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Dossier

« Délectable Lecter » : réification et (homo-)érotisation des corps masculins dans la série télévisée Hannibal

Hélène Breda

Résumés

Cet article propose d’analyser la manière dont la série télévisée américaine Hannibal (NBC, 2013-2015) représente les corps de ses principaux personnages masculins. Nous formulons l’hypothèse que ce programme remet en question les normes de représentation genrée « traditionnelles », grâce à un processus de réification, et à une (homo-)érotisation de ces corps. Pour le montrer, nous étudierons tout d’abord les différentes techniques, formelles et narratives, ainsi que les choix esthétiques qui transforment les protagonistes en « hommes-objets ». Puis nous aborderons la question de leur érotisation, en montrant que la série a recours à des techniques filmiques habituellement réservées aux personnages féminins, pour faire des protagonistes masculins des objets de désir. Enfin, nous nous poserons la question des points de vue, en montrant que l’œuvre opère un renversement de la notion de male gaze (regard masculin), au profit d’un female gaze et d’un gay gaze.

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Texte intégral

  • 1 Black Sunday, Thomas Harris, 1975. Lecter y apparaît seulement en tant que personnage secondaire.

1En 2013, une nouvelle version de l’histoire du psychiatre-cannibale Hannibal Lecter, né sous la plume de l’écrivain Thomas Harris en 1981, a vu le jour aux États-Unis. Après avoir fait l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques, c’est sur le petit écran que le célèbre meurtrier s’est trouvé doté de son dernier avatar, sous les traits du comédien danois Mads Mikkelsen. Créée par Bryan Fuller, la série Hannibal (NBC, 2013-2015) déploie sa diégèse en amont des événements racontés dans le premier roman de Harris1 : elle en est à la fois le prequel et le reboot, puisqu’elle transpose de nos jours son univers et ses personnages-clés. Elle relate la rencontre entre Lecter et Will Graham (ici interprété par Hugh Dancy), un consultant pour le FBI, que le psychiatre aidera dans ses enquêtes tout en devenant son thérapeute – et son ami.

  • 2 Voir par exemple l’interview réalisée par le site français Daily Mars en juin 2015, dans laquelle F (...)

2L’une des spécificités d’Hannibal est le traitement que la série réserve à l’anatomie masculine, et, sur le plan narratif, le fait que les interactions entre protagonistes se teintent d’une coloration homo-érotique. L’homosexualité revendiquée de Fuller n’y est sans doute pas étrangère. Il serait bien sûr erroné et réducteur d’envisager une analyse fondée sur un argument biographique ; en revanche, il apparaît dans les entretiens accordés par le showrunner que l’homo-érotisme est à ses yeux une composante essentielle de sa série, voire une manière de s’approprier l’œuvre de Thomas Harris2. De fait, si les principaux rôles masculins sont hétérosexuels sur le papier, l’œuvre télévisuelle parvient à semer le trouble quant à leur orientation. Ce faisant, elle bouscule les normes hétérocentrées qui régissent encore à l’heure actuelle la majeure partie de la production audiovisuelle étatsunienne.

3Cet article tentera d’examiner la manière dont se manifeste cette subversion des normes, en partant du postulat que la série de Fuller questionne la représentation d’une masculinité hégémonique et hétéronormée grâce à la mise en place d’un processus double. Il s’agira tout d’abord d’expliquer comment Hannibal opère une réification de certains corps masculins, puis de montrer en quoi une telle objectification participe d’une (homo-)érotisation de ces corps. Enfin nous montrerons comment ce bouleversement des normes de représentation implique un renversement de la « distribution genrée » traditionnelle des regards et des points de vue, à la fois dans la diégèse et au niveau de la réception de l’œuvre.

Réification des corps masculins dans Hannibal

  • 3 « Historically, there has always been a certain imbrications of the cinematic image and the represe (...)

4Une multitude de choix de mise en scène concourt à opérer une réification des corps dans la série de Bryan Fuller, c’est-à-dire un traitement de l’anatomie des personnages – en l’occurrence masculins – permettant de les assimiler à des objets plutôt qu’à des sujets. La notion de « réification », prise dans une perspective d’études de genre, renvoie à une longue tradition d’analyse des rôles sociaux de sexe en tant qu’ils sont structurés par une dissymétrie doublée d’un rapport de domination. Simone de Beauvoir (1976 [1949] : 242) identifie la femme comme « l’Autre, étant posé comme objet aux yeux du sujet ». Cette répartition inégale et asymétrique des rôles genrés trouve son prolongement dans la façon dont sont appréhendés les corps féminins et leurs représentations visuelles. Ainsi que l’explique Daniela Roventa-Frumusani (2009 : 70), « le processus d’objectification du corps féminin est une construction sociale qui consiste dans la transformation d’une personne en l’objet du regard dominateur ». Les innombrables images réservant un tel traitement aux corps féminins contribuent à maintenir et à renforcer les stéréotypes genrés et les comportements discriminatoires qui s’en nourrissent (Roventa-Frumusani, 2009 : 70). C’est le cas dans le domaine de la publicité, mais également de la fiction cinématographique et télévisuelle, où la dissymétrie genrée est renforcée par le traitement narratif différentiel des personnages masculins et féminins. Traditionnellement, au cinéma et dans les fictions télévisuelles, les personnages masculins sont actifs, sujets des histoires, et montrés de manière à susciter l’identification du spectateur masculin hétérosexuel. Parallèlement à cela, très souvent, les figures féminines sont présentées avant tout comme objets de désir, sans disposer du même pouvoir d’action que les hommes. Mary Ann Doane (1991 : 19) explique que « d’un point de vue historique, il y a toujours eu une certaine imbrication de l’image cinématographique et de la représentation de la femme. La relation de la femme à la caméra et au régime scopique est assez différente de celle de l’homme »3

5Bien entendu, il ne s’agit pas d’une règle immuable et il est aisé de trouver des exemples de personnages féminins actifs. En contrepoint, les figures d’« hommes-objets » cinématographiques ne sont pas rares, au point qu’un ouvrage abondamment illustré leur a été consacré ; les auteurs y constatent que, malgré la tendance dominante, « l’homme-objet est bien un lieu commun cinématographique dont les attraits reposent sur la diversité de ses incarnations et sur le plaisir que chacun ressent à éprouver sa propre sensibilité érotique et à explorer son identité sexuelle » (Jullier et Leveratto, 2009 : 119).

6Il ne s’agira dont pas tant de considérer Hannibal comme un exemple unique et isolé que de se demander où se situe cette œuvre singulière, et comment elle « navigue » entre une tendance dominante et des contre-modèles qui lui sont antérieurs ou contemporains. Par souci de concision et de clarté, j’ai fait le choix de me centrer sur les personnages principaux qui me semblaient les plus pertinents à analyser : Hannibal Lecter et Francis Dolarhyde (Richard Armitage), le meurtrier sévissant dans le dernier arc narratif de la série, au moment où celle-ci rejoint les romans de Harris pour réécrire l’intrigue de Dragon rouge. Ma démarche, du reste, ne saurait faire l’économie d’une prise en compte du personnage de Will Graham, dont toutes les interactions avec Lecter sont imprégnées d’un sous-texte homo-érotique structurant pour l’ensemble de l’œuvre.

  • 4 Cette opposition fait écho à celle, tout aussi structurante, entre Will et Hannibal : le second inc (...)
  • 5 L’un des exemples les plus évidents est la mise en scène consécutive au meurtre de Beverly Katz, ra (...)
  • 6 En étant par exemple transformés en ruches (Takiawaze, S02xE04).

7Dans la série de Fuller, la réification des corps s’articule au rapport que ceux-ci entretiennent avec l’Art. Hannibal interroge en permanence la tension dialogique entre Nature et Culture4. Les meurtres commis sont, pour la majorité, extrêmement esthétisés et font référence de manière plus ou moins explicite à des œuvres ou à des courants artistiques5 – tandis qu’à l’inverse, d’autres tendent du côté d’un « retour » à la Nature6. Or, cette esthétisation va également s’appliquer aux corps masculins des protagonistes de la série, qui pourront, en certaines circonstances, être eux aussi mis en valeur comme des œuvres d’art.

8Des éléments de décor, comme des embrasures de portes, pourront être assimilés à des cadres dans lesquels le corps d’un personnage est mis en exergue. C’est régulièrement le cas pour Hannibal, lorsqu’il ouvre la porte de son bureau pour accueillir des visiteurs. Dans l’épisode Amuse-bouche [S01xE02] par exemple, Hannibal reçoit en rendez-vous la journaliste Freddie Lounds (Lara Jean Chorostecki) ; lorsqu’il ouvre la porte qui sépare son cabinet de la salle d’attente, sa silhouette se découpe nettement entre les lignes verticales des montants de bois à sa droite et à sa gauche, et la ligne horizontale de la mezzanine située en arrière-plan. Les couleurs de son costume bleu et du mur rouge derrière lui, contrastent vivement avec les cloisons beiges de l’antichambre et l’ensemble du décor est stylisé de telle manière que l’impression de se trouver face à un portrait peint est renforcée.

Lorsqu’Hannibal accueille Freddie Lounds dans son cabinet, le « cadre dans le cadre » et les contrastes chromatiques donnent le sentiment de se trouver face à un portrait peint. (Amuse-bouche)

Lorsqu’Hannibal accueille Freddie Lounds dans son cabinet, le « cadre dans le cadre » et les contrastes chromatiques donnent le sentiment de se trouver face à un portrait peint. (Amuse-bouche)

9D’autres effets stylistiques, tel le flou entourant les visages de Will et Hannibal dans une séquence de l’épisode Tome-wan [S02xE12], confèrent aux scènes une abstraction qui participe de la sublimation des figures représentées.

10Paroxysme de la « réification artistique » de l’anatomie masculine dans Hannibal : un corps particulier pourra être considéré comme une « œuvre vivante », non – ou du moins pas seulement – en raison de choix formels qui caractériseraient la manière dont il est filmé, mais parce qu’il s’offre à la fois comme « toile » et comme « écran ». On retrouve ici une « tradition aristocratique du corps considéré comme un support (pour y accrocher des vêtements) ou une toile (à peindre) » (Jullier et Leveratto, 2009 : 19). Il s’agit de celui de Francis Dolarhyde, meurtrier qui s’est lui-même rebaptisé le « Grand Dragon Rouge ». L’arc narratif qui lui est consacré est développé dans la seconde moitié de la troisième saison. Ce personnage, obsédé par une série d’aquarelles de William Blake représentant le Diable, s’est fait tatouer le motif de l’une d’entre elles sur l’ensemble du dos, de sorte que sa peau est devenue le support d’une œuvre artistique au sens propre.

Rime visuelle entre l’œuvre de Blake et sa reproduction tatouée sur le dos de Dolarhyde. (The Great Red Dragon, S03xE08)

Rime visuelle entre l’œuvre de Blake et sa reproduction tatouée sur le dos de Dolarhyde. (The Great Red Dragon, S03xE08)
  • 7 Do you want to know what I am ?
  • 8 Le Sixième Sens, Michael Mann, 1986.
  • 9 Dans le roman et dans les adaptations cinématographiques, c’est Lounds, et non Chilton, qui est séq (...)
  • 10 Dragon Rouge, Brett Ratner, 2002.
  • 11 Do you know who I am ?
  • 12 Do you want to know what I am ?

11Au cours de l’épisode The Number of the Beast is 666… [S03xE12], Dolarhyde retient prisonnier le psychiatre Frederick Chilton (Raúl Esparza), auquel il demande : « Voulez-vous savoir ce que je suis ? »7 – et non « qui je suis ? ». La formulation choisie par le personnage entérine le postulat selon lequel il doit être considéré comme une « chose » plutôt que comme un individu. À titre comparatif, dans la première adaptation cinématographique du roman de Harris, Manhunter8, le meurtrier (interprété par Tom Noonan) demande à son prisonnier9 s’il sait qui il est, et non quoi. Dans le Red Dragon10 de 2002, Dolarhyde (Ralph Fiennes) demande d’abord « Savez-vous qui je suis ? »11, puis, au cours de la même scène, « Voulez-vous savoir ce que je suis ?12. Toutefois, à la différence de la série, son corps n’est pas esthétisé par les choix de mise en scène d’une manière qui puisse permettre de l’assimiler à une œuvre d’art.

  • 13 Look ! Do you see, now ?
  • 14 My becoming.
  • 15 Is this art ?
  • 16 Dans Manhunter, Dragon Rouge ne dévoile son dos à aucun moment, et on ignore s’il est tatoué.

12Dans la version de Fuller, lorsque Chilton acquiesce, Dolarhyde, en guise de réponse, projette devant lui une diapositive de l’une des aquarelles de Blake, The Great Red Dragon and the Woman Clothed with the Sun, intimant à son captif : « Regardez ! Voyez-vous, à présent ? »13. Après avoir fait défiler plusieurs photographies en rapport avec les crimes qu’il a commis, le meurtrier évoque sa « transformation »14 et interroge à nouveau Chilton : « Est-ce de l’art ? »15, avant de projeter une autre peinture de la même série, The Great Red Dragon and the Woman Clothed in Sun. Quelques instants plus tard, le personnage retire le peignoir dont il était vêtu et se place devant l’écran, de sorte que l’image est projetée directement sur son dos, « fusionnant » avec son double tatoué. En cela, la séquence diffère de celle du film de Ratner, où le tueur dévoile d’abord son dos dans la lumière, puis fait défiler les diapositives après s’être rhabillé16.

  • 17 You owe me awe !

13Dans la série, Dolarhyde s’exclame au même moment : « Vous me devez admiration ! »17 ; si cette phrase est également présente dans le film de 2002, Dragon Rouge ne la prononce pas au moment où il s’exhibe devant son prisonnier. C’est sa « transformation » ontologique (permise par ses meurtres), et non son corps, qui doit être admirée.

Le tatouage de Dolarhyde « fusionne » avec son double projeté, transformant le personnage en objet d’art vivant. (The Number of the Beast is 666…)

Le tatouage de Dolarhyde « fusionne » avec son double projeté, transformant le personnage en objet d’art vivant. (The Number of the Beast is 666…)

14Chez Fuller, l’ensemble de la scène confirme que cette figure masculine particulière revendique sa nature d’œuvre d’art et peut être envisagée comme un objet qui a subi une transformation pour devenir le support d’une peinture dont il n’est pas l’auteur.

  • 18 ABC, 2007-2008.

15Le corps d’Hannibal peut lui aussi être appréhendé comme un « support » (Jullier et Leveratto, 2009 : 19) : celui des tenues qu’il arbore, lesquelles dévoient la traditionnelle dichotomie sexuée opposant hommes-sujets et femmes-objets destinées au « plaisir des yeux ». Les costumes du psychiatre-cannibale, de par leur coupe ajustée, leurs motifs et associations de couleurs, évoquent le dandysme, courant vestimentaire qui est associé à une forme d’efféminement. Sans se parer d’attributs explicitement féminins, Hannibal joue avec ces codes vestimentaires genrés, arborant notamment des cravates et des pochettes aux teintes vives et ornées de motifs floraux baroques. La composition de sa garde-robe renvoie à l’esthétique camp chère à Bryan Fuller, déjà présente dans certaines de ses œuvres antérieures, comme Pushing Daisies18 (Farr, 2011 : 144). Ainsi vêtu, Lecter affiche un désir de plaire, d’être regardé avec admiration, qui contribue à un processus de réification corporelle habituellement réservé aux femmes.

16Une tenue particulière renforce encore davantage le sentiment que le corps de Lecter est un objet : la combinaison de plastique entièrement transparente que revêt le personnage lorsqu’il commet ses meurtres. Cet attirail étrange évoque le conditionnement des jouets vendus dans le commerce, notamment poupées et figurines, impression appuyée par le fait qu’Hannibal porte toujours, en-dessous, les costumes de dandy précédemment évoqués. Ce détail supplémentaire permet de voir en ce personnage un « homme-objet », y compris dans des scènes où il contrôle l’action.

17De fait, si certains indices permettent d’assimiler les personnages masculins principaux à des objets, ceux-ci n’en restent pas moins sujets dans les scènes décrites, que ce soit Dolarhyde lorsqu’il retient Chilton prisonnier, ou Hannibal qui revêt sa combinaison pour perpétrer des meurtres. De tels cas de figure contribuent davantage à semer le trouble qu’à véritablement renverser la dichotomie genrée qui structure les rôles traditionnels.

18En contrepoint, les corps masculins sont très fréquemment montrés dans des situations de contrainte physique et d’immobilisation, sans que les personnages féminins de la série ne reçoivent de traitement semblable, du moins pas de manière aussi systématique. Le genre thriller auquel est rattachée la série Hannibal et les scénarios dans lesquels des personnages en capturent et en torturent d’autres, justifient le recours intensif à des scènes d’emprisonnement et d’assujettissement. Plus précisément, les protagonistes subissaient de tels traitements dans deux types de situations. Outre les scènes de captivité déjà évoquées, l’un des thèmes prépondérants de la série est la folie et, corrélativement, la psychiatrie. Partant, des séquences où des personnages sont sanglés parce que jugés fous feront écho à celles où certains d’entre eux ont été enlevés et ligotés par des psychopathes.

19Au cours des trois saisons, tous les protagonistes sont, en une ou plusieurs occasions, placés dans des situations où ils sont privés de leur liberté de mouvement et à la merci d’autres personnages, au gré de nombreux renversements dans les rapports de force. En certaines occurrences, des détails iconographiques évoqueront explicitement l’imagerie sadomasochiste.

  • 19 À la fin de la première saison, Will Graham a été accusé des meurtres commis par Hannibal ; durant (...)

20Bien qu’il soit lui-même un serial killer dangereux, Hannibal se retrouve fréquemment assujetti de la sorte à d’autres personnages. Dans Mukōzuke [S02xE05], il est capturé par Matthew Brown (Jonathan Tucker), un aide-soignant de la clinique psychiatrique où Will a été interné19. Il est alors attaché dans une posture christique, les bras ligotés à un bâton perpendiculairement à son corps ; une corde accrochée au plafond est passée à son cou, et ses pieds reposent en équilibre sur un seau renversé. Le personnage, qui se réveille d’une anesthésie causée par une fléchette hypodermique, se trouve dans une situation d’impuissance totale.

Hannibal est retenu prisonnier par Brown, dans une scène qui emprunte à l’esthétique sadomasochiste. (Mukōzuke)

Hannibal est retenu prisonnier par Brown, dans une scène qui emprunte à l’esthétique sadomasochiste. (Mukōzuke)

21Des cas similaires émaillent la troisième saison. Ainsi, dans Digestivo [S03xE07], l’emprisonnement d’Hannibal et Will par le milliardaire Mason Verger (Michael Pitt) donne prétexte à une succession de tortures et d’humiliations. Une scène montre Lecter attaché à genoux, tête proche du sol et entièrement nu, dans un enclos. Les cages qui l’entourent sont occupées par des cochons ; une telle configuration met plus que jamais en exergue la déshumanisation du personnage en pareilles circonstances.

Nu et ligoté, Hannibal est déshumanisé par Mason Verger. (Digestivo)

Nu et ligoté, Hannibal est déshumanisé par Mason Verger. (Digestivo)

22Dans d’autres épisodes, ce sont les dispositifs destinés à contraindre les forcenés en clinique psychiatrique, tels les camisoles de force, qui participeront de la réification des protagonistes.

23Hannibal déploie une série de procédés qui concourent à représenter les corps masculins comme des objets plutôt que des sujets, en dépit de leur pouvoir d’action. Cette objectification permet, à certains égards, la remise en question des normes de masculinité hégémonique et hétéronormée. Il serait toutefois hâtif de conclure qu’une telle réification traduit un simple renversement du diptyque classique homme sujet agissant / femme objet subissant. Les scènes d’emprisonnement et de contention, par exemple, s’ancrent dans une tradition du cinéma d’action où des héros se retrouvent dans des postures similaires, ce qui offre un prétexte pour exhiber leur corps déshabillé, sans que leur virilité soit mise en péril pour autant (Jullier et Leveratto, 2009 : 13).

24C’est l’érotisation peu conventionnelle de ces corps réifiés, servie par des choix de mise en scène spécifiques, qui confirmera qu’Hannibal dissout les repères hétéronormatifs traditionnels.

(Homo-)érotisation des corps masculins

25L’analyse filmique des épisodes d’Hannibal révèle que les corps des protagonistes sont érotisés et sublimés par différents procédés techniques, et reçoivent un traitement cinématographique habituellement réservé aux corps féminins.

26Les mouvements de caméra, tout d’abord, semblent souvent avoir vocation à susciter le désir pour les principaux personnages masculins : très fréquemment, le recours à des travellings permet une présentation progressive de leurs corps, créant un effet d’attente. Traditionnellement, dans les films hollywoodiens classiques en particulier, ce sont les stars féminines qui constituent autant d’« objets » érotiques dévoilés petit à petit au regard du public.

  • 20 Épisode Apéritif, S01xE01.

27La première apparition d’Hannibal Lecter dans le pilote de la série20 donne lieu à un traitement attisant l’attente spectatorielle – attente nourrie par le désir de découvrir, dans ce reboot, le nouvel avatar d’un personnage célèbre de la culture populaire. Dans la scène qui le révèle, son corps est épousé par un travelling vertical fluide, remontant vers son visage en suivant sa main tandis que le personnage, avec la gestuelle maniérée qui le caractérise, porte un aliment à sa bouche délicatement. Des scènes ultérieures usent du même procédé, la caméra remontant par exemple le long de son bras pour révéler son visage endormi lors d’une scène dans un hôpital. L’ensemble de la série recourt à ce filmage « caressant » ou « englobant », qui contribue à érotiser les corps masculins qui en font l’objet.

28Les choix concernant l’échelle des plans et leur découpage participent tout autant de cette sublimation érotique de l’anatomie masculine. En de très nombreuses occurrences, un personnage d’homme sera montré à travers une succession de gros plans centrés sur différentes parties de son anatomie – qu’il soit vêtu ou non. C’est très souvent le cas dans les séquences où Hannibal est montré en train de cuisiner ; ainsi, dans un passage à la fin de l’épisode Sorbet [S01xE07], seront cadrés en gros plan son visage tout d’abord, puis ses mains sous de nombreux angles distincts tandis qu’il accomplit les différentes actions nécessaires à la réalisation de sa recette. Plusieurs inserts nous ramènent à son visage, tantôt concentré sur sa tâche, regard baissé, tantôt dégustant un verre de vin.

29Un autre exemple probant est celui du traitement réservé au corps de Francis Dolarhyde lorsqu’il est introduit dans la série. La première séquence de The Great Red Dragon [S03xE08] débute par un très gros plan sur sa main, dont la caméra s’éloigne lentement pour révéler son visage ; s’ensuit un autre gros plan sur sa main droite, isolée comme le détail d’un tableau. Mais c’est la séquence suivante qui opère un véritable découpage de son anatomie, alors que le personnage réalise des exercices d’assouplissement et de musculation, uniquement vêtu d’un caleçon. Sont successivement montrés son pied, en appui sur ses orteils, sa cuisse et ses hanches, puis son corps entier, dont on comprend qu’il adopte une posture de yoga. Les plans consécutifs vont révéler, à la faveur d’un montage cut, les différentes positions adoptées par Dolarhyde, en montrant tantôt son corps entier, tantôt des fragments en gros plan. L’accent est mis sur la musculature du personnage, et sur les mouvements étranges, empreints d’animalité, qu’il réalise.

Le corps de Dolarhyde, presque nu, est exhibé sous tous les angles. (The Great Red Dragon)

Le corps de Dolarhyde, presque nu, est exhibé sous tous les angles. (The Great Red Dragon)

30Ici encore, la différence de traitement avec les adaptations cinématographiques de Red Dragon est frappante. Dans Manhunter, aucune scène ne présente l’entraînement de Dolarhyde, qui apparaît pour la première fois lorsqu’il kidnappe Lounds. Dans la version de 2002, le personnage fait de la musculation, mais la caméra évite consciencieusement son corps à ce moment-là : elle explore la maison dans laquelle il se trouve, puis filme des haltères se levant et s’abaissant, pour atterrir enfin sur les mains du tueur… au moment où il interrompt sa séance.

31Cet effet de fragmentation participe tout à la fois de la réification (Roventa-Frumusani, 2009 : 70) et de l’érotisation (Mulvey, [1975] 1993 : 18) des corps ; or, un tel traitement est d’habitude réservé à l’anatomie féminine. Dans son texte fondateur « Plaisir visuel et cinéma narratif », Laura Mulvey explique que dans la majeure partie des films narratifs, ce sont les corps de femmes, en tant qu’objets érotiques, qui sont filmés de cette manière. Elle indique notamment que « les gros plans sur les jambes (Dietrich, par exemple) et le visage (Garbo) sont une convention qui intègre un mode différent d’érotisme au récit » (Mulvey, 1993 : 18). Si l’article de Mulvey a depuis fait l’objet de remises en question, dans le cas particulier d’Hannibal, la multiplication de gros plans sur différentes parties anatomiques peut faire naître un désir érotique, mais un tel « découpage » peut tout aussi bien susciter de l’effroi. Certes, le cadrage resserré sur telle ou telle partie d’un corps contribue à sa fétichisation (Roche, 2014 : 349). Mais dans le cas d’un film ou d’une série d’horreur – genre dont relève Hannibal –, cette fétichisation peut aussi bien avoir pour objet un corps entier que littéralement découpé (Clover, 1992 : 8). Ce choix formel évoque le désir de « consommer » le corps dont les morceaux sont offerts au regard (Roche, 2014 : 349), le verbe pouvant être pris dans une acception à la fois sexuelle et alimentaire. À ce titre comme pour le reste, la série de Fuller se joue des codes genrés, puisque traditionnellement, dans les films d’horreur, les victimes sont des personnages féminins passifs offerts en pâture aux personnages masculins qui les fétichisent et tentent de les « consommer ».

32Ce détournement des « codes » trouve son prolongement dans la dissymétrie qu’entretient la série entre le traitement visuel des protagonistes masculins et féminins. Les procédés mis en œuvre dans Hannibal pour réifier et érotiser les corps de certains hommes ne trouvent pas d’équivalent du côté des personnages de femmes. Certes, la série compte quelques protagonistes féminines en parfaite adéquation avec les normes de beauté occidentale actuelles, telles Alana Bloom (Caroline Dhavernas), Bedelia du Maurier (Gillian Anderson) ou encore Margot Verger (Katharine Isabelle). Celles-ci, cependant, ne sauraient être considérées comme des « objets de désir » au même titre qu’Hannibal ou Dolarhyde, en dépit de certains artifices dont elles sont parées – notamment leurs garde-robes inspirées des années 1940.

  • 21 Lors des scènes de thérapie où Hannibal est le thérapeute, face à des patients masculins, l’échelle (...)

33Lors de nombreux dialogues, les visages masculins font l’objet de gros plans ; or, dans des configurations de conversation entre un homme et une femme, fréquemment, l’échelle des plans varie lors du passage du champ au contre-champ, accentuant les moindres détails du visage de l’homme mis en scène, tandis que la femme qui lui fait face est cadrée de manière moins resserrée. Ainsi, dans une séquence de Savoureux [S01xE13] faisant intervenir Bedelia du Maurier et Hannibal, un mouvement de caméra « enveloppe » le visage de ce dernier, qui pleure, en gros plan ; le contre-champ sur sa thérapeute crée un décalage, du fait qu’elle n’est pas filmée de manière aussi rapprochée, aussi intime21. Au cours de la même scène, ce personnage féminin sera par la suite filmé en plan rapproché poitrine, tandis que le visage d’Hannibal bénéficie à nouveau de cadrages en gros plan. Ce choix formel, s’il n’est pas absolument systématique, est suffisamment récurrent pour renforcer la « dichotomie genrée inversée » à l’œuvre dans la série de Fuller.

Les différences d’échelle des plans sont flagrantes dans ce champ-contrechamp entre Hannibal et Bedelia. (Savoureux)

Les différences d’échelle des plans sont flagrantes dans ce champ-contrechamp entre Hannibal et Bedelia. (Savoureux)
  • 22 Bien que je n’en aie pas fait état ici, c’est également le cas pour Will en plusieurs occasions.

34L’asymétrie est également très marquée dans la représentation de la nudité des corps mis en scène. À travers les trois saisons, certains personnages masculins – Hannibal, Dolarhyde22 – sont montrés nus, ou seulement en sous-vêtements. Sans être totalement absente de la série, la nudité féminine y est beaucoup plus rare, et mise en scène d’une manière qui peut être qualifiée de plus « clinique » ou de plus anecdotique.

35En particulier, dans les scènes de sexe, les corps des personnages masculins sont très présents à l’écran, et montrés sous différents angles, tandis que ceux de leurs partenaires sont éludés : c’est notamment le cas lorsqu’Hannibal couche avec Alana Bloom dans l’épisode Su-zakana [S02xE08].

36Si l’ensemble de la série est doté d’un sous-texte homo-érotique masculin, la seule scène d’amour homosexuelle concerne le couple lesbien formé par Alana et Margot, dans l’épisode Dolce [S03xE06]. Or, quoique d’une grande beauté plastique, cette séquence neutralise largement l’érotisme de l’action en usant d’effets spéciaux qui donnent l’impression d’observer leurs corps dans un kaléidoscope : le résultat se situe quelque part entre la chorégraphie à la Busby Berkeley et le freak show

Tout érotisme est évacué de la scène de sexe lesbienne entre Alana et Margot. (Dolce)

Tout érotisme est évacué de la scène de sexe lesbienne entre Alana et Margot. (Dolce)

37La différence de traitement filmique entre corps masculins et féminins dans la série de Bryan Fuller soulève logiquement une question connexe : celle du point de vue.

Regards et points de vue

  • 23 Dans un passage des Trois essais sur la théorie sexuelle consacré au plaisir scopique (Schaulust, d (...)

38Si les corps de certains personnages sont construits comme objets par les choix de mise en scène et de filmage d’une œuvre, c’est pour être offerts à un regard désirant. Dans la plupart des productions audiovisuelles fictionnelles, ce regard est masculin et hétérocentré. Il s’agit du male gaze, théorisé par Laura Mulvey dans « Plaisir visuel et cinéma narratif » : elle y développe une approche psychanalytique du cinéma, en s’appuyant sur la notion de scopophilie, au sens freudien du terme23 (Freud, 1987 [1905] : 66-67). Mulvey y explique que « dans un monde gouverné par l’inégalité entre les sexes, le plaisir de regarder se partage entre l’homme, élément actif et la femme, élément passif. Le regard déterminant de l’homme projette ses fantasmes sur la figure féminine que l’on modèle en conséquence. […] Traditionnellement, on exhibe la femme à deux niveaux : comme objet érotique d’une part pour les personnages de l’histoire et d’autre part pour les spectateurs dans la salle, avec une tension entre les regards d’un côté et de l’autre de l’écran » (Mulvey, [1975] 1993 : 18).

  • 24 Notamment dans le texte « Afterthoughts on ‘Visual Pleasure and Narrative Cinema’ inspired by King (...)
  • 25 Par exemple dans un article du site Huffington Post datant du 22 novembre 2014, intitulé « Outlande (...)

39L’article originel de Mulvey date de 1975, et a depuis fait l’objet de moult remises en question, y compris de la part de l’auteure elle-même24. Bien que le male gaze régisse encore bon nombre d’œuvres filmiques, les exceptions se multiplient, notamment dans les séries télévisées. Buffy the Vampire Slayer (The WB puis UPN, 1997-2003) constitue un exemple canonique de renversement du male gaze au profit d’un rééquilibrage des rôles genrés, voire d’un female gaze (Jowett, 2005 : 156). Plus récemment, la série Outlander (Starz, 2014-en production) a pu être citée pour les mêmes raisons25.

40Bryan Fuller n’est donc pas un précurseur dans la mise en œuvre d’une subversion du male gaze hétéronormé. Le phénomène, cependant, reste assez marginal pour qu’on s’y attarde, en examinant la manière dont Hannibal favorise un female et un male gay gaze.

41L’analyse de différentes séquences nous confirme la présence d’une dissymétrie entre la manière dont les personnages féminins regardent les corps masculins, et celle dont les hommes, en retour, regardent les femmes, par exemple par la mise en parallèle de deux scènes extraites de l’épisode Antipasto [S03xE01]. Dans la première, Hannibal et Bedelia, qui ont fui ensemble en Europe, partagent une scène de relative intimité dans leur palais florentin, au retour d’un bal dans la haute société. Bedelia se prépare à faire sa toilette et Hannibal l’aide à ouvrir la fermeture de sa robe, révélant en gros plan le dos de sa complice. Ce passage est empreint de sensualité, mais l’homme se détourne rapidement. Un instant plus tard, Bedelia est assise sur le rebord de la baignoire, toujours vêtue de sa robe, et son dos dénudé révélé dans un miroir à l’arrière-plan, non loin de l’embrasure de porte où se tient Hannibal. Ils poursuivent leur conversation, mais un plan rapproché sur Hannibal permet de constater que ses yeux sont baissés vers le bord droit du cadre, selon un angle qui ne lui permet pas de regarder le dos nu de Bedelia pourtant offert à son regard.

42En contrepoint, dans le même épisode, une scène de flashback montre le moment où Bedelia a retrouvé Lecter dans un motel, avant sa fuite en Europe. Hannibal sort de la douche lorsqu’il se retrouve face à son ancienne thérapeute, laquelle est assise sur le lit de la petite chambre et pointe sur lui une arme à feu. Dans cette configuration, c’est donc Hannibal qui se trouve dénudé devant le docteur du Maurier ; or, tout au long de cette conversation, durant laquelle il se sèche avec une serviette sans faire montre d’une pudeur particulière, le regard de Bedelia reste braqué sur lui, sans ciller. Ce regard, associé au symbole phallique du revolver, est donc une inversion du male gaze traditionnel, puisque c’est ici le point de vue d’une « femme-sujet agissant » qui a une forme de pouvoir sur le corps d’un « homme-objet ».

  • 26 Lounds est devenue femme chez Bryan Fuller ; le personnage d’origine est masculin. C’est également (...)
  • 27 Le propos peut être nuancé si l’on prend en compte que Will a l’ascendant sur Freddie d’une autre m (...)

43Une autre séquence, bien antérieure, met en exergue le renversement du rapport de force genré dominant à travers la distribution des regards. Dans l’épisode de la première saison Amuse-bouche, la journaliste Freddie Lounds26 tente de prendre des photographies de Will Graham à son insu sur une scène de crime. Par souci de discrétion, elle ne tient pas son appareil devant son œil, mais au niveau de son entrejambe, et en active le zoom. L’objet devient de fait un attribut phallique, tout en gardant sa fonction première : capter des images. Le petit soupir que laisse échapper Freddie après avoir pris les clichés ajoute une connotation sexuelle supplémentaire à la scène. En conséquence, ici encore, le regard féminin actif sur un corps masculin « impuissant » – en l’occurrence, parce qu’il ignore être observé et photographié, ce qui rajoute à la scène une dimension voyeuriste – participe de l’inversion du rapport de pouvoir traditionnellement mis en place et maintenu par le male gaze27.

L’appareil photo phallique de Freddie Lounds. (Amuse-bouche)

L’appareil photo phallique de Freddie Lounds. (Amuse-bouche)

44Il serait pourtant erroné de penser que la série entière de Fuller est structurée par des « regards féminins actifs » portés sur les sujets masculins réifiés et érotisés. En réalité, le point de vue des principaux personnages féminins est le plus souvent évacué, au profit des regards d’autres hommes, dans des scènes dotées d’un sous-texte homo-érotique.

45La relation entre Will et Hannibal est imprégnée par cette homo-érotisation sous-jacente, bien que l’un et l’autre aient par ailleurs des liaisons hétérosexuelles ; l’ultime épisode de la série explicitera la nature homosexuelle de leur attirance réciproque. Avant que cela ne se produise, cependant, les regards que se portent les deux hommes sont marqués par une coloration homo-érotique. Les scènes de thérapie sont particulièrement propices à la mise en place de ce phénomène puisqu’ils se trouvent en tête-à-tête. Les choix formels opérés lors de telles scènes, et notamment les cadrages très serrés sur le visage des personnages, participent de la mise en place d’un gay gaze, qui a la particularité de fonctionner selon un principe de réciprocité : Hannibal et Will voient tous deux en l’autre un objet de désir, tout en étant eux-mêmes des objets offerts au regard de l’autre. Cependant, le désir d’Hannibal est parfois plus « actif » que celui de Will et manifeste ainsi un ascendant sur lui. Dans une séquence de Coquilles [S01xE05], les deux hommes sont présents dans le cabinet du psychiatre et ce dernier surplombe la pièce depuis sa mezzanine, ce qui lui confère une supériorité sur Graham : il l’observe depuis son promontoire, tandis que l’attention de Will est retenue ailleurs – lui-même n’accorde à Lecter que de rapides coups d’œil, ferme les yeux, cligne souvent. La fois suivante où les deux hommes se retrouvent en ces lieux, dans le même épisode, les yeux d’Hannibal restent fixés sur Will, alors que celui-ci arpente la pièce sans regarder son interlocuteur. Le dialogue se poursuit tandis que Graham tourne ostensiblement le dos à Lecter. Le médecin s’approche de lui, le scrute, et a un geste étrange trahissant son désir : il se penche sur Will pour le renifler. Cette dissymétrie dans la distribution des regards permet de comprendre qu’Hannibal a un plus grand contrôle que Will dans le rapport de séduction tacite qui les lie. Ce pouvoir de contrôle fait écho de celui qu’il exerce sur le reste du récit : Lecter est un tueur, passé maître dans l’art de la manipulation.

  • 28 Dans les épisodes Shiizakana [S02xE09] et Tome-wan.

46J’opposerai à ces séquences celles, bien ultérieures, où le personnage d’Hannibal est ligoté ou contraint dans l’exploitation porcine de Verger. Si la plupart de ces scènes ont une réalité diégétique, en certaines occurrences, il s’agit seulement de « fantasmes » de Will, qui rêve de voir Hannibal dans de telles postures, subissant des actes de torture28. Bien que la motivation du personnage soit la vengeance, ces passages revêtent dans le même temps une connotation sexuelle sadomasochiste. Du fait qu’il s’agisse ici de visions, entièrement circonscrites au point de vue de Will, la notion de gay gaze se révèle particulièrement appropriée.

47Si le regard désirant d’Hannibal s’assortit d’un pouvoir d’action réel, celui de Will est donc relégué sur un plan imaginaire. Ses fantasmes, du reste, traduisent toute l’ambiguïté du sentiment de fascination/répulsion qu’il éprouve à l’égard du cannibale. Cette dualité est symbolisée dans la double scène de sexe de Naka-Choko [S02xE10] : alors qu’Hannibal fait l’amour avec Alana et Will avec Margot, le montage donne l’impression qu’ils partagent le même espace diégétique. Graham se représente Lecter sous une forme monstrueuse, mi-homme mi-cerf, au moment du coït.

48Parallèlement à la mise en place d’un female gaze et surtout d’un gay gaze intra-diégétiques dans Hannibal, la série offre un traitement des corps masculins tel que les spectateurs sont amenés à porter sur eux un regard qui n’est pas conforme aux normes genrées hétérosexuelles. De fait, les réactions et créations de fans sur Internet confirment que l’œuvre de Fuller neutralise le male gaze traditionnel, au profit de points de vue alternatifs.

49Certains amateurs de la série, sans être universitaires, s’emparent de la notion académique de male gaze pour parler d’Hannibal sur la Toile. Ainsi, une utilisatrice du site Tumblr, nommée Faryal, a publié en 2014 un billet intitulé « NBC Hannibal’s Cinematography is beautiful »29. Elle définit pour son lectorat profane la notion de male gaze et explique la manière dont celui-ci est inversé dans Hannibal, en illustrant son propos de plusieurs .gifs animés.

50Des pratiques de fans permettent ici d’enrichir la réflexion académique. Les .gifs utilisés – dont on retrouvera de nombreuses variantes sur des sites et blogs où amateurs et amatrices de la série expriment leur goût pour la plastique des personnages masculins – se prêtent tout à fait à l’étude de la notion de male gaze. Sur son blog, le sociologue de la culture David Peyron explique que si les fans d’une œuvre réalisent et partagent des .gifs, c’est parce que « le principe même de la boucle faite par les images de ce format permet de revoir sans fin sa réplique ou son moment préféré en allant directement au but et en analysant chaque micro expression de son acteur ou de son actrice préférée »30. En l’occurrence, le but des .gifs employés est de satisfaire une pulsion scopique face aux corps réifiés et érotisés des personnages de la série, plus pleinement que ne le permet le simple visionnage d’un épisode ou d’une scène31.

51En conséquence, le traitement réservé aux corps d’hommes dans la série rend impossible une identification hétéronormée de la part des spectateurs masculins ; à l’inverse, tout concourt à ce que les spectateurs, hommes comme femmes, gays ou non, éprouvent une forme de désir pour Hannibal, Will, ou encore Dolarhyde. Il s’agit là d’une intention assumée de Bryan Fuller, qui semble se faire un malin plaisir de troubler ainsi l’hétérosexualité de ses spectateurs-hommes, à en juger par la manière dont il communique au sujet de la série, notamment sur le réseau social Twitter.

  • 32 Abrams interprète le personnage de Brian Zeller dans la série.

Sur Twitter, l’acteur Aaron Abrams32 remarque « Au bout de 12 secondes, cet épisode de #Hannibal met déjà en péril mon hétérosexualité. » Fuller lui répond avec humour : « TON HÉTÉROSEXUALITÉ EST ATTAQUÉE ». (Capture d’écran datant du 5 juin 2015)

Sur Twitter, l’acteur Aaron Abrams32 remarque « Au bout de 12 secondes, cet épisode de #Hannibal met déjà en péril mon hétérosexualité. » Fuller lui répond avec humour : « TON HÉTÉROSEXUALITÉ EST ATTAQUÉE ». (Capture d’écran datant du 5 juin 2015)

Conclusion

52À travers cet article, j’ai examiné la manière dont Hannibal met en scène les corps masculins, en formulant l’hypothèse que le traitement qui leur est réservé ne se conforme pas aux normes de représentations cinématographiques – et télévisuelles – dominantes.

53Les analyses menées ont confirmé que les personnages masculins peuvent être considérés comme des « hommes-objets ». Le processus de réification de leur anatomie passe par une multitude de partis-pris narratifs, formels et esthétiques, dont il est impossible de dresser l’inventaire exhaustif : il y aurait beaucoup à dire, par exemple, sur la direction d’acteurs, la gestuelle de Mads Mikkelsen (ancien danseur) et le caractère chorégraphié des combats en corps-à-corps.

  • 33 Trouble d’autant plus grand que les principales figures masculines érotisées sont celles de meurtri (...)

54Ces corps peuvent être assimilés à des œuvres d’art, comparaison nourrie par les choix de mise en scène, tels que les cadrages et mouvements de caméra. En parallèle, les scénarios des épisodes contribuent souvent à placer les protagonistes en situation d’impuissance, dans des séquences où ils deviennent des « jouets » entre les mains d’autres personnages. Certes, les personnages masculins sont aussi des sujets actifs au sein de la narration et la série joue sur cette ambivalence pour semer le trouble33, au lieu d’opérer un renversement pur et simple qui maintiendrait une polarisation binaire des rôles genrés. La temporalité longue de la série permet de décliner ces nuances et d’entretenir une subtile ambiguïté.

55La réification des corps s’accompagne de leur érotisation : ici encore, les choix de mise en scène concourent à muer les corps masculins en objets – plus précisément en objets de désir. Les corps ainsi offerts ne sont pas destinés à un regard masculin hétérosexuel qui puisse s’identifier à eux ; à l’inverse, ils ont pour fonction de susciter le désir des femmes et des hommes gay – voire un désir homosexuel de la part d’hommes qui ne se définissent pas comme tels. Ce phénomène concerne les deux niveaux de regard identifiés par Laura Mulvey : intra-diégétique et extra-diégétique.

56Hannibal constitue par conséquent un exemple intéressant de remise en question des normes genrées de représentation filmique. Les partis-pris formels et esthétiques opèrent un brouillage des frontières, un rejet des dichotomies traditionnelles. En escamotant en outre le male gaze au profit d’autres points de vue, cette œuvre contribue à déconstruire dans l’imaginaire des spectateurs la représentation dominante d’une masculinité hégémonique et hétérosexuelle.

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Bibliographie

Beauvoir, Simone de (1976 [1949]), Le Deuxième sexe (Tome 1), Paris, Gallimard.

Clover Carol (1992), Men, Women and Chain Saws, Princeton, NJ, Princeton UP.

Doane Mary Ann (1991), Femmes fatales. Feminism, film theory, psychoanalysis, New York et Londres, Routledge.

Farr Daniel (2011), « The Queer, quirky world of Pushing Daisies », dans Alicia Burger (dir.), The Television World of Pushing Daisies. Critical Essays on the Bryan Fuller Series, Jefferson, NC, McFarland. p. 137-156.

Freud Sigmund (1987 [1905]), Trois essais sur la théorie sexuelle, Paris, Gallimard.

Harris Thomas (1981), Red Dragon, New York, G.P. Putnam’s Sons.

Harris Thomas (1975), Black Sunday, New York, G.P. Putnam’s Sons.

Jowett Lorna (2005), Sex and the Slayer. A Gender Studies Primer for Buffy Fans, Middleton, CT, Wesleyan.

Jullier Laurent et Jean-Marc Leveratto (2009), Les Hommes-objets au cinéma, Paris, Armand Colin.

Mulvey Laura (1981), « Afterthoughts on ‘Visual Pleasure and Narrative Cinema’ inspired by King Vidor’s Duel in the Sun (1946) », Frameworks, 15-16-17, p. 12-15.

Mulvey Laura (1993 [1975]), « Plaisir visuel et cinéma narratif », dans Ginette Vincendeau et Bérénice Reynaud (dir.), 20 ans de théories féministes sur le cinéma, CinémAction, n° 67, p. 17-23.

Roche David (2014), « Quentin Tarantino’s Death Proof (2007) : Subverting Gender through Genre or Vice Versa ? », dans Maria Del Mar Azcona et Celestino Deleyto (dir.), Generic Attractions : New essays on film genre criticism, Paris, Michel Houdiard, p. 337-353.

Roventa-Frumusani Daniella (2009), Concepts fondamentaux pour les études de genre, Paris, Archives Contemporaines.

Sitographie

« Faryal » (2014), « NBC Hannibal’s Cinematography is beautiful ». http://chiltonsfacehole.tumblr.com/ [consulté le 28.09.2016]

Gay Déborah (2015), « Interview : Bryan Fuller (Hannibal) ‘J’essaie de réinventer la série à chaque saison’. », http://www.dailymars.net/ [consulté le 28.09.2016]

Peyron David (2014), « Le gif comme mode d’appropriation des imaginaires populaires ». https://davidpeyron.wordpress.com [consulté le 28.09.2016]

Trout Jenny (2014), « Outlander and the Female Gaze. Why Women are Watching». http://www.huffingtonpost.com/ [consulté le 28.09.2016]

Filmographie

Manhunter (Le Sixième Sens), Michael Mann, 1986.

Red Dragon (Dragon Rouge), Brett Ratner, 2002.

Séries citées

Buffy, the Vampire Slayer, The WB puis UPN, 1997-2003.

Hannibal, NBC, 2013-2015.

Outlander, Starz, 2014-en production.

Pushing Daisies, ABC, 2007-2008.

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Notes

1 Black Sunday, Thomas Harris, 1975. Lecter y apparaît seulement en tant que personnage secondaire.

2 Voir par exemple l’interview réalisée par le site français Daily Mars en juin 2015, dans laquelle Fuller explique l’intérêt qu’il a « en tant que gay […] d’explorer la nature des amitiés masculines hétérosexuelles ». http://www.dailymars.net/bryan-fuller-hannibal-interview-season-3-nbc-canal-plus-series/ [consulté le 25 mai 2016]

3 « Historically, there has always been a certain imbrications of the cinematic image and the representation of the woman. The woman’s relation to the camera and the scopic regime is quite different from that of the male. » Ma traduction.

4 Cette opposition fait écho à celle, tout aussi structurante, entre Will et Hannibal : le second incarne la Culture, tandis que le premier tend du côté de la Nature.

5 L’un des exemples les plus évidents est la mise en scène consécutive au meurtre de Beverly Katz, rappelant sans équivoque les œuvres de l’artiste contemporain Damien Hirst. (Mukōzuke, S02xE05).

6 En étant par exemple transformés en ruches (Takiawaze, S02xE04).

7 Do you want to know what I am ?

8 Le Sixième Sens, Michael Mann, 1986.

9 Dans le roman et dans les adaptations cinématographiques, c’est Lounds, et non Chilton, qui est séquestré par Dolarhyde. Chez Fuller, Lounds est devenu un personnage féminin, et emprunte une trajectoire narrative différente. Il n’est pas anodin que ce soit à un personnage masculin, et non féminin, que Dragon Rouge révèle son corps : cela participe de l’homo-érotisme qui sera analysé infra.

10 Dragon Rouge, Brett Ratner, 2002.

11 Do you know who I am ?

12 Do you want to know what I am ?

13 Look ! Do you see, now ?

14 My becoming.

15 Is this art ?

16 Dans Manhunter, Dragon Rouge ne dévoile son dos à aucun moment, et on ignore s’il est tatoué.

17 You owe me awe !

18 ABC, 2007-2008.

19 À la fin de la première saison, Will Graham a été accusé des meurtres commis par Hannibal ; durant la première moitié de la seconde saison, il est donc enfermé, jusqu’à ce que son innocence soit prouvée. C’est à la demande de Will que Brown tente de tuer Lecter.

20 Épisode Apéritif, S01xE01.

21 Lors des scènes de thérapie où Hannibal est le thérapeute, face à des patients masculins, l’échelle des plans est souvent la même, et parfois, les plans sur Hannibal sont plus resserrés.

22 Bien que je n’en aie pas fait état ici, c’est également le cas pour Will en plusieurs occasions.

23 Dans un passage des Trois essais sur la théorie sexuelle consacré au plaisir scopique (Schaulust, défini par le traducteur comme« tout plaisir [et/ou toute envie] engendré dans la sphère du regard, tant sur le mode actif que sur le mode passif de l’exhibition) », Freud explique que « l’impression optique reste la voie par laquelle l’excitation libidinale est le plus fréquemment éveillée ».

24 Notamment dans le texte « Afterthoughts on ‘Visual Pleasure and Narrative Cinema’ inspired by King Vidor’s Duel in the Sun (1946) » (Mulvey 1981).

25 Par exemple dans un article du site Huffington Post datant du 22 novembre 2014, intitulé « Outlander and the Female Gaze : Why Women are Watching ». http://www.huffingtonpost.com/jenny-trout/outlander-and-the-female-_b_5859154.html [consulté le 27 mai 2016].

26 Lounds est devenue femme chez Bryan Fuller ; le personnage d’origine est masculin. C’est également le cas pour le docteur Alan Bloom, mué en Alana dans la série. Ce parti-pris confirme la volonté du showrunner de s’approprier l’œuvre de départ en jouant précisément sur la dimension genrée des rapports entre protagonistes.

27 Le propos peut être nuancé si l’on prend en compte que Will a l’ascendant sur Freddie d’une autre manière : contrairement à elle, il a accès à la scène de crime, et voit des choses qui restent occultées aux yeux de la journaliste.

28 Dans les épisodes Shiizakana [S02xE09] et Tome-wan.

29 http://chiltonsfacehole.tumblr.com/post/87670764232/nbc-hannibals-cinematography-is-beautiful [consulté le 30 septembre 2015].

30 https://davidpeyron.wordpress.com/2014/11/20/le-gif-comme-mode-dappropriation-des-imaginaires-populaires/ [consulté le 30 septembre 2015]

31 À titre d’exemple, le billet de Faryal fait intervenir plusieurs .gifs issus d’un plan où l’on découvre le corps d’Hannibal ligoté et vêtu d’un simple maillot de bain, issu de l’épisode où il a été piégé par Brown. En devenant une série de .gifs, le plan en question a fait l’objet de découpages supplémentaires, ce qui accentue la réification et l’érotisation de ce corps masculin.

32 Abrams interprète le personnage de Brian Zeller dans la série.

33 Trouble d’autant plus grand que les principales figures masculines érotisées sont celles de meurtriers, voire, dans le cas d’Hannibal, un cannibale. Ces « objets » fétichisés sont, dans le même temps, des menaces. Il serait intéressant de mener une étude sur les ressorts du désir des spectateur.rice.s envers des corps à la fois susceptibles de « consommer » et d’« être consommés ».

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Table des illustrations

Titre Lorsqu’Hannibal accueille Freddie Lounds dans son cabinet, le « cadre dans le cadre » et les contrastes chromatiques donnent le sentiment de se trouver face à un portrait peint. (Amuse-bouche)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 140k
Titre Rime visuelle entre l’œuvre de Blake et sa reproduction tatouée sur le dos de Dolarhyde. (The Great Red Dragon, S03xE08)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 174k
Titre Le tatouage de Dolarhyde « fusionne » avec son double projeté, transformant le personnage en objet d’art vivant. (The Number of the Beast is 666…)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 236k
Titre Hannibal est retenu prisonnier par Brown, dans une scène qui emprunte à l’esthétique sadomasochiste. (Mukōzuke)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 287k
Titre Nu et ligoté, Hannibal est déshumanisé par Mason Verger. (Digestivo)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 336k
Titre Le corps de Dolarhyde, presque nu, est exhibé sous tous les angles. (The Great Red Dragon)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 333k
Titre Les différences d’échelle des plans sont flagrantes dans ce champ-contrechamp entre Hannibal et Bedelia. (Savoureux)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 426k
Titre Tout érotisme est évacué de la scène de sexe lesbienne entre Alana et Margot. (Dolce)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 265k
Titre L’appareil photo phallique de Freddie Lounds. (Amuse-bouche)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 119k
Titre Sur Twitter, l’acteur Aaron Abrams32 remarque « Au bout de 12 secondes, cet épisode de #Hannibal met déjà en péril mon hétérosexualité. » Fuller lui répond avec humour : « TON HÉTÉROSEXUALITÉ EST ATTAQUÉE ». (Capture d’écran datant du 5 juin 2015)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/884/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 75k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Hélène Breda, « « Délectable Lecter » : réification et (homo-)érotisation des corps masculins dans la série télévisée Hannibal »Genre en séries [En ligne], 5 | 2017, mis en ligne le 01 juin 2017, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/884 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ges.884

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Auteur

Hélène Breda

Hélène Breda est docteure en Cinéma et Audiovisuel, et enseignante en Sciences de l’Information et de la Communication. Elle a soutenu en 2015 une thèse sur la notion de « tissage narratif » et ses enjeux socioculturels dans les séries télévisées américaines contemporaines. Ses recherches portent sur la représentation des groupes communautaires et de leurs interrelations dans les séries ; elle travaille plus particulièrement sur les rapports de domination qui structurent la société (sexisme, racisme systémique).

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