Le Dictionnaire de F. Buisson et ses auteurs (1878-1887)
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- 1 Cf. l’article pionnier de Pierre Nora : « Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, cathéd (...)
- 2 Rappelons qu’en 1911, l’ouvrage a été partiellement réédité et mis à jour en un volume unique, sous (...)
1On ne présente pas aux historiens de l’éducation le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson, cette Bible de l’école populaire de la fin du XIXe siècle1, dont les quatre épais volumes rassemblent et mêlent en des milliers d’articles une mémoire foisonnante et enthousiaste des doctrines et institutions éducatives, des « peuples anciens » aux temps contemporains, une philosophie politique de l’école républicaine, un traité copieux de pédagogie théorique et pratique, un précis détaillé de législation et d’administration de l’instruction primaire, mais aussi, un cours d’études pour l’enseignement primaire supérieur et les écoles normales, une bibliographie pédagogique, une statistique comparée de l’enseignement primaire, etc.2 Cette somme encyclopédique, on le sait, offre à l’histoire de l’éducation un fonds documentaire aux ressources inépuisables. Toutefois, l’utilisation de celui-ci expose à des malentendus, si l’on néglige la chronologie et les conditions de sa mise au point.
2Commencée en février 1878, sous le septennat de Mac-Mahon et le régime scolaire de la loi du 15 mars 1850, la publication du Dictionnaire par livraisons bi-mensuelles de deux feuilles d’impression – 32 pages – ne s’est achevée qu’en février 1887, au moment où paraissaient les textes d’application de la loi organique du 30 octobre 1886, clé de voûte de la réorganisation républicaine de l’enseignement primaire, dont on sait que Buisson lui-même, directeur de l’enseignement primaire à partir de février 1879, a été l’un des maîtres d’œuvre. Du fait de ces circonstances de publication, celui-ci reconnaît dans la postface que l’ouvrage n’a pu éviter quelques « disparates » dans l’exposition de la législation et de la réglementation scolaires. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, comme pour en minimiser les effets, cette coïncidence de la publication « avec le mouvement même de la rénovation scolaire en France » a fait du Dictionnaire non seulement un « livre de renseignements », mais bien davantage un « document » pour l’histoire de cette période.
3Toutefois, les lecteurs familiers de l’ouvrage savent d’expérience que ses éléments de disparité ne se limitent pas à l’exposition parfois désordonnée d’une législation scolaire qui se défaisait et refaisait au moment même où ses rédacteurs livraient leurs articles, mais qu’ils affectent aussi son organisation interne et même la cohérence de sa doctrine scolaire et de son discours éducatif. Ainsi, en dépit de ce qui est annoncé initialement, les deux parties du Dictionnaire n’offrent qu’une complémentarité de surface, la seconde, conçue comme un cours d’étude à l’usage des maîtres, sacrifiant rapidement après les premières pages sa fonction « pratique » – avec des choix de lectures, des dictées, des modèles d’exercices... – au profit d’une formule encyclopédique, où la référence à des « leçons » d’école normale n’est plus que formelle. Quant aux notices de pédagogie théorique de la première partie, un certain nombre d’entre elles, publiées dans les premières lettres de l’ouvrage, laissent entendre une langue pédagogique encore proche de celle des manuels confessionnels de la période précédente, alors que les articles plus éloignés dans l’ordre alphabétique sont tous acquis au principe de la sécularisation de l’enseignement. De même, les notices historiques, confiées elles aussi à un grand nombre d’auteurs, mobilisent des référentiels historiographiques qui ne sont pas toujours homogènes les uns aux autres, et parfois même s’opposent violemment, comme on peut le constater dans de nombreux articles évoquant la situation de l’enseignement sous l’Ancien Régime et l’œuvre révolutionnaire.
4Il nous est donc apparu que l’architecture interne du Dictionnaire, l’agencement des rubriques, le choix des auteurs même, avaient subi des modifications en cours de publication, et que les disparités doctrinales repérables dans les articles ne s’expliquaient pas seulement parce que Buisson appelle joliment dans sa postface la « saveur propre des pensées et des styles », mais signalaient à leur manière l’historicité propre de l’œuvre. Il restait toutefois à en administrer la preuve, ce qui n’était pas le plus facile, en l’absence de sources directes.
I. La chronologie de publication de l’ouvrage
- 3 En juillet 1876, Buisson est inspecteur primaire de la Seine, détaché à l’administration centrale d (...)
5Dans le maigre dossier « Buisson » qu’elles possèdent encore, les archives de la librairie Hachette ont conservé l’exemplaire d’un contrat signé par Buisson3 le 6 juillet 1876, faisant état de la publication à venir d’un Dictionnaire encyclopédique de pédagogie et d’instruction primaire en un seul volume de 1 000 pages. L’ouvrage, dont l’ensemble du manuscrit devait être remis au plus tard dans les premiers jours de janvier 1878, était très probablement appelé à figurer quelques mois plus tard, parmi les nouveautés, dans les vitrines de la librairie Hachette à l’Exposition universelle de Paris.
- 4 D.P. art. « Demkès » 661 B; Manuel général, 1877, p. 192.
- 5 L’Internationale, Documents et souvenirs, Paris, 1905, tome IV, p. 286.
6Tout porte à croire que ce projet éditorial a été abandonné, puisqu’un second contrat, signé en mars 1879, supprime explicitement le précédent, en donnant un cadre juridique à l’édition définitive. Pourtant, ce n’est pas le cas. Le Dictionnaire de pédagogie en 4 volumes n’a pas remplacé le projet primitif d’un millier de pages, il en est plutôt la version remodelée, dans des dimensions et avec des contenus beaucoup plus ambitieux. En effet, dès 1876 probablement, Buisson disposait d’une première équipe de collaborateurs qui s’est mise au travail ; et les articles alors rédigés figurent dans l’édition définitive. Pour preuve, l’un des collaborateurs actifs de la première heure, Auguste Demkès, auteur de 21 notices dans le Dictionnaire, meurt le 10 mai 1877, donc avant les premières mises en vente de feuilles4. Nous savons même qu’il a succombé à une longue maladie qui l’avait paralysé progressivement, ce qui peut laisser supposer que ses articles ont été rédigés au plus tard dans les premières semaines de 1877. C’est aussi cette date – le printemps 1877 – que donne dans ses souvenirs James Guillaume, le secrétaire de la publication, lorsqu’il évoque le début de sa collaboration au Dictionnaire5.
- 6 Quelques articles de la lettre « A » (« Absentéisme », 8A ; « Adultes (instruction primaire des) », (...)
7Ces faits rappellent qu’une partie importante du Dictionnaire de pédagogie a été projetée et réalisée bien avant la promulgation des lois scolaires républicaines6. Mais ils ne donnent pas à eux seuls une datation précise de sa mise au point. Or, l’établissement de celle-ci a paru un temps rendu impossible du fait de la disparition des sources directes : les archives de l’éditeur, considérablement « expurgées » en 1911, notamment de toute la correspondance qui a mis en relation les collaborateurs. Détruite ou égarée dans quelques fonds familiaux, celle-ci emporte avec elle d’inestimables informations sur la genèse de l’œuvre. Toutefois, deux autres sources permettent de reconstituer la chronologie de sa publication : les avis publicitaires du Manuel général ; les indications fournies par les articles eux-mêmes.
1. Les avis du Manuel général
8Le Manuel général de l’Instruction primaire, revue pédagogique hebdomadaire de la librairie Hachette, lue par un public que l’édition du Dictionnaire ne pouvait laisser indifférent, présente dans chaque numéro les dernières publications de l’éditeur. Dans sa rubrique « Annonces et faits divers », de très nombreux avis – plus d’une centaine – consacrés au Dictionnaire paraissent de 1878 à 1887, informant régulièrement le lecteur de la mise en vente des dernières livraisons (numérotées) et donnant la liste des « principaux articles » avec l’indication de leurs auteurs. Or, cette collection d’annonces publicitaires délivre plusieurs séries d’informations décisives sur l’histoire de la mise au point de l’ouvrage, les conditions et mode de sa publication, et le rythme de celle-ci.
- 7 La décision d’un dictionnaire en deux volumes de 800 pages est probablement intervenue très tôt. Un (...)
- 8 On connaît l’exemple, emblématique, du dictionnaire d’Émile Littré : Comment j’ai fait mon dictionn (...)
9Elle révèle d’abord la dilatation continue des dimensions prévues pour le Dictionnaire. Il devait faire initialement 1 000 pages, puis 1 600 en 18787, 3 200 pages l’année suivante, 4 000 en 1880. À son achèvement, en 1887, il a plus que quintuplé les dimensions de son projet initial. Sans doute peut-on voir dans cette amplification continue la dynamique propre à toute entreprise lexicographique8. Mais d’autres raisons peuvent aussi l’expliquer. Comme le choix de l’éditeur, pris vers la fin de l’année 1877, de transformer la seconde partie de l’ouvrage en un « cours d’études complet » pour l’enseignement primaire. Et plus encore, les circonstances de la publication : d’abord, la préparation de l’Exposition universelle de 1878, qui a pu galvaniser les premières énergies ; puis, surtout, la formation d’un cabinet républicain en février 1879, avec Jules Ferry à l’Instruction publique et Buisson à la Direction de l’enseignement primaire, qui a entraîné l’ouvrage dans une histoire qui n’était plus seulement éditoriale, mais institutionnelle et politique, celle de la réorganisation par les républicains de gouvernement de l’instruction populaire en France. Le Dictionnaire de pédagogie demeurait une œuvre privée, mais son statut nouveau de porte-voix officieux de la politique scolaire républicaine et l’ampleur prise par celle-ci ont contribué sensiblement à l’accroissement de ses dimensions.
- 9 Pour le tableau chronologique des livraisons et des articles parus, P. Dubois : Le Dictionnaire de (...)
- 10 21 feuilles de celle-ci sont mises en vente en 1878, 15 en 1879, 11 en 1880 et seulement 6 en 1881.
10Cette série d’annonces publicitaires permet aussi de reconstituer la chronologie de mise en vente des feuilles de chacune des parties du Dictionnaire9. En février 1878, l’ouvrage est annoncé en deux parties, « générale ou théorique » et « spéciale ou pratique », chacune devant être publiée « simultanément par livraisons bi-mensuelles de deux feuilles ». Mais le rythme effectif des ventes apparaît bien différent. Dès novembre 1878, en effet, un déséquilibre croissant se manifeste dans la publication des deux parties du Dictionnaire, au détriment de la partie « générale »10. De ce fait, la publication de la seconde partie est achevée bien avant la première, au cours du premier trimestre 1882. Puis, si le rythme bimensuel de vente des feuilles est maintenu de février 1878 à juillet 1882, les retards s’accumulent à partir d’août 1882. Au terme de la publication, en février 1887, l’ouvrage a pris plus de deux années de retard par rapport à la date virtuelle de son achèvement, si le rythme bimensuel de parution initialement prévu avait été respecté pour les 175 livraisons. Et bien davantage, évidemment, par rapport au projet initial d’un dictionnaire de 1 000 pages, ou même par rapport à celui de 1878 (1 600 pages).
- 11 Parmi lesquels, l’indisponibilité de Buisson et les charges considérables assumées par James Guilla (...)
- 12 Membre du Conseil général de la Société générale d’éducation et d’enseignement, il dénonce dans div (...)
- 13 Ses articles dans le Dictionnaire font clairement apparaître ses sympathies pour l’enseignement con (...)
11Divers facteurs techniques peuvent être invoqués pour expliquer ces retards11. Mais il est probable que le départ, en 1882, de collaborateurs importants, hostiles à la politique républicaine de sécularisation de l’école y a également contribué. C’est par exemple le cas du comte Eugène Fontaine de Resbecq, sous-directeur de l’enseignement primaire sous le ministère d’Ordre moral de Broglie, et virulent adversaire du programme scolaire républicain12 : auteur de 67 articles de législation de l’enseignement primaire, tous publiés entre février 1878 et juillet 1882 (« Garderies »), il a manifestement cessé toute collaboration à l’ouvrage à partir du printemps 1882. C’est aussi celui de l’ancien recteur bonapartiste Louis Maggiolo, auxiliaire très actif au début pour les rubriques historiques du Dictionnaire (biographies, départements, anciennes provinces,...), qui a livré 53 articles publiés jusqu’en mai 1882 (« Fontaine de St-Fréville »)13. Après cette date, plus aucun article signé de lui n’apparaît dans l’œuvre.
12Grâce à ces avis publicitaires du Manuel général, on peut ainsi établir pour chaque article du Dictionnaire, ou très peu s’en faut, la date précise et le contexte événementiel de sa publication. Cette datation permet par exemple d’établir qu’avant même l’arrivée de Jules Ferry à l’Instruction publique, la lettre C du Dictionnaire était en cours de publication ; et qu’au moment de la promulgation de la loi de laïcité du 28 mars 1882, le Dictionnaire en est déjà à la lettre R, pour sa partie encyclopédique et à la lettre E, pour la partie administrative, historique et pédagogique. Cette chronologie confirme combien il serait hâtif de considérer tout uniment l’ouvrage comme le corps de doctrine de l’école populaire républicaine gratuite et laïque.
- 14 Il n’est pas rare en effet que l’état professionnel ou social du collaborateur au moment de la publ (...)
13Enfin, cette datation des articles permet de préciser la position professionnelle et sociale de leurs auteurs au moment de leur parution. On peut ainsi mieux comprendre quel a été le mode de recrutement des collaborateurs et l’évolution de celui-ci au cours des neuf années de publication de l’ouvrage14.
2. Les informations livrées par les articles
- 15 Par exemple : « une loi, présentée actuellement au Sénat… » [489 B] ; « … qui vient d’être consacré (...)
- 16 P. Dubois, op. cit., pp. 473-477.
14Les annonces publicitaires du Manuel général contiennent des informations déterminantes sur les dates de publication des articles, mais non sur celles de leur rédaction. Or, un certain nombre de ces articles font explicitement référence à des événements datés ou datables, présentés comme contemporains ou récents15. Parfois même, dans le souci de contextualiser leur propos, les auteurs précisent la date – l’année, voire le mois – de la rédaction. Cette source interne à l’œuvre (80 occurrences relevées)16 apporte des informations qui concordent avec le calendrier de publication établi à partir des avis du Manuel général et confirme donc sa validité. Elle permet aussi de combler quelques « trous » de la chronologie, imposés soit par l’absence d’avis publicitaires pour certaines livraisons, soit, parfois, par l’annonce simultanée de plusieurs livraisons dans le même avis. Surtout, elle révèle que, quelle que soit la nature de ces articles (administratifs, historiques, pédagogiques,...), les délais sont le plus souvent très courts – moins d’un mois parfois – de leur rédaction à leur publication.
II. Les auteurs du Dictionnaire
- 17 Contrat de 1876, art. 10: « … Ils lui remettront en outre quarante exemplaires de la première éditi (...)
- 18 On pense au rôle influent qu’a pu jouer le secrétaire de la publication, l’ancien dirigeant de la F (...)
15Dans le contrat du 6 juillet 1876, une quarantaine de collaborateurs avaient été prévus17. En fait, ils ont été 358 à seconder Buisson pour la mise au point des articles : des personnalités du monde savant, des universitaires, des hauts fonctionnaires de l’administration centrale de l’Instruction publique, des inspecteurs de tous grades, des professeurs, des écrivains pédagogiques, etc. Si beaucoup ont été choisis pour leur compétence « spéciale » dans l’une des rubriques du Dictionnaire, telle la législation de l’Instruction publique, les différentes matières du cours d’études ou la « pédagogie pratique » des procédés d’enseignement, certaines collaborations – celle des membres de l’Institut, de l’Académie française, ou des titulaires des chaires universitaires prestigieuses (Collège de France, Sorbonne) – n’ont probablement pas été sollicitées sans l’arrière-pensée du bénéfice symbolique dont elles feraient bénéficier l’œuvre par contrecoup. La notion même de « choix » est d’ailleurs ici insuffisante pour rendre compte du jeu des réseaux de sociabilité multiples qui ont favorisé le recours à tel ou tel, inversement l’exclusion de tel ou tel autre. Ainsi, la participation, dès 1879-1880, d’anciens communards comme Paul Martine, Eugène Dacosta ou les frères Élisée et Élie Reclus, ou celle de l’anarchiste Paul Robin, ne s’explique peut-être pas uniquement par leur spécialité universitaire ou pédagogique18.
- 19 Comme l’attestent les quelques lettres concernant l’ouvrage disponible dans les collections publiqu (...)
- 20 Lorsqu’il collabore au Dictionnaire, Fayet avait déjà publié plusieurs brochures, dont les titres s (...)
- 21 Il mentionne, dans un article du Dictionnaire publié en février 1878, les « belles conférences péda (...)
16Par ailleurs, la recherche des auteurs ne s’étant pas faite d’un coup, en bloc, mais à mesure de l’avancement et du gonflement des dimensions de l’ouvrage19, on ne peut négliger les circonstances dans lesquelles chacun d’eux a été sollicité : ainsi, en 1876, le Dictionnaire n’avait que des ambitions réduites – un millier de pages, à remettre à l’éditeur en janvier 1878 – les passions politiques autour de l’école ne s’étaient pas encore déchaînées, et Buisson lui-même ne disposait pas du capital de relations universitaires et sociales dont il allait bénéficier à partir de 1879. On comprendra donc qu’à cette date, les choix aient pu différer, dans leur éclectisme par exemple, de ceux qui ont été effectués quelques années plus tard, lorsque le Dictionnaireest devenu l’un des organes officieux de la réforme scolaire ; et que l’on trouve, au nombre des premiers rédacteurs, des personnalités assez éloignées des milieux républicains, telles que le comte Eugène Fontaine de Resbecq ou les anciens recteurs Pierre Fayet20 et Louis Maggiolo. Car, en 1876 ou 1877, Buisson avait principalement besoin d’auteurs compétents dans leur domaine propre et suffisamment disponibles pour livrer rapidement leurs articles : c’est précisément le cas, parce qu’ils sont à la retraite, de Maggiolo et de Fayet, dont Buisson appréciait les travaux érudits21, ou de Fontaine de Resbecq.
17Pour mettre à jour, en l’absence de sources directes, les logiques ayant présidé à ces choix et leur évolution, l’examen de listes de collaborateurs publiées respectivement en 1878 et en 1880, antérieures donc aux listes définitives publiées à l’achèvement de chacune des deux parties du Dictionnaire, apporte des informations précieuses.
1. Les listes des collaborateurs en 1878 et 1880
- 22 Voir en annexe.
- 23 Ibid., les noms qui ne sont pas en caractères gras.
18Mis en vente primitivement par livraisons périodiques de deux feuilles d’impression, le Dictionnaire a pu également être acheté, à partir d’août 1878, par fascicules de dix feuilles. Le Musée national de l’Éducation a conservé un exemplaire du premier de ces fascicules, dont la mise en vente est annoncée dans le Manuel général du 24 août 1878. Les feuilles sont pliées et enfermées dans une couverture de papier qui, sur sa dernière page, présente une liste de 155 auteurs, dont la Rédaction, est-il précisé, « est dès à présent assurée » de la collaboration22. Assurance quelque peu précipitée, toutefois, puisque plus d’un tiers – 59 – de ces auteurs pressentis n’a en fin de compte rédigé aucun article pour le Dictionnaire23. Inversement, 262 auteurs qui contribueront à l’ouvrage n’y figurent pas.
- 24 L’encadré du Manuel général informant de la mise en vente du fascicule annonce aussi la parution de (...)
- 25 42 des 46 collaborateurs de la lettre A de la première partie figurent sur la liste, alors que 11 d (...)
19En outre, parmi les collaborateurs des articles déjà publiés24 à la parution de cette liste, nombreux sont ceux qui ne s’y trouvent pas. On peut donc supposer que celle-ci a été établie avant la parution des premières livraisons, au moment de la mise au point de la lettre A de la première partie25, probablement vers la fin de l’année 1877. À moins, autre hypothèse, qu’on ne se soit contenté, à cette date, de réactualiser une liste plus ancienne en lui ajoutant les noms de collaborateurs ayant fait parvenir à la Rédaction leurs premiers articles.
- 26 Il est annoncé dans le Manuel général du 13 mars 1880, p. 216.
- 27 233, mais B. Berger est cité deux fois, comme « inspecteur primaire » et comme « directeur du Musée (...)
- 28 Ils y figurent tous, à une exception près (Boutan, auteur de l’article « Électricité »), soit 74 no (...)
- 29 En mars 1880, les trois premières lettres de la première partie sont achevées. 99 collaborateurs on (...)
20Le premier volume achevé du Dictionnaire, le tome 1 de la seconde partie, a été mis en vente dès 188026. Or, les exemplaires du volume qui portent cette date sur la page de titre présentent une « Liste des collaborateurs » – qui disparaîtra des tirages ultérieurs du même volume –, comportant 232 noms27. Parmi ceux-ci, évidemment, figurent ceux des collaborateurs ayant participé à la réalisation du volume28 ou ayant rédigé les articles de l’autre partie du Dictionnaire déjà publiés à cette date29. Mais la comparaison des autres noms de la liste, ceux des auteurs pressentis pour les articles restants, avec les collaborateurs effectifs de l’œuvre est, ici aussi, instructive : en effet, 60 des 83 noms présents n’ont écrit aucun article pour le Dictionnaire ; et sur les 206 auteurs ayant collaboré à des articles publiés postérieurement à mars 1880, 23 seulement sont répertoriés dans la liste.
- 30 C. Pompée et Mme Rey.
- 31 « Altramare », au lieu d’Oltramare ; « R. Boulard » au lieu de Boulart ; Ch.T. Durand » pour Charle (...)
- 32 Trois d’entre eux, Pécaut, Bos et Polguère ont déjà publié au moins un article pour l’autre partie (...)
21Comment cette liste a-t-elle été dressée ? Vraisemblablement à partir de celle de 1878, dont les noms des auteurs pressentis ont été repris, à deux exceptions près30 ; et, peu de temps avant l’impression du volume en tête duquel elle devait figurer en 1880, elle a été complétée – hâtivement, à en juger par les diverses coquilles orthographiques31 – des 79 noms des auteurs de ce volume et de six autres noms32.
2. Le « premier » Dictionnaire de pédagogie
- 33 Voir la liste, en annexe.
- 34 Il s’agit de : Armagnac (104 articles) ; B. Berger (29) ; Bougueret (8) ; Bovier-Lapierre (27) ; Br (...)
22Revenons donc à la liste de 1878. Si l’on en extrait les noms de ceux qui ont effectivement collaboré au Dictionnaire, soit 96 auteurs, on dispose alors, peu ou prou, du noyau primitif de l’équipe rédactionnelle, tel qu’il s’est constitué entre 1876 et la fin de l’année 187733. Un certain nombre d’entre eux n’ont participé que modestement à la réalisation du Dictionnaire. Mais 29 autres ont rédigé cinq articles ou davantage34. En prenant en compte, pour chaque auteur, l’objet et l’ampleur de sa contribution à l’ouvrage, on peut reconstituer, pour l’essentiel, la structure rédactionnelle de cette première équipe collaboratrice :
- 35 Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le XVIe siècle (2 vol.), prix Bordi (...)
- 36 L’expression est de Compayré [art. « Ramus », 2535A]. Gréard est l’auteur dans le Dictionnaire des (...)
23a) Les articles historiques : initialement, la plupart des notices relatives à l’histoire de l’enseignement en France ont sans doute été confiées à l’ancien recteur Maggiolo, si l’on en juge par l’ampleur de sa collaboration dans les premières lettres de l’ouvrage, tandis que le philosophe Gabriel Compayré se voyait chargé d’écrire les articles consacrés aux grandes figures de l’histoire de la pédagogie, c’est-à-dire, en fait, d’intégrer au Dictionnaire de larges extraits de son Histoire critique des doctrines de l’éducation, dont il venait juste d’achever la rédaction35. D’autres auteurs, Octave Gréard, Paul Rousselot, Michel Bréal et Irénée Carré, conviés très tôt eux aussi à rédiger des articles, avaient à charge de compléter la mise en place de cette « galerie pédagogique »36. Les notices biographiques mineures avaient, elles, été ventilées entre divers auxiliaires, notamment des rédacteurs du Manuel général, A. Demkès, S. Maire et son rédacteur en chef, Ch. Defodon. Quant aux biographies étrangères, divers auteurs comme A. Humbert et A. Daguet (Suisse), ou J. Boehm (Allemagne) avaient déjà été sollicités.
- 37 Le sommaire analytique de juillet 1876 ne fait aucune allusion à une analyse de la situation scolai (...)
24b) Les notices départementales : l’idée de faire entrer dans le Dictionnaire des monographies départementales est apparue tardivement, au cours de l’année 187737. Mais la liste de 1878 contient déjà un certain nombre des collaborateurs – notamment des fonctionnaires d’autorité – qui en ont été spécialement chargés : L. Berger (Hautes-Alpes), A. Crosson (Auvergne), A. Ditandy (Aude), P. Fayet (Cantal, Allier), J. Habert (Basses-Alpes), Beuzeval (Calvados), Boyer (Bouches-du-Rhône), L.-H. Catrin (Aisne), Maggiolo (Ardèche, Charente), Soulice (Basses-Pyrénées), G. Giraud (Ardèche) ; on peut joindre à cette liste le recteur E. de Salve, pour l’Algérie.
- 38 « Auvergne » et « Berry » ont été rédigés par Fayet, « Bourgogne », « Bretagne », « Champagne » et (...)
25c) Les anciennes provinces : Louis Maggiolo et Pierre Fayet, qui ont signé presque toutes les notices provinciales comprises dans les lettres A à F38, s’étaient probablement vu confier l’ensemble de cette rubrique.
26d) Les pays étrangers : sur la liste de 1878 apparaissent déjà des correspondants étrangers ; parmi ceux-ci, collaboreront effectivement : J. Boehm (« Bavière »), G. Hodgins (« Canada »), L. Lebon (« Belgique »), et B. Buisson, le frère de Ferdinand, en poste à Londres (« Angleterre », « Irlande »).
27e) La législation et l’administration de l’instruction primaire : Léo Armagnac et Eugène Fontaine de Resbecq, qui seront les principaux fournisseurs d’articles touchant la législation de l’enseignement primaire, figurent sur la liste. Stanislas Lebourgeois, lui aussi haut fonctionnaire de l’administration centrale, présent sur la liste, donnera également plusieurs articles.
- 39 C’est dans les premières lettres de l’ouvrage que les articles pédagogiques rédigés par Buisson son (...)
28f) La pédagogie générale : à l’origine, Buisson envisageait sans doute de rédiger lui-même les principales entrées relatives à la doctrine pédagogique39. Mais des concours extérieurs avaient déjà été prévus : ceux, notamment, de Gabriel Compayré, qui livre dès la lettre « A » les articles « Analyse », et « Analytique (méthode) » ; de Michel Bréal, auteur de l’article « Attention » ; de l’abbé Hébert-Duperron qui signe une partie de l’article « Bible » et l’article « Cœur » ; et de l’inspecteur primaire Eugène Cuissart, rédacteur des articles « Autorité » et « Exemple ». D’autres collaborateurs, qui n’ont pas donné suite, avaient également été pressentis, comme le recteur Émile Charles et les membres de l’Institut Étienne Vacherot et Paul Janet, tous trois philosophes ; ou encore R. Horner, professeur de pédagogie à l’école normale d’Hauterive, en Suisse.
29g) La pédagogie pratique et spéciale : en ce qui concerne la « pédagogie pratique » du Dictionnaire, l’organisation pédagogique de l’enseignement primaire, la maison d’école et son mobilier, les fournitures et le matériel de la classe, les procédés et matières d’enseignement, etc., Buisson disposait déjà en 1876-1877 d’une équipe de rédacteurs prêts à s’y consacrer, tels les inspecteurs primaires B. Berger, F. Cadet, J. Chaumeil, E. Cuissart et A. Dupaigne, le rédacteur en chef du Manuel généralCh. Defodon, le préfet des études de l’école normale d’Auteuil A. Lénient ou l’instituteur Gaillard, qui collaboreront tous à cette rubrique dans l’édition définitive. La présence sur la liste de Marie Pape-Carpantier, Marie Dosquet et Caroline Progler attestent que la pédagogie des salles d’asile n’était pas non plus oubliée. Et celle du directeur de l’Institut national des sourds-muets, Martin Etcheverry, du vice-président de la Société pour l’enseignement simultané des sourds-muets et des entendants-parlants, Émile Grosselin, et de Joseph Guadet, ancien directeur de l’Institution des jeunes aveugles, indique qu’une place avait également été prévue pour la « pédagogie spéciale » des aveugles et des sourds-muets.
- 40 Avertissement annexé au contrat de 1876.
- 41 Et, à partir de 1877, du Supplément prévu pour l’enseignement spécial et les classes supérieures de (...)
30h) Les modèles de leçons et spécimens pratiques d’enseignement : pour la mise au point des articles relatifs aux matières d’enseignement, deux catégories d’auteurs avaient été sollicités. D’une part, quelques plumes prestigieuses, ou disposant d’autorité en la matière, avaient été invitées à présenter au lecteur, dans des articles généraux, les principes des divers enseignements : ainsi Camille Flammarion, pour l’astronomie ; Eugène Viollet-le-Duc, pour l’architecture ; Michel Bréal, pour l’enseignement de la langue maternelle ; ou, pour la littérature, l’inspecteur général Gustave Vapereau, auteur du Dictionnaire universel des littératures, publié par Hachette en 1876. Une seconde équipe, d’autre part, avait été plus spécialement chargée de réaliser les « spécimens pratiques d’enseignement, modèles de leçons, plans et programmes spéciaux, sujets traités ou à traiter, servant d’application directe aux articles de pédagogie théorique »40, prévus dès le contrat de 1876. Ce sont là les rédacteurs de la « partie scolaire »41 du Manuel général qui ont fait l’affaire – B. Berger, A. Bougueret, G. Bovier-Lapierre, Ch. Defodon, Ch. Delon, C. Haraucourt, P. Lacombe, G. Meissas, Ch. Saffray ou H. Sonnet. Ces collaborateurs de la première heure vont livrer de nombreux articles pour cette partie du Dictionnaire.
3. Évolution du groupe des collaborateurs
- 42 Frère de Louis Lescoeur, fondateur de l’Oratoire de l’Immaculée Conception et violent polémiste ant (...)
- 43 Inspecteur d’académie en poste à Caen lorsqu’il collabore au Dictionnaire, il ne dissimule pas, dan (...)
- 44 Philosophe monarchiste, membre de l’Institut, ancien secrétaire du comte de Falloux.
- 45 Philosophe, membre de l’Institut, et proche, lui aussi, des milieux monarchistes.
- 46 À l’exception de l’article pédagogique « Préparation », signé par Lescoeur, et publié en 1885 (mais (...)
31Deux événements de nature différente vont modifier sensiblement l’équipe rédactionnelle initiale. D’abord, nous l’avons dit précédemment, des rédacteurs importants des premiers jours comme Fontaine de Resbecq ou Maggiolo, l’un et l’autre hostiles à la déconfessionnalisation de l’enseignement primaire, cessent toute collaboration au cours de l’année 1882, très probablement après le vote de la loi du 28 mars ; d’autres auteurs, adversaires eux aussi du programme scolaire républicain, tels l’inspecteur général Léon Lescoeur42, l’abbé Hébert-Duperron43, les philosophes Charles Jourdain44 et Félix Ravaisson45 ou l’ancien recteur Fayet n’ont plus guère livré d’articles après 188146. Mais surtout, le gonflement progressif des dimensions du Dictionnaire en cours de publication a imposé le recours à un nombre croissant de collaborateurs. Or, si l’on superpose les différentes listes de ceux-ci, on peut repérer, avec ces nouveaux recrutements, une évolution significative de la configuration professionnelle et sociale de la Rédaction.
- 47 Ce qui n’est pas le cas, par exemple, des états de « publiciste » ou d’« homme de lettres ».
- 48 Nous avons pris en compte, non les qualifications présentées dans les listes de collaborateurs, mai (...)
32Le tableau ci-dessous indique le nombre de représentants et l’importance proportionnelle de chacun des divers groupes professionnels ou sociaux clairement identifiables47 dans les listes de 1878 et 1880, et dans l’ouvrage définitif48.
- 49 Nous y avons joint les maîtres de conférences de l’E.N.S., les professeurs de l’École des langues o (...)
- 50 Nous avons inclus dans les lycées parisiens les lycées de Vanves et de Versailles.
LISTES |
1878 |
1878 |
1880 |
1880 |
1882-1887 |
1882-1887 |
Nombre de collaborateurs |
155 |
% |
232 |
% |
358 |
% |
Académies, Collège de France, Ecole d'Athènes |
12 |
7,7 |
14 |
6 |
22 |
6,1 |
Administration centrale de l'Instruction publique |
4 |
2,6 |
5 |
2,2 |
26 |
7,3 |
Recteurs et Inspecteurs généraux des trois ordres d'enseignement (et salles d'asile)(ou délégués) |
12 |
7,7 |
15 |
6,5 |
29 |
8,1 |
Inspecteurs d'académie |
19 |
12,2 |
21 |
9 |
20 |
5,6 |
Inspecteurs primaire |
23 |
14,9 |
29 |
12,5 |
19 |
5,5 |
Directeurs d'E.N. primaire |
5 |
3,2 |
5 |
2,1 |
8 |
2,2 |
Professeurs (ou maîtres de conférences ou chargés ou chargés de cours) de faculté à Paris49 |
2 |
1,3 |
4 |
1,7 |
14 |
3,9 |
Professeurs (ou maîtres de conférences ou chargés ou chargés de cours) de faculté en Province |
3 |
1,9 |
6 |
2,6 |
14 |
3,9 |
Professeurs de lycée à Paris50 |
3 |
1,9 |
13 |
5,6 |
29 |
8,1 |
Professeurs de lycée en Province |
3 |
1,9 |
4 |
1,7 |
9 |
2,5 |
Museum (sauf professeurs) |
0 |
2 |
0,9 |
7 |
2 |
|
Instituteurs (ou directrices de salles d'asile) |
9 |
5,8 |
9 |
3,9 |
9 |
2,5 |
33Ces données font apparaître des évolutions sensibles dans la part respective de ces différents groupes entre 1878 et 1887 :
341. Celle prise par les fonctionnaires de l’administration centrale de l’Instruction publique, hauts ou subalternes, a fortement augmenté après 1880. L’ampleur des réformes engagées à partir de 1879 explique cette progression ; mais aussi, la position acquise à la même date par Buisson à la Direction de l’enseignement primaire, qui lui garantissait, dans les différents bureaux qui dépendaient de lui, et au-delà, tous les concours nécessaires.
352. Si la part relative des auteurs prestigieux (membres des Académies, du Collège de France) a légèrement baissé, leur nombre n’a cessé de croître, à mesure de l’élargissement de l’équipe collaboratrice.
363. La proportion des membres appartenant à la haute administration de terrain (recteurs, inspecteurs généraux) est à peu près équivalente entre 1878 et 1887 ; mais celle des corps d’inspection médian et subalterne s’est nettement affaissée : les inspecteurs d’académie représentent, à l’achèvement du Dictionnaire, moins de 6 % du nombre des collaborateurs, alors qu’en 1878 ils en formaient plus du double, par rapport au total des auteurs pressentis. Plus encore, le nombre des inspecteurs primaires baisse non seulement en valeur relative, mais également en valeur absolue, passant de 23 collaborateurs sollicités en 1878 à 19 rédacteurs effectifs en 1887 (5,3 % du total des collaborateurs).
374. Le nombre des instituteurs, initialement faible, est resté constant [9] ; il a donc sensiblement décru en valeur relative (5,8 %, 3,9 %, 2,5 %).
385. Inversement, la part prise par les professeurs de lycée et de faculté, provinciaux comme parisiens, a fortement augmenté entre 1878 et 1887, passant de 7 % en 1878 à 18,4 % en 1887.
4. Un Dictionnaire tiraillé entre deux formules éditoriales
39La régression de la part prise à l’œuvre par les personnels de l’enseignement primaire au profit du personnel universitaire des lycées et facultés peut s’expliquer par l’autorité croissante de l’ouvrage, qui a orienté le directeur de la publication vers des personnalités plus titrées et prestigieuses que les auxiliaires initialement prévus. Mais la modification de la stratégie de recrutement des collaborateurs répond aussi à une transformation, en cours de publication, du projet éditorial initial.
- 51 Divers dictionnaires d’éducation et d’enseignement ont vu le jour au XIXe siècle avant celui de Bui (...)
- 52 Cf. Defodon, Manuel général, 1877, p. 331.
- 53 « Encyclopédie complète d’éducation et d’enseignement ».
- 54 « … über alle für die Erziehung und den Unterricht wichtigen Geganstände zuverlässige, dem jetzigen (...)
- 55 Son onzième et dernier volume n’est publié qu’en 1878.
40Car, s’il n’inaugurait pas à proprement parler un genre dans la littérature pédagogique française51, le Dictionnaire de Buisson, par ses prétentions encyclopédiques affichées dès 1876, ne disposait d’aucun modèle préexistant dans le moule duquel il pût se couler. De telles encyclopédies existaient bien, mais à l’étranger. En Allemagne, principalement. L’« Avertissement » joint au contrat mentionne d’ailleurs la dernière publication de cet ordre, la plus importante, par l’étendue et le succès52, l’Encyklopädie des gesammten Erziehungsund Unterrichtswesens53du Dr Schmid, recteur du Gymnase de Stuttgart. Composé d’imposantes monographies, qui livrent au lecteur « des informations sérieuses et confirmées par l’état actuel de la science sur toutes les questions importantes touchant l’éducation et l’enseignement »54, l’ouvrage est alors en cours de publication55.
- 56 « Avertissement » joint au contrat de 1876.
- 57 En n’évoquant ici que la formule éditoriale des deux ouvrages, nous laissons de côté ce qui les opp (...)
- 58 « Avertissement » joint au contrat de 1876.
41Mais si le Dictionnaire de Buisson, tel qu’il est conçu en 1876, avec l’ambition de frotter les maîtres à la meilleure pédagogie, confiée à « quelques-uns des hommes les plus compétents en France et à l’étranger »56, de les informer des réalités scolaires internationales ou de les guider dans la galerie des grands éducateurs du passé, peut être rapproché de cette encyclopédie, il en diffère à bien des égards57. D’abord par les dimensions plus modestes : un seul volume d’un millier de pages, au lieu des onze volumes in-8 de 900 pages en moyenne. Mais surtout, par son projet d’incorporer à l’ouvrage de « nombreux spécimens pratiques d’enseignement, modèles de leçons, plans et programmes spéciaux, sujets traités ou à traiter servant d’application directe aux articles de pédagogie théorique »58. C’est la formule des périodiques pédagogiques qui s’est imposée ici, particulièrement celle du Manuel général publié par Hachette, avec une « partie scolaire » qui suit la « partie générale ». Il s’agit d’assister concrètement le maître ou futur maître dans ses tâches quotidiennes en lui présentant des échantillons de ce que le « Plan de l’ouvrage » de 1878 appelle « pédagogie en acte », des activités pour la classe agencées selon des procédés didactiques aisément transposables aux diverses matières de l’enseignement primaire. Pour la mise au point de ces « spécimens pratiques », les principaux rédacteurs du Manuel ont été mobilisés dès 1876 ou 1877 et font partie de la première liste des collaborateurs.
- 59 Ainsi, la rubrique « Questions géographiques » n’est développée qu’aux articles « Afrique » et « Am (...)
- 60 Cf. le « Plan de l’ouvrage » imprimé sur le premier fascicule de dix feuilles du Dictionnaire, mis (...)
- 61 Rappelons qu’en 1877 les programmes en vigueur dans les écoles normales sont toujours ceux qu’avait (...)
- 62 C’est par exemple le cas de D. Blanchet, A. Bougueret, E. Burat, J. Dussouchet, M. Girard, P. Lehug (...)
42Les premières feuilles de la seconde partie du Dictionnaire donnent à voir ces échantillons de pédagogie pratique, avec des sujets d’examens et concours, des lectures et dictées, des questionnaires après les leçons, des modèles de leçons et exercices, des expériences, etc., Mais, assez vite, ils disparaissent de cette partie de l’ouvrage59, désormais conçue, depuis les premières livraisons de 1878, comme un « cours complet d’études à l’usage des écoles normales »60. Or celui-ci, visant à rassembler tous les savoirs utiles pour l’enseignement primaire, distribués en une trentaine de cours distincts61 et très nombreux articles, a mobilisé pour sa mise au point un personnel plus nombreux et plus titré universitairement que l’équipe initiale : des professeurs de faculté, mais surtout des professeurs de lycée, notamment parisiens, et souvent auteurs, à la date de leur collaboration, de manuels pour l’enseignement secondaire ou secondaire spécial62, susceptibles, donc, de livrer rapidement un grand nombre d’articles. Le rythme de publication des feuilles a peut-être empêché de poursuivre la réalisation complémentaire d’un matériel pédagogique pour les classes. Mais on peut penser aussi que l’adoption de cette formule encyclopédique, plus prestigieuse que la précédente, a favorisé l’éviction corrélative des rubriques d’accompagnement pédagogique initialement prévues.
***
43Dans l’adresse « Aux lecteurs » publiée avec l’ultime livraison du Dictionnaire, en février 1887, Buisson présente la lente publication de celui-ci comme la mise en œuvre ordonnée d’un projet entièrement conçu dès l’origine, qui aurait simplement accueilli de l’extérieur un contexte événementiel imprévisible : « ses livraisons se sont succédé pendant neuf ans à raison d’une livraison toutes les trois semaines environ. Cette publication a coïncidé avec le mouvement même de la rénovation scolaire en France, elle en a pour ainsi dire reflété les phases successives ». En réalité, l’ouvrage a donc une chronologie moins lisse et régulière qu’il n’est suggéré, et le projet qu’il exprime s’est profondément modifié en cours de publication.
- 63 Sur ce point, voir H.-J. Martin et O. Martin : « Le monde des éditeurs », in Histoire de l’édition (...)
44Il est né en 1876 de la rencontre d’une ambition littéraire, dans le champ pédagogique et d’une stratégie éditoriale. Buisson a sans doute réussi un « beau coup » en proposant à Hachette l’édition d’un ouvrage situé à l’intersection des deux territoires sur lesquels l’éditeur occupait déjà une position florissante : le marché des encyclopédies et celui du livre scolaire63. De son côté, en choisissant Buisson pour mener à bien ce projet, l’éditeur pouvait miser sur un jeune auteur dont les titres universitaires et le capital symbolique déjà important – représentant du ministère de l’Instruction publique à l’Exposition de Vienne de 1873, auteur d’un rapport officiel sur celle-ci, directeur du service des statistiques au ministère, chef de la délégation d’enseignants prochainement envoyés à l’Exposition de Philadelphie – étaient prometteurs, non moins que les compétences acquises sur le plan international, où les intérêts d’Hachette étaient évidents, comme en témoigne sa participation aux grandes Expositions universelles.
- 64 Qu’illustre, lors de l’Exposition universelle de 1889, la présence de l’ouvrage dans la vitrine off (...)
- 65 « … Sans songer à égaler ces grands recueils [l’Encyclopédie pédagogique de K. Schmid], à la fois t (...)
45Mais des décisions éditoriales survenues en cours de préparation du Dictionnaire – notamment l’intégration d’un cours d’études encyclopédique de l’enseignement primaire –, et surtout les circonstances nouvelles créées par l’arrivée aux affaires des républicains, la mise en chantier des grandes lois scolaires, et la part officielle prise par Buisson à ces réformes, ont bousculé sa publication, amplifié ses dimensions, modifié et accru le choix de ses rédacteurs, et lui ont conféré une autorité et un statut symbolique initialement imprévisibles64. Au terme de sa publication, en dépit des retards, des défections – par suite notamment du vote des lois laïques – et de l’hétérogénéité doctrinale repérable surtout dans les premières lettres, il pouvait désormais rivaliser avec les grandes encyclopédies pédagogiques étrangères, en particulier ces dictionnaires allemands, jugés pourtant, en 1876, « trop volumineux » et « trop savants »65.
Annexe
Liste des collaborateurs publiée en 1878 [figurent en caractères gras les noms des collaborateurs ayant effectivement collaboré au Dictionnaire de pédagogie]
« La Rédaction est dès à présent assurée de la collaboration de MM. ARMAGNAC, sous-chef de bureau au ministère ; ARMBRUSTER, inspecteur primaire ; AUBERT, inspecteur primaire ; AUDRAY, inspecteur primaire ; AUVERT, instituteur ; A. BABEAU, publiciste ; DE BAGNAUX, administrateur de l’École Monge ; BARBIER, instituteur ; DE BARNEVAL, inspecteur d’académie ; BEILING, professeur au Paedagogium de Vienne ; Ant. BENOIST, professeur au lycée de Nîmes ; B. BERGER, inspecteur primaire ; BERGER, inspecteur d’Académie ; BEUZEVAL, inspecteur primaire ; Maurice BLOCK, publiciste ; BOEHM, professeur à l’École normale d’Altdorf (Bavière) ; BOUGUERET, professeur à l’École normale d’Auteuil ; BOVIER-LAPIERRE, ancien professeur à Cluny ; BOYER, inspecteur primaire ; Michel BREAL (de l’Institut), professeur au Collège de France ; BROUARD, inspecteur général ; BRUNET, inspecteur primaire ; B. BUISSON, professeur à Charterhouse (Angleterre) ; CADET, inspecteur primaire ; G. CALAME, professeur à l’École Monge ; CAMPION, ancien président de la Fédération des instituteurs belges ; CARDERERA, membre du Conseil de l’instruction publique à Madrid ; CARRE, inspecteur d’académie ; Vincent de CASTRO, rédacteur en chef de l’Enrico Pestalozzi ; CATRIN, instituteur, correspondant du ministère ; Émile CHARLES, recteur ; CHASSANG, inspecteur général ; CHAUMEIL, inspecteur primaire ; CHUQUET, professeur au lycée Saint-Louis ; COCHERIS, inspecteur général ; COMPAYRE, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse ; COURCIERE, inspecteur d’Académie ; CROSSON, inspecteur d’Académie ; CUISSART, inspecteur primaire ; DAGUET, rédacteur en chef de l’Éducateur ; DANHAUSER, professeur au Conservatoire, inspecteur du chant ; DEFODON, rédacteur en chef du Manuel général ; DELAVELLE, inspecteur primaire ; DELEPINE, inspecteur d’Académie ; DELON, professeur libre ; DEMKES, instituteur ; Marcel DEVIC, professeur libre ; DITANDY, inspecteur d’Académie ; DOINEL, archiviste du Loiret ; Mlle DOSQUET, directrice du Cours pratique des Salles d’asile ; Edmond DOUAI, vice-président de l’Association polytechnique ; X. DUCOTTERD, professeur à Francfort ; DUPAIGNE, inspecteur primaire ; EBRARD, inspecteur primaire ; ETCHEVERRY, directeur de l’Institution nationale des Sourds-Muets ; FAYET, ancien inspecteur d’Académie ; FLAMMARION, astronome ; FONTANILLE, instituteur ; Alfred FRANKLIN, conservateur de la bibliothèque Mazarine ; FROMENT, professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux ; GAILLARD, instituteur ; Louis GALLEY, instituteur ; GAUFRES, président de la Société des chefs d’institution ; GAUSSERAND, inspecteur primaire ; GERARDIN, inspecteur général ; GERVAIS (de l’Institut), professeur au Muséum d’histoire naturelle ; GIRAUD, professeur au collège de Privas ; GOEPP, chef de bureau au ministère ; GREARD (de l’Institut), inspecteur général, directeur de l’enseignement de la Seine ; E. GROSSELIN, vice-président de la Société pour l’enseignement simultané des sourds-muets et des entendants-parlants ; GUADET, ancien directeur de l’Institution des jeunes aveugles ; Amédée GUILLEMIN, astronome ; HABERT, inspecteur d’Académie ; HARAUCOURT, professeur au lycée de Rouen ; HEBERT-DUPERRON, inspecteur d’Académie ; HENNEQUIN, président de la Société de topographie ; HIPPEAU, ancien professeur de Faculté ; Georges HODGINS, directeur du département de l’Éducation du Haut-Canada ; HORNER, professeur à l’École normale d’Hauterive (Suisse) ; Aimé HUMBERT, ancien recteur de l’Académie de Neuchâtel ; JACOULET, inspecteur d’Académie ; JACQUEMART, professeur libre ; JADOT, directeur d’École normale ; Paul JANET (de l’Institut), professeur à la Sorbonne ; JANNETAZ, aide-naturaliste, directeur adjoint à l’École des Hautes-Etudes ; JONETTE, inspecteur d’Académie ; Ch. JOURDAIN (de l’Institut), inspecteur général ; JOST, inspecteur primaire ; KINKELIN, directeur de la statistique scolaire de la Suisse ; Louis KOCH, professeur au lycée Saint-Louis ; Paul LACOMBE, publiciste ; LANDRIN, inspecteur d’Académie ; LAPORTE, inspecteur primaire ; Emm. LATINO, rédacteur en chef de l’Archivio di Pedagogia ; LAUBERT, directeur de la Realschule de Francfort-sur-Oder ; Léon LEBON, ancien directeur de l’enseignement primaire de la Belgique ; LEBOURGEOIS, chef de bureau au Ministère ; LECONTE, inspecteur d’Académie ; LEGOUVE (de l’Académie française) ; LENIENT, préfet des études à l’École normale d’Auteuil ; Ch. LEROY, directeur d’École normale ; LIES-BODARD, inspecteur général ; Ch. LUCAS (de l’Institut) ; MAGGIOLO, ancien recteur ; MAGNIN, professeur à Wiesbaden ; MAILLARD, professeur à Dresde ; MAIRE, instituteur ; DE MALARCE, publiciste ; Eug. MANUEL, inspecteur d’Académie ; Henri MARTIN, publiciste ; MASPERO, professeur au Collège de France ; MEILHEURAT, inspecteur primaire ; G. MEISSAS, géographe ; METIVIER, inspecteur d’Académie ; MICHAUT, inspecteur primaire ; Edmond MICHEL, publiciste ; Mme MITCHELL, inspectrice des pensionnats à Paris ; MOUILLOT, directeur d’École normale ; Fél. NARJOUX, architecte ; Mme PAPE-CARPANTIER, inspectrice générale des Salles d’asile ; Fréd. PASSY, de l’Institut ; PICHARD, inspecteur primaire ; P. PICHOT, directeur de la Revue britannique ; PINEAUX, inspecteur primaire ; PLANAT, ingénieur ; C. POMPEE, architecte ; PRESSARD, professeur au lycée Louis-le-Grand ; Mlle C. PROGLER, directrice des cours normaux pour les jardins d’enfants, à Genève ; PUISEUX, inspecteur général, directeur de l’École normale d’Auteuil ; PUJOS, juge au tribunal civil d’Epernay ; Comte E. FONTAINE de RESBECQ, sous-directeur de l’enseignement primaire au ministère ; F. RAVAISSON (de l’Institut), inspecteur général ; Dr RIANT ; Mme J.-A. REY ; Mlle L. RIEFFEL, institutrice ; RIVOIRE, directeur d’École normale ; P. ROUSSELOT, inspecteur d’Académie ; ROUX, inspecteur primaire ; Dr SAFFRAY ; G. SALICIS, répétiteur à l’École polytechnique ; DE SALVE, recteur ; SONNET, ancien inspecteur d’académie ; SOULICE, bibliothécaire de la ville de Pau ; SPAL, inspecteur primaire ; STEYN-PARVE, inspecteur de l’enseignement secondaire à Leyde ; TALBERT, ancien directeur du Collège Rollin ; TAROT, ancien inspecteur d’Académie ; Mlle TOUSSAINT, secrétaire général de la Société pour l’enseignement professionnel des femmes ; Émile TRELAT, directeur de l’École d’architecture ; TROUILLET, inspecteur primaire ; E. VACHEROT (de l’Institut) ; VAPEREAU, inspecteur général ; Ch. VERGE (de l’Institut) ; VIOLLET-LE-DUC, architecte ; Maur. WAHL, professeur au lycée d’Alger. »
Notes
1 Cf. l’article pionnier de Pierre Nora : « Le Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson, cathédrale de l’école primaire », in : Nora (P.) : Les lieux de mémoire, tome 1. La République, Paris, 1984, pp. 353-378.
2 Rappelons qu’en 1911, l’ouvrage a été partiellement réédité et mis à jour en un volume unique, sous le titre de Nouveau dictionnaire de pédagogie.
3 En juillet 1876, Buisson est inspecteur primaire de la Seine, détaché à l’administration centrale du ministère de l’Instruction publique. Licencié ès lettres, puis agrégé de philosophie, il avait refusé de prêter le serment de fidélité à Napoléon III et s’était réfugié en Suisse, où il avait enseigné, de 1866 à 1870, à l’Académie de Neuchâtel. Son séjour helvétique avait également été marqué par son engagement dans la cause du protestantisme libéral. Après la chute de l’Empire, il avait été nommé inspecteur primaire de la Seine par Jules Simon en janvier 1872. Mais, dénoncé à l’Assemblée nationale, en décembre de la même année, par deux membres de la majorité conservatrice qui l’accusaient d’avoir parlé de la Bible, à Neuchâtel, « dans une langue effroyable », il avait été privé de son poste par le ministre. Celui-ci, toutefois, l’avait maintenu dans ses services, lui confiant diverses missions, comme l’organisation de l’exposition scolaire française à l’Exposition internationale de Vienne en 1873. Après la publication remarquée de son rapport sur l’exposition (1875), et peu de temps avant la signature du contrat pour le Dictionnaire avec Hachette, il est désigné pour conduire la délégation d’instituteurs français à l’Exposition universelle de Philadelphie (27 juin 1876). Buisson s’embarque à la tête de celle-ci quelques jours après la signature du contrat [A.N., F/17/21998].
4 D.P. art. « Demkès » 661 B; Manuel général, 1877, p. 192.
5 L’Internationale, Documents et souvenirs, Paris, 1905, tome IV, p. 286.
6 Quelques articles de la lettre « A » (« Absentéisme », 8A ; « Adultes (instruction primaire des) », 21A ; « Angleterre », 84A, « Australie », 145B, « Autriche » 157B) semblent avoir conservé la « mémoire » de l’édition de 1876, prévue en un volume : ils font allusion à des tableaux statistiques qui paraîtront « à la fin du volume » (ou « en fin de volume »). Ces tableaux n’ont jamais été publiés.
7 La décision d’un dictionnaire en deux volumes de 800 pages est probablement intervenue très tôt. Une lettre envoyée à Maspero en mars 1877 révèle en effet que, dès cette date, il avait été décidé qu’« un second volume de 7 à 800 pages » compléterait, « à titre d’applications », la partie « théorique » (I.d.F., ms 4008, ff. 581-582).
8 On connaît l’exemple, emblématique, du dictionnaire d’Émile Littré : Comment j’ai fait mon dictionnaire, causerie du 1er mars 1880. Dictionnaire de la langue française, Gallimard/Hachette, 1959, t. 1, pp. 73-113.
9 Pour le tableau chronologique des livraisons et des articles parus, P. Dubois : Le Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de Ferdinand Buisson. Unité et disparités d’une pédagogie pour l’école primaire (1876-1911). Thèse présentée devant l’Université Lumière-Lyon 2 pour le doctorat de Sciences de l’éducation, 1994, pp. 468-472.
10 21 feuilles de celle-ci sont mises en vente en 1878, 15 en 1879, 11 en 1880 et seulement 6 en 1881.
11 Parmi lesquels, l’indisponibilité de Buisson et les charges considérables assumées par James Guillaume au secrétariat du Dictionnaire, mais aussi, à partir de juillet 1882, à celui de la Revue pédagogique. Cf. La Révolution française, t. 77, janv.-déc. 1917, p. 12.
12 Membre du Conseil général de la Société générale d’éducation et d’enseignement, il dénonce dans divers articles du Bulletin de la Société les projets de lois scolaires de Jules Ferry. Par exemple : « Observations sur les projets de lois scolaires de M.M. Jules Ferry et P. Bert. Gratuité. Laïcité. Obligation. Titres de capacité », Bulletin…, 1880, pp. 357-408 (déc. 1880) ; « Les projets de loi sur l’organisation de l’enseignement primaire », ibid., 1882, pp. 145-156 et 206-229 (mars et avril 1882) ; et « Un dernier mot sur le projet d’organisation de l’enseignement primaire », pp. 770-783 (déc. 1882).
13 Ses articles dans le Dictionnaire font clairement apparaître ses sympathies pour l’enseignement congréganiste et ses convictions anti-révolutionnaires, cf. P. Dubois : « L’historiographie composite du Dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson », in Penser l’éducation. Philosophie de l’éducation et histoire des idées pédagogiques, Université de Rouen, Éd. du GREP, 1996, n° 1, pp. 43-54.
14 Il n’est pas rare en effet que l’état professionnel ou social du collaborateur au moment de la publication de ses articles dans le Dictionnaire soit différent de celui qui apparaît dans les « listes des collaborateurs » publiées à l’achèvement de chacune des deux parties. Par exemple, l’abbé Hébert-Duperron est qualifié d’« inspecteur d’académie honoraire » dans la « liste » de la première partie, mais il est en activité, en poste à Caen, lorsqu'il écrit ses deux articles « Bible » et « Cœur », publiés en juin 1878 et mars 1879 ; A. Réville, qui apparaît dans la « liste » de 1887 avec le titre de « professeur au Collège de France » n’est que pasteur à Dieppe lorsque son unique article, « Bible », est publié en juin 1878, etc.
15 Par exemple : « une loi, présentée actuellement au Sénat… » [489 B] ; « … qui vient d’être consacrée par l’arrêt du 6 janvier 1882 » [866 B] ; « récemment, le 4 novembre 1883… » [1748 A], etc.
16 P. Dubois, op. cit., pp. 473-477.
17 Contrat de 1876, art. 10: « … Ils lui remettront en outre quarante exemplaires de la première édition pour ses collaborateurs ».
18 On pense au rôle influent qu’a pu jouer le secrétaire de la publication, l’ancien dirigeant de la Fédération jurassienne James Guillaume.
19 Comme l’attestent les quelques lettres concernant l’ouvrage disponible dans les collections publiques (à G. Maspero, I.d.F., ms 4008, ff. 581-607 ; E. Manuel, Sorbonne ms 1590 ; et A. Sorel, Arch. Nat., AB XIX 3084) et les listes successives des collaborateurs.
20 Lorsqu’il collabore au Dictionnaire, Fayet avait déjà publié plusieurs brochures, dont les titres suffisent à révéler les sentiments de leur auteur : La Vérité pratique sur l’instruction gratuite et obligatoire, ou la Liberté de la famille sous l’autorité de l’Église et son asservissement sous la tyrannie de l’État, Paris, C. Douniol, 1872 ; Comment les cléricaux fondent les écoles, comment les autres les détruisent, Chateauroux, 1874 ; etc. [CGBN].
21 Il mentionne, dans un article du Dictionnaire publié en février 1878, les « belles conférences pédagogiques de M. Maggiolo à la Sorbonne sur les Cours d’adultes », publiées en 1868 et « l’intéressant coup d’œil rétrospectif sur l’histoire des cours d’adultes en France », rédigé par Fayet en 1866 [25 A].
22 Voir en annexe.
23 Ibid., les noms qui ne sont pas en caractères gras.
24 L’encadré du Manuel général informant de la mise en vente du fascicule annonce aussi la parution de la 15e livraison du Dictionnaire, qui fait avancer l’impression de la lettre A, dans la seconde partie de l’ouvrage, jusqu’à l’article « Astronomie ». Un mois plus tôt, une autre réclame dans le même périodique annonçait que la première partie en était à l’article « Bibliothèques publiques ».
25 42 des 46 collaborateurs de la lettre A de la première partie figurent sur la liste, alors que 11 des 21 auteurs ayant signé leur premier article à la lettre B n’y apparaissent pas.
26 Il est annoncé dans le Manuel général du 13 mars 1880, p. 216.
27 233, mais B. Berger est cité deux fois, comme « inspecteur primaire » et comme « directeur du Musée pédagogique ».
28 Ils y figurent tous, à une exception près (Boutan, auteur de l’article « Électricité »), soit 74 noms.
29 En mars 1880, les trois premières lettres de la première partie sont achevées. 99 collaborateurs ont secondé Buisson pour leur mise au point. La liste les mentionne tous, à l’exception de trois d’entre eux, H. Cammartin, H. Lebourgeois et A. Penot. Ce dernier nom, placé au milieu de l’article auquel l’auteur a contribué (« Commerce (écoles de) », 433 A), est peu visible. Henri Lebourgeois (« Cours libres » et « Cours normaux ») a pu être confondu avec son frère Stanislas, qui figure sur la liste. Quant à Cammartin (art. « Bade »), il s’agit sans doute d’un oubli.
30 C. Pompée et Mme Rey.
31 « Altramare », au lieu d’Oltramare ; « R. Boulard » au lieu de Boulart ; Ch.T. Durand » pour Charles-Félix Durand ; « Ludovic Carreau », au lieu de Carrau ; « Goureigne », au lieu de Gourraigne ; « Rappet », pour Rapet ; « Juglard », pour Juglar ; « Oustallet », au lieu d’Oustalet. Les mêmes raisons peuvent expliquer la double présence de B. Berger sur la liste, comme « inspecteur primaire » et comme « directeur du Musée pédagogique ». Sa nomination à ce dernier poste, en effet, a été effective par l’arrêté du 30 décembre 1879. On peut donc penser qu’une plume distraite, au lieu de modifier la qualification du fonctionnaire, a simplement ajouté le nom du directeur du tout nouveau Musée pédagogique à la suite de celui de l’« inspecteur primaire », comme s’il s’agissait de deux homonymes. L’erreur a pu être facilitée par la présence d’un autre « Berger », l’inspecteur d’académie Louis Berger, sur la même liste.
32 Trois d’entre eux, Pécaut, Bos et Polguère ont déjà publié au moins un article pour l’autre partie du Dictionnaire, à la date de mise en vente du volume. Les trois autres, l’académicien Leroy-Beaulieu, le proviseur du lycée St-Louis, Gautier, et P. Poiré, professeur au lycée Fontanes n’ont pas collaboré à l’ouvrage.
33 Voir la liste, en annexe.
34 Il s’agit de : Armagnac (104 articles) ; B. Berger (29) ; Bougueret (8) ; Bovier-Lapierre (27) ; Bréal (9) ; Brouard (32) ; B. Buisson (5) ; Calame (5) ; Carré (8) ; Compayré (58) ; Cuissart (6) ; Defodon (47) ; Demkès (21) ; Gaufrès (5) ; Gréard (6) ; Guillemin (9) ; Haraucourt (44) ; Jacoulet (13) ; Jacquemart (53) ; Jost (6) ; St. Lebourgeois (5) ; Maggiolo (53) ; Maire (15) ; Maspero (9 ); Meissas (24) ; Resbecq (68) ; Saffray (47) ; Sonnet (36) ; Wahl (11).
35 Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le XVIe siècle (2 vol.), prix Bordin de l’Académie des sciences morales et politiques (1877). Les articles suivants du Dictionnaire lui sont « empruntés », avec ou sans modifications : « Aristote », « Basile (saint) », « Blanchard (l’abbé J.-B.) », « Bonneval », « Bossuet », « Buffier (le père) », « Charron », « Comte (Auguste) », « Condillac », « Condorcet », « Cyropédie », « Dauphins (Éducation des) », « Descartes », « Diderot », « Duclos », « Dumarsais », « Fénelon », « Fleury », « Jésuites », « Locke », « Montaigne », « Oratoire », « Ramus », « Rolland d’Erceville », « Saint-Pierre (l’abbé de) », « Xénophon ».
36 L’expression est de Compayré [art. « Ramus », 2535A]. Gréard est l’auteur dans le Dictionnaire des monographies consacrées à La Chalotais, Mme de Maintenon, Plutarque et Saint-Cyr ; Rousselot a rédigé l’article « Mme de Sévigné » et Bréal, les notices « Basedow » et « Campe ». La pédagogie de Port-Royal a été confiée à Carré, auteur des articles « Lancelot », « Le Maître », « Nicole », « Blaise Pascal », « Jacqueline Pascal » et « Petites écoles de Port-Royal ».
37 Le sommaire analytique de juillet 1876 ne fait aucune allusion à une analyse de la situation scolaire par départements. Mais dans un courrier adressé à Eugène Manuel, en janvier 1878, Buisson joint « le sommaire d’un petit article » qu’il veut faire « dans chaque département ». Il compte sur son appui pour « rendre possible l’exécution de l’idée, à laquelle il faut malheureusement tant et tant de collaborateurs locaux ». Le ton de la lettre et son objet suggèrent que le projet de ces notices est alors récent [Sorbonne, ms 1590 ff 45-46].
38 « Auvergne » et « Berry » ont été rédigés par Fayet, « Bourgogne », « Bretagne », « Champagne » et « Dauphiné », par Maggiolo.
39 C’est dans les premières lettres de l’ouvrage que les articles pédagogiques rédigés par Buisson sont les plus nombreux. À partir d’avril 1882 (lettre E), les notices de pédagogie générale sont confiées à des collaborateurs ; à l’exception des entrées « Intuition », « Père » et « Prière », les interventions de Buisson concernent désormais principalement les principes politiques de l’instruction populaire républicaine (« Enseignement primaire », « Instruction publique », « Laïcité », etc.)
40 Avertissement annexé au contrat de 1876.
41 Et, à partir de 1877, du Supplément prévu pour l’enseignement spécial et les classes supérieures de l’enseignement primaire.
42 Frère de Louis Lescoeur, fondateur de l’Oratoire de l’Immaculée Conception et violent polémiste antirépublicain, Léon Lescoeur écrit régulièrement des articles hostiles aux réformes scolaires dans le Bulletin de la Société générale d’éducation et d’enseignement. Cf. aussi G. Caplat (dir.) : Les inspecteurs généraux de l’lnstruction publique. Dictionnaire biographique, Paris, INRP/CNRS, 1986. Il ne figure pas sur la liste de 1878 mais apparaît sur celle de 1880. Il a rédigé quatre notices pour le Dictionnaire.
43 Inspecteur d’académie en poste à Caen lorsqu’il collabore au Dictionnaire, il ne dissimule pas, dans ses articles « Bible » et « Cœur », son attachement à un enseignement confessionnel.
44 Philosophe monarchiste, membre de l’Institut, ancien secrétaire du comte de Falloux.
45 Philosophe, membre de l’Institut, et proche, lui aussi, des milieux monarchistes.
46 À l’exception de l’article pédagogique « Préparation », signé par Lescoeur, et publié en 1885 (mais il a pu être livré beaucoup plus tôt). Significativement Hébert-Duperron, à l’article « Cœur », prévoyait la rédaction des articles « Sensibilité » et « Sentiments ». Or, l’article « Sensibilité, sentiment », qui est publié en 1886, est signé par un autre collaborateur, et exprime des convictions franchement anticléricales, sinon antireligieuses bien différentes évidemment de celles de l’abbé.
47 Ce qui n’est pas le cas, par exemple, des états de « publiciste » ou d’« homme de lettres ».
48 Nous avons pris en compte, non les qualifications présentées dans les listes de collaborateurs, mais la situation professionnelle et les titres de ceux-ci au moment de la publication de leur (premier) article : par exemple, Adolphe Bossert n’est pas « inspecteur général de l’enseignement secondaire » (liste 1887) lorsque son unique article « Richter » est publié, en février 1886, mais inspecteur d’académie en résidence à Paris.
49 Nous y avons joint les maîtres de conférences de l’E.N.S., les professeurs de l’École des langues orientales et ceux du Muséum. Les autres personnels du Muséum (aide-naturalistes, préparateurs) ont été comptabilisés séparément.
50 Nous avons inclus dans les lycées parisiens les lycées de Vanves et de Versailles.
51 Divers dictionnaires d’éducation et d’enseignement ont vu le jour au XIXe siècle avant celui de Buisson ; ainsi, le Dictionnaire général, usuel et classique d’éducation, d’instruction et d’enseignement de T.V. Morard (1837), le Dictionnaire d’éducation publique et privée, de l’abbé Raymond (1853) ou le Dictionnaire universel d’éducation et d’enseignement d’E.M. Campagne (1853). L’année même de la signature du contrat (1876), l’éditeur Delalain mettait en vente un Dictionnaire d’enseignement primaire, rédigé sous la direction de Guillaume Belèze. Aucun de ces ouvrages, toutefois, ne concernait principalement l’éducation populaire, ni n’avait des ambitions encyclopédiques comparables à celles du Dictionnaire de Buisson. Nous remercions Annie Bruter d’avoir attiré notre attention sur plusieurs de ces ouvrages.
52 Cf. Defodon, Manuel général, 1877, p. 331.
53 « Encyclopédie complète d’éducation et d’enseignement ».
54 « … über alle für die Erziehung und den Unterricht wichtigen Geganstände zuverlässige, dem jetzigen Standpunkt der Wissenschaft entsprechende Auskunft » [Préface à la première édition].
55 Son onzième et dernier volume n’est publié qu’en 1878.
56 « Avertissement » joint au contrat de 1876.
57 En n’évoquant ici que la formule éditoriale des deux ouvrages, nous laissons de côté ce qui les oppose idéologiquement : l’idée d’une pédagogie déconfessionnalisée est d’emblée exclue par les auteurs de l’Encyklopädie. La scientificité dont elle se réclame est inséparable de la fidélité aux principes de l’Évangile, réfractés dans la théologie du protestantisme orthodoxe : « la norme qui nous a guidés dans toutes les questions importantes, c’est l’Évangile ; nous nous sommes installés avec toute notre conviction sur le sol de la foi évangélique et croyons qu’il existe aussi une science chrétienne dans le domaine que nous voulons contribuer à édifier (Préface à la première édition, 1858) [«Leitende Norm ist uns in allen Kernpuncten das Evangelium ; auf dem Boden des evangelischen Bekenntnisses stehen wir mit unserer ganzen Ueberzeugung und wir glauben, dass es auch auf dem Gebiete, das wir bebauen helfen wollen, eine christliche Wissenschaft giebt »]. On ne s’étonnera donc pas de ne trouver pratiquement aucun emprunt à l’Encyklopädie de Schmid dans le Dictionnaire de Buisson, si ce n’est peut-être la suggestion de certaines entrées de sa nomenclature.
58 « Avertissement » joint au contrat de 1876.
59 Ainsi, la rubrique « Questions géographiques » n’est développée qu’aux articles « Afrique » et « Amérique », publiés en avril et mai 1878 ; les « Leçons et développements à l’usage du maître » n’apparaissent que dans les trois articles « Adjectif », « Analyse grammaticale et logique », « Arboriculture », et, sous la forme de « Modèles de leçons et exercices », à l’article « Analyse littéraire », tous publiés entre mars et juin 1878 ; la rubrique « Préparation aux examens » n’est présente qu’à l’article « Algèbre » (avril 1878) ; les « Lectures et dictées » se raréfient progressivement, pour disparaître après l’article « Mérovingiens » (juillet 1880) ; etc.
60 Cf. le « Plan de l’ouvrage » imprimé sur le premier fascicule de dix feuilles du Dictionnaire, mis en vente en août 1878.
61 Rappelons qu’en 1877 les programmes en vigueur dans les écoles normales sont toujours ceux qu’avait définis Victor Duruy dans le décret du 2 juillet 1866 (Bull. adm. 1866-2, p. 2), qui autorise les établissements à « fortifier » leurs enseignements en empruntant aux programmes de l’enseignement secondaire spécial. Le Dictionnaire de Buisson s’inscrit pleinement dans cette logique extensive.
62 C’est par exemple le cas de D. Blanchet, A. Bougueret, E. Burat, J. Dussouchet, M. Girard, P. Lehugeur, Ch. Marty-Laveaux, G. Merlet, F. Oger, H. Pigeonneau ou C. Rouzé. P. Dubois, op. cit., pp. 585-741.
63 Sur ce point, voir H.-J. Martin et O. Martin : « Le monde des éditeurs », in Histoire de l’édition française. Tome III. « Le temps des éditeurs », Promodis, 1985, pp. 159-216 ; J. Mistler : La librairie Hachette de 1826 à nos jours, Hachette, 1964 ; et J.-Y. Mollier : Louis Hachette, Fayard, 1999.
64 Qu’illustre, lors de l’Exposition universelle de 1889, la présence de l’ouvrage dans la vitrine officielle du ministère de l’Instruction publique (Manuel général, 1889, p. 407).
65 « … Sans songer à égaler ces grands recueils [l’Encyclopédie pédagogique de K. Schmid], à la fois trop volumineux et trop savants pour le public que nous avons en vue… » (Spécimen joint au contrat de 1876).
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Référence papier
Patrick Dubois, « Le Dictionnaire de F. Buisson et ses auteurs (1878-1887) », Histoire de l’éducation, 85 | 2000, 25-47.
Référence électronique
Patrick Dubois, « Le Dictionnaire de F. Buisson et ses auteurs (1878-1887) », Histoire de l’éducation [En ligne], 85 | 2000, mis en ligne le 27 mai 2009, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/histoire-education/1233 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/histoire-education.1233
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