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Dossier

« Janus en ovalie ». Une analyse des représentations de la masculinité dans les publicités mettant en scène Sébastien Chabal

“Janus in Ovalie”: An Analysis of Masculinity Representations in Advertisements Featuring Sébastien Chabal
Christophe Bonnet et Yan Dalla Pria

Résumés

Alors que la figure du rugbyman, esthétisée par les effets de la professionnalisation et de la médiatisation, connaît un engouement populaire croissant dans les années 2000, la déferlante médiatique suscitée par Sébastien Chabal est intéressante à double titre. Elle correspond à un point d’orgue de ce phénomène tout en marquant le retour à une image plus traditionnelle du joueur de rugby, historiquement porteur d’un modèle de masculinité hégémonique. Mais après avoir exploité, dans un premier temps, la virilité bestiale de S. Chabal, les annonceurs le transposent rapidement dans des mises en scène plus ambigües, allant jusqu’à le travestir. À partir d’une analyse sémiologique de publicités mobilisant S. Chabal, cet article illustre la manière dont les stratégies de communication des publicitaires ont contribué à la diffusion de représentations nouvelles de la masculinité, en rupture avec les codes culturels dominants. Il apporte en outre un éclairage heuristique sur le rapport dialectique articulant masculinités hybrides et modèle hégémonique.

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Texte intégral

Introduction

1En France, le rugby fait l’objet d’une exposition médiatique grandissante au tournant du xxie siècle, liée au passage au professionnalisme (1995) puis à l’engouement suscité par la Coupe du Monde 2007 (Diana, 2010). À la même période, l’esthétisation de la figure du joueur, induite par l’intensification des programmes d’entraînement ainsi que par les logiques économiques des médias et Annonceurs, est à l’origine d’une redéfinition du modèle de masculinité hégémonique (Connell, 1987, 1995) culturellement associé à ce sport (Dunning et Sheard, 1979).

  • 1 Dénommé ci-après « S. Chabal ».
  • 2 Dans la mythologie romaine, Janus, dieu des commencements et des fins, possède une seule tête mais (...)

2La médiatisation outrancière dont jouit à la fin des années 2000 le rugbyman français Sébastien Chabal1, sportif adulé du grand public comme des marques, est emblématique de ce bouleversement. Alors qu’ils mettaient initialement en avant sa pilosité virile et sa férocité primitive, les annonceurs le montrent progressivement dans des situations plus ambigües et provocatrices, certains allant jusqu’à le travestir. Tel le dieu romain Janus2, S. Chabal incarne ainsi avec une dextérité rare pour une personnalité publique deux figures de la masculinité diamétralement opposées. Comment expliquer le recours à ces codes comportementaux relevant des cultures « métrosexuelle » ou « queer » ? Comment ces codes s’articulent-ils avec la facette bestiale de la masculinité de S. Chabal, également prisée des annonceurs ?

3À partir de l’analyse d’un corpus de publicités de presse écrite, télévisuelle et numérique, parues entre 2008 et 2019, nous montrons qu’à l’instar de la « masculinité flexible » du footballeur anglais David Beckham (Gee, 2014), le succès médiatique de S. Chabal s’est construit sur la coexistence de deux registres de représentations antagonistes, dont nous analysons les ressorts : l’un emblématique de la masculinité hégémonique ; l’autre produisant un effet contre-hégémonique par l’incorporation maîtrisée d’attributs de masculinités alternatives. Nous appréhendons ce processus d’hybridation (Demetriou, 2001 ; Messner, 2007 ; Bridges et Pascoe, 2014) comme une stratégie visant à adoucir le modèle hégémonique qu’incarnait jusqu’alors le joueur, lui permettant ainsi de conserver son attractivité auprès du grand public dans un contexte sociétal de rééquilibrage des rapports de genre. Nous montrons enfin que le cas de S. Chabal éclaire le rapport dialectique qu’entretiennent masculinités hybrides et modèle hégémonique et discutons les implications théoriques de ce rapport.

Cadre théorique

Du modèle hégémonique à l’émergence de masculinités composites

4Dans ses travaux fondateurs, Connell (1987, 1995) a établi l’existence dans l’ordre de genre d’une forme culturellement idéalisée de masculinité, qualifiée d’hégémonique. Celle-ci exerce un rapport de domination sur le genre féminin ainsi que sur d’autres formes de masculinités, dites complices, subordonnées ou marginalisées selon qu’elles s’écartent plus ou moins des codes culturels dominants.

5À partir des années 1990, divers travaux ont documenté l’émergence de masculinités plus composites susceptibles d’interroger les fondements de ce modèle hégémonique. Beynon (2002 : 6) note ainsi l’émergence d’une forme de « masculinité bricolée », qu’il décrit comme « un zapping entre différentes versions de la masculinité ». D’autres auteurs ont cherché à étayer au plan théorique le concept journalistique de « métrosexualité » (Pompper, 2010 ; Hall, 2014 ; Coad, 2014). Le terme de « masculinités hybrides » a par ailleurs émergé pour décrire le modèle mêlant, selon les circonstances, des éléments de masculinité hégémonique et d’autres empruntés aux cultures « métrosexuelles » ou « queer » (Demetriou, 2001 ; Barber, 2008 ; Arxer 2011 ; Bridges et Pascoe, 2014 ; Pascoe et Bridges, 2015). Dans une perspective proche, enfin, Gee (2014 : 927, traduit par nous) a développé la notion de « masculinité flexible ». Ce modèle, qui s’incarne par exemple dans la figure de David Beckham, « concilie une palette de stéréotypes masculins dominants avec des formes alternatives de masculinité en vue de négocier des relations de genre changeantes dans un contexte de globalisation et de culture de consommation fortement médiatisée ».

6Ces courants réfutent toutefois l’idée d’un affaiblissement des rapports de domination tant sur les femmes que sur les masculinités subalternes, les hommes représentés étant majoritairement blancs, aisés, hétérosexuels et dotés d’attributs associés à l’imaginaire hégémonique (musculature avantageuse, excellence dans une pratique sportive dite « masculine », relation avec une star du show-business, etc.). En d’autres termes, si les représentations de la masculinité évoluent, l’essence de la domination demeure. Un constat qui conduit certains théoriciens du modèle hégémonique à considérer ces courants alternatifs comme une simple actualisation de celui-ci (Connell et Messerschmidt, 2005 ; Messerschmidt, 2018).

Une évolution des représentations masculines sous l’influence de logiques marchandes

7Ces masculinités émergentes convergent en outre sur l’influence décisive des logiques marchandes, et en particulier de la publicité, dans la transformation des représentations de la masculinité (Barber et Bridges, 2017 ; Scheibling et Lafrance, 2019). Ce constat est particulièrement vrai dans le champ du sport. Les discours et représentations genrés y exercent en effet une telle influence (Sabo et Curry Jansen, 1998 ; Roger et Terret, 2006 ; Fuller, 2006) « [qu’il] est possible de considérer le sport médiatisé comme l’une des plus importantes institutions sociales définissant les formes préférées et dépréciées de masculinité et de féminité » (McKay et Laberge, 2006 : 6). Historiquement, médias et annonceurs sont dans ce secteur de puissants vecteurs de diffusion des stéréotypes de genre traditionnels (Héas et al., 2006). Le ciblage de marchés de niche conduit toutefois certaines marques à introduire une hybridation des représentations de la masculinité, en dissonance avec le modèle dominant (Gee et Jackson, 2017 ; Goedecke, 2021). Cashmore et Parker (2003), Vincent et al. (2009) ou encore Gee (2014) attribuent ainsi les origines de la masculinité composite de David Beckham à l’hétérogénéité des publics visés par la communication de ses sponsors. À cet égard, les publicités mobilisant le sport confirment l’idée, déjà relevée par Perret (2003) ou Barber et Bridges (2017), que l’humour et l’ironie sont des ressorts privilégiés des représentations contre-hégémoniques diffusées dans la publicité (Goedecke, 2021). L’effet comique de cet « humour post-féministe » (Goedecke, 2021 : 4), qui s’approprie la critique féministe à des fins commerciales, résulte alors de l’adoption de codes culturels contre-hégémoniques par des hommes incarnant de manière évidente, voire caricaturale, le modèle hégémonique.

8Ces représentations publicitaires contribuent en retour à la diffusion de « matrices de genre » (Butler, 2005 [1990]), à l’aune desquelles peuvent se négocier les identités de genre. En infléchissant les codes culturellement dominants de la masculinité, Beckham, par exemple, élargit le spectre des identités masculines jugées légitimes (Gee, 2014). Schroeder et Zwick (2004) nuancent toutefois ce propos : si la publicité donne à voir des performances de genre routinisées, donc aisément intelligibles et reproductibles, un décalage peut en effet exister entre la communication d’une marque et l’appropriation de celle-ci par les consommateurs ciblés.

Professionnalisation et hybridation de la masculinité du rugbyman

9Au sein de l’espace des sports, le rugby s’est imposé, depuis ses origines dans l’Angleterre victorienne au milieu du xixe siècle (Dunning, 1986 ; Dunning et Sheard, 1979 ; Nauright et Chandler, 1996), comme un temple de la masculinité hégémonique en raison de ses valeurs viriles et des affrontements violents auxquels il donne lieu (Schacht, 1996 ; Light et Kirk, 2000 ; Muir et Seitz, 2004 ; Dine, 2007). Pociello (1983) ou Saouter (2000) montrent ainsi combien le rugby est historiquement associé à la solidarité, à la résistance à la douleur mais aussi à la misogynie, à l’homophobie et à une consommation excessive d’alcool.

10Au tournant des années 2000, la médiatisation consécutive à la professionnalisation du rugby a toutefois remodelé son univers en adéquation avec les normes de beauté contemporaines (Bonnet, 2020). Les représentations du rugbyman se sont ainsi diversifiées, en fonction notamment des contextes sociaux (Giazitzoglu, 2020) : si la masculinité hégémonique reste éclatante sur le terrain, les performances de genre des joueurs en dehors de celui-ci attestent désormais d’une logique d’hybridation.

11Physiquement solides, psychologiquement préparés, numériquement retouchés, commercialement (dés)habillés, les rugbymen du temps présent […] bandent les muscles, exhibent les tatouages […], lissent et colorent les chevelures, affûtent leurs regards, se préoccupent sans ambiguïté de leur propre apparence et de leur santé. (Diana, 2007 : 74)

12En témoigne la publication dans les années 2000 des Calendriers des Dieux du Stade, dans lesquels les joueurs, telles de « nouvelles pin-up » (Saouter, 2007 : 196), posent nus dans des positions inspirées tant de la statuaire antique que de l’iconographie érotique gay ; ou encore de nombreuses publicités valorisant leur esthétique corporelle (Bonnet, 2020).

13Harris et Clayton (2007) identifient l’international gallois Gavin Henson comme le premier « rugbyman métrosexuel ». Ce dernier était, à cette époque, en couple avec la chanteuse Charlotte Church et avait coutume de jouer avec des crampons confectionnés sur-mesure par la maison Karl Lagerfeld. En France, Frédéric Michalak, Christophe Dominici ou Vincent Clerc, devenus les égéries de marques de cosmétiques ou de prêt-à-porter, se soumettent à leur tour à ce processus d’esthétisation. Comme le note Dine (2007 : 40) : « Longtemps tabou, le corps musclé du rugbyman se prête [désormais] à l’observation concupiscente dans une optique commerciale mobilisant des stratégies de séduction affinées depuis longtemps. » Quelles qu’en soient les formes, l’esthétisation – voire l’érotisation – du corps des joueurs hors du terrain relève ainsi d’une forme d’hybridation du modèle de masculinité véhiculé par le rugby (Clément, 2014).

Le cas Sébastien Chabal

  • 3 Le « rugby d’avants » est une expression qui fait référence au jeu pratiqué par les huit joueurs (t (...)
  • 4 Sondage TNS Sofres-Logica réalisé pour L’Équipe Magazine.

14Dans ce contexte, le soudain engouement médiatique et populaire suscité par S. Chabal marque, dans un premier temps, un point d’arrêt à l’esthétisation de la figure du rugbyman. Devenu professionnel à Bourgoin-Jallieu en 1998, puis exilé en Angleterre de 2004 à 2009, S. Chabal ne s’est véritablement révélé aux yeux des médias et du grand public français qu’une dizaine d’années plus tard, juste avant la Coupe du Monde 2007. Il s’est notamment distingué lors de deux matchs contre les All Blacks en rugissant et défiant du regard les joueurs néo-zélandais pendant le Haka, en administrant un plaquage qui laissa son vis-à-vis sonné, puis en fracturant la mâchoire d’un deuxième-ligne adverse lors d’une percussion. À la suite de ces actions, visualisées des centaines de milliers de fois sur internet, la presse consacre plusieurs unes à S. Chabal et l’élève au « Panthéon des méchants du xv de France » (Escot, L’Équipe Magazine, 08/09/2007). Ce tourneur-fraiseur de formation, alors âgé de vingt-neuf ans, est ainsi affublé de surnoms évocateurs tels que « Caveman », « Attila » ou « l’anesthésiste » et présenté comme « l’anti-Dominici, […] l’homme préhistorique, le plaqueur de la grotte, l’incarnation du rugby de Lascaux » (Dubois, L’Équipe Magazine, 08/09/2007). Dans l’imaginaire collectif, S. Chabal marque le retour de la masculinité rugbystique traditionnelle : avec sa force bestiale, sa pilosité abondante, son allure intimidante et son franc-parler assumé, il incarne l’image du rugby d’avant(s)3, dépouillé des artifices du star system. Sportif préféré des Français en 20094, S. Chabal fait l’objet d’une véritable « Chabalmania » (Colin, L’Équipe, 16/08/2007). Au plus fort de sa popularité, ses revenus publicitaires annuels sont évalués à 1,5 million d’euros (Thiolay, L’Express, 19/03/2009). Il demeure encore à ce jour le rugbyman le mieux payé de l’histoire (Raulin, L’Équipe Magazine, 09/06/2020).

  • 5 S. Chabal termine sa carrière sportive au Lyon Université Club en Pro D2 (2e division), avec lequel (...)
  • 6 En 2017, trois ans après sa retraite sportive, S. Chabal était le rugbyman français comptabilisant (...)

15Le choix d’étudier spécifiquement S. Chabal se justifie ainsi en ce sens que sa notoriété a dépassé le cadre du rugby. Bien que retiré des terrains en 2014 et malgré une fin de carrière sportive mitigée5, il figure encore parmi les sportifs les plus connus en France mais aussi à l’étranger. Il apparait par ailleurs fréquemment à la télévision en tant que consultant ou égérie publicitaire6 ainsi que dans de nombreux films et divertissements populaires tels que le spectacle des Enfoirés (2009 puis 2016 à 2022) ou l’émission Fort Boyard (2014 et 2021). Il possède enfin sa marionnette aux Guignols de l’Info (2007) et sa statue au Musée Grévin (2011). Comme le soulignent McDonald et Birell (1999), en s’appuyant sur les cas du footballeur américain O. J. Simpson et du basketteur Michael Jordan, ou Cashmore et Parker (2003) au sujet de David Beckham, l’attention médiatique et populaire accordée à une personnalité, replacée dans son contexte socio-historique, peut être analysée comme un artefact révélateur de matrices sociales plus larges et plus complexes. Il convient dès lors de s’intéresser, non pas à l’individu en question, mais davantage aux récits dont il a fait l’objet.

Méthodologie

Une « rhétorique » de l’image publicitaire

16En 1964, Barthes pose les jalons d’une « rhétorique » de l’image publicitaire. Ses travaux ont, par la suite, donné lieu à de multiples approfondissements (Durand, 1970 ; Péninou, 1972) et ont été mis en application dans divers domaines tels que l’automobile, l’immobilier ou l’industrie de l’alcool et du tabac (Soucy, 1967 ; Tsykounas, 2004).

17Dans son article consacré aux représentations publicitaires de la féminité, Goffman (1977 : 50) montre en outre comment ce média donne à voir une expression « hyper-ritualisée », c’est-à-dire idéalisée et épurée, des conventions sociales qui sous-tendent les interactions du quotidien. Au sein du champ sportif, Métoudi (1981 : 327, 1982) analyse quant à elle l’espace publicitaire comme « un miroir capable de fournir une représentation socioculturelle du sport, une image du sportif, une idée du mythe […] ». Ce miroir serait le reflet de l’évolution des rêves communs auxquels le sport participe. Dans son sillage, d’autres chercheurs se sont ensuite intéressés à la transformation de l’image publicitaire de la femme sportive (Brocard, 1992), ou aux publicités mobilisant le corps comme un témoin aussi bien qu’un révélateur des bouleversements sociétaux de la fin du xxe siècle (Mauguère, 2013).

Constitution et analyse du corpus

  • 7 Les spots télévisés sont différenciés des annonces imprimées par un astérisque.
  • 8 Une campagne publicitaire désigne un ensemble de publicités éditées par une marque à une même pério (...)

18La présente étude s’inscrit dans la lignée de ces travaux. Elle a été réalisée à partir d’un corpus composé de 50 publicités de presse écrite ou numérique et de 36 spots télévisuels7 mettant en scène S. Chabal, parus en France et à l’étranger entre 2009 (date de la première publicité recensée) et 2018 (date de la fin de collecte des données). Ces supports sont issus de 34 campagnes publicitaires8, commanditées par 26 annonceurs. Cette collection a été élaborée à partir, d’une part, d’un travail d’archives de la presse sportive spécialisée et, d’autre part, d’une veille sur internet par l’intermédiaire de moteurs de recherche généralistes et de sites spécialisés (INA).

19L’ensemble des publicités a été analysé selon trois dimensions correspondant aux trois types de messages véhiculés par une image, mis en évidence par l’article fondateur de Barthes (1964) puis révisés par Joly (2011 [1994]) : le message plastique comprend les éléments techniques et artistiques ; le message iconique concerne les éléments scénographiques ; le message linguistique regroupe enfin l’ensemble des éléments typographiques et/ou sonores. Nous avons en outre adjoint à ces codes classiques de l’analyse sémiologique ceux de notre objet d’étude en élaborant une grille d’analyse intégrant les éléments relatifs aux différents modèles de masculinités identifiés : tenue vestimentaire, soins esthétiques (coiffure, maquillage, etc.), attitude corporelle, environnement ou encore champs lexicaux employés.

Résultats

20L’analyse des publicités mettant en scène S. Chabal révèle deux registres principaux de représentation de la masculinité. Le premier, largement majoritaire (65 publicités), reprend les codes de la masculinité hégémonique. Le second (21 publicités), tourné vers les masculinités alternatives, se subdivise en deux sous-corpus : l’un (8 publicités) est placé sous le signe de l’humour ; l’autre (13 publicités) présente le joueur dans des situations plus ambiguës.

Les représentations hégémoniques : le « guerrier » Chabal

  • 9 Dans la mythologie grecque, Agrios et Orios, fruits de l’union entre Polyphonte et un ours, sont no (...)

21Divers annonceurs vont d’abord exploiter et alimenter l’image bestiale de S. Chabal. Dans de nombreuses publicités (Journal du Dimanche, 2008 ; Smatis, 2008 ; Urgo, 2009 ; Poker Star, 2008 ; Rebel Sport, 2009*), S. Chabal se tient debout, les bras croisés, toisant le spectateur avec un regard intimidant. Les prises de vue, en plan taille ou américain et en contre-plongée, accentuent sa carrure imposante et le placent en position de supériorité. D’autres annonces (Poweo, 2007* ; Caron, 2008 ; Seat, 2009 ; Urgo, 2009 ; Smatis, 2011*, Trend Micro, 2011) le montrent, à l’inverse, en train de courir ballon en main ou de percuter violemment ses adversaires. Sur la plupart des publicités, S. Chabal est vêtu d’un maillot ou d’un tee-shirt noir moulant, ses muscles sont contractés, ses cheveux sont détachés, parfois ébouriffés, lui conférant ainsi un air menaçant. Les légendes corroborent l’impression de puissance qu’il dégage : « Quand je m’engage, c’est à fond… […] » (Smatis, 2008) ; « Les ampoules, moi je les NEUTRALISE », « les cors, moi je les ÉLIMINE », « les verrues, moi je les PULVÉRISE » (Urgo, 2009, image 1). Certains messages défient directement le spectateur : « Chabal te fout les jetons ? » (Poker Star, 2008) ; « Difficile de lui dire non ! » (Seat, 2009). À l’image de son comportement sur le terrain ou de ses interviews dans la presse, les agences de publicité jouent ainsi sur l’aspect authentique et primitif de S. Chabal. L’orchestration publicitaire du phénomène Chabal prend toute sa mesure avec la commercialisation du Chabal Bear, une peluche imaginée par Puma (2010, image 2) pour la Saint-Valentin. Présenté comme la réincarnation des jumeaux Agrios et Orios9, le rugbyman apparaît mi-homme, mi-ours. Son regard noir, tout comme sa tenue, contraste avec le cœur rouge qu’il serre dans ses bras. Le spot invite toutefois à respecter quelques précautions d’usage : ne pas laisser le Chabal Bear seul avec d’autres animaux, ne pas le regarder dans les yeux, ou fuir s’il s’échappe de sa cage…

Fig. 1. Publicité Urgo, 2009

Fig. 1. Publicité Urgo, 2009

Fig. 2. Publicité Puma, 2010

Fig. 2. Publicité Puma, 2010

22À la fin de sa carrière et même après sa retraite sportive, les publicitaires continuent de mettre en avant la bestialité de S. Chabal. De nombreuses marques le reconvertissent notamment en chef cuisinier proposant des ateliers aux noms évocateurs : « La cuisine des cavernes » (Beats, 2015*), « Chabal vous cuisine » (Sitram, 2018) ou « Rugby en cuisine » (Orange, 2012*). Pour Beats (2015*), l’ancien rugbyman réalise des recettes rappelant les surnoms des adversaires de l’Équipe de France : on le voit ainsi broyer des kiwis (Néo-Zélandais) pour réaliser un smoothie, frapper violemment un roast-beef (Anglais) pour l’attendrir, carboniser un filet de springbok (Sud-Africains) ou hacher menu une pièce de wallaby (Australiens). Pour Orange (2012*) et Sitram (2018), il propose des leçons de cuisine inspirées de métaphores rugbystiques : le spectateur apprend à « faire un caramel », « mettre une patate » ou encore à réaliser « une fracassée de mâchoires aux marrons ».

23Certains annonceurs mettent enfin S. Chabal en scène dans un rôle plus paternaliste. Il adopte alors un style plus sobre – pull-over ample et cheveux attachés – ainsi qu’une attitude plus avenante voire protectrice. Il accompagne ainsi les adhérents de la mutuelle Smatis (2009*, 2010*) dans leurs démarches, remercie les spécialistes des laboratoires Evolupharm (2017*) de l’avoir soigné ou se transforme en guide pour l’office du tourisme de Suisse (2013). Si ces publicités adoucissent l’image de S. Chabal, elles convoquent une autre facette de la masculinité hégémonique : celle, caractéristique de l’ordre patriarcal, du chef de famille ou de tribu, qui protège, conseille ou félicite. Toutes comportent en outre une référence (scène ou tirade) à son passé de joueur rugueux.

Les représentations contre-hégémoniques

Le travestissement burlesque de S. Chabal

  • 10 Le mot « fée » se traduit par « fairy » en anglais.

24Au fur et à mesure que sa réputation de « guerrier » se construit, S. Chabal devient une véritable égérie publicitaire. Certaines agences n’hésitent alors pas à le mettre en scène dans des situations plus incongrues, allant jusqu’à le travestir. Poker Star (2010*) lui fait endosser plusieurs costumes censés représenter des profils de joueur : on le voit successivement en Napoléon « stratège », en conquistador « agressif », en moine puis en démon et enfin en « bluffeur », dans un accoutrement féminin. Dans le même style, la chaîne Flower camping (2014*), qui souhaite accroître sa notoriété auprès d’un public de vacanciers aux attentes variées, présente S. Chabal comme un « visiteur », un « nageur », un « dormeur » ou un « baladeur ». Dans ce dernier rôle, il apparaît vêtu d’un costume féminin traditionnel régional. Les sociétés The Currency Fair (2014*) et Marriott (2018, image 3) vont encore plus loin dans l’extravagance. Dans une publicité pour la première, S. Chabal surgit en fée bleue – la fée de Currency10 – dotée d’une baguette magique, pour aider un jeune couple à échanger des devises. Quant au groupe hôtelier, il le reconvertit en employée de chambre et l’affuble d’un costume de soubrette. On le voit notamment passer l’aspirateur en sifflotant une chanson de la bande originale de Dirty Dancing. Dans chacune de ces publicités, les annonceurs jouent toutefois la carte de l’humour et de l’autodérision : l’effet recherché repose sur le contraste emphatique entre l’image initiale de S. Chabal et son travestissement grossier (costumes étriqués, voix grave, démarche caricaturale).

Fig. 3. Publicité Marriott, 2018 (capture d’écran)

Fig. 3. Publicité Marriott, 2018 (capture d’écran)

Des représentations hybrides plus authentiques

25Si nombre de publicitaires qui jouent avec la masculinité de S. Chabal restent dans le registre de l’humour, quelques-uns s’aventurent toutefois à le mettre en scène dans des situations plus ambivalentes. La maison Caron (2008) est ainsi la première qui ose casser son image virile. Afin de promouvoir sa nouvelle fragrance, Pour un homme, elle le présente dans un élégant costume noir, porté à même la peau, laissant ainsi apparaître son torse épilé. Sa barbe et ses cheveux sont brossés et ses mains manucurées. Un message accompagne les publicités : « L’art de porter du Caron aujourd’hui. » Dans une publicité pour MdB Resorts (2008*), S. Chabal cueille délicatement des roses et prend son petit déjeuner en peignoir de soie. En déplaçant le joueur sur le terrain de la mode et de la sensualité, ces annonceurs mobilisent ainsi l’imagerie « métrosexuelle », généralement associée à une population d’hommes jeunes et urbains, portant une grande attention au soin de leur corps et à leur tenue vestimentaire.

  • 11 Cf. supra.

26Après avoir valorisé ses qualités athlétiques dans une première campagne parue en 2009, la marque de pansements Urgo entreprend quant à elle, durant la même année, une métamorphose radicale du joueur dans l’optique de toucher un public plus féminin. La première série d’encarts assurait la promotion d’un produit surtout destiné aux hommes à travers la figure rugueuse du rugbyman. Il apparaissait vêtu d’un polo moulant, marqué d’un blason semblable à ceux des maillots, le visage fermé fixant intensément le lecteur, entouré d’un halo lumineux. Les picots qui formaient la texture des images, les parties du corps passées au scanner, l’identification ciblée des zones douloureuses et l’hologramme du pansement conféraient à S. Chabal une apparence plus bionique qu’organique. Les registres sémantiques de la performance et de la puissance transparaissaient également dans le message linguistique, renforcés par la typographie inscrite en majuscules11. Enfin, la signature du joueur figurait sur chaque encart, tel un autographe attestant l’efficacité des produits de la marque.

27La deuxième campagne est adressée à une tout autre cible : la femme active, cadre supérieure, qui passe ses journées en chaussures à talons. Urgo (image 4) adopte un ton plus décalé et provocateur en proposant une évolution surprenante de l’image de S. Chabal. Un décor noir et blanc, sobre et élégant, confère à ces encarts une texture de papier glacé caractéristique des magazines de mode. La première publicité de la série semble constituer une transition : on retrouve S. Chabal dans le vestiaire, à la fin d’un match, si l’on en juge par la terre qui jonche le sol. Le joueur, en tenue de jeu, assis sur un banc, se fait masser par une femme. Une cible effectue un arrêt sur son talon dont on suppose qu’il est touché par une ampoule. Le message linguistique évolue également. Les propriétés technologiques auparavant avancées font place à un slogan qui énonce une fonction d’usage différente : « Seconde peau. » La dynamique de cette annonce se démarque ainsi des précédentes : le joueur n’apparaît plus en mouvement ni en position dominante ; son attitude avachie, ses yeux cernés, ses cheveux ébouriffés et le recours à une masseuse témoignent d’une certaine fragilité. S. Chabal recouvre une dimension plus humaine. La seconde annonce de cette campagne s’inscrit dans la continuité de la première. S. Chabal, douché et rhabillé, apparaît en tenue de ville et les cheveux attachés. On assiste à un renversement de la scène précédente : le rugbyman, agenouillé devant la jeune femme, l’aide à remettre ses escarpins. Le marqueur qui ciblait ses douleurs attire cette fois l’attention sur la cheville de sa masseuse. L’emballage du produit semble par ailleurs aminci, impression corroborée par le nouveau slogan : « Ultra discret. » La réorientation de la communication de la marque vers une cible féminine se confirme dans la dernière publicité. S. Chabal y est représenté de trois quarts dos, portant ses crampons sur les épaules, toujours en costume mais chaussé d’escarpins visiblement empruntés à sa masseuse, tout comme la boîte de pansements qu’il tient dans sa main. De nombreux éléments visent à dévoiler la part insoupçonnée de féminité qui se cache derrière la virilité ostentatoire du rugbyman. Le format résolument vertical de l’affiche, le cadrage en pied, les talons, les rayures et la coupe du costume (ressemblant à un tailleur) amincissent sa silhouette. Sa toilette soignée, ses cheveux coiffés en catogan et ses yeux qui semblent maquillés participent également à sa féminisation. Enfin, le rose devient la couleur dominante de l’annonce : on le retrouve sur la cible pointant le produit, sur l’emballage de celui-ci et sur le slogan. C’est de ce dernier qu’émane le message principal : « OSEZ la discrétion. » La « discrétion » remplace ainsi la « performance », maître mot des publicités précédentes. On la retrouve dans l’attitude de S. Chabal qui cherche semble-t-il à passer inaperçu ou encore dans le format réduit de la boîte de pansements. Après avoir joué la carte de l’intimidation, Urgo mise donc sur la surprise : personne ne s’attend en effet à rencontrer S. Chabal dans une telle posture. La marque aspire ainsi à placer ses consommatrices sur un pied d’égalité avec le rugbyman : les escarpins se substituent aux crampons et les stigmates du quotidien de la business woman à ceux du match.

Fig. 4. Publicité Urgo, 2009

Fig. 4. Publicité Urgo, 2009

28Enfin, dans le même esprit qu’Urgo, les salons esthétiques Dépil Tech (2015) proposent à S. Chabal de « passer à l’intégral », en référence au rasage féminin. Au fil des encarts, le rugbyman est ainsi rendu progressivement imberbe : après les jambes et le torse, c’est au tour de sa barbe d’être totalement tondue. Une dernière publicité va jusqu’à faire allusion au fait qu’il se serait épilé l’entre-jambes, voire aurait été émasculé, à travers l’allégorie d’un(e) chat(te) noir(e) qu’il tient sur ses cuisses.

Discussion

S. Chabal : un joueur emblématique de la marchandisation du rugby

29La « Chabalmania » témoigne autant qu’elle y participe de la marchandisation du rugby. La figure du joueur de rugby, en particulier, est devenue un véritable vecteur de communication pour les marques commerciales (Bonnet, 2020). La reconfiguration de son image s’est déroulée en plusieurs étapes qui présentent, à moindre échelle, une homologie avec les trois grands âges du marketing identifiés par Tedlow (1997) pour caractériser l’évolution du marché des produits de consommation aux États-Unis tout au long du xxe siècle. Jusqu’aux années 1990, les publicités mobilisant la figure du rugbyman, morcelées dans des territoires très localisés, ne visaient qu’une cible de « consommateurs pratiquants » très réduite (logique de « fragmentation »). Dans les années 2000, la professionnalisation a précipité le renouvellement de l’image du joueur, devenu canon de beauté et porteur de valeurs, avant de le rendre visible et séduisant (logique « d’uniformisation »). Enfin, au tournant des années 2010, les annonceurs ont propulsé le rugbyman dans une troisième phase consistant à exploiter plus finement les traits qui le caractérisent afin de se différencier de la concurrence en ciblant des profils de consommateurs plus différenciés (logique de « segmentation »).

30Cette instrumentalisation est intimement liée au rapport au corps et à la masculinité. Les agences de communication ont en effet transformé le corps du rugbyman en un véritable support marketing et mis en scène les diverses expressions de sa masculinité pour cibler des publics variés. Cette palette élargie de l’image du joueur constitue ainsi l’un des aboutissements de la segmentation du « produit rugby » et une illustration remarquable de la manière dont l’identité masculine et ses représentations sont (re)travaillées à des fins consuméristes (Cashmore et Parker, 2003 ; Vincent et al., 2009 ; Gee, 2014 ; Barber et Bridges, 2017 ; Gee et Jackson, 2017 ; Scheibling et Lafrance, 2019 ; Goedecke, 2021).

31L’avènement de S. Chabal est à ce titre emblématique du passage à la phase de « segmentation ». Alors que la figure du rugbyman était incarnée par les esthètes du Calendrier des Dieux du Stade, les publicitaires ont perçu en S. Chabal une véritable alternative marketing. En fonction de leur stratégie d’image ou du produit qu’ils souhaitaient commercialiser, ils disposaient ainsi de deux registres de masculinités distincts : F. Michalak, C. Dominici ou V. Clerc d’un côté, ambassadeurs de l’homme « métrosexuel » moderne ; S. Chabal, de l’autre, garant, par son physique atypique et sa bestialité, des valeurs du rugbyman plus authentique. La notoriété de ce dernier ayant par la suite explosé, les annonceurs ont pleinement exploité le « produit Chabal » en le re-segmentant à son tour. La figure du « guerrier » fut en effet rapidement complétée par deux autres plus inattendues, le « travesti » et le « métrosexuel », permettant ainsi aux marques d’élargir le catalogue de masculinités mobilisables afin de toucher des publics variés.

Masculinité hégémonique, masculinités hybrides : un rapport dialectique

  • 12 Le terme anglais de hipster désigne une sous-culture jeune et urbaine se démarquant de la culture d (...)

32L’iconographie publicitaire de S. Chabal fait ainsi ressortir deux registres de représentations contre-hégémoniques de la masculinité. Le premier registre est celui de l’humour (Perret, 2003 ; Barber et Bridges, 2017 ; Goedecke, 2021). Certaines annonces le figurent ainsi sous les traits de personnages féminins délicats (une fée) ou soumis (une soubrette) aux antipodes de sa bestialité. L’autodérision confine alors au burlesque pour créer l’effet comique attendu. Si Goedecke (2021) considère le fait de tourner en dérision les stéréotypes de la masculinité hégémonique comme une forme « d’humour postféministe », le caractère véritablement contre-hégémonique de ces représentations burlesques – car en rupture avec une forme de « normalité » – peut toutefois être questionné. Le second registre relève d’une entreprise plus authentique de brouiller les genres (Butler, 2005 [1990]). Quelques annonces révèlent pour ce faire la fragilité du guerrier Chabal, représenté par exemple assis dans un vestiaire, l’air abattu et souffrant d’une ampoule au pied. Dans son article consacré à Arnold Schwarzenegger, Messner (2007) relève que ces manifestations de faiblesse interviennent toutefois dans un contexte social très maîtrisé qui les rend acceptables : en l’occurrence, le maillot, les cheveux ébouriffés et la terre qui jonche le sol sont autant de réminiscences de l’âpreté du combat que vient de livrer Chabal. D’autres représentations reposent sur une esthétisation de ses attributs virils par l’incorporation de codes culturels « métrosexuels », féminins voire « queer » (Demetriou, 2001 ; Barber, 2008 ; Bridges et Pascoe, 2014 ; Gee, 2014 ; Pascoe et Bridges, 2015) : ses cheveux sont peignés, sa barbe est taillée à la mode hipster12, son torse est épilé, ses mains sont manucurées. À l’extrême, des marques telles que Urgo et Depiltech procèdent à une réassignation de genre symbolique, en le représentant maquillé, en tailleur et escarpins – voire de sexe lorsqu’il est exhibé en peignoir de soie avec un(e) chat(te) noir(e) entre les jambes.

33Aucune de ces représentations ne semble toutefois menacer la masculinité dominante de S. Chabal, tant celle-ci est solidement établie par ses prestations sur le terrain comme par ses performances de genre au service de marques exploitant sa bestialité. À la question de savoir si l’adoption d’une forme de masculinité flexible par un individu est conditionnée à la préexistence avérée d’un « capital masculin hétéronormatif ou même de comportements hypermasculins » (Gee, 2014 : 929), l’iconographie publicitaire de S. Chabal apporte ainsi une réponse positive. Plus largement, si D. Beckham, G. Hanson ou S. Chabal peuvent se prêter à des jeux d’hybridation – voire à des travestissements burlesques pour ce dernier – sans mettre en péril leur image, c’est surtout parce que leur « capital masculin hétéronormatif » (Gee, 2014 : 929) a été préalablement ancré dans l’imaginaire collectif par l’affichage d’une hétérosexualité flamboyante (par exemple, la fréquentation de stars du show-business aussi convoitées que médiatisées) et/ou d’une excellence au combat (par exemple, les blessures infligées par S. Chabal à ses adversaires).

34De manière évidente, les performances de genre des rugbymen sont en outre étroitement associées aux espaces sociaux dans lesquels elles se déploient (Giazitzoglu, 2020). L’hybridation se fait jour hors du terrain, celui-ci demeurant un temple de la masculinité hégémonique. Mais loin de s’opposer, ces deux registres s’inscrivent dans un rapport dialectique : le capital hégémonique des joueurs légitime leurs performances de genre hybrides ; l’hybridation opérée par les marques leur assure en retour une manne financière tout en les préservant de la « ringardisation » dans un contexte sociétal de rééquilibrage des rapports de genre. Or si les performances hégémoniques renvoient avant tout à la pratique du jeu de rugby et ne sont donc pas à la portée de tout un chacun, les performances hybrides sont, elles, aisément reproductibles par l’acquisition de produits associés (prêt-à-porter, parfums, produits cosmétiques, etc.). Cette hybridation aux accents consuméristes contribue dès lors à légitimer des formes de masculinité jusqu’alors dominées. Elle dessine les contours d’une « matrice de genre » (Butler, 2005 [1990]) ouvrant pour les hommes de nouveaux espaces de négociation de leur propre masculinité (Cashmore et Parker, 2003 ; Vincent et al., 2009 ; Gee, 2014). En vue d’une entrée de plain-pied dans un nouveau type de masculinité dominante ou, plus modestement, d’un accès à une forme de masculinité « complice » façonnée par la magie du marketing ? Une étude des comportements de consommation des clients de ces marques permettrait de mieux appréhender les bénéfices retirés de ces performances de genre « mimétiques » et la signification qu’il convient dès lors de leur assigner.

Conclusion : S. Chabal, icône marketing et agent d’actualisation du bloc hégémonique ?

35L’hybridation de la masculinité de S. Chabal est ainsi étroitement liée aux stratégies publicitaires des annonceurs. Son physique atypique et sa bestialité sur le terrain ont conféré à ce joueur une notoriété exceptionnelle. En raison de cet engouement populaire, S. Chabal s’est trouvé propulsé sur le devant de la scène publicitaire, avant d’être « segmenté menu » et méthodiquement reformaté par l’univers du marketing. Le balancier est alors allé aussi loin dans les représentations hybrides (burlesques et authentiques) qu’il était allé préalablement dans l’imagerie hégémonique. Ce premier constat confirme l’idée que l’hybridation est d’autant moins transgressive qu’elle se porte sur des sujets masculins dont le « capital masculin hétéronormatif » (Gee, 2014 : 929) est solidement ancré.

36La trajectoire publicitaire de S. Chabal pourrait en outre éclairer une deuxième dimension, diachronique cette fois, du rapport dialectique articulant masculinités hybrides et modèle hégémonique. Inscrites dans les stratégies commerciales des annonceurs, les entreprises d’hybridation de S. Chabal ont semblé se déployer en deux temps : l’un de différenciation, visant pour un annonceur à démarquer sa communication de celle de la concurrence (en l’occurrence Caron en 2008 ou Poker Stars en 2010*) ; l’autre d’uniformisation, consistant ensuite pour les autres annonceurs, par isomorphisme mimétique (DiMaggio et Powell, 1983), à calquer leurs pratiques de communication sur celles de ces précurseurs, validées par l’épreuve du marché. Si l’on élargit la fenêtre temporelle, l’hybridation de S. Chabal apparaît elle-même comme participant d’un mouvement d’uniformisation par application à une figure émergente du rugby – objet d’un engouement sans précédent et incarnation éclatante du mâle dominant – d’une stratégie de communication (l’hybridation) ayant fait ses preuves sur d’autres joueurs au début des années 2000.

37Au débat opposant la thèse selon laquelle les masculinités hybrides dessinent un modèle alternatif au modèle hégémonique (Demetriou, 2001 ; Barber, 2008 ; Bridges et Pascoe, 2014 ; Pascoe et Bridges, 2015) à celle affirmant qu’elle n’en sont qu’un simple aggiornamento (Connell et Messerschmidt, 2005 ; Messerschmidt, 2018), la dynamique précédemment identifiée invite à proposer une contribution temporalisée : en phase de différenciation, l’hybridation se déploie de fait en réaction (i.e. alternative) au modèle de masculinité dominant dont elle conteste l’hégémonie ; en phase d’uniformisation, au contraire, les formes d’hybridation ayant rencontré leur public apparaissent plutôt comme un mécanisme de reconfiguration des modalités d’exercice de l’hégémonie ne remettant pas en cause la domination sous-jacente. Les formes d’hybridation n’ayant pas trouvé à s’ancrer dans l’espace social disparaissant d’elles-mêmes (Schroeder et Zwick, 2004).

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Notes

1 Dénommé ci-après « S. Chabal ».

2 Dans la mythologie romaine, Janus, dieu des commencements et des fins, possède une seule tête mais deux visages opposés. Dans la langue française, le nom de Janus désigne aujourd’hui une personnalité qui présente deux aspects très différents, potentiellement opposés.

3 Le « rugby d’avants » est une expression qui fait référence au jeu pratiqué par les huit joueurs (trois lignes d’avants) qui sont en charge des phases de jeu valorisant principalement la dimension physique (mêlées, rucks, mauls, etc.).

4 Sondage TNS Sofres-Logica réalisé pour L’Équipe Magazine.

5 S. Chabal termine sa carrière sportive au Lyon Université Club en Pro D2 (2e division), avec lequel il remporte le titre de Champion de France en 2014. Les dernières années de sa carrière sont émaillées de plusieurs suspensions en raison de critiques envers l’arbitrage et de violences sur le terrain.

6 En 2017, trois ans après sa retraite sportive, S. Chabal était le rugbyman français comptabilisant le plus de contrats publicitaires (Brand and Celebrities, 14/03/2017).

7 Les spots télévisés sont différenciés des annonces imprimées par un astérisque.

8 Une campagne publicitaire désigne un ensemble de publicités éditées par une marque à une même période et autour d’une même thématique.

9 Dans la mythologie grecque, Agrios et Orios, fruits de l’union entre Polyphonte et un ours, sont notamment réputés pour leur penchant anthropophage.

10 Le mot « fée » se traduit par « fairy » en anglais.

11 Cf. supra.

12 Le terme anglais de hipster désigne une sous-culture jeune et urbaine se démarquant de la culture dominante par un style personnel très libre (vêtements vintage, barbe longue, tatouages, etc.) ainsi que par certaines préférences culturelles (fréquentation de lieux branchés, alimentation bio et équitable, etc.).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Publicité Urgo, 2009
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Titre Fig. 2. Publicité Puma, 2010
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Titre Fig. 3. Publicité Marriott, 2018 (capture d’écran)
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Titre Fig. 4. Publicité Urgo, 2009
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/docannexe/image/3561/img-4.jpg
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Référence électronique

Christophe Bonnet et Yan Dalla Pria, « « Janus en ovalie ». Une analyse des représentations de la masculinité dans les publicités mettant en scène Sébastien Chabal »Genre en séries [En ligne], 14 | 2023, mis en ligne le 16 mai 2023, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/3561 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ges.3561

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Auteurs

Christophe Bonnet

Christophe Bonnet est sociologue, maître de conférences à la Faculté des Sciences du Sport de l’université de Strasbourg, membre du laboratoire Sport et Sciences Sociales (E3S). Auteur d’une thèse intitulée « Un sport de valeur(s). Une analyse socio-économique de l’impact de la professionnalisation sur les stratégies de communication dans le rugby en France », ses travaux s’intéressent aux processus de professionnalisation et de médiatisation du sport ainsi qu’à des thématiques portant sur l’expression et les représentations des masculinités dans l’univers sportif, ou encore sur les liens sociaux, culturels et économiques entre le sport et la consommation d’alcool.

Yan Dalla Pria

Yan Dalla Pria est sociologue, maître de conférences à l’UFR STAPS de l’université Paris Nanterre, membre de l’IDHES (Institutions et Dynamiques Historiques de l’Économie et de la Société). Ses travaux actuels portent sur la mobilisation du sport et de ses valeurs dans les politiques d’entreprise ainsi que sur les masculinités dans le champ du sport. Ses recherches antérieures ont été consacrées aux transformations du secteur privé marchand du sport ainsi qu’aux clusters dédiés aux activités technologiques et/ou sportives.

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