Navigation – Plan du site

AccueilHors-sériesHors-série n° 4ArticlesHiérarchies au sein des mouvement...

Articles

Hiérarchies au sein des mouvements féministes en Iran. Marginalisation des femmes des minorités ethniques dans la production féministe académique et militante

Ethnic Hierarchies within the Feminist Movements in Iran. The Marginalization of Ethnic-Minority Females in the Discourse and Praxis of “Centralist Feminism”
Somayeh Rostampour

Résumés

Cet article a pour objectif de restituer les hiérarchies à l’œuvre dans les mouvements féministes en Iran entre 1990 et 2017, en mettant la focale sur les rapports sociaux de classe et d’ethnicité. Il analyse particulièrement le courant dominant de l’espace féministe en Iran appelé ici « féminisme réformateur centraliste ». Ce travail analyse les discours des actrices de ce mouvement, en particulier celles qui se sont investies dans la campagne Un million de signatures [Campagné Yek Miliun Emza] lancée en 2006 et le forum en ligne de L’École féministe [Madresseye feministi] créé en 2008. Il s’appuie également sur cinq entretiens qualitatifs avec des ex-membres ethniques-minoritaires de la Campagne. Cet article montre comment, malgré la mise à l’agenda public de la cause des femmes en Iran, ce féminisme se construit de façon privilégiée à partir des expériences et des revendications de femmes perses chiites de la classe moyenne urbaine et supérieure. Ce faisant, il reproduit parfois le discours nationaliste de l’État et marginalise les luttes des femmes minoritaires.

Haut de page

Texte intégral

1Cet article propose de mettre au jour les ressorts de la marginalisation des femmes des périphéries, en tant que sujet et objet de recherche, dans les sciences sociales contemporaines sur l’Iran. Les concepts de « centre » et de « périphéries » employés dans ce texte, au-delà de la localisation d’un espace, renvoient à une relation hiérarchique fondée sur la domination culturelle, politique et économique du premier sur le second. Cette recherche postule que la place marginale des femmes des périphéries reflète une fracture dans la production du savoir sur les femmes en Iran. En ce sens, cet article s’inscrit dans la continuité des débats relatifs à la sociologie de la dénégation qui « s’intéresse aux problèmes de reconnaissance, à ce qui circule entre le visible et le caché, le dicible et le tu, le pensé et l’impensable, le représenté et l’irreprésentable dans l’ordre du pouvoir » (Dhume, 2015). L’objectif est de restituer les hiérarchies à l’œuvre au sein des mouvements féministes en Iran entre 2005 et 2017, en mettant la focale sur les rapports sociaux de classe et d’ethnicité. En privilégiant le concept de « l’espace de la cause des femmes » (Bereni, 2012), je propose une lecture critique mettant en évidence les hiérarchies sociales qui organisent cet espace en Iran depuis les vingt dernières années. Dans cette perspective, je porterai une attention particulière aux hiérarchies ethniques qui structurent l’espace de la cause des femmes en Iran.

  • 1 La campagne Un million de signatures a été lancée dans l’objectif de récolter, via une pétition réc (...)
  • 2 Il s’agit à la fois d’un forum et d’un site/journal auquel des acteurs ont participé en publiant de (...)

2Ce travail s’appuie sur une analyse de textes produits par des actrices de ce mouvement, en particulier celles qui se sont investies dans la campagne Un million de signatures [Campagné Yek Miliun Emza, 2006-2010] demandant le retrait de lois discriminatoires envers les femmes1 (ci-après dénommée Campagne.m.s), et le forum en ligne de L’École féministe [Madresseye feministi], créé en 20082. Dans cette recherche, j’analyse les publications associées à ces deux initiatives afin d’éclairer les relations entre féminisme majoritaire et féminismes minoritaires. Les textes ont été sélectionnés en fonction de divers critères, tels que la notoriété et l’influence de l’auteur/autrice, la conflictualité du sujet abordé, ou encore le nombre de citations dont ils ont fait l’objet à la suite de leurs publications. Je m’intéresse également aux textes d’universitaires et d’activistes du mouvement, les frontières entre ces groupes d’acteurs étant particulièrement poreuses en Iran. Ce corpus inclut ainsi des articles et ouvrages portant sur la configuration et l’histoire du mouvement des femmes en Iran, écrits, en anglais et en persan, par des autrices appartenant à ce courant réformiste. Enfin, mon analyse mobilise cinq entretiens qualitatifs menés en 2021 avec des militants issus de minorités ethniques actifs au sein du mouvement des femmes – en particulier au sein de la Campagne.m.s (quatre femmes et un homme).

Dans ce qui suit, nous exposerons d’abord un état des lieux des hiérarchies établies dans les recherches sur les minorités ethniques et nous poursuivrons en désignant l’espace de la cause des femmes en Iran et ses caractéristiques dominantes.

Les hiérarchies sociales et ethniques dans l’analyse des mouvements féministes en Iran : un impensé des sciences sociales

3S’inspirant de ce que George Manuel et Michael Posluns (1974) appellent « les peuples du Quart-Monde », le concept de minorité ethnique est employé dans cet article en référence aux groupes ethniques minoritaires, exprimant une volonté d’autonomie politique et de transformation des rapports avec l’État central et la société en général. Une autre notion le complète : celle d’ethnicisation, qui renvoie à des processus qui « modèlent les inégalités et contribuent à faire les oppositions entre dominants et dominés ou entre majoritaires et minoritaires » (Lorcerie, 2003). Ici, la notion d’ethnicisation est pensée en lien avec le concept d’appartenance nationale plutôt que de racisation. En effet, alors que la première renvoie à une histoire de la subordination et désigne plus explicitement une résistance aux pratiques d’assimilation forcée en Iran, la seconde est surtout liée aux « grandes découvertes » et à la manière dont se sont construits les États nationaux en Europe et l’expansion coloniale européenne (Simon, 1970). Dans cette perspective, je mobiliserai également le mot « ethnie » plutôt que son équivalent courant en persan « qoumiyat », ce dernier renvoyant à des caractéristiques culturelles exoticisées et « prémodernes » plus que sociopolitiques.

4Ni les sciences sociales et humaines iraniennes, ni la recherche internationale n’ont pris au sérieux les hiérarchies sociales et ethniques dans l’analyse des mouvements féministes en Iran. Selon Ebrahim Tofigh, sociologue qui a consacré ses recherches à la relation entre centre et périphérie dans l’histoire de l’Iran, la domination de l’approche positiviste dans les sciences sociales mais aussi d’un discours constitutionnel et religieux homogénéisant ont empêché une pleine compréhension de l’hétérogénéité de la société en Iran (Tofigh, 2011, 24 et 33). À cela s’ajoutent des réticences politiques à l’égard de toute forme d’analyse des faits ethniques, réticences dues à la diffusion nationale des idées nationalistes, universalistes, centralisatrices et assimilationnistes (Elling, 2012). Dans des pays multiethniques et historiquement hétérogènes comme l’Iran, le projet politique de modernisation et d’entrée dans l’économie capitaliste mis en œuvre tout au long du xxe siècle s’est traduit par l’émergence d’une nouvelle forme d’État-nation autoritaire nationaliste (Hénin et Insel, 2021), que Kamran Matin appelle l’État post-semi-colonial (Matin, 2022). Autrement dit, la fondation et la construction d’un État-nation moderne en Iran sont intimement liées au déploiement de politiques d’assimilation des minorités nationales et religieuses du pays par le pouvoir politique. Bénéficiant jusqu’alors d’une autonomie considérable dans un système décentralisé semi-confédéral, elles sont progressivement mises sous tutelle, parfois de manière très violente (Valli, 2014), par les vainqueurs de la révolution constitutionnelle de 1905.

  • 3 Reza Shah est l’empereur de Perse (Iran) de 1925 à 1941 et le fondateur de la dynastie Pahlavi.
  • 4 Si Jafar Pishevari, le président de la République de Tabriz, a réussi à fuir en URSS, Qazi Muhammad (...)
  • 5 Voir parmi d’autres : Razavi, 2013.

5À partir des années 1920, alors qu’un peu moins de la moitié de la population iranienne est composée de minorités non perses (Yaghoubian, 2014, 14 ; Asgharzadeh, 2007, 132 ; Elling, 2012, 80 ; Hosseinbor, 1984), Reza Shah3 accélère la politique d’unification basée sur la promotion d’une identité persane chiite (Vaziri, 2013). Ces nouvelles politiques centralisatrices se traduisent par l’homogénéisation sociale du pays et l’éradication des expressions ethniques non persanes. Les noms ethniques des villes et des lieux géographiques sont par exemple transformés en persan, des tribus sont désarmées, dispersées ou massacrées avec l’aval du Parlement ; les normes culturelles et les coutumes traditionnelles des populations non persanes – par exemple les vêtements – sont proscrites. La chute de la République kurde de Mahabad en 1946 à la suite de l’invasion de l’armée impériale dans cette région n’est qu’un exemple de l’oppression des minorités sous le règne de Pahlavi4. Cet appareil oppressif à destination des populations dites ethniques se poursuit dans la période postrévolutionnaire (Sur, 2017, 26). Le régime de la République islamique d’Iran continue en effet de privilégier l’identité « homme/chiite/perse » et de criminaliser les militants des périphéries et leurs revendications égalitaires et démocratiques en les qualifiant de « séparatistes », « terroristes » ou de « communautaristes » (Elling, 2013, 4 ; Khorshidi, Fee et Soltani, 2010). La langue persane reste la seule langue officielle du pays et la pression religieuse s’intensifie sur les minorités musulmanes non chiites dont les droits n’ont jamais été reconnus – même dans la constitution progressiste de la Révolution constitutionnelle (1905-1911). Dans ce contexte, la majorité des recherches sur les groupes ethniques en Iran postrévolutionnaire est menée sous la supervision de l’État et contribue à confirmer son discours mono-ethnique5. Des institutions propageant l’idéologie du régime, telles que le Centre de recherche stratégique, publient des ouvrages intitulés par exemple La gestion de l’hostilité ethnique en Iran (Stanfield et Shareef, 2017, 332). Même jusqu’à très récemment, avant les révoltes qui ont éclaté depuis les marges à partir de 2017, comme le souligne Alireza Asgharzadeh :

  • 6 Il s’agit à la fois d’institutions financées par l’État et de groupes et d’organisations civiles pr (...)

à l’inverse de la flexibilité des discussions sur la question de classe, la recherche sur l’ethnicité et les analyses antiracistes explorant les questions de différence et de diversité sont toujours considérées comme des sujets interdits et tabous en Iran, comme une activité suspecte visant à déstabiliser le pays, dont la discussion peut entraîner d’énormes risques pour le chercheur. Donc non seulement le chercheur ne recevra aucun soutien des institutions, organisations et groupes6, mais il est extrêmement marginalisé et stigmatisé, souvent qualifié de traître, de séparatiste, d’agent étranger, à la fois par l’État et aussi par l’opposition à l’intérieur du pays et dans la diaspora. (Asgharzadeh, 2007, 211)

  • 7 Parmi de nombreux autres textes employant cette approche, voir : Sadeghi, Abbasi-Shavazi et Farash, (...)

6Ainsi, comme le souligne Rasmus Elling (2013, 15), l’ethnicité est rarement discutée comme concept sociologique dans les études iraniennes. Par ailleurs, lorsqu’elle est travaillée c’est principalement au prisme de traditions de recherche issues de l’anthropologie et de la démographie qui, menant des enquêtes empiriques sur ces minorités ethniques – en particulier pour les femmes –, produisent des analyses exoticisantes et culturalistes, portraits folkloriques à l’appui7. En d’autres termes, les travaux de recherche sur les minorités qui incluent une dimension de genre et qui mobilisent les cadres théoriques et méthodologiques féministes critiques sont marginaux dans l’espace académique iranien. D’ailleurs, les activités des femmes minoritaires sont tellement invisibilisées sur la scène intellectuelle occupée par des courants nationalistes (étatiques ou non) qu’elles sont ignorées par l’historiographie du pays (Karimi, 2020) – mais aussi dans la production et la circulation régionale et internationale de connaissances sur l’Iran (Mojab, 2001, 11). C’est ce dernier point que cet article propose d’expliciter, en revenant sur la façon dont le mouvement des femmes, généralement considéré comme un contre-pouvoir (Bacqué, 2005), contribue à marginaliser les minorités ethniques et à reproduire les inégalités qui sous-tendent ce processus. En m’appuyant sur des travaux qui analysent les imbrications entre genre et minorités ethniques dans les mouvements féministes (Yuval‐Davis, 2011 ; Zavella, 2020 ; Cirstocea et Giraud, 2015), j’analyse, dans ce qui suit, comment ce mouvement articule la question de l’ethnicité et du genre dans sa pratique intellectuelle et militante.

L’espace de la cause des femmes en Iran : hégémonie des « féministes réformistes » dans le contexte postrévolutionnaire

7La plupart des militantes qui luttent pour la cause des femmes sont également celles, souvent des universitaires, qui participent à la production du discours féministe critique dans le pays. C’est en ce sens que la notion d’espace de la cause des femmes (Bereni, 2012) permet de rendre compte des relations entre le pôle partisan et le pôle intellectuel du mouvement des femmes en Iran. En outre, elle conduit à prendre au sérieux l’hétérogénéité de ce mouvement, ses acteurs étant travaillés par de multiples clivages produits par les rapports de pouvoir qui traversent le groupe des femmes (classe, ethnicité, nationalité, âge, sexualité…).

  • 8 Voir les articles de Journal mensuel de « Motale’ate Rahbordie Zanan » (des études stratégiques des (...)

8En tant que partie intégrante de la structure de l’État en Iran, l’enseignement supérieur a connu une islamisation dans le cadre de la réforme de la Révolution culturelle islamique (1980-1987). Ces transformations ont vu le jour dans un contexte d’imposition étatique de la ségrégation de genre (Shahrokni, 2019) légitimée par la référence religieuse, et de promotion d’une représentation de la femme musulmane idéale comme mère de famille confinée au foyer et dont la sexualité est strictement contrôlée. Ainsi, depuis la révolution, l’État mais aussi les femmes militantes favorables au régime évitent soigneusement la terminologie du « genre » ou du « féminisme », considérée comme renvoyant à des doctrines corrompues, importées de l’Occident et incompatibles avec la culture musulmane de l’Iran8. Ce sont plutôt des termes comme « études féminines » ou « études sur la famille » qui sont alors promus – et qui restent encore aujourd’hui employés par l’État pour décrire les recherches académiques sur les femmes. Néanmoins, malgré leur très faible nombre, des recherches universitaires qui transgressent ce cadre de façon limitée sont restées possibles. Elles restent cependant des exceptions. Par ailleurs, la mainmise étatique et le cadrage islamique des études institutionnalisées sur le genre en Iran ont conduit à une intégration tardive et parfois incomplète des débats féministes transnationaux au sein de la communauté intellectuelle iranienne.

9Toutefois, la forte inégalité entre les sexes imposée par les lois de la République islamique et la politique brutale de ségrégation sexuelle ont accru la conscience de genre et la volonté de changement social chez de nombreuses femmes en Iran, et ce dans un contexte d’accès croissant des femmes à l’éducation et à l’emploi. En 2019, dans ce pays de 80 millions d’habitants, 63 % des diplômés universitaires sont des femmes, ainsi que près de la moitié des travailleurs informels, 30 % des professeurs, 13 % des titulaires de postes de direction de haut niveau et moins de 5 % des parlementaires (Bagheri, 2019). La forte tension entre les politiques conservatrices de l’État et les résistances individuelles et collectives des femmes a conduit à la formation d’un mouvement contestataire sur les questions de genre en dehors des institutions étatiques. Cet espace parallèle, souvent qualifié par les militantes de mouvement de femmes, révèle des modes d’action et des rhétoriques plus contestataires vis-à-vis du patriarcat du régime que ceux qui émanent du champ académique des études féminines. Étant donné que les études de genre sont largement monopolisées et circonscrites par les institutions étatiques, c’est le concept de « mouvement des femmes » qui a exercé une influence déterminante sur celles qui ne partagent pas l’idéologie du régime, pour imaginer des moyens de se mobiliser pour la cause des femmes en Iran.

  • 9 Les premières se concentrent notamment sur l’interprétation du Coran (tafsir) et la réflexion sur l (...)
  • 10 Ce mouvement est un soulèvement national postélectoral dominé par une vision réformiste qui « a con (...)
  • 11 Fariba Adelkhah parle de laïcité, mais je préfère utiliser le terme de sécularisme qui en s’appuyan (...)

10La révolution de 1979 a profondément transformé les mouvements pour les droits des femmes. Elle a entraîné une fracture profonde entre féministes islamiques et féministes séculières9. Les premières s’associent, au cours des deux premières décennies de révolution, au nouveau régime afin de pouvoir développer leurs activités, tandis que les deuxièmes ont pour la plupart été exilées ou isolées. Une partie des actrices du féminisme islamique se sont particulièrement adaptées aux restrictions postrévolutionnaires en devenant les initiatrices d’un discours critique au nom des droits des femmes tout en acceptant certaines normes, par exemple vestimentaires, mises en place par l’État. Inversement, les féministes séculières, majoritairement de gauche et qui remettaient en cause le régime islamique lui-même, ont été le groupe le plus réprimé. Compte tenu de ces éléments et des nombreuses restrictions politiques et juridiques qui visaient le mouvement des femmes entre 1997 et 2017, le groupe qui a dominé la cause des femmes en Iran est celui des « féministes réformistes du centre ». Avec cette appellation, je fais référence à un groupe de femmes (libérales ou de gauches, musulmanes ou séculières) dont les activités sont principalement légales, publiques et visent une réforme des lois ou du cadre juridique. À partir de 1997 et jusqu’au Mouvement vert de 200910, il réunit des féministes islamiques et une partie des féministes séculières11 autour d’alliances construites sur une vision centralisatrice et réformiste des droits de la femme.

  • 12 Noushin Ahmadi Khorasani est militante, journaliste, écrivaine ainsi que fondatrice et rédactrice e (...)

11Le réformisme, comme tendance féministe dominante en Iran postrévolutionnaire, est devenu plus visible sous la présidence de Mohammad Khatami de 1997 à 2005. Ce mandat de réformes est en effet marqué par le développement des ONG pour les femmes et l’augmentation du nombre de femmes dans l’espace public (Mahdi, 2003). Pendant cette période, des féministes islamiques et des féministes séculières se rejoignent, en se construisant en opposition aux islamistes conservateurs, sans toutefois revendiquer un changement radical du système de pouvoir. Bien que les composantes de cette alliance ne soient pas les seules à occuper l’espace de la cause des femmes, elles parviennent à imposer une hégémonie discursive et politique dans la période post-Khatami (Paidar, 2001). Il s’agit généralement de femmes persanes chiites éduquées issues de la classe moyenne ou supérieure urbaine (Sikand, 2010), venant souvent des grandes villes d’Iran (Tohidi, 2016, 84). En raison de leurs capitaux économiques, culturels, politiques et sociaux, les femmes de ce groupe sont en mesure de monopoliser, dans une large mesure, la production de savoirs féministes. Les célèbres chercheuses en Iran comme Noushin Ahmadi Khorasani12, ou en exil comme Nayereh Tohidi, mais aussi la voix dominante de la Campagne.m.s, ou la revue en ligne de L’École féministe illustrent ce courant féministe réformiste en Iran. Malgré le fait que ces initiatives aient été lancées par des féministes séculières, l’analyse de dizaines d’articles de ces plateformes témoigne de la domination d’un discours réformiste islamique par lequel l’égalité des femmes est articulée à un cadre chiite des droits humains (Shojaee, 2015 ; Nouri, 2013 ; Sameh, 2010, 449).

12Les féministes réformistes forment également un mouvement social féministe que l’on peut qualifier de majoritaire. Le changement des lois discriminatoires, revendiqué au nom d’une réinterprétation égalitaire de l’islam, mais aussi la ratification de la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF/CEDAW), la dénonciation du manque de femmes aux postes de direction dans le monde du travail et surtout en politique ont été les fondements de l’agenda politique de ce groupe. Elles ont en revanche abandonné d’autres questions telles que la lutte contre le hijab obligatoire ou les revendications principalement portées par des minorités religieuses ou ethniques, comme le droit à l’éducation dans la langue maternelle ou la lutte contre les discriminations ethnico-religieuses à l’embauche. On constate qu’une partie des féministes majoritaires, notamment celles de la diaspora qui sont actives sur la scène internationale de la circulation des savoirs, se sont approprié les critiques des féminismes eurocentriques et orientalistes (Sikand, 2010), en s’emparant également parfois du concept d’intersectionnalité (Tohidi, 2018 ; Shojaee, 2016 ; Khorasani, 2009). Or, comme nous allons le montrer, ce féminisme réformiste centraliste, appelé « la cinquième génération de féministes iraniennes » par Khorasani (2007, 36 et 2012, 107), qui s’approprie l’idée de « la différence » entre les féminismes, ne la met pas en œuvre dans son propre pays.

Le droit comme objet de revendication du féminisme réformiste dominant

13Le rapport au droit est central pour les féministes réformistes : transformer les lois a été l’une des préoccupations des féministes dominantes (religieuses ou non) en Iran (Alikarami, 2019 ; Mir-Hosseini, 2006 ; Povey, 2001 ; Hoodfar, 2009). La participation aux élections afin de transformer les lois discriminatoires de la jurisprudence islamique (fiqh) via le vote est donc une caractéristique importante de ce courant féministe. Le lancement de la « Campagne pour changer le visage masculin du parlement » (Taghiiré chehreye mardaneye majles) à Téhéran pendant l’élection législative de 2015 afin de féminiser la scène politique par de nouvelles lois et de nouvelles interprétations de la loi en est un exemple. Leur volonté de voter aux élections est une stratégie qui permet de négocier avec un pouvoir répressif (même contre elles), sans porter la contestation jusqu’à la violence (Shojaee, 2015). Cependant, cette tactique ne peut être appliquée de la même manière par toutes les militantes en raison du traitement spécifique que subissent les minorités ethniques. Les femmes des minorités ethniques engagées en politique sont en effet confrontées à des obstacles politiques beaucoup plus importants, notamment en raison de la présélection discriminatoire des candidats dans les zones décentralisées (souvent non chiites ou non persanes) et de la répression que subissent les représentants politiques des minorités ethniques (Elling, 2013).

14Nous trouvons la définition homogénéisante du droit dans la déclaration de Campagne.m.s :

  • 13 « Réponses aux questions fréquemment posées sur la Campagne Un million de Signatures », L’École fém (...)

La loi s’applique à toutes les femmes de toute classe et couche sociale, et tout âge ou toute appartenance ethnique et de religion dans toutes les régions de l’Iran. Par conséquent, les droits de toutes les femmes sont violés de la même manière devant la loi. L’oppression des femmes iraniennes par la discrimination légale est une « souffrance commune », et changer ces lois discriminatoires est la volonté de la grande majorité de toutes les femmes de notre pays13.

En choisissant de cibler les institutions étatiques pour tendre vers plus d’égalité entre les sexes et en s’appuyant sur le cadre légal, elles excluent les femmes des minorités ethniques qui sont bien plus exposées à la violence étatique et ne peuvent pas accéder aux postes politiques comme y parviennent certaines femmes persanes.

  • 14 À titre d’exemple, on peut citer l’arrestation et la torture de militants civils ou leur licencieme (...)

15Par ailleurs, étant donné la prédominance des mesures extrajudiciaires mises en œuvre au nom de la sécurité nationale dans les zones non perses où l’État transgresse facilement ses lois, les femmes des groupes minoritaires ne croient généralement pas à une transformation des rapports sociaux de sexes via des réformes législatives14. Les interviewées ont également insisté sur le fait que l’acquisition de l’égalité juridique, d’ailleurs elle-même « coûteu[se] et inaccessible » d’après Fae Chubin (2020), ne conduirait pas à résoudre les inégalités fondées sur la classe, la religion ou l’ethnicité. En effet, les femmes des minorités sont parfois accusées ou criminalisées pour des activités liées à l’ethnicité sans y participer. Par exemple, une interviewée explique que les agents du service de renseignement l’ont accusée d’être en contact avec les partis d’opposition illégale kurdes en exil lorsqu’elle a été interrogée en 2010 pour ses activités au sein du mouvement étudiant à Téhéran, alors qu’elle ne connaissait même pas les noms de certains de ces groupes. Dans leur recherche, Abu Trab Talebi et Sajjad Alizadeh (2019) parlent également des discriminations spécifiques vécues par les étudiant.es kurdes et turc.ques dans les universités en Iran. De même, dans un autre article, j’ai discuté des discriminations et des violences qui ciblent particulièrement les minorités telles que les Kurdes et les Arabes, créant un clivage ethnique au sein du mouvement protestataire iranien (Rostampour, 2021). Cette minorisation à laquelle sont soumises les minorités ethniques impose une différenciation par rapport à la population du centre dont l’impact sur l’identité de genre n’est pas négligeable.

16Les femmes issues des minorités ethniques constatent que la politique de sécurité basée sur l’état d’urgence permanent dans ces zones rend toute forme d’activité civique et légale presque impossible. Même les initiatives d’autoassistance (self-help) et l’action des ONG, qui peuvent être encouragées tant qu’elles ne se transforment pas en force d’opposition, sont beaucoup moins tolérées dans les périphéries de l’Iran. « Nous [les militantes ethniques] avons régulièrement été interrogées pour ce genre d’activités qui n’étaient pas forcément politiques », affirme une enquêtée active dans une ONG au Kurdistan. Nous retrouvons l’écho de son affirmation dans la parole de Rojan Kermanshani, une militante de Campagne.m.s au Kurdistan, publié sur le site de la revue L’École féministe :

  • 15 « Rencontre intime de quelques membres de la campagne de différentes villes d’Iran : Malgré tous le (...)

Le climat à Kermanshah est différent ; la situation sécuritaire dans notre ville est plus lourde. Les différences ethniques, raciales et religieuses sont si grandes que Kermanshah est appelée la deuxième Inde. Avec cette situation, collecter des signatures n’est pas facile […] Toutes ces questions ont affecté les associations et des ONG dont la plupart ont été confrontées à de graves barrières de sécurité et fermées15.

La recherche de Rasmus Elling (2013, 190) confirme également que le système de sécurité en Iran se méfie particulièrement des ONG qui combinent un programme de défense des droits des femmes et des minorités.

  • 16 « Les questions inévitables du mouvement des femmes iraniennes », programme-débat sur BBC Persian, (...)

17Selon des articles parus dans L’École féministe en 2005, l’accent sur l’égalité juridique va de pair avec la promotion de la lutte pacifiste au sein de ce courant féministe. Par exemple, Mansoureh Shojaee, l’une des fondatrices de la Campagne.m.s et du site de L’École féministe, et ses collaboratrices Azadeh Davachi et Fahimeh Tafsiri accusent les femmes des minorités de participer à des activités extra-légales et parfois non pacifistes en adhérant à des partis politiques défendant les droits des minorités ethniques (Shojaee, 2015 ; Davachi, 2014 ; Tafsiri, 2012). Ce faisant, les féministes réformistes montrent leur réticence à prendre en considération les activités des femmes des périphéries car leurs luttes ne correspondent pas au cadre légal ou pacifiste qui caractérise le mouvement féministe dominant en Iran. Elles idéalisent l’activité juridique et, par conséquent, stigmatisent les femmes qui ne rentrent pas dans ce cadre – principalement des femmes appartenant à des minorités ethniques. En insistant sur un pacifisme prescriptif abstrait (Moghadam et Gheytanchi, 2010 ; Bashi, 2005) et souvent avec une approche essentialiste (Davachi, 2014), elles se permettent, d’une manière paternaliste, de dresser le destin du mouvement des femmes en Iran, sans interroger leur statut privilégié et sans prendre en considération la situation des femmes minorisées. « Je pense que l’imbrication du mouvement des femmes et de leurs revendications avec les groupes politiques et ethniques ne fera que conduire à des guerres et à d’autres crises », affirme ainsi Mahboubeh Abbasgholizadeh, une autre figure éminente du féminisme majoritaire, dans un débat en 2013 pour répondre aux critiques d’une militante arabe en Iran qui défendait l’imbrication du genre et de l’ethnicité16. Cette vision prive les femmes des minorités ethniques de leur droit à l’autodétermination dans un contexte où l’État attaque violemment leurs cultures et les domaines économique et politique qui s’y attachent.

18De même, dans les articles publiés sur le site L’École féministe, « l’indépendance vis-à-vis des organisations et partis politiques » et « l’exigence juridique, pas politique » sont évoquées comme les principales caractéristiques de la Campagne.m.s. D’après une militante minoritaire active de Campagne.m.s, « les représentantes emblématiques de la Campagne.m.s ont toujours mis l’accent sur la lutte limitée uniquement à la question des femmes, isolée d’autres revendications politiques dans les régions non centrales » (interview avec Hiva, 39 ans, Berlin, 2021). Elle affirme que « les militantes du centre se sont plaintes que des activités intersectionnelles liées à l’ethnicité nuisaient à la Campagne et au pacifisme du mouvement des femmes en Iran ». Une autre enquêtée interviewée à Paris confirme ces propos : « Lorsqu’une militante kurde a été arrêtée au Kurdistan, les militantes de la Campagne.m.s ont hésité à réagir car elles ont déclaré ne pas vouloir lier la question des femmes à d’autres problèmes politiques. » Ces propos font écho à des situations évoquées dans l’ouvrage de Khorasani (2012), telles que le refus de soutenir une proposition de lettre de soutien à une militante féministe kurde arrêtée au Kurdistan à la suite de sa participation au rassemblement de femmes à Téhéran en 2005. Elle explique ainsi que les membres principaux de Campagne.m.s « ne voulaient pas lier la question des groupes ethniques (qoumiyatha) au mouvement des femmes ». Cependant, ces mêmes militantes ont intégré la cause des femmes dans un mouvement plus large, le Mouvement vert de 2009, et ce malgré sa faible prise en compte du genre (Matin, 2020), parce que ce dernier s’inscrivait dans une approche réformiste et centriste (Nabavi, 2012).

  • 17 Dans le contexte français, le terme qoumgraee, littéralement « ethnocentrique », correspond à l’idé (...)

19Dans leurs discours, les féministes réformistes réduisent ainsi les femmes des minorités ethniques à des figurantes passives, manipulées par des dirigeants masculins belliqueux pour servir leur projet de séparatisme patriarcal ou « communautariste »17. Bien qu’« il y ait des voix critiques au sein de Campagne.m.s sur ce sujet » d’après une enquêtée, « celles-ci restent très minoritaires ». Ainsi, l’approche des féministes hégémoniques ressemble parfois à celle de certaines féministes du Nord qui perçoivent la femme non occidentale « comme un sujet singulier et monolithique » (Chandra, Russo et Torres, 1991, 51), éloigné de la modernité, de l’égalité et de la démocratie. En effet, si l’attitude orientaliste des féministes eurocentriques a été sérieusement critiquée par les féministes réformistes, elles reproduisent le même raisonnement à l’intérieur de leur pays multiethnique lorsqu’elles sont en position majoritaire. Elles rejettent l’idée que les militantes des périphéries puissent poursuivre une politique émancipatrice dans ces zones sur la base d’un féminisme intersectionnel qui lutterait à la fois contre un État monoethnique et un ethnocentrisme patriarcal dans leur région. Cependant, diverses recherches contredisent ces affirmations. Par exemple, le travail de Shiva Bazargan (2020) sur les droits antidiscrimination chez les femmes de Tabriz, région habitée par les Turcs d’Iran, montre l’émergence récente d’un courant qui s’identifie comme féministe intersectionnel et critique à la fois de la politique identitaire du mouvement des femmes iraniennes uniquement basée sur le genre, et de l’accent mis sur l’ethnicité par le mouvement national turc. En ce sens, les féministes réformistes sont aussi centralistes, même si, contrairement aux féministes eurocentriques, ce positionnement est également lié aux nombreuses restrictions auxquelles les féministes iraniennes sont confrontées dans le contexte autoritaire iranien.

La reproduction du discours nationaliste de l’État : le caractère centraliste et discriminatoire du féminisme dominant

20Selon Kamran Matin (2020), la hiérarchie socio-économique du capitalisme en Iran est imbriquée à une conception unitaire de l’identité nationale. Elle comporte une hiérarchie ethnique interne en faveur de la culture persane chiite, donnant naissance à un modèle d’inégalité régionale à l’image de la répartition géographique des communautés non perses. Ces dernières sont ainsi devenues des minorités inférieures et marginales en raison de leur statut culturel et politique subordonné dans le nouvel ordre des États-nations (Matin, 2020). À rebours d’une approche essentialiste, les groupes ethniques minorisés, historiquement fabriqués par l’État-nation monoethnique, doivent être envisagés comme la résultante de rapports de forces entre centre et périphérie contribuant à la production d’injustices et d’inégalités. À titre d’exemple, étant donné que les élites sunnites locales, principalement issues de groupes ethniques non persans, n’ont pas le même accès aux processus décisionnels économiques et à la planification des investissements que les chiites, la privation des provinces sunnites est quasi institutionnalisée (Stanfield et Shareef, 2017, 337). En conséquence, le développement en faveur du centre a minorisé et marginalisé certains groupes ethniques, canalisant leur sentiment d’appartenance ethnique vers une identité nationale unifiée à laquelle ils se sentent aliénés. Les rares enquêtes sociologiques auprès des minorités ethniques confirment également que cette politique centraliste les conduit à l’abandon du patriotisme républicain, renforçant leur propre appartenance communautaire et ethnique (Beheshti et Haghmoradi, 2017 ; Ghaderzadeh et Mohammadzadeh, 2018).

21L’identité ethnique joue, par exemple, un rôle essentiel sur le marché du travail en Iran. Les pratiques étatiques de répression et d’exclusion sur le long terme ont en effet affaibli l’économie des régions périphériques, conduisant à l’ethnostratification du marché du travail dans le pays. Les minorités ethniques majoritaires dans ces territoires sont donc plus susceptibles de subir des dépossessions, le chômage, et des niveaux d’éducation relativement bas. Certains chercheurs qualifient ces conditions de « colonisation interne » (Das, 2012 ; Hechter, 2017 ; Casanova, 1965). Ce concept met la lumière sur une hiérarchie en faveur du centre dont les effets sur les minorités nationales sont divers : le manque de développement local, le mépris des traditions démocratiques et le développement d’un chauvinisme répressif. L’institutionnalisation d’une telle différenciation par l’État (dans la Constitution, dans les secteurs de l’emploi, de la justice, de la police, de l’éducation, de l’activisme, etc.) contribue à renforcer d’autres modes de classification, comme celui du genre. Ainsi ce n’est pas un hasard si, par exemple, les femmes baloutches, triplement assujetties en tant que femmes, minorité ethnique et classe sociale défavorisée, sont celles qui souffrent le plus d’un manque d’accès à l’éducation et aux soins de santé en Iran (Elling, 2013, 72).

22Dans ce contexte national, les féministes réformistes dominantes qui privilégient une approche centraliste et ignorent la différenciation politico-identitaire des minorités ethniques peuvent devenir des alliées de l’État. En reproduisant ces discours discriminatoires, elles renforcent la marginalisation des femmes minoritaires. Ainsi, lorsque des minorités apparaissent dans leurs écrits, c’est dans un cadre qui reprend la conceptualisation de l’État iranien qui les qualifie comme des « séparatistes », « terroristes » ou « communautaristes ». Par exemple, Noushin Ahmadi Khorasani, l’une des figures intellectuelles et militantes de la cause des femmes les plus connues, rédactrice en chef du magazine féministe Jense-Dovom et directrice de la maison d’édition féministe Nashre-e Towsee, écrit dans un article intitulé « Mouvements ethniques et revendications des femmes » en 2013 :

Le mouvement pour l’égalité des femmes en Iran contemporain fait face à un autre type de mouvement ethnique (qoum) qui se définit dans le cadre du « séparatisme ». Naturellement, l’objectif déclaré par les mouvements séparatistes ethniques (qoumiyati) n’est pas de parvenir à l’égalité et de s’opposer aux lois discriminatoires, mais d’établir un autre État autour d’une seule ethnie (qoumiyat). Il est certain que ce type de mouvements séparatistes ethniques (qoumiyati) ne parvient finalement pas à trouver un terrain commun avec le mouvement égalitaire des femmes (en Iran).

23Le féminisme majoritaire mobilise donc, comme le fait l’État, la catégorie de qoum/qoumiyat (ethnicité), comme une unité culturelle d’analyse isolée des contextes politico-économiques et des relations de pouvoir nouées avec d’autres groupes sociaux. Proche du sens accordé au terme « ethnie » dans une sociologie et anthropologie d’inspiration coloniale, la terminologie culturaliste de qoum – équivalant apolitique de « groupe ethnique / ethnicité » en persan – est souvent utilisée par les chercheurs, y compris féministes, pour nommer les minorités non perses. Ce terme renvoie à des configurations sociales prémodernes et met donc l’accent sur certaines caractéristiques exotiques, principalement d’ordre folklorique, comme l’habillement et la langue, qui distinguent les minorités non perses de la majorité persane. Cette notion, avec l’interconnexion accrue entre l’ethnicité et le non-développement, n’a fait qu’accroître la définition des communautés non perses en tant que tribus arriérées. En ce sens, le néologisme ethnie gêne particulièrement les centralistes parce qu’il sous-entend un effort de précision supplémentaire, de constatation et de respect de différence, alors que les vocables vagues et usés comme qoum et péjoratifs comme qabilé (tribu), dans un usage normatif, les satisfaisaient (Breton, 1991). Cet ethnosymbolisme à l’égard des ethnies (Smith, 2009, 134) cherche à normaliser le nationalisme de l’État. La terminologie culturaliste de qoum occulte ainsi la façon dont les concepts d’ethnicité et de groupe national – utilisés de manière interchangeable dans de nombreux cas – sont relationnels (Barth, 1998 [1969]) ; elle invisibilise le groupe majoritaire comme ethnie (dominante), et passe sous silence les enjeux de distinction interethnique et le rôle des inégalités socio-économiques dans la construction des frontières politiques. Or, cette terminologie est devenue courante, surtout après la révolution de 1979. Auparavant, le terme « peuple » (khalq), y compris l’aspect politique et émancipateur, a été utilisé – surtout par des groupes de gauche – pour désigner les minorités. En fin de compte, le terme qoumiyat permet à ses utilisateurs de rapporter des problèmes sociaux à la nature culturelle des groupes ethniques plutôt qu’aux rapports de pouvoir entre centre et périphérie. Ainsi, ces chercheurs proposent parfois des lectures essentialistes qui lient la violence contre les femmes des périphéries aux cultures locales. Lorsqu’elles mettent l’accent sur la violence à l’égard des femmes, elles l’appréhendent comme une partie inhérente de la culture dans laquelle les femmes des zones décentralisées sont socialisées. Par exemple, dans un texte publié par L’École féministe intitulé « Les femmes kurdes et la séparation avec l’Iran », Fahimeh Tafsiri (2012) écrit sur un ton condescendant à propos des femmes kurdes :

Sont-elles [les femmes kurdes] censées par la suite perpétuer des traditions ethniques telles que la l’excision, les crimes d’honneur, la pure obéissance aux hommes et mille autres traditions moins évidentes aujourd’hui, comme symbole de la continuité de leur ethnicité (qoum) ?

24De ce point de vue, l’ethnicité est considérée comme un phénomène éternel et fixe. Nayereh Tohidi, une autre figure importante de ce courant centraliste, professeure au département d’études de genre à l’université de Californie, reproduit la même image essentialiste dans un de ses articles. D’après elle, « si les principaux groupes féministes n’ont pas encore réussi à attirer dans le mouvement un nombre considérable de femmes rurales ou de la classe ouvrière ou de minorités ethniques ou religieuses », c’est « principalement dû à l’environnement plus conservateur et de plus en plus dominé par les hommes dans ces zones » (Tohidi, 2016, 74). Sans ignorer les facteurs politico-historiques (tels que l’accès limité à l’éducation et à l’emploi) qui influent sur la solidité du patriarcat dans les différentes régions, aucune recherche ne montre que l’environnement de Sanandaj au Kurdistan, par exemple, est plus dominé par les hommes que celui de Yazd ou d’Ispahan (villes perses et chiites) dans le centre du pays. Au contraire, il existe des études qui remettent en question une telle hypothèse, par exemple « La comparaison des standards de vie des groupes ethniques iraniens », qui a examiné six ethnies de Perses, Turcs, Kurdes, Lors, Baloutches et Arabes en montrant que l’oppression de genre n’est pas forcément moindre dans les villes à majorité perse (Haj Hosseini et Mutabi et Mazaheri, 2015). Ainsi, comme les femmes blanches bourgeoises décrites par bell hooks (1986, 134), les féministes majoritaires iraniennes ne donnent pas l’impression de vouloir faire partie du mouvement féministe mais plutôt de vouloir le diriger. Certaines d’entre elles – par exemple Noushin Ahmadi Khorasani, qui a d’ailleurs fait de nombreux sacrifices pour la cause des femmes – se positionnent en « grandes sœurs » et subordonnent la question du genre à celle de l’intégrité d’un territoire national. Cette position est incompatible avec celle des femmes des minorités ethniques lorsque ces dernières veulent définir leur identité de genre au croisement de leur situation ethnique dominée. Plus encore, pendant de nombreuses années, des femmes prisonnières politiques issues de minorités ethniques telles que les Kurdes, les Arabes, les Baloutches et les Turques ont été ignorées et rejetées par ce courant centraliste comme étant des criminelles séparatistes. Alors que les prisonnières politiques appartenant au mouvement contestataire réformiste peuvent devenir des symboles du mouvement féministe, même si elles ne sont pas des militantes des droits des femmes.

25En détachant la question du genre des autres oppressions au nom d’une approche féministe de solidarité entre femmes, les féministes centralistes de l’Iran, à l’instar du féminisme dominant en Turquie (Yuksel, 2006 ; Tasdemir, 2013), se sont ainsi rarement opposées à la violence étatique, à la précarisation, à la criminalisation des populations des régions périphériques, ni à la dégradation environnementale et à la militarisation des zones non centrales du pays. Elles n’ont pas été non plus sensibles à la question de l’assimilation culturelle qui dépossède des femmes du droit d’étudier dans leur langue maternelle et réduit leur accès à l’éducation et à l’emploi. Or, les étudiantes issues des minorités qui ne voient pas leur appartenance ethnique, leur langue, leur religion et leur culture reflétées dans le programme d’enseignement éprouvent des sentiments d’aliénation, d’insécurité et d’humiliation (Asgharzadeh, 2007, 144 ; Stanfield et Shareef, 2017, 430) et abandonnent l’école plus facilement. Alors que ces conditions ont des impacts sociopolitiques cruciaux sur la vie des femmes des minorités ethniques dans ces régions et sur leur perception de l’émancipation, elles ont été majoritairement ignorées par le courant dominant. De même, les actions opérées par les femmes appartenant à des minorités ethniques pour échapper à ces conditions discriminatoires ne sont souvent pas considérées comme étant féministes.

26Les féministes réformistes centralistes ont pourtant largement documenté leur propre lutte. Elles ont également nourri de leurs critiques et de manière cruciale les débats qui se focalisent sur la prétendue identité particulière de « la femme musulmane iranienne ». Alors que celles qui ont publié leur travail à l’intérieur de l’Iran ont souvent privilégié une approche moderniste, la plupart des textes publiés à l’échelle internationale ont été influencés par une approche postcoloniale (Moghadam, 2002 ; Kian, 2010 ; Tohidi, 2003). Or, malgré l’inspiration des courants critiques postcoloniaux qui soulignent la diversité des identités de genre, les féministes centralistes iraniennes font souvent l’impasse sur les hiérarchies entre les femmes iraniennes elles-mêmes. En conséquence, les femmes appartenant à des minorités ethniques, qu’elles soient religieuses ou sexuelles (LGBTQ+) (Peyghambarzadeh, 2019), sont les grandes absentes de la théorisation, de l’historiographie et de la pratique du féminisme dominant en Iran. Mahnaz Matin (2007) montre par exemple que le discours dominant de la Campagne.m.s s’est principalement basé sur l’expérience des femmes musulmanes chiites, ignorant les femmes non religieuses ou non chiites dans leurs analyses. Similairement, dans la catégorisation de Khorasani (2007, 103), qui caractérise cinq générations de féministes iraniennes de 1906 à nos jours, il n’y a pas de place pour l’évocation de ces groupes et de leur lutte. Plus généralement, dans l’histoire des mouvements de femmes en Iran, monopolisée par les chercheuses et féministes du centre (en Iran ou à l’étranger), comme Noushin Ahmadi Khorasani, Nayereh Tohidi, Homa Hoodfar, Ziba Mir-Hosseini, Valentine Moghadam, Elham Gheytanchi, Fatemeh Sadeghi, Shadi Sadr, Mahnaz Afkhami, Nikki. R. Keddie, Shahra Razavi, les femmes des minorités ethniques sont quasiment inexistantes. De même, en parlant de la mobilisation des femmes contre le hijab du 8 mars 1979, les centralistes n’évoquent que les femmes du centre alors que les femmes kurdes de Sanandaj, d’Urumia et de Kermanshah, mais aussi les femmes bakhtiaris de Masjid-i-Sulaiman ont aussi participé à des manifestations contre le port obligatoire du hijab18. C’est comme si la femme du centre, appartenant à l’élite sociale et au groupe ethnique majoritaire perse et chiite, était la seule actrice d’une lutte contre l’oppression et l’exploitation des femmes.

27Les classes populaires sont une autre couche négligée par les féministes réformistes centralistes. Généralement favorable aux politiques néolibérales mises en œuvre dès 1989 sous le mandat du président Rafsandjani (1989-1997), le féminisme réformiste n’a pas fait évoluer son agenda politique et ne s’est pas engagé dans une critique de ce tournant, pourtant source d’un accroissement des inégalités sociales. La recherche de Catherine Sameh (2010, 455) confirme également l’origine élitiste des militantes de Campagne.m.s, mobilisation qui a notamment été lancée dans un quartier emblématique de la bourgeoisie de Téhéran, Shahrak-e Gharb. Les enjeux politiques des femmes des classes populaires, qu’elles appartiennent ou non à des minorités ethniques, ont ainsi été marginalisées dans le discours dominant de la cause des femmes. De ce fait, contrairement à ce que souligne Elaheh Rostami Povey (2001, 55), le lien entre les femmes issues des classes sociales les plus élevées et celles des classes populaires est désormais plus fragile.

  • 19 Par exemple, voir cette déclaration des féministes kurdes en 2016 : https://www.bbc.com/persian/ira (...)
  • 20 En mai 2009, sept militantes ont été arrêtées dans la ville de Marivan à cause de leurs activités c (...)

28La survisibilisation des femmes du centre s’appuyant sur un unilatéralisme intellectuel et un mythe de l’homogénéité est donc le pendant de la sous-visibilisation des femmes ethnicisées minoritaires. Ces dernières n’ont pourtant jamais arrêté de lutter malgré une double pression politique qu’elles subissent. Si les féminismes minoritaires parviennent à exister dans le champ académique/universitaire institutionnel en effectuant des recherches empiriques sur les femmes dans les régions périphériques, leurs travaux restent invisibles. Elles sont par ailleurs actives dans les champs des contre-pouvoirs comme chercheuses, écrivaines, journalistes ou militantes. Par exemple, des militantes kurdes ont lancé différentes campagnes féministes, avec plusieurs rassemblements et actions à travers lesquels elles expriment une approche intersectionnelle19. Dans la ville kurde de Marivan, les femmes ont organisé de nombreuses actions contre le phénomène de féminicide au nom de l’honneur, mais aussi contre la polygamie et la violence à l’égard des femmes en général20. Pourtant, ces pratiques féministes ne sont pas citées dans l’historiographie féministe car leurs actrices, déjà invisibilisées dans l’historiographie institutionnalisée de l’État (Zahed et Khajeh Nouri, 2005, 192), le sont aussi par les féministes centralistes.

Conclusion

29Les féministes réformistes rejettent la supériorité de l’eurocentrisme, mais appliquent elles-mêmes un discours hiérarchique qui marginalise les femmes des minorités ethniques au sein de leur pays. En mettant l’accent sur le caractère ethnocentrique du féminisme majoritaire en Iran, cette recherche, qui se concentre sur la justice sociale et l’émancipation du genre, a contribué à éclairer les limites de cette perspective féministe. L’analyse déployée ici montre que le champ de la production du savoir féministe en Iran est basé sur une inégalité structurelle entre le centre et la périphérie, ainsi que sur la supériorité ethnico-religieuse des Perses chiites, souvent issues de la classe moyenne et supérieure urbaine. Les féministes qui isolent principalement la question du genre des autres formes d’oppression telles que l’ethnicité, la classe, la religion peuvent ainsi produire un féminisme discriminatoire que j’ai proposé de décrire comme un « féminisme réformiste centraliste ».

30La mise à l’écart systématique des femmes issues de minorités crée un clivage important entre les féministes dominantes et les féministes des minorités en Iran. En l’absence d’initiatives théoriques et politiques destinées à surmonter ce clivage, l’interaction entre les divers groupes au sein du mouvement féministe reproduit les hiérarchies sociales. L’invisibilité des femmes minoritaires dans l’historiographie sur les questions de genre en Iran nécessite la prise en considération de sources plus diverses et la recherche de nouvelles approches plus inclusives. Une telle perspective semble être devenue envisageable après les soulèvements populaires de 2017 et 2019 dans lesquels, au contraire du Mouvement vert de 2009, des minorités ethniques des périphéries du pays ont participé activement. Ces révoltes ont radicalisé la société, mais aussi sensibilisé le mouvement féministe aux demandes ou revendications des populations issues des périphéries. L’accès accru des minorités à Internet et l’explosion des débats sur les réseaux sociaux ont également entraîné des changements dans les relations de pouvoir parmi les femmes en Iran.

31Ces transformations se sont fortement manifestées dans le soulèvement révolutionnaire de 2022, survenu après le meurtre d’une jeune fille kurde nommée Jina (Mahsa) Amini par la police. Cette mobilisation a en effet d’abord surgi au Kurdistan, pour prendre ensuite une dimension nationale et croisant les sujets des droits des femmes, des minorités ethniques et des inégalités sociales. Les acteurs périphérisés du pays, y compris les Baloutches et les Lors, à l’instar des Kurdes, se sont également engagés dans ces mobilisations, en s’appuyant sur la nécessité de la décentralisation après un siècle de domination d’un nationalisme militarisé au profit du centre. Les minorités et les discriminations qu’elles subissent sont ainsi devenues plus visibles. Elles sont aujourd’hui reconnues comme actrices des changements sociopolitiques à venir dans le pays. Aussi, bien que l’on soit loin d’un renversement radical des positions, les féministes autrefois centralisatrices et réformistes n’ignorent plus l’expérience différenciée des femmes des périphéries. Le rôle pionnier de ces dernières dans le récent soulèvement révolutionnaire semble avoir convaincu les féministes que le destin du mouvement des femmes dans son ensemble réside dans une solidarité avec ces femmes marginalisées. Ces processus révolutionnaires et leurs effets sur la cause des femmes en Iran méritent d’être approfondis dans de futures recherches.

Haut de page

Bibliographie

ABDALLAH Stéphanie Latte, « Le féminisme islamique, vingt ans après : économie d’un débat et nouveaux chantiers de recherche », Critique internationale, 46, 1, 2010.

ADELKHAH Fariba, « Iran : entre République islamique et Mouvement vert, y a-t-il une société civile ? », in BOZZO Anna, LUIZARD Pierre-Jean (dir.), Les sociétés civiles dans le monde musulman, Paris, La Découverte, 2011.

ALESSANDRIN Arnaud, MEIDANI Anastasia, « Cancers, minorités de genre et de sexualité : un nouvel élément de mesure dans la santé des LGBTI ? », in MEIDANI Anastasia (éd.), Masculinités et féminités face au cancer. Expériences cancéreuses et interactions soignantes, Érès, 2020, pp. 161-178.

ALIKARAMI Leila, Women and Equality in Iran: Law, Society and Activism, Bloomsbury Publishing, 2019.

ASGHARZADEH Alireza, Iran and the challenge of diversity: Islamic fundamentalism, Aryanist racism, and democratic struggles, Springer, 2007.

BACQUÉ Marie-Hélène, « Action collective, institutionnalisation et contre-pouvoir : action associative et communautaire à Paris et à Montréal », Espaces et sociétés, 4, 2005, pp. 69-84.

BAGHERI Nazgol, « Avoiding the “F” word: feminist geography in Iran », Gender, Place & Culture, 26, 7-9, 2019, pp. 1128-1136.

BARTH Fredrik, « Pathan identity and its maintenance. Ethnic groups and boundaries: The social organization of culture difference », in Ethnic Groups and Boundaries, Waveland Press, 1998 (1969), pp. 117-134.

BASHI Golbarg, « Ideological Tyranny in Iranian Women’s Studies », 2005, URL : https://www.yumpu.com/en/document/read/36499122/ideological-tyranny-in-iranian-womens-studies-a-pars-times.

BAYAT Asef, Life as Politics, Redwood City, Stanford University Press, 2013.

BAZARGAN Shiva, L’enchevêtrement et son impact sur les droits anti-discrimination avec un accent sur les femmes iraniennes, thèse de droit public en cours (en persan), Téhéran, Université Shahid Beheshti, communication personnelle, 2020.

BEHESHTI Samad, HAGHMORADI Mohammad, « Sentiment d’appartenance à l’Iran parmi les groupes ethniques : Analyse secondaire des données relatives à 2667 Iraniens dans la cinquième vague de l’étude des valeurs globales » (en persan), Sociologie fonctionnelle, 76, 3, 2017.

BERENI Laure, « Penser la transversalité des mobilisations féministes : l’espace de la cause des femmes », in BARD Christine, Les féministes de la 2e vague, Presses universitaires de Rennes, 2012, pp. 27-41.

BRETON Roland, Les Ethnies, FeniXX, 1991.

CASANOVA Pablo Gonzalez, « Internal colonialism and national development », Studies in comparative international development, 1, 4, 1965, pp. 27-37.

CHANDRA Mohanty, RUSSO Ann, TORRES Lourdes (éd.), Third World Women and the Politics of Feminism, Bloomington / Indianapolis, Indiana University Press, 1991.

CHUBIN Fae, « From Empowerment to Advocacy: Innominate Identity Politics as Feminist Advocacy in Iran », International Journal of Politics, Culture, and Society, 33, 3, 2020, pp. 407-428.

CIRSTOCEA Ioana, GIRAUD Isabelle, « Pluralisme dans les mouvements féministes contemporains », L’Homme & la Société, 4, 2015, pp. 29-49.

DAS Raju J, « Reconceptualizing capitalism: Forms of subsumption of labor, class struggle, and uneven development », Review of Radical Political Economics, 44, 2, 2012, pp. 178-200.

DAVACHI Azadeh, « Militarisation des femmes : la lutte contre la violence de Daech ou son escalade ? » (en persan), L’École féministe, 2014, URL : https://www.tribunezamaneh.com/archives/56028.

DAVARPANAH Zahra, « Féminisme libéral et droits religieux des femmes musulmanes : relation entre politique, genre et religion » (en persan), Journal de Siyasaté Mota'alié, 29, 2020.

DHUME Fabrice, « Former sur la discrimination à l’école : l’enjeu d’un travail sur et avec les processus de dénégation », in SANCHEZ-MAZAS Margarita, CHANGKAKOTI Nilima, BROYON Marie-Anne, Éducation à la diversité : décalages, impensés, avancées, Paris, L’Harmattan, 2015, pp. 27-46.

ELAHI NEJAD EZZAT Taybiyeh, RAHBARNIA Zahra, « La voix des cheveux : une anthropologie de l’esthétique indigène dans l’auto-décoration d’une femme turkmène » (en persan), Recherche anthropologique iranienne (Lettre des sciences sociales), 5, 1, 2015, pp. 27-47.

ELLING Rasmus Christian, « Matters of Authenticity: Nationalism, Islam and Ethnic Diversity in Iran », in NABAVI Negin (éd.), Iran: From Theocracy to the Green Movement, New York, Palgrave Macmillan, 2012, pp. 79-99.

ELLING Rasmus Christian, Minorities in Iran: Nationalism and ethnicity after Khomeini, New York, Palgrave Macmillan, 2013.

EQBALI Abolfazl, PARSANIA Hamid, « Méthodologie fondamentale de la pensée féministe en Iran » (en persan), Méthodologie de la recherche scientifique en sciences humaines, 104, 2020.

GEORGE Manuel, MICHAEL Posluns, The Fourth World: An Indian Reality, Ontario, University of Minnesota Press, 1974.

GHADERZADEH Omid, MOHAMMADZADEH Hossein, « Recherche d’identité ethnique et politisation de l’ethnicité dans les régions kurdes » (en persan), Recherche stratégique sur les problèmes sociaux en Iran, 7, 1, 2018.

HAJ HOSSEINI Shadi, MUTABI Fereshteh, MAZAHERI Mohammad Ali, « Comparaison des niveaux de vie dans les ethnies iraniennes » (en persan), Refahe Ejtema’i, 15, 59, 2015, pp. 39-68.

HECHTER Michael, Internal colonialism: the Celtic fringe in British national development, Londres, Routledge, 2017.

HENIN Pierre-Yves, INSEL Ahmet, Le national-capitalisme autoritaire : une menace pour la démocratie, Saint-Pourçain-sur-Sioule, Bleu Autour, 2021.

HOODFAR Homa, SADEGHI Fatemeh, « Against all odds: the women’s movement in the Islamic Republic of Iran », Development, 52, 2, 2009, pp. 215-223.

HOOKS bell, « Sisterhood: Political solidarity between women », Feminist Review, 23, 1, 1986, pp. 125-138.

HOSSEINBOR Mohammad Hassan, Iran and its nationalities: the case of Balouch nationalism, thèse de doctorat, Washington, American University, 1984.

KARIMI Fatemeh, Les rapports sociaux de sexe dans les forces politiques kurdes en Iran entre 1979 et 1991 : le Komala, thèse de sociologie, sous la direction d’Amélie Le Renard et de Lucia Direnberger, Paris, EHESS, 2020.

KHORASANI Noushin Ahmadi, One Million Signatures Movement, une narration de l’intérieur (en persan), Téhéran, 2007.

KHORASANI Noushin Ahmadi, Iranian Women’s One Million Signatures Campaign for Equality: The Inside Story (English Edition), Bethesda, Women’s Learning Partnership, 2009.

KHORASANI Noushin Ahmadi, Printemps du mouvement des femmes (en persan), première édition, auteur, Téhéran, 2012.

KHORASANI Noushin Ahmadi, « Mouvements ethniques et revendications des femmes » (en persan), L’École féministe, 2013, URL : http://www.feministschool.com/spip.php?article7366.

KHORSHIDI Majid, FEE Lee Yok, SOLTANI Fakhreddin, « Ethnic Secessionism in Iran: Accusation or Fact », Journal of Politics and Laws, 3, 2010.

KIAN Azadeh, « Le féminisme islamique en Iran : nouvelle forme d’assujettissement ou émergence de sujets agissants ? », Critique internationale, 1, 2010, pp. 45-66.

LORCERIE Françoise, L’école et le défi ethnique : éducation et intégration, Paris, INRP-ESF, 2003.

MAHDI Ali Akbar, « Iranian women : Between Islamicization and globalization », in MOHAMMIDI Ali, Iran encountering globalization: problems and prospects, Londres, Routledge, 2003, pp. 63-88.

MANUEL George, POSLUNS Michael, « The Indian world and the fourth world », Current History, 67, 400, 1974, pp. 263-279.

MARION Manier, « Cause des femmes vs cause des minorités : tensions autour de la question des “femmes de l’immigration” dans l’action publique française », Revue européenne des migrations internationales, 29, 4, 2013, pp. 89-110.

MATIN Kamran, « Democracy without capitalism: retheorizing Iran’s constitutional revolution », Middle East Critique, 21, 1, 2012, pp. 37-56.

MATIN Kamran, « The Iranian Left, Radical Change, And The National Question », Eutopia Institute of Ideas, 2020, URL : https://eutopiainstitute.org/2020/01/the-iranian-left-radical-change-and-the-national-question/.

MATIN Kamran, « Decolonising Iran: A Tentative Note on Inter-Subaltern Colonialism », Current Anthropology, 63, 2, 2022.

MATIN Mahnaz, « Le mouvement des femmes et le mouvement réformiste en Iran – Bilan d’une expérience » (en persan), Akhbare Rooz, 2007, URL : https://www.akhbar-rooz.com/37230/1386/02/10/.

MIR-HOSSEINI Ziba, « Is time on Iranian women protesters’ side », Middle East Report Online, 16, 2006.

MOGHADAM Amin, SAÏDI-SHAROUZ Mina, WEBER Serge, « Déclinaisons géographiques du changement social en Iran », Urban Resources, 2, 2017.

MOGHADAM Valentine, « Islamic feminism and its discontents: Toward a resolution of the debate », Signs: Journal of Women in Culture and Society, 27, 4, 2002, pp. 1135-1171.

MOGHADAM Valentine, GHEYTANCHI Elham, « Political opportunities and strategic choices: Comparing feminist campaigns in Morocco and Iran », Mobilization : An International Quarterly, 15, 3, 2010, pp. 267-288.

MOJAB Shahrzad (éd.), Women of a non-state nation: The Kurds, vol. 3, Costa Mesa, CA, Mazda Pub, 2001.

MYRLANDE Pierre, « Les facteurs d’exclusion faisant obstacle à l’intégration socioéconomique de certains groupes de femmes immigrées au Québec : un état des lieux », Nouvelles pratiques sociales, 17, 2, 2005, pp. 75-94.

NABAVI Negin (éd.), Iran: From Theocracy to the Green Movement, New York, Palgrave Macmillan, 2012, pp. 79-99.

NOURI Massoud, « Critique jurisprudentielle de la possibilité pour un tuteur d’épouser un enfant sous tutelle » (en persan), L’École féministe, 2013, URL : https://melliun.org/iran/29144.

PAIDAR Parvin, Women and the Political Process in Twentieh-century Iran, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.

PAIDAR Parvin, Gender of democracy: the encounter between feminism and reformism in contemporary Iran, Genève, United Nations Research Institute for Social Development, 2001.

PEYGHAMBARZADEH Zeynab, « Enquêter sur la relation entre les revendications du mouvement féministe et le mouvement LGBTQ en Iran » (en persan), Journal de Azadye Andisheh (La liberté de pensée), 7, 2019.

PORTES Alejandro, ZHOU Min, « En route vers les sommets : perspectives sur la question des minorités ethniques », Revue européenne des migrations internationales, 8, 1, 1992, pp. 171-192.

POVEY Elaheh Rostami, « Feminist contestations of institutional domains in Iran », Feminist Review, 69, 1, 2001, pp.  44-72.

POVEY Tara, ROSTAMI-POVEY Elaheh (dir.), Women, Power and Politics in 21st Century Iran, Farnham, Ashgate Publishing, 2013.

RAZAVI Seyed Abbas, « Le rôle des universitaires dans la lutte contre le séparatisme dans l’histoire contemporaine » (en persan), Hovza : L’écho de l’intellectuel théologique, 30, 169-168, 2013, pp. 85-160.

ROSTAMPOUR Somayeh, « Clivages ethniques au sein du mouvement protestataire iranien : À l’encontre du mythe “Une nation, Un État” », Multitudes, 2, 2021, pp. 112-119.

SADEGHI Rasoul, ABBASI-SHAVAZI Mohammad Jalal, FARASH Noureddin, « Ethnicité, ethnocentrism et fécondité : une étude de l’impact des dimensions et des niveaux d’ethnicité sur les préférences et les comportements reproductifs des femmes kurdes et turques à Mako » (en persan), Journal iranien d’études sociales, 12, 3, 2018, pp. 80-101.

SAMEH Catherine, « Discourses of equality, rights and Islam in the one million signatures campaign in Iran », International Feminist Journal of Politics, 12, 3-4, 2010, pp. 444-463.

SHAHROKNI Nazanin, Women in place: The politics of gender segregation in Iran, Berkeley, University of California Press, 2019.

SHOJAEE Mansoureh, « Les efforts des femmes pour mettre fin à la violence dans la région et la question électorale » (en persan), L’École féministe, 2015, URL : https://www.facebook.com/FeministSchool/posts/10153308526360975:0.

SHOJAEE Mansoureh, « Campagne pour changer le visage masculin du parlement, une tentative de ramener le changement dans la vraie vie » (en persan), L’École féministe, 2016, URL : https://www.facebook.com/FeministSchool/posts/10153414073035975:0.

SIKAND Yoginder, « Understanding Islamic Feminism: Interview With Ziba Mir-Hosseini », Countercurrents, 2010, URL : https://www.countercurrents.org/sikand070210.htm.

SIMON Pierre-Jean, « Ethnisme et racisme ou “l’école de 1492” », Cahiers internationaux de sociologie, 48, 1970, pp. 119-152.

SIMON Pierre-Jean, « Le sociologue et les minorités : connaissance et idéologie », Sociologie et sociétés, 15, 2, 1983, pp. 9-23.

SMITH Anthony D, Ethno-symbolism and Nationalism: A Cultural Approach, New York, Routledge, 2009.

STANFIELD Gareth, SHAREEF Mohammed (éd.), The Kurdish question revisited, Oxford, Oxford University Press, 2017.

TAFSIRI Fahimeh, « Les femmes kurdes et la séparation avec l’Iran » (en persan), L’École féministe, 2012, URL : http://www.feministschool.com/spip.php?article7141.

TALEBI Abu Trab, ALIZADEH Sajjad, « Comprendre les expériences de discrimination et d’inégalité ethnique dans les universités iraniennes : une étude de cas sur les Turcs et les Kurdes » (en persan), Bulletin trimestriel des sciences sociales, 26, 87, 2019, pp. 59-92.

TASDEMIR Salima, The Feminization of Pro-Kurdish Party Politics in Turkey: The Role of Women Activists, thèse en études kurdes, université d’Exeter, Royaume-Uni, 2013.

TOFIGH Ebrahim, « Société transitionnelle et discours postcolonial : une réflexion sur la crise des sciences sociales en Iran » (en persan), Journal iranien des sciences sociales, 12, 1-2, 2011, pp. 3-39.

TOHIDI Nayereh, « Islamic feminism: Perils and promises », Middle Eastern Women on the move, 2003, pp. 135-146.

TOHIDI Nayereh, « Women’s rights and feminist movements in Iran », Sur – International Journal on Human Rights, 24, 13, 2016.

TOHIDI Nayereh, « The Women’s Movement and Feminism in Iran: Revisiting a “Glocal” Perspective », in BASU Amrita, Women’s movements in the global era: The power of local feminisms, Londres, Hachette UK, 2018.

VALLI Abbas, Kurds and the state in Iran: The making of Kurdish identity, Londres / New York, Bloomsbury Publishing, 2014.

VAZIRI Mostafa, Iran as imagined nation, Gorgias Press, Piscataway, 2013.

VOUTAT Bernard, KNUESEL René, « La question des minorités. Une perspective de sociologie politique », Politix. Revue des sciences sociales du politique, 10, 38, 1997, pp. 136-149.

YAGHOUBIAN David N, Ethnicity, identity, and the development of nationalism in Iran, Syracuse, Syracuse University Press, 2014.

YUKSEL Metin, « The encounter of Kurdish women with nationalism in Turkey », Middle Eastern Studies, 42, 5, 2006, pp. 777-802.

YUVAL-DAVIS Nira, The politics of belonging: Intersectional contestations, Londres, Sage, 2011.

ZAVELLA Patricia, The movement for reproductive justice: Empowering women of color through social activism, vol. 5, New York, New York University Press, 2020.

Haut de page

Notes

1 La campagne Un million de signatures a été lancée dans l’objectif de récolter, via une pétition réclamant des droits égaux pour les femmes et les hommes devant la loi, un million de signatures en faisant du porte-à-porte, en organisant des réunions, en fréquentant des meetings religieux ou encore en diffusant le texte sur Internet.

2 Il s’agit à la fois d’un forum et d’un site/journal auquel des acteurs ont participé en publiant des articles politiques ou des recherches et parfois des actualités. L’École se donne pour objectif de diffuser des outils conceptuels et des pratiques politiques et savantes pour l’élaboration d’une stratégie au mouvement des femmes en Iran. Les principaux membres de ce forum étaient celles et ceux qui ont joué un rôle important dans l’établissement et la promotion de la campagne Un million de signatures. Dans la suite du mouvement, vers 2009, cependant, de nombreux membres fondateurs de L’École féministe ont été contraints de quitter l’Iran, poursuivant leur travail et leur contribution dans la diaspora.

3 Reza Shah est l’empereur de Perse (Iran) de 1925 à 1941 et le fondateur de la dynastie Pahlavi.

4 Si Jafar Pishevari, le président de la République de Tabriz, a réussi à fuir en URSS, Qazi Muhammad et presque tous ses collaborateurs sont arrêtés et accusés de « haute trahison », puis pendus le 31 mars 1947.

5 Voir parmi d’autres : Razavi, 2013.

6 Il s’agit à la fois d’institutions financées par l’État et de groupes et d’organisations civiles principalement basés dans les grandes villes du centre de l’Iran.

7 Parmi de nombreux autres textes employant cette approche, voir : Sadeghi, Abbasi-Shavazi et Farash, 2018 ; Elahi Nejad Ezzat et Rahbarnia, 2015.

8 Voir les articles de Journal mensuel de « Motale’ate Rahbordie Zanan » (des études stratégiques des femmes) & « Showraye Farhangi Ejtema’ie Zanan v Khanevade » (Conseil socioculturel des femmes et de la famille), édition « Showraye Alie Enghelabe Farhangi » (Conseil suprême de la révolution culturelle), archives de 1998 à 2009. Par exemple : Eqbali et Parsania, 2020 ; Davarpanah, 2020.

9 Les premières se concentrent notamment sur l’interprétation du Coran (tafsir) et la réflexion sur la jurisprudence islamique (fiqh) de femmes et d’hommes faisant valoir les droits conférés aux femmes par l’islam, et les deuxièmes s’inspirent souvent des modèles occidentaux faisant référence aux chartes et conventions internationales. Par exemple voir : Abdallah, 2010.

10 Ce mouvement est un soulèvement national postélectoral dominé par une vision réformiste qui « a conduit islamistes et laïques, voire monarchistes, à dialoguer et à coopérer dans le sillage de la Campagne un million de signatures », selon Fariba Adelkhah (2011, 184). Le pouvoir fut accusé de fraude électorale pour garder au pouvoir le conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

11 Fariba Adelkhah parle de laïcité, mais je préfère utiliser le terme de sécularisme qui en s’appuyant sur une neutralité non discriminatoire de la puissance publique revendique un détachement de l’ordre religieux et politique et l’affranchissement de l’obligation de faire référence à une appartenance religieuse dans l’espace public. Cette deuxième notion correspond mieux au contexte iranien.

12 Noushin Ahmadi Khorasani est militante, journaliste, écrivaine ainsi que fondatrice et rédactrice en chef du site École féministe, l’un des piliers et l’une des figures emblématiques des mouvements de défense des droits des femmes en Iran. Elle est également l’une des fondatrices de la campagne Un million de signatures. Elle a été arrêtée à plusieurs reprises et condamnée à un an de prison avec sursis en 2012. Elle a publié une vingtaine de livres et des centaines d’articles.

13 « Réponses aux questions fréquemment posées sur la Campagne Un million de Signatures », L’École féministe, URL : http://www.feministschool.com/campaign/spip.php?article1 (consulté le 15 octobre 2020).

14 À titre d’exemple, on peut citer l’arrestation et la torture de militants civils ou leur licenciement illégal du travail dans ces régions. Or les mesures extra-légales de l’État et leurs causes et conséquences pour les femmes appartenant à des minorités ont rarement été prises en compte dans l’analyse de féministes majoritaires.

15 « Rencontre intime de quelques membres de la campagne de différentes villes d’Iran : Malgré tous les problèmes, il n’y a pas d’autre moyen que de continuer et d’étendre la campagne », publié sur le journal en ligne de l’École féministe, DOI : http://www.feministschool.com/campaign/spip.php?article36 (consulté le 22 septembre 2020).

16 « Les questions inévitables du mouvement des femmes iraniennes », programme-débat sur BBC Persian, 2013, URL : https://www.youtube.com/watch?v=V0vGp3Hc6B4 (consulté le 11 mai 2020).

17 Dans le contexte français, le terme qoumgraee, littéralement « ethnocentrique », correspond à l’idée de « communautariste » telle qu’elle est employée dans le champ politique dominant. Nous avons donc opté pour cette traduction.

18 À cet égard, voir les liens suivants : https://www.emma.de/artikel/iran-die-betrogenen-264297, https://www.tribunezamaneh.com/archives/115488, https://jahanezan.wordpress.com/2011/07/24/shab-77/.

19 Par exemple, voir cette déclaration des féministes kurdes en 2016 : https://www.bbc.com/persian/iran-37543598.

20 En mai 2009, sept militantes ont été arrêtées dans la ville de Marivan à cause de leurs activités contre la violence faite aux femmes. Voir : http://kurdistanhumanrights.net/fa/?p=8809.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Somayeh Rostampour, « Hiérarchies au sein des mouvements féministes en Iran. Marginalisation des femmes des minorités ethniques dans la production féministe académique et militante »Genre, sexualité & société [En ligne], Hors-série n° 4 | 2023, mis en ligne le 02 mai 2023, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gss/7901 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/gss.7901

Haut de page

Auteur

Somayeh Rostampour

CRESPPA-GTM, CNRS / université Paris 8 / université Paris Nanterre
rostampour.soma@gmail.com

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search