GISPERT (Hélène), HULIN (Nicole), ROBIC (Marie-Claire) (dir.), Science et enseignement. L’exemple de la grande réforme des programmes des lycées au début du XXe siècle
GISPERT (Hélène), HULIN (Nicole), ROBIC (Marie-Claire) (dir.), Science et enseignement. L’exemple de la grande réforme des programmes des lycées au début du XXe siècle. Préface de Pierre Caspard, Paris Lyon : Vuibert/INRP, 2007. 360 p.
Full text
1La réforme de 1902, qui rompt avec le modèle des humanités classiques dominant au XIXe siècle et consacre le rôle éducatif des sciences, est un thème classique de l’histoire des sciences et de leur enseignement. Cet ouvrage collectif lui offre un éclairage inédit par la mise en œuvre d’une méthodologie novatrice en la matière. De fait, ce n’est pas la réforme de 1902 elle-même qui est l’objet de l’enquête, mais ce qui se passe en amont, en aval, et autour de cette réforme. L’accent est ainsi mis sur l’enquête préliminaire organisée par Alexandre Ribot en 1899, sur le contexte culturel de la réflexion, sur les enjeux des sciences à la fin du XIXe siècle, sur les conférences organisées au Musée pédagogique en 1904-1905 afin de promouvoir la réforme et sur les échos que les problématiques liées à cette dernière ont trouvés au niveau international. Loin de pratiquer une histoire désincarnée, l’ouvrage s’inscrit ainsi dans le champ de l’histoire sociale et culturelle, accordant une large place aux acteurs et insistant sur les aspects concrets de la mise en place de la réforme, depuis sa fabrication jusqu’à son « accompagnement » vers les salles de classes.
2L’enquête Ribot fait l’objet des deux premiers chapitres. Le premier remet en cause l’interprétation usuelle de la réforme de 1902 en termes d’instauration « d’humanités scientifiques », en montrant que le projet originel n’était pas dénué de visées utilitaires ; il met ainsi au jour la complexité du processus et la tension entre deux groupes d’acteurs issus d’espaces sociaux différents, l’un étant constitué des diverses personnes interrogées lors de l’enquête, qui cherchent des réponses pragmatiques à des problèmes rencontrés sur le terrain, et l’autre de membres du Conseil supérieur de l’Instruction publique. Le second chapitre, quant à lui, explicite les arguments employés par les tenants des enseignements classique et moderne ; il en ressort que le débat s’inscrit à la fois sur un terrain épistémologique (les sciences se doivent-elles d’être utiles ?) et sur le terrain politique et social (quelles sciences pour quels élèves ?).
3Les chapitres III et IV questionnent les rapports entre le courant positiviste de la fin du XIXe siècle et la réforme. Ils montrent ce que cette dernière doit (et ne doit pas) à l’héritage comtien, mais aussi comment le dialogue instauré entre scientifiques et philosophes au sein de la Société française de philosophie a créé, en quelque sorte, les conditions de possibilité d’une réflexion en profondeur sur le rôle et la place des sciences, que l’on retrouve dans les projets des réformateurs.
4Après un cinquième chapitre consacré à la description de la réforme elle-même, l’ouvrage aborde la question des conférences du Musée pédagogique. Ce sont d’abord les acteurs qui font l’objet de l’attention. Combinant une étude biographique (chapitre VI) à une enquête de type prosopographique sur les conférenciers (chapitre VII), l’ouvrage offre ici un portrait tout en nuances de ce groupe, qui éclaire la complexité et la diversité des enjeux de la mise en place de la réforme, ainsi que l’importance qu’elle accorde au renouvellement des méthodes d’apprentissage. Les chapitres VIII à XIII abordent ensuite les conférences sous un angle disciplinaire. Au-delà de l’intérêt individuel de chaque contribution, ils autorisent ainsi les éditrices à porter un regard comparatiste dans la conclusion générale, regard qui met au jour les lignes directrices de l’application de la réforme : l’affirmation de l’importance de la démarche inductive, la nécessaire conformité entre démarche scientifique et démarche d’apprentissage, l’interprétation culturelle des sciences qui, finalement, l’emporte sur la vision utilitaire.
5Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est consacrée à des comparaisons internationales. Cette partie aurait sans doute mérité bien davantage que deux chapitres, tant le sujet en est vaste. Le cas de la Grande-Bretagne, traité au chapitre XIV, laisse toutefois entrevoir les parallèles que l’on pourrait établir entre les initiatives nationales. Le chapitre XV, quant à lui, montre à quel point les débats sur l’enseignement s’inscrivent dans le contexte de l’internationalisation des sciences.
6La somme de ces « regards croisés » n’épuise pas, bien entendu, un sujet aussi vaste. On peut regretter, par exemple, qu’aucune attention n’ait été accordée au processus de transformation de l’enquête Ribot en réforme, ni à cet autre acteur important de la réforme qu’a été le Conseil supérieur de l’Instruction publique. La traduction concrète de la réforme en termes des pratiques de classe est également passée sous silence, à l’exception de l’examen du cas de Mangin (dont l’activité professorale est antérieure à la réforme) au chapitre VI. De ce fait, l’appropriation des nouvelles consignes par les professeurs demeure un point aveugle.
7Malgré ces quelques réserves, l’ouvrage ouvre des perspectives pertinentes quant au thème de recherches dans lequel il s’inscrit. On ne peut qu’espérer que des travaux ultérieurs viendront en préciser et en compléter les conclusions.
References
Bibliographical reference
Caroline Ehrhardt, “GISPERT (Hélène), HULIN (Nicole), ROBIC (Marie-Claire) (dir.), Science et enseignement. L’exemple de la grande réforme des programmes des lycées au début du XXe siècle”, Histoire de l’éducation, 121 | 2009, 112-114.
Electronic reference
Caroline Ehrhardt, “GISPERT (Hélène), HULIN (Nicole), ROBIC (Marie-Claire) (dir.), Science et enseignement. L’exemple de la grande réforme des programmes des lycées au début du XXe siècle”, Histoire de l’éducation [Online], 121 | 2009, Online since 20 May 2009, connection on 04 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/1785; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.1785
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