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Masculinités imag(in)ées 1

Masculinités laborieuses. Corps d’ouvriers et de travailleurs face au trouble du genre dans le cinéma polonais (1953-2010)

Mathieu Lericq
p. 58-84

Résumés

Cet article invite à percevoir les spécificités des approches cinématographiques du corps ouvrier en Pologne sur la période allant de 1945 à aujourd’hui. Analysant la présence de ces corps ainsi que leur valeur dans la formation de l’identité masculine, il retrace plus précisément des négociations, à la fois dans le documentaire et la fiction. Andrzej Wajda, Krzysztof Kieślowski et Jerzy Skolimowski sont quelques-uns des cinéastes à avoir fabriqué des images inédites des ouvriers. Tantôt modèle vivant, tantôt mythe abstrait, l’ouvrier dans le cinéma fait désormais plutôt office de cliché pesant. Il s’agit, en outre, de comprendre comment ces figures font écho au contexte politique en mutation. Comment l’ouvrier stakhanoviste de 1956 est-il devenu le révolutionnaire engagé de 1981 ? Comment les formes de masculinité sont-elles prolongées ou infléchies dans les années 1990 et 2000 ? Inscrites dans le sillage scientifique de Michel Foucault, ces analyses donnent ainsi l’occasion d’éclairer la généalogie de la présence des corps ouvriers au cinéma et de préciser comment ces figures forgent, invalident, unifient ou discréditent des modèles installés et prétendument inébranlables.

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Dédicace

À Irena Kamieńska (1928-2016)

Texte intégral

1Refusant de lire le passé sous l’angle des hiérarchies imposées, Michel Foucault engage une méthode dissonante dans la restitution de l’Histoire (en particulier celle des comportements et des sexualités). À partir de ses écrits, notamment de La Volonté de savoir (1976), il ne s’agit plus d’être dans la recherche frénétique d’une origine mais, par contraste, de s’inscrire dans l’identification de provenances – terme qui se rapproche de celui de Herkunft dans la philosophie de Friedrich Nietzsche. Si l’idée d’origine fixe historiquement le point de départ d’un processus tout en impliquant la relation nostalgique à un prétendu état premier, la provenance désigne un point approximatif d’où se dessinent les conditions d’un phénomène, lequel s’inscrit dans un réseau de paramètres et de significations divers. Comme point d’ancrage inaugural mais pluriel, la provenance n’évoque donc pas d’unicité mythologique mais au contraire impulse l’analyse d’une prolifération d’événements historiquement constitués. Dans cette perspective, la reprise du passé comprend des temporalités, des spatialités et des incarnations diffractées, potentiellement ouvertes sur les identifications minoritaires. L’enjeu s’avère d’emblée plus politique que simplement historique : interroger les hiérarchisations à l’œuvre dans l’identification des êtres à eux-mêmes et aux autres.

2Cette méthode s’avère particulièrement opérante pour l’analyse des rapports des hommes avec leur « masculinité ». Loin d’être unifiée au cours du temps, cette relation identitaire ne connaît ni point d’origine strictement fixé, ni contours parfaitement homogènes. En effet, si les tensions qui animent ce lien prennent naissance dans la définition de comportements-types, élaborés à partir de caractéristiques physiques et morales, elles prennent forme au cours d’une appropriation plus ou moins problématique de ces modèles par les individus eux-mêmes. Or, si l’enjeu de la connaissance et de la reconnaissance est primordial dans ce processus, celui de l’affirmation et de la dissimulation importe tout autant. Les rapports à la masculinité engagent chaque homme, plus précisément, dans la voie d’une acceptation ou non des codes, celle-ci trouvant ses bornes dans les prohibitions d’une société donnée. Mais, contrairement aux idées reçues, il s’agit moins d’un choix ou d’un refus à l’égard des modèles que d’une négociation constante établie à partir de règles et d’interdits, mais aussi de désirs, de valeurs et d’expériences. En somme, le rapport aux masculinités découvre et recouvre des tensions appelant chaque homme à traiter intimement avec sa différence, voire avec l’altérité qui l’habite.

  • 1 L’idée de cet article est née de la lecture de l’ouvrage d’Ewa Mazierska intitulé Masculinities in (...)
  • 2 Sur ce point, lire : Leszek Kołakowski, « Les racines marxistes du stalinisme », in : Le Village in (...)

3Or, le contexte polonais depuis les années 1950 jusqu’aux années 2000 nous offre un champ de réflexion passionnant sur la question de ce rapport à la (aux) masculinité(s)1. La Seconde Guerre mondiale, comme dans l’Europe entière, y a laissé des traces réelles et symboliques d’une occupation violente, se combinant d’une manière complexe avec la présence sur le sol polonais d’une diversité ethnique et culturelle. Ensuite, malgré l’apparence d’une reconstruction autour de modèles stricts et de valeurs fortes, la période de l’après-guerre en Pologne ne semble pas parvenir à créer les conditions d’un apaisement face à la conscience du passé et de ses désastres humains, physiques et spirituels. Bien que le régime communiste se soit rapidement vanté de l’instauration de modèles « constructifs » à dimension nationaliste, le rapport des Polonais avec leur identité demeure à l’état de blessures. L’identité masculine, plus particulièrement, fait sans cesse face au sentiment d’occupation, c’est-à-dire à l’idée d’une loi arbitraire appliquée autant au projet national qu’à l’expérience quotidienne du désir. L’arsenal théorique et moral adopté par le pouvoir socialiste dès 1948, appuyé par un tissu biopolitique qui se fonde sur une présence policière et une surveillance sans cesse accrues de la société civile, oblige à une caractérisation de son identité sous forme de dissensus. Les falsifications de l’Histoire, élaborées en fonction des nécessités du moment par les dirigeants communistes (en particulier concernant la purge juive opérée par W. Gomułka à la fin des années 1960), déstabilisent d’autant plus l’expression positive d’une mémoire individuelle et collective2. En outre, la prégnance de la religion catholique apporte néanmoins une forme de continuité historique, tout en fabriquant au passage des limites morales très strictes, définies comme indépassables. Dans ce contexte, il apparaît que c’est la figure masculine qui, parmi d’autres, organise symboliquement la possibilité d’une reconstruction nationale mais également qui centralise le désarroi social.

  • 3 Notamment dans les œuvres de Tadeusz Kantor et de Jerzy Grotowski.
  • 4 Notamment dans les œuvres de Krzysztof Niemczyk et de Krzysztof Jung.

4Toutefois, la complexité identitaire polonaise, en particulier à l’égard des masculinités, réside dans la mise à l’épreuve permanente que lui offre le champ artistique. L’ordre politique et social est, en effet, dépeint dans l’art à travers ce qui fait intrinsèquement défaut. Autrement dit, quoique la soumission au « réalisme socialiste » fut entérinée de 1948 à 1954, les artistes polonais ont constitué des institutions plus ou moins éloignées du pouvoir, ce qui a permis à l’activité créatrice de jouir d’une relative autonomie. La littérature, les arts plastiques, le théâtre3, la danse, la performance4 et dans une moindre mesure la musique, ont été des lieux non seulement de mise en lumière des corps dans leur rapport à la sphère politique, mais surtout aux normes en vigueur dans la société à l’égard notamment des masculinités.

  • 5 Ewa Mazierska (2008), Masculinities in Polish, Czech and Slovak Cinema : Black Peters and Men of Ma (...)

5Le cinéma, de son côté, se donne pour but de construire des héros positifs (des années 1940 aux années 1960), devenant au fur et à mesure de plus en plus tragiques, puis de constater la présence de corps inscrits dans la quotidienneté de la vie civile (dans les années 1970) et enfin l’exposition composite des comportements intimes en même temps que la recherche engagée d’une vérité (dans les années 1980). C’est dans un jeu parfois dangereux que les artistes peuvent entretenir avec le pouvoir que se glisse la problématique majeure de l’identité, en particulier celle qui touche aux masculinités. En fait, à travers cette chronologie thématique propre au cinéma polonais se dessine en filigrane une généalogie de masculinités au travail, lesquels se combinent culturellement avec les thématiques de la guerre et de la nation5 ; notre ambition est d’en comprendre les différentes occurrences et les problématiques sous-jacentes. La période post-communiste (1989-2010), à ce propos, sera intéressante à étudier du point de vue des ruptures et des continuités qui la structurent. Comment la masculinité s’est-elle constituée dans le contexte communiste, puis post-communiste ? Quelles sont les différentes franges de construction identitaire propre à la masculinité dans ce pays, et leurs modèles corollaires liés au monde ouvrier ? L’enjeu ne se réduit pas à questionner les manières dont se fixe le modèle ouvrier masculin, mais davantage de définir des moments cinématographiques où la masculinité s’expose à son propre risque.

  • 6 Ce processus est désigné par la notion de ‘performativité’ dans l’ouvrage de Judith Butler Touble d (...)

6En fait, l’analyse des figures d’ouvriers dans quelques films polonais produits depuis les années 1950, tentera d’éclairer ces enjeux et de mettre en avant la complexité d’une construction identitaire provenant à la fois d’un contexte (avec ses lois et ses institutions) et de positionnements à l’égard des normes qui symboliquement dessinent l’ordre (politique et social) de ce même contexte. Inscrit dans la sphère politique en mutation propre à la Pologne, comment l’ouvrier stakhanoviste de 1956 est-il devenu le révolutionnaire engagé de 1981 ? Quelles évolutions peut-on relever dans les années 1990 et 2000 ? Aussi s’agit-il de placer les masculinités au centre de tensions : d’un côté, elles se constituent au cours d’un processus contradictoire pris dans des conformités/non-conformités à l’égard des normes imposées6. D’un autre côté, sur le plan iconographique, la modélisation à partir des corps d’ouvriers produit une redéfinition des limites classiques ; ce processus assigne narrativement une identité aux corps filmés sans toutefois réduire sa présence à un rôle ; de par son magnétisme et son étrangeté, la physicalité exposée semble regarder le cinéma et excéder ses prétendues limites. Par conséquent, c’est l’expérience cinématographique dans son ensemble qu’il faut interroger, notamment dans sa capacité à déranger le spectateur, à déplacer ses préjugés, face à des corps qui échappent parfois aux fonctions assignées à l’avance (narratives, idéologiques, politiques) ; de là, une vérité quotidienne, dans l’ombre de l’histoire officielle, pourrait jaillir.

Aventure à Mariensztat, Leonard Buczkowski, 1953

Aventure à Mariensztat, Leonard Buczkowski, 1953

© Filmoteka Narodowa

L’Ouvrier-modèle, les masculinités plurielles

7Le cinéma d’après-guerre impose deux axes majeurs dans la description des masculinités. D’un côté, le « réalisme socialiste » fabrique une identité masculine fondée sur l’idée de virilité, laquelle fut réévaluée depuis la Renaissance, au sein de laquelle la force physique rejoint ses corollaires moraux, à savoir le courage et l’abnégation. D’un autre côté, une masculinité moins manichéenne voit le jour, construite à partir du contexte guerrier et d’une multiplicité de types issus de la littérature romantique (le meneur, le téméraire, le faible, l’artiste, etc.). En somme, on pourrait dire que le premier versant représenterait le héros positif (creusant le sillage d’un romantisme positiviste proche de la poésie de Juliusz Słowacki) et que le second versant dessinerait un héros négatif (reprenant à son compte le romantisme tragique d’Adam Mickiewicz). Il faut d’emblée préciser que de telles catégorisations ne recouvrent que partiellement la richesse des personnages, surtout en ce qui concerne la seconde dimension.

  • 7 Pour aller plus loin, d’autres films pourraient faire l’objet d’une analyse : Cœur d’acier (Stalowe (...)
  • 8 Kazimierz Sobotka, « Robotnik na ekranie, czyli o tak zwanym ‘filmie produkcyjnym'«  (L’Ouvrier à l (...)

8Pour préciser ce propos, il s’avère crucial de considérer l’un des films les plus emblématiques du « réalisme socialiste » tel qu’il a pu se développer en Pologne, L’Aventure à Mariensztat (Przygoda na mariensztacie, Leonard Buczkowski, 1954)7. Cette comédie musicale, dont l’audience fut très populaire, raconte l’histoire du jeune maçon Janek Szarliński (joué par Tadeusza Schmidt) qui participe activement à la reconstruction de la capitale polonaise, Varsovie. Habillé d’un débardeur blanc, affichant une poitrine robuste et musclée, il est l’exemple à suivre d’une nation en mutation, colportant par ces caractéristiques physiques et morales la puissance de « l’homme nouveau8 » voulu par le régime socialiste. Il rencontre une jeune femme, Hanka Ruczaj (jouée par Lidia Korsakówna), lors d’un bal. Le couple sera bientôt invité à se marier, le film martelant par là la conformité nécessaire avec les conventions sociales. Les chansons dans le film exaltent la jeunesse, sa force de travail, son besoin d’ordre, la soumission aux règles socialistes établies. Sur le plan de la mise en scène des corps, il est à noter en particulier la frontalité des cadres ; le héros est souvent montré de face, répétant fièrement le geste du maçon. On peut également remarquer que L’Aventure à Mariensztat inscrit son héros dans la ville de Varsovie comme s’il en était devenu la figure de proue ; ainsi, tordant tout réalisme géographique, une longue séquence montre Janek échafaudant un mur tandis que se déploie derrière lui le paysage entier de la métropole. Le héros doit être non seulement exalté mais puissant ; il règne symboliquement sur la ville en ruines, il est garant de sa reconstruction.

9Plusieurs éléments ressortent d’une telle description du caractère masculin ; les caractéristiques propres à la masculinité doivent se conjuguer avec la cause, c’est-à-dire finalement s’effacer devant le projet national et l’organisation socialiste. Le documentaire réalisé par Andrzej Munk Destination : Nowa Huta ! (Kierunek - Nowa Huta !, 1951) se conforme également à cette définition qui fait de l’ouvrier le socle symbolique de la morale et de la fierté retrouvées – bien que le commentaire en voix off soit tellement caricatural qu’il donne aux éléments esthétiques un caractère ironique. Retenons que le caractère symbolique et exemplaire du personnage de Janek Szarliński s’appuie non seulement sur l’image d’un effort physique réel, sur une action humaine méritante, mais également sur des doutes quant à sa capacité à s’incorporer dans l’ordre social. Autrement dit, si les fins (politiques) précédent les moyens (humains), les doutes ne concernent pas l’identité mais sont réservés à la propension (ou non) de se soumettre aux règles sociales.

10C’est Cellulose (Celuloza, 1954) de Jerzy Kawalerowicz qui, plus fondamentalement, revitalise le personnage ouvrier dans cette période. Adoptant la forme d’une fresque sociale, le film évite les rapports trop simplistes entre l’homme et le système politique, ou entre l’homme et l’Histoire, pour s’intéresser aux multiples situations qui mènent le dénommé Szczęsny (interprété par Józef Nowak) à tenter difficilement son intégration dans la société. Le film rend compte d’une masculinité ouvrière au parcours social complexe, ne se dissimulant ni derrière la cause nationale ni derrière une Histoire tragique sacralisée, mais toujours en proie à son propre engagement, à ses désirs et à son rapport aux autres. La mise en scène de Kawalerowicz emprunte à l’expressionnisme des formes filmiques qui marquent fortement les changements d’état du protagoniste ; un travelling frontal et rapide, dirigé vers les mains du héros, peut, par exemple, caractériser une crainte soudaine. L’enjeu semble avoir changé ; il ne s’agit plus d’exalter la figure masculine en lui appliquant des fonctions politiques de l’extérieur, mais d’user des moyens cinématographiques les plus subtils pour sublimer l’intériorité, c’est-à-dire exprimer les sentiments extrêmes (joie, peur, volonté, résignation, etc.), et permettre ainsi l’identification du spectateur à partir des états d’âme du protagoniste masculin. Sur le plan narratif, Cellulose place son protagoniste à l’intérieur d’un long flash-back où l’on suit la trajectoire d’un ouvrier au sein de collectivités industrielles, dont chaque expérience vécue lui retire le statut de modèle pour lui accorder une épaisseur vivante et quotidienne.

11Cette manière d’inscrire le héros dans des problématiques personnelles et d’utiliser la mise en scène pour en montrer la teneur tragique ou pathétique, est également utilisée par Andrzej Wajda dans son premier long-métrage, Génération (Pokolenie, 1954). Le film se situant à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la problématique prolétarienne se mêle à la fois au sujet amoureux et à la question juive. La question de la solidarité des habitants de Varsovie avec les combattants juifs du ghetto y est, en effet, soulevée. Ce qu’on retient de l’image du groupe de protagonistes du film (dont l’un est joué par Roman Polański), c’est l’absence de héros positif. L’évolution vers l’âge adulte ne correspond pas à une exaltation individuelle mais à une rencontre collective, nécessaire et amère avec l’univers guerrier. Aussi le prolétaire, plutôt que les gestes classiques du travail de menuisier, apprend-il moins à manier les outils que les armes.

Cellulose, Jerzy Kawalerowicz, 1954

Cellulose, Jerzy Kawalerowicz, 1954

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12Là où le « réalisme socialiste » faisait s’effacer l’homme devant la cause idéologique, le cinéma polonais de la seconde moitié des années 1950 fait s’affronter l’homme à l’Histoire. Par là même, le personnage masculin se détache quelque peu de son statut de travailleur pour prendre le statut de soldat. C’est particulièrement le cas dans Kanał (1957) ou Cendres et diamant (Popiół i diament, 1958) d’Andrzej Wajda. Même s’ils s’attachent souvent à la représentation de la trajectoire d’un héros valeureux, les films de cette période font apparaître des types d’hommes très différents, lesquels sont largement issus de la littérature romantique. La diversité des caractères constitue un panel de qualités précisément définies : l’artiste partage l’écran avec l’idiot et l’angoissé. Parallèlement à cette multiplication des caractères représentés se produit un autre phénomène : une pluralité d’états d’âme, relativement inconciliables, surgit dans l’intériorité même du héros. La dimension tragique se dédouble ; d’une part, elle reflète l’entêtement d’un groupe d’individus face à une marche négative de l’histoire et, de l’autre, elle extirpe du héros un lien existentiel avec un combat archaïque et un renoncement arbitraire. À l’image du clair-obscur des égouts souterrains traversés par les membres d’un groupe armé dans Kanał, se forme donc à ce moment-là un type de masculinité disjointe, à la fois entêtée et entêtante, pathétique et tragique, ordinaire et magique. En outre, dans les films de cette période, les personnages masculins sont généralement perdus, voire désœuvrés, et cherchent sans cesse à se battre sans forcément en trouver les moyens – à l’image du personnage de Jan Piszczyk dans De la veine à revendre (Zezowate szczęście, Andrzej Munk, 1960). La relation du sujet masculin à l’identité, socle de son comportement et de sa sexualité, est ici fondamentalement rattachée à ce qui apparaît comme un paradoxe : une liberté face à laquelle on est prêt à tout sacrifier et une liberté toujours synonyme de perte. En effet, le héros solitaire est symboliquement un héros en contradiction avec l’Histoire, c’est-à-dire avec la volonté des puissants pays alentours auxquels la Pologne fut longtemps soumise (Russie, Allemagne). Presque risible, cet anti-héros se distingue des « ouvriers-modèles » par son goût pour la parole, son penchant pour l’alcool, les excès de son comportement et la perte nécessairement inscrite dans son action. Par conséquent, ces considérations sur l’Histoire brouillent les limites qui habituellement placent l’homme devant la loi et intègrent des marges et des écarts qui complexifient le rapport de l’homme à lui-même.

13Pour finir sur cette période, il est important de noter que dans le film de Kawalerowicz, tout comme dans les films de Wajda (mais aussi d’une certaine manière dans les films de Buczkowski), le sentiment amoureux s’avère le lieu d’un trouble. Si les personnages féminins apparaissent plus apaisés dans l’approche des sentiments, les personnages masculins trouvent dans l’expérience amoureuse une sphère intime où se joue le sens même de leur engagement (militaire ou militant). C’est ainsi que le désir, souvent décrit à travers un prisme poétique, n’est jamais vraiment définissable, comme s’il était détaché de la marche historique et qu’il tenait dans le seul temps présent, d’où la présence récurrente de héros que le sentiment amoureux isole, rend presque fous. Le corps de Zbigniew Cybulski, sa gestuelle autant que son visage (surmonté d’une paire de lunettes noires), cristallise une masculinité à la fois héritière du passé et bloquée dans le présent, craintive de l’Histoire, courageuse dans l’affirmation de valeurs et consciente d’un doute quand s’immisce le sentiment amoureux. L’aura toujours actuelle d’un tel corps masculin réside sans doute dans le constat même que, contrairement à l’ouvrier représentant la lutte pour la liberté et l’effort de reconstruction du pays à travers l’enthousiasme de la nouveauté, l’extériorisation du désir et de son identité sexuelle s’avère une problématique jamais résolue.

Génération, Andrzej Wajda, 1954

Génération, Andrzej Wajda, 1954

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Le cinéma de l’inquiétude masculine : entre moralisation et démoralisation

  • 9 Cette indépendance acquise par les cinéastes à l’égard du pouvoir doit être nuancé à l’aune des act (...)
  • 10 Ce phénomène est venu en réaction d’un courant intellectuel mettant en exergue le fait que l’art li (...)

14La période suivante favorise, dans l’indépendance plus grande que le cinéma gagne à l’égard du pouvoir9, l’exploration de masculinités à la recherche d’une vérité sur soi et sur le monde environnant. Si les films de la période précédente se fondaient sur une confusion entre les hommes et leur masculinité, ce rapport se voit quelque peu ébranlé, exposé et exploité à travers l’impossibilité quotidienne d’intégrer les normes imposées. Car ces normes non seulement limitent la liberté individuelle, mais surtout nient à travers l’action policière et la surveillance généralisée, la possibilité de ré-invention des cadres sociaux et moraux. Or, la « Nouvelle Culture » dessinée par Edward Gierek à son arrivée au pouvoir en 1970 se veut d’abord plus ouverte, redonnant du souffle à une société asphyxiée par le mensonge et les manipulations idéologiques. Les deux années précédentes ont été particulièrement agitées ; en mars 1968, les étudiants polonais se soulèvent contre les décisions du pouvoir visant à faire démissionner de nombreux professeurs, notamment issus de la communauté juive. Quelques mois plus tard, les chars russes envahissent la Tchécoslovaquie, créant un climat de menace coercitive dans tout le bloc de l’Est. Aussi le cinéma, dans le sillage du courant intellectuel lancé par Julian Korhauser et Adam Zagajewski10, va-t-il se détourner de modèles prédéfinis pour donner à voir la complexité de la société civile dans sa réalité intime et quotidienne. Dans ce mouvement, la masculinité devient un champ d’exploration autant au niveau de la réflexion que de l’émotion. Que signifie être un homme et par extension être une femme ? Quelle valeur accorder aux pressions politiques, idéologiques et sociales qui s’exercent sur la masculinité ?

15Au cours des années 1970, ce sont les films de Krzysztof Kieślowski qui marquent les esprits par l’intérêt porté à la société civile polonaise, à la vie quotidienne, aux espoirs communs et aux oppositions entre le peuple et l’État. Plusieurs films, aux titres révélateurs, donnent à voir à la fois les conditions de travail et les attentes des ouvriers : L’Usine (Fabryka, 1970), Ouvriers 1971 : Rien sur nous sans nous (Robotnicy '71 Nic o nas bez nas, 1971) et Le Maçon (Murarz, 1972). C’est à travers une démarche documentaire dont la forme est relativement abstraite, où les activités physiques se mêlent aux récits des ouvriers, évitant à tout prix l’usage d’une voix off explicative, que Kieślowski rend compte d’une situation vécue. Plus précisément, Kieślowski démonte les uns après les autres les niveaux de hiérarchie propres à la « démocratie » interne aux usines ; sans prétendre dénoncer, il utilise la caméra à l’épaule pour offrir un portrait anthropologique des ouvriers et révéler le rapport de forces permanent – bien que dissimulé – qui les soumet à une discipline arbitraire. Évitant de lui coller le statut de victime, Kieślowski donne de l’ouvrier une image de vérité, notamment dans Ouvriers 1971. Contre la fictionalisation induite par le pouvoir, le cinéma apporte une réalité de chair et de sang ; l’ouvrier est la figure sur laquelle pèse la violence la plus importante provoquée par le système communiste – lequel se fonde sur un lourd système bureaucratique. Mais ce qui ressort également de la démarche de Kieślowski, c’est la valeur donnée à la parole. La figure de l’ouvrier est consciente de son sort et tente de revendiquer ses droits. Ce processus de subjectivation est particulièrement remarquable dans Le Maçon. Le cinéma de Kieślowski témoigne et participe de ces évolutions.

Ouvriers 71, Krzysztof Kieślowski & Tomasz Żygadło, 1972

Ouvriers 71, Krzysztof Kieślowski & Tomasz Żygadło, 1972

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16Très influencé par le travail social et poétique de Kazimierz Karabasz, le cinéaste capte les regards et les murmures, et n’omet pas ce que le corps a d’excessif et d’absolu. Plus précisément, ce qui frappe dans L’Usine par exemple, c’est la valeur accordée non seulement à la parole mais surtout aux visages. Les ouvriers ne sont ni des héros, ni des sujets de compassion ; ils s’inscrivent dans la quotidienneté et dans un cadre esthétique observant leur complexité respective. Dans deux fictions ultérieures, Le Calme (Spokój, 1976) et L’Amateur (Amator, 1979), Krzysztof Kieślowski emploiera un type de traitement similaire de l’ouvrier, en insistant de plus en plus sur les rapports de forces qui lient l’ouvrier au système politique.

17En outre, deux autres documentaristes des années 1970 tentent de donner de l’épaisseur à une figure d’ouvrier souvent caricaturée à la télévision mais dont le corps devient le pivot d’expérimentations visuelles : Marcel Łoziński et Wojciech Wiszniewski. Le premier, avec Collision frontale (Zderzenie czołowe, 1975), invite le spectateur à une expérience très particulière : célébrer à l’occasion du tournage du film le départ à la retraite d’un ancien conducteur de train – cérémonie protocolaire qui avait été annulée quelques années plus tôt à cause de la responsabilité présumée du protagoniste dans un accident ferroviaire. Le film traite directement d’un soupçon propre au communisme de ces années, que décrit parfaitement Ewa Mazierska : « L’ambivalence entre les biens à exploiter et le nombre de personnes qui aspirent à les recevoir, ainsi que la conviction répandue (et non irrationnelle) que ce n’est pas forcément les bons qui gagnent en Pologne, ont créé les conditions d’une compétition féroce et malhonnête. » (Mazierska, 2008 : 114) Sur un ton beaucoup plus onirique, Wiszniewski rend hommage dans Le Menuisier (Stolarz, 1976) aux gestes répétés, hypnotiques et précis de l’ouvrier.

Le Menuisier, Wojciech Wiszniewski, 1976

Le Menuisier, Wojciech Wiszniewski, 1976

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18Une image renouvelée de l’ouvrier apparaît dans le documentaire : ni fantasmée, ni commémorée, cette figure apparaît sous la lumière du présent. Le cinéma donne ici l’occasion de restituer à la fois la corporéité de cette figure (gestes, regards, postures) et sa présence au sein d’un groupe (réunion, prises de parole, témoignages collectifs). Mais qu’en est-il dans la fiction, en particulier à partir de 1976, date de la fondation du premier syndicat ouvrier indépendant KOR (Komitet Obrony Robotników, Comité de défense des ouvriers) ?

  • 11 Sur ce point, le critique hongrois Gabór Eröss affirme : « L’icône finit par prendre corps, avant d (...)

19Désireux de mettre au jour un tournant de l’histoire de son pays, Andrzej Wajda réalise L’Homme de marbre (Człowiek z marmuru, 1976), dans lequel il raconte la trajectoire d’une jeune journaliste de télévision, Agnieszka, qui se met à la recherche du modèle ayant servi à la fabrication d’une sculpture au temps de Staline : l’ouvrier Birkut. Plus de vingt ans après, elle souhaite redonner vie à ce marbre et donner à l’ouvrier stakhanoviste une substance réelle. Face au corps dynamique de la protagoniste, le film oppose le corps abstrait de la statue11. À partir de cette contradiction, de cet écart qui ne peut pas s’annuler, le film suit la marche de la protagoniste à la recherche de l’ouvrier-modèle. Elle emmène avec elle symboliquement toute la société polonaise avec un double enjeu : comprendre pourquoi le communisme s’est installé et comment inscrire dans le présent un combat pour mener le système politique à une conversion. À travers le film, Wajda pose des questions fondamentales : Pourquoi ce symbole ? Pourquoi l’idéal communiste a-t-il émergé ? Que signifie manipuler les images, la réalité ? Comment écrire l’Histoire ?

  • 12 Les ouvriers en lutte sont présents dans de nombreux films de l’époque. Nous pouvons citer le docum (...)
  • 13 Notons que Lech Wałęsa en personne tient un rôle dans le film.

20Par le truchement de fausses archives, Wajda fait rejouer la constitution du cliché de l’ouvrier-modèle mais en le remplaçant symboliquement par un ouvrier au combat12. Incarné par l’acteur Jerzy Radziwiłowicz – à qui ses rôles ultérieurs dans Le Grand Paysage d’Alexis Droeven (Jean-Jacques Andrien, 1981) et dans Passion (Jean-Luc Godard, 1982) offriront une notoriété européenne –, Birkut est un jeune ouvrier au regard franc à partir duquel un cinéaste construit un mythe. La figure se construit dans la tension entre la vitalité innocente de la personne et la modélisation abstraite du personnage. Une autre tension est à l’œuvre dans le film, qui provient directement de la tradition romantique à laquelle Wajda ne cesse de se référer : il s’agit de la tension amoureuse (hétérosexuelle). Ici, c’est la femme qui est à l’origine de la réminiscence de l’homme ; parallèlement, elle lui est soumise, comme face à une autorité fascinante et étourdissante dont on ne peut remettre en question la présence. Ici, le marquage (trop ?) flagrant de la distinction homme/femme s’établit à travers l’opposition classique abstrait/concret. L’imaginaire déployé par Wajda provient d’une iconographie romantique avec laquelle il joue sans jamais remettre en question l’autorité qui y est intrinsèquement rattachée : Agnieszka et Birkut représentent tous les deux des figures aussi vivantes qu’iconiques, de peau blanche, aux cheveux blonds et bruns, parfaitement engagés dans leur combat, bousculés par l’histoire autant qu’ils la bousculent. C’est l’idée de courage et d’exploit qui intéresse Wajda dans le dessin de l’ouvrier Birkut et non pas la recherche de la vérité d’une expérience vécue. Cette dernière sera un ressort plus présent dans le film qui constitue le second volet de l’histoire : L’Homme de fer (Człowiek z żelaza, 1981)13. La présence de Birkut dans le premier film et de Tomczyk dans le second, répond plus généralement à un raccordement propre à l’œuvre d’Andrzej Wajda entre la démarche lente d’un passé rêvé et la frénésie du réel.

L’Homme de marbre, Andrzej Wajda, 1976

L’Homme de marbre, Andrzej Wajda, 1976

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L’Homme de fer, Andrzej Wajda, 1976

L’Homme de fer, Andrzej Wajda, 1976

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  • 14 Le documentaire Les Têtes parlantes (Gadające głowy, 1980) de Krzyszof Kieślowski repose sur un dis (...)
  • 15 Instaurée par le général Jaruzelski le 13 décembre 1981, la loi martiale vient mettre un terme mili (...)

21Dans un registre différent, le cinéaste Jerzy Skolimowski met lui aussi en scène des ouvriers dans Travail au noir (Moonlighting, 1982). Il tourne le film à Londres avec pour acteur principal Jeremy Irons. Dans la lignée de son approche atypique et anticonformiste, Skolimowski raconte l’arrivée d’un groupe d’ouvriers polonais qui viennent reconstruire une maison. Le réalisateur semble répondre à Wajda et à Kieślowski en faisant un film où les ouvriers ne sont ni des mythes, ni même des « têtes parlantes14 » ; ils sont devenus des proies vivantes du capitalisme à l’échelle européenne, exilés, soumis à une autorité incompréhensible, englués dans le silence et l’effroi. Le « leader » du groupe, apprenant la proclamation de l’État de guerre15 dans leur pays d’origine, n’ose même pas avertir ses compatriotes. La spécificité de Travail au noir dans son approche de l’ouvrier réside justement dans l’éloignement que la mise en scène impose avec les trois hommes exploités par le chef de chantier tyrannique Nowak ; c’est comme si les ouvriers étaient dans l’exil du film. Nous n’avons accès à eux qu’à travers les aveux de Nowak, révélant en voix off les stratégies et les négociations qu’il met en place auprès des trois ouvriers. Toutefois, la séquence pendant laquelle l’ouvrier Banaszak prend un bain au milieu du chantier, sous le regard intrigué de Nowak et l’attention vague des deux autres ouvriers, rend compte d’une volonté de poétisation – créant une tension sexuelle palpable – de la part du réalisateur : l’ambiance bleutée dans laquelle est plongée la séquence introduit une impression lunaire, comme si le chantier avait détaché les ouvriers du présent. Les ouvriers, loin de l’élan positif et provisoire correspondant à la mise en place du syndicat Solidarité, sont à la fois au cœur du système économique à l’échelle européenne ; en même temps, ils sont dissimulés, exclus et stigmatisés.

  • 16 Inscrit dans un contexte général de déclassement, l’image du « plombier polonais » a été popularisé (...)

22Skolimowski saisit le cliché de la migration économique pour poser des questions sur la présence de ces hommes en Angleterre : quel est le sens du déracinement forcé à la fois souhaité et subi par ces hommes ? Pourquoi embarquer ses personnages dans la restauration d’une maison, sinon pour signifier la vulnérabilité de l’idée de foyer ? Ces questions semblent prolonger celles de Kazimierz Kutz dans Le Complexe polonais sur la limite de la liberté et la place de l’individualité. À travers la présence du groupe d’ouvriers, Skolimowski tente-t-il également d’inscrire le cliché dans une histoire pour empêcher qu’il demeure justement un cliché, ou bien participe-t-il malgré lui à la fabrication iconographique du « plombier polonais16 » ?

23Toujours est-il que les années 1970 et 1980 auront été traversées de tensions politiques en même temps que de tensions dans les régimes esthétiques employés pour aller à la recherche de la réalité ouvrière masculine ; d’un côté, le cinéma exhume le mythe de l’ouvrier stakhanoviste pour le faire résonner avec une future légende (Lech Wałęsa) et, d’un autre côté, il tente d’embrasser une réalité complexe où l’ouvrier figure une présence-absence. L’emphase romantique propre au cinéma de Wajda se différencie clairement de la mélancolie désenchantée du « cinéma de l’inquiétude morale » prolongée par Skolimowski exilé, cette dernière trouvant son point d’orgue magistral dans Le Décalogue (Dekalog, Krzysztof Kieślowski, 1988).

24Au fond, ce qui se joue dans la représentation des masculinités a définitivement à voir non seulement avec la thématique de l’intimité des hommes, mais surtout avec une capacité ou non des réalisateurs à élaborer un regard anthropologique portant sur l’altérité profonde qui compose le rapport entre les hommes et leur intimité. Disons schématiquement que dans le cinéma polonais des années 1980, on voit se dessiner deux axes dans la description du rapport à l’intime. Si, dans le cinéma d’Andrzej Wajda par exemple, la masculinité héroïque et combattante est quelque peu « encombrée » par son rapport à l’intime, c’est-à-dire face à une séparation posée nettement entre extériorité et intériorité, l’enjeu développé par Krzysztof Kieślowski au contraire situe d’emblée le dilemme à l’intérieur d’un contexte intime pour mieux questionner la possible apparition, fragile mais nécessaire, dans un cadre moral précis, d’une singularité et d’un désir absolument indiscutables. D’un côté, l’intimité et le politique sont relativement séparés, et de l’autre, l’intimité devient un véritable enjeu politique.

Travail au noir, Jerzy Skolimowski,1982

Travail au noir, Jerzy Skolimowski,1982

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Le cinéma de la moralité masculine : les clefs d’une normalité bloquée

25Si l’on en croit certains films réalisés directement après le renversement du régime communiste, la masculinité ouvrière se négocie après 1989 à partir d’une temporalité suspendue, où la gestuelle et la ritualité du travail sont définitivement perdues. Symptomatique sur le fond comme sur la forme, Le Brouillard (Mgła, Irena Kamieńska, 1993) use d’une perspective documentaire pour témoigner de la situation des ouvriers au chômage. La réalisatrice nous plonge dans une réalité rurale, baignée dans une atmosphère bleue et feutrée où l’espoir d’un changement a été remplacé par le désespoir et la misère. Ce sont des paroles fragiles et des corps statiques que nous voyons. Les ouvriers sont privés de leurs outils de travail. Il ne demeure que les mots pour murmurer leur peine et crier leur douleur. C’est dans cette atmosphère amère que le prolétariat – tel qu’il avait émergé sous les régimes communistes – s’éteint sans fracas apparent.

26Il n’est pas étrange que Krzysztof Kieślowski dans son film Trois couleurs : Blanc (1994) évoque lui aussi l’évolution économique de son pays, à travers le parcours sinueux de son personnage masculin. Pour lui également, certaines valeurs du communisme sont désormais niées et son film doit en témoigner : « C’est une histoire sur la négation de l’égalité. Le concept d’égalité suggère que nous sommes tous égaux. Or je pense que ce n’est pas vrai. Personne ne veut vraiment être l’égal de son prochain. Chacun veut être plus égal. » (Kieślowski, 2006 : 254-255). Le protagoniste, Karol, joué par Zbigniew Zamachowski, trouve le moyen de sortir de la misère en Pologne. Mais il ne s’agit plus de gestes répétés et d’une hiérarchisation claire des tâches. L’homme brasse de l’argent à partir des activités d’une entreprise dont on peut soupçonner l’illégalité. Le modèle du brasseur d’argent se retrouve également dans de nombreuses comédies des années 1990 et 2000, comme Le Mariage (Wesele, Wojciech Smarzowski, 2004). D’autres modèles identitaires masculins se concentrent d’ailleurs dans ce dernier, tels que le gangster, le policier et le « hooligan ». Disons, de manière plus générale, que la majeure partie des films produits après 1989 mettent en avant des sujets cristallisant l’illégalité, l’attrait pour l’argent, la consommation et la famille comme structure fondamentale.

  • 17 Une question similaire est soulevée par Jeremy Hamers dans son intervention intitulée : « Au-delà d (...)
  • 18 Zygmunt Bauman, L’Amour liquide (2004 [2010]), trad. Christophe Rosson, Paris : Pluriel.

27Le quotidien post-communiste polonais semble n’être racontable qu’à la condition d’une redistribution marquée des assignations genrées, partagée entre une masculinité jouissant des normes pour mieux dissimuler l’érection de modèles étrangement combinés (consumérisme à outrance, respect infaillible pour la famille catholique à son échelle nucléaire) et une féminité réduite à une apparence de top-modèle presque anonyme et confondue dans son inactivité iconique avec un objet sexuel. Cependant, il est important de noter que cette catégorisation est elle-même clairement l’objet d’une vision ironique ; les comédies semblent prendre cette distinction comme la base de sketches à la dimension burlesque affichée. Mais le comique permet-il de remettre en question les assignations genrées ? La parodie est-elle le fondement d’un renversement des valeurs ou bien ne fait-elle, le temps d’un film, que faire semblant d’ébranler les normes pour mieux les marquer comme indépassables17 ? En fait, un glissement s’est opéré entre la comédie polonaise des années 1970 et celles des années 1990. On peut observer que le jeu avec les normes et les codes politiques est crucial dans la comédie polonaise, surtout avant 1989. On suit, par exemple, un homme travesti en femme pour échapper à la police dans Recherché, recherchée (Poszukiwany, Poszukiwana, Stanisław Bareja, 1972). D’autres comédies travaillent la question d’une absence de contrôle masculin sur son désir en développant un regard sarcastique dans Sexmission (Seksmisja, Juliusz Machulski, 1984) ou encore dans Porno (Marek Koterski, 1989) ; ces deux films reposent esthétiquement sur une torsion des échelles, les hommes étant littéralement minimisés dans un monde où ils n’apparaissent plus que comme des fourmis. Dans ces films, la question du désir passe par une fétichisation de la figure féminine, souvent transformée en potiche érotique. Inscrit dans un monde néo-capitaliste, Le Tueur (Kiler, Juliusz Machulski, 1997) affirme sa virilité à travers des activités illégales et criminelles ; la figure masculine semble dépourvue des gestes qui fondaient la valeur de l’ouvrier. Fuyante, la masculinité se transforme en une posture à revendiquer comme un artifice de virilité, comme s’il fallait la sauver des méandres d’un monde sans lois, où les modèles antérieurs tels que le héros positif semblent lentement disparaître. Par conséquent, cette sédimentation de la masculinité répond au sentiment de perte (de contrôle, de repères), entériné par le modèle capitaliste ; la masculinité fait face à la liquidité18 nouvelle des rapports.

28En outre, si le sentiment amoureux provoquait une remise en question, il est devenu après 1989 le lieu d’une provocation passagère. Puisque l’apparence de normalité est la seule ambition humaine, l’impression rendue par un film comme Aime et fais ce que tu veux (W imię..., Małgorzata Szumowska, 2013) est celle d’une provocation qui vient définitivement clore tout questionnement profond sur la masculinité et le désir ; l’impossibilité de l’amour homosexuel est décrétée arbitrairement. Le poids du monde catholique dans production du discours sur la sexualité n’est qu’à peine abordé dans le film, celui-ci ne parvenant pas à dépasser le plan psychologique pour atteindre des questionnements politiques et éthiques. Il en est de même dans Ligne d’eau (Płynące wieżowce, Tomasz Wasilewski, 2013), dont les protagonistes s’adonnent à des pratiques homosexuelles sans jamais que ce désir soit clairement verbalisé par les protagonistes, ni affirmé comme amour investi dans l’espace public. Faisant de la sexualité une expérience directement subversive et passagère, ces deux films optent finalement pour la perspective prétendument inébranlable de la norme elle-même. À la question posée par Ewa Mazierska sur la présence de l’homosexualité dans le cinéma polonais : « s’agit-il de voir ce qui est dissimulé ou bien de créer un objet de vision ? » (Mazierska, 2008 : 177), il apparaît que l’enjeu même de constater le trouble des masculinités est souvent anéanti au nom de la normalité sociale (c’est sur le retour de la norme hétérosexuelle que se clôt le film de Tomasz Wasilewski), maintenant en réalité le désir dans une clandestinité silencieuse. N’opérant en vérité aucun renversement et aucune remise en question du rapport de l’homme à sa masculinité, le brouillage des valeurs est le paravent à une réaffirmation des genres qui seraient ontologiquement liés à un schéma physique, moral et politique. Entre une provocation simpliste et la croyance dans des assignations définies davantage par le jugement que par l’expérience, le cinéma polonais semble avoir cesser d’interroger ce qui constituait pourtant la valeur poétique de son rapport à l’autre et à lui-même, ce qui faisait de la masculinité une zone à construire, et ce qui prolongeait le cinéma dans un regard éthique ouvert à des questions historiques et politiques toujours d’actualité : qui suis-je ? Qui es-tu ? Qui sommes-nous ?

Ouvriers 80, Andrzej Chodakowski & Andrzej Zajączkowski, 1980

Ouvriers 80, Andrzej Chodakowski & Andrzej Zajączkowski, 1980

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29En suivant la méthode généalogique proposée par Michel Foucault, il est apparu que l’image de l’ouvrier telle qu’elle s’est développée dans le cinéma polonais a, par le sens qu’elle a acquis notamment au moment crucial des grèves de Gdańsk et de la création de Solidarité, traversé le Rideau de Fer. Un temps confondue avec le projet socialiste lui-même, la figure cinématographique de l’ouvrier a revêtu un sens contraire au début des années 1980 : en Pologne et dans l’Europe entière, elle était devenue le signe du potentiel renversement du socialisme. Mais, comme le montrait déjà Skolimowski dans Travail au noir, aussitôt avalée par le capitalisme et la hiérarchisation économique à l’échelle européenne, cette figure s’apprêtait après 1989 à devenir un spectre à la fois nécessaire et absent des représentations. Parallèlement, de corps-modèle, l’ouvrier est passé au statut de corps-symptôme du système socialiste avant de devenir le corps-spectre de l’Europe contemporaine.

  • 19 Giorgio Agamben, « Notes sur le geste », in Revue Trafic, n° 1, 1992, P.O.L., p. 34.
  • 20 Stanisław Jerzy Lec, Nouvelles pensées échevelées (1993), Paris, éditions Noir sur Blanc, p. 110.

30Paradoxalement, au cours de ce processus tragique pendant lequel l’outil de travail s’est raréfié (surtout après 1989), la masculinité ouvrière a acquis une densité inattendue. Sa spectralité même semble signifier le présent. Plus précisément, comme un dernier rempart concret face aux systèmes politiques et économiques fondés sur l’immatérialité, elle s’est muée en pivot iconographique faisant rejaillir à la fois la problématique de la mémoire des gestes perdus (notamment évoquée par Giorgio Agamben19) mais aussi celle de la justice sociale, du désir, de la sexualité et de l’historicisation des codes genrés. Le réalisateur français Alain Guiraudie, héritier de cette figure complexe de l’ouvrier masculin après 1989, réunit d’ailleurs toutes ces problématiques dans le moyen-métrage Ce vieux rêve qui bouge (2001). En tant que résurgence onirique du passé communiste dans son ensemble, le corps ouvrier masculin semble retenir l’attention par une érotisation mêlée à la peur, caractérisé par sa persévérance dans l’effort et la menace de disparition qui pèse sur lui. Des images qui semblent un écho amusé à l’aphorisme de Stanisław Jerzy Lec, datant de la fin des années 1950 : « L’angoisse des nations donne rarement naissance à des lâches20 ».

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Bibliographie

Agamben Giorgio (1992), « Notes sur le geste », Revue Trafic, n° 1, Paris, P.O.L.

Bauman Zygmunt (2010 [2004]), L’Amour liquide, trad. Christophe Rosson, Paris : Pluriel.

Collectif (2014), Zanussi. Przewodnik Krytyki Politycznej, Warszawa, Krytyka Polityczna.

Foucault Michel (1976), Histoire de la sexualité, tome 1 : La Volonté de savoir, Paris, Gallimard.

Foucault Michel (1984), Dits et écrits, « Des espaces autres », 14 mars 1967, Architecture, Mouvement, Continuité, n° 5, octobre 1984, p. 46-49.

Kieślowski Krzysztof (2006), Le Cinéma et moi, Paris, éditions Noir sur Blanc.

Konwicki Tadeusz (1999 [1977]), Le Complexe polonais, Paris, Seuil.

Kornhauser Julian et Adam Zagajewski (1974), Świat nie przedstawiony (Le monde non représenté), Warszawa, Wydawnictow Literackie.

Lec Stanisław Jerzy (1993), Nouvelles pensées échevelées, Paris, éditions Noir sur Blanc.

Mazierska Ewa (2008), Masculinities in Polish, Czech and Slovak Cinema : Black Peters and Men of Marble, New York & Oxford, Berghahn Books.

Pillon Thierry (2012), Le Corps à l’ouvrage, Paris, Stock, coll. « Un ordre d’idées ».

Stolarska Bronisław (dir.) (1985), Szkice o filmie polskim, Lódź, Lódzki dom kultury.

Włodarczyk Hélène (dir.) (1986), Tadeusz Konwicki, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne.

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Notes

1 L’idée de cet article est née de la lecture de l’ouvrage d’Ewa Mazierska intitulé Masculinities in Polish, Czech and Slovak cinema (2008), lequel a récemment ouvert le champ d’étude sur les « masculinités » dans le cinéma polonais.

2 Sur ce point, lire : Leszek Kołakowski, « Les racines marxistes du stalinisme », in : Le Village introuvable, Complexe, 1999, p. 42-72.

3 Notamment dans les œuvres de Tadeusz Kantor et de Jerzy Grotowski.

4 Notamment dans les œuvres de Krzysztof Niemczyk et de Krzysztof Jung.

5 Ewa Mazierska (2008), Masculinities in Polish, Czech and Slovak Cinema : Black Peters and Men of Marble, New York & Oxford, Berghahn Books, p. 31.

6 Ce processus est désigné par la notion de ‘performativité’ dans l’ouvrage de Judith Butler Touble dans le genre (La Découverte, 2005 [1990]).

7 Pour aller plus loin, d’autres films pourraient faire l’objet d’une analyse : Cœur d’acier (Stalowe serca, 1948), Deux brigades (Dwie brygady, 1952), Les Premiers jours (Pierwszy dni, 1952) et Trois récits (Trzy opowieści, 1953).

8 Kazimierz Sobotka, « Robotnik na ekranie, czyli o tak zwanym ‘filmie produkcyjnym'«  (L’Ouvrier à l’écran, ou sur ce qu’on appelle ‘le cinéma de production’), in Bronisław Stolarska (dir.), Szkice o filmie polskim, Lódzki dom kultury : Lódź, 1985, p. 25-70.

9 Cette indépendance acquise par les cinéastes à l’égard du pouvoir doit être nuancé à l’aune des actes de censure survenus en 1967 concernant le film Hauts les mains ! (Ręce do góry) de Jerzy Skolimowski et en 1976 concernant le film Sur un globe d’argent (Na srebrnym globie) d’Andrzej Zulawski. Mais l’intervention active de l’armée pour interrompre un tournage demeure très rare.

10 Ce phénomène est venu en réaction d’un courant intellectuel mettant en exergue le fait que l’art littéraire avait minimisé l’importance de la réalité sociale et quotidienne, notamment en relation avec la publication de l’ouvrage Julian Kornhauser, Adam Zagajewski, Świat nie przedstawiony (Le Monde non représenté), Wydawnictow Literackie : Warszawa, 1974.

11 Sur ce point, le critique hongrois Gabór Eröss affirme : « L’icône finit par prendre corps, avant d’être dépecée. » Lire : Gabór Eröss, « Staline et les années 1950 vus d’Europe centrale : corps et décors, témoignages et nostalgies », in Kristian Feigelson (dir.), Caméra Politique. Cinéma et stalinisme, Théorème n° 8, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 2005, p. 253-259). Le film Fucha (Michał Dudziewicz, 1984) met en scène le corps statufié de l’ouvrier stakhanoviste, devenu un modèle par la négative, regardé au loin par deux ouvriers rejetés socialement.

12 Les ouvriers en lutte sont présents dans de nombreux films de l’époque. Nous pouvons citer le documentaire collectif Robotnicy 80 (Ouvriers 80) réalisé par Andrzej Chodakowski et Andrzej Zajączkowski, mais aussi les fictions suivantes : Krótki dzień pracy (Brève journée de travail, 1981) de Krzysztof Kieślowski, Chrzesniak (Le Filleul, 1986) de Henryk Bielski, Ostatni prom (Le Dernier Ferry, 1989) de Waldemar Krzystek.

13 Notons que Lech Wałęsa en personne tient un rôle dans le film.

14 Le documentaire Les Têtes parlantes (Gadające głowy, 1980) de Krzyszof Kieślowski repose sur un dispositif esthétique et conceptuel jouant d’un montage de plans rapprochés de visages en train de parler. Ce dispositif est demeuré dans l’histoire du cinéma polonais comme une méthode anthropologique particulière se rattachant au « cinéma-vérité », reprise dans quelques films ultérieurs, parfois même caricaturée.

15 Instaurée par le général Jaruzelski le 13 décembre 1981, la loi martiale vient mettre un terme militaire aux menaces de débordements civils en Pologne, quelques mois après la relative réussite des négociations impliquant le syndicat Solidarité et les autorités communistes. Elle resta en vigueur jusqu'au 22 juillet 1983.

16 Inscrit dans un contexte général de déclassement, l’image du « plombier polonais » a été popularisée en 2005 dans le contexte du référendum sur la Constitution européenne. À partir d’un discours de Frits Bolkestein (concepteur de la Directive éponyme), Philippe Val dans Charlie Hebdo va l’utiliser pour la première fois pour dénoncer la piètre situation sociale de la diaspora économique est-européenne dans les pays ouest-européens (notamment en France et en Angleterre) et pour critiquer la condescendance renvoyée par une telle image. L’extrême-droite française, de son côté, critique le « vol » des emplois français par ces mêmes ouvriers (argument largement infondé économiquement). Devenue un cliché, cette image symbolise globalement la peur de la présence des travailleurs pauvres d’Europe centrale et orientale menaçant les emplois des Européens de l’ouest. D’un autre côté, quelques médias britanniques ont donné au cliché un ton plus positif, en valorisant une main d’œuvre abordable et fiable.

17 Une question similaire est soulevée par Jeremy Hamers dans son intervention intitulée : « Au-delà de l’ironie, le faux-documentaire à l’épreuve des violences sexuelles », au cours du colloque Représentations-limites des corps sexuels dans le cinéma et l’audiovisuel contemporains à Paris (novembre 2015). Les actes du colloque sont en cours de publication.

18 Zygmunt Bauman, L’Amour liquide (2004 [2010]), trad. Christophe Rosson, Paris : Pluriel.

19 Giorgio Agamben, « Notes sur le geste », in Revue Trafic, n° 1, 1992, P.O.L., p. 34.

20 Stanisław Jerzy Lec, Nouvelles pensées échevelées (1993), Paris, éditions Noir sur Blanc, p. 110.

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Table des illustrations

Titre Aventure à Mariensztat, Leonard Buczkowski, 1953
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Titre Cellulose, Jerzy Kawalerowicz, 1954
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Titre Génération, Andrzej Wajda, 1954
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Titre Ouvriers 71, Krzysztof Kieślowski & Tomasz Żygadło, 1972
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Titre Le Menuisier, Wojciech Wiszniewski, 1976
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Titre L’Homme de marbre, Andrzej Wajda, 1976
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Titre L’Homme de fer, Andrzej Wajda, 1976
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Titre Travail au noir, Jerzy Skolimowski,1982
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Titre Ouvriers 80, Andrzej Chodakowski & Andrzej Zajączkowski, 1980
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Pour citer cet article

Référence papier

Mathieu Lericq, « Masculinités laborieuses. Corps d’ouvriers et de travailleurs face au trouble du genre dans le cinéma polonais (1953-2010) »Genre en séries, 4 | 2016, 58-84.

Référence électronique

Mathieu Lericq, « Masculinités laborieuses. Corps d’ouvriers et de travailleurs face au trouble du genre dans le cinéma polonais (1953-2010) »Genre en séries [En ligne], 4 | 2016, mis en ligne le 07 février 2022, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ges/2438 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ges.2438

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