difficile de s’y opposer. La qualité de l’enseignement ne pèse guère devant un refus idéologique. « Nos maîtres sont des libéraux irréductibles et des républicains convaincus » : pour le recteur de Caen, c’est sans doute la principale raison qui éloigne les familles de l’enseignement public, alors même que ses professeurs constituent « un corps d’éducateurs et d’instructeurs incomparable », comme il n’en existe pas dans le monde entier43. Sous la Monarchie de Juillet déjà, les adversaires du monopole universitaire dénonçaient la fidélité de l’Université aux principes de 1789, et le grief court tout au long du siècle. Il s’aggrave avec l’affaire Dreyfus, qui suscite une certaine politisation des professeurs : comment enseigner le droit, la justice et la vérité quand ils sont bafoués avec une telle arrogance par l’armée ? Des professeurs, agrégés et normaliens notamment, se sentent alors investis par leur fonction même d’un devoir d’engagement, qui va faire par exemple le succès des universités populaires. Ils entrent en politique ; plus d’une centaine signent en 1898 les pétitions en faveur de la révision44 et l’on en trouve parmi les fondateurs ou les premiers adhérents de la Ligue des Droits de l’Homme. Ainsi Édouard Herriot à Lyon, ou à Orléans Louis Gallouédec, que réprimande le préfet45. La question est posée de savoir jusqu’où les professeurs peuvent s’engager.

  • 46  Article signé : « Un Sans-Patrie », Le Travailleurs socialiste de l’Yonne, 20 juillet 1901.
  • 47  AN, F17-13641, PV/CSIP, 3/12/01. Hervé est défendu par Briand. Le rapport est dû à Esmein.

28Dans la session même où le CSIP débat de la réforme du secondaire, il statue au contentieux sur un cas exemplaire : celui de Gustave Hervé. Ce professeur agrégé au lycée de Sens avait écrit sous un pseudonyme, dans un journal local, des articles très antimilitaristes, dont le célèbre article du « drapeau planté dans le fumier »46. Deux parents avaient porté plainte contre lui, demandant s’il était l’auteur des textes incriminés. Il avait d’abord refusé de répondre : « [j’ai la prétention] pour tout ce que je dis et fais en dehors du lycée de ne relever que de ma conscience et des lois qui régissent les citoyens jouissant de leurs droits civils et politiques. Votre plainte [celle des parents] ne vise en aucune façon l’enseignement du professeur. Le professeur n’a donc rien à vous répondre à vous, ni à l’administration universitaire ». Par la suite, il avait reconnu être l’auteur de ces articles et décidé « quelles qu’en doivent être les conséquences pour moi, de faire trancher cette importante question de principe par les tribunaux compétents ». L’affaire est donc soumise en appel au CSIP, qui inflige à Hervé le retrait d’emploi, « considérant qu’il est inadmissible qu’un fonctionnaire, et spécialement un fonctionnaire de l’enseignement public puisse, en dehors de ses fonctions, attaquer, par la voix de la presse, les institutions et les principes essentiels sur lesquels repose notre société »47.

  • 48  AN, F17-13939, 15 avril 1899 (coupé pour la publication).
  • 49  Bureau d’administration, déjà cité.
  • 50  Enquête, t. III, p. 271.

29L’impact de l’affaire Dreyfus sur le recrutement des établissements publics est attesté par l’importance des défections d’officiers, signalées presque partout. Or c’est une clientèle importante : il y a alors en France plus de 30000 officiers ; leurs fils, qui peuplent les classes préparatoires à Polytechnique et à Saint-Cyr, désertent les lycées et collèges. Que le lycée de Clermont-Ferrand compte 60 fils d’officiers mérite d’être signalé : il n’en aurait pas 10, affirme le recteur, si ses maîtres avaient adhéré aux ligues et contre-ligues48. Le lycée d’Angoulême souffre de la création d’une école ecclésiastique « qui trouve dans le monde militaire et dans la bourgeoisie une nombreuse clientèle : en effet, les officiers, dont un général, ne craignent pas d’envoyer dans l’enseignement libre ecclésiastique qui est situé aux portes mêmes du lycée leurs enfants »49. Le recteur de Bordeaux signale un collège privé qui accepte sans rétribution tous les enfants d’officiers de la garnison. Je sais, poursuit-il, « tel département où un nouveau commandant de gendarmerie, choisissant pour son fils la maison congréganiste, a causé le départ du lycée de presque tous les enfants appartenant à la gendarmerie. Et que dire quand on voit les hauts universitaires eux-mêmes, appartenant à l’enseignement supérieur, des professeurs de faculté et des doyens, faire au lycée l’injure de mettre leurs enfants dans la maison congréganiste rivale »50.

  • 51  AN, F17-13939, 11/4/99, à propos du collège de Riom. La publication retient qu’aucun officier de l (...)
  • 52  Levraud, PV/C, vol. III, 17/1/00.
  • 53  Propositions Levraud, J.O., Documents parlementaires, Chambre des Députés, session extraordinaire (...)
  • 54  Enquête, t. V, 2ème partie. Vœux en ce sens dans l’Ain, l’Allier, la Côte-d’Or, la Gironde, le Lot (...)
  • 55  Par décret du 14 novembre 1899, le Président de la République charge le ministre de l’Instruction (...)

30Cette situation préoccupe d’autant plus les républicains que des pressions semblent s’exercer. L’inspecteur d’académie du Puy-de-Dôme en témoigne : « À la rentrée de 1896, un officier supérieur de la garnison nous avait confié son fils aîné. Le 15 octobre, il nous le retirait tout en se déclarant très satisfait du collège. Au 1erjanvier 1897, il obtenait une promotion de grade. La conclusion s’impose »51. Même si cet incident n’est pas publié, le fait demeure. Il explique le recours par les républicains à des pratiques inavouables, comme le fichage des officiers. Il explique surtout que l’abrogation de la loi Falloux ou le rétablissement du monopole universitaire reviennent à l’ordre du jour. La République peut-elle accepter que les hauts fonctionnaires et les cadres de l’armée soient élevés « dans la haine des principes de la Révolution »52 ? Le Convent du Grand-Orient demande en 1898 le rétablissement du certificat d’études napoléonien ; la rentrée parlementaire voit des députés proposer soit d’interdire aux ecclésiastiques et congréganistes de diriger des établissements secondaires, soit de rétablir le monopole universitaire53 ; c’est même ce qui suscite la création de la commission de l’enseignement. Plusieurs conseils généraux reprennent ce vœu dans leurs réponses à l’enquête54. Le gouvernement, enfin, dépose un projet de loi réservant l’accès aux écoles du gouvernement et à la haute fonction publique aux candidats ayant effectué dans un établissement public leurs trois dernières années de scolarité55. Pour reprendre les termes de l’époque, l’enseignement secondaire pose un problème politique et non seulement pédagogique.

3 – La question de l’internat

31Il ne faudrait pourtant pas négliger les raisons proprement éducatives du succès croissant de l’enseignement catholique. C’est en effet avant tout par l’internat qu’il se construit. Les chiffres sont ici éloquents. Les lycées et collèges comptent 28 % d’internes et 62 % d’externes. Les établissements catholiques, 61 % d’internes et 29 % d’externes. Les uns sont l’image renversée des autres. On peut affiner l’analyse en répartissant l’ensemble des élèves du secondaire entre les divers types d’établissements selon leur statut (interne, etc.), ce qui permet d’établir le graphique 3.

Tableau 4 : Élèves selon les établissements et le statut

Tableau 4 : Élèves selon les établissements et le statut

Graphique 3 : Élèves selon les établissements et le statut

Graphique 3 : Élèves selon les établissements et le statut

32Le contraste entre public et privé apparaît manifeste, et même si l’on négligeait les séminaristes, qui le renforcent massivement (86,5 % d’internes), on l’atténuerait sans l’abolir : dans tous les établissements libres, quelle qu’en soit la nature, les internes sont plus nombreux que les externes. On a d’un côté des externats qui acceptent des pensionnaires, et de l’autre des internats qui s’ouvrent à des externes.

33La répartition géographique de l’internat (carte 6) pose plus de questions qu’elle n’en résout. Paris compte peu d’internes, car ses douze lycées et ses deux collèges permettent d’y faire facilement des études comme externe. Mais les départements qui l’entourent en comptent beaucoup, sans qu’on puisse l’expliquer ni par des difficultés de circulation, ni par l’attrait des internats parisiens puisque la statistique enregistre les élèves là où ils sont scolarisés et non au domicile familial. Les difficultés d’accès peuvent jouer partiellement pour le sud-est du Massif central, mais elles devraient jouer aussi pour les Alpes et les Pyrénées, ce qui n’est pas le cas. La forte proportion d’internes dans la Creuse, l’Ardèche et les Landes renvoie probablement à la faiblesse du maillage d’établissements dans ces départements (voir la carte 4), mais ces explications restent très partielles.

Carte 6 : Importance de l’internat dans l’ensemble des établissements secondaires

Carte 6 : Importance de l’internat dans l’ensemble des établissements secondaires

Carte 7 : Importance de l’internat dans les établissements privés

Carte 7 : Importance de l’internat dans les établissements privés
  • 56  Cette carte a été construite en rapportant le nombre d’internes dans les établissements libres, sé (...)
  • 57  Vérification faite, ce n’est pas une erreur de dépouillement qui explique ce fait.

34On est alors tenté de lier l’importance de l’internat à celle de l’enseignement libre (carte 6 ci-dessus), mais les deux cartes ne concordent guère. L’attraction des internats confessionnels déborde très largement les terres de chrétienté. La carte 7, qui traduit la part de l’enseignement libre pour l’ensemble des internes56, révèle certes sa situation hégémonique – plus de 85 % – dans des départements très catholiques (Aveyron, Loire, Haute-Loire, Morbihan), mais elle réserve des surprises qui interdisent d’en rendre compte par la seule influence de la religion. Comment expliquer le contraste entre les deux Savoie, ou entre le Jura et le Doubs, plus catholique ? Ni l’Eure, ni le Loiret, ne brillent par leur pratique religieuse ; dans les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes, la Dordogne, le Tarn, qui sont des régions plutôt déchristianisées, plus de trois quarts des internes se trouvent dans les établissements confessionnels. Manifestement, des effets d’offre jouent : le cas des Basses-Pyrénées s’explique ainsi par l’importance du collège de Bétharram et de ses 324 internes. Surtout, cette carte met en évidence la domination écrasante de l’enseignement privé pour l’accueil des internes : sauf dans sept départements (l’Allier, l’Yonne, la Charente, la Corse, les Pyrénées-Orientales, les Vosges – où il représente cependant plus de 40 % du total – et paradoxalement le Finistère avec 31 %57), il est partout majoritaire.

  • 58  Le proviseur du lycée de Rouen, cité par l’inspecteur d’académie, Enquête, t.III, p. 281. Le régim (...)
  • 59  AN, F17-13944, s. d.

35Cette domination renvoie à l’image respective des établissements publics et privés, image dont le rapport avec la réalité est incertain. Les internats publics n’ont pas une très bonne réputation. Beaucoup de rapports l’expliquent par des campagnes de dénigrement qu’ils jugent injustes ou excessives, mais le fait n’est guère nié. « L’opinion publique est devenue hostile à l’internat des lycées pour l’avoir vu si souvent et si vivement battu en brèche par les médecins, au nom de l’hygiène, et par certains éducateurs, qui trouvent que le régime se prête mal à l’éducation de la volonté »58. Le président de l’association des anciens élèves du lycée de Poitiers exprime ce grief plus librement, sans doute, que ne le feraient des universitaires : « On reproche aux établissements de l’État de négliger la direction et l’éducation des enfants pour ne s’occuper que de leur instruction »59.

  • 60  Proviseur du lycée de Rouen, loc. cit.
  • 61  AN, F17-13939, inspecteur d’académie de la Haute-Loire, 6 avril 1899.
  • 62  PV/C, loc. cit.,26 mai 1899.

36L’éducation dont il s’agit ici est pour une part la « bonne éducation », celle des garçons « bien élevés », et la démocratisation des internats publics pèse ici beaucoup plus lourd que celle des externats : « L’idée que nos internats sont mal composés, qu’ils ne se recrutent que parmi des enfants de condition sociale moins élevée, tend de plus en plus à se répandre dans les familles de la haute bourgeoisie ; de là leur répugnance à nous confier leurs enfants, et leur empressement à les envoyer chez les congréganistes, où ils se flattent de retrouver, mieux que chez nous, le bon ton, les manières et les habitudes de “leur monde” »60. Mais c’est aussi que les fonctionnaires des lycées et collèges ne s’occupent pas assez des élèves. Le reproche en est fréquemment adressé aux professeurs et répétiteurs : ils « se font une idée trop étroite de leurs devoirs. Une fois leur classe ou leur étude faite, ils considèrent leur tâche comme terminée »61. Un des membres les plus actifs de la commission, son secrétaire, Couyba, voudrait par exemple que les professeurs viennent dans les études et se mêlent même aux jeux des enfants. Ce qui conduit De Mun à remarquer ironiquement que leurs obligations sociales ne leur permettent guère de faire plus qu’ils ne font. « À ce point de vue, les écoles libres ont une supériorité »62.

  • 63  Philippe Savoie, Les Enseignants du secondaire, le corps, le métier, les carrières, t.1, 1802-1914 (...)

37Les répétiteurs, les « pions », sont la cible principale des critiques. C’est une catégorie de personnel particulièrement remuante, et dont l’Association se manifeste régulièrement. Sous cette pression, leur statut a été amélioré à plusieurs reprises en 1887, 1889 et 1891, et ils ont obtenu une reconnaissance symbolique de leur importance. Leur traitement a été aligné sur celui des professeurs de collèges et leur carrière organisée. Ils ont été astreints à préparer la licence et leur service aménagé pour le leur permettre63. Mais la montée en puissance de l’agrégation les enferme dans leur rôle : elle limite les promotions de professeurs de collège comme chargés de cours dans les lycées et, par suite, les promotions de répétiteurs comme professeurs de collège. Le mécontentement couve.

  • 64  Rapport général, Enquête, t.VI, p. 92.
  • 65  Enquête, t. I, p. 231.
  • 66  PV/C, 22 novembre 1899, souligné par moi.
  • 67  J.O., Débats parlementaires, Chambre des députés, session ordinaire de 1902, 12 février 1902, p. 6 (...)
  • 68  AN, F17-13942.
  • 69  AN, F17-13941, 17 janvier 1899.

38Cette évolution détourne les répétiteurs de leur fonction propre et les oriente vers l’enseignement. « Enseigner est une chose noble ; surveiller une étude, une récréation, un dortoir, une chose humble. C’est le préjugé enraciné dont tout notre système d’éducation souffre cruellement », constate Ribot64. Mais ce préjugé est généralement partagé et la commission le confirme en constatant que les professeurs ne considèrent pas les répétiteurs comme des collaborateurs et en proposant que ceux-ci fassent cours à l’occasion, pour y gagner en « prestige ». « On ne devrait pas donner aux répétiteurs la corvée absurde de garder les enfants pour les empêcher de se remuer », déclare par exemple Seignobos65. Le directeur de l’Enseignement secondaire dit qu’en effet, « il y a lieu de séparer de la tâche de l’enseignement des besognes telles que la surveillance intérieure (dortoirs, réfectoires etc.) »66. Couyba veut faire surveiller les dortoirs et réfectoires par des « subalternes », car la surveillance des dortoirs n’est pas un rôle « digne d’un gradé de l’Université »67. Les répétiteurs, qui ressentent évidemment très mal la stigmatisation de leurs fonctions, ne voient d’issue que dans le passage à l’enseignement : « Tant que le répétiteur ne participera pas à l’enseignement, écrit un répétiteur de Janson, il ne remplira qu’imparfaitement son rôle d’éducateur. L’enseignement seul pourrait lui donner l’autorité morale nécessaire »68. Rien d’étonnant si beaucoup font passer leurs études avant leur rôle éducatif. En les obligeant à suivre les cours de licence, dit le proviseur de Lyon, on a assuré le recrutement de l’agrégation, mais on a perdu leur dévouement. Et de conclure : « Il est toujours dangereux de placer l’homme entre ses intérêts et ses devoirs »69.

  • 70  AN, F17-13936, recteur d’Aix, 23 janvier 1899, non publié.
  • 71  AN, F17-13944, 26 janvier 1899.
  • 72  AN, F17-13944, recteur de Poitiers, 17 avril 1899.
  • 73  AN, F17-13947.
  • 74  Enquête, t. III, p. 244.

39Ces tâches « subalternes » sont donc souvent mal remplies. La critique des répétiteurs court de proviseurs en recteurs dans les réponses à l’enquête. Leurs revendications ont fait du tort à l’institution : « par leurs attaques immodérées, ils ont diminué l’internat »70. Parfois même, ils sont très inférieurs à leur tâche. Dans un rapport confidentiel, le proviseur de La Roche-sur-Yon, soumis il est vrai à une concurrence catholique particulièrement vive, apporte un témoignage accablant : « J’ai vu des répétiteurs, toujours en fonctions, raconter à leurs élèves moyens leurs bonnes fortunes des nuits précédentes ; j’en ai vu, qui exercent encore, se présenter ivres-morts dans leurs services […] J’en ai vu qui, pris cent fois en faute, abreuvaient presque impunément de grossièretés leurs censeurs, leurs proviseurs, voire leurs recteurs »71. De tels cas semblent exceptionnels. Au demeurant, le recteur ne reprend pas ces accusations et défend plutôt les répétiteurs. Mais cette défense même confirme les reproches plus qu’elle ne les invalide. On dit trop de mal des répétiteurs, écrit-il : « Presque tous sont exacts, réguliers, corrects dans leurs relations avec leurs chefs et les familles, mais on en voudrait voir un plus grand nombre prendre au sérieux leur titre de répétiteur et donner au lycée autre chose que des heures de présence. La surveillance matérielle se fait, mais l’assistance dans la confection des devoirs, les conseils pour vaincre les difficultés, diriger le travail, choisir les lectures, le concours pour l’organisation des jeux, ces mille marques d’intérêt […] font trop souvent défaut »72. Le recteur de Toulouse, après avoir reconnu que les répétiteurs s’étaient beaucoup instruits et avaient conquis des grades, résume ainsi les critiques : « Préoccupés avant tout de la revendication de leurs droits, ils se considèrent trop souvent comme quittes avec l’administration quand ils ont passé à côté de leurs élèves le temps réglementaire, sans souci d’exercer sur ces derniers une direction morale ou pédagogique. Un trop grand nombre encore accomplissent leur tâche sans goût ni conviction, impatients de sortir d’un emploi qu’ils considèrent comme un poste d’attente et comme un pis-aller »73. Ils ne comprennent pas toujours, confirme le recteur de Besançon, « que leur rôle est avant tout un rôle d’éducateur […] ils ont hâte de se retirer ; ils connaissent de moins en moins les élèves et, partant, s’attachent à eux de moins en moins ». Et son collègue d’Aix conclut : « Les parents ne sont pas sans remarquer que la discipline dans nos établissements n’est plus aussi ferme »74.

  • 75  AN, F17-13942.
  • 76  Voir déposition de Brunetière, Enquête, t. I, p. 176-186, de Seignobos, ibid., p. 224-235.
  • 77  Raiberti, PV/C, vol. II, 22 novembre 1899.

40Dans ces conditions, la lutte avec le dévouement des prêtres ou des préfets des études jésuites est inégale. Un professeur du lycée Buffon oppose avec finesse l’internat laïque, individualiste, sous le contrôle des familles, et l’internat congréganiste, contre la famille. Le premier cherche à renvoyer l’enfant dans sa famille le plus souvent, le second le moins souvent possible75. Il est certain que l’enseignement catholique revendique et assume une responsabilité éducative globale que l’enseignement public a du mal à soutenir. Les défenseurs de l’internat public veulent y voir plus qu’une nécessité géographique, une école de justice et d’égalité, un creuset de la démocratie76. Mais certains républicains doutent et de la valeur de l’internat et de la possibilité pour l’État d’organiser des internats satisfaisants. « Aujourd’hui, les lycées sont des internats auxquels on a ajouté des externats. C’est l’inverse qui doit être la vérité, et les lycées doivent être des externats auxquels, s’il y a lieu, seront ajouté des internats »77. Cette position extrême, récusée par le ministre et par Ribot, est révélatrice du malaise. La commission proposera que les répétiteurs deviennent professeurs-adjoints au bout de deux ans et que les proviseurs nomment les surveillants des dortoirs : solution qui apaise les revendications de ces personnels mais ne règle pas le problème. Sur ce point, la réforme ne répond pas à l’enquête : la commission est sensible aux revendications catégorielles des répétiteurs. De toute façon, il lui était difficile de substituer à l’image négative et dévalorisante du surveillant celle, plus positive, de l’éducateur, car celle-ci ne correspondait à l’époque à aucune pratique sociale reconnue. L’éducateur est une invention du XXe siècle, et il faut attendre 1945 pour que le ministère se préoccupe de donner aux surveillants une formation en ce sens.

III – La concurrence du primaire supérieur

1 – Le classique en crise ?

  • 78  Enquête, t.III, p. 276 et 232.

41L’avantage des établissements catholiques n’est pas seulement celui de leurs internats. C’est aussi celui d’un traditionalisme pédagogique. L’argument est rarement avancé, et il semble contestable. L’inspecteur d’académie de l’Oise écrit pourtant que l’enseignement libre recrute dans un milieu qui, « en raison même de ses opinions politiques et religieuses, se montre tout particulièrement attaché au vieil enseignement classique »78.

  • 79  Sur 1 089 établissements, le premier facteur extrait 40,9 % de l’inertie des données et le second (...)

42Les analyses statistiques confirment que l’enseignement libre a partie liée avec les études classiques. L’analyse factorielle des correspondances de l’ensemble des 1 089 établissements publics et privés oppose le classique et les internes d’un côté, les externes et le moderne de l’autre. Les résultats sont identiques si l’analyse exclut les petits séminaires, dont les élèves sont pratiquement tous internes et latinistes. Les établissements qui ont beaucoup d’internes ont aussi beaucoup de latinistes, et inversement79. Et l’enseignement libre est, beaucoup plus que le public, un enseignement classique. Quand on laisse de côté les classes élémentaires pour comparer le poids respectif du classique et du moderne, en incluant les classes préparatoires dans le premier et les quelques classes professionnelles ou primaires supérieures de collèges dans le second, ce qui contribue à renforcer les effectifs du classique dans les lycées, et ceux du moderne dans les établissements congréganistes, on constate de forts contrastes, comme l’indiquent le tableau 5 et le graphique 6 ci-dessous.

43Le classique au sens large l’emporte dans les lycées, par 65 % contre 35 % au moderne, mais il l’emporte bien davantage encore dans les établissements confessionnels : 80 % dans ceux qui sont tenus par des prêtres séculiers, 72 % dans ceux qui relèvent de l’autorité diocésaine, sans parler des petits séminaires qu’il domine presque totalement.

Tableau 5 : Poids des classes élémentaires, secondaires classiques et modernes selon les établissements

Tableau 5 : Poids des classes élémentaires, secondaires classiques et modernes selon les établissements

N.B. Les pourcentages des cinq premières colonnes sont calculés en ligne

Graphique 4 : Importance du classique et du moderne selon la nature des établissements

Graphique 4 : Importance du classique et du moderne selon la nature des établissements

44Son poids légèrement plus faible dans les établissements congréganistes (62,4 %) s’explique par l’importance des écoles des frères qui ont pris le statut secondaire et sont en fait des écoles primaires supérieures. Au contraire, le moderne l’emporte de très peu dans les établissements libres laïques, et plus nettement dans les collèges communaux (57,3 %). Or on se souvient que ce sont les établissements les plus petits et, partant, les plus vulnérables.

  • 80  804 élèves à Bar-le-Duc, dont 57 en mathématiques spéciales, 91 en mathématiques élémentaires et 3 (...)
  • 81  Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, Les Collèges du peuple. L’enseignement primaire supérie (...)

45L’analyse géographique n’apporte guère de lumières. De façon un peu surprenante, la carte globale de l’enseignement classique ne ressemble à aucune autre (carte 8). Elle fait apparaître l’importance relative des études latines dans la France méditerranéenne, languedocienne et toulousaine, ainsi que dans quelques départements dont le chef-lieu dispose d’un grand lycée : Bordeaux, Poitiers, Rouen, Lyon, Dijon, Besançon et Bar-le-Duc80. L’examen du poids respectif des établissements libres et publics dans cet ensemble ne permet guère d’aller plus loin (carte 9). On retrouve sans surprise bon nombre de départements catholiques, bretons, auvergnats ou savoyards, mais la Picardie, le Loiret, l’Eure-et-Loir, l’Eure ou la Creuse n’appartiennent pas aux zones de chrétienté. L’importance de l’internat, qui dissocie les lieux de scolarisation des domiciles familiaux, ainsi que les aléas de l’offre d’enseignement, interdisent tout espoir de mettre en évidence une logique territoriale. Pour la retrouver, il faudrait changer d’échelle, et s’attacher comme l’ont fait Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie, aux concurrences départementales81. Les rapports de l’enquête Ribot en apportent de multiples témoignages.

Carte 8 : Importance de l’enseignement classique

Carte 8 : Importance de l’enseignement classique

Carte 9 : Importance des établissements privés dans l’enseignement classique

Carte 9 : Importance des établissements privés dans l’enseignement classique
  • 82  Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire, L’enquête sur l’enseignement seconda (...)
  • 83  C 5663.
  • 84  C 5663, 22 mars 1899.
  • 85  AN, F17-13939.

46En fait, la question des effectifs n’est pas centrale pour l’enseignement classique. Par une sorte de pétition de principe, qu’on ne discute pas sans s’excuser, c’est la filière d’excellence, qui doit accueillir les meilleurs élèves pour en faire l’élite de la nation. Que ce soit la position de l’immense majorité des enseignants ne surprend pas : ils croient à ce qu’ils font. La Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire, qui publie en brochure ses réponses à l’enquête, « croit que l’éducation par excellence de l’esprit est donnée par […] les études classiques ». Elle est convaincue que cette « éducation nourricière […] est particulièrement propre à former le jugement, à tremper les caractères, à former l’homme et le citoyen que réclame notre société démocratique. Elle juge que ces études classiques, indispensables pour les jeunes gens se destinant aux carrières libérales, ne sont pas moins utiles à ceux qui songent à la vie des affaires »82. Mais ce point de vue est également majoritaire en dehors de l’université. La médecine et la basoche n’envisagent pas d’accepter des bacheliers qui n’auraient pas fait de latin. 48 chambres de commerce, sur les 78 qui ont répondu à l’enquête, affirment la supériorité de l’enseignement classique, alors même que la plupart le jugent mieux adapté à la préparation des écoles de commerce qu’au commerce lui-même. L’avis en ce sens de la Chambre de commerce de Lyon, largement diffusé sous forme imprimée83, est souvent repris, et il est rejoint par beaucoup d’autres. « Il ne sera dénié par personne, écrit par exemple la Chambre de Tourcoing, que les littératures anciennes sont une mine de grandes pensées et de généreux sentiments, et les difficultés même que présente leur initiation constituent une véritable gymnastique de l’intelligence en même temps qu’elles donnent des habitudes de persévérance et de combativité »84. Mais cet enseignement classique n’est pas à développer inconsidérément, sous peine de fabriquer des déclassés et des fonctionnaires – reproche récurrent, que récuse la Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire, sensible à son impact sur l’opinion. Les défenseurs du classique ne sont donc pas nécessairement partisans de son développement, et certains suggèrent d’en limiter l’extension. Les professeurs de la faculté des lettres de Clermont, après avoir affirmé que « l’enseignement secondaire classique doit être réservé à ceux que leur intelligence rend capables d’en profiter ou que leur situation de fortune met à même de ne pas songer aux nécessités de la vie », en tire la conclusion qu’on pourrait diminuer le nombre d’établissements qui l’assurent85. Il semble que, dans bon nombre de collèges communaux, son niveau soit très faible et que sa suppression puisse être envisagée sans dommage.

  • 86  PV/C, t. III, 6/12/99. Souligné par moi.
  • 87  Enquête, t. I, p. 45.
  • 88  AN, F17-13641, séance du 26 décembre 1900, matin. Voir aussi la déposition de Jules Lemaître, Enqu (...)

47Les partisans des humanités se trouvent sur la défensive et le doute s’insinue. Le ministre l’exprime clairement devant la commission parlementaire quand il dit « qu’il considérerait comme une faute irréparable et une sorte de désastre national la mort des études classiques. Ces études sont menacées, il n’y a pas à se faire d’illusion […] Une démocratie a surtout besoin de cette élite intellectuelle qui est formée par les études classiques »86. Des voix minoritaires, mais autorisées, se font entendre, qui tirent argument des très médiocres résultats des bacheliers en latin et en grec, fréquemment dénoncés, et de l’inadaptation des langues mortes à la société moderne. Lavisse réplique ainsi à un éloge des langues anciennes par l’abbé Lemire : « Il arrive le plus souvent que ceux qui reçoivent l’éducation classique la terminent sans savoir ni grec ni latin. Je demande d’où pourrait venir ce bénéfice dont parle M. Lemire »87. Il manifeste son désaccord avec la majorité du CSIP en n’admettant pas qu’on se refuse à voir dans l’enseignement moderne « le successeur éventuel de l’enseignement classique ; le monde a marché, surtout depuis vingt-cinq ans. On doit se demander si l’ancien mode d’éducation pourra être maintenu étant donnés les besoins de la société actuelle »88.

  • 89  AN, F17-13944, recteur de Poitiers, 17 avril 1899.
  • 90  AN, F17-13944, bureau d’administration du collège de Chatellerault, 13 mars 1899.

48La défense de l’enseignement classique passe par celle de sa continuité. Ses partisans refusent donc de le diviser en deux cycles. Ils refusent également d’aligner les petites classes des établissements secondaires sur les écoles primaires et proposent même de rétablir le latin en septième. La défense du secondaire commence par celle de la spécificité des classes élémentaires des lycées et collèges (de la dixième à la septième). Leur assimilation aux cours des écoles primaires leur a porté un coup que le recteur de Poitiers dit « terrible »89, bien que, au moment où il écrit, leurs programmes diffèrent encore de ceux des écoles primaires, notamment par l’adjonction d’une langue vivante et d’un enseignement de géologie en septième. Mais la suppression du latin en huitième et septième a éloigné des élèves90, car un nombre impossible à préciser d’établissements libres l’ont conservé, attirant de ce fait une clientèle traditionaliste. Il y a là un enjeu majeur.

  • 91  Signalons cet inspecteur d’académie des Basses-Alpes, qui dans sa réponse – non publiée – supprime (...)
  • 92  AN, F17-12989, 9 avril 1902.

49La décision, sur ce point, ne doit rien à l’enquête. Ribot avait posé la question de savoir s’il serait désirable que les élèves « n’entrassent au lycée ou au collège qu’après avoir fait des études primaires », ce qui impliquait la fusion des deux enseignements. À part quelques exceptions d’esprit très démocratique91, les réponses presque unanimes concluent à la nécessité de maintenir le particularisme de ces classes, pour des raisons à la fois sociales et pédagogiques. La Commission et le CSIP se prononcent en ce sens. Mais, on ne l’a guère remarqué, la Chambre ne l’a pas entendu ainsi – c’est le seul point sur lequel elle n’ait pas suivi le ministre et la Commission. Le 14 février 1902, elle adopte par 323 voix contre 224 un amendement ainsi rédigé : « Il n’y aura qu’un seul type d’enseignement primaire. L’examen des bourses devra porter exclusivement sur le programme des écoles primaires ». La section permanente du CSIP est tentée de maintenir la langue vivante quand elle met au point les nouveaux programmes, mais le directeur de l’Enseignement secondaire lui fait valoir que le vote de la Chambre a eu lieu dans des conditions telles que, même si le texte adopté n’est pas une loi, le CSIP ne saurait le contester, et elle s’incline92. Le suffrage universel a le dernier mot.

50Battus sur le programme des petites classes, les défenseurs des humanités classiques vont l’être aussi sur le statut de l’enseignement moderne. Mais la question est ici beaucoup plus complexe.

2 – Les contradictions du moderne

51L’enseignement moderne est attaqué de deux côtés : par les partisans de la tradition classique et par ceux de l’enseignement primaire supérieur.

  • 93  La thèse de Clément Falcucci, L’Humanisme dans l’enseignement secondaire en France au XIXe siècle,(...)
  • 94  Levraud, PV/C, vol. 2, 8 juin 1899.
  • 95  Enquête, t. I, p. 296 et 302.
  • 96  Ibid., p. 235.

52On ne peut ici développer longuement cette querelle des anciens et des modernes, par ailleurs bien connue93. On sait comment les républicains ont transformé l’enseignement spécial, restructuré par Duruy en 1865, en l’allongeant par diverses mesures de 1886, 1890 et 1891, et en lui donnant la sanction d’un baccalauréat particulier. Leur ambition était de mettre en place une autre voie de formation intellectuelle et de culture générale désintéressée. Or la différence d’appréciation est grande, sur ce point, entre le Conseil supérieur de l’Instruction publique et la commission parlementaire. Voix de l’université, le CSIP ne croit pas possible d’aménager ni de remplacer l’enseignement du latin et du grec : l’enseignement moderne n’est ni assez général, ni assez classique ; c’est une sorte de contrefaçon, de médiocre imitation. Il manque d’unité, écrit le proviseur de Lyon, et sa clientèle est sans tradition. Tel qu’il existe, déclare un membre de la commission, l’enseignement moderne ne se tient pas. La culture littéraire réelle, sans les langues anciennes, est une utopie94. Victor Bérard, dans sa déposition, est particulièrement féroce dans sa critique des deux enseignements, classique et moderne (« Je crois que l’un n’existe plus et que l’autre n’existe pas encore ») et définit celui-ci comme une gare de chemin de fer sur le plan d’un temple grec95. Plus indulgent et plus réaliste, Seignobos renvoie l’inégalité entre les deux enseignements à la sélection initiale : « On retrouve à la sortie ce qu’on a mis à l’entrée » ; l’infériorité du moderne tient aux élèves qu’on lui donne. Et d’opposer la France du nord et celle du sud, où seuls les cancres « font moderne »96.

53Seignobos n’a peut-être pas tort. Dressée à partir de la même échelle que la carte du classique, celle du moderne fait apparaître d’abord son évidente infériorité (carte 10) : avec 41 000 élèves contre 84 000 au classique, il est nettement distancé. On peut sans doute expliquer ce retard par son caractère relativement récent : il n’a pas encore eu le temps de faire ses preuves. Reste qu’il attire peu d’élèves, et l’on peut se demander s’il n’est pas l’objet d’un choix par défaut. Près des deux tiers des élèves du moderne sont en effet dans des collèges communaux : tout se passe comme si les établissements aux sections classiques solides, publics ou privés, ne se souciaient guère de développer des sections modernes. Mais la carte met aussi en évidence deux zones de moindre faiblesse, dont la plus importante correspond à la France du nord, telle que la délimite la ligne Saint-Malo-Genève. La France méridionale ne justifie pas pleinement le jugement de Seignobos, car le littoral méditerranéen enregistre une relative implantation de l’enseignement moderne, avec deux départements, l’Hérault et les Alpes-Maritimes, où il dépasse le taux de 20 élèves pour 1 000 garçons de 6 à 13 ans, mais ce constat doit être relativisé, car cette zone est également celle de la plus forte scolarisation secondaire en général : le moderne comme le classique y puisent des forces.

Carte 10 : Importance de l’enseignement secondaire moderne

Carte 10 : Importance de l’enseignement secondaire moderne
  • 97  AN, F17-13941, principal du collège de Charolles, 16 janvier 1899.
  • 98  Bréal, Enquête, t.I, p. 73.
  • 99  AN, F17-13942, inspecteur d’académie du Loiret, 30 janvier 1899.
  • 100  Citation de l’inspecteur d’académie de l’Indre, reprise dans le rapport général, Enquête, t. VI, p (...)
  • 101  Ibid., et AN, F17-13944, recteur de Poitiers, 17 avril 1899.

54Inférieur au classique comme enseignement général de culture désintéressée, le moderne est en même temps trop ambitieux pour séduire une large clientèle. Il suscite par là des critiques beaucoup plus vives et beaucoup plus nombreuses. L’enseignement spécial de Duruy, plus court et plus pratique, a laissé un excellent souvenir : « du jour où [il] fut organisé, les élèves affluèrent »97. Son allongement et sa transformation en enseignement moderne sont partout dénoncés comme la cause principale des difficultés de l’enseignement secondaire public, et notamment des collèges. « Au lieu de fortifier l’enseignement spécial, on le dénatura : on voulut en faire un second enseignement classique, égal au premier, sauf l’absence du latin et du grec »98. L’enseignement spécial « est regretté à peu près unanimement »99, et le moderne ne le remplace pas. Ribot consacre un chapitre entier de son rapport à cette transformation malheureuse. Le moderne ne répond pas aux besoins des familles, il est trop ambitieux et trop éloigné des pratiques. « On ne saurait croire combien l’obligation d’apprendre d’une manière littéraire deux langues vivantes a fait perdre d’élèves à l’enseignement moderne de l’État »100. Il est trop long, et d’ailleurs les élèves qui le commencent l’abandonnent en cours de route : sur 8 500 enfants qui débutent tous les ans en sixième moderne, il n’y en a pas 3 500 qui vont au terme de leurs études. Les classes de seconde perdent la moitié des élèves de troisième et parfois plus101.

  • 102  Circulaires envoyées à la demande de la commission de l’enseignement, AN, F17-13948, circulaire du (...)

55Cette désertion progressive retient particulièrement l’attention de la commission, qui demande un relevé du nombre d’élèves sortis sans avoir parcouru le cours régulier des études modernes, pour distinguer ceux qui le suivent jusqu’à son terme « de ceux qui n’entrent dans les lycées et collèges que pour en sortir à l’âge de quatorze ou quinze ans après avoir fait des études analogues à celles […] des écoles primaires supérieures »102. Nous n’avons pas les réponses à cette circulaire, mais la statistique de l’enquête pallie cette lacune, car elle fournit l’effectif des classes par niveaux dans les lycées et collèges (graphique 5).

Graphique 5 : Effectifs classiques et modernes des lycées et collèges

Graphique 5 : Effectifs classiques et modernes des lycées et collèges

La colonne de gauche montre la répartition des élèves du classique entre lycées et collèges selon les classes, celle de droite la répartition des élèves du moderne

56Plus que le classique et le moderne, ce sont les lycées et les collèges qui s’opposent. Dans les lycées, le classique, très majoritaire, compte autant d’élèves en seconde qu’en sixième. En raison des redoublements qu’entraîne l’échec de la moitié des candidats à la première partie du baccalauréat, il en compte sensiblement davantage en première, et beaucoup moins en philosophie, du fait des abandons. Beaucoup de familles estiment en effet que la première partie du baccalauréat atteste une formation complète et arrêtent là les études de leur fils. C’est le cas de Jean Monnet en 1906. Moitié moindre en importance, le moderne des lycées n’enregistre, lui aussi, que peu d’abandons en cours d’études. Dans les collèges, il en va tout autrement. Le classique y recule modérément de la sixième à la seconde ; en revanche, il s’effondre en première. Il souffre sans doute de la médiocrité de l’enseignement, et il est probable que les candidats au baccalauréat le quittent pour un lycée qui les préparera mieux à l’examen, ce qui serait une explication complémentaire des forts effectifs des premières classiques des lycées. En revanche, le moderne, majoritaire, perd la moitié de son effectif entre la cinquième et la seconde, pour n’avoir plus qu’une poignée de rescapés en première, son année terminale à l’époque. Le moderne des collèges ne réussit pas à fidéliser ses élèves. Le regret unanime de l’ancien enseignement spécial repose sur une réalité qui menace dans leur survie des établissements déjà précarisés par leur petite taille.

  • 103  AN, F17-13940, bureau d’administration du collège de Saint-Omer, 14 mars 1899.
  • 104  Enquête, t.III, p. 333.
  • 105  Proviseur de Saint-Étienne, à la suite de l’ouverture d’une école professionnelle en 1882 et d’une (...)
  • 106  Enquête, t. III, p. 266.

57Le regret – et la menace – sont d’autant plus vifs que cet enseignement abandonné par le moderne survit et prospère, à peine modifié, dans les écoles primaires supérieures (EPS). « La désertion de nos cours secondaires pour l’école primaire supérieure est un avertissement que nous ne saurions négliger. Il y a là une évolution qui s’opère parce qu’elle répond à un besoin social réel »103. La concurrence des EPS est partout dénoncée. « Sur ce point, les rapports de tous les proviseurs, principaux et inspecteurs d’académie sont unanimes », conclut le recteur de Grenoble104. Les exemples abondent de collèges, voire de lycées, dont l’enseignement moderne a souffert de l’ouverture d’une EPS ou d’une école professionnelle dans le voisinage105. De rapport en rapport, s’égrène la litanie des griefs contre ces concurrents mieux armés. L’inspecteur d’académie du Lot-et-Garonne résume bien tous ces témoignages convergents : « L’enseignement primaire supérieur convient autant à notre petite bourgeoisie urbaine et rurale que l’enseignement secondaire lui convient peu. Il est gratuit et ne laisse au père de famille que les frais d’internat ; il dure trois ou quatre ans au plus, […] il est pratique et met celui qui le reçoit en situation de gagner sa vie de bonne heure, tandis que l’enseignement secondaire, essentiellement théorique et désintéressé, prépare à tout et ne mène directement à rien. Quand l’enseignement primaire supérieur s’appelait l’enseignement spécial et se donnait dans les collèges, c’est dans les collèges qu’on allait le recevoir et ces établissements pouvaient présenter de beaux effectifs ; depuis qu’on l’a constitué à part, dans des maisons spéciales, les collèges ont perdu une bonne partie de leur clientèle, et leur décadence, si l’on n’y remédie, ira s’accentuant chaque année. La crise agricole leur avait déjà été bien préjudiciable ; la création des écoles supérieures et la substitution de l’enseignement moderne à l’enseignement spécial leur ont porté un coup mortel »106.

  • 107  Jean-Pierre Briand a publié une carte du taux d’accès des garçons à l’enseignement primaire supéri (...)

58Le Lot-et-Garonne, il est vrai, connaît une concurrence particulièrement vive, puisqu’il est doté de quatre EPS et d’une EPCI. Tous les départements ne sont pas aussi bien pourvus, et la carte fait apparaître des inégalités frappantes. Les Alpes-Maritimes, les Haute-Alpes, la Lozère, les Hautes-Pyrénées, le Lot, l’Indre, le Morbihan n’ont pas d’EPS, alors que des départements peu peuplés comme la Drôme, la Haute-Savoie, la Dordogne, le Jura même, dont on connaît la richesse en établissements secondaires, sont bien dotés. Les Bouches-du-Rhône n’ont que deux EPS, à Marseille, quand le Var en a le double. La carte scolaire du primaire supérieur est aussi anarchique que celle du secondaire quand on examine le maillage d’établissements (carte 11), mais elle met en évidence l’ampleur du défi que l’enseignement secondaire moderne devrait relever quand on considère les effectifs scolarisés. La durée moyenne des études en EPS étant de trois ans, nous avons pris en compte les effectifs des classes de 6e, 5e et 4e modernes des lycées et collèges pour dresser la carte 13, qui représente le poids des EPS et EPCI dans ce total. Cette carte n’obéit à aucune logique démographique, culturelle ou religieuse, mais elle montre que dans une majeure partie de la France, notamment en Bourgogne, Franche-Comté, région lyonnaise, Dauphiné, Savoie, Centre et Centre-Ouest, le moderne est derrière le primaire supérieur, et parfois de beaucoup107.

Carte 11 : Les écoles primaires supérieures et les écoles pratiques du commerce et d’industrie en 1898

Carte 11 : Les écoles primaires supérieures et les écoles pratiques du commerce et d’industrie en 1898

Carte 12 : Importance des écoles primaires supérieures et des écoles pratiques du commerce et d’industrie

Carte 12 : Importance des écoles primaires supérieures et des écoles pratiques du commerce et d’industrie

59L’essor du primaire supérieur n’obéit donc à aucune logique contextuelle : il semble répondre avant tout au développement de l’offre, qui s’explique essentiellement, comme l’ont montré J.-P. Briand et J.-M. Chapoulie, par les initiatives des inspecteurs d’académie. Le ministère ne semble pas avoir tenté de rationaliser cette croissance. Les républicains au pouvoir ont pourtant eu le temps de le faire, car ce réseau date pour l’essentiel des années Ferry, comme le montre le graphique 6, qui répartit les 197 EPS de province (Seine et Algérie exclues) en fonction de leur date de création.

Graphique 6 : Dates de création des écoles primaires supérieures existant en 1898 (Enquête, t. III)

Graphique 6 : Dates de création des écoles primaires supérieures existant en 1898 (Enquête, t. III)
  • 108  AN, F17-13944, 15 mars 1899.

60À la fin du siècle, le bilan global est dominé par une concurrence qui tourne à l’aigre. Principaux et proviseurs ne cessent, dans leurs rapports, de reprocher aux instituteurs de ne pas les aider, voire de travailler contre eux. C’est un leitmotiv insistant : les instituteurs ne font pas pour les collèges de l’université ce que les curés font pour les établissements confessionnels. Le bureau d’administration du collège de Chatellerault, par exemple, dénonce « l’antagonisme des instituteurs contre les collèges ; ces fonctionnaires, au lieu de remplir pour le recrutement des établissements universitaires le rôle du curé du village pour les maisons religieuses, cherchent, dans leur intérêt personnel à détourner leurs élèves du chemin du collège »108.

  • 109  AN, F17-13939, recteur de Dijon, 24 février 1899.
  • 110  AN, F17-13940, inspecteur d’académie de la Drôme, 26 janvier 1899. Ce passage n’a pas été publié.

61La solution logique serait de fusionner ces deux types d’enseignement, mais chacun voudrait que la fusion s’effectue à son profit et non à ses dépens. « Les professeurs de l’enseignement classique absorberaient volontiers le moderne dans le classique et les professeurs d’enseignement moderne absorberaient volontiers le primaire supérieur dans le moderne. Inversement, les directeurs et professeurs d’écoles primaires supérieures revendiquent l’indépendance de leurs écoles à l’égard du moderne et les professeurs de l’enseignement moderne l’indépendance de celui-ci à l’égard du classique »109. « Les principaux demandent la fusion des deux enseignements. Il faut entendre par là la suppression des écoles primaires supérieures. Les directeurs, pour la plupart, repoussent cette fusion. […] Tous les principaux la dénoncent avec énergie [cette concurrence], tous les directeurs d’école affirment avec la même énergie qu’elle n’existe pas »110. La rivalité des deux ordres d’enseignement, qui paralysera toute réforme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est déjà très vivace en cette fin du XIXe siècle.

  • 111  AN, F17-13941, 16 janvier 1899. Ce principal signale – il est le seul – que la nécessité de recrut (...)

62Le principal du collège de Nantua le déplore, mais il constate qu’on a « creusé le fossé » entre le primaire et le secondaire : « Jadis, il y avait quelques ponts reliant les deux familles universitaires. D’une part, beaucoup des membres du personnel administratif et enseignant des lycées et collèges faisaient des cours dans les écoles normales alors que d’autres faisaient partie des commissions des brevets et des délégations cantonales. D’autre part, les jeunes maîtres du primaire enseignaient dans les divisions élémentaires de nos établissements. Aujourd’hui, chacun est renfermé dans son camp »111.

63Au terme de l’enquête, il apparaît ainsi que la concurrence du primaire supérieur est à tout prendre beaucoup plus redoutable pour les collèges que celle des maisons catholiques, qui se consacrent prioritairement, sinon exclusivement, au classique. C’est le fait majeur qui se dégage de l’enquête. Constituée pour traiter la concurrence des établissements libres et des lycées et collèges, la commission découvre celle du primaire supérieur et du secondaire. C’est de là que naît la réforme de 1902.

64Deux solutions semblaient logiques. C’est une troisième qui prévalut.

  • 112  Ainsi celles d’Angoulême, Lyon ou Nancy. Celle de Marseille affirme que les collèges d’Arles et de (...)

65La première solution était précisément cette fusion qu’appelaient de leurs vœux les principaux de collèges. Elle était évidemment impossible sous la forme d’une annexion des EPS au second degré, car l’enseignement primaire supérieur réussissait et il était beaucoup trop solidaire de l’ensemble de l’ordre primaire pour qu’on pût envisager de le supprimer, d’autant que ces écoles présentaient, du point de vue de la laïcité, des garanties supérieures à celles des établissements secondaires. La fusion au profit des collèges était donc exclue, et d’ailleurs personne ne la proposait. La fusion inverse consistait à transformer les petits collèges communaux en EPS, comme le proposaient plusieurs chambres de commerce112. Mais on butait sur de redoutables problèmes de personnel, et c’eût été la fin du classique dans ces collèges, ce qui semblait sacrilège même si son enseignement laissait à désirer.

66La seconde solution consistait à prendre acte de l’échec du moderne et à revenir à l’enseignement spécial de Duruy. C’était évidemment celle que préconisaient les partisans des humanités classiques, pour qui le moderne n’était qu’une contrefaçon. Le CSIP poussait en ce sens, ainsi que le ministère, qui se serait fort bien accommodé d’un système dual avec, d’un côté, un enseignement classique continu de la sixième à la philosophie et, de l’autre, un enseignement moderne organisé en deux cycles, de finalité beaucoup plus pratique et professionnelle. Ces deux enseignements n’auraient évidemment pas reçu la même sanction.

  • 113  PV/C, 8 et 9/6/99, C 5663, vol. 2.
  • 114  Ibid., 16 décembre 1899, vol. 3.

67La commission s’oriente vers une solution différente. C’est elle qui propose la division des études secondaires en deux cycles aussi bien pour l’enseignement classique que pour le moderne113. Sur ce point, elle s’oppose fermement au ministre, qu’elle reçoit en décembre 1899. Celui-ci refuse en effet, au nom de ce qu’il appelle « l’unité » du classique – nous dirions de sa continuité – toute sanction à la fin du premier cycle classique, alors qu’elle va de soi pour le moderne. On irait à l’abaissement des études, dit-il. « En résumé, s’il ne fait pas d’objection sur la formule générale du système, il n’en est pas de même sur les deux cycles du classique et la pénétration des deux enseignements. M. Couyba dit qu’en ce cas, c’est repousser presque toute la réforme de l’enseignement secondaire. En effet, la commission n’a pas entendu faire une réforme seulement pédagogique, mais sociale… »114. La commission préconise qu’on puisse passer du primaire supérieur au second cycle classique, et le ministre ne veut pas que ce passage soit régulièrement organisé ; il doit rester exceptionnel. Et comme il souhaite l’accord du CSIP, Ribot lui répond : « C’est bien entendu le Parlement qui devra avoir le dernier mot, et non le Conseil supérieur ».

  • 115  Rapport général, p. 29.
  • 116  Ibid., p. 28.

68En fait, la solution imaginée par Ribot consiste à organiser ce que nous appellerions des passerelles entre le primaire supérieur et le secondaire. « Ce qu’il faut aussi, c’est établir une communication plus facile entre l’enseignement primaire supérieur et les classes les plus élevées de l’enseignement moderne »115. La division des deux cycles est conçue dans ce but. Mais cette organisation repose sur une conception particulière de l’enseignement moderne. On est frappé de la faiblesse des arguments qu’avance Ribot pour défendre l’enseignement moderne. « L’enseignement moderne a déjà pris une trop grande place pour qu’on puisse le détruire. Là où il est bien organisé, où il ne recrute pas dans les rebuts de l’enseignement classique, il donne des résultats qui ne sont guère inférieurs à ceux que peut donner l’étude du grec et du latin »116. C’est qu’en réalité, l’enseignement moderne auquel il songe n’est pas celui qui s’est mis en place depuis 1886.

  • 117  Ibid. p. 30, cité par Hélène Gispert et al., op. cit., p. 56.

69Les promoteurs du moderne avaient trouvé une alternative à l’étude des auteurs classiques dans celle des littératures étrangères, car ils ne remettaient pas en cause l’idée selon laquelle une formation générale était nécessairement une formation littéraire. Remplaçant Homère et Virgile par Goethe et Shakespeare, ils avaient adopté pour l’enseignement des langues vivantes les méthodes mêmes de celui des langues mortes. Sur ce point, la réforme de 1902 impose une rupture radicale : on doit enseigner les langues vivantes pour les parler, et les nouveaux programmes détaillent le vocabulaire concret que les élèves devront apprendre. C’est que la commission Ribot préconise une autre formation générale moderne, centrée sur les sciences : « La science a introduit une conception nouvelle du monde, une manière nouvelle d’envisager la nature, l’homme lui-même et les grands faits sociaux et, pour tout dire, une philosophie nouvelle du développement de l’humanité. C’est cet esprit qui doit être l’âme de l’enseignement moderne »117.

  • 118  Section permanente du CSIP, 16 novembre 1900, AN, F17-12988 ; CSIP, 28 décembre 1900, 2ème séance, (...)
  • 119  PV/C, loc. cit., vol. 1, 26 mai 1899.
  • 120  PV/C, 23 mai 1901. Le ministre vient dès le 26 devant la commission : AN, C 5663, vol. 3.
  • 121  Ibid., 28 octobre 1901 et 22 janvier 1902, dernière réunion de la commission avant les élections.

70Cette conception ne s’impose pas facilement. Le CSIP, qui en discute en décembre 1900, reste fidèle à la tradition classique. Il adopte la division en deux cycles, mais limite à deux années le second cycle moderne, avec une sanction à laquelle sa section permanente refuse le nom de baccalauréat. Ce titre n’est finalement adopté qu’après un amendement de Louis Liard précisant qu’il donnera accès seulement aux facultés de sciences118. Surtout, le CSIP ferme en fait aux élèves du premier cycle moderne l’accès aux classes scientifiques qui préparent aux écoles du gouvernement en exigeant pour ces classes du latin. La commission réagit assez sèchement. Le ministre ne l’a pas saisie du texte du CSIP, alors qu’elle le lui a demandé. Cette mauvaise manière la choque d’autant plus que Ribot communiquait au ministre, séance après séance, les décisions qu’elle avait prises119. Elle s’impatiente donc : c’est au Parlement de décider, et elle veut que ses conclusions soient discutées à la tribune. Elle prie donc le ministre de venir s’expliquer120. L’audition de Leygues est tendue. Ribot lui dit clairement que, pour la commission, l’option fondamentale est entre culture littéraire et culture scientifique. Pour celle-ci, le latin n’est pas nécessaire. Finalement, la commission a gain de cause : les scientifiques ne seront pas contraints à faire du latin. À la rentrée, Ribot fait approuver par la commission son rapport complémentaire, à laquelle il donne la forme d’une lettre au ministre, qui lui répond par une autre lettre121. Cette longue lettre est discutée du 12 au 14 février par la Chambre qui l’amende, après quoi le ministre prend le décret du 31 mai et les mesures qui constituent la réforme de 1902.

  • 122  Lettre adressée par le ministre au président de la commission, janvier 1902, AN, F17-13948. Cette (...)

71Le plan d’études ainsi défini présente une réelle logique. Un premier cycle divisé en deux sections, l’une avec du latin, et du grec à partir de la quatrième pour certains, l’autre sans latin. « À l’entrée dans le second cycle, trois catégories d’élèves se présentent : les uns ont fait du latin et du grec, les autres du latin et pas de grec, les derniers n’ont fait ni latin ni grec. Pour les élèves des 1re et 3e catégories, pas d’incertitude : ceux-là […] continueront aussi loin que possible les études gréco-latines, ceux-ci les sciences et les langues vivantes. Restent les élèves qui ont fait du latin et pas de grec ». Ceux qui veulent continuer le latin « choisissent pour complément soit l’étude développée des langues étrangères, soit celle des sciences ». Ceux qui l’abandonnent rejoignent les élèves qui n’ont pas fait de latin dans le premier cycle122. Les quatre sections de second cycle ainsi définies, A latin-grec, B latin-langues, C latin-sciences et D langues-sciences, conduisent à un seul et même baccalauréat. La réforme de 1902 donne ainsi à l’enseignement secondaire français l’architecture dans laquelle il va se développer tout au long du siècle qui s’ouvre.

72L’enquête Ribot n’a pas été inutile. Il eût été hors de propos d’en faire ici l’analyse exhaustive. Pour aller à l’essentiel, son principal mérite a été de révéler à la commission, d’abord inquiète du développement de l’enseignement libre, l’ampleur du problème que posait aux collèges celui du primaire supérieur. La solution qu’elle lui a apportée s’écarte en revanche nettement des orientations qu’esquissaient la majorité des réponses. Les représentants de la nation ont imposé à l’université de donner à l’enseignement moderne le statut d’un enseignement secondaire à part entière, en le mettant à parité avec le classique. Compte tenu des critiques dont il était l’objet et des pressions qui s’exerçaient pour le retour à l’enseignement spécial de Duruy, c’était aller à contre-courant. Face à une concurrence impossible à réduire directement, la commission de l’enseignement a imaginé des ajustements pragmatiques, qui se sont avérés robustes. Elle a surmonté une contradiction par une articulation. Elle l’a fait à la fois par volonté démocratique et par confiance dans la culture scientifique. Mais aussi par conscience des responsabilités qui incombent aux élus dans une République. Il lui a fallu une législature pleine et entière pour mener à bien son enquête, élaborer son projet et trouver un accord avec le ministère, mais elle y est parvenue. Rarement les problèmes de l’enseignement auront été traités avec autant de méthode, de sérieux, de respect, de volonté d’aboutir et, partant, d’efficacité.

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Annexe

Annexe 1 : Effectifs des établissements post-primaires publics et privés par départements et par sections

Annexe 2 : Effectifs des établissements publics et privés selon le département et le statut des élèves

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Notes

1  Voir notamment Hélène Gispert, Nicole Hulin, Marie-Claire Robic (dir.), Science et enseignement. L’exemple de la grande réforme des programmes du lycée au début du XXe siècle, Paris, INRP/Vuibert, 2007, et dans les Actes de colloque publié par Pierre Caspard, Jean-Noël Luc et Philippe Savoie (dir.), Lycées, lycéens, lycéennes. Deux siècles d’histoire, Paris, INRP, 2005, les contributions de Jean-François Condette, « La crise des lycées de garçons à la fin du XIXe siècle. Le point de vue et les propositions des recteurs d’académie », p. 427-441 ; de Patrick Clastres, « L’internat public au XIXe siècle : question politique ou pédagogique ? », p. 397-413 ; de Renaud d’Enfert, « L’enseignement mathématique dans le primaire et le secondaire au début du XXe siècle », p. 247-255, et d’Évelyne Hery, « Les professeurs de lycée et l’application de la réforme de 1902. Vers de nouvelles pratiques pédagogiques », p. 257-267. Il y a aussi beaucoup à tirer des livres d’Évelyne Hery, Un siècle de leçons d’histoire. L’histoire enseignée au lycée 1870-1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, et d’André Chervel, Histoire de l’enseignement du français du XVIIe au XXe siècle, Paris, Retz, 2006.

2  Procès-verbaux de la commission (désormais PV/C), Archives nationales (désormais AN), C 5663, vol. 1, réunion du 2 décembre 1898.

3  C’est pourquoi, dès sa seconde réunion, le 8 décembre 1898, la Commission a demandé à la Chambre, qui les lui accorde le 12, les pouvoirs d’une commission d’enquête.

4  PV/C, 10 mai 1899, AN, C 5663, vol. 1.

5  Sa publication demande six volumes in-4° : Enquête sur l’enseignement secondaire, Paris, Imprimerie de la Chambre des députés/Mottiroz, 1899, t. I et II : Procès-verbaux des dépositions, présentés par M. Ribot, respectivement XII-594 et 716 p. ; t. III : Statistique et rapports des recteurs et des inspecteurs d’académie, LXXII-491 p. ; t. IV : Réponses au questionnaire, 464 p. ; t. V, première partie : Avis des chambres de commerce ; deuxième partie : Délibérations des conseils généraux, 699 p. ; t. VI, Rapport général, par M. Ribot (document parlementaire n° 1196), 85 p., suivi de onze rapports particuliers par d’autres députés de la commission, paginés indépendamment, soit 656 p. Les originaux des rapports des principaux, proviseurs, inspecteurs et recteurs sont conservés aux Archives nationales, par académies, en F17-13936 à 13945 inclus. Les rapports publiés au tome III sont les réponses à la première enquête. Les originaux des avis des chambres de commerce se trouvent aux Archives nationales en C 5663.

6  La Statistique de l’enseignement primaire de 1896 donne le nombre de 4 636 381 enfants de 6 à 13 ans. Compte tenu de la durée des scolarités secondaires, on peut accepter cette base de référence.

7  Toutes les cartes de cet article ont été réalisées avec le logiciel Philcarto de Philippe Waniez : http://philgeo.club.fr.

8  La prise en compte des classes élémentaires (de la dixième à la septième) conduirait à des conclusions analogues à quelques détails près.

9  Michelle Kergoat, « Quelques aspects de la scolarisation secondaire dans les départements français au XIXe siècle », Population, 3-1990, p. 617-650. Pour la période 1898-1913, la corrélation est de 0,71, ce qui est élevé dans un domaine où interfèrent de nombreuses variables. Les taux calculés par M. Kergoat diffèrent des miens pour deux raisons : la population scolarisable de référence est chez elle celle des garçons de 8 à 18 ans dans les recensements de la population, alors que j’ai pris les effectifs des garçons de 6 à 13 ans fournis par la Statistique de l’enseignement primaire de 1896 (repris par celle de 1901) ; d’autre part, et surtout, elle n’a pas inclus les petits séminaires dans la population scolarisée. La corrélation entre ses taux et les miens est de 0,94.

10  Voir cette carte dans Louis Girard, Antoine Prost, Rémi Gossez, Les Conseillers généraux en 1870. Étude statistique d’un personnel politique, Paris, PUF, 1967, p. 114.

11  Rapport sur le régime des lycées, par M. Raiberti, Enquête, t. VI, fasc. 2.

12  Jean-François Condette, loc. cit. La commission Ribot reprend évidemment cette critique.

13 La statistique du tome III de l’Enquête précise, pour les établissements publics, l’effectif par niveau (6e, 5e, etc.) et par section (classique ou moderne). Pour l’enseignement « libre » – c’est le terme employé –, elle ne détaille pas les niveaux mais indique les effectifs des sections professionnelles ou primaires supérieures. Pour les séminaires, elle est moins précise encore.

14  La corrélation entre les deux séries (r de Pearson) est de 0,77.

15  PV/C, loc. cit., vol. I, 19 mai 1899. Michel Bréal suggère lui aussi de moins gros lycées, Enquête, t. I, p. 71-78.

16  Pour reprendre les termes de l’Enquête.

17  Ainsi d’une institution de Neuilly fondée vers 1864, pour laquelle il est mentionné en observation : « Depuis plusieurs années, M. Michotte n’a plus d’élèves et ne cherche plus à s’en procurer » : Enquête, t.III, p. 69. Ces établissements sans élèves ont été exclus de nos tableaux.

18  La distinction a été imposée par Ribot pour identifier clairement les établissements congréganistes : PV/C,10 mai 1899, AN, C 5663, vol. I.

19  C’est le cas des deux plus grosses écoles de la congrégation à Paris, celle du frère Girard, rue Raynouard, fondée en 1837, et celle du frère Abadie, rue Saint-Antoine, fondée en 1843. Elles comptent respectivement 841 et 549 élèves et ont pris le statut secondaire en 1893 et 1894.

20  AN, F17-12988, section permanente du Conseil supérieur de l’Instruction publique (désormais CSIP), 24 octobre 1900. Le directeur de l’enseignement secondaire, Élie Rabier, dit que 150 classes de seconde classique ont moins de dix élèves, ce qui est exact. La taille des classes a des implications pédagogiques et justifie le passage des cours de deux à une heure : deux heures, c’est trop quand les classes ont six, huit ou dix élèves, dit Rabier à la section permanente du CSIP le 10 mai 1901 : AN, F17-12989.

21  Le 28 octobre 1900 : Pierre Sorlin, Waldeck-Rousseau, Paris, A. Colin, 1966, p. 219.

22  Celui de la Chartreuse, à trois kilomètres du Puy (250 élèves, dont 31 externes ou demi-pensionnaires), est l’établissement le plus à la mode du département. « Il possède la clientèle aristocratique de vieille et de récente noblesse et aussi la clientèle de la haute bourgeoisie » (rapport de l’inspecteur d’académie, Enquête, t. III, p. 303). D’après Fernand Rabier, député du Loiret, les deux petits séminaires d’Orléans ne « font » pas plus de trois ou quatre prêtres par an, pour trente élèves : PV/C, 17 mai 1899, loc. cit. La statistique leur attribue respectivement 279 et 234 élèves.

23  Ils passent de 89 902 à 86 084 élèves, académie d’Alger incluse.

24  Les plus gros lycées parisiens pour les préparationnaires sont Saint-Louis (530) et Janson-de-Sailly (270). Il existe également un établissement libre laïque spécialisé dans les préparations, l’institution Duvignau de Lanneau, rue de Rennes, avec 232 élèves.

25  Pierre Sorlin, op. cit., p. 430, n. 53, citant le rapport sur le budget de l’Instruction publique en 1896. 130 reçus à Saint-Cyr sur 528 et 25 sur 60 à Navale sortent d’établissements catholiques.

26  François-André Isambert, Jean-Paul Terrenoire et al., Atlas de la pratique religieuse des catholiques en France, Paris, Presses de la FNSP-CNRS, 1980.

27  Les différences régionales de pratique religieuse ont été cartographiées un demi-siècle plus tard, mais la force des traditions en ce domaine leur conserve une validité pour notre époque. Voir les cartes de la pratique religieuse dans la France rurale et dans la France urbaine dans Jean-Marie Mayeur (dir.), Histoire du christianisme, t.12, Guerres mondiales et totalitarismes (1914-1958), Paris, Desclée/Fayard, 1990, p. 453 et 455. Nous ne discutons pas ici l’analyse de Jean-Pierre Briand, « Le renversement des inégalités régionales de scolarisation et l’enseignement primaire supérieur en France », dans L’offre locale d’enseignement XIXe-XXe siècles, Histoire de l’éducation, n° spécial 66, mai 1995, p. 159-200 : en effet, la carte du taux d’accès des garçons à l’enseignement secondaire public en 1887 qu’il publie, p. 194, présente avec la carte similaire pour 1898 des différences qui mériteraient une étude plus fouillée, et son étude est condamnée, faute de sources à ce niveau de finesse (les effectifs de sixième), à ignorer l’enseignement privé, qu’on cherche ici à comparer à son rival public à partir de chiffres plus globaux.

28  Le proviseur de Macon, AN, F17-13941, 14 janvier 1899.

29  Comme le notent Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie, « L’institution scolaire, les familles, les collectivités locales, la politique d’État »,  L’offre locale d’enseignement, loc. cit.,p.15-46.

30  AN, F17-13942, inspection académique de l’Oise, 4 février 1899.

31  AN, F17-13936, 23 janvier 1899.

32  AN, F17-13942, 15 avril 1899. Coupé pour la publication.

33  Cité par l’inspecteur d’académie, Enquête, t.III, p. 243.

34  Inspecteur d’académie de l’Isère, Enquête, t.III, p. 325.

35  Enquête, t.III, p. 285.

36  Il est impossible de l’apprécier exactement, les sources manquant pour une sociologie comparée des établissements publics et privés.

37  AN, F17-13944, 13 mars 1899.

38  AN, F17-13942, 1er février 1899.

39  Une circulaire du 20 mars 1899 demande aux recteurs et inspecteurs d’académie de compléter leurs rapports en vue de leur publication : AN, F17-13948, circulaires envoyées à la demande de la Commission.

40  Loc. cit. La censure est facile à repérer dans les rapports originaux conservés aux Archives nationales, car ils sont rayés au crayon rouge, de même que certains détails, ou les formules de politesse finales.

41  Enquête, t. III, p. 486.

42  AN, F17-13942, 4 février 1899.

43  Enquête, t. III, p. 286.

44  Michel Winock indique qu’on a compté 261 professeurs du secondaire et du supérieur parmi les signataires de ces pétitions, in Jacques Julliard, Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels, Paris, Seuil, 2002, article « Dreyfus ». Pour des raisons évidentes, la proportion est plus forte dans les facultés que dans les lycées. Madeleine Rebérioux ne donne pas de chiffres dans son article « Histoire, historiens et dreyfusisme », Revue historique, n° 518, avril-juin 1976, p. 407-432.

45  Georges Joumas, Gallouédec, 1864-1937, géographe de la IIIe République, Orléans, Ed. Paradigme, 2006, p. 107-108. Trois professeurs du lycée signent la pétition des intellectuels en janvier 1898. Après une manifestation publique, le 9 janvier 1899, Gallouédec, ses collègues et l’archiviste Camille Bloch font l’objet d’un rappel à l’ordre verbal du préfet, ibid., p.112.

46  Article signé : « Un Sans-Patrie », Le Travailleurs socialiste de l’Yonne, 20 juillet 1901.

47  AN, F17-13641, PV/CSIP, 3/12/01. Hervé est défendu par Briand. Le rapport est dû à Esmein.

48  AN, F17-13939, 15 avril 1899 (coupé pour la publication).

49  Bureau d’administration, déjà cité.

50  Enquête, t. III, p. 271.

51  AN, F17-13939, 11/4/99, à propos du collège de Riom. La publication retient qu’aucun officier de la garnison ne confie son fils à ce collège, sans fournir cette précision. D’autres pressions sont évoquées, sans lien aussi direct avec le contexte immédiat. Le principal de Romorantin incrimine ainsi les aristocrates solognots qui détournent de son collège leurs régisseurs et fermiers : AN, F17-13943, non daté.

52  Levraud, PV/C, vol. III, 17/1/00.

53  Propositions Levraud, J.O., Documents parlementaires, Chambre des Députés, session extraordinaire de 1898, n° 400, séance du 22 novembre 1998 ; Rabier, ibid., n° 406, même séance ; Poulain, ibid., n° 416, séance du 24 novembre 1998 ; Carnaud, ibid., session ordinaire de 1899, n° 741, séance du 10 février 1899.

54  Enquête, t. V, 2ème partie. Vœux en ce sens dans l’Ain, l’Allier, la Côte-d’Or, la Gironde, le Lot, la Sarthe. Dans d’autres départements, la discussion est vive. Dans le Nord, Delory tente de l’introduire par amendement. Il affirme : « Pour moi, la liberté de l’enseignement congréganiste, c’est la liberté de l’empoisonnement. Je vous propose donc de décider que désormais, l’État aura seul le droit d’enseigner » (p. 133). Un amendement en faveur du certificat d’études est repoussé à une voix de majorité.

55  Par décret du 14 novembre 1899, le Président de la République charge le ministre de l’Instruction publique de présenter un projet de loi instituant le stage scolaire. Waldeck-Rousseau et Leygues, le ministre, défendent ce projet devant la commission le 20 décembre 1899. Pierre Sorlin, op. cit., p. 429, relève que Waldeck ne met guère d’ardeur à le faire avancer ; de fait, il ne vient pas devant la Chambre. On ne peut cependant négliger ce témoignage de la pression radicale, d’autant que la Chambre, quand elle adopte les principes de la réforme, adopte également dans la même séance, par 282 voix contre 239, un ordre du jour mentionnant l’abrogation de la loi Falloux : J.O., Débats parlementaires, Chambre des députés, session ordinaire de 1902, 14 février 1902, p. 681.

56  Cette carte a été construite en rapportant le nombre d’internes dans les établissements libres, séminaires inclus, au total des internes. La carte dressée en laissant de côté les petits séminaires est globalement analogue.

57  Vérification faite, ce n’est pas une erreur de dépouillement qui explique ce fait.

58  Le proviseur du lycée de Rouen, cité par l’inspecteur d’académie, Enquête, t.III, p. 281. Le régime des lycées a été très vivement critiqué, notamment par le Dr Maxime Vernois, État hygiénique des lycées de l’empire en 1867, Paris, J. Baillière et fils, 1868, et surtout par Victor de Laprade dans ses deux livres, L’Éducation homicide, Paris, Didier, 1868, et L’Éducation libérale. L’hygiène, la morale, les études, Paris, Didier, 1873. Cette campagne a abouti à la réunion de la commission Jules Simon en 1888 et à la réforme de 1890.

59  AN, F17-13944, s. d.

60  Proviseur du lycée de Rouen, loc. cit.

61  AN, F17-13939, inspecteur d’académie de la Haute-Loire, 6 avril 1899.

62  PV/C, loc. cit.,26 mai 1899.

63  Philippe Savoie, Les Enseignants du secondaire, le corps, le métier, les carrières, t.1, 1802-1914, Paris, INRP/Économica, 2000. Patrick Clastres, « L’internat public au XIXe siècle : question politique ou pédagogique ? », art. cit.

64  Rapport général, Enquête, t.VI, p. 92.

65  Enquête, t. I, p. 231.

66  PV/C, 22 novembre 1899, souligné par moi.

67  J.O., Débats parlementaires, Chambre des députés, session ordinaire de 1902, 12 février 1902, p. 614.

68  AN, F17-13942.

69  AN, F17-13941, 17 janvier 1899.

70  AN, F17-13936, recteur d’Aix, 23 janvier 1899, non publié.

71  AN, F17-13944, 26 janvier 1899.

72  AN, F17-13944, recteur de Poitiers, 17 avril 1899.

73  AN, F17-13947.

74  Enquête, t. III, p. 244.

75  AN, F17-13942.

76  Voir déposition de Brunetière, Enquête, t. I, p. 176-186, de Seignobos, ibid., p. 224-235.

77  Raiberti, PV/C, vol. II, 22 novembre 1899.

78  Enquête, t.III, p. 276 et 232.

79  Sur 1 089 établissements, le premier facteur extrait 40,9 % de l’inertie des données et le second 21 %. Sur les 951 établissements restants après exclusion des petits séminaires, leurs valeurs respectives sont de 30,8 % et 20 %.

80  804 élèves à Bar-le-Duc, dont 57 en mathématiques spéciales, 91 en mathématiques élémentaires et 330 dans les sections proprement secondaires. Le lycée de Nancy n’a que 273 élèves. Rappelons que, pour cette étude, nous considérons les élèves qui se destinent aux écoles du gouvernement comme relevant de l’enseignement classique.

81  Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, Les Collèges du peuple. L’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Paris, INRP-CNRS Éditions-ENS Fontenay-Saint-Cloud, 1992.

82  Société pour l’étude des questions d’enseignement secondaire, L’enquête sur l’enseignement secondaire. Rapports adressés à la commission parlementaire de l’enseignement, Paris, Belin, 1899, 169 p. ; AN, F17-13948, rapport sur l’enseignement classique par M. Brelet, professeur de 4e au lycée Janson-de-Sailly, p. 31-32.

83  C 5663.

84  C 5663, 22 mars 1899.

85  AN, F17-13939.

86  PV/C, t. III, 6/12/99. Souligné par moi.

87  Enquête, t. I, p. 45.

88  AN, F17-13641, séance du 26 décembre 1900, matin. Voir aussi la déposition de Jules Lemaître, Enquête, t. I, p. 185 : « Il me semble que, depuis cent ans, on se trompe, on continue de donner aux enfants de la moyenne bourgeoisie, ainsi qu’à une partie des enfants du peuple, un enseignement qui était donné, sous l’Ancien Régime, dans de tout autres conditions économiques et industrielles, aux fils de la noblesse, des hauts magistrats, de la riche bourgeoisie. Cela me paraît absurde ».

89  AN, F17-13944, recteur de Poitiers, 17 avril 1899.

90  AN, F17-13944, bureau d’administration du collège de Chatellerault, 13 mars 1899.

91  Signalons cet inspecteur d’académie des Basses-Alpes, qui dans sa réponse – non publiée – supprimerait ces classes « sans regret. Je ne vois que des avantages de toutes sortes au point de vue social et au point de vue individuel à ce que le futur citoyen d’une démocratie se mêle de bonne heure à tous les enfants de son âge, quelle que soit leur condition, et apprenne dès ses jeunes années à respecter son semblable qui aura peut-être un jour, au même titre que lui, à faire le sacrifice de son sang pour la défense de la patrie et dont le bulletin de vote n’aura pas moindre valeur que le sien dans le service du devoir électoral » : AN, F17-13936, 18 février 1899.

92  AN, F17-12989, 9 avril 1902.

93  La thèse de Clément Falcucci, L’Humanisme dans l’enseignement secondaire en France au XIXe siècle, Toulouse, Privat, 1939, reste fondamentale.

94  Levraud, PV/C, vol. 2, 8 juin 1899.

95  Enquête, t. I, p. 296 et 302.

96  Ibid., p. 235.

97  AN, F17-13941, principal du collège de Charolles, 16 janvier 1899.

98  Bréal, Enquête, t.I, p. 73.

99  AN, F17-13942, inspecteur d’académie du Loiret, 30 janvier 1899.

100  Citation de l’inspecteur d’académie de l’Indre, reprise dans le rapport général, Enquête, t. VI, p. 24.

101  Ibid., et AN, F17-13944, recteur de Poitiers, 17 avril 1899.

102  Circulaires envoyées à la demande de la commission de l’enseignement, AN, F17-13948, circulaire du 6 mars 1899.

103  AN, F17-13940, bureau d’administration du collège de Saint-Omer, 14 mars 1899.

104  Enquête, t.III, p. 333.

105  Proviseur de Saint-Étienne, à la suite de l’ouverture d’une école professionnelle en 1882 et d’une EPS en 1883, AN, F17-13941, 8 janvier 1899 ; inspecteur d’académie de la Sarthe : cinq EPS créées de 1881 à 1885, Enquête, t. III, p. 178 ; etc.

106  Enquête, t. III, p. 266.

107  Jean-Pierre Briand a publié une carte du taux d’accès des garçons à l’enseignement primaire supérieur en 1890 qui ne concorde pas avec la nôtre, dans son article déjà cité. Il a eu l’amabilité de me communiquer ses sources, ce dont je le remercie vivement. Les différences s’expliquent aisément. D’une part, de 1890 à 1898, les effectifs ont évolué, notamment dans le primaire supérieur. D’autre part, les séries sur lesquelles repose le calcul sont différentes. Pour la population de référence, j’ai retenu les garçons âgés de 6 à 13 ans d’après la Statistique de l’enseignement primaire, car ma recherche porte sur l’ensemble de l’enseignement secondaire. J.-P. Briand, qui étudie le taux d’accès, prend pour référence le tiers des trois classes d’âges de 13 à 16 ans d’après le recensement de 1891. Les deux séries sont très proches, avec un coefficient de corrélation de 0.996. La différence tient donc aux populations scolarisées, qui sont très différentes. J.-P. Briand prend en compte pour le primaire supérieur les effectifs en première année d’EPS et de CC, mais pas d’EPCI, alors que je prends tous les élèves des EPS et des EPCI, mais pas des CC, ce qui donne des effectifs nuls dans des départements qui n’ont ni EPS ni EPCI. Pour la population secondaire, il retient les élèves de sixième et de la première année d’enseignement spécial, alors que j’ai retenu les élèves des classes de sixième, cinquième et quatrième des sections modernes. J’ai aussi mené l’étude sur l’ensemble des classes de sixième, cinquième et quatrième modernes et classiques, ce qui donne une comparaison moins défavorable à l’enseignement secondaire, mais ne voulant pas lasser le lecteur, je lui ai fait grâce des résultats, qui confirment en les atténuant ceux que je commente ici.

108  AN, F17-13944, 15 mars 1899.

109  AN, F17-13939, recteur de Dijon, 24 février 1899.

110  AN, F17-13940, inspecteur d’académie de la Drôme, 26 janvier 1899. Ce passage n’a pas été publié.

111  AN, F17-13941, 16 janvier 1899. Ce principal signale – il est le seul – que la nécessité de recruter beaucoup d’instituteurs dans les années 1880 a été un facteur de prospérité pour son collège. Une cinquantaine de ses élèves préparaient le brevet élémentaire et chaque année, une vingtaine étaient reçus.

112  Ainsi celles d’Angoulême, Lyon ou Nancy. Celle de Marseille affirme que les collèges d’Arles et de Tarascon, « sont à proprement parler des écoles primaires supérieures, et il y aurait peut-être intérêt à leur donner nettement ce caractère ». Rouen refuse pour des raisons sociales : EPS et collèges ne touchent pas le même milieu.

113  PV/C, 8 et 9/6/99, C 5663, vol. 2.

114  Ibid., 16 décembre 1899, vol. 3.

115  Rapport général, p. 29.

116  Ibid., p. 28.

117  Ibid. p. 30, cité par Hélène Gispert et al., op. cit., p. 56.

118  Section permanente du CSIP, 16 novembre 1900, AN, F17-12988 ; CSIP, 28 décembre 1900, 2ème séance, AN, F17-13641.

119  PV/C, loc. cit., vol. 1, 26 mai 1899.

120  PV/C, 23 mai 1901. Le ministre vient dès le 26 devant la commission : AN, C 5663, vol. 3.

121  Ibid., 28 octobre 1901 et 22 janvier 1902, dernière réunion de la commission avant les élections.

122  Lettre adressée par le ministre au président de la commission, janvier 1902, AN, F17-13948. Cette lettre, dont le texte a été négocié par le signataire et le destinataire, est l’objet du débat de la Chambre les 12-14 février 1902.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Effectifs des établissements secondaires de garçons en 1898
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Titre Carte 1 : Scolarisation secondaire des garçons en 1898
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Titre Carte 2 : L’armature supérieure du réseau de lycées
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Titre Carte 3 : Le réseau des lycées et collèges de garçons
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Titre Carte 4 : Densité du réseau d’établissements secondaires
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Titre Tableau 2 : Etablissements secondaires de garçons en 1898 selon la nature et la taille
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Titre Graphique 1 : Établissements et élèves selon la nature des établissements et leur taille
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Titre Tableau 3 : Les classes des lycées et collèges communaux selon la taille et le cycle
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Titre Graphique 2 : Etablissements confessionnels selon leur date de création (Enquête, t. III)
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Titre Carte 5 : Proportion d’élèves dans les établissements privés
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Titre Tableau 4 : Élèves selon les établissements et le statut
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Titre Graphique 3 : Élèves selon les établissements et le statut
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Titre Carte 6 : Importance de l’internat dans l’ensemble des établissements secondaires
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Titre Carte 7 : Importance de l’internat dans les établissements privés
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Titre Tableau 5 : Poids des classes élémentaires, secondaires classiques et modernes selon les établissements
Légende N.B. Les pourcentages des cinq premières colonnes sont calculés en ligne
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Titre Graphique 4 : Importance du classique et du moderne selon la nature des établissements
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Titre Carte 8 : Importance de l’enseignement classique
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Titre Carte 9 : Importance des établissements privés dans l’enseignement classique
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Titre Carte 10 : Importance de l’enseignement secondaire moderne
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Titre Graphique 5 : Effectifs classiques et modernes des lycées et collèges
Légende La colonne de gauche montre la répartition des élèves du classique entre lycées et collèges selon les classes, celle de droite la répartition des élèves du moderne
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Titre Carte 11 : Les écoles primaires supérieures et les écoles pratiques du commerce et d’industrie en 1898
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Titre Carte 12 : Importance des écoles primaires supérieures et des écoles pratiques du commerce et d’industrie
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Titre Graphique 6 : Dates de création des écoles primaires supérieures existant en 1898 (Enquête, t. III)
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Pour citer cet article

Référence papier

Antoine Prost, « De l’enquête à la réforme. L’enseignement secondaire des garçons de 1898 à 1902 »Histoire de l’éducation, 119 | 2008, 29-81.

Référence électronique

Antoine Prost, « De l’enquête à la réforme. L’enseignement secondaire des garçons de 1898 à 1902 »Histoire de l’éducation [En ligne], 119 | 2008, mis en ligne le 01 janvier 2013, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/1843 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.1843

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Auteur

Antoine Prost

Université Paris I-Panthéon Sorbonne. ap-prost@3dnet.fr

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