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Dossier

Les codes d’une masculinité « cool » : discours et performances de genre dans les clips du rappeur MC Solaar

Encoding “cool” masculinity: discourse and gender performances in French rapper MC Solaar’s music videos
Clara Heysch de la Borde

Résumés

Au début des années 1990, les médias généralistes érigent MC Solaar en « rappeur cool » pour le caractère mélodieux et cérébral de sa musique (Hammou, 2012). Cet article, centré sur les clips du rappeur parus au cours de cette décennie, analyse ses performances de genre comme empruntant aux codes d’une masculinité hégémonique (Connell, 1985) proches de la virilité-privilège (Achin et Dorlin, 2008). Bien que ces performances aient servit d’appui aux discours des médias généralistes dans leur rejet des masculinités marginalisées (Connell, 1985) associées aux jeunes de « banlieue », l’analyse propose de les replacer dans une stratégie de contournement de stigmates raciaux de la part de l’artiste. Introduit par une revue de littérature consacrée au traitement académique des masculinités dans le rap français, cet article s’inscrit dans le champ des cultural studies et déploie une analyse textuelle, musicale et visuelle de la masculinité performée par MC Solaar. Les codes de genre du rappeur sont interrogés dans une perspective intersectionelle et à l’aune de la construction globale de sa persona liée à des chaînes de coopération (Becker, 1988) agissant dans le contexte socio-historique précis des années 1990.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Le terme de persona au champ des stars studies et plus particulièrement aux travaux de Richard Dyer (...)

1Né à Dakar en 1969 de parents tchadiens, Claude M’Barali grandit à Maison-Alfort puis à Villeneuve-Saint-George. Élevé par sa mère infirmière avec ses trois frères et sœurs, il passe le Baccalauréat en 1988 avant de s’inscrire à l’Université de Jussieu en Langues Étrangères Appliquées. Entouré du collectif le Posse 501, issu de Villeneuve-Saint-George, il sort chez Polydor en 1990 son premier single Bouge de là, composé par son DJ Jimmy Jay et Boom Bass. Son album Qui sème le vent récolte le tempo, sorti en 1991, comptabilisera plus de 300 000 ventes. Les singles « Caroline », « Bouge de là » ou encore « Victime de la mode » seront largement diffusés sur de nombreuses chaînes de radio et télévisuelles nationales, parmi lesquelles l’émission du Top 50. Dès 1992, l’artiste bénéficiera d’une réception spécifique accordée par les médias généralistes de l’époque, qualifiant sa musique de « rap cool » pour son caractère mélodieux et cérébral. Les premiers albums du rappeur sont en effet apparus dans un contexte où le monde professionnel du rap était marqué par des clivages moraux segmentant les contenus artistiques. Si l’œuvre de MC Solaar était perçue comme « cool », c’était par opposition à celle de NTM, qualifiée de « hardcore » pour son style plus brutal (Hammou, 2012 : 161). Cet article propose d’étudier la dimension genrée de cette réception segmentée en s’intéressant à la construction globale de la persona1 de l’artiste par le biais de l’analyse de ses clips.

2La persona de MC Solaar nous intéresse d’autant plus que son étude par le prisme du genre invite à mobiliser des outils théoriques pas ou peu mobilisés au sein des études académiques francophones sur le rap. Au sein de ce champ, le traitement des problématiques liées aux masculinités a longtemps été symptomatique de l’approche hexagonale en matière d’études sur le masculin. Il existe peu de travaux spécifiquement dédiés à la question et, dès les années 1990, apparaissent les ébauches d’une grille de lecture homogénéisante et essentialisante. Par un glissement métonymique, les masculinités des rappeurs sont en effet appréhendées par le même prisme que celles des jeunes issus des banlieues précarisées dans les années 1980/90. Nous retrouvons la même tendance à cibler chez les individus les propriétés de la « virilité » (Mauger, 1998 ; Sauvadet, 2006 ; Lepoutre, 1997 ; Welzer Lang, 2002), approche traduisant une focalisation sur les qualités visibles de l’expression de certaines masculinités dans les milieux populaires (Gourarier, Rebucini et Vöros, 2015 ; Rivoal, 2017). Dès les années 1990, le rap est comparé à un « combat sans pitié », au sein duquel « le mot remplace le couteau » (Lapassade, Rousselot, 1990). Le monde du hip-hop valoriserait une « attitude caillera », décrite comme « une posture défensive », associée à une image « dure » (Boucher, 1988), de « bad boy » (Casolari, 1999) ou encore marquée par des attitudes « d’orgueil et de fierté » (Mucchielli, 1999), ou qualifiées de « vantarde » (Vicherat, 2001). De nombreux adjectifs renvoyant à des caractéristiques figées, marquent la réduction des codes de masculinités des rappeurs à des attributs arrêtés et imputés au supposé ancrage social du rap, la banlieue. Bien qu’elle soit contextualisée dans certaines recherches par un prisme d’analyse postcolonial ou local, la figure du rappeur aux conduites « viriles », associées à la force physique, à l’honneur et à l’importance de l’image de soi, est prépondérante dans les travaux universitaires francophones sur le rap (Vettorato, 2012 ; Aterianus-Owanga, 2016 ; Jesu, 2018). Seuls quelques récents travaux viennent renseigner le rôle des industries culturelles (Freitas 2011 ; Djavadzadeh, 2015 ; Hammou, 2017 ; Guillard et Sonnette, 2020), des médias (Dalibert, 2018) et des représentations communes (Lesacher, 2013) dans la circulation de stéréotypes de genre à propos des rappeurs et rappeuses.

  • 2 Terme désignant exclusivement un rapport social construit.
  • 3 « Mainstream » est à comprendre ici au sens de « commercial ». Notre travail s’intéresse exclusivem (...)

3Le cas de MC Solaar nous rappelle qu’étudier les pratiques, les représentations et/ou les performances des masculinités existantes dans le monde social du rap implique d’en reconnaître le caractère multiple, dynamique et historique. Le concept d’hégémonie, largement mobilisé au sein des études sur les masculinités depuis le travail fondateur de Raewyn Connell (Connel, 1995), permet de développer des analyses historicisées et non-essentialistes de ces problématiques, en considérant les rapports sociaux de pouvoir qui s’y rattachent. Les recherches anglophones sur les masculinités ont revêtu une dimension critique dès les années 1990, notamment par le biais d’analyses intersectionnelles croisant enjeux de classe, de race2 et de genre (Rose, 1994 ; Hooks, 1984, 2004 ; Hill Collins, 1991, 2006). Ces perspectives critiques n’ont pas empêché une focalisation, dans les travaux féministes sur le rap, sur l’« hypermasculinité » arborée par certains rappeurs mainstream3, souvent mise en perspective avec le contexte américain de racisme systémique au sein duquel le rap est né (Dei-Sharpe, 2019). Ce n’est qu’à partir du milieu des années 2000 que plusieurs travaux anglophones sont venus déstabiliser le rapport d’équivalence entre rap et « hypermasculinité », jusqu’alors omniprésent au sein des hip-hop studies. Plusieurs auteurs dénoncent le manque d’attention médiatique et académique apportée aux éléments ambigus et subversifs dans la masculinité de certains rappeurs (Graham, 2016) tels que Lil Wayne, Kanye West ou Drake (Tracy, Dale et Kris Singh, 2015 ; Lafrance, Burns et Woods, 2017). Ces recherches invitent à appréhender avec davantage de nuances les subjectivités de rappeurs racisés pour en cerner la complexité (Chaney, Cassandra et Mincey, 2014) ou en réhabiliter le potentiel radical neutralisé par les médias (Graham, 2016). Ces nouvelles perspectives nous semblent indispensables à l’étude des codes masculinités arborés par un rappeur tel que MC Solaar.

  • 4 Sacrée soirée, TF1, 12 février 1992.

4« On dit de lui que c’est le plus cool des rappeurs, il a 22 ans, et déjà on parle de la puissance de ses textes ainsi que de la douceur […] et de l’efficacité de ses mélodies »4 : ainsi Jean-Pierre Foucault introduisait-il, en février 1992, MC Solaar sur le plateau de Sacré Soirée. Un tour d’horizon des passages télévisés du rappeur dans les années 1990 permet effectivement d’entrevoir que c’est sur la base de jugement liés à sa masculinité que les journalistes le survalorisaient, l’artiste étant très régulièrement flatté pour son intelligence et sa douceur. Son œuvre contient également un certain nombre d’éléments signalant une importante réflexivité vis-à-vis de sa propre masculinité.

  • 5 Le terme d’agentivité renvoi ici au concept d’« agency » de Judith Butler, désignant la capacité de (...)
  • 6 Le stigmate est ici compris au sens de Goffman, comme attribut social dévalorisant.
  • 7 Le terme « performance » renvoie ici aux travaux de Judith Butler qui considère le genre comme perf (...)

5Le présent article entend, par l’étude des clips du rappeur MC Solaar, interroger le triptyque médiatique et académique « rap-banlieue-virilité » en levant le voile sur les éléments de sa persona déstabilisant ce cadrage. Dans le contexte médiatique des années 1990, où les thèmes de la violence urbaine et de la culture virile qui y serait associée sont centraux (Guénif-Souilamas et Macé, 2011 ; Taraud, 2011), MC Solaar incarne une forme de tempérance renvoyant aux codes de la virilité-privilège théorisée par Catherine Achin et Elsa Dorlin (Achin et Dolin, 2008). Ses performances corporelles traduisent un physique « ni investi […] ni trop peu investi » (Achin et Dolin, 2008 : 24) et agrègent parfois des codes d’une masculinité dure et romantique, faisant écho au « New Man » décrit par Sean Nixon dans les années 1990 (Nixon, 1997), traduisant de nouvelles manières de traiter la masculinité noire. Nous nous réfèrerons, au concept d’hybridité pour qualifier ces performances. Les « masculinités hybrides » renvoient, dans le champ académique, à un projet de genre incorporant des éléments des masculinités marginalisées, subordonnées, et/ou des éléments féminins (Bridges, 2014). Nous verrons que les codes de genre incarnés par l’artiste sont interprétés par les médias généralistes comme une performance de masculinité hégémonique d’exception qui leur sert d’appui pour rejeter, par contraste, les masculinités marginalisées (Connell, 1985) associées aux jeunes de « banlieue ». L’enquête menée permet néanmoins de mettre en lumière l’agentivité5 de MC Solaar dans la construction de cette persona. Si ses performances ont pu être instrumentalisées par les médias généralistes dans une optique de clivage moral du monde social du rap, elles sont à resituer dans une stratégie de lutte contre certains stéréotypes raciaux. La masculinité arborée par MC Solaar s’articule à son adhésion au discours d’intégration républicain, envisagée comme le seul moyen de contourner les stéréotypes racistes dans un contexte de stigmatisation de la musique rap dans l’espace public. Alors que la stratégie de retournement de stigmate6 dans le contexte américain a souvent été mise en avant dans la construction des performances de genre7 de rappeurs et rappeuses noir·es (Djavadzadeh, 2015), nous mettrons ici en lumière celle d’un contournement dans le contexte médiatique français des années 1990. Ce positionnement sera pensé sous l’angle des politiques de respectabilité, notamment mobilisées dans les études sur les Black Politics au sein la culture populaire étatsunienne (Dazey, 2021).

6Nous étudierons les performances de genre du rappeur dans les clips qui ont accompagné la sortie de ses trois albums les plus vendus des années 1990 : Qui sème le vent récolte le tempo (1991) ; Prose Combat (1994) et Paradisiaque (1997). Ces clips seront abordés à l’aune de la construction globale de sa persona, articulée à l’incarnation d’une masculinité dont certains traits sont mis en exergue pour leur caractère hégémonique par les médias généralistes sur la période historique étudiée.

7L’analyse musico-visuelle et critique des clips du rappeur sera liée à celle des éléments textuels. Nous interrogerons les codes de genre qu’il performe à l’aune des chaînes de coopération (Becker, 1988) impliquées dans son œuvre, agissant dans un contexte socio-historique précis. Le discours et les performances de MC Solaar seront donc pensés dans « un effet de boucle » (Hammou, 2012 :13), incluant le rôle de l’artiste, mais aussi celui des médias, et de l’industrie de la musique. Notre analyse est nourrie d’une enquête de terrain constituée de trois entretiens : avec MC Solaar lui-même ; avec Philippe Ascoli, le directeur artistique l’ayant signé chez Polydor en 1990 ; et enfin avec le réalisateur de son clip « Caroline », Thierry Rajic. Afin de cerner le positionnement de MC Solaar dans le champ médiatique des années 1990, nous avons également réalisé une analyse de ses discours à la télévision – à partir du visionnage exhaustif de ses apparitions sur les cinq chaines de TV nationales de 1990 à 2000 – et consulté les archives du magazine spécialisé Radikal pour mieux appréhender son image au sein du monde social du rap.

Les clips de MC Solaar : vitrine d’une masculinité « cool »

Le codage musico-visuel d’une virilité-privilège

8Les clips de MC Solaar sont l’occasion de performances de masculinité hybrides, mixant des éléments d’une virilité-privilège (Achin et Dolin, 2008) et d’autres rappelant un regard plus exotisant de l’art occidental sur les masculinités noires. La virilité-privilège, théorisée par Achin et Dorlin, renvoie à des éléments de personnalités tels que la maitrise de soi, la tempérance, la justice et le courage mais aussi à un style corporel spécifique, qui ne doit ni être trop ostentatoirement investi – sous peine d’être associé aux classes populaires et aux peuples colonisés – ni si désinvesti qu’il se rapprocherait de celui d’autres masculinités stigmatisées, dont celle des homosexuels (Achin et Dorlin, 2008 : 24). Selon les autrices, cette virilité-privilège laisse place dans les années 1980 à une virilité-ressource, plus ostentatoire, au sein de la classe politique française. L’hégémonie de la virilité-privilège reste néanmoins centrale dans les années 1990 (Guigo, 2021).

  • 8 Nous ferons référence dans cet article à la typologie générique des clips-vidéos établie par Railto (...)
  • 9 Le battement par minute (BPM) est une unité de mesure utilisée pour exprimer le tempo d’une musique

9Le clip de « Caroline » est significatif du codage hybride de la masculinité de MC Solaar. Ce clip narratif8 illustre un morceau romantique dans lequel le rappeur s’épanche avec nostalgie sur l’histoire d’un amour déchu. De nombreux éléments renvoient à la déclinaison « street style » du « New Man » de la culture publicitaire mainstream des années 80. Le codage de ce nouveau type de masculinité ne passe pas par l’affirmation d’un pouvoir incarné par une musculature imposante mais repose sur la mise en scène d’une sexualisation passive, mixant des codes d’une masculinité dure avec des connotations romantiques et narcissiques. Plus précisément le modèle du « street style » use de certaines significations associées aux masculinités noires – historiquement structurées par la pathologisation de la blackness – pour coder la part d’hypermasculinité de modèles performant simultanément une forme de douceur, voire de romantisme (Nixon, 1997). De nombreuses scènes du clip de « Caroline » ont recours à des travellings latéraux et verticaux sur les deux performeurs, figés dans des poses statiques. Ces plans créent des formes de scrutation progressives de leurs lignes corporelles. Ils permettent de se focaliser sur les biceps du rappeur, mis en valeur par son débardeur blanc, ainsi que sur la surface de sa peau dont la brillance est accentuée par les jeux d’exposition. Ce type de mise en scène fait écho aux modes de régulation, de fixation et de fétichisation du regard blanc sur les corps noirs masculins dans les conventions historiques de l’art occidental (Mercer, 1991 ; Railton et Watson, 2011). La mise en avant de la dimension athlétique du corps de MC Solaar est couplée à la mise en scène de sa vulnérabilité. Plusieurs plans exposent le corps du rappeur allongé ou enveloppé par celui de sa compagne, paraissant le materner. Le cadrage et les positions adoptées par l’artiste marquent aussi ce que Sean Nixon nomme l’absorption narcissique du modèle. Le quatrième plan du clip – dans lequel il apparait assis sur une chaise à bascule, le regard vers le bas, dirigé hors-champ – renvoie aux codes de l’homme romantique absorbé par des réflexions introspectives et mélancoliques (Nixon, 1997). Les passages où le rappeur apparait seul, isolé dans son espace domestique marquent aussi une forme de féminisation de ses performances, bien que l’insistance visuelle sur les lignes du corps ne permette pas d’effacer totalement ce dernier. Les caractéristiques musicales de « Caroline » sont ainsi appuyées par la performance visuelle de MC Solaar et nous rappellent à la spécificité expressive du clip dans sa forme musico-visuelle (Gaudin, 2018 : 100). Le codage visuel crée un effet d’amplification de l’expérience sensible liés aux paramètres musicologiques du morceau. Le débit du flow de MC Solaar est assez proche de celui d’une voix parlée et repose sur un beat de funk à 85 BPM9, tempo relativement lent comparativement aux productions de la scène rap de l’époque. À plusieurs reprises, le rappeur appui et rallonge une syllabe en fin de mesure, en modifiant la hauteur de sa voix vers le bas. Ce procédé apparait clairement au niveau du refrain, « Je suis l’as de trèfle qui pique ton cœur », sur lequel MC Solaar allonge le mot « cœur » en abaissant sa hauteur de voix. Ces variations appliquées à un flow lent mais dynamique, sur un registre proche d’une voix parlé, créent un effet de maîtrise et de quiétude. La charge mélancolique du morceau est assurée par la composition harmonique en La mineur, entre autre exécutée par des nappes de violons qui introduisent le morceau et reviennent sur chaque refrain. Les images du clip, qui marquent la posture tempérée et tranquille de l’artiste, illustrent donc le paysage sonore intimiste et nostalgique du morceau, lié à la performance musicale du rappeur et l’environnement harmonique dans lequel elle s’inscrit.

  • 10 Désigne, dans le domaine audiovisuel, la synchronisation du mouvement des lèvres d’un personnage av (...)
  • 11 Échantillon d’une musique préexistante.

10Si l’analyse des performances de genre de MC Solaar dans le clip de « Caroline » révèle la reproduction de certains mode d’exotisation du corps masculin noir, l’hybridité du codage marque une tension vers un schéma de masculinité hégémonique que l’on retrouve dans les différents clips analysés. L’incarnation de certains codes de la virilité-privilège passe, dans les performances de l’artiste, par la mise à distance des masculinités associées à l’imaginaire médiatique de la banlieue, mais aussi par la distinction d’une présumée virilité états-unienne. Dans tous les clips visionnés, sortis entre 1991 et 1997, MC Solaar adopte une gestuelle sobre et décontractée, qu’il s’adresse directement – ou non – à la caméra. S’il apparait plus démonstratif (« La concubine de l’hémoglobine ») ou vindicatif (« Quartier Nord ») dans certains d’entre eux, ses mouvements corporels se rapprochent souvent d’une déambulation tranquille, parfois légèrement dansante. Le clip de « Paradisiaque », sorti en 1997, met en scène le rappeur, pris à parti dans plusieurs scènes de rue violentes à Los Angeles. Alors qu’il chute d’une voiture dans laquelle il avait été pris en otage par des fugitifs, il se retrouve allongé au milieu d’une route, entouré de voitures roulant à grande vitesse. Il continue alors de s’adresser en lypsinc10 à la caméra, ne démontrant aucune forme d’inquiétude face au danger environnant. Les scènes qui suivent présentent le rappeur déambulant d’un pas assuré et décontracté sur un bitume jonché de flammes, puis sereinement adossé à un mur alors qu’un tireur tente de l’abattre par une série de balles qui ne l’atteignent finalement pas. Cet effet de contraste est renforcé par l’ajout, dans le clip, d’éléments sonores agressifs tel que des sons de dérapages de voiture ou de détonations d’armes à feu qui dénotent de la musique constituée d’une base rythmique funk dansante et d’un refrain mélodique assuré par un sample11 de la chanteuse Diana Ross. Ce clip vient illustrer un morceau consacré à la thématique des « quartiers », pour reprendre les paroles. Par un jeu de décalage entre son attitude corporelle et l’urgence des périls qui l’entourent, la mise en scène se fait l’allégorie de la distance du rappeur à la violence fantasmée du ghetto étatsunien. Cette discordance est appuyée par une différence dans les modes d’exposition des corps : alors que MC Solaar porte une veste en cuir et un pantalon beige qui ne laissent pas apparaitre sa peau, les corps le menaçant répondent aux codes de la virilité ostentatoire et stigmatisée des ghettos états-uniens (débardeurs, muscles saillants).

11Plus généralement, la manière dont est filmé le corps de MC Solaar dans ses clips rappelle certaines stratégies d’occultation du corps masculin hégémonique, dans sa dimension sexuelle ou sexuée. Le rappeur performe une masculinité décentrée de sa physicalité, rejoignant un mode de représentation culturelle du corps masculin hégémonique dans une forme de « présence absente » (Railton et Watson, 2011). À quelques exceptions près, qui seront évoquées par la suite, MC Solaar porte des vêtements couvrants, parfois amples (« Victime de la mode », « Les temps changent ») qui empêchent toute forme de regard particularisant ou scrutateur sur son corps. Cet effacement du corps passe également par des techniques filmiques telles que des effets graphiques (« Bouge de là ») ou des choix de cadrage. Ces derniers permettent de situer les performances de genre du rappeur en dehors de son enveloppe corporelle, en donnant davantage à voir ses actions que son corps. La mise en scène de sa performance dans le clip de « La concubine de l’hémoglobine », par exemple, insiste sur la dimension discursive de son œuvre. Il y apparait au centre d’une pièce orange vide, assis sur un tabouret en face d’un micro sur pied. La majorité des plans sont frontaux et cadrent le haut du corps et le visage de l’artiste. Le micro, qui sépare la caméra de MC Solaar, est situé au premier plan et au centre. La mise en scène met en avant l’action de déclamation du rappeur en cadrant alternativement son visage articulant le texte et le haut de son corps, laissant apparaitre ses bras qui soulignent ses mots par des gestes solennels.

12Le codage d’une masculinité tendant vers un schéma hégémonique se retrouve, au-delà du style corporel du rappeur, dans le rôle qu’il occupe dans la diégèse de certains clips. Les scripts de « Victime de la mode », « Nouveau Western », « Gangster moderne » ou « Paradisiaque » appuient – par différent procédés – la position de MC Solaar en tant que témoin, spectateur extérieur d’un monde social dont il serait en retrait. Cette posture, que l’on retrouve dans les textes et dans le discours médiatique de l’artiste, permet de le situer en dehors de l’imaginaire lié à la figure racialisée et sexualisée du jeune homme de banlieue prégnante dans le paysage médiatique des années 1990 (Taraud, 2011). Son rôle de reporter permet d’appuyer une masculinité marquée par un intellect surplombant, neutre et universel et l’éloigne d’une virilité incarnée par des codes corporels particularisants. Dans « Victime de la mode », un clip dans une veine documentaire, MC Solaar est représenté à l’œuvre, dans son travail d’écriture. Le spectateur assiste à sa déambulation dans les rues de Paris au cours de laquelle il prend des notes, inspiré par l’observation de diverses scènes urbaines (conversation de café, fermeture d’un commerce etc.). Sa promenade aboutit à l’écriture d’un morceau qu’il présente à son DJ, Jimmy Jay, en arrivant au studio. Ce clip, dont la forme documentaire suppose un accès privilégié au travail créateur du rappeur, renforce son image de témoin extérieur. Dans le clip de « Nouveau Western », MC Solaar s’adresse à la caméra dans plusieurs décors qui s’ouvrent les uns dans les autres par un procédé de mise en abyme. Du moulin rouge au Far West, le rappeur s’immisce dans des univers différents, sa tenue muant en fonction de ces derniers. Ici apparait la capacité de l’artiste à s’extirper de sa position sociale pour s’immerger dans d’autres réalités afin de proposer un regard extérieur qui renforce son rôle d’observateur universel.

13Enfin, dans la plupart des clips étudiés, si les corps féminins sont parfois davantage dénudés et sexualisés que les corps masculins (« Qui sème le vent récolte le tempo », « Obsolète »), ils n’apparaissent jamais comme mis à disposition du rappeur ou d’autres hommes. La différence entre le codage du féminin et du masculin est donc perceptible mais ne relève pas pour autant de certains modes de présentation de la masculinité noire, largement répandus dans les vidéoclips de musique populaire, et définis en termes d’accès au corps des femmes (Railton et Watson, 2011 : 128). Nous verrons d’ailleurs qu’une critique de l’hyper-sexualisation des femmes est présente dans les textes du rappeur et qu’elle lui permet de se tenir à distance de masculinités marginalisées.

La convergence discursive des performances visuelles et textuelles

  • 12 Morceau d’autopromotion, centré sur la mise en avant de ses propres qualités.
  • 13 Morceau qui relate une réalité sociale spécifique mais qui n’est pas problématisée en tant que tell (...)
  • 14 Morceau sous forme de récit/conte qui relate des scènes quotidiennes, parfois à portée philosophiqu (...)
  • 15 Nous faisons référence ici à la notion de prise médiatique telle qu’elle est exploitée dans sa trad (...)

14L’analyse des textes des albums étudiés révèle une continuité entre les performances visuelles de l’artiste et son discours artistique, qui nous autorise à envisager les codes visuels analysés en lien avec sa persona. Les thématiques et les modes narratifs dont il fait usage le prémunissent, au même titre que ses performances dans ces clips, des formes de catégorisation et/ou d’exotisation propre au traitement médiatique du rap de l’époque. Cinq catégories thématiques nous ont permis de classer les textes du rappeur : ego trip12 ; critique sociale ; chronique sociale13 ; chronique ordinaire14 ; intimité. La thématique majeure des trois albums étudiés est celle de l’ego trip, suivie du thème de la critique sociale puis de celle de l’intimité. Les morceaux de critique sociale traitent majoritairement de problématiques géopolitiques et internationales liées à des grandes thématiques de justice (guerre, pollution, racisme, trafic de drogue, dérive de la science, matérialisme), qui sont mobilisées par l’évocation d’évènements historiques aux ancrages spatio-temporels multiples. Dans ces mêmes morceaux, la thématique de la banlieue apparait peu, et survient de manière spécifique seulement dans deux titres de Paradisiaque sortis en 1997 (« Paradisiaque », « Le sens de ma vie »). Les modes narratifs et la place du narrateur ont aussi été classés selon deux types respectifs de catégories : le storytelling (récit comprenant un ancrage spatio-temporel précis) et le tableau (succession de récits ou d’éléments narratifs rattachés à des cadres spatio-temporels disparates) pour le mode narratif ; et les points de vue interne, externe, et croisé pour la place du narrateur. Au sein des albums étudiés, il n’existe qu’une minorité de morceaux où le rappeur développe une critique sociale depuis un point de vue interne. Dans la plupart des morceaux relevant de la critique ou de la chronique sociale, l’artiste adopte un point de vue externe qui marque son statut de témoin d’une réalité qui ne le concernerait pas. Par ailleurs, MC Solaar n’a pas recours à des processus énonciatifs polarisants, il n’oppose quasiment jamais un « nous » à un « eux », procédé qui se répandra dans de nombreux morceaux de rap français pour marquer des affrontements sociaux symboliques dans une perspective de classe ou de race (Sonnette, 2015), et que l’on retrouve dès les premiers albums du groupe NTM. Les thématiques et modes narratifs des premiers albums de MC Solaar le placent donc en-dehors de l’imaginaire médiatique « rap et banlieue ». Ces derniers ne donnent pas prise15 à un traitement médiatique qui le présenterait comme une menace ou le symptôme d’un problème public puisqu’il ne revendique pas spécifiquement d’appartenance sociale, de classe ou de race. Aussi, lorsqu’il pratique la critique sociale, il n’identifie pas d’ennemi précis. Au même titre que dans ses clips, l’espace géographique de la banlieue apparait peu et lorsqu’il apparait, le rappeur semble en être un spectateur extérieur.

15Plus spécifiquement, le mode de masculinité qu’il revendique dans ses textes renforce ce positionnement hors de l’univers fantasmé de la banlieue et s’articule à ses performances de genre. MC Solaar assume d’abord une réflexivité explicite vis-à-vis de sa masculinité, sur un registre souvent moral. Il évoque dès ses premiers textes la problématique du machisme, à travers la figure du « macho » qu’il met régulièrement à distance : « Elle est partie, maso / avec un vieux macho » (« Caroline », Qui sème le vent récolte le tempo, 1991) ; « Pourtant classé non-macho, je n’étais pas collabo / Des mythes d’infériorité dont te taxait Rousseau » (« Séquelles », Prose Combat, 1994). Il semble attester d’une performance de masculinité exemplaire en prenant parfois appui sur des stéréotypes rappelant ceux mobilisés médiatiquement et politiquement pour viser la figure du jeune de banlieue dans les années 1990 (Guénif-Souilamas, Macé 2011 ; Taraud 2011) : « Qui viole une meuf, se fait serrer par les keufs / Alors un seul conseil suivre le bon rail / Pour ne pas faire partie des gens que l’on appelle racaille » (« L’histoire de l’art », Qui sème le vent récolte le tempo, 1991). Le rappeur prône aussi une forme de tempérance et d’élévation par l’esprit qui marque l’aspect réflexif des codes visuels évoqués précédemment. Il tourne en dérision le fait de déroger au modèle physique de la virilité, pour valoriser son intellect : « Sur la plage des costauds jouent aux dominos / Elle me fait constater que j’ai moins d’abdominaux / Que je n’ai pas les triceps de Sylvester Stallone / Mais ça me froisse le cortex : “Je m’appelle Claude” » (« Séquelles », Prose Combat, 1994). Ces morceaux dego-trip sont majoritairement axés sur la promotion de son verbe, de sa finesse linguistique et de ses qualités intellectuelles plutôt que physiques. Il existe donc une cohérence entre la « présence-absence » de son corps dans plusieurs de ses clips et le mode de masculinité qu’il revendique verbalement. La défense par l’artiste d’une « bonne masculinité », passe également par l’incarnation d’une posture moralisatrice sur la thématique de l’hypersexualisation et de la marchandisation des corps des filles. Les prémices d’un tel discours apparaissent dès son premier album (« Victime de la mode », Qui sème le vent récolte le tempo, 1991) et se développent davantage au sein de l’album Prose Combat : « Constate que l’on vend des disques avec une culotte et une jupe / Hu-la-huuue !, barbatruc ! Et l’on vend au sextuple / Clignancourt humaine, elle se brocante elle-même » (« À la claire fontaine », Prose combat, 1994) ; « Elle voulait être une star mais ne fut que starlette / Dramatique était son art, mais elle fit du topless / Son corps est coté, son esprit ôté » (« Dieu ait mon âme », Prose combat, 1994).

16Enfin, si certains clips mettent en scène sa vulnérabilité sur un registre romantique, ses paroles participent également de ce type de performance. Dans les morceaux que nous avons classés dans la catégorie « intime », et particulièrement ceux évoquant une romance, MC Solaar assume une posture introspective. Au sein de plusieurs morceaux, il dévoile sa tristesse amoureuse comme un aveu : « Pour elle, faut-il l’admettre, des larmes ont coulé » (« Caroline », Qui sème le vent récolte le tempo, 1991), « Dans ma tête, c’est l’échec / Donc profil bas, je shoote dans des canettes » (« Le 11ème choc », Paradisiaque, 1997). L’expression de la douceur ou la propension à l’épanchement mélancolique sont des qualités qui apparaissent tant dans la dimension musico-visuelle que textuelle de l’œuvre.

17Des éléments d’analyse des clips de MC Solaar mettent en exergue le caractère exotisant du regard porté sur lui par la caméra – c’est notamment le cas de « Caroline » qui rejoue certains modes d’exposition historiques des corps noirs dans la culture occidentale. Néanmoins, tant dans le codage de ces performances que dans la diégèse des clips, apparaissent des codes rappelant ceux de la virilité-privilège (Achin et Dorlin, 1998). Ces performances marquent une tension vers un modèle de masculinité hégémonique (Connell, 1995) qui sera valorisé médiatiquement pour son caractère exceptionnel. Si l’analyse des textes et des clips suggère une réflexivité discursive du rappeur vis-à-vis de ses propres performances de genre, l’étude de son discours médiatique couplée aux entretiens réalisés mettent aussi l’accent sur son agentivité dans la construction globale de sa persona. De par la masculinité qu’il performe, MC Solaar souhaite se distinguer des codes associés par les médias généralistes à la culture hip-hop dans une logique d’évitement de certains stéréotypes raciaux. Son apparente connivence discursive avec les médias, qui lui vaudra des critiques au sein du monde social du rap, peut-être envisagée comme une stratégie de contournement du stigmate que nous interpréterons par les outils théoriques de la politique de respectabilité.

Les ambivalences idéologiques de la Persona de l’artiste

Se démarquer des codes génériques du « clip de rap »

18L’entretien effectué avec Thierry Rajic, le réalisateur du clip de « Caroline » traduit une volonté de se démarquer des modes de codages de masculinité prégnant dans le rap. Le caractère hybride – et tendant vers un modèle hégémonique – de la masculinité du rappeur dans ce clip parait répondre à une intention de distinction précise : « Ça m’a fait penser à surtout pas le coder [le clip] dans le type de clip de rap qui se faisait à l’époque. Je détestais ça, le côté je parle à la caméra, je fais des grands gestes devant la caméra, ça m’horripilait un peu […]. Je pensais que c’était bien de faire un clip de rap qui soit pas un clip de rap quoi, voilà » [Extrait d’entretien, 21 juin 2021]. Le réalisateur souhaitait exprimer « de la douceur », selon ses mots, et semble avoir voulu éviter des modes d’expressions vindicatifs, perçus comme agressifs. Le vidéaste, qui était à l’époque essentiellement photographe, et n’avait réalisé qu’un seul clip pour un groupe de variété française, suggère avoir été choisi par la maison de disque dans cette perspective de démarcation : « Je pense que s’il me l’ont filé d’ailleurs c’est qu’ils pensaient que je ferais pas un truc de rap basique de type mains vers la caméra quoi, voilà. » [Extrait d’entretien, 21 juin 2021]. Au-delà même des performances de genre du rappeur dans le clip, les caractéristiques filmiques de ce dernier semblent avoir été pensées dans une perspective esthétique spécifique, « dans une idée de cinéma avec des envies de travelling » [Extrait d’entretien, 21 juin 2021], selon les mots du réalisateur. Ces propos font d’ailleurs écho à ceux du rappeur lorsqu’il évoque le clip de « Séquelles ». Ce dernier, sorti en 1994 et réalisé par Jean-Baptiste Mondino, met en scène Charlotte Gainsbourg et MC Solaar dans un face à face amoureux. En entretien, le rappeur raconte avoir validé le choix de l’actrice pour jouer le rôle de sa compagne, pour son côté « normal », et pour se distinguer des « américains avec les piscines ». À ce propos, il expliquait en 1999, pour Radikal (un magazine mensuel majeur de la presse spécialisée sur le rap, fondé en 1996), son intention de s’éloigner de certains modes d’exposition et de sexualisation des femmes : « Demander à Charlotte Gainsbourg d’être dans le clip, c’est parce qu’on voulait pas une super belle meuf habituelle, qu’on prend dans un catalogue et qu’on pose dans le clip, et parce que ça colle par trop à mon personnage. Elle, c’est une fille-garçonne, en jean » (Radikal, 29/01/1999). La codification des performances de genre des femmes faisait donc également l’objet d’une réflexivité explicite de la part du rappeur, et ce toujours dans une logique de singularisation.

19La question générique du clip est également présente dans les propos de l’artiste en entretien. Il explique que celui de « Séquelles » a été tourné dans une idée des films de la Nouvelle Vague, avec pour inspiration Le Mépris (Jean-Luc Godard, 1963) et ses plans séquences. Le clip lui-même comprend une mise en abime du tournage et s’ouvre sur des images des rails de travellings, des caméras ou encore des perches de micro introduites par une voix‑off simulant les interjections conventionnelles « silence », « moteur ». La diégèse du clip crée donc un « effet cinéma » (Rossi, 2018 : 131) qui situe l’œuvre, au-delà du genre rap, dans une filiation avec ce que Marc Kaiser et Michel Snapu nomment la « French touch » du clip (Kaiser et Spanu, 2018 : 7). La présence de l’actrice Charlotte Gainsbourg, fille de Serge Gainsbourg – par ailleurs samplé dans « Nouveau Western » – marque également une filiation avec le patrimoine de la chanson française. Le travail de Jean-Bapiste Mondino, connu pour la dimension sophistiquée de son art, souligne ainsi la dimension savante du clip de MC Solaar.

Un discours médiatique qui marque un positionnement d’exception

  • 16 Il existe une littérature traitant spécifiquement de l’usage historique et racial du terme « cool » (...)

20L’étude du personnage médiatique de MC Solaar permet d’avancer que la masculinité qu’il performe dans son œuvre rejoint une logique plus globale de distinction de sa persona vis-à-vis des autres rappeurs. L’assignation de l’artiste au statut de « rappeur cool », relevée par Karim Hammou (Hammou, 2012 : 161), apparait significativement dans les émissions télévisées visionnées. À partir des années 1992, le terme « cool » est très fréquemment utilisé par les présentateur·rices pour introduire MC Solaar sur les plateaux. Alors que les artistes de rap sont très majoritairement assignés à l’imaginaire exotisé de la banlieue, lui est présenté comme une exception. Les arguments de cette survalorisation reposent sur sa supposée capacité à s’être extirpé de son milieu social d’origine. Les qualités mises en avant par les journalistes – « douceur », « intelligence », « non-violence », « poésie » – sont présentées comme extraordinaires dans le cadre de la pratique du rap. Cette catégorisation de l’artiste en tant que « rappeur cool » marque une forme différente d’altérisation16, avec laquelle il coopère pour échapper à celles appliquées plus généralement à ce genre musical. Au même titre que les autres rappeurs médiatisés de l’époque, il est par exemple régulièrement invité à s’exprimer sur la question des banlieues et adopte à plusieurs reprises un discours qui appuie son positionnement hors de cet imaginaire violent. Dans cet échange avec la journaliste Christine Okrent en 1994, comme dans ses clips ou ses textes, il cultive une posture de témoin extérieur de cette réalité sociale :

  • 17 Passion de jeunesse, France 3, 23 septembre 1994.

Journaliste : Ça c’était le film [Colors] culte de ces années-là, et c’était vraiment la violence à l’américaine…
MC Solaar : Oui, la violence à l’américaine, et pour beaucoup, en fait, dans toute la banlieue parisienne, y’a eu je crois un an et demi de comportements grégaires et mauvais de groupe avec une philosophie mauvaise à savoir on va dans la rue pour défendre notre territoire et dire qu’on est les plus fort.
Journaliste : Et vous participiez à cela ? où vous aviez ce recul?
MC Solaar : Mmh non moi j’avais ce recul, j’étais là en tant que suiveur, en tant qu’analyseur, en tant que journaliste17.

  • 18 Journal télévisé, Antenne 2, 10 février 1993.
  • 19 Giga de France, France 2, 14 juillet 1992.

21La mise à distance de cette violence s’articule, dans le discours de l’artiste, à la valorisation d’un mode d’intégration républicain auquel est lié un positionnement de genre spécifique. Sur les plateaux, il adopte un discours universaliste susceptible d’évincer d’emblée tout soupçon de communautarisme à son égard, il affirme par exemple ne pas vouloir « rester fermé » et « penser qu’à son quartier »18. Son discours médiatique traduit aussi un idéal colorblind puisqu’il ne problématise jamais le fait d’appartenir à une minorité non-blanche. Lorsqu’il est interrogé sur la question du racisme en France, il en fait une évocation anecdotique. En juillet 1992, lors d’une interview pour l’émission France 2 Giga de France, donnée à l’occasion d’un concert pour SOS Racisme, il explique ainsi avoir été victime enfant de « petit racisme, voire de mini poujadisme »19. Il met en revanche l’accent sur les opportunités que lui ont offert les institutions républicaines françaises, parmi lesquelles l’école publique et la bibliothèque du Centre Pompidou, ayant constitué selon lui son socle culturel. Le rappeur revendique d’ailleurs fréquemment et fièrement sa filiation avec la chanson française. Enfin, c’est toujours dans la valorisation d’une forme d’exception culturelle française qu’il se distingue de certaines performances de masculinités qu’il associe au rap étatsunien. Il y déplore la prégnance de codes de la virilité, ceux-là même que les médias assignent généralement au rap :

  • 20 Passion de jeunesse, France 3, 23 septembre 1994.

[J’ai] l’idée de partir à rebours de tous les clichés du rap américain, à savoir au lieu d’être le gars qui a des muscles, au lieu d’être le mec qui est le meilleur, l’égocentré à son maximum, ben moi j’étais un gars qui était toujours perdant […] Le rap français en général j’aime bien (…) quand ils copient pas les attitudes américaines, à savoir grosse chaînes en or, grosses baskets de 10 mètres, puis les plans violences qui peut y avoir à Los Angeles ou à New-York20.

Une stratégie de contournement des stigmates racistes

22Les codes de genre déployés par le rappeur dans son œuvre, articulés à sa persona médiatique, ont pu servi d’appui aux discours clivants et stigmatisants des médias vis-à-vis de masculinités marginalisées (Connell, 1985). En de nombreux points, MC Solaar déroge au « mandat de responsabilité minoritaire » décrit par Karim Hammou (Hammou, 2012 : 163), celui de devoir retranscrire fidèlement la réalité́ sombre et dure des banlieues. Ce positionnement lui a valu des accusations au sein du monde social du rap, comme l’atteste le magazine Radikal, qui lui consacre un numéro spécial en 1999. Celui-ci caractérise le rappeur de « mou » avant de lui reprocher en interview son manque de dureté et son éloignement de la « réalités des quartiers nord » (Radikal, 29 janvier 1999). L’entretien réalisé avec l’artiste manifeste néanmoins son agentivité dans la construction d’une persona pensée pour déjouer certaines assignations racistes. Sa posture lui permet de contourner des stéréotypes dans un contexte de forte stigmatisation du rap et, plus largement, de racisme télévisuel. La stratégie du rappeur et les usages de son discours par les médias renvoient à l’ambivalence des effets (Dazey, 2021) des politiques noires de respectabilité. La politique de respectabilité, nommée ainsi par Evelyn Brooks Higginbotham en 1993, décrit le processus par lequel un ou des membres privilégiés d’un groupe marginalisé se conforment à des normes du groupe dominant pour améliorer leurs conditions. Elle croise ainsi des formes de résistances et une forme d’accommodation aux structures oppressives en reproduisant des modes de hiérarchisation au sein même des groupes marginalisés, entre les individus se conformant aux normes dominantes, et leurs homologues pouvant être qualifiés par ces derniers « d’irrespectables » (Dazey, 2021). En performant certains codes de la virilité-privilège, cohérente avec le récit de son d’intégration républicaine, MC Solaar entretien son statut de figure d’exception auprès des médias généralistes, valorisée en dépit de la stigmatisation plus générale du rap (Hammou, 2012). Néanmoins, son adhésion à certains codes de présentation de soi apparait dans ses propos comme la condition de sa respectabilité au sein de l’espace médiatique national et a pour effet positif, selon lui, de transformer les imaginaires sociaux liés à a banlieue.

23Les propos du rappeur en entretien permettent d’avancer qu’il a eu conscience, dès le début de sa carrière, des mécanismes racistes dont il pouvait être la cible, tant dans sa vie personnelle qu’en tant que personnage médiatique. Selon lui, le fait d’être diplômé du Baccalauréat et d’avoir fréquenté les bancs de l’université lui permettait d’accéder à des espaces auxquels il n’aurait pas eu accès autrement lorsqu’il se rendait à Paris. Son bagage scolaire lui permettait, selon ses mots, de se sentir « intégré », armé d’une « une espèce de self-estime » [Extrait d’entretien, 01 juin 2021]. Lorsque nous l’interrogeons sur le fait d’avoir été érigé en modèle médiatique d’intégration et en figure d’exception, il explique que cela relevait de sa volonté, bien que ce n’était pas « conscientisé ». Il cite plusieurs personnalités françaises médiatisées à l’époque, dont la championne d’escrime noire Laura Fessel, ayant subi un traitement médiatique intrusif et exotisant :

Au moment où elle arrive à la final des Jeux Olympiques, y’a une télé dans la cuisine de sa mère en Martinique ou en Guadeloupe, en train de montrer des acras et du madras (…) Donc c’est une stigmatisation potentielle (…). Y’a une façon d’empêcher la personne d’être que ce truc, qu’on regarde de haut. [Extrait d’entretien, 01 juin 2021]

24Le rappeur explique que « le fait de présenter des choses bien écrites, entre guillemets […] en changeant certains mots du vocabulaire » [Extrait d’entretien, 01 juin 2021] lui permettait d’éviter une potentielle stigmatisation. La conformité discursive dont il fait preuve semble représenter pour lui une condition plus qu’une option d’intégration. Aussi, bien que sa persona ait été construite sur un clivage symbolique lié à l’imaginaire de la banlieue, il suggère aussi avoir été une figure valorisante pour des personnes partageant une expérience de racialisation et/ou issu de classe populaire : « Dans le contexte de l’époque, un balayeur c’était un Malien ou un Sénégalais […] tu voyais justement ces balayeurs qui étaient fiers mais fiers quoi […] ils étaient “gros sourire”, ça leur donnait de la force. » [Extrait d’entretien, 01-06-2021]. Plus qu’un effet de hiérarchie au sein de groupes marginalisés dont il est issu, l’artiste insiste sur l’effet dé-stigmatisant de l’existence de sa persona médiatique. Ses performances permettent selon lui de transformer les représentations sociales en contrecarrant certains stéréotypes.

Circulation de représentations transatlantiques

  • 21 Tricia Rose utilise l’expression « playful Afrocentricy » pour qualifier les performances ironiques (...)
  • 22 Afrikaa Bambataa est un acteur majeur et fondateur de la culture hip-hop américaine. En réaction à (...)

25Le cas de MC Solaar nous permet donc de penser la notion de respectabilité, empruntée aux champs de recherche étatsuniens, dans le contexte postcolonial français impliquant des phénomènes de racialisation spécifiques. L’analyse de son positionnement médiatique renseigne le cas particulier d’une politique réactive (Dazey, 2020) au contexte médiatique de suspicion omniprésente vis-à-vis de la pratique du rap comme symptôme de problèmes publics. Le travail mené, spécifiquement axé sur la question de la masculinité, rejoint celui d’autres chercheur·euses qui soulignent la revendication de francité de MC Solaar articulée à son affiliation au patrimoine littéraire et poétique légitime national (Shuman, 2022). L’entretien avec MC Solaar, couplé à l’étude de sa persona, nous invite également à penser la politique de respectabilité hors d’une logique exclusive d’adhésion aux normes dominantes, sinon à travers un positionnement impliquant des formes composites d’identification (Dazey, 2020). Plusieurs éléments ouvrent la voie à une étude spécifique de l’adhésion positive de MC Solaar à une représentation de la blackness et de la notion de « cool » dans une conception transatlantique. Lors de notre entretien, l’artiste établit des liens clairs entre sa sensibilité à l’égalité entre hommes et femmes et les idéaux de paix et de mixité incarnés par ses artistes de références : Big Daddy Kane, Jungle Brothers, A Tribe Called Quest, De La Soul. S’il s’éloigne explicitement d’une représentation fantasmée de la masculinité noire associée médiatiquement aux ghetto étatsuniens, ses propos font écho à un positionnement idéologique que Tricia Rose nomme « afrocentrisme ludique »21 chez le groupe De la Soul (Rose, 1994 : 34). Au même titre que le collectif Native Tongues (auquel appartiennent la plupart des artistes précédemment cités), le rappeur fait hommage dans son œuvre à une diaspora noire interculturelle et transnationale qui prône une philosophie solidaire, optimiste et festive et dépasse « les structures et les présupposés de l’État-Nation » (Gilroy, 1993). Les Native Tongues, dans la lignée d’Africa Bambataa22, se décentrent de l’identité afro-américaine pour diffuser des éléments culturels afrodiasporiques plus larges (Ellinwood, 2021). Plusieurs éléments des textes de MC Solaar le situent dans un positionnement similaire, de rejet de l’identité afro-américaine pour une adhésion à une conception de la blackness mêlant ses identités africaine et française : « J’ai vu des pitres, se battre pour le titre / De champion d’Amérique, des freaks, je suis d’Afrique » (« Dakota », Paradisiaque, 1997), « Puis rodé mes rotules outre Atlantique / Clik-clak ils parlent d’un son photogénique / Différent du reste ancré dans ma contrée Afro-Parigot, dégagé des clichés » (« Zoom », Paradisiaque, 1997). L’étude de la persona de MC Solaar nous invite donc à interroger la politique de respectabilité dans sa capacité à transformer les imaginaires sociaux, non seulement dans un contournement de certains stigmates mais aussi dans une recherche de signifiants positifs qui déplacent le cadre idéologique de leur médiatisation.

Conclusion

  • 23 Concept emprunté par Karim Hammou à Virginie Milliot (Milliot, 2006 : 167).

26La masculinité performée par MC Solaar dans ses clips révèle la dimension visuelle de la construction de sa persona. Associée aux scripts, elle rappelle les performances de masculinité-privilège décrites par Achin et Dorlin, encore hégémoniques dans les années 1990. La mise en lumière d’un codage marqué par des mises en scènes romantiques, par l’occultation récurrente du corps de l’artiste ou encore par une gestuelle globalement décontractée invite à déplacer la focale académique hors des performances « hypermasculines » des rappeurs. C’est par une analyse des textes et du positionnement médiatique de l’artiste que nous avons pu interpréter ces performances dans leur articulation avec un discours idéologique plus global. Les codes de masculinités performés par MC Solaar entrent en résonance avec son adhésion au modèle d’intégration républicain. À travers ses performances artistiques et ses prises de position publiques, l’artiste se retrouve présenté comme une figure d’exception au sein du monde du rap et altérisé en tant que « rappeur cool ». Son discours alimente ainsi, dans une logique de « ronde performative »23, celui des médias tendant à fragmenter symboliquement le rap et à dévaloriser les performances de certains artistes sur la base d’un imaginaire stéréotypé lié aux banlieues. L’entretien réalisé avec l’artiste révèle néanmoins la stratégie de contournement de stigmate qu’il mobilisait. Comme le rappelle en entretien Philipe Ascoli, son directeur artistique chez Polydor, MC Solaar fut l’un des premiers artistes noirs à intégrer le classement du Top 50 en France. C’est notamment dans une logique d’évitement des stéréotypes télévisuels associés aux personnes noires dans les années 1990 que l’artiste se présente comme conforme à certains codes corporels et discursifs hégémoniques de l’époque.

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Liste des clips mentionnés

MC Solaar - « Bouge de là » (1991)

MC Solaar – « Caroline » (1991)

MC Solaar – « Quartier Nord » (1991)

MC Solaar - « Qui sème le vent récolte le tempo » (1991)

MC Solaar - « Victime de la mode » (1991)

MC Solaar – « La concubine de l’hémoglobine » (1994)

MC Solaar - « Nouveau Western » (1994)

MC Solaar - « Obsolète » (1994)

MC Solaar – « Séquelles » (1994)

MC Solaar – « Gangster moderne » (1997)

MC Solaar – « Le sens de ma vie » (1997)

MC Solaar - « Les temps changent » (1997)

MC Solaar - « Paradisiaque » (1997)

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Notes

1 Le terme de persona au champ des stars studies et plus particulièrement aux travaux de Richard Dyer (Dyer, 1998). Il renvoie à l’image publique d’une star, système complexe, fruit d’une combinaison d’éléments culturels et symboliques créée par les personnages qu’elle incarne dans son œuvre et à travers ses apparitions médiatiques.

2 Terme désignant exclusivement un rapport social construit.

3 « Mainstream » est à comprendre ici au sens de « commercial ». Notre travail s’intéresse exclusivement aux productions de rap commercial, c’est-à-dire impliqué dans ces « chaines de coopérations » (Becker, 1988) visant à élargir au maximum les publics et à augmenter les chiffres de ventes.

4 Sacrée soirée, TF1, 12 février 1992.

5 Le terme d’agentivité renvoi ici au concept d’« agency » de Judith Butler, désignant la capacité de tout sujet à agir pour interrompre ou renverser des régimes régulateurs (Butler, 2005 : 50).

6 Le stigmate est ici compris au sens de Goffman, comme attribut social dévalorisant.

7 Le terme « performance » renvoie ici aux travaux de Judith Butler qui considère le genre comme performatif, c’est-à-dire formé d’une répétition d’actions qui le constituent.

8 Nous ferons référence dans cet article à la typologie générique des clips-vidéos établie par Railton et Watson : pseudo-documentaire ; artistique ; narratif ; performance mise en scène (Railton et Watson, 2011).

9 Le battement par minute (BPM) est une unité de mesure utilisée pour exprimer le tempo d’une musique.

10 Désigne, dans le domaine audiovisuel, la synchronisation du mouvement des lèvres d’un personnage avec le son qu’il est censé prononcer.

11 Échantillon d’une musique préexistante.

12 Morceau d’autopromotion, centré sur la mise en avant de ses propres qualités.

13 Morceau qui relate une réalité sociale spécifique mais qui n’est pas problématisée en tant que telle, qui est présentée comme apolitique.

14 Morceau sous forme de récit/conte qui relate des scènes quotidiennes, parfois à portée philosophique mais ne comportant pas/ou peu de marqueurs permettant de les situer dans un espace social précis.

15 Nous faisons référence ici à la notion de prise médiatique telle qu’elle est exploitée dans sa tradition française par Karim Hammou (Hammou, 2017).

16 Il existe une littérature traitant spécifiquement de l’usage historique et racial du terme « cool » dans le contexte états-unien (par exemple Jeffries, 2011).

17 Passion de jeunesse, France 3, 23 septembre 1994.

18 Journal télévisé, Antenne 2, 10 février 1993.

19 Giga de France, France 2, 14 juillet 1992.

20 Passion de jeunesse, France 3, 23 septembre 1994.

21 Tricia Rose utilise l’expression « playful Afrocentricy » pour qualifier les performances ironiques du groupe De la Soul qui parodiait dans son oeuvre les représentations de masculinités agressives présentes dans le rap américain.

22 Afrikaa Bambataa est un acteur majeur et fondateur de la culture hip-hop américaine. En réaction à la violence de certains gangs au sein du Bronx, il crée en 1973 l’organisation Zulu Nation promouvant des valeurs festives et pacifiques.

23 Concept emprunté par Karim Hammou à Virginie Milliot (Milliot, 2006 : 167).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Clara Heysch de la Borde, « Les codes d’une masculinité « cool » : discours et performances de genre dans les clips du rappeur MC Solaar »Genre en séries [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/3904 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ges.3904

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Auteur

Clara Heysch de la Borde

Clara Heysch de la Borde est doctorante à l’EHESS, rattachée au CRAL et à l’IRMECCEN, contractuelle au sein du Labex ICCA. Elle réalise une thèse sur l’évolution des représentations des masculinités dans le rap français depuis le milieu des années 1990. Elle analyse, dans une perspective socio-historique, les codes de genre et de sexualité arborés par les artistes commerciaux ayant marqué l’histoire de ce genre musical. Sa réflexion vise les discours textuels, musicaux et visuels des rappeurs étudiés, et leur mise en perspective avec les enjeux impliqués dans leur production. Ses recherches trouvent leur ancrage dans les cultural studies, les gender studies mais aussi dans la musicologie critique, telle qu’elle est envisagée par exemple par Susan MacClary.

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