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Notes critiques

SCHUBRING (Gert) (dir.), “History of Teaching and Learning Mathematics”

Paedagogica Historica, vol. XLII, special issue n° IV & V, août 2006.
Renaud Enfert (d')
p. 109-111
Référence(s) :

SCHUBRING (Gert) (dir.), “History of Teaching and Learning Mathematics”, Paedagogica Historica, vol. XLII, special issue n° IV & V, août 2006.

Texte intégral

1Ce numéro spécial de la revue Paedagogica Historica est le résultat d’un symposium organisé par Gert Schubring, enseignant de l’université de Bielefeld, dans le cadre du Dixième Congrès international sur l’enseignement des mathématiques qui s’est tenu à Copenhague en 2004. À l’heure des comparaisons internationales en matière d’enseignement, via notamment les enquêtes PISA et TIMSS, G. Schubring souhaitait en effet dépasser les approches historiques strictement nationales et développer, sur le mode de la confrontation, de nouveaux cadres d’analyse pour repérer aussi bien des spécificités locales que des caractères communs et des tendances générales. Les contributions qu’il a réunies proposent ainsi un tour du monde en huit pays, de l’Europe occidentale (Pays-Bas, Islande, Italie) et méditerranéenne (Grèce) au Japon, des États-Unis d’Amérique à la Russie, en passant par les pays arabes. Généralement bien documentées, elles sont distribuées en trois parties, qui portent principalement sur les niveaux primaire et secondaire aux XIXe et XXe siècles, l’enseignement supérieur étant pris en compte lorsqu’il concerne la formation des maîtres.

2La première partie a pour titre « Transmission et modernisations des cursus mathématiques ». Iason et Nikos Kastanis y étudient en détail les modalités d’implantation des mathématiques scolaires occidentales dans l’enseignement grec entre 1800 et 1840, alors que celles-ci sont considérées par l’Église orthodoxe comme le « cheval de Troie de l’athéisme » (p. 525). Au temps de la domination ottomane, ce sont des mathématiques plutôt traditionnelles, souvent allemandes, plus rarement françaises, qui sont importées par quelques Grecs ayant étudié à l’étranger ; après l’indépendance, obtenue en 1821, se mettent en place de nouvelles institutions d’enseignement (Académie ionienne, École centrale militaire) où les mathématiques occupent une place centrale, ce qui favorise l’introduction et l’utilisation de manuels « modernes » de mathématiques provenant de la France post-révolutionnaire dans l’enseignement secondaire et supérieur. Shinya Yamamoto examine ensuite le Japon des années 1920-1930 à travers le cas particulier de l’adaptation d’un manuel de géométrie allemand (Der geometrische Anschauungsunterricht, de Peter Treutlein) par un professeur de mathématiques japonais. Si ce dernier a ainsi largement contribué à faire évoluer l’enseignement de la géométrie dans son pays, sa traduction n’en a pas moins modifié les présupposés épistémologiques et les intentions de l’ouvrage original en privilégiant l’étude des figures de l’espace. Kristín Bjarnadóttir décrit, quant à elle, l’introduction des « mathématiques modernes » en Islande dans les années 1960, en inscrivant cet épisode dans la dynamique de l’organisation du système scolaire islandais et de la mise en place d’un enseignement secondaire au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Impulsée par l’adhésion du pays à l’OECE/OCDE, la modernisation de l’enseignement mathématique joue ici, malgré les critiques, un rôle décisif dans l’amélioration de la formation des professeurs de mathématiques, pour laquelle l’État mène une politique très volontariste qui reçoit leur adhésion.

3Deux articles composent la deuxième partie, intitulée « Pratiques d’enseignement, manuels scolaires et formation des enseignants ». Le premier d’entre eux, signé Eileen F. Donogue, étudie le programme de formation des professeurs de mathématiques élaboré aux États-Unis par David Eugene Smith au tournant des XIXe et XXe siècles, qui est rapidement érigé en modèle. Professeur à l’école normale de l’État du Michigan puis au Teachers College, initiateur de la création de la Commission internationale de l’enseignement mathématique en 1908, D. E. Smith propose une formation à la fois disciplinaire, pédagogique et pratique, où les mises en perspective historique et internationale tiennent une place importante, et conçoit ses manuels scolaires comme des outils pour la formation continue des maîtres. Examinant le cas des Pays-Bas, Harm Jan Smid montre comment, dans les deux premiers tiers du XIXe siècle, la concurrence entre des « écoles françaises » privées, qui proposent un enseignement « moderne », et les écoles latines de statut municipal, qui doivent créer des filières modernes en leur sein pour pouvoir survivre, permet la montée en puissance de l’enseignement des mathématiques dans les études post-élémentaires et conduit à une professionnalisation croissante des maîtres enseignant cette discipline.

4La troisième partie de ce recueil porte sur les fonctions culturelle, sociale et politique de l’enseignement mathématique. Livia Giacardi évoque les débats et polémiques qui agitent les mathématiciens et les professeurs du secondaire italiens depuis les années 1860 jusqu’à la réforme Gentile de 1923 : les discussions relatives à la place des mathématiques dans les plans d’études, à leurs finalités sociales et éducatives, à leurs méthodes d’enseignement (par exemple au caractère déductif ou inductif de l’enseignement de la géométrie), sont restituées dans le contexte plus général des politiques scolaires menées au cours de la période. À partir de quelques épisodes de l’histoire de l’enseignement des mathématiques en Russie aux XIXe et XXe siècles, Alexander Karp rend compte des balancements et des tensions entre la volonté d’ouverture sur l’étranger (notamment sur l’Europe occidentale) et une tendance à l’isolationnisme qui privilégie les auteurs nationaux, les arguments socio-politiques prenant alors le pas sur les arguments pédagogiques. Enfin, Mahdi Abdeljaouad donne une description analytique de l’enseignement des mathématiques dans les pays arabes à partir du Xe siècle, en étudiant le statut de la discipline dans l’organisation des savoirs, les lieux de son enseignement, le statut des professeurs, la nature de l’enseignement dispensé et des manuels utilisés.

5G. Schubring conclut ce numéro spécial en dressant un « état de l’art » concernant les recherches sur l’histoire de l’enseignement des mathématiques, tant du point de vue méthodologique que de celui des résultats. Reprenant les trois grandes catégories qui structurent la publication, il met les différentes contributions en perspective avec des résultats obtenus par ailleurs et lance d’intéressantes pistes de recherche concernant la professionnalisation des professeurs de mathématiques. Il donne ainsi une dimension résolument internationale à ce qui aurait pu n’être qu’une collection de monographies. En complément, le lecteur pourra consulter sur Internet une première Bibliographie internationale d’histoire de l’enseignement des mathématiques, réalisée dans le cadre du symposium de 20041. Signalons, pour terminer, que cette entreprise féconde a trouvé un prolongement dans la création d’une nouvelle revue, l’International Journal for the History of Mathematics Éducation, dont les premières livraisons sont parues en 2006 et 20072.

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Notes

1  Téléchargeable sur : http://www.icme-organisers.dk/tsg29/BiblTSG.pdf

2  Pour plus d’informations, voir les sites : http://journals.tc-library.org/index.php/hist_math_ed/index ou http://www.tc.columbia.edu/centers/ijhmt/ sur lesquels on retrouvera également la Bibliographie internationale d’histoire de l’enseignement des mathématiques.

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Pour citer cet article

Référence papier

Renaud Enfert (d'), « SCHUBRING (Gert) (dir.), “History of Teaching and Learning Mathematics” »Histoire de l’éducation, 121 | 2009, 109-111.

Référence électronique

Renaud Enfert (d'), « SCHUBRING (Gert) (dir.), “History of Teaching and Learning Mathematics” »Histoire de l’éducation [En ligne], 121 | 2009, mis en ligne le 18 mai 2009, consulté le 10 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/1782 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.1782

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Auteur

Renaud Enfert (d')

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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