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Comptes rendus de lecture

Louise Dumas, Automobile et cinéma : un long métrage

Anne-Marie Corbin
p. 191-193
Référence(s) :

Louise Dumas, Automobile et cinéma : un long métrage, Berlin, Peter Lang, 2021, 305 p.

Texte intégral

1Pour son analyse de la représentation de l’automobile dans le cinéma allemand, Louise Dumas a sélectionné des films très différents sur une longue période, de 1930 à 1994. Dans un premier temps en dehors de tout cadre théorique, elle effectue une analyse minutieuse d’un corpus réduit de cinq films, choisis pour leur diversité : une comédie avec la « Filmoperette » Die Drei von der Tankstelle (Wilhelm Thiele, 1930) qu’elle considère comme l’élément déclencheur de son travail ; In jenen Tagen (Helmut Käutner, 1947), un film à épisodes ; le plus célèbre des road movies européens, Im Lauf der Zeit (Wim Wenders, 1976) que complète sous un point de vue différent Burning Life (Peter Welz, 1994) sur lequel Louise Dumas insiste peu ; enfin Wolfsburg (Christian Petzold, 2003) à mettre en parallèle avec les écrits théoriques de son réalisateur.

2Louise Dumas aborde le sujet sous un angle esthétique, une démarche novatrice, ce qui lui permet de rattacher son projet à la fois aux théories de Christian Metz sur la réflexivité, « réflexion abstraite et reflet concret et visuel » (p. 114) et à la Bildwissenschaft allemande, distincte des visual culture studies anglo-saxonnes plus ancrées dans une analyse historique et politique. Elle s’appuie également sur une méthode inductive au sens de la « faculté de juger » telle que la conçoit Kant.

3Son livre est structuré en trois grandes parties : tout d’abord l’automobile en tant que « sujet réflexif du cinéma » (p. 25). Dans la deuxième partie, il est question de l’automobile en tant que motif narratif du cinéma, à la fois dispositif de mise en scène et dispositif de récit (chapitres 4 et 5). Dans la troisième partie, Louise Dumas se demande si l’automobile est aussi un « motif de genre », au double sens de gender et de Gattung.

4C’est à Die Drei von der Tankstelle que Louise Dumas consacre les développements les plus importants. Dès le début, on constate dans ce film un goût très fort pour une description technique avec des plans larges montrant la voiture et d’autres faisant défiler le paysage à travers les vitres. L’action se situe à l’époque du tournage (p. 85) au début des années 1930 et s’inscrit dans la continuité de la Nouvelle Objectivité. Les bruitages et les conversations témoignent de la joie à utiliser les techniques récentes du cinéma parlant. Le générique apprend au spectateur qu’il s’agit d’une opérette, tournée souvent en plans fixes comme au théâtre ou dans les premiers films muets (p. 93) et qui en respecte même la construction en trois actes tout en la rendant cinématographique, c’est-à-dire non figée. Le message transmis est optimiste par rapport à la modernité et à la situation plutôt dramatique de l’époque comme s’il s’agissait de réenchanter le monde. De manière paradoxale, dans Die Drei von der Tankstelle, dans le monde d’hommes qui s’intéressent à la voiture, c’est une femme, Lilian, qui est le personnage principal, à la fois actrice et scénariste dans son automobile, figure motrice et moderne, la garçonne avec ses cheveux courts et son chapeau-cloche.

5Dans Wolfsburg (Petzold, 2003), la voiture devient, en revanche, un élément tragique où, selon Christian Petzold, « la conduite est fictionnalisée dans une sorte d’espace de rêverie » (p. 104) qui fait disparaître la réalité. Le retour à la ville s’effectue avec les usines Volkswagen en arrière-plan. Petzold insiste sur l’impossibilité pour les sujets d’y trouver des espaces libérateurs, car ils ne peuvent se les approprier, ce que symbolisent les vitrines en acier et en verre qui séparent les éventuels acquéreurs des modèles de voitures présentés.

6Dans In jenen Tagen, film dont le récit s’étale sur 13 années (p. 135), les personnages masculins sont particulièrement attachés à leur voiture dont ils prennent le plus grand soin. Ancré dans une ville allemande en ruines dans l’immédiat après-guerre, ce film peut constituer une métaphore filmique du renouveau (p. 180).

7Enfin, dans Im Lauf der Zeit, Wim Wenders veut faire le lien entre l’espace et le temps, offrant aux acteurs, mais aussi aux spectateurs, un voyage davantage sur le mode d’une feuille de route que d’une errance. Le trajet s’effectue dans le camion de Bruno, comme sa maison que transporte l’escargot sur lui. S’il existe des réminiscences du motif américain du Far West (p. 185), la route mène inversement vers l’Est, le long de la frontière est-allemande. Wenders privilégie une esthétique du noir et blanc (refusant les couleurs du Heimatfilm de l’époque) dans un film peu bavard où la musique de rock’n’roll remplace les dialogues dans un monde où les femmes n’ont pas vraiment leur place.

8Louise Dumas sait présenter des analyses très fouillées de quelques films importants que le lecteur saura apprécier en les visionnant à nouveau : symboles sociaux, symboles du machisme des hommes, fantasmes et davantage que stéréotypes.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne-Marie Corbin, « Louise Dumas, Automobile et cinéma : un long métrage »Germanica, 70 | 2022, 191-193.

Référence électronique

Anne-Marie Corbin, « Louise Dumas, Automobile et cinéma : un long métrage »Germanica [En ligne], 70 | 2e trimestre 2022, mis en ligne le 06 juin 2022, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/germanica/17548 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/germanica.17548

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Auteur

Anne-Marie Corbin

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