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Comptes rendus

BONNET (Alain). — L’enseignement des arts au XIXe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique

Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2006. – 372 p. (Collection « Art et Société »)
Renaud Enfert (d')
p. 213-215
Référence(s) :

BONNET (Alain). — L’enseignement des arts au XIXe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique. – Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2006. – 372 p. (Collection « Art et Société »)

Texte intégral

  • 1  La réforme de l’École des beaux-arts. Problèmes de l’enseignement artistique en France au XIXe siè (...)

1Comme l’annonce le titre de l’ouvrage, la réforme de l’École des beaux-arts en 1863 constitue le thème central de cette étude, tirée d’une thèse d’histoire de l’art soutenue en 19931. Préparée dans le plus grand secret par un petit groupe de réformateurs mené par Prosper Mérimée et l’architecte Viollet-le-Duc – l’auteur n’hésite pas à parler de « conspiration » –, cette réforme a pour but d’en finir avec le contrôle occulte exercé par l’Académie des beaux-arts sur cet établissement destiné à former des peintres, des sculpteurs et des architectes. Car si, depuis la Révolution, l’École n’est plus juridiquement liée à l’Académie, les études y restent encore, au XIXe siècle, fortement dépendantes de l’organisation et du jugement du Prix de Rome par cette dernière, tandis que le recrutement par cooptation des professeurs profite quasi-exclusivement aux académiciens.

2La première partie de l’ouvrage s’attache à décrire le fonctionnement du système de formation des futurs artistes, du moins de ceux qui fréquentent l’établissement, au cours du demi-siècle qui précède la réforme : modalités d’admission des élèves, contenus et pratiques effectives d’enseignement dans et hors l’École, système d’émulation, sont étudiés en détail, illustrations à l’appui, l’auteur centrant son propos sur la formation des peintres et des sculpteurs. Pour les premiers, le dessin de la figure humaine, discipline reine, ainsi que le modelage pour les sculpteurs, constituent le fondement de la formation et l’essentiel de l’enseignement reçu à l’École ; l’apprentissage du métier, c’est-à-dire la pratique de la peinture ou de la sculpture, s’effectue à l’extérieur de l’École, dans des ateliers privés dont les plus importants sont dirigés par des académiciens, mieux à même de préparer leurs élèves au Prix de Rome. De la préparation à cette compétition majeure dépend d’ailleurs entièrement le déroulement des études au sein de l’École, que rythment de fréquents concours : accusée par les réformateurs d’étouffer l’expression des individualités au profit de la norme académique (elle-même produite par le jugement du Grand Prix par l’Académie), l’émulation constitue un ressort essentiel de la formation des artistes.

3Les deuxième et troisième parties de l’ouvrage portent sur la réforme de 1863 proprement dite. Celle-ci intervient dans une conjoncture favorable : l’idéal classique a décliné au profit d’un « goût bourgeois » culturellement moins exigeant, tandis que le thème de l’union de l’art et de l’industrie, qui trouve sa justification dans la concurrence anglaise au secteur des industries de luxe, est à son apogée. L’auteur examine la préparation et la difficile mise en place de la réforme – finalement partielle et éphémère –, tant du point de vue administratif que pédagogique. Parmi les mesures phares figurent la création d’ateliers à l’intérieur même de l’École et la nomination des professeurs et des chefs d’atelier par l’autorité de tutelle, minant ainsi l’autorité de l’Académie. Le jeu des acteurs, partisans de la réforme ou opposants à elle, et la façon dont celle-ci a été reçue dans la presse, sont également étudiés. L’auteur propose une analyse nuancée des positions des différents protagonistes. Les instigateurs de la réforme ne poursuivent pas tous un but identique : l’administration des beaux-arts a des visées proprement politiques (il s’agit d’affirmer l’autorité de l’État sur l’Institut, qui fait figure d’opposant au régime impérial), alors que Viollet-le-Duc veut la réforme pour des raisons d’ordre artistique, à savoir promouvoir « l’originalité » comme critère de production et d’appréciation des œuvres d’art. De leur côté, les opposants à la réforme ne défendent pas tous les mêmes intérêts : les élèves redoutent d’être soumis à un enseignement officiel, tandis que les académiciens souhaitent rétablir leurs droits bafoués. Encore faut-il distinguer, comme y invite A. Bonnet, entre les options artistiques et pédagogiques de cet acteur collectif que constitue l’Académie, dont la réforme renforce l’esprit de corps, et celles, infiniment variées, des académiciens-professeurs en tant qu’individus. On peut toutefois se demander si l’auteur ne surestime pas la portée des considérations économiques dont se prévalent les réformateurs : s’il exprime un réel enjeu, l’argument de la concurrence étrangère, récurrent depuis le XVIIIe siècle au moins, n’est-il pas pour eux un moyen commode de faire valoir leurs positions ? Autre interrogation : la moindre place accordée, dans cet ouvrage, à la formation architecturale n’introduit-elle pas un biais dans l’interprétation des objectifs des réformateurs, alors même que Viollet-le-Duc et ses disciples rationalistes rêvent de placer l’ensemble de la production décorative, sinon artistique, sous l’égide de l’architecture (et des architectes) ? La thèse soutenue par l’auteur – on ne peut comprendre l’avènement de la modernité artistique, trop souvent identifiée, selon lui, au Salon des Refusés de 1863 et à la présentation du Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet, sans prendre en compte les questions d’enseignement – impliquait, il est vrai, qu’il s’intéresse principalement à la formation picturale.

4Mobilisant des sources nombreuses et variées, parmi lesquelles les abondantes archives de l’École des beaux-arts, cet ouvrage bien documenté intéressera l’historien de l’éducation. Outre l’étude du processus de réforme, dont il restitue la dynamique en tenant compte de la diversité des acteurs et de leurs motivations, il décrit le fonctionnement d’un établissement de « haut » enseignement dont le moins qu’on puisse dire est qu’il se situe nettement en marge des circuits classiques de l’enseignement supérieur. Il fait ainsi connaître un système complexe de formation qui, mêlant connaissances théoriques et savoirs pratiques, est essentiellement centré sur l’apprentissage du métier et la transmission des normes et des valeurs qui le fondent.

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Notes

1  La réforme de l’École des beaux-arts. Problèmes de l’enseignement artistique en France au XIXe siècle. Thèse de l’université Paris X Nanterre, sous la direction de Pierre Vaisse, 1993.

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Pour citer cet article

Référence papier

Renaud Enfert (d'), « BONNET (Alain). — L’enseignement des arts au XIXe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique »Histoire de l’éducation, 114 | 2007, 213-215.

Référence électronique

Renaud Enfert (d'), « BONNET (Alain). — L’enseignement des arts au XIXe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique »Histoire de l’éducation [En ligne], 114 | 2007, mis en ligne le 23 mars 2009, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/1283 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.1283

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Auteur

Renaud Enfert (d')

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