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Comptes rendus de lecture

Les Littératures suisses entre faits et fiction, sous la direction de Régine Battiston et Daniel Annen

sous la direction de Régine Battiston et Daniel Annen, Strasbourg, PUS, coll. Helvetica, 2019, 254 p.
Fanny Platelle
p. 223-225
Référence(s) :

Les Littératures suisses entre faits et fiction, sous la direction de Régine Battiston et Daniel Annen, Strasbourg, PUS, coll. Helvetica, 2019, 254 p.

Texte intégral

1Les Littératures suisses, entre faits et fiction, ouvrage collectif dirigé par Régine Battiston et Daniel Annen, part du constat que la relation entre fictionnalité et factualité joue un rôle central dans l’écriture littéraire des xxe et xxie siècles, mais que, si ses mutations occupent actuellement la critique, favorisant de nouvelles approches de la production littéraire contemporaine, peu d’attention a été porté aux littératures suisses. Le volume vise donc à combler cette lacune, en explorant le rapport, la porosité des frontières et les modalités d’hybridation du factuel et du fictionnel dans celles-ci. Il comprend douze contributions de spécialistes des littératures suisses, réparties en quatre groupes : « Fiction et tension », « Malgré la fiction : la force des faits réels », « La Suisse et l’étranger » et « Le miroir de l’autofiction ». Elles sont complétées par un entretien inédit avec Lukas Bärfuss sur sa création littéraire, ses positions et son engagement.

2Le premier groupe de textes traite des modalités (procédés narratifs, esthétiques) et des enjeux (visée, effet sur le lecteur) du rapport entre le factuel et le fictionnel dans des récits et romans se rattachant aux genres de l’autofiction (La Mer encore d’Ilma Rakusa, dont Stéphane Maffli s’intéresse au double « Je »), du roman policier (analyse de La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker, des Ombres du métis de Sébastien Meier et de Derrière les panneaux, il y a des hommes de Joseph Incardona par Sylvie Jeanneret) et de l’autobiographie (Reise an den Rand des Universums d’Urs Widmer, dont l’étude des stratégies narratives par Emily Eder met en lumière la tension entre une écriture « (auto-)biographique » et une écriture « documentaire »).

3Les contributions du deuxième groupe mettent davantage l’accent sur la fictionnalité et les deux concepts de fait et de fiction s’élargissent. L’examen de la « pensée dramaturgique » de Friedrich Dürrenmatt (par Jacqueline Bel), de la représentation littéraire des luttes scientifiques et sociales dans la clinique psychiatrique du Royaume de Matteo de Friedrich Glauser (par Hubert Thüring, à partir des thèses de Michel Foucault sur la folie et la littérature), du traitement du matériau autobiographique, avec un jeu subversif sur les assignations et catégories génériques, dans La Distance de fuite de Catherine Safonoff (par Daniel Magetti) et de la subversion communicative (notamment par des dialogues incomplets faisant des lecteurs des co-créateurs du texte) dans la prose de Matthias Zschokke (par Daniel Rothenbühler) révèle le rapport des auteurs à la réalité (socio-politique, médicale, personnelle, culturelle, etc.), leurs réflexions et leurs positions vis-à-vis de celle-ci.

4La troisième partie a pour thématique l’immigration italienne en Suisse au xxe siècle. Elle s’intéresse à la manière dont l’expérience vécue est retranscrite dans des récits (Tra dove piove e non piove d’Anna Felder, L’Italienne. Histoire d’une vie de Sylviane Roche et Marie-Rose De Donno), une fable dystopique (La Vermine d’Anne Cueno), un antiroman de formation (Une Saison en enfance de Joseph Incardona), mais aussi dans la poésie (Alberto Nessi, Yari Bernasconi, Fabiano Alborghetti) depuis les années 1970, après l’initiative Schwarzenbach à la fin des années 1960. Les deux contributions (de Tania Collani et de Martina Della Casa) se concentrent sur les questions de migration, de mémoire, du rapport entre histoire individuelle et collective. Il aurait pu être intéressant pour le rapport entre faits et fiction d’étudier plus en détails l’utilisation et l’intégration des documents historiques (images, tracts, interviews, archives) consultés lors du « travail préparatoire » et parfois édités avec le texte.

5La dernière partie, consacrée au « miroir de l’autofiction », explore le traitement littéraire des expériences personnelles dans les œuvres de Max Frisch (en particulier vie amoureuse et ruptures, plus tard vieillissement et approche de la mort, par Régine Battiston), les deux romans traduits en français de Gertrud Leutenegger (Matines de l’oiseleur et Panique printanière, dont Daniel Annen analyse les procédés de « composition textuelle », qui superposent différentes « réalités », notamment temporelles et psychiques, et le sens spécifique qui s’en dégage) et les récits autobiographiques d’Yves Laplace et de Benoît Damon (Sylviane Dupuis étudie le traitement différent d’un vécu commun, le deuil du père, dans La Réfutation et Le Cœur pincé, et montre comment la « métamorphose-réinvention » de celui-ci dans l’écriture opère comme un révélateur de soi).

6L’un des grands mérites de l’ouvrage est de dresser un panorama à la fois vaste et représentatif des littératures suisses, en abordant aussi bien des auteurs « classiques » (Max Frisch, Friedrich Dürrenmatt) que des œuvres extrêmement récentes, sous un prisme actuel. La signification et l’articulation de quelques titres de parties (dont certains se réfèrent aux concepts traités, tandis que d’autres privilégient l’aspect thématique ou générique) ne sont peut-être pas immédiatement évidentes pour le lecteur, même si elles s’éclairent à la lecture. L’introduction aurait pu les expliciter et revenir à cette occasion sur les emplois des notions de fiction/fictionnalité/fictionnalisation et de faits/factualité dans l’ouvrage, en fonction des genres et de l’effet recherché sur le lecteur. Un état de la recherche et des débats sur celles-ci aurait sans doute été utile. Il aurait notamment permis de mieux faire ressortir l’apport des littératures suisses. Il n’en reste pas moins que le volume atteint son but puisque les contributions qu’il réunit montrent la richesse et l’intérêt de ces littératures pour la problématique faits/fiction.

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Pour citer cet article

Référence papier

Fanny Platelle, « Les Littératures suisses entre faits et fiction, sous la direction de Régine Battiston et Daniel Annen »Germanica, 67 | 2020, 223-225.

Référence électronique

Fanny Platelle, « Les Littératures suisses entre faits et fiction, sous la direction de Régine Battiston et Daniel Annen »Germanica [En ligne], 67 | 4e trimestre 2020, mis en ligne le 15 février 2021, consulté le 19 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/germanica/10351 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/germanica.10351

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