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Dossier

Imaginaires de la masculinité dans les vidéoclips de coupé-décalé (Paris/Abidjan)

Imagining masculinities in “coupé-décalé” music videos (Paris/Abidjan)
Mahesse Kolé, Sarah Andrieu et Stéphane Ettien Adou

Résumés

Phénomène musical et chorégraphique qui apparaît au début des années 2000 à Paris au sein de la diaspora ivoirienne, le coupé-décalé est rapidement « rapatrié » à Abidjan et avec lui le mode de vie hédoniste et ostentatoire qui lui est intimement relié. Résolument tourné vers la fête et le plaisir, le coupé-décalé se tient loin des crises politiques qui agitent alors le pays. Il s’érige également comme une musique virile au sein de laquelle le corps musclé et athlétique, le look, la voix et les textes mettent en avant les caractéristiques d’une masculinité centrée sur la force, le courage et le goût du risque. Dans ce contexte, le vidéoclip constitue un outil puissant pour la diffusion d’imaginaires genrés auprès de la jeunesse ivoirienne. À partir d’un corpus de vidéoclips et de données issues d’enquêtes de terrain, cet article examine la manière dont les vidéoclips de coupé-décalé mettent en circulation des imaginaires de la masculinité qui répondent tout autant à un désir de bousculer les normes locales que de s’inscrire dans des styles de vie ouverts sur le monde.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Cette phrase est extraite de la chanson « Gbinchin pintin » (2018) de DJ Arafat.

1« Ne confondez pas les hommes du coupé-décalé et les femmes du coupé-décalé1 ». En prononçant cette phrase en 2018, DJ Arafat, icône du coupé-décalé, vise avant tout ses « concurrents » qui, selon lui, ne sont pas assez virils et/ou trop policés pour incarner l’ethos du mouvement. Plus spécifiquement, ce message est destiné à un autre chanteur, Serge Beynaud, qu’Arafat décrédibilise en lui donnant le statut subalterne de « femme du coupé-décalé ». Il se joue en filigrane de ce processus de déqualification, des questions d’appartenance et de construction d’imaginaires de la masculinité et de la féminité qui traversent, d’une manière plus large, le champ de ce genre musical. Si ces imaginaires genrés sont présents dans les paroles des chansons mais aussi dans les clashs et autres prises de parole publiques, ils le sont également dans les vidéoclips qui se présentent aujourd’hui pour les artistes chanteurs comme des outils incontournables de diffusion de la musique populaire (Kaiser et Spanu, 2018) et des représentations qui lui donnent sens.

2Cet article propose d’explorer les vidéoclips de coupé-décalé au prisme du genre. Dans la lignée des travaux des anthropologues Denis-Constant Martin (1992) et Bob White (2012), le vidéoclip constitue à nos yeux une ressource particulièrement intéressante pour appréhender la production et la diffusion des imaginaires sociaux dans les sociétés africaines contemporaines. Dans cette étude, nous appréhenderons l’imaginaire comme l’ensemble des représentations, des croyances et des valeurs propres à une société ou une communauté donnée (Wunenburger, 2003). À l’ère de la globalisation, ces imaginaires sont loin d’être immuables et clos sur eux-mêmes ; ils se nourrissent au contraire des « branchements » (Amselle, 2001) et des interconnexions entre les localités culturelles (Appadurai, 2015). Qu’ils renvoient aux dynamiques identitaires et mémorielles, aux rapports intergénérationnels ou aux relations de genres, les imaginaires sociaux sont au cœur des vidéoclips et s’incarnent dans les styles vestimentaires, les décors, les couleurs, les danses, les techniques du corps… Autant d’éléments accrocheurs qui charrient des représentations sociales, des messages et des valeurs qui seront ensuite appropriés et re-sémantisés par les publics.

3Si les vidéoclips de coupé-décalé renferment une grande diversité d’imaginaires qui, bien souvent, s’articulent entre eux, nous centrerons ici notre propos sur ceux de la masculinité. Notre analyse s’inscrit dans le prolongement d’études anthropologiques ayant montré l’importance de « penser les masculinités en Afrique et au-delà » (Broqua et Doquet, 2013 ; Morell, 2019). Nous tenterons ainsi de montrer que, loin de se réduire à un modèle unique de « masculinité hégémonique » (Connell, 1995 ; Morrell, Jewkes et Lindegger, 2012), les imaginaires genrés du coupé-décalé renvoient à des modèles hybrides (Demetriou, 2001 ; Gondola, 2013), qui entrent en concurrence, s’articulent et dont les sources d’identification sont multiples.

  • 2 Le corpus de données qualitatives ayant permis de constituer ce corpus et d’analyser les vidéoclips (...)

4Nous nous appuierons principalement sur un corpus de vidéoclips d’artistes de coupé-décalé, analysé au prisme de données issues d’enquêtes de terrain menées à Abidjan auprès d’un ensemble varié d’acteurs du monde du coupé-décalé (DJ, artistes chanteuses et chanteurs, arrangeurs, danseuses et danseurs, réalisateurs de clip) entre 2017 et 20212. Le choix des clips constitutifs de ce corpus se fonde principalement sur le succès qu’ils ont rencontré. Ils ont été collectés via YouTube, plateforme qui constitue aujourd’hui une archive de ces clips produits depuis le début du mouvement en 2002. L’analyse des imaginaires qui se déploient dans ces vidéoclips permettra une exploration des images performatives (Butler, 1995) des masculinités proposées par cette musique populaire à la jeunesse ivoirienne depuis bientôt deux décennies.

À l’origine, « Sagacité » : mise en clip de l’extravagance et de l’ostentation au masculin

5« Sagacité » peut être considéré comme le premier clip de coupé-décalé. Sorti en 2002, il est porté par Stéphane Doukouré Hamidou alias Douk Saga, le « créateur autoproclamé » du mouvement. Ce clip contient en germes un certain nombre de valeurs et de motifs visuels qui structurent l’ethos du coupé-décalé. Il s’ouvre sur une liasse de billet de banque, plus précisément des billets verts de 100 euros. Le cadre s’élargit ensuite pour révéler l’individu qui tient ces billets : Douk Saga, lunettes noires, cigare imposant entre les lèvres, portant un costume bleu marine et des chaussures italiennes de luxe. La scène se déroule à Paris, juste devant l’imposante porte de l’Hôtel Princes de Galles, palace cinq étoiles situé non loin de l’avenue des Champs Élysées. Douk Saga se met alors à distribuer des billets d’abord au portier de l’hôtel, reconnaissable par son costume bleu et blanc, puis à trois jeunes femmes qui embrassent « le créateur autoproclamé » pour le remercier. La deuxième scène s’ouvre sur le gros plan d’un avant-bras portant une montre de luxe puis dévoile un plan plus large dans lequel Douk Saga conduit un coupé Mercedes gris. Le troisième plan est quant à lui tourné devant la tour Eiffel : Douk Saga danse en jean et chemise, entouré de passants et de touristes qui le regardent (fig. 1). S’ensuit une succession de scènes – les unes tournées dans un centre commercial où une bande de jeunes hommes en costumes se baladent entre les boutiques de luxe, certaines où Douk Saga danse individuellement devant la tour Eiffel et d’autres enfin où il danse en boite de nuit entouré de jeunes hommes et de jeunes femmes – qui s’étirent pendant les cinq minutes que dure le clip. À l’image, Saga et les membres de la Jet 7 sont omniprésents, ainsi que Paris, le luxe, l’argent et la danse.

Fig. 1. Doug Saga devant la Tour Eiffel, « Sagacité », 2002

Fig. 1. Doug Saga devant la Tour Eiffel, « Sagacité », 2002
  • 3 L’Atalaku est un mot lingala qui signifie « regarde par ici » ou encore « dédicace ». Initialement, (...)

6Prenons ces éléments un par un. La Jet 7, ce sont des jeunes hommes d’origine ivoirienne, habitués des boites de nuit afro-parisiennes (l’Atlantis notamment), connus pour leur exubérance et leur générosité envers les DJ (Kohlhagen, 2005 : 93). Autour de Douk Saga, on trouve ainsi six autres jeunes hommes : Boro Sanguy, Lino Versace, Solo Beton, Bedel Patassé, Kuyo Junior, Le molare. À leur côté, on peut voir également DJ Jacob, DJ Ressource, Erickson le Zulu, Shégal Mokonzi, DJ TV5, Dream Team, Dj Serpent Noir, Dj Jeff, Jean-Jacques Kouamé, Abou Nidal, DJ Allan, tantôt déambulant dans les boutiques de luxe, tantôt dansant en boite de nuit. Le décor dans lequel ils évoluent renvoie dans un rapport métonymique à la capitale française symbolisée par la Tour Eiffel, les Champs Élysées et les boites de nuit. Le luxe, l’argent, la démonstration de sa réussite sociale et de sa puissance constituent les valeurs principales de ce mouvement qui s’incarne par des comportements singuliers : « la comporta », « la prodada », « le boucan », « le farot-farot » pour reprendre des termes inventés ou repris par les membres de la Jet 7. L’ensemble de ces mots renvoie à la frime et à la mise en scène de soi par la danse, la performance ou la consommation. Ces comportements ostentatoires sont accompagnés par « l’Atalaku », une pratique ritualisée par laquelle des individus cherchant à faire reconnaître leur pouvoir et leur force font chanter leurs louanges sur un disque ou dans un lieu précis en live en échange de sommes d’argent3.

7Dans un contexte d’invisibilisation et de relégation des personnes noires (qu’ils soient français ou non) en France, ces mises en scène de soi ostentatoires et bruyantes constituent pour ces jeunes migrants ivoiriens un moyen de négocier et de revendiquer une place dans la société française (Steil, 2021). Les premières scènes du clip, dans lesquelles Douk Saga distribue des billets de 100 euros à un maître d’hôtel blanc ou à des femmes blanches, constituent bien un moyen de reléguer la population blanche en toile de fond et d’inverser, au moins le temps du clip, les relations d’autorité et de pouvoir (Kohlhagen, 2005 : 96). Dans ce contexte, la danse occupe une place importante : il s’agit d’occuper l’espace public français avec des techniques du corps extra-quotidiennes, de se faire remarquer mais également d’agir collectivement « par corps ». Lorsque Douk Saga danse devant la tour Eiffel, le découpage du clip intègre des inserts sur certain·es touristes ou passant·es étonné·es, qui deviennent malgré eux des figurant·es. Là encore, ces « figurant·es » sont blanc·hes et les acteurs principaux sont noirs.

8La danse est centrale au sein du coupé-décalé. En effet, ce courant musical s’appuie sur des « concepts » – terme qui renvoie à une attitude (un hexis corporel singulier par exemple) –, un style (vestimentaire notamment) et des gestes comme celui, emblématique, de la main levée au niveau de la tête qui tranche l’air d’avant en arrière. Les dernières minutes du clip de « Sagacité » sont entièrement consacrées à la mise en scène de ces « concepts » chorégraphiques dans une visée quasi-pédagogique. Il s’agit de les faire découvrir et de les enseigner aux mélomanes afin qu’ils les incorporent et les reproduisent ensuite en boite de nuit. Un mot, symbole du « concept », est alors répété plusieurs fois et accompagné d’une gestuelle précise : « fouetter », martelé presque une dizaine de fois tandis qu’à l’image un groupe de quatre danseur·ses (toujours devant la tour Eiffel) frottent leurs mains l’une sur l’autre ; lorsque le chant scande « s’envoler » (ou « s’envolement ») les danseur·es tournent sur eux-mêmes, un pied à terre, une jambe relevée, les mains et les bras écartés sur un axe vertical mimant des ailes. Les mouvements du bassin, proche de ceux du Ndombolo congolais, sont eux aussi filmés en gros plans, qu’ils soient réalisés par les femmes ou par les hommes.

  • 4 De nombreuses rumeurs circulent sur l’origine de cette richesse et le véritable « travail » des mem (...)

9Exemplaire des imaginaires de la réussite qui restent aujourd’hui au cœur du coupé-décalé, ce clip témoigne également d’une mise en scène de soi qui fait la part belle à « l’enjaillement » : la fête et l’amusement. Les styles vestimentaires des membres de la Jet 7 et les manières dont ils prennent place dans l’espace public rappellent à bien des égards les sapeurs congolais, cette « Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes » (la SAPE) se déplaçant entre Brazzaville et Paris à la fin des années 1970 (Gandoulou, 1984). S’il n’exclut pas complètement les femmes – qui forment une présence discrète dans le clip en tant que danseuses –, le quotidien luxueux et festif, visible tout au long du clip de « Sagacité », est avant tout un monde de compagnonnage masculin. La Jet 7 est une « bande » d’hommes. Mis en scène dans des déambulations urbaines collectives tout au long du clip, ces jeunes « aventuriers » (Bredeloup, 2014) mettent en scène une manière de vivre basée sur le « travaillement », l’art de distribuer des billets de banque de manière ritualisée et ostentatoire4 loin de l’image du migrant travailleur discret, pauvre ou exploité. Dans un contexte de relégation sociale, dépenser de l’argent sans compter, c’est ici « montrer qu’on a de la valeur et de l’importance » (Bredeloup, 2008 : 291). En effet, pour ces « aventuriers », comme pour les sapeurs congolais d’antan, l’important n’est pas de trouver un emploi stable en Europe, mais plutôt de se construire dans le risque et la débrouille car l’important est de pouvoir vivre intensément (Bredeloup, ibid.). C’est donc avant tout un parcours de réussite en migration que met en scène ce premier clip de coupé-décalé, l’ailleurs (ici Paris) devient un moyen de s’accomplir pour des jeunes hommes ayant quitté leur pays touché par des crises protéiformes (économique, sociopolitique, armée…).

  • 5 Le terme binguiste ou benguiste désigne en nouchi les Africain·e·s vivant en Europe.
  • 6 Douk Saga décède d’une maladie pulmonaire en 2006 à Ouagadougou au Burkina Faso. L’autre grande fig (...)

10Quelques mois seulement après le tournage de « Sagacité » à Paris, le coupé-décalé est « rapatrié » à Abidjan par les « Binguistes5 » de retour au pays, qui ramènent dans leurs valises les manières de faire la fête, de danser et de se distinguer inventées quelques mois auparavant dans les boites de nuit parisiennes. Douk Saga débute alors sa carrière musicale à Abidjan en même temps que circule son clip sur les chaînes de la télévision nationale ivoirienne mais également burkinabè et malienne… Le coupé-décalé connaît très rapidement un succès important en Côte d’Ivoire, plus largement dans la sous-région et auprès des populations « afro » de la diaspora (Kolé, 2021). Un succès qui ne se dément pas aujourd’hui malgré la disparition de ces grandes figures6. Comment ce coupé-décalé parisien, qui s’est forgé autour d’un imaginaire de l’aventurier cosmopolite au quotidien « extraordinaire » fait de luxe et d’enjaillement, s’est-il donc déployé en Côte d’Ivoire ? Quels modèles de masculinités ont été véhiculés par les vidéoclips produits en Côte d’Ivoire ?

La mise en scène de masculinités plurielles

  • 7 Le chanteur/danseur mime les derniers moments de la poule mourante qui a contracté le virus.
  • 8 Ici, c’est le caractère dangereux du boucantier (frimeur) qui est mis en avant du virus Ebola. « Da (...)

11Lorsqu’il débarque à Abidjan en 2002, pendant la période de crise militaro-politique et de couvre-feu que traverse la Côte d’Ivoire, le coupé-décalé apparaît comme un espace permettant de s’évader d’un quotidien marqué par de fortes tensions socio-politiques : il incarne un « air de fête en temps de guerre » (Kohlhagen, 2005 : 94). Dans un contexte très politisé, la faculté du coupé-décalé à ignorer, à banaliser ou à tourner en dérision des événements sociaux ou politiques très graves à l’image des crises sanitaires qui traversaient l’Afrique de l’Ouest à l’époque (« Grippe Aviaire7 » ou « Ébola du boucan8 ») est singulière (Fanou, 2015 : 39). Le coupé-décalé se présente alors à la fois comme un genre musical, un mode de vie, et un espace symbolique où une jeunesse résolument tournée vers l’effusion de joie s’exhibe et s’exprime. Ainsi, l’identité décalée, dégagée – voire désengagée –, que le coupé-décalé promeut se construit sur une engeance hédoniste autour de laquelle vont s’articuler, s’hybrider et s’opposer différents modèles de masculinité. Nous explorerons la diversité de ces subjectivités masculines et de leurs mises en scène dans les vidéoclips de coupé-décalé sortis entre 2002 et 2021.

L’élégance du sapeur

12Les chanteurs de coupé-décalé s’approprient, citent, détournent des pratiques inventées, ailleurs et/ou en d’autres temps et les recyclent habillement pour alimenter des imaginaires propres à la société ivoirienne contemporaine. Maitres de l’art de la « capture » (Balandier, 1982), ils s’appuient sur une vaste palette de styles, de looks, de corporéités qui nourrissent la fabrique et la mise en scène des masculinités contemporaines. Celle du « sapeur » figure parmi ces reprises.

13La sape a des origines anciennes. Elle remonte aux premières années de l’occupation coloniale et s’inscrit dans l’histoire de la création des grandes villes, foyers de changement social et culturel par excellence, et notamment dans l’éclosion des bars-dancings de certain grand centre urbain comme Brazzaville et Kinshasa. Selon Gondola, « l’adoption du vêtement “moderne” européen et sa “réécriture” par les Africains sont aussi vieilles que le jeu de forces et d’influences entre le colonisateur et le colonisés » (Gondola, 1999 : 21). Cette histoire longue d’appropriation et de re-signification de la mode vestimentaire européennes par la jeunesse africaine urbanisée s’incarnera dans différents mouvements dont celui de la SAPE née dans les années 1970 entre Brazzaville et Paris (Gandoulou, 1984). Les membres de la Jet 7 ivoirienne reprendront à leur compte cette tradition de l’illusion permettant de brouiller les « repères sociaux et rendre illisibles les valeurs de classes et les statuts sociaux » (Gondola, 1984 : 21). Plus tard, des chanteurs de coupé-décalé diffuseront ces imaginaires de la sape dans leurs chansons et les vidéoclips associés.

14Si Douk Saga et ses compagnons d’aventure se feront les spécialistes de la sape en migration, à Abidjan, c’est certainement le chanteur Serge Beynaud qui déclinera le plus explicitement cet imaginaire de l’élégance et du luxe vestimentaire dans trois clips sortis entre 2012 et 2021 : « Saper-saper », « Sapecology » et « Petit mannequin ». Dix ans après « Sagacité », le clip de « Saper-saper » commence par ces mots : « L’élégance ce n’est pas un péché, c’est un don de Dieu » ; Beynaud poursuit ensuite : « Connaître la sape c’est important, c’est un art », « Tu connais pas t’habiller, faut pas m’énerver oh ! » Lunettes noires sur les yeux, veste beige et jean blanc, Beynaud propose un art de la sape différent de ceux de la Jet 7 ou plus exactement, il diversifie le modèle congolais de la masculinité chic (fig. 2).

Fig. 2. Dans « Saper saper », Serge Beynaud diversifie le modèle congolais de la masculinité chic

Fig. 2. Dans « Saper saper », Serge Beynaud diversifie le modèle congolais de la masculinité chic

15Le costume nœud papillon est encore présent, mais le jean / veste en cuir est lui aussi proposé comme style possible. La coiffure, rasée sur les côtés avec dessins géométriques, et la chaîne autour du cou renvoient davantage à l’esthétique du Gangsta rap. Le chic européen côtoie ici le bling bling des rappeurs afro-américains. Les chaussures de luxe italiennes sont remplacées par des baskets onéreuses. Les atalakus, omniprésents tout au long du clip, rappellent à la mémoire des mélomanes les grands « sapeurs » du mouvement, notamment les membres de la Jet 7 : Solo Beton et Lino Versace. Cet imaginaire actualisé de la sape sera à nouveau au centre d’un titre de Beynaud en 2014, « Sapecology », qui s’ouvre sur ce slogan :

Tout le monde peut bien s’habiller, mais tout le monde ne peut pas saper.
Les vêtements c’est comme une arme,
Tu peux être bien armé mais savoir tirer aussi c’est important.

16Le clip est tourné dans le jardin d’une luxueuse villa blanche. Entouré de ces deux danseuses officielles, Fallone et Zota, Beynaud danse à côté d’une piscine. Les différents plans qui alternent tout au long du clip mettent en scène des esthétiques hétérogènes. Dans la première scène, T‑shirt noir imprimé sur lequel on distingue une bouche de femme blanche manger une banane, jean slim noir, lunettes noires, large chaîne en argent autour du cou, Beynaud endosse un style « américain » tout comme Zota et Fallone, vêtu d’un short et bustier en jean, arborant de larges chaines en or autour du cou (fig. 3).

Fig. 3. Beynaud convoque l’esthétique gangsta rap dans le clip de « Sapecology »

Fig. 3. Beynaud convoque l’esthétique gangsta rap dans le clip de « Sapecology »

17De clips en clips, Beynaud peaufine donc son art jusqu’à « Petit Mannequin », dans lequel l’hybridité esthétique est la plus aboutie (fig. 4). Dans ce clip qui témoigne également de la professionnalisation progressive des vidéastes (Adou et Andrieu, 2022), les images de sapeurs « ancienne version » (costumes de luxe et chaussures italiennes) alternent avec le sapeur contemporain dont le style renvoie à des imaginaires inspirés du gansta rap américain. L’élégance du chanteur est ici magnifiée par les costumes des danseuses qui l’entourent. Elles aussi sont « sapées comme jamais » et incarnent des styles proches de celles des stars de RnB étatsuniennes. En articulant l’univers de la « S.A.P.E » aux esthétiques afro-américaines désormais globalisées, Serge Beynaud, comme d’autres chanteurs de coupé-décalé, invente une masculinité ivoirienne contemporaine ouverte sur l’Europe et les États-Unis. L’élégance y est brandie comme une arme pour sortir de l’anonymat, rejoindre les grandes figures du chic mais également du « swagg » et se connecter ainsi aux imaginaires de la globalisation (Andrieu et Olivier, 2017).

Fig. 4. Le clip de « Petit mannequin » articule l’univers de la « S.A.P.E » aux esthétiques afro-américaines désormais globalisées

Fig. 4. Le clip de « Petit mannequin » articule l’univers de la « S.A.P.E » aux esthétiques afro-américaines désormais globalisées

La force du guerrier

  • 9 Grand, ancien, fort en langue Malinké.

18La figure du guerrier et les imaginaires de la « force » sont associés à un autre type de masculinité très présent dans les vidéoclips du corpus. Les chanteurs eux-mêmes s’auto-attribuent des pseudonymes illustres qui renvoient à des figures guerrières réelles, fictionnalisées ou inventées : Apache, Commandant Zabra, Daïshikan pour DJ Arafat, Commandant Zouramporio pour DJ Kedjevara, Colonel Lobofouè pour Ariel Sheney, Kôrôh9 pour Bebi Philippe. Safarel Obiang, quant à lui, désigne son groupe de danseurs comme étant « l’armée rouge ». Ces pseudonymes, qui convoquent le champ lexical de la guerre, de l’armée, des « supers-pouvoirs » et de la démesure, permettent de proclamer sa force, sa puissance et sont largement présents dans les vidéoclips sous forme de texte incrusté dans l’image.

19De nombreux vidéoclips de coupé-décalé mettent en scène des figures de guerriers puisées dans un corpus hétéroclite allant du soldat au chef coutumier. Si le coupé-décalé s’est tenu loin des crises militaro-politiques qui ont touché la Côte d’Ivoire à partir de 2002, l’esthétique militaire figure néanmoins au cœur de plusieurs clips. Dans « American Soldier » (2009), Debordo Leekunfa met en scène la figure du jeune soldat valeureux. Le clip débute par des images de l’artiste torse nu, en treillis, réalisant des pompes dans une chambre sombre. L’esthétique n’est pas ici celle de la villa luxueuse avec piscine mais celle du quartier populaire, « du ghetto ». Quelques années plus tard, DJ Arafat exploite lui aussi cette esthétique militaire dans « Kpadompo ». Pantalon, veste militaire et béret rouge : DJ Arafat incarne dans ce clip un soldat singulier, lunettes de soleil noir sur le nez et vixens dansant derrière lui. Dans d’autres scènes du même clip, blouson de cuir, gants noirs et jeans déchirés, il chante devant des fils barbelés et un char d’assaut (fig. 5).

Fig. 5. Dans « American Soldier » (en haut) et « Kpadompo » (en bas), Debordo Leekunfa et DJ Arafat exploitent l’univers militaire et rompent avec les décors historiques des clips du coupé-décalé

Fig. 5. Dans « American Soldier » (en haut) et « Kpadompo » (en bas), Debordo Leekunfa et DJ Arafat exploitent l’univers militaire et rompent avec les décors historiques des clips du coupé-décalé

20L’autre référence guerrière, présente dans plusieurs vidéoclips, est celle du chef traditionnel. Safarel Obiang a été l’un de ceux qui a exploité à son paroxysme l’imaginaire de la chefferie africaine, notamment dans avec le clip de « Shaka Zulu ». Sorti en 2021, « Shaka Zulu » réinvente la figure du célèbre conquérant zoulou (fig. 6). Vêtu d’une peau de léopard (ou de zèbre) et d’une coiffe, arborant un bouclier en peau de vache et une lance, Safarel déambule dans un village de huttes entouré d’une « armée » de danseurs torses nus munis eux aussi d’une lance et d’un bouclier. Les danseuses arborent quant à elles des vêtements inspirés par les esthétiques sud-africaines, jupe rouge et larges colliers de perles multicolores. Le nombre très important de figurant·es et de danseur·ses qui participent à ce clip, et les décors grandioses dans lesquels ils·elles évoluent (cascades, forêt tropicale, immense plaine…) renforcent l’esthétique de la puissance qui est au cœur de la vidéo. Ce regroupement important de participant.es est également mis au service de la force de Safarel Obiang lui-même, capable de dépenser sans compter pour la réalisation de ce vidéoclip10 et de ceux qui suivront.

Fig. 6. Le clip de « Shaka Zulu » de Safaral Obiang réinvente la figure du célèbre conquérant zoulou

Fig. 6. Le clip de « Shaka Zulu » de Safaral Obiang réinvente la figure du célèbre conquérant zoulou
  • 11 Safarel Obiang (« Abougor », « chara danse »).

21D’une manière plus générale, cette masculinité guerrière se traduit également dans les vidéoclips à travers les postures et les techniques du corps. Les corps musclés, les positions de combats et d’arts martiaux11 viennent faire échos aux pseudonymes mobilisés par les chanteurs du coupé-décalé. Ceux-ci ne craignent pas le combat et les défis, en témoignent les imaginaires de la conflictualité (affrontement, confrontation, défis, clashs) très présents dans les clips du corpus. Ces démonstrations de force sont également omniprésentes dans les paroles des chanteurs qui proclament leur pouvoir :

  • 12 Champi est l’un des arrangeurs de DJ Arafat.

Ils ont peur Champi12, ça tremble
Champi, arrêtes sinon je vais trop tuer les gens
Vous croyez que vous êtes fors
Mais vous n’êtes pas forts
Je suis le plus dangereux de tous DJ du monde entier
Que vous le voulez, que vous ne le voulez pas
Je reste le Yôrôbo, désormais l’Apache 8500 volts d’animation
« Djessimidjeka », DJ Arafat, 2009

  • 13 En nouchi, ce terme renvoie à « dangereux » qui signifie fort, puissant.
  • 14 « Petit » en nouchi.
  • 15 « Frapper ou battre » en nouchi.
  • 16 « Dormir » en nouchi.

C’est toujours le dangôrô13
Calmez-vous les dôgô14
Je vous ai déjà bougô15
Donc allez-y kôrô16
« Amusez-vous », DJ Léo, 2018

  • 17 « Vous », « les gens » « ils » renvoient l’ensemble de ces concurrents masculins.

22Dans ces deux extraits, DJ Arafat et DJ Léo s’adressent directement à leurs concurrents du coupé-décalé, et par extension à tous les DJ17. La preuve de leurs masculinités passe par la position dominante de « dangôrô » ou de « DJ le plus dangereux du monde entier », ainsi que par la démonstration d’un talent supérieur, d’une puissance physique ou même d’une rage visant à éliminer la concurrence. Le modèle masculin que ces artistes incarnent repose sur la virilité et la force, des valeurs placées au centre de plusieurs cultures populaires urbaines d’Afrique (Bahi, 2011 ; Atérianus, 2013 ; Bonhomme, 2022). Cette image de l’homme fort se construit en rejet des contretypes de garçons non virils, fréquemment taxés d’être homosexuels dans les chansons et dans les directs Facebook des chanteurs de coupé-décalé.

La détermination du jeune nouchi

  • 18 Caractère de ce qui est nouchi.

23Troisième type de masculinité présent dans notre corpus, celui du jeune nouchi sorte de héros urbain des temps modernes qui, par la force de ses mains et de sa ruse, accomplit des exploits en dépit des turpitudes et des vicissitudes sociales rencontrées (Newell, 2006 ; Le Marcis, 2017). Les références explicites au « nouchiya18 » sont nombreuses dans les vidéoclips. Ici, les décors privilégiés ne sont plus les grandes artères parisiennes, mais plutôt les rues des quartiers populaires d’Abidjan. Le clip d’« Enfant Béni » (2017) de DJ Arafat, met en scène la réussite sociale d’un jeune nouchi par l’alternance d’images de DJ Arafat adulte – lunettes noires, tatouages, chaînes massives autour du cou devant une grosse cylindrée, dansant seul au centre d’un stade de football, assis sur un imposant trône rouge – avec des images du chanteur enfant, sandales en plastiques, courant en culotte courte dans les rues d’Abidjan (fig. 7). Ces clips comme plusieurs autres, se fondent sur une esthétique du combat « inspirée de cultures urbaines étatsuniennes aujourd’hui mondialisées, où le succès se conquiert et s’arrache dans l’adversité » (Champy, 2021). Ce réseau d’images globalisées s’articule à des imaginaires déjà là, notamment chez les ghettomen, ces jeunes « voyous » des quartiers populaires d’Abidjan férus de films américains rêvant « d’exister par [eux]-même[s] grâce à [leur] force et [leurs] qualités inventives, s’imposer, laisser une trace qui sera reprise en héritage » (De Latour, 1999 : 82).

Fig. 7. Le clip d’« Enfant Béni » de DJ Arafat se fonde sur une esthétique du combat qui s’inspire des cultures urbaines étatsuniennes mondialisées

Fig. 7. Le clip d’« Enfant Béni » de DJ Arafat se fonde sur une esthétique du combat qui s’inspire des cultures urbaines étatsuniennes mondialisées
  • 19 Cette phrase d’Ariel Sheney « coupé-décalé sans danse, c’est comme loto (loterie) sans banka (cagno (...)
  • 20 Ces roukasskass sont majoritairement réalisés par des danseurs. Néanmoins quelques danseuses telles (...)

24Dans cette quête d’exister et de se faire une place à soi/par soi, le corps et ses techniques occupent une place centrale. Corps entrainés et experts deviennent au fil du temps au cœur des vidéoclips. En effet, si la danse occupe une place centrale dès les débuts du mouvement19 et si les vidéoclips ont très vite eu comme rôle de donner à voir et de transmettre les « concepts » (pas de danse) associés à chaque morceau, des savoir-danser experts et acrobatiques ont, progressivement, remplacé des pratiques de danses populaires dont l’exécution était à la portée de tous. Les « roukasskass », mot construit à partir du son produit par la batterie, désignent désormais les acrobaties effectuées par les danseurs du coupé-décalé, dont l’exécution requiert des aptitudes physiques et athlétiques particulières. Les saltos, les passages au sol, les grands écarts, les pirouettes exigent des entraînements quotidiens pour muscler, exercer et rendre virtuose son corps. Ces « roukasskass » symbolisent la force d’une jeunesse urbaine masculine20 qui parvient à force de répétition à devenir acrobate, dominer les lois de la gravité, et plus généralement se faire une place là où elle n’en avait pas. Certains danseurs, présents dans les concerts mais également dans les vidéoclips, sont aujourd’hui célèbres, comme Ordinateur ou Bébé sans os, les deux danseurs vedettes de DJ Arafat.

25Le vidéoclip du coupé-décalé capture et interprète à la fois les logiques sociales, les tendances esthétiques et les usages populaires dans sa langue propre. Il est non seulement révélateur et créateur de modes nouvelles, mais également un miroir dans lequel le public de cette musique populaire urbaine contemple son être, ses métamorphoses et ses dispositions profondes. Le coupé-décalé est donc tributaire de l’image et le vidéoclip apparait alors comme le théâtre de ses imaginaires. Les images constituent le support des valeurs qui devront marquer l’esprit du spectateur. En effet, le vidéoclip de coupé-décalé se construit autour d’idéaux masculins qui se rejoignent autour de l’idée que s’exhiber, savoir se mettre en scène, savoir performer sa réussite et « savoir se comporter en excentrique » (Kohlhagen, 2005) constituent des valeurs suprêmes.

Conclusion

26En choisissant d’explorer les imaginaires de la masculinité présents dans les clips de coupé-décalé, il s’agissait à la fois de révéler leur diversité mais également de montrer comment les artistes de ce mouvement puisent dans des univers hétérogènes – locaux, continentaux et globaux – pour mettre en scène des subjectivités masculines plurielles et incarner de « nouvelles figures de la réussite et du pouvoir » (Banégas et Warnier, 2001). Entre l’élégance du sapeur, la force du guerrier et le courage du jeune noushi, de multiples voies médianes sont créées. Elles font co-exister de nouvelles manières de se construire et de se performer comme homme dans la société ivoirienne contemporaine. Ces imaginaires, s’ils reposent sur des valeurs singulières, mettent avant tout en scène des « fictions de soi » permettant de sortir de l’anonymat des faibles et de l’obscurité du ghetto (De Latour, 2005 : 475). Montrer sa réussite en migration, devenir Shaka Zulu ou un American soldier est essentiel pour se définir comme un homme puissant et occuper une place à laquelle les hommes du coupé-décalé n’étaient pas destinés.

27Résolument exploratoire, cet article n’épuise cependant en aucun cas les imaginaires genrés qui traversent les vidéoclips de coupé-décalé. Notre perspective a en effet laissé dans l’ombre l’ensemble des imaginaires de la féminité, qui traverse également le corpus. Une étude centrée sur les vidéoclips des chanteuses de coupé-décalé permettrait de voir comment ces dernières tentent de se faire une place dans ce mouvement éminemment masculin en bousculant les rôles de danseuses ou de mannequins au sein desquels elles sont reléguées dans de nombreux clips. Les artistes femmes de coupé-décalé proposent elles aussi des imaginaires féminins contrastés et jouent avec différentes figures : celles de la cow-girl, de la femme fatale ou de la business woman… Comme les artistes de RnB étatsuniennes, ces dernières tentent ainsi de se situer « en‑dehors des zones de l’hétéronormativité habituelle » (Vernalis, 2018 : 70). Enfin, l’analyse des dynamiques de genre présentes dans les vidéoclips de coupé-décalé, elle aussi écartée de notre propos, ouvrirait sur des perspectives très stimulantes quant aux rapports amoureux (hétérosexuels), à la sexualité, aux conjugalités et aux conflits actuels qui animent la jeunesse ivoirienne.

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Bibliographie

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Discographie

Ariel Sheney – « Pètè pètè » (2016)

Ariel Sheney – « Amina » (2018)

Bebi Philippe – « Casse Casse » (2016)

Debordo Leekunfa – « Américan Soldier » (2009)

Debordo Leekunfa – « Apéritif yamakoudji » (2014)

Debordo Leekunfa – « Les vieilles personnes quittez ! » (2014)

Debordo Leekunfa – « N’enfant gateh » (2015)

DJ Arafat – « Djessimidjeka » (2009)

DJ Arafat – « Kpankaka » (2012)

DJ Arafat – « Agbangnan » (2014)

DJ Arafat – « C’est Moi » (2015)

DJ Arafat – « Maplôrly » (2015)

DJ Arafat – « Ave César » (2017)

DJ Arafat – « Gbinchin Pintin » (2018)

DJ Arafat – « Kpadoompo » (2018)

DJ Arafat – « Enfant béni » (2018)

DJ Arafat – « Dosabado » (2018)

DJ Arafat – « Je Vais Les Tuer » (2019)

DJ Jeff – « Qui cherche trouve » (2004)

DJ Kedjevara – « Tchoucou-Tchoucou » (2005)

DJ Kedjevara – « Nonguon-Nonguon » (2012)

DJ Kedjevara – « Poporo Ropiri Ripo » (2017)

DJ Léo – « Profitons de la vie » (2015)

DJ Léo – « Amusez-vous » (2017)

Douk Sag – « Sagacité » (2003)

Douk Saga – « Héros national » (2005)

Mix Premier (DJ Mix) – « Mal à la tête » (2016)

PS One DJ – « Konami » (2004)

Safarel – « Tchintchin » (2018)

Safarel – « Abougor » (2019)

Safarel – « Shaka Zoulou » (2021)

Serge Beynaud – « Saper-Saper » (2012)

Serge Beynaud – « Okeninkpin » (2014)

Serge Beynaud – « Sapecology » (2014)

Serge Beynaud – « Petit mannequin » (2021)

Shanaka Yakusa – « Drogbacité » (2005)

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Notes

1 Cette phrase est extraite de la chanson « Gbinchin pintin » (2018) de DJ Arafat.

2 Le corpus de données qualitatives ayant permis de constituer ce corpus et d’analyser les vidéoclips repose en large partie sur l’enquête de terrain de longue durée menée par Mahesse Kolé au sein du monde du coupé-décalé à Abidjan (Kolé, 2021). Ettien Stéphane Adou et Sarah Andrieu ont, quant à eux, réalisé au cours de l’année 2020 et 2021 des enquêtes de terrain sur les vidéo-clips tournés à Abidjan. Tous trois font partis du programme de Recherche interdisciplinaire AFRINUM-Cultures du numérique en Afrique de l’Ouest : musique, jeunesse, médiations, coordonné par Emmanuelle Olivier.

3 L’Atalaku est un mot lingala qui signifie « regarde par ici » ou encore « dédicace ». Initialement, l’Atalaku désigne le chanteur de louanges dans les orchestres de rumba congolaise (White, 2008). Ce rôle est intimement lié au Libanga, une pratique de citation au sein des chansons de noms de « chefs » (personnes puissantes ou rêvant de le devenir) contre rémunération. Le terme et les pratiques laudatives qu’il désigne ont été récupérées dès les débuts du coupé-décalé.

4 De nombreuses rumeurs circulent sur l’origine de cette richesse et le véritable « travail » des membres de la Jet 7 qui seraient liés à des trafics et des vols en tout genre (Kohlhagen, 2005 ; Le Seigneur, 2013).

5 Le terme binguiste ou benguiste désigne en nouchi les Africain·e·s vivant en Europe.

6 Douk Saga décède d’une maladie pulmonaire en 2006 à Ouagadougou au Burkina Faso. L’autre grande figure du mouvement, DJ Arafat, trouvera la mort dans un accident de moto en 2019. Les cérémonies d’hommage à l’un comme à l’autre réuniront des milliers de fans et de nombreuses personnalités du monde artistique et politique.

7 Le chanteur/danseur mime les derniers moments de la poule mourante qui a contracté le virus.

8 Ici, c’est le caractère dangereux du boucantier (frimeur) qui est mis en avant du virus Ebola. « Dangereux », dans ce contexte exprime quelque chose de bien, de meilleur. Dans le nouchi, certains termes revêtent un sens contraire. Par exemple, « il est mal fort » signifie au contraire qu’il est très fort.

9 Grand, ancien, fort en langue Malinké.

10 Safarel Obiang a récemment mis en scène dans un vlog diffusé sur tiktok l’envers du tournage de son dernier clip réunissant plus d’une cinquantaine de danseurs et détaillant l’ensemble du budget de ce tournage.

11 Safarel Obiang (« Abougor », « chara danse »).

12 Champi est l’un des arrangeurs de DJ Arafat.

13 En nouchi, ce terme renvoie à « dangereux » qui signifie fort, puissant.

14 « Petit » en nouchi.

15 « Frapper ou battre » en nouchi.

16 « Dormir » en nouchi.

17 « Vous », « les gens » « ils » renvoient l’ensemble de ces concurrents masculins.

18 Caractère de ce qui est nouchi.

19 Cette phrase d’Ariel Sheney « coupé-décalé sans danse, c’est comme loto (loterie) sans banka (cagnotte) « révèle bien la place centrale de la danse au sein de ce courant musical.

20 Ces roukasskass sont majoritairement réalisés par des danseurs. Néanmoins quelques danseuses telles que « gros camion » et « la chinoise » récemment au cœur de la pièce « Filles pétroles » de la chorégraphe Nadia Beugré se sont approprié ces techniques à l’image des danseuses

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Doug Saga devant la Tour Eiffel, « Sagacité », 2002
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Titre Fig. 2. Dans « Saper saper », Serge Beynaud diversifie le modèle congolais de la masculinité chic
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 101k
Titre Fig. 3. Beynaud convoque l’esthétique gangsta rap dans le clip de « Sapecology »
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 161k
Titre Fig. 4. Le clip de « Petit mannequin » articule l’univers de la « S.A.P.E » aux esthétiques afro-américaines désormais globalisées
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 138k
Titre Fig. 5. Dans « American Soldier » (en haut) et « Kpadompo » (en bas), Debordo Leekunfa et DJ Arafat exploitent l’univers militaire et rompent avec les décors historiques des clips du coupé-décalé
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 302k
Titre Fig. 6. Le clip de « Shaka Zulu » de Safaral Obiang réinvente la figure du célèbre conquérant zoulou
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 169k
Titre Fig. 7. Le clip d’« Enfant Béni » de DJ Arafat se fonde sur une esthétique du combat qui s’inspire des cultures urbaines étatsuniennes mondialisées
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3838/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 135k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Mahesse Kolé, Sarah Andrieu et Stéphane Ettien Adou, « Imaginaires de la masculinité dans les vidéoclips de coupé-décalé (Paris/Abidjan) »Genre en séries [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/3838 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ges.3838

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Auteurs

Mahesse Kolé

Mahesse Kolé est enseignante-chercheure en communication à l’Université Alassane Ouattara (Bouaké /Côte d’Ivoire) et membre du projet ANR Cultures du numérique en Afrique de l’Ouest : musique, jeunesse et médiations. Ses travaux portent sur les dynamiques sociales qui traversent les industries culturelles ivoiriennes : genre, médiations culturelles, transmission et circulation des savoirs, construction de sous-cultures. Ses recherches doctorales portent sur le coupé-décalé, une musique urbaine ivoirienne.

Sarah Andrieu

Sarah Andrieu est anthropologue, maîtresse de conférences au département des Arts d’Université Côte d’Azur. Elle est membre de l’Unité de recherche migrations et société (URMIS). Ses recherches, menées au Burkina Faso depuis 2002, portent d’une part sur les usages politiques des danses traditionnelles par l’état postcolonial et d’autre part sur les dynamiques de circulation d’esthétiques, de savoirs, d’imaginaires dans le champ globalisé de la danse africaine contemporaine. Elle a entamé, en 2020, des recherches sur les vidéoclips et les danseurs urbains à Abidjan dans le cadre du programme « Cultures du numérique en Afrique de l’Ouest- musique, jeunesse, médiations ». Elle interroge notamment les questions de production et de circulations des imaginaires corporelles et plus largement la création d’images de soi à l’ère numérique. Sarah Andrieu est membre du comité scientifique éditorial de la revue Recherches en danse et du conseil scientifique du Groupement d’intérêt scientifique Études africaines. Elle a notamment co-dirigé avec Emmanuelle Olivier l’ouvrage Création artistique et imaginaires de la globalisation.

Stéphane Ettien Adou

Stéphane Ettien Adou est enseignant-chercheur en Sciences de l’Information et de la Communication à l’Institut Universitaire d’Abidjan (IUA-Côte d’Ivoire) et membre du projet ANR Cultures du numérique en Afrique de l’Ouest : musique, jeunesse et médiations. Ses travaux qui se déroulent essentiellement en Côte d’Ivoire portent sur le broutage, un usage déviant d’Internet et sur la reconfiguration de l’économie symbolique du vidéoclip. Dans ses recherches récentes, il questionne la manière dont, dans un contexte de globalisation et d’uniformisation de la culture, les fictions télévisées ivoiriennes rendent compte des dynamiques sociales de résistance, de résilience et de reliance.

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