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Traduction

Avoir l’air butch. Une esquisse de guide sur les butches au cinéma. Partie 2/2

Traduction de « Looking Butch: A Rough Guide to Butches on Film », chapitre 6 de l’ouvrage de Jack Halberstam, Female Masculinity, Durham and London, Duke University Press, 1998
Jack Halberstam
Traduction de Geneviève Sellier

Notes de la rédaction

Le prénom Jack a été choisi ici parce que Halberstam tend à le privilégier depuis ses recherches sur les drag kings (http://www.lambdaliterary.org/interviews/02/01/jack-halberstam-queers-create-better-models-of-success/), tout en insistant sur sa volonté de ne pas résoudre son ambiguïté genrée (« my floating gender pronouns capture well the refusal to resolve my gender ambiguity that has become a kind of identity for me »). Voir http://www.jackhalberstam.com/on-pronouns/

Texte intégral

Geneviève Sellier remercie chaleureusement pour leur aide précieuse Liam Costigan et Jules Sandeau. Nous proposons ici la deuxième et dernière partie de ce chapitre.

La butch fantasmatique

1Le « fantasmatique » dont il s’agit dans cette section se réfère aux films non réalistes (horreur, science-fiction, série B). Le film de série B se focalise presque toujours sur le répugnant, l’alien, l’horrifique, l’extrême. On peut trouver une butch qui se cache avec d’autres marginaux dans l’obscurité profonde du paysage de la série B : comme les monstres et les zombies, la butch n’est pas humaine, mais pas non plus animale. La butch fantasmatique, contrairement à la butch des films de prison, détruit activement la féminité de son propre corps et le transforme en une masculinité étonnante et provocante. « Je suis la gouine, suce-moi ! », crie la lesbienne au hachoir dans Chopper Chicks in Zombietown. Bien qu’il soit agaçant que le reste de son gang de filles se livre à un sexe hétéro barbant, le fait que le film assimile les habitants hétérosexuels du patelin à des zombies en fait une comédie queer excitante. Chopper Chiks in Zombietown (1989) représente les Chopper Chicks comme six femmes sauvages avec 1000 chevaux entre les jambes. Camp, trash et violent, Chopper Chicks est tout ce que vous avez toujours voulu voir dans un « film de femmes », et plus encore. Ce conte moral qui met en scène la lutte entre le mal et le bien, les méchants et les bons, les gonzesses au hachoir et les zombies, permet finalement aux mauvais.es garçons/filles de gagner le combat sans fin contre la paix et la justice. Les Chopper Chicks, dirigées par leur courageuse cheffe lesbienne, débarquent dans une petite ville tranquille pour découvrir que les habitants sont des zombies assoiffés de sang et de chair humaine. Nos héroïnes sans peur deviennent des vengeresses au hachoir et les têtes roulent pendant qu’elles coupent, hachent, tirent et combattent le sang avec encore plus de sang. Une intrigue secondaire avec un bus transportant des enfants aveugles ne fait qu’augmenter la tension.

2Chopper Chicks joue moins avec la virilité manifeste d’un des personnages qu’avec la dimension prédatrice et menaçante de la bande de motardes. Une seule de nos héroïnes est lesbienne et elle arbore une sorte de blouson de cuir à la Suzi Quatro plutôt qu’un look butch explicite. Cependant, j’ai mis Chopper Chicks dans cette catégorie parce que le film joue de façon évidente avec et contre les films classiques de motards des années 1950 et 1960 – The Wild One (1954) ou Easy Rider (1969) ainsi que les films classiques de motards gays comme Scorpio Rising (1964) de Kenneth Anger et Sex Garage de Fred Halsted (1972) – et on pourrait même dire que Chopper Chicks fait référence à des films de lesbienne prédatrice comme Johnny Guitar. Chopper Chicks résiste à la simple transformation de l’homo-érotisme masculin en homo-érotisme féminin et capitalise plutôt sur plusieurs formes de rébellion féminine. L’une d’entre elles est sans conteste la butch sur sa moto mais l’autre est la ménagère qui a pris la route pour échapper à un avenir tout tracé de tâches ménagères. Ce film s’appuie sur la peur quasi surnaturelle produite par la notion de gouine prédatrice, mais inverse les termes de cette peur : ce sont les citadins qui deviennent zombies et les gouines à moto qui doivent les sauver.

  • 1 Carol Clover, Men, Women, and Chain Saws : Gender in the Modern Horror Film, Princeton University P (...)

3Le film d’horreur a souvent été présenté comme un proche parent de la pornographie : les deux genres sont obsédés par la vision du corps pervers dans toute sa gloire érotique et violente. Il n’est donc pas surprenant que l’on trouve des butches et des pseudo-butches dans de nombreux films d’horreur. Carol Clover1 attire l’attention sur l’ambiguïté de la jeune fille qui parvient toujours à survivre à la fureur du monstre, et qu’elle appelle la final girl. La final girl est légèrement butch et souvent considérée comme non désirable par les hommes et les garçons du film. Son manque d’attrait la met à l’abri du sexe et de la violence et, selon la théorie de Clover, permet au spectateur masculin de s’identifier à elle et d’éprouver ainsi un frisson masochiste. Mais la théorie habile de Clover sur ce regard masochiste masculin ne rend pas compte d’un regard de butch beaucoup plus subversif et menaçant, un regard permis par la présence de la final girl et maintenu par sa survie et sa ténacité.

4Bien que la butch soit la norme dans les films d’horreur, il ne faut pas s’attendre à la trouver dans les films pornographiques, ne serait-ce que parce que l’imagination pornographique a tendance à représenter le sexe lesbien comme le spectacle de deux femmes féminines engagées dans un jeu sexuel pour un regard masculin. Cependant, certains films pornographiques des années 1960 utilisaient des corps et des images de femmes non conventionnelles pour le plaisir des hétérosexuels. Dans un remarquable film porno de 1968 intitulé The King, tout le récit tourne autour d’une butch et de ses deux amantes fems. Le film utilise évidemment la butch comme un vecteur d’identification pour les hommes, mais dans son rôle de partenaire sexuel masculin, la butch dépasse une telle instrumentalisation. Ce film sexuellement explicite met en scène un trio sexy composé de deux femmes féminines et d’une butch bien en chair prénommée Mickey. Mickey, interprétée par une actrice appelée King Drummond, est appelé « le Roi » par les deux femmes qui reçoivent ses faveurs à tour de rôle. Le dossier de presse décrit ainsi ce roi butch : « Le Roi est une femme qui a le corps d’une femme et les désirs d’un homme. » Tout au long de la séquence introductive, Mickey reste habillée alors que les deux fems sont plus ou moins déshabillées. Une voix off extatique relate les pensées d’une des filles et exprime à la fois sa jalousie d’avoir à partager le Roi et sa dépendance à l’égard de l’autre fille, qui, elle l’avoue, lui donne du plaisir quand Mickey n’est pas là.

5The King joue clairement avec le trio standard de la pornographie hétérosexuelle en faisant de la butch l’objet principal des égards des deux fems et en rendant la dynamique entre les deux fems complètement secondaire par rapport à tout ce qui se passe entre Mickey et l’une ou l’autre des femmes. En effet, dans la pornographie hétérosexuelle, un triangle impliquant du sexe lesbien cantonne très souvent le lesbianisme aux préliminaires des rapports hétérosexuels. Dans The King, le sexe entre fems est un prélude à l’événement principal que constitue le rapport sexuel butch-fem. Le film mobilise également une étrange dynamique interraciale qui prend par moments le dessus sur l’arrangement butch-fem. La femme qui commente les scènes en voix off est noire, et elle est constamment la cinquième roue du carrosse entre Mickey et la fem blanche. L’exclusion de la femme noire est accentuée lorsqu’elle se décrit dans la voix off comme sexuellement vorace et jamais satisfaite. Évidemment, le trope raciste d’une sexualité féminine noire excessive nous oblige à nous interroger sur la dynamique raciale de la scène sexuelle : on pourrait dire que la butch blanche et la fem blanche sont perçues comme dans une relation « naturelle » par rapport au triangle pervers et racialisé. Alors que dans le porno hétérosexuel, la présence d’un corps masculin autorise et légitime le jeu sexuel entre les deux femmes, dans la scène butch-fem, les jeux sexuels interraciaux entre les deux fems sont interrompus par la butch blanche, qui offre à la fois une présence sexuelle masculine et un.e partenaire blanc.he à la femme blonde féminine.

6Comme je l’ai mentionné plus tôt, Aliens (1986) fournit une source surprenante d’images de butch. Aliens est considéré ici comme un film fantasmatique à cause de son intérêt pour les environnements extra-terrestres, le sexe extraterrestre, l’érotisme extraterrestre et les corps extraterrestres. Dans l’espace lointain, Ripley (Sigourney Weaver) sort de son hibernation, et elle et la compagnie de marines se préparent pour leur mission. Tandis que les personnages évoluent en diverses petites tenues dans la cabine, le regard de la caméra se frotte contre un corps musclé en train de faire des tractions. Quand la caméra revient quelques instants plus tard sur ce personnage, on se rend compte qu’il s’agit d’une latina « badass ». Vasquez se prépare à draguer Ripley et chuchote « qué bonita » au moment où elle passe à côté d’elle. Bien sûr, la remarque virile de Vasquez à destination d’une Sigourney Weaver plutôt asexuée n’empêche pas la latina d’être l’une des premières victimes des extraterrestres voraces ; ni les pompes ni un moment de camaraderie masculine avec un marine ne peuvent la sauver des mâchoires de la mort, et cette butch connaît une fin gore brutale.

7Enfin, quel panorama de la butch fantasmatique serait complet sans la mention du maître de l’obscénité camp, John Waters ? Dans Desperate Living (1977), Waters dépeint une relation amoureuse entre Moe, la butch vulgaire et couverte de boutons, et sa petite amie Muffy, la reine du porno. Moe et Muffy ont le coup de foudre à Morville et leur vie amoureuse, selon Muffy, manque seulement d’une bite bien dure. Trop pressée de la satisfaire, Moe se sert de l’argent qu’elle a gagné à la loterie pour aller acheter la bite de ses rêves. Tragiquement, Moe découvre son homme intérieur et sa bite extérieure, mais ne parvient qu’à provoquer le dégoût de la belle Muffy. Comme d’habitude dans les films de John Waters, ces personnages ne représentent pas simplement des versions camp de certains types queer reconnaissables, mais l’extrême absolu de ce type, et ils basculent trop souvent dans le désir de choquer. Dans Desperate Living, Moe n’incarne pas seulement la butch décomplexée, mais aussi l’aspiration transsexuelle. Waters joue avec l’envie du pénis en donnant un pénis à Moe puis en la forçant à se castrer. Le dernier plan de cette scène, qui montre un chien mangeant le pénis, fait exploser des notions comme l’angoisse de castration et transforme la castration elle-même en horreur comique.

Les butches travesties

8Nous sommes devenu.es plus qu’habitué.es à voir des images d’hommes travestis à Hollywood – la morale typique de ce genre de film est que les hommes font de meilleures femmes que les femmes. Comme on pouvait s’y attendre, cependant, lorsque les femmes se travestissent en hommes dans le cinéma grand public, elles sont codées comme des femmes imparfaites plutôt que comme des hommes parfaits. Ce genre de film qui met en scène des femmes travesties, exige une attention particulière parce que les thèmes de la théâtralité du genre, de la dysphorie de genre, de l’androgynie et de la mascarade butch produisent tous des récits très différents. Dans certains films, la femme travestie a été contrainte de porter un costume masculin en raison des restrictions sociales imposées à son sexe ou du besoin de mobilité sociale. Dans d’autres, le travestissement construit l’androgynie comme essentielle et la femme travestie comme une rencontre harmonieuse des sexes. Dans d’autres encore, le travestissement devient plus qu’un costume, et la butch a une relation érotique avec ses vêtements et utilise les habits masculins pour parfaire son expression genrée.

  • 2 Rebecca Bell-Metereau, Hollywood Androgyny, chap. 3.
  • 3 Chris Straayer, « Redressing the “Natural” : The Temporary Transvestite Film », in Deviant Eyes, De (...)

9La masculinité féminine au cinéma a souvent été assimilée à la performance féminine de la masculinité (male impersonation) ou au travestissement féminin. Dans Hollywood Androgyny, par exemple, Rebecca Bell-Metereau fait de subtiles distinctions entre l’imitation de la masculinité, les garçons manqués et les femmes masculines, mais elle rassemble toutes ces manifestations sous la dénomination de « performance féminine de la masculinité (male impersonation)2 ». Chris Straayer, d’autre part, dans son chapitre intitulé « The Temporary Transvestite Film », se penche sur le travestissement et la masculinité féminine en lien avec la notion de déguisement3. Ces précieux travaux de Straayer et Bell-Metereau dégagent les conventions des films de travestissement et mettent en lumière la place qu’y occupe la figure de la femme travestie ; ce que j’ajoute à leurs analyses, cependant, c’est le rapport du personnage butch au récit de travestissement, et j’observe quand et où le travestisme glisse vers le transsexualisme, ou quand le théâtre du déguisement genré fait place aux dures réalités de l’identification au masculin.

10Lorsqu’elle retrace l’histoire des représentations cinématographiques de femmes performant la masculinité avant 1960, Bell-Metereau affirme que « quelle que soit la décennie, la majorité des films qui mettent en scène des femmes déguisées en hommes, tentent de réconcilier la femme masculine avec son rôle social » (Hollywood Androgyny, 73). Ces films soulignent donc l’attrait de la femme travestie tout en représentant sa transgression comme temporaire. Elle peut se délecter momentanément de l’incertitude de genre et des rôles genrés, mais en fin de compte, l’ordre doit être rétabli dans les normes d’une féminité hétérosexuelle pleine et entière. Le choix de l’année 1960 pour construire la périodisation renvoie évidemment à la différence entre les films produits pendant l’interdiction de l’imagerie homosexuelle et les films produits après la levée de cette interdiction. En effet, lorsque le Code de production était en vigueur à Hollywood, la figure de la femme travestie était répandue dans le cinéma hollywoodien. Après la levée de l’interdiction, elle est devenue une bizarrerie et a indiqué une forme d’excentricité extrême. Parce que la plupart des travestissements au cinéma s’apparentent à une transgression de genre éphémère, Straayer les qualifie de « temporaires » et note : « Ces films offrent aux spectateurs une transgression momentanée et indirecte des limites fixées par la société en matière comportement genré et sexuel, mais leur réaffirmation finale permet en même temps de se détendre en toute confiance » (« Temporary Transvestite Film », 42-43). Cependant, en cours de route, les publics gays et lesbiens, en particulier, se voient offrir la possibilité de nombreux plaisirs spectatoriels et de multiples déconstructions de l’ordre « naturel ». Bell-Metereau divise ses films de « performance féminine de la masculinité » en catégories comme « La femme carriériste » et « L’héroïne de western » et conclut avec sa catégorie préférée, « La véritable androgyne ». Straayer divise son enquête en analyses de différentes conventions génériques et accorde une attention particulière aux films « d’effondrement de la binarité homo/hétéro » ainsi qu’aux films « trans-body » et « trans-sexe ». Mon analyse du film de travestissement ne cherche pas à mettre en évidence ses conventions génériques ou sa fonction historique, mais plutôt sa capacité à l’expression d’une masculinité féminine.

11En 1961, le curieux film de William Castle Homicidal est sorti à l’aube de la nouvelle ère post-Code de production. Le public frissonna devant cette histoire gothique complexe de meurtre, de violence, de travestissement et de drame familial. Le film se déroule en Californie et met en scène une blonde glaciale qui flirte avec un groom d’hôtel et le paie pour l’épouser, puis poignarde le secrétaire du comté pendant la cérémonie. La blonde Emily s’en va dans la nuit, abandonnant le cadavre et le marié déçu derrière elle, et roule sans s’arrêter jusqu’à sa maison familiale. Nous y faisons la connaissance de son mari, Warren, un homme mince et austère, de sa belle-sœur, Mariam Webster, qui va épouser le pharmacien de la ville, et de la mère de Warren, Helga, une paraplégique muette en fauteuil roulant. Au fur et à mesure du film, on devine des tensions entre Mariam et Emily : Mariam n’a apparemment pas approuvé le mariage de Warren avec Emily. Warren a rencontré Emily lors d’un voyage en Suède et a ramené son épouse en Californie. La trame principale est ponctuée d’étranges scènes où Warren évoque des souvenirs, de sorte qu’émerge le récit souterrain des secrets de famille, des violences enfouies et des traumatismes infantiles. Finalement, il devient clair qu’Emily essaie de tuer Helga et peut-être Mariam. Celle-ci se précipite au domicile familial pour prévenir Warren des tendances meurtrières de sa femme. Emily a déjà tué Helga quand Mariam arrive, mais alors que cette dernière appelle Warren à l’aide, Emily enlève sa perruque et révèle son terrible secret : Emily et Warren sont la même personne. Warren, nous le découvrons, est né fille mais a été élevé comme un garçon par sa mère, Helga, parce que son père n’aurait laissé sa fortune qu’à un fils. Warren se tue à la fin du film en tombant dans les escaliers sur son propre couteau.

  • 4 Bell-Metereau aborde Homicidal dans un chapitre sur les films post-Code de production. Elle situe l (...)

12Comme le souligne Bell-Metereau, Homicidal est une reprise évidente de Psychose et, comme le chef-d’œuvre d’Hitchcock, le film de Castle articule le motif de l’identification à l’autre genre avec celui de la dynamique familiale tordue et du désir meurtrier envers les femmes4. Les deux films suggèrent également qu’une sorte de tendance homosexuelle contrariée se manifeste, à travers le travestissement, dans des tendances homo-criminelles (homo-cidal), et dans les deux films, le meurtre, le désir et le genre sont liés dans un récit psychanalytique classique de colère œdipienne. La particularité d’Homicidal, cependant, réside dans le travestissement de Jean Arliss dans les rôles de Warren et d’Emily. Il est impossible de savoir si Jean Arliss est un homme ou une femme, un imitateur ou une imitatrice, transsexuel ou transgenre ; l’incertitude qui entoure le genre d’Arliss ne fait qu’accentuer la confusion de genre dans le film et exacerber la tension. Straayer ne mentionne pas Homicidal, mais nous pourrions le placer dans sa catégorie « films avec une distribution trans », même si nous ne savons pas si Jean Arliss est une femme jouant un homme ou un homme jouant une femme. Pour Straayer, le rôle trans exige que « la performance de transvestisme soit effective tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la diégèse. Les gestes, les comportements et les marqueurs sexuels secondaires transgenre sont maintenus tout au long du film » (« Temporary Transvestite Film », 75). Homicidal, bien sûr, va bien au-delà d’un simple choix de casting trans, parce que le film lui-même porte sur l’aspiration transsexuelle. On pourrait supposer, par exemple, que le voyage de Warren en Suède au début de l’âge adulte, fait référence au voyage que Christine Jorgensen a fait dans les années 1950 au Danemark pour une chirurgie de réassignation sexuelle. Si Christine est partie en tant que femme et est revenue en tant qu’homme, Warren est partie en tant que fille qui avait été forcée à devenir un garçon et est revenue femme meurtrière. Le transsexualisme, dans Homicidal, est complètement confondu avec l’homosexualité et les troubles de genre dans l’enfance. S’il est difficile de localiser la déviance sexuelle dans le film, il est encore plus difficile de localiser la nature précise de la déviance de genre, et sous le poids de tant de franchissements de la barrière de genre, l’identité de genre devient totalement illisible. En d’autres termes, même si le public peut trouver des indices sur le genre de Jean Arliss, l’actrice, ils sont brouillés dans le film par le thème du changement de genre.

  • 5 Pour en savoir plus sur la Revue Takarazuka, voir le film Dream Girls (1993) de Kim Longinotto et J (...)

13Un autre film unique dans lequel le genre devient transparent et illisible, met en scène des femmes travesties tout en refusant d’attirer l’attention sur le travestissement ou de le rendre visible d’une quelconque manière. Le film japonais Summer Vacation 1999 (1988) de Shusuke Kaneko, retrace une série de rencontres homo-érotiques parmi un groupe d’écoliers en internat pendant l’été. L’ambiguïté sexuelle et genrée des adolescent.es est rendue par le choix de filles pour jouer les rôles masculins. Une telle pratique emprunte à la tradition théâtrale japonaise consistant à faire interpréter les garçons par des filles (dans la Revue Takarazuka, par exemple5), mais elle joue aussi contre le théâtre kabuki et shakespearien et le fait d’utiliser des garçons pour les rôles féminins. Dans ce film étrange, la substitution de genre crée un effet troublant dans la mesure où une féminité à peine dissimulée devient partie intégrante de l’adolescence masculine et où les actrices en viennent à être définies par une apparence masculine : le genre est rendu littéralement invisible.

14Évidemment, l’effet habituel d’un.e travesti.e dans un film est de rendre le genre visible et lisible, souvent avec des résultats comiques. Par exemple, dans le western musical classique Calamity Jane (1953), Doris Day joue le rôle d’une cowgirl butch qui est devenue l’un des gars de Deadwood et qui tire, monte, crache et boit aussi bien qu’eux. Historiquement, il y a pas mal de preuves que la vraie Calamity Jane passait pour un homme, mais Hollywood transforme cette héroïne trans en un personnage plutôt doux qui embrasse une féminité domestique conventionnelle avec Wild Bill Hickcok. Dans son parcours vers une véritable féminité hétérosexuelle, Calamity fait cependant des rencontres très queer : elle est prise pour un homme et draguée par des femmes à Chicago, et dans une scène merveilleusement ironique, elle s’installe avec une actrice nommée Kate en chantant un magnifique duo butch-fem intitulé « Une touche féminine ». Dans une scène qui souligne l’importance du rôle déviant en termes de genre, Calamity fait irruption dans la loge de théâtre qu’occupe Kate, et tandis que Kate prend Calamity pour M. Calamity, Calamity prend Kate pour une actrice alors qu’elle est la domestique de l’actrice. La caméra se concentre un instant sur les deux personnages qui se regardent dans un miroir comme pour suggérer qu’aucun des deux n’est « réel ». Mais le miroir renvoie à Calamity Jane une image qui lui fait peur – une image qui semble incompatible avec l’image qu’elle a d’elle-même. La scène du miroir suggère qu’aucune des deux femmes n’est vraiment fidèle à elle-même ; elles sont toutes les deux des imposteurs d’une manière ou d’une autre. Cette scène suggère que lorsque nous quitterons le monde du miroir (et cela résonne avec les scènes de miroir d’autres films de butch comme A Touch of Evil), la calamité des multiples inversions de rôles sera évitée par les nécessités de la vie – le foyer et la famille.

15Le potentiel perturbateur et transgressif de la femme travestie réside dans la manière dont elle révèle la fragilité des marqueurs du genre mais aussi le poids oppressif de la conformité au genre. Dans Queen Christina (1933), Greta Garbo incarne une monarque solitaire tiraillée entre être une femme et être un roi. « Je mourrai célibataire », dit-elle avec tristesse à son valet. Queen Christina est souvent présenté comme un exemple de représentation lesbienne sous les contraintes du Code de production. L’héroïne androgyne et ambiguë incarnée par Garbo repousse les limites de la féminité acceptable et s’en sort grâce au pouvoir que lui confère sa position royale. Le réalisateur Rouben Mamoulian aurait tenté d’atténuer la masculinité de la performance de Garbo et aurait retravaillé un scénario écrit par Mercedes De Acosta, l’amante de Garbo. Mais les efforts de Mamoulian ont été vains. Queen Christina reste un classique queer, non seulement pour le baiser à pleine bouche que Garbo donne à sa dame d’honneur, la comtesse Ebba Sparre (Elizabeth Young), mais surtout à cause de l’assurance de Garbo dans ce rôle de travestie.

16Une scène de confusion créée par le travestissement montre clairement que l’ambiguïté du genre de la reine n’implique pas simplement une tendance lesbienne. La reine Christine se fait passer pour un homme alors qu’elle voyage en Suède et son costume masculin masque non seulement qu’elle est une femme mais aussi qu’elle est la reine. Elle se trouve forcée de partager une chambre avec Antonio, l’ambassadeur espagnol (John Gilbert). Tandis qu’Antonio et la reine Christine font le tour de la pièce, une servante entre et fait une proposition malicieusement indécente à la reine en l’aidant à enlever ses bottes. Plutôt qu’une simple allusion à un désir lesbien sous-jacent, cette scène complexe suggère toute une gamme de dynamiques homo-érotiques. Certes le film alimente un fantasme homo-érotique, mais ce fantasme ne se limite pas à un imaginaire lesbien : pendant que la reine est encore déguisée en homme, une dynamique homo-érotique masculine entre elle et Antonio transparaît à travers la tension sexuelle évidente entre la reine déguisée et l’ambassadeur. Quand la reine Christine révèle qu’elle est une femme, Antonio se disculpe de son désir transgressif antérieur en disant : « Je le savais ! » Cela suggère, bien sûr, que l’instinct hétérosexuel ne peut pas se tromper, et donc que s’il était attiré par elle, c’est qu’elle devait être une femme – le désir de l’homme lui rend littéralement son genre féminin, et après la scène d’amour entre eux, la reine Christine commente qu’elle « vient juste de devenir une femme ».

17Puisqu’il s’agit d’une romance hétérosexuelle sur une femme sauvée de la frigidité par un Espagnol « chaud » et sauvée du devoir de régner par l’anarchie de l’amour, où est le regard queer dans ce film et comment s’inscrit-il sous l’histoire d’amour hétérosexuel ? Évidemment, il y a des moments explicites de tension sexuelle dans les scènes travesties, comme je l’ai noté, et l’atmosphère générale de transgression sexuelle dans le film s’enracine dans la résistance de la reine Christine dans la première moitié du film à un mariage politique ou même à tout type de mariage. De plus, on nous dit très tôt que la monarchie établit son pouvoir par la masculinité ; c’est pourquoi la reine Christine est « élevée comme un garçon » et née pour être « roi ». Quand elle est couronnée au début, elle est proclamée « roi ». Le titre de « reine » est presque une qualification après coup, et dans le titre du film, il sert à souligner que sa féminité est en conflit avec son titre. Le rôle souligne en fin de compte que certaines formes de pouvoir exigent des sujets masculins.

18La première moitié du film, qui met l’accent sur la masculinité féminine et la monarchie, est en conflit direct avec la seconde moitié du film, qui met l’accent sur la féminité et la condition féminine. La différence et l’incompatibilité de ces deux récits transparaissent d’ailleurs à travers l’analyse comparative de deux scènes où la reine est dans un lit. Les scènes de lit soulignent les désirs d’intimité, de sensualité, d’ambition et de pouvoir qui traversent le conflit entre être reine et être une personne privée. Dans la première scène, on la voit en train de lire dans son lit à baldaquin, à l’aube, partageant son lit avec un livre, ce qui souligne son amour de l’art et de l’intimité et tisse un lien entre les deux. Cette scène qui montre la reine lisant dans la pénombre de l’aube est aussi une scène de célibat. Le lit représente littéralement son moi privé (par opposition au moi public de la monarque). La deuxième scène de lit se passe à l’hôtel, et elle est maintenant au lit avec Antonio ; dans la scène du travestissement, les deux se sont disputés longtemps et avec vigueur à propos du partage du lit, mais après qu’elle s’est révélée à lui comme une femme, le partage du lit cesse d’être problématique. Les rideaux sont tirés autour du lit, et le serviteur d’Antonio entre dans la chambre et demande si son maître va se lever bientôt ou s’il veut du chocolat chaud. La voix qui répond derrière le rideau, la voix d’Antonio, parle en son nom et au nom de son compagnon ; pour autant que le serviteur le sache, le colocataire d’Antonio est un homme, et le serviteur semble choqué par l’homo-érotisme manifeste de la scène. Bien sûr, l’homo-érotisme qui était latent la veille peut maintenant être évoqué parce qu’Antonio, la reine Christine et le public savent ce qu’il en est. La dimension queer de l’homo-érotisme est sapée par l’effacement de la reine ; elle a abandonné sa position de célibataire et ne parle plus pour elle-même. On parle dorénavant pour elle, et sa voix a été recouverte par celle de son amant.

19Après leur scène d’amour, la reine Christine dit : « Je me souviendrai toujours de cette pièce, j’y reviendrai souvent. » Cette évocation d’une nostalgie future, d’un espace impossible – « je regarderai en arrière » – signale l’impossibilité pour la reine Christine de réaliser son désir d’être à la fois célibataire, roi et amante. Cette étrange collision du passé et du futur est parfaitement résumée dans le dernier plan du film où Christine, qui n’est plus reine, regarde en arrière et s’avance ou s’éloigne. En fin de compte, ce film suggère que la monarchie repose sur la masculinité ou une féminité asexuée. Si elle veut être une femme, Christine ne peut pas être reine ou monarque, et si elle veut être monarque, elle ne peut pas être une femme.

20Cette idée d’une essence masculine de la monarchie est mise en avant dans un autre film de travestissement, Orlando (1993). La réalisatrice de ce film, Sally Potter, fait assez clairement référence à Queen Christina, en particulier dans ses choix de casting. Dans Orlando, Quentin Crisp joue la reine Elizabeth face à Orlando, le personnage androgyne incarné par Tilda Swinton. Comme en hommage à Garbo, Swinton incarne le prince comme un antihéros las et mélancolique. Orlando incarne la solitude insupportable d’être ni l’un ni l’autre, ni les deux, à jamais. Pour lui, la tristesse succède au bonheur tandis qu’un siècle succède à l’autre. Sous sa forme masculine, Orlando n’a presque rien d’une butch ; parfaite androgyne, Tilda Swinton incarne à la perfection un entre-deux du genre, qui ressemble plus à l’éradication du genre qu’à sa mise en scène. Adapté du roman de Virginia Woolf, le film de Potter est l’histoire d’une personne qui traverse les siècles, les guerres, les monarchies et au moins deux genres. Le film est luxuriant et spectaculaire, et Potter élabore des décors magnifiques pour son héro/ïne en toutes saisons. De l’hiver russe gelé à l’été anglais radieux, Orlando sillonne l’histoire et les pays/le monde comme un passager du temps qui varie de genre à son gré.

21Mais jusqu’à quel point l’Orlando de Potter est-il queer ? Lorsque nous ne sommes pas séduits par l’opulence visuelle des décors de Potter, nous remarquons soudain que le travestissement androgyne de Tilda Swinton a clairement des limites dans sa dimension queer. En tant qu’Orlando masculin, Swinton interprète un personnage étrangement androgyne que l’on peut facilement voir comme un « garçon » mais moins facilement comme un « homme ». Cela ouvre néanmoins des possibilités intéressantes dans une scène d’amour entre Orlando et Sasha, une princesse russe. L’androgynie d’Orlando nous empêche d’oublier qu’il s’agit d’une femme travestie et que l’histoire d’amour entre Orlando et Natasha a donc de fortes connotations lesbiennes. Cela a également du sens si vous vous souvenez que Woolf a écrit le roman Orlando pour son amante Vita Sackville-West qui se travestissait souvent en homme. Mais Potter refuse complètement de capitaliser sur la sexualité queer évoquée par cette histoire d’amour, et refuse de filmer la scène de sexe lesbien que cette histoire d’amour impose. En fait, Potter réserve la scène de sexe du film pour une rencontre plus conventionnelle entre une Orlando féminine et un jeune Américain bien trop masculin nommé Shelmerdine (Billy Zane). Alors que chaque chapitre du film est introduit par des titres tels que « Mort », « Poésie », « Politique » et « Amour », Potter pour couronner le tout place la rencontre avec Shelmerdine sous la rubrique « Sexe ». Chris Straayer trouve aussi qu’Orlando n’est pas un film queer parce que l’androgynie de Swinton met finalement l’accent sur le féminin plutôt que le masculin. En tant que femme, Orlando apparaît nue, mais en tant qu’homme, il est toujours habillé et plutôt impuissant. Straayer conclut qu’« Orlando est moins un film queer qu’un film féministe » (« Temporary Transvestite Film », 77). Bien que Rebecca Bell-Metereau ne parle pas d’Orlando, on peut soutenir que ce film rentre dans le cadre de ce qu’elle nomme l’« androgynie hollywoodienne (Hollywood androgyny) ». En fin de compte, pour Bell-Metereau et dans une certaine mesure pour Sally Potter dans son film, l’androgynie est considérée comme l’apogée de la flexibilité du genre. L’androgynie est, en fait, considérée comme le mélange parfait de masculinité et de féminité, et comme la création d’une harmonie entre les genres. Bell-Metereau résume ainsi sa vision de l’androgynie : « La figure androgyne donne au public un sens des possibilités cachées, des changements et renouvellements potentiels. Les films nous permettent d’entrer dans les mondes interdits de l’imagination, et lorsque nous nous identifions à l’autre sexe, nous apprenons davantage sur ce que c’est que d’être tout simplement humain » (Hollywood Androgyny, 237). En fin de compte, l’androgynie nous ramène toujours à cette vision humaniste de la binarité équilibrée dans laquelle la masculinité et la féminité sont en parfaite harmonie. Bien sûr, l’image de la butch décomplexée bouleverse un tel équilibre et n’offre aucun espoir d’harmonie dans le genre ; pour vraiment explorer le pouvoir des images visuelles de la masculinité féminine, nous devons laisser l’androgyne derrière nous et nous débattre avec les implications de la réalité butch et transgenre.

  • 6 J’analyse ce film en détails dans mon article « F2M : The Making of Female Masculinity », in The Le (...)

22Pour la butch transgenre ou la femme dysphorique, le genre cesse d’être un théâtre, une performance, un mélange harmonieux ou une présentation esthétique ; pour la butch dysphorique, le vêtement devient une solution temporaire à une grave crise d’identité. Dans le film brésilien Vera (1987), une butch est sauvée d’une maison de redressement et mise au travail dans une bibliothèque par son tuteur ; une fois qu’elle a montré son sérieux, elle se transforme en Bauer, un jeune homme élégant en costume-cravate. Ce film suggère que le genre n’a rien d’artificiel et qu’il pèse sur le corps transsexuel ou transgenre avec des effets désastreux. Bauer ne parvient pas à faire reconnaître son nouveau genre, et se heurte partout à l’incrédulité ou au refus6. Bauer commence à nouer une relation avec Clara, une femme de la bibliothèque, qui refuse d’abord ses avances, le prenant pour une « lesbienne » ; cependant, après une scène remarquable où Bauer arrive chez Clara et est prise pour un homme par ses parents, Clara semble séduite par son admirateur. Au fur et à mesure que la relation se développe, Clara et Bauer commencent à avoir des relations sexuelles et le chaos s’ensuit. Clara voit Bauer comme une femme masculine qui a besoin d’être prudemment invitée à faire l’amour nue ; quand Bauer, qui se considère comme un homme, refuse de se déshabiller, Clara le rejette. Dans une autre scène de miroir douloureuse, Bauer se déshabille lentement, en regardant son propre reflet pendant que Clara l’encourage à continuer. Alors qu’il enlève avec précaution le bandage autour de ses seins, il se regarde devenir étranger dans le miroir, et lorsqu’il est enfin confronté à une image nue et féminine, il panique, s’empare de ses vêtements et s’enfuit de la pièce. Cette scène, en fin de compte, suggère que contrairement à Calamity Jane, qui se sentait en désaccord avec son image travestie, Bauer ne peut pas supporter le reflet du corps nu de la femme auquel il est réduit lorsque son amante refuse son moi transgenre. Il est significatif que ce film soit brésilien et que les codes qu’il mobilise pour représenter les sexualités non conventionnelles soient très différents et très genrés. En 1986, lors de la sortie de ce film, la plupart des films lesbiens aux États-Unis avaient évacué la butch de leur cadre de pensée, et les films transgenre étaient introuvables.

23Que l’histoire de la butch transgenre soit une tragédie ne devrait pas suggérer qu’il ou elle échoue à trouver d’autres options en termes de genre ; cela met plutôt en lumière le refus de clones sexistes et hétéro-sexistes de voir et reconnaître des genres nouveaux et excitants lorsqu’ils apparaissent. Dans l’histoire tragique de Vera, dans le pathos androgyne d’Orlando, dans la « vie désespérée » de Moe, dans le statut « asocial » de Frankie Addams et dans l’identité butch tyrannique de Sister George, on retrouve l’écho de la demande de reconnaissance de Bauer : « Vous ne comprenez pas », crie Bauer lors d’une rencontre cruciale avec son tuteur : « Je suis différent. Je suis autre chose, autre chose. » La différence et le désir de faire entendre, reconnaître, voir et ressentir sa différence sont les véritables thèmes de ces films qui mettent en scène des butches travesties et des hommes transgenres.

À peine butch

24Dans les années 1980, les films sur les gouines, les butches hypermasculines, les travesties et les perverses ont été remplacés par un « cinéma lesbien » conscient. Deux films lesbiens en particulier, Lianna (1982) et Desert Hearts (1986), ont réussi à susciter l’intérêt d’un public relativement large malgré leur petit budget de production indépendante. Le groupe de films lesbiens que j’examine dans cette section se veut une contribution à un cinéma lesbien non pathologisant proposant des images positives et des figures d’identification (role model). Ils témoignent cependant d’une évolution surprenante : le personnage de butch y apparaît comme l’ombre de ce qu’elle était. Des nuances de butch sont encore perceptibles (Patrice Donnelly en athlète, Mary Stuart Masterson en gouine bagarreuse du Sud), mais ces personnages sont très clairement féminisés. Chaque fois qu’un roman a été adapté au cinéma (Fried Green Tomatoes, Desert of the Heart), les personnages des romans codés comme butch ont été sensiblement adoucis en butch féminine ou en butch douce. Cette création de représentations cinématographiques « positives » se fait aux dépens des femmes masculines.

  • 7 En fait, l’idée selon laquelle le désir lesbien s’enracine dans la similitude entre les femmes et p (...)

25Comment expliquer historiquement un tel effacement ? On pourrait soutenir que puisque la gouine butch symbolisait depuis longtemps un stéréotype homophobe de lesbienne, sa disparition du cinéma lesbien était censée signaler l’arrivée d’images positives et responsables de lesbiennes ordinaires. Mais en reléguant la butch dans les poubelles du cinéma homophobe, le cinéma lesbien a fait des femmes butches le bouc émissaire des représentations homophobes. En d’autres termes, la butch est un type de lesbienne aussi bien qu’un stéréotype lesbien ; la butch, en outre, rend visible le désir et la sexualité des gouines, et illustre une variation lesbienne des rôles genrés hétéro-normatifs. Cette tendance des années 1980 ne devrait pas nous surprendre. Comme je l’ai montré au chapitre 4, les années 1980 ont été marquées par un backlash important dans les communautés de femmes lesbiennes blanches contre l’imagerie butch-fem. Le rejet de ce qu’il est convenu d’appeler les rôles lesbiens, s’est reproduit dans le cinéma lesbien par la représentation du désir lesbien sur le mode de l’identique. En d’autres termes, les femmes dans ces films consciemment lesbiens, sont montrées comme désirant le même et non la différence7.

26Dans les films « à peine butch » – Lianna, Desert Hearts, Personal Best, et Fried Green Tomatoes –, on trouve des traces de la gouine butch et de ses différentes expressions genrées alternatives. Le motif de la gouine prédatrice reparaît sous la forme de la lesbienne qui séduit et joue les mentors ou « convertit » une femme hétérosexuelle. Les symboles phalliques qui signifiaient la masculinité des gouines dans les films antérieurs réémergent dans le cinéma lesbien simplement sous la forme d’une féminité non conventionnelle. Le personnage « à peine butch » a parfois des attributs que l’on considère traditionnellement comme masculins – elle peut avoir des muscles, être une tombeuse ou une coureuse de jupons. Dans ces films, il n’y a que des allusions occasionnelles au travestissement ou à l’attachement érotique aux vêtements masculins, et toutes ces « à peine butches » sont identifiables comme des femmes. C’est une nouveauté particulièrement significative dans Desert Hearts et Fried Green Tomatoes car, dans les romans sur lesquels ces films sont basés, les deux personnages butches sont constamment pris pour des hommes.

27Lianna (1982), l’un des premiers films « à peine butch », raconte l’histoire d’une femme qui fait son coming out, presque comme un récit humain universel. Au cours du récit, Lianna fait son coming out, quitte son mari et commence une vie de lesbienne. Dans ce scénario, le personnage « à peine butch » est Ruth, une enseignante plus âgée, qui, à une autre époque, aurait été la butch prédatrice profitant de l’innocence féminine. Ici, elle est un mari de substitution qui facilite l’évasion de Lianna hors des griffes de l’hétérosexualité. Ruth a les cheveux courts et un visage qui serait masculin sans le maquillage et les boucles d’oreilles. Comme le mari de Lianna, Ruth est enseignante ; Lianna a rencontré son mari pendant ses études supérieures et est devenue son assistante de recherche avant d’abandonner son travail pour l’épouser. Elle est maintenant devenue l’assistante de recherche de Ruth, et le film fait un parallèle entre le rôle du mari et celui de l’amante à peine butch. Dans une scène qui montre l’attirance grandissante entre les deux femmes, Lianna regarde avec adoration l’enseignante à peine butch qui remplace son mari – la substitution déjà évidente est soulignée d’une manière plutôt lourdingue par le cinéaste John Sayles, qui filme l’inscription « développement parallèle » sur le tableau noir derrière Ruth.

  • 8 Pour une analyse de la réception de Personal Best, voir Chris Straayer, « Personal Best : Lesbian F (...)
  • 9 Pour une excellente contribution sur la peur du lesbianisme dans le sport féminin, voir Susan Cahn, (...)

28Personal Best (1982) et Desert Hearts (1986) font aussi un parallèle entre le personnage à peine butch et une autre figure masculine dans la vie de l’héroïne à peine fem. Dans Personal Best, Tori est une version féminine de la figure du mentor dont Mariel Hemingway tombe finalement amoureuse8. Dans ce film sur les athlètes féminines, la caméra de Robert Towne détaille avec amour la musculature féminine mais semble finalement la catégoriser comme une version atténuée de la constitution athlétique masculine. Les petits muscles de Tori, comme le petit pistolet de Joan Crawford dans Johnny Guitar, ne pourraient jamais rivaliser avec un vrai muscle masculin. Comme les critiques l’ont souligné lors de sa sortie, la caméra, passe plus de temps à filmer l’entrejambe des athlètes féminines qu’à se concentrer sur leur constitution athlétique et, au lieu d’évoquer le lesbianisme qui existe dans le sport féminin, Personal Best nous sert un récit voyeuriste du corps féminin9.

  • 10 Jane Rule, Desert of the Heart, New York, Amo Press, 1975, p. 157.

29Personal Best tente d’insister sur le caractère inévitable de l’hétérosexualité, même dans les espaces féminins les plus homo-sociaux ; Desert Hearts de la réalisatrice lesbienne Donna Deitch refuse ce récit d’hétérosexualité inévitable et expose à la place le potentiel lesbien des femmes, même les plus ouvertement hétérosexuelles. Dans le roman sur lequel ce film est basé, Desert of the Heart de Jane Rule, de multiples thèmes se prêtent à une esthétique butch. Le roman parle d’une relation entre une jeune femme, Ann, et une femme plus âgée, Evelyn. Les deux se rencontrent alors qu’Evelyn est à Reno en attendant que son divorce soit prononcé. Ann est dessinatrice et Evelyn est professeur d’anglais. Evelyn parcourt les livres d’Ann à la recherche d’indices sur le caractère de son amante et trouve quelques lignes de Sappho soulignées par Ann : « Mais ce que l’on aime, c’est ce que l’on est10. » Le roman, à première vue, semble embrasser une esthétique de la similitude, mais il finit par saper l’idée d’un désir lesbien reposant sur la similitude et l’identification, en accentuant les différences entre Ann et Evelyn. L’un des axes de cette différence est une dynamique mère-enfant manifeste qui resserre les liens entre les deux femmes. Le nom de famille d’Ann est Childs, et elle n’a pas de mère ; Evelyn n’a pas de fille. Evelyn a l’impression qu’Ann est comme son enfant, et elle initie une étrange et érotique parentalité dans laquelle elle et Ann sont identiques et différentes en même temps : « Ce qu’elle voyait n’était plus un reflet imparfait d’elle-même, mais une altérité vers laquelle elle était attirée et qu’elle ne comprenait pas » (117). Ann embrasse aussi Evelyn comme une image d’elle-même, mais comprend que son désir pour Evelyn est motivé par la différence et relève en partie d’un complexe œdipien masculin. Silver, l’ancien amant d’Ann et maintenant son ami marié, lui dit : « Ma chérie, quand les petits garçons veulent épouser leur mère, ils ont déjà assez de mal avec ça, mais ils s’en sortent. Mais quand les petites filles veulent épouser leur mère... » (136). Cette conversation place Ann dans la position d’Œdipe, le garçon qui veut épouser sa mère et qui cherche la différence au lieu de la similitude. Ann travaille dans un casino de Reno, un endroit rempli de miroirs, miroirs sans tain, miroirs métalliques ; elle vit dans un paradis désertique de néons et de machines à sous, de lumière artificielle et d’argent. Le désert représente pour les deux femmes le lieu fécond de la stérilité, un lieu pour célébrer le divorce, un lieu pour jouer (Evelyn gagne), un lieu pour perdre beaucoup, un « espace tragique » chaotique de désir inexploré, un lieu à traverser mais pas à atteindre, un lieu de transition et de mouvement constant, un lieu d’exil et de solitude, un lieu du cœur mais pas un foyer, pas un espace domestique mais juste un espace. Le livre évoque magnifiquement une géographie du désir dans laquelle le désert devient un espace qui donne l’impression d’une similitude sans fin mais qui, à y regarder de plus près, révèle des différences et des variations à tous les niveaux.

30Dans le film Desert Hearts (1986), la réalisatrice Donna Deitch transforme l’adorable sauvageonne butch qu’est Ann dans le roman, en une Cay soignée qui ressemble à un mannequin. Cay est vaguement comparée à son frère, ce qui est peut-être tout ce qui reste de son origine butch, et son frère commente haut et fort ses talents de dragueuse, se demandant : « comment a-t-elle autant de succès sans le bon équipement ? » La boutade est humoristique, mais elle perd une partie de son sens en rapport avec la rivalité masculine entre jumeaux lorsqu’Ann devient une Cay féminine à l’écran. Dans la scène où Cay rencontre Evelyn, Cay croise sa mère adoptive qui ramène Evelyn chez elle en voiture ; Cay freine brutalement et fonce en marche arrière pour rattraper la voiture de sa mère et rester au même niveau qu’elle. Elle se présente alors à Evelyn, et ne s’écarte que lorsqu’une voiture arrive en face. Cette scène tristement célèbre de marche arrière associe Cay à l’inversion ou peut-être à la régression – elle va littéralement dans l’autre sens. Mais sa grosse voiture, sa conduite extravagante et son impertinence ne suffisent pas à faire de Cay une butch. Parce qu’Ann est devenue Cay, la dynamique mère-butch est également atténuée et remplacée par une dynamique à peine butch-à peine maternelle dans laquelle tout ce qui reste du complexe d’Œdipe d’Ann est une vague agressivité sexuelle, et tout ce qui reste de la présence maternelle d’Evelyn est quelques cheveux gris et une timidité chronique. L’adaptation de ce roman au cinéma met en lumière les véritables enjeux du cinéma lesbien des années 1980 : l’éradication de la butch et de ses désirs.

  • 11 Fannie Flagg, Fried Green Tomatoes at the Whistle Stop Cafe, New York, Random House, 1987 ; trad. B (...)

31Enfin, il faut mentionner dans cette section l’adaptation cinématographique du roman sudiste de Fannie Flagg, Fried Green Tomatoes at the Whistle Stop Cafe11. Ce film illustre la tension entre les images positives et les compromissions des représentations lesbiennes. Fried Green Tomatoes (1991) a remporté un GLAAD Media Award pour sa représentation positive d’une relation lesbienne, mais le caractère érotique de la relation entre les deux femmes était en fait si implicite dans le film, que beaucoup de spectateurs/trices hétérosexuel.le.s ont pu y voir une forte amitié entre deux femmes plutôt qu’une histoire de gouine. Comme je l’ai soutenu dans ce chapitre, les lesbiennes sont rendues invisibles dans ce genre de film précisément parce qu’il y a peu de traces de masculinité féminine. Si les spectateurs/trices hétérosexuel.le.s avaient été face à une Idgie vraiment butch, il n’y aurait pas eu de doute quant à la nature de la relation entre les deux femmes. De plus, pour dépeindre Idgie d’une manière non menaçante, le cinéaste Jon Avnet s’est considérablement éloigné du roman. Avnet, curieusement, dépeint Idgie comme un garçon manqué dans sa jeunesse, mais quand elle grandit, toute trace de masculinité disparaît. Une des premières scènes montre une adorable jeune Idgie travestie en costume-cravate, qui perturbe le mariage de sa sœur en faisant briller un miroir dans les yeux du pasteur. Le garçon manqué, cependant, devient en grandissant un mannequin débraillé à la Playboy, une sorte de sosie de Madonna. Dans un passage du roman qui se déroule dans une salle de jeu, Idgie adulte est censée être une gouine brute de décoffrage qui fait partie de la bande des mecs et fréquente des prostituées. Dans un épisode du livre, Idgie rend visite à Ruth alors qu’elle est encore mariée à son mari violent. Quand Idgie découvre que le mari de Ruth la bat, elle entre dans le salon de coiffure où Frank Bennett est en train de se faire raser et menace de le tuer s’il ne laisse pas Ruth tranquille. Après le départ d’Idgie, Flagg écrit : « Le barbier était là, la bouche ouverte. C’était arrivé si vite. Il a regardé Frank dans le miroir et a dit : ‘Ce garçon doit être fou.’«  (189). Dans le film fem-fem d’Avnet, il ne reste rien du « garçon » ni même du « garçon fou ».

32En fin de compte, l’émergence d’un cinéma lesbien indépendant a eu un effet désastreux sur les images de femmes masculines dans les représentations lesbiennes. Il est d’ailleurs toujours assez rare de trouver une image de butch vraiment explicite dans le cinéma lesbien contemporain. Dans la section suivante, je présente les tentatives récentes de réintroduire des représentations de butch dans le cinéma queer.

Les butches postmodernes

33Dans cette section, je termine par un bref survol de quelques représentations iconoclastes de lesbiennes dans le cinéma contemporain. En effet, certains films récents se sont emparés des genres queer, et une dynamique butch-fem revitalisée a remis en circulation la butch queer postmoderne. Certains films, comme le long métrage allemand mignon et camp Your Heart Is All Mine (1992), voient dans le couple butch-fem une forme cliché mais nécessaire de la différenciation genrée des lesbiennes et le vecteur principal du sex-appeal des gouines. Dans Your Heart Is All Mine, la comédie lesbienne étrange et baroque d’Elke Gotz, la butch est un gros cliché, et utilise des techniques de séduction totalement ringardes mais attachantes, comme les ronds de fumée, pour séduire sa fem. L’autre blague dans ce film est que la butch travaille comme boucher (ce qui est peut-être drôle seulement en anglais), et cela lui donne l’occasion de manier de gros couteaux et d’offrir des tranches de viande de choix à son amante.

  • 12 k. d. lang a eu un rapport ludique au drag et au butch tout au long de sa carrière, dont dernière m (...)

34k. d. lang a livré l’une des meilleures performances de butch de tous les temps dans Salmonberries (1992), le film sous-estimé de Percy Adlon12. Le public lesbien attendait beaucoup de ce film en raison de l’incroyable visibilité de k. d. lang en tant que superstar butch et du statut de réalisateur culte acquis par Percy Adlon (Baghdad Cafe, 1988). Malheureusement, le film n’est pas le film romantique mainstream que beaucoup espéraient. Salmonberries, en fait, est un film d’art plutôt éclectique qui accorde plus d’attention à la beauté du paysage arctique qu’à celle de ses deux personnages de gouines qui se dégèlent mutuellement. Les scènes de séduction de ce film consistent en de longues promenades en motoneige sur des espaces vierges enneigés ou en des échanges furtifs à travers quinze couches de vêtements. Cependant, ce film raconte une histoire d’amour intéressante et potentiellement queer dans un climat froid.

35Salmonberries raconte l’histoire d’une orpheline d’Alaska nommée Kotz (k. d. lang) qui se rend dans une bibliothèque pour enquêter sur sa famille, dans l’espoir de retrouver ses vrais parents. Elle y rencontre une bibliothécaire plus âgée, Roswitha (Rosel Zech), pour qui elle développe une obsession étrange. Pendant les trente premières minutes du film, lang est presque complètement silencieuse, et tout le monde la prend pour un homme en raison de son apparence butch et de son lourd équipement de neige et parce qu’elle passe pour un garçon à son travail dans les mines. Le film finit par révéler le genre de Kotz lorsque lang se déshabille et apparaît nue devant Roswitha, avant de disparaître dans les rayons de la bibliothèque. Il est intéressant de noter que Roswitha continue de parler de Kotz au masculin. Le plan qui montre lang intégralement nue est très rapide, mais c’est une réponse efficace à la confusion genrée de Roswitha. Il y a aussi quelque chose de saisissant dans cette image de nudité par un temps aussi glacial et dans l’étrange juxtaposition de la chair et des livres. Le fait que Roswitha continue d’utiliser le pronom « il » pour parler de Kotz, suggère que l’anatomie n’est certainement pas équivalente au genre pour elle ; elle perçoit l’exhibition de Kotz comme une manifestation étrange mais pas comme une révélation de son genre et son attitude envers Kotz change sensiblement après cette scène.

36À l’instar de The Piano de Jane Campion, Salmonberries parvient à inventer de nouvelles formes d’expression, précisément en rendant muet le protagoniste principal. La performance silencieuse de lang en garçon esquimau est probablement l’aspect le plus queer et le plus convaincant de ce film étrange. Présence silencieuse, lang parvient à exprimer une gamme d’émotions complexes, et elle utilise également le silence pour renforcer sa masculinité : elle est sombre, lunatique, mélancolique, violente, sexy et extrêmement intense. Comme vous pouvez l’imaginer, les choses se dégradent quand lang se met à parler. Ses interactions avec Roswitha sont trop légères et enjouées, compte tenu de l’intensité de son humeur antérieure, et la dynamique entre les deux femmes se transforme radicalement quand lang change de registre, passant d’une gouine masculine mélancolique et renfermée à une gouine féminine fleur bleue, sentimentale et follement amoureuse. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait plus de moments érotiques entre les deux femmes (malgré les conditions arctiques), mais une partie de la tension sexuelle qui avait été soigneusement mise en place au début, disparaît trop rapidement dans une histoire assez classique de désir non réciproque d’une gouine envers une lesbienne refoulée. Inutile de dire qu’il n’y a pas de scène de sexe et seulement une scène de séduction qui échoue. Le désir dans ce film n’advient pas entre des corps mais s’enracine dans le paysage et dans des relations entre corps et paysages. Kotz et Roswitha sont toutes deux aussi amoureuses de l’Alaska qu’elles sont amoureuses l’une de l’autre, et le film évoque cela en nous offrant à plusieurs reprises des plans magnifiques de neige et de glace. Dans Salmonberries, c’est le paysage enneigé qui est sexy : les corps sont toujours trop habillés, seule une brève nudité est possible, et les vêtements de neige brouillent le marquage habituel des genres. Salmonberries apporte une contribution précieuse à un cinéma butch parce qu’il refuse de faire des compromis sur la visibilité du désir butch et de la désirabilité butch. Il joue aussi de manière convaincante sur les liens entre l’amour et le lieu, la région et le désir, le sexe et la neige.

37Dans le cinéma queer contemporain, la représentation des butches a été au moins partiellement remplacée par le récit du désir butch-fem, qui est en effet devenu une sorte de code dominant du cinéma lesbien, même lorsque des efforts sont faits pour le remplacer. Dans Go Fish (1994), le film à succès de Rose Troche, les personnages Max et Eli jouent un rituel élaboré de séduction lesbienne qui aboutit finalement à une scène attachante de sexe butch-fem, même si le film semble atténuer ces codes genrés. Dans Go Fish, il y a une discussion explicite sur le couple butch-fem : Eli et Max se rencontrent dans une librairie après une tentative infructueuse de rencontre. Eli a coupé sa coiffure hippie et l’a remplacée par une coiffure butch, et Max la complimente en disant qu’elle a l’air « très butch ». Elles tombent d’accord, cependant, sur le fait que le couple butch-fem est dépassé et partent chacune de leur côté. Mais le film va à l’encontre de cette idée d’un système butch-fem obsolète : l’autre couple du film est un couple interracial : Kia et Evie sont codées comme des modèles de butch et fem, et tout au long du film, des codes vestimentaires butch-fem sont utilisés avec sérieux. De plus, la scène où Eli se fait couper les cheveux très courts, est emblématique du style butch, et la caméra regarde avec amour la danse des ciseaux sur les cheveux et la création d’une image de butch à partir d’un entre-deux androgyne. Au fur et à mesure que ce film d’amour avance vers sa conclusion conventionnelle – la consommation de l’amour entre les protagonistes – Max et Eli deviennent sont plus clairement genrées. Max enlève finalement sa casquette de baseball et laisse tomber ses cheveux, tandis qu’Eli a la tête bien rasée et une chemise plutôt élégante, et semble enhardie par son nouveau style.

38On trouve une autre apparition dans le cinéma lesbien des années 1990 d’un personnage de butch pure et dure, avec le film de Maria Maggenti, The Incredible True Adventures of Two Girls in Love (1995). Ce film raconte l’histoire d’amour d’un garçon manqué blanc Randy Dean (Laurel Holloman) avec sa copine de classe noire Evie Roy (Nicole Parker). Non seulement le garçon manqué est une représentation juste de la masculinité féminine adolescente, mais la tante lesbienne de Randy, interprétée par Kate Stafford, est aussi très clairement et explicitement une butch. Le film met en avant la dimension de classe de l’identité butch qu’il propose, mais c’est malheureusement au détriment d’une représentation complexe de l’identité raciale. Evie est une riche fille noire vivant avec sa mère dans une maison néocoloniale en banlieue et conduisant une belle Range Rover neuve. Randy est le garçon manqué renégat qui vit avec sa tante lesbienne et sa compagne dans une famille de hippies. Randy n’a jamais connu son père, et sa mère l’a abandonnée pour une mission humanitaire. Afin d’éviter de stéréotyper Evie comme pauvre et défavorisée, Maggenti en fait un personnage riche, assuré et sophistiqué. Elle aime l’opéra plutôt que le hip-hop, elle voyage à travers le monde, et elle mange des sushis pendant les moments privilégiés qu’elle passe avec sa mère. De son côté, Randy fait du patin à roulettes, risque d’échouer à son diplôme et aime la musique grrrl bruyante et effrontée de Team Dresch et d’autres.

39Le thème de l’ébène-et-l’ivoire13 se dilue lorsqu’on se rend compte que la race n’est nulle part mentionnée dans le film comme une caractéristique importante de l’identité d’Evie. Elle est peu ou pas confrontée au racisme, et elle n’exprime aucune conscience réelle de sa race et de ses effets. De même, les filles n’ont jamais vraiment à affronter les difficultés des rencontres interraciales. Dans une scène révélatrice qui se déroule après un dîner chez Randy, Evie dit à Randy que sa tante n’a pas l’air de l’aimer, et se demande si c’est parce qu’elle est noire. L’éventualité du racisme est immédiatement écartée par une référence à la classe sociale d’Evie. « Elle a probablement un problème avec les gens qui peuvent se payer un voyage d’une semaine à Paris », explique Randy. Nous passons ensuite à un premier baiser et ce type de discussion disparaît définitivement du film grâce au pouvoir de l’amour. Bien sûr, la diversion romantique est un classique du cinéma hollywoodien en général, et nous ne devrions donc pas être surpris.es de la retrouver dans le film à succès de Maggenti. Cependant, parce que Two Girls in Love tire son humour et son entrain des différences évidentes entre les deux filles, il devrait être capable de traiter explicitement du racisme et de l’homophobie que les deux filles vont évidemment affronter.

40Il faut cependant s’éloigner du genre romantique pour trouver des images convaincantes de butch postmoderne. Dans le film autrichien Flaming Ears (1992), par exemple, les cinéastes d’avant-garde autrichien.nes Angela Hans Scheirl, Dietmar Schipek et Ursula Purrer inventent un personnage de cyber-butch de dessin animé. Tourné en super 8 et gonflé en 16 mm, ce film parvient à créer un univers visuel sauvage et étincelant. Des villes miniatures, des voitures électriques, des vêtements futuristes, des intérieurs bizarres et des décors de bande dessinée contribuent à une esthétique expressionniste où les angles de prise de vue et les effets d’ombres étranges côtoient les couleurs saturées et vives. En l’an 2700, dans la ville d’Asche, une bande de lesbiennes bizarre – Volley, Nun et Spy – vit une existence underground étrange. L’intrigue est compliquée et extravagante mais on peut résumer Flaming Ears en le décrivant comme un film d’horreur antiromantique. Le dossier de presse de Women Make Movies décrit le film ainsi :

Le film suit la vie enchevêtrée de trois femmes – Volley, Nun et Spy. Spy est une dessinatrice de bandes dessinées dont les presses à imprimer sont brûlées par Volley, une pyromane sexy. Pour se venger, Spy se rend au club lesbien où Volley se produit tous les soirs. Avant de pouvoir entrer, Spy se trouve impliquée dans une bagarre et finit blessée et étendue dans la rue. Elle est trouvée par Nun, une extraterrestre immorale qui est vêtue d’un costume en plastique rouge et a une prédilection pour les reptiles, et qui se trouve aussi être l’amante de Volley. Nun la ramène à la maison et doit ensuite la cacher à Volley.

41Cette histoire étrange et assez compliquée est le cadre d’une aventure visuelle exquise. Alternant entre des pièces inclinées et surdimensionnées à la Alice au pays des merveilles et une atmosphère d’espace urbain délabré à la Blade Runner, ce film montre combien il est facile de créer un monde extraordinairement différent.

42Flaming Ears tente vraiment d’inventer une réécriture queer des lesbiennes. Les scènes domestiques qui mettent en scène des personnages qui ressemblent à des femmes, sont complètement sexualisées dans Flaming Ears. Que ce soit lorsque nous regardons un personnage trans en latex faire frire un mini-crocodile dans une cuisine éclaboussée de sang, ou une travailleuse du sexe qui arrange des fleurs dans son salon avec une queue et des boules en bois attachées à sa taille, des genres étranges apparaissent dans la juxtaposition de la forme et de la fonction. Comportant des scènes de sexe bizarres et inhabituelles, le film est parsemé de violence rituelle comme le vampirisme ou, mon préféré, de sexe avec des meubles. Dans une scène extraordinaire, nous assistons à une rencontre particulièrement chaude et tendre entre Volley et une commode. Alors qu’elle frotte son entrejambe sur elle, Volley lui chuchote : « Ne bouge pas, chère petite commode. » Cette rencontre entre une femme et une commode est peut-être la scène la plus romantique du film, mais il y a d’autres rapports physiques tendres entre Nun, la cyberbutch, et un cadavre. Le genre de Nun est presque indéfinissable, mais elle n’est pas androgyne pour autant. Elle représente plutôt une figure étrangement masculine qui sort sa bien-aimée, une fille morte, de sa tombe, pour la transporter dans son lit. Le genre de Nun est défini par sa différence avec celui de Volley qui porte des nattes triangulaires et des tabliers, et par son image de solitaire mélancolique, qui fait écho à toute une histoire de représentation de butches de The Well of Loneliness à Stone Butch Blues. L’expression de genre de Nun peut être résumée par le terme de « garçon », même si sa performance déforme et recrée cette masculinité.

43Deux exemples plus récents de butches postmodernes dans le cinéma grand public s’éloignent aussi du genre du film d’amour lesbien pour créer leur magie. Dans le film Bound des Wachowski, la butch entre dans le monde du néo-noir. Jennifer Tilly joue Violet, une épouse de mafieux, prostituée et fem à l’esprit affûté, tandis que Gina Gershon joue Corky, une ancienne taularde qui devient l’amante de Violet. Gershon est assez convaincante dans son rôle de voleuse endurcie, mais elle est beaucoup moins convaincante en butch débrouillarde. La vraie surprise du film est toutefois la performance incroyablement sexy de Jennifer Tilly. Dans les premières scènes, Tilly semble vouloir faire de Violet une fem bimbo gémissante ; cependant, Violet devient rapidement un personnage malin et autonome et fait un grand discours pour reprocher à Corky d’avoir osé suggérer qu’elle serait moins authentiquement homo parce qu’elle peut passer pour hétéro. Comme son scénario concis et imprévisible, le style de Bound est typiquement noir, avec des angles de caméra tordus et des fondus et gros plans amusants.

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  • 15 En raison de l’intense visibilité de la masculinité féminine noire, il est intéressant de noter l’a (...)

44Enfin, une représentation extrêmement puissante de butch noire est venue d’une source quelque peu surprenante. Queen Latifah joue Cléopâtre Sims dans le film Set It Off (1996) de F. Gary Gray, et elle réussit à jouer un rôle de butch dure à cuire avec verve et aplomb. Même un critique du New York Times qualifie Cleo de « lesbienne butch (avec une jolie petite amie) chez qui le braquage de banque fait ressortir le côté hors-la-loi latent14 ». Cleo fait partie d’un groupe de quatre femmes noires qui décident que braquer des banques est la seule option que la société leur offre pour s’en sortir. L’une d’entre elles a été victime de violences policières, une autre a été licenciée, une autre risque de se voir retirer la garde de son enfant, et Cleo fait constamment face à une discrimination raciale et sexuelle dans le cadre de son travail sous-payé. Pour créer un style butch crédible, Queen Latifah adopte une version rap de la masculinité noire et témoigne ainsi de la facilité avec laquelle la masculinité devient visible en tant que telle en dehors de la norme de masculinité blanche. Certes, comme je l’ai dit plus tôt, la butch noire correspond à certaines attentes stéréotypées, mais en fin de compte, le fait que la masculinité soit perçue comme inhérente aux noirs permet la production d’une butch crédible15. Cleo brandit un flingue avec puissance et autorité, une autorité qui n’est pas empruntée aux hommes mais qui fait partie de sa propre présence masculine. Son image résonne avec des images similaires créées par d’autres rappeurs comme Ice Cube dans Boyz N the Hood, par exemple. Et Cleo n’a rien à voir avec les autres héroïnes noires jouées par Whitney Houston ou Halle Berry.

  • 16 Queen Latifah, « Heads Ain’t Ready for Queen Latifah’s Next Move », interview de Danyel Smith, Vibe (...)

45Dans une interview parue dans le magazine Vibe peu après la sortie de Set It Off, Latifah a parlé de son rôle dans le film16. Elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas homo et fait une distinction entre jouer et être : « Je ne suis pas une gouine... C’est ce qu’est Cleo. Les fringues de mec et tout le bataclan – elle se vend comme ça. Pas moi. J’ai fait mon travail. Et je n’ai pas peur des conséquences. » Mis à part le déni plutôt défensif de toute identification personnelle queer dans cette déclaration, Latifah fait une remarque importante. Sa propre orientation sexuelle n’est pas le sujet ici : ce qui est en jeu, c’est une représentation artistique crédible d’un type particulier de lesbienne noire qui regarde sa petite amie fem faire un striptease, l’embrasse virilement et manie les armes comme un gangster. L’intervieweur de Latifah, Danyel Smith, commente : « Cleo ne se réduit pas à un stéréotype de butch noire hypermasculine. C’est une humaine à part entière, avec des problèmes qui ont leurs racines dans la partie noire, la partie pauvre, la partie femme et la partie provinciale de son identité. » (102). En effet, la masculinité féminine noire que Latifah incarne est convaincante précisément parce qu’elle est imprégnée d’une dynamique raciale et de classe qui relie cette masculinité à une forme particulière d’identité féminine paupérisée. Smith la caractérise en utilisant les termes « noire », « pauvre », « femme » et « provinciale », ce qui met en évidence le fait que les masculinités sont toutes le produit de multiples marqueurs sociaux. La masculinité de Cleo est autant le produit de sa vie dans son quartier que de son lesbianisme ; c’est une masculinité apprise dans la pauvreté aussi bien qu’une masculinité cultivée dans un corps féminin. La masculinité de Cleo est une technique de survie autant qu’un handicap, un plaisir autant qu’un danger, et en fin de compte ce par quoi elle vit et finit par mourir.

Conclusion

46Le cinéma lesbien contemporain est plein d’images sexy de butches garçons manqués, prédatrices, perverses et queer. La butch est loin de se réduire à une identité démodée ou un stéréotype malveillant ; il est plutôt le produit brut d’une tradition de figures féminines non conventionnelles au cinéma. Avant les années 1960, les butches codaient le lesbianisme dans des performances élaborées de déviance genrée et de rébellion sociale. Après les années 1960, les butches ont été aux prises avec les impératifs d’un cinéma positif et ont brièvement disparu au nom d’un cinéma non stéréotypé. Reste que les butches, des années 1940 jusqu’à nos jours, ont en commun certains marqueurs visuels (fusils, cigares, pantalons, sexualités agressives) et certaines trajectoires narratives (mort, déshonneur, disgrâce). Retracer ces images nous donne accès à un aspect de l’histoire de la masculinité féminine, l’histoire du look butch.

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Notes

1 Carol Clover, Men, Women, and Chain Saws : Gender in the Modern Horror Film, Princeton University Press, 1992.

2 Rebecca Bell-Metereau, Hollywood Androgyny, chap. 3.

3 Chris Straayer, « Redressing the “Natural” : The Temporary Transvestite Film », in Deviant Eyes, Deviant Bodies : Sexual Re-orientations in Film and Video, New York, Columbia University Press, 1996, p. 42-78.

4 Bell-Metereau aborde Homicidal dans un chapitre sur les films post-Code de production. Elle situe le film comme suit : « Homicidal (1961) de William Castle a été l’un des premiers films après Psychose à utiliser le travestissement pour créer du suspense et un twist final. » (Hollywood Androgyny, 133).

5 Pour en savoir plus sur la Revue Takarazuka, voir le film Dream Girls (1993) de Kim Longinotto et Jano Williams. Pour en savoir plus sur cette tradition du théâtre japonais, voir Jennifer Robertson, « Butch and Femme on and off the Takarazuka Stage : Gender, Sexuality, and Social Organization in Japan », Working Paper Series, East Lansing, Michigan State University, 1989.

6 J’analyse ce film en détails dans mon article « F2M : The Making of Female Masculinity », in The Lesbian Postmodern, ed. Laura Doan, New York, Columbia University Press, 1994, p. 210-28.

7 En fait, l’idée selon laquelle le désir lesbien s’enracine dans la similitude entre les femmes et produit une intimité reposant sur le partage de points communs, caractérise toujours les représentations dominantes du lesbianisme. En 1997, lors du coming out d’Ellen dans la sitcom du même nom, le personnage d’Ellen Degeneres a été dépeint comme quelqu’un qui trouvait une autre femme attirante parce qu’elles avaient tant de choses en commun. Le public a eu droit à une image très réconfortante du lesbianisme, avec des lesbiennes blondes avec rouge à lèvres qui désirent d’autres lesbiennes blondes avec rouge à lèvres.

8 Pour une analyse de la réception de Personal Best, voir Chris Straayer, « Personal Best : Lesbian Feminist Audience », Jump Cut n° 29, février 1984, p. 40-44.

9 Pour une excellente contribution sur la peur du lesbianisme dans le sport féminin, voir Susan Cahn, Coming On Strong : Gender and Sexuality in Twentieth Century Women’s Sport, Cambridge, Harvard University Press, 1994.

10 Jane Rule, Desert of the Heart, New York, Amo Press, 1975, p. 157.

11 Fannie Flagg, Fried Green Tomatoes at the Whistle Stop Cafe, New York, Random House, 1987 ; trad. Beignets de tomates vertes, J’ai lu, 2003.

12 k. d. lang a eu un rapport ludique au drag et au butch tout au long de sa carrière, dont dernière manifestation est son CD Drag (1997) qui traite de plaisirs interdits comme la cigarette.

13 Voir la chanson de McCartney et Wonder https://fr.wikipedia.org/wiki/Ebony_and_Ivory.

14 Stephen Holden, « Trying to Get Even While They Get Rich : Set It Off », New York Times, 6 novembre 1996, C11, C14.

15 En raison de l’intense visibilité de la masculinité féminine noire, il est intéressant de noter l’absence totale de représentation de la masculinité féminine noire dans l’exposition d’art « Black Masculinity » qui a eu lieu d’abord à New York, au Whitney, puis a déménagé à Los Angeles.

16 Queen Latifah, « Heads Ain’t Ready for Queen Latifah’s Next Move », interview de Danyel Smith, Vibe, décembre 1996/janvier 1997, p. 98-102.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jack Halberstam, « Avoir l’air butch. Une esquisse de guide sur les butches au cinéma. Partie 2/2 »Genre en séries [En ligne], 10 | 2019, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 13 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/737 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ges.737

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Auteur

Jack Halberstam

Jack Halberstam est professeur à l’Université of Southern California, spécialiste de théories gender et queer. Principales publications : Female Masculinity. Durham : Duke University Press, 1998 ; In a Queer Time and Place: Transgender Bodies, Subcultural Lives. New York: New York University Press, 2005 ; The Queer Art of Failure. Durham: Duke University Press, 2011 ; Gaga Feminism. Boston: Beacon Press, 2012.

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Traducteur

Geneviève Sellier

Geneviève Sellier est professeure émérite en études cinématographiques à l’Université Bordeaux Montaigne. Elle a notamment publié Jean Grémillon : le cinéma est à vous (Klincksieck [1989], 2012) ; La Drôle de guerre des sexes du cinéma français, 1930-1956, avec Noël Burch ([Nathan1996] Armand Colin, 2005) ; La Nouvelle Vague, un cinéma au masculin singulier (CNRS éditions, 2005) ; Ignorée de tous… sauf du public : quinze ans de fiction télévisée française, avec Noël Burch (Ina, 2014). Elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs dont récemment, en codirection avec Gwénaëlle Le Gras, Cinémas et cinéphilies populaires dans la France d’après-guerre 1945-1958 (Nouveau Monde éditions, 2015).

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