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L’épigraphie archaïque — Crète

Linguistique et droit dans l’étude du Code de Gortyne, trente ans après la publication de Nomima

Linguistics and Law in the Study of the Code of Gortyn, Thirty Years after the Publication of Nomima
Monique Bile et Alberto Maffi

Résumés

À l’occasion de la trentième année de la publication des deux volumes de Nomima, les deux auteurs de cet article, qui ont bien connu Henri van Effenterre, veulent souligner l’importance durable de son travail sur la Crète antique et, en particulier, sur la grande inscription qu’on appelle le Code de Gortyne (IC IV, 72). Dans la première partie (A – L’approche linguistique) Monique Bile trace d’abord rapidement un profil de la découverte de l’inscription et des premiers commentaires (en particulier de langue française) ; ensuite elle souligne, par des exemples significatifs, l’importance de poursuivre l’étude linguistique d’un texte écrit dans un dialecte qui souvent rend difficile la compréhension de son contenu. Dans la deuxième partie (B – La dimension juridique) Alberto Maffi passe en revue les contributions de van Effenterre (et occasionnellement de sa femme Micheline) aux Symposia de droit grec, et d’autres articles publiés dans Minos, le recueil de ses écrits, en essayant de préciser sa façon de concevoir la dimension juridique du texte du Code.

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Texte intégral

A L’approche linguistique

Introduction

  • 1 Nomima I, no 13, p. 64‑67, n’étudie qu’un passage du CdG, VI 46‑55 traitant du remboursement d’une (...)

1Françoise Ruzé et Henri van Effenterre ont consacré la majeure partie de Nomima II au Code de Gortyne (= CdG)1, le volume commençant par une photo de la première colonne (p. 1) et par une page expliquant leur présentation de tous les passages du document (p. 2). La longue Introduction (p. 3‑18) « Les lois de Gortyne » insiste sur la valeur exceptionnelle du CdG, seul texte grec qui fasse connaître un cadre juridique précis, quoiqu’incomplet : le droit privé d’une cité crétoise, appréciation rejoignant celle des nombreux commentateurs du texte, historiens et naturellement juristes.

2L’intérêt des deux volumes de Nomima est de proposer au lecteur les textes en langue grecque, avec une traduction et un commentaire linguistique, historique et juridique. La démarche mérite d’être soulignée, car d’autres commentaires se réduisent à un aspect particulier du CdG. C’est pourquoi les deux auteurs du présent article envisagent une nouvelle étude, non pour ajouter un livre aux volumineux travaux existants ni pour se substituer à Nomima II, mais plus modestement pour souligner les problèmes posés par ce document en grande partie opaque : l’analyse conjointe linguistique et juridique en sera la base. Pour comprendre les motifs de cette approche, un rappel historique s’impose.

1. Historique

  • 2 Thénon (1863, 441‑447).

3a) Comme on le sait, c’est Léon Thénon qui, en 1857, alors qu’il était membre de l’École française d’Athènes, découvrit un fragment du CdG, à savoir les lignes 1 à 15 de la colonne XI. Il publia les résultats de ses tentatives de déchiffrement, avec un fac‑similé du texte et une transcription2. Il eut le mérite d’expliquer l’abécédaire utilisé, en particulier la forme singulière du pi, fournissant la liste correcte des lettres (p. 443), il fut sensible à ce qu’il appelait « l’allitération » (p. 447), c’est-à-dire l’assimilation du nu final de l’accusatif ἀνπαντὸµ µε̄̀ (XI 6), il comprit que la séquence ἀν-, en composition dans le texte, valait l’attique ἀνα- et que la préposition πάρ (XI 8) était l’équivalent dialectal de l’attique παρά. Les observations de Léon Thénon et la prudence de quelques‑unes de ses déductions (« nous ne pouvons nous dissimuler que l’analyse grammaticale est fort imparfaite. […] Dans le doute il vaut mieux ne hasarder aucune conjecture », p. 446) soulignent son grand apport dans l’établissement du texte, même si des lectures ultérieures devaient l’améliorer. Enfin Léon Thénon avait suggéré que le texte traitait des héritages, notant de façon très juste à propos des lignes 7 et 8 : « En somme, ces deux lignes composent la partie la plus accessible au déchiffrement et à l’interprétation. » (p. 447)

  • 3 Bréal (1878, 346‑356).

4b) Ce premier texte publié du CdG intrigua beaucoup les savants, et leurs tentatives de compréhension, pour méritoires qu’elles étaient, ne parvenaient pas à une interprétation cohérente. Il ne fallut pas moins de 15 ans avant qu’un article du linguiste Michel Bréal3 puisse mettre fin au doute relatif à la signification de ce passage. Reprenant l’analyse de Léon Thénon qui avait bien vu que les mots ἀνπαντόϛ et ἀνπανάµενος devaient être apparentés, Michel Bréal, au terme d’une analyse linguistique remarquable, établit qu’il s’agissait des formes crétoises du verbe attique ἀναφαίνω « montrer, faire apparaître » et dont le sens dans le passage était « adopter ». L’évolution sémantique n’est aucunement curieuse, car, dit‑il, « Qu’on veuille bien songer à l’étymologie du verbe français déclarer, et l’on n’aura pas de peine à comprendre comment ἀναφαίνω a pu prendre cette signification » (p. 350). Son explication linguistique était confortée par la communication du juriste Exupère Caillemer cité par Bréal, p. 356 : « L’article 351 du Code civil est la traduction presque littérale de la loi crétoise. » En effet, cet article, cité par Michel Bréal (p. 350) dit : « Si l’adopté meurt sans descendants légitimes, les choses recueillies dans la succession de l’adoptant, et qui existeront en nature lors du décès de l’adopté, retourneront aux descendants de l’adoptant. » La rencontre entre un linguiste et un juriste constitua donc le socle qui permit de bâtir toute l’architecture du CdG : en effet, même s’il s’agit d’un passage traitant d’un point bien distinct, ces quinze lignes livraient un terme fondamental, à l’accusatif pluriel ἐπιβάλλοντανς parfaitement analysé linguistiquement par Michel Bréal, qui indiquait son sens juridique « ayant‑droit » (p. 349‑350).

  • 4 Halbherr & Fabricius (1885).
  • 5 Comparetti (1885, 233‑287).

5c) La découverte du monument entier, en 1884, par l’Italien Federico Halbherr et l’Allemand Ernst Fabricius fut suivie de leur publication commune4 et de celle de Domenico Comparetti5.

2. Nécessité d’une étude linguistique du CdG

  • 6 Baunack (1885).
  • 7 Bücheler & Zitelmann (1885).
  • 8 Dareste, Haussoullier & Reinach (1894, 352‑391 et 404‑484).

6a) Bilan des premières études : dès sa publication, le CdG bénéficia de plusieurs analyses, dont celle de Johannes et Theodor Baunack6, consacrée à la langue du texte (phonétique, morphologie, syntaxe, lexique) et à la traduction. L’ouvrage de Franz Bücheler et Ernst Zitelmann7, réunit l’exposé du linguiste F. Bücheler sur l’alphabet et les principales caractéristiques grammaticales du texte (p. 1‑40) et celui du juriste E. Zitelmann (p. 41‑178) qui fixe le cadre général — droit privé — et envisage des aspects particuliers (esclavage, héritage, adoption) : les premiers, ces deux auteurs avaient compris la nécessité d’une étude linguistique et juridique du texte. Cependant ces deux travaux pionniers sont maintenant dépassés, tout comme l’œuvre commune du juriste Rodolphe Dareste, du linguiste Bernard Haussoullier et de l’archéologue helléniste Théodore Reinach8, qui est une vue d’ensemble du texte. En effet, ces ouvrages étaient victimes de deux obstacles majeurs :

    • 9 Kieckers (1908), Brause (1908).
    • 10 Thumb (1909).
    • 11 Thumb & Kieckers (1932, 143‑170).
    • 12 Bechtel (1923), Buck (1955).
    • 13 On se reportera à l’article de Bile, Brixhe & Hodot (1984, 155‑203) qui détaille les failles de la (...)

    la méconnaissance du dialecte crétois : il fallut attendre le début du xxe siècle pour voir apparaître les ouvrages de Ernst Kieckers et de Johannes Brause9. Le recueil d’Albert Thumb10 ne contenait que les pages 119‑134 sur le crétois, reprises et amplifiées dans l’ouvrage d’Albert Thumb et Ernst Kieckers11, cependant que l’ouvrage de Friedrich Bechtel, où le crétois est étudié aux pages 657‑794, servit de base au livre de Carl Darling Buck12, qui résume les caractéristiques des dialectes connus. Tous ces ouvrages ont besoin d’être fortement remaniés : ils attestent une démarche philologique certes nécessaire, mais insuffisante pour la description d’un dialecte, qui exige l’apport de la linguistique contemporaine13 ;

    • 14 Willetts (1967).
    • 15 Dans Giannakis (2014, I, 565).
    • 16 Dans Giannakis (2014, II, 19 et 21), la page 20 comportant deux photos du CdG. Elle avait déjà publ (...)

    une bonne lecture du texte, fondée sur une édition complète. En effet, l’édition originale comportait des lacunes de lecture, ce qui obligea Comparetti à fournir une seconde édition en 1893, cf. supra, elle‑même avec des erreurs. Il ne pouvait en être autrement, tant que le texte n’était pas publié à partir d’un estampage du document entier et de photos. Ce fut réalisé seulement en 1950 par Margherita Guarducci dans le tome IV des Inscriptiones Creticae, Rome, consacré aux seuls textes gortyniens : le document concerne les pages 123‑171, l’immense estampage est inséré entre les pages 142 et 143, les photos des colonnes groupées par 2 ou 3 sont aux pages 127 à 141, en plus de deux photos du monument aux pages 124‑125. Cette excellente édition fut à la base de celle de Ronald R. Willetts14 (90 pages suivies de 13 planches de très belles photos des colonnes, du site de Gortyne et de l’estampage). Visualiser l’agencement du texte permet de constater les vacat et l’écriture boustrophedon, sans doute signe d’archaïsme, selon la linguiste Silvia Ferrara, article « Epigraphy15 » : les auteurs de Nomima II ont, d’ailleurs, saisi l’utilité d’une présentation du texte boustrophedon en plaçant sur la couverture une photo des lignes 20 à 37 de la colonne VII du CdG. Une autre information essentielle concerne l’alphabet employé, qui se limite à 18 lettres, ce qui en fait l’abécédaire le plus pauvre des textes gortyniens et crétois, comme le souligne l’helléniste Inès Calero Secall, dans l’article « Gortyn Code16 ».

  • 17 Maffi (1992, 188‑210).
  • 18 Ruzé (1992, 82‑94).

7b) Questions : tous ces éléments ont une importance capitale pour essayer de comprendre les raisons ayant déterminé les rédacteurs à recourir à une écriture boustrophedon, qui n’était plus guère en usage vers 450 (date probable de la gravure du document) et à un abécédaire jusqu’alors inconnu en Crète. Cette gravure si imposante et unique dans le monde grec antique ne signifie pas que tous les Gortyniens savaient lire et pouvaient consulter le texte, le CdG attestant de nombreuses preuves de l’oralité, comme Alberto Maffi l’a montré17. Athènes, dont la production épigraphique dépasse pourtant considérablement celle de la Crète, n’a pas éprouvé la nécessité de transcrire ses lois, connues très partiellement par les mentions des orateurs attiques (Démosthène, Lysias, Isée, etc.). Aucune autre cité grecque n’a non plus témoigné d’une telle activité rédactionnelle, d’où cette « disproportion flagrante entre les documents crétois et ceux du reste du monde grec » (Nomima II, p. 4). La Crète, célèbre dans l’Antiquité pour ses lois (Platon y situe son dernier dialogue Les Lois), les a transcrites très tôt, spécificité bien marquée par Françoise Ruzé18. Il convient donc de s’interroger sur les motivations des rédacteurs donnant un aspect monumental au CdG (longueur 8,71 m, hauteur 1,705 m, 31 blocs de pierre sur 4 rangées, chacun d’environ 1 mètre de long et de 0,58 m à 0,31 m de hauteur), employant un alphabet très pauvre et une écriture boustrophedon. Ces signes extérieurs, bien visibles par tous les Gortyniens, étaient pour eux un message clair des dirigeants de la cité, qui s’abritaient derrière l’évocation du passé pour imposer leurs décisions. Mais à ces marques formelles d’archaïsme, s’ajoute pour le lecteur contemporain la distance temporelle, qui l’empêche d’avoir accès à la « connaissance partagée » des Gortyniens : les auteurs de Nomima (II, p. 144) notent à propos « d’autres dispositions qu’il [= le Code] ne reprend pas : ce sont des affaires bien connues des contemporains ». Un autre obstacle est la langue juridique, souvent opaque et qui procède par ellipses : un exemple le montrera.

  • 19 Un hypéronyme est un mot dont le sens inclut d’autres mots plus spécifiques, ainsi animal inclut ch (...)
  • 20 La mention du père ou du frère semble indiquer qu’il peut s’agir d’une célibataire : la prescriptio (...)
  • 21 Traduction du passage non transcrit « chez son père, son frère ou son mari ».
  • 22 Le texte ajoute « chez un autre, cinquante ».
  • 23 Un non-libre dôlos est d’abord présenté comme coupable, mais pas l’homme libre, sujet sous‑entendu (...)
  • 24 C’est un argument que les commentateurs, invoquant des lacunes dans les situations des personnes, n (...)

8c) Un procédé stylistique, l’ellipse : le CdG emploie des termes qui a priori, ne semblent poser aucun problème, mais qui sont en réalité complexes sémantiquement. Le cas le plus évident est ἐλεύθερος « libre », qu’il s’agisse d’un adjectif ou d’un substantif. Cette traduction convient pour le tout début de l’inscription ὄς κʹ ἐλευθέρōι δṓλōι µέλλɛ̄ι ἀνπιµṓλɛ̄ν (I 2‑3) : « celui qui doit aller en procès à propos d’un libre ou d’un esclave », parce que l’opposition « libre » / « non‑libre » est fondamentale dans le monde grec (attique ἐλεύθερος / δοῦλος). Mais le terme exige une clarification d’après ses occurrences de II 2‑7, αἴ κα τὸν ἐλεύθερον τὰν ἐλευθέραν κάρτει οἴπɛ̄ι, ἐκατὸν στατɛ̃ρανς καταστασεῖ ˙ αἰ δέ κ’ ἀπεταίρō, δέκα ˙ αἰ δέ κʹ ὀ δõλος τὸν ἐλεύθερον τὰν ἐλευθέραν, διπλεῖ καταστασεῖ : « Si (quelqu’un) viole l’éleuthéros ou l’éleuthéra, il devra payer cent statères ; s’il (viole une personne relevant) de l’apétairos, (il devra payer) dix (statères) ; si le dôlos (viole) l’éleuthéros ou l’éleuthéra, il devra payer le double. » On apprend, en II 41‑42, que l’apétairos doit prononcer un serment, il est donc un libre, éleuthéros, puisqu’il n’a pas de maître, à la différence du non‑libre dôlos, qui, n’ayant pas le droit de jurer lui‑même, est représenté par son maître. On en déduit que le sens de τὸν ἐλεύθερον τὰν ἐλευθέραν n’est pas identique dans la première occurrence (II 2‑3) et dans la seconde (II 5‑7). Le terme désigne d’abord l’homme et la femme qui sont au niveau social le plus haut et pour lesquels l’amende en cas de viol est dix fois plus élevée que celui d’un apétairos ; c’est le « citoyen », au génitif pluriel πολιατᾶν (X 35‑36, XI 14), mais, comme il n’y a pas de « citoyenne » à Gortyne, le terme n’existe pas, le rédacteur se contente de τὸν ἐλεύθερον τὰν ἐλευθέραν. L’adjectif / substantif ἐλεύθερος, pouvant qualifier un statut et une catégorie sociale, est un hypéronyme19 : ainsi en II 5‑7, avec ἐλεύθερος le rédacteur exprime de manière très condensée que, si le dôlos viole un citoyen ou une femme de la famille du citoyen il devra payer deux cents statères, mais que s’il viole une personne relevant de l’apétairos, il payera vingt statères. La même tournure elliptique est employée pour les relations sexuelles illégitimes20 : (II 20‑27) αἴ κα τὰν ἐλευθέραν µοικίōν αἰλεθɛ̃ι…21 ἐκατὸν στατɛ̃ρανς καταστασεῖ…22 · αἰ δέ κα τὰν τõ ἀπεταίρō, δέκα ˙ αἰ δέ κʹ ὀ δõλος τὰν ἐλευθέραν, διπλεῖ καταστασεῖ, « Si (quelqu’un) est surpris en flagrant délit de relations sexuelles illégitimes avec l’éleuthéra, il devra payer cent statères ; si c’est avec la femme relevant de l’apétairos, (il devra payer) dix (statères) ; si le dôlos (est surpris en flagrant délit de relations sexuelles illégitimes) avec l’éleuthéra, il devra payer le double23 ». L’ellipse permet au rédacteur d’envisager tous les cas de figure, en croisant statuts et positions sociales des victimes et des coupables : s’agissant d’un barème des délits, il va de soi que tous ces cas doivent être envisagés24.

3. Étude linguistique et droit

9a) Apport de la linguistique : certaines situations susceptibles d’une interprétation juridique sont clarifiées :

    • 25 Création gortynienne, ce verbe contracte en -e doit être accentué propérispomène, si l’on veut acce (...)

    en I 2‑3, le texte énonce : ὄς κʹ ἐλευθέρōι ε̄̓̀ δṓλōι µέλλɛ̄ι ἀνπιµṓλɛ̄ν25͵ πρὸ δίκας µε̄̀ ἄγεν ; les traductions hésitent, pour le subjonctif µέλλɛ̄ι, entre « être sur le point de » ou « devoir ». La prescription fait référence à une situation juridique attestée à Athènes et à Rome, celle d’un homme qui conteste le statut ou la possession d’une personne. Dans un stade ancien du droit, « la force prime le droit », le « saisissant » paraît mettre le droit de son côté. Mais, comme la question doit être réglée en justice, défense est faite désormais de pratiquer une saisie avant procès. La traduction de µέλλɛ̄ι est « devoir » : les deux parties — le « saisissant » et son adversaire — doivent se retrouver devant le juge. La traduction est ainsi : « Défense à celui qui doit aller en justice à propos d’un eleutheros ou d’un dôlos, de s’en saisir avant procès » ;

    • 26 Voir Chantraine (1968).
    • 27 Le verbe ὀπυίω à l’actif et au passif s’emploie indifféremment pour les libres et les non‑libres. L (...)
    • 28 Le substantif πατρōιõκος désigne la fille qui, au décès de son père et en l’absence de frère ou d’e (...)
    • 29 Le verbe ὀπυίεθ̣αι est un infinitif d’ordre, comme dans les prescriptions de médicaments « à boire (...)
    • 30 Ceux qui la demandent de sa tribu, qui est celle de son père, ont le même statut et la même situati (...)
    • 31 Les commentateurs, songeant à la situation de la femme athénienne, ont généralement conclu à un mei (...)

    dans plusieurs passages, le verbe, qui à l’actif ὀπυίω est employé pour un homme, est morphologiquement un moyen-passif quand il caractérise une femme : il faut alors préciser sa diathèse. Aristote dit clairement : Ὅσοις µὲν οὖν φύσις αἰτία͵ τούτους µὲν οὐδεὶς ἂν εἴπειεν ἀκράτεις͵ ὥσπερ οὐδὲ τὰς γυναῖκας͵ ὅτι οὐκ ὀπύουσιν ἀλλʹ ὀπύονται, « Ceux chez qui la nature est la cause de ces dépravations, on ne saurait les appeler intempérants, pas plus qu’on ne qualifierait ainsi les femmes, sous le prétexte que dans la copulation leur rôle est passif et non actif » (Éthique à Nicomaque, VII, 1148b ; traduction Jules Tricot). Par conséquent le verbe appliqué à une femme est un passif26 : ce sémantisme ne surprend pas, dans la mesure où le mariage d’une femme a, pendant des millénaires, relevé des seuls parents, surtout du père. Le juriste s’interrogera alors sur deux notions contradictoires au premier abord, quand le verbe « vouloir » qualifie un acte passif, comme deux exemples (parmi d’autres) le montrent. En III 17‑20 la prescription dit à propos d’une femme avec enfants qui devient veuve αἴ κα λɛ̃ι ἀ γυνά͵ … ὀπυίεθθαι, « si la femme (du défunt) le veut, elle sera à nouveau unie à un mari27 » et en VII 50‑52 αἴ δʹ ἐπιβάλλōν µ εἴɛ̄͵ τᾶς πυλᾶς τõν ἀἰτιόντōν ὄτιµι κα λɛ̃ι ὀπυίεθ̣αι, « S’il n’y avait pas d’ayant‑droit (au mariage avec la patroiokos28), (elle) devra être unie avec celui qu’elle veut parmi ceux de la tribu qui la demandent (en mariage) ». Dans le cas de la veuve autorisée à contracter une nouvelle union, on peut se demander si la décision vient d’elle seule ou de sa famille d’origine : le CdG ne mentionne pas de tuteur pour la femme, mais le verbe au passif suggère qu’elle n’est pas maîtresse de la décision. Dans le second exemple, la « volonté » est bien restreinte : elle doit être soumise à une union29, et elle peut uniquement choisir parmi ceux qui la demandent en mariage30. Il convient donc d’examiner attentivement toutes les occurrences du verbe « vouloir » (ou de ses équivalents) concernant les femmes, pour déterminer la position de la femme telle que le CdG la décrit31.

  • 32 La seule occurrence de l’indicatif aoriste actif est en XI 19‑20 : ἆι τάδε τὰ γράµµατʹ ἔγραπσε, « c (...)
  • 33 C’est de la seconde moitié du viie siècle que date la loi de Dréros sur la non‑itération du cosmat  (...)
  • 34 Voir Van Effenterre (2000, 175‑184).
  • 35 Aristote, s’interrogeant sur les différents types de gouvernements, oppose deux types de lois κυριώ (...)

10b) « Droit et écrit » : une première lecture du CdG fait apparaître la prédominance du verbe γράφω presque exclusivement au parfait passif, indicatif ou participe32, avec, de plus, quatre occurrences du substantif pluriel τὰ γράµµατα littéralement « les lettres » (VI 15, IX 16, XI 20, et, au génitif XII 3). Dans les expressions κατὰ τὰ ἐγραµµένα (III 20‑21, IV 11, 51, XII 9) « selon ce qui est écrit », τὸν πάτρōα καὶ τὸµ µάτρōα τὸνς ἐγραµµένονς (XII 14) « le parent paternel et le parent maternel qui sont écrits », les participes parfaits passifs τὰ ἐγραµµένα et τὸνς ἐγραµµένονς se rapportent à la présente loi. Les occurrences de l’indicatif parfait passif ἔγραται (VII 47‑48) et surtout de ἔγρατται (20 occurrences, avec ἆι͵ ἆιπερ͵ ἀλλᾶι͵ ) situent également la loi écrite au moment de sa rédaction : or, dans la proposition ἆι ἔγραττο πρὸ τȏνδε τȏν γραµµάτōν (XII 2‑3) « comme il était écrit avant ces lettres (= cette loi) », l’unique plus-que-parfait passif ἔγραττο révèle l’existence d’une loi écrite antérieure. Ce point capital, même si la chronologie de cette loi ne peut être précisée, atteste de la volonté des dirigeants gortyniens de se servir de l’écrit pour légiférer33. Il appartient aux juristes de trancher si le CdG est un code ou une loi34, mais on ne peut dénier que l’érection d’un ensemble monumental et la pratique scripturale manifestent un acte politique fort, qui pose la question du but recherché. La loi écrite est l’expression de l’aristocratie au pouvoir35.

                                                                               Monique BILE

B – La dimension juridique

Introduction

  • 36 Il faut noter qu’à plusieurs titres des articles de Henri van Effenterre, republiés dans Minos, ont (...)
  • 37 Gagarin & Perlman (2016)
  • 38 Maffi (1997, 435‑446) ; voir aussi Maffi (2007, 273‑279).
  • 39 Les soldats-citoyens au niveau supérieur et les dépendants-woikeis au niveau inférieur : Nomima II, (...)

11En 2013, par les soins de Françoise Ruzé, un recueil des écrits de Henri van Effenterre a été publié sous le titre de Minos et les Grecs. La cité revisitée (= Minos). Cela a rendu possible de situer les commentaires des textes publiés dans Nomima, forcément assez brefs, dans le contexte de la pensée, beaucoup plus structurée, qui se dégage des articles publiés dans Minos. Particulièrement intéressantes se révèlent les contributions de van Effenterre aux Symposia (c’est-à-dire aux colloques internationaux consacrés au droit grec, qui ont lieu tous les deux ans), soit celles qui précèdent (à partir de 1977), soit surtout celles qui suivent la publication de Nomima (jusqu’au dernier Symposion, 1999, auquel il a participé). Ces derniers textes réalisent en effet une sorte de dialectique par l’auteur lui‑même avec les commentaires de Nomima, auxquels ils renvoient souvent de façon explicite36. Un compte rendu de la résonance que Nomima et Minos ont eue dans les études d’épigraphie et de droit grec (je songe en particulier au recueil des inscriptions crétoises publiées en 2016 par M. Gagarin et P. Perlman sous le titre de The Laws of Ancient Crete, ouvrage qui est dédié à van Effenterre) occuperait trop d’espace37. Je me bornerai donc à renouer avec le compte rendu des deux volumes de Nomima que j’ai publié il y a presque 25 ans38. Mon compte rendu se concentrait en grande partie sur l’Introduction aux « Lois de Gortyne », qui se trouve au début du deuxième volume de Nomima (p. 3‑18). Je voudrais ici privilégier de nouveau le Code ; mais au lieu de discuter, comme je l’avais fait en 1997, la portée des mots‑clés qui conduisaient H. van Effenterre à postuler l’existence d’une société à deux niveaux39, je resterai sur un plan plus général.

12Soit dans Nomima, soit dans bon nombre des articles republiés dans Minos, l’interprétation des textes anciens est conduite à l’enseigne de la dimension juridique : il suffirait de songer au titre de Nomima que H. van Enffeterre et F. Ruzé ont voulu donner aux deux volumes du Recueil. Ce qui m’intéresse ici est donc de comprendre quelle était l’idée de droit sous‑jacente à leurs analyses, et de m’interroger sur sa validité pour la recherche.

13Le premier point qu’il faut souligner est que H. van Effenterre veut s’occuper de droit en tant qu’historien, non pas en tant que juriste. On retrouve dans ses écrits maintes références à la façon dont les juristes (c’est-à-dire les juristes historiens du droit) s’occupent de ces mêmes textes. Je citerai à ce propos quelques passages : « Il ne nous est pas possible […] de résumer ni de prendre parti, dans ce Recueil, sur les innombrables commentaires des historiens du droit pour des textes si riches et qui soulèvent tant de questions » (Nomima II, p. 160 à propos de la colonne IX 24‑43 du Code) et encore : « Au terme de cette étude dont nous sentons bien qu’elle gagnerait à impliquer des vrais juristes, quelles conclusions un historien peut‑il en tirer ? » (Minos, p. 504). Il s’agit de la page conclusive de la contribution de van Effenterre et de sa femme Micheline au Symposion 1997, « Le vocabulaire de l’appartenance dans la loi de Gortyne » (= Minos, p. 495‑506), un texte sur lequel on va bientôt revenir (voir infra « L’appartenance »).

1. « Droit et prédroit » dans la réflexion de van Effenterre

  • 40 L’application de ce critère rejoint des sommets de virtuosité funambulesque dans les deux études dé (...)

14Quelle est donc la façon de s’occuper du droit grec archaïque prônée par van Effenterre ? Il faut partir d’une prémisse qui fait souvent surface de façon explicite ou implicite dans ses travaux. Le droit archaïque est un ensemble « de règles pratiques bien éloignées de toute analyse théorique. Ce qui compte, c’est la vie quotidienne, avec ses exigences élémentaires. Si elles vont dans le sens du droit ou de l’équité, tant mieux ! » (Minos, « L’appartenance », p. 499). En cela van Effenterre rejoint l’opinion dominante parmi les juristes : la Grèce n’a pas connu des spécialistes du droit, comparables aux juristes romains. Mais il va au‑delà (surtout dans une série d’articles qui se succèdent et se complètent dans les cinq dernières années du siècle dernier, et qu’on pourra retrouver dans Minos). Car il établit une opposition entre règle pratique et règle « juridique » au sens strict40. Il suffit de retourner à ce propos à la dernière page de « L’appartenance », déjà citée. L’analyse du « riche vocabulaire » de l’appartenance « a montré qu’il n’a jamais amené les anciens Crétois à une quelconque théorisation de ce droit. Ils s’inspiraient de la coutume, de l’équité, du souci de la communauté, sans faire référence aux principes. Ils faisaient du droit sans le savoir ! ». Pourtant l’idée qu’on puisse déceler dans le Code un effort vers une conceptualisation juridique n’est pas du tout absente de la pensée de H. van Effenterre. Dans « La codification gortynienne, mythe ou réalité ? » (= Minos, p. 443‑452), van Effenterre excluait qu’on puisse « parler de véritables codes en Crète » ; néanmoins il constatait « un effort de codification ». Cet effort se serait réalisé partiellement dans le texte même du Code (van Effenterre citait en particulier « un code de l’adoption » et « un code de l’épiclérat » ; il aurait pu y ajouter le règlement du procès d’état dans la colonne I du Code, la répression des délits sexuels dans la colonne II, le code de la succession à cause de mort dans la colonne V). Pour l’adoption et l’épiclérat, il s’agit d’institutions qui existaient déjà ; mais « il y a des textes légaux qui n’ont apparemment aucune raison d’être sauf à résulter d’une réflexion juridique théorique. C’est surtout le cas en droit civil » (Minos, p. 449). Les auteurs des textes issus de cette réflexion seraient probablement non pas les magistrats, mais les scribes (tel le célèbre Spensithios : voir Nomima I, 22) ou bien les mnamones (qui dans le Code assistent les juges, voire les magistrats). Et à propos de la terminologie assez obscure qu’on trouve dans un passage du Code déjà mentionné (col. IX 24‑43), on lit dans Nomima II, p. 160 : « Ce sont des expressions du langage courant qui sont donc utilisées et le sens en est discuté par la critique puisqu’elles doivent correspondre ici à des espèces juridiques précises. »

  • 41 Gernet (1948‑1949, 21‑119).
  • 42 On perçoit là un écho des thèses bien connues de K. J. Hölkeskamp, auquel le couple van Effenterre (...)

15Il y a donc une oscillation dans la façon d’envisager le droit : d’un côté, la pratique du droit ; de l’autre, les ébauches d’une théorie juridique. C’est une opposition que van Effenterre lui‑même rattache à la dichotomie entre prédroit et droit, élaborée par Louis Gernet41. C’est ce que nous confirme le titre de la communication de van Effenterre au Symposion 1985 : « Droit et prédroit en Grèce depuis le déchiffrement du linéaire B » (= Minos, p. 207 et suiv.). Pourtant, dans ce texte, van Effenterre, s’appuyant sur le fait que l’article de Gernet (1948‑1949) était antérieur au déchiffrement de l’écriture mycénienne, établit une nouvelle chronologie. La dimension du prédroit, documentée selon Gernet par les « légendes héroïques » et « des épisodes de l’Iliade et de l’Odyssée » (Minos, p. 209), avait été précédée par des manifestations d’un droit, dont témoignent « des formes mycéniennes analogues à celles du grec classique : actes d’achat […], de location […], de concession de privilèges, […] un régime foncier [qui] nous montre une terre chargée de droits » (Minos, p. 208‑209). Bref : « on est très loin des traditions, conduites ou rites parmi lesquels Louis Gernet cherchait à définir son prédroit » (Minos, p. 209). Il faut donc se figurer une succession à trois volets : droit mycénien — prédroit qui caractérise les « Âges Obscurs » — droit de la cité archaïque. Mais, lorsqu’il s’occupe spécifiquement de la Crète, la perspective de van Effenterre change. Dans « Les Lois de Minos », contribution à un Colloque qui fut tenu à Heidelberg en 1994 (= Minos, p. 201 et suiv.), van Effenterre soutient que plusieurs sources (entre autres Platon, Aristote, Strabon) assurent l’existence de nomoi crétois avant l’arrivée des Doriens dans l’île. Or, « à l’âge des Législateurs […] les lois dont nous avons connaissance sont des textes de circonstance, des actes de politique pratique ». Elles ne sont pas « l’expression d’une rationalité qui prétendrait codifier une législation » (Minos, p. 204). « Elles supposent, à l’arrière‑plan, l’habitude d’un même droit ou pré‑droit : degrés de la liberté, famille, propriété, contrats, responsabilité […] rôle de l’autorité, devoirs cultuels, tant de choses sont déjà communes » (Minos, p. 205). Voici donc une notion de prédroit qui ne s’oppose pas au droit mais coïncide avec le droit. Car les lois, qui devraient se substituer au prédroit, « ont le plus souvent le caractère de spécifications, de dérogations, de corrections » (Minos, p. 205). Ce qui fait que, même s’ils se servaient d’un droit écrit, les Crétois préféraient « les règles pratiques aux formulations proprement juridiques » (Minos, p. 504). Je crois que l’on touche là à l’aspect le plus original de la pensée de van Effenterre au sujet du droit : le contenu des lois écrites ne représente pas un changement de paradigme en ce qui concerne les structures publiques et les relations privées à l’intérieur de la communauté ; la loi écrite intervient seulement pour corriger et améliorer sur le plan pratique le fonctionnement des règles coutumières42. Pourtant cette conception réductionniste de la fonction de la loi n’arrive pas à expliquer les « espèces juridiques » que van Effenterre lui‑même décèle, comme on l’a vu, dans des passages du Code.

2. Autour du « vocabulaire de l’appartenance »

  • 43 Il faut remarquer ici que le thème des expressions signifiant l’appartenance a été longuement discu (...)

16Parmi les travaux de la période la plus féconde de la réflexion de van Effenterre sur le droit, que l’on a auparavant évoquée, l’étude la plus importante est probablement « Le vocabulaire de l’appartenance dans la loi de Gortyne » (Minos, p. 495‑506) par van Effenterre et sa femme Micheline. D’emblée les auteurs posent la question : « Pourquoi parler d’appartenance » et non de « propriété » ou de « possession » selon l’usage classique ? » (p. 495). La réponse est significative : « C’est qu’à l’époque archaïque, on ne fait expressément la différence entre les diverses formes de ce droit de l’“avoir” et la capacité d’user de ce droit » (ibid.). Une affirmation qui sera encore mieux précisée dans la conclusion d’un article publié dans Ktéma, 23, 1998, « Public et privé dans la Crète archaïque » (= Minos, p. 489‑494) : « […] ce qui compte surtout dans ce droit crétois de l’archaïsme, c’est la destination, l’usage des choses et la fonction des êtres, beaucoup plus que leur statut » (Minos, p. 493). La notion d’appartenance recouvre donc, à l’avis des auteurs, « toutes sortes de situations de fait » (Minos, p. 496). L’article se développe ensuite sous trois rubriques : « 1) les expressions banales de la propriété ; 2) la disposition ; 3) les interventions du pouvoir (la cité) dans ce domaine » (p. 496). Par expressions banales les auteurs se réfèrent à une série de verbes (« avoir », « être à »), d’adjectifs (« les siens », les « biens maternels »), de locutions (ἐς κɛ̃ρανς : col. I 27 et 35 du Code), pour conclure encore une fois que « l’appartenance n’est encore décrite là que comme une situation de fait, pas forcément comme une valeur de droit » (p. 496). Il est vrai que les situations ainsi décrites peuvent dépendre d’un impératif légal ; mais « le bénéficiaire peut n’être pas en mesure de faire jouer son droit […] parce que aussitôt contesté. Le vocabulaire est alors incapable de distinguer entre le fait et le droit » (ibid.). C’est ce qu’on voit par exemple dans le cas de la saisie avant procès, qui est interdite par la première prescription du Code (col. I 2‑3) : « c’était au saisi […] de récupérer la liberté le cas échéant, de faire valoir un droit différent » (p. 498). Or, il faut bien remarquer que les auteurs eux‑mêmes reconnaissent que le contraste se déroule à l’intérieur de la sphère juridique tracée par le législateur. Comme d’ailleurs c’est la loi qui dispose « l’envoi en possession » des héritiers qui veulent partager les biens (col. V 32‑34 du Code). Qu’un droit puisse être contesté ne modifie donc pas sa nature juridique. Les auteurs examinent ensuite (rubrique la « disposition ») la faculté de disposer librement de ce que l’on a, c’est-à-dire un faisceau de facultés qui caractérisent la propriété selon la théorie du droit romain (jus utendi, fruendi, abutendi). De l’avis des auteurs, on en trouve un seul exemple dans le Code : en cas de non‑rachat des adultères pris en flagrant délit, « ceux qui les ont pris auront le droit d’en faire ce qu’ils voudront » (col. II 35‑36 du Code) » (p. 498) ; « c’est une règle exceptionnelle, sûrement un souvenir du prédroit ». Or, il faut souligner que tous les droits de l’Antiquité (y compris le droit romain) admettent dans certaines circonstances le recours à l’autotutelle : ce sont donc des pratiques reconnues par le droit de la cité (et d’ailleurs dans l’exemple de la colonne II du Code rappelé par les auteurs, à la différence de ce qui arrive à Athènes, la loi fixe un délai avant de pouvoir « faire ce qu’ils voudront »). De toute façon nous sommes sur le terrain du droit pénal, c’est-à-dire du droit à la vengeance, qui n’a rien à voir avec le droit de propriété du droit civil. En poursuivant l’examen des pouvoirs de disposition, les auteurs étudient en particulier la portée de la formule καρτερὸν µɛ̄ν, qui, à leur avis, « implique une hiérarchie de droits » (p. 499). Selon les auteurs, comme nous l’avons déjà signalé, dans les passages du Code où apparaît cette formule « on est en présence […] de règles pratiques bien éloignées de toute analyse théorique » (p. 499). Les auteurs proposent comme exemple « la prévalence en faveur d’un statut de liberté […] (I 17‑18) » si la personne, apparemment libre, est revendiquée comme esclave (p. 500). Et ils ajoutent : « En dépit des apparences, ce n’est pas pour une raison de morale politique, c’est simplement qu’il faut bien une règle, bonne ou mauvaise, en attendant le jugement qui dira le droit » (ibid.). Or, il faut remarquer que le critère établi par cette règle se retrouve en termes analogues dans le droit romain (favor libertatis), et que dans le passage cité du Code c’est le juge (dikastas) qui doit appliquer ce critère pour décider la cause43. Il se peut donc que cette « règle pratique » ait à l’origine une motivation politique, mais grâce au Code elle a été pleinement reçue dans l’univers juridique (ce que d’ailleurs reconnaissent les auteurs eux‑mêmes p. 498). Pour conclure l’examen sur ce point essentiel qui doit faire comprendre de quelle façon le législateur gortynien conçoit le droit, on pourrait dire que les solutions envisagées par la loi sont peut‑être conformes à la coutume ou à l’équité, non pas à des principes juridiques préconstitués et cohérents ; mais du moment qu’elles sont édictées par le législateur elles deviennent droit. Donc ils savaient qu’ils faisaient du droit ! Le problème qui se pose concerne plutôt, à mon avis, le fait que la législation écrite ne recouvre pas tous les cas qui peuvent se présenter, et la coutume elle‑même peut rester muette, surtout s’il s’agit de rapports qui dérivent de l’économie monétaire, dont on décèle maintes traces dans le Code mais qui est sûrement un phénomène récent. Ce sera alors le juge qui aura le pouvoir de décider selon un équivalent de la γνώµη δικαιοτάτη qui, à Athènes, comble les lacunes de la loi. C’est ce que nous apprend la colonne XI 29‑31 : « Pour les autres (cas), il décidera sous serment d’après les dires des parties » (tr. Nomima II, p. 36). Enfin le troisième volet de l’article (« L’intervention de la cité ») souligne « l’apparition des principes fondamentaux du droit que sont la non‑rétroactivité de la loi d’une part et la nécessaire prescription des actions en justice après un certain délai d’autre part » (p. 502). En plus la loi « fixait des limites aux changements d’appartenance qui auraient risqué d’ébranler les équilibres sociaux », comme en matière de donation et de dot. L’intervention de la cité est révélée aussi par les privilèges « que la communauté concède à des gens de bonne foi dont les droits à l’“avoir” pourraient être menacés » (p. 503). Il me semble donc que pour les auteurs eux‑mêmes l’intervention de la cité se réalise justement par la loi. En élargissant cette dernière perspective, il me semble important de souligner que, au‑delà de la casuistique qui caractérise la plupart des normes contenues dans le Code (comme les auteurs le remarquent p. 504), le législateur intervient pour dessiner un modèle familial où le pouvoir du chef de famille sur les membres qui en font partie est exceptionnellement limité par la loi. À mon avis c’est cette intention du législateur qui fait du droit de la famille contenu dans le Code un droit codifié. L’article sur « L’appartenance » se termine par une remarque qui, à mon avis, représente le véritable héritage que l’œuvre de van Effenterre laisse à ceux qui veulent poursuivre l’étude du Code : « […] le droit et le vocabulaire de la Loi semblent en perpétuelle évolution […] Est‑on vraiment au clair aujourd’hui pour Gortyne […] sur les raisons qui ont poussé le législateur antique à choisir tel ou tel vocable de préférence à un autre ? » (p. 504). D’un certain point de vue, c’est une question qui renvoie à la thèse de H. J. Wolff (que van Effenterre cite dans « Droit et prédroit », Minos, p. 206), selon laquelle les lois grecques recèlent une dogmatique sous‑jacente, non élaborée de façon explicite, que l’interprète moderne doit découvrir et illustrer. Il est donc de la collaboration entre linguistes et juristes que la question posée par le couple van Effenterre a des chances de trouver une réponse : c’est justement la tâche que les auteurs de cet article s’efforcent de mener à bien en poursuivant le projet d’un nouveau commentaire du Code de Gortyne.

                                                                               Alberto MAFFI
 

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Notes

1 Nomima I, no 13, p. 64‑67, n’étudie qu’un passage du CdG, VI 46‑55 traitant du remboursement d’une rançon. Dans cette première partie du livre consacrée à « l’identité civique » (p. 25), les auteurs s’intéressent au substantif, au génitif, ἀλλοπολίας (VI 47) « une cité étrangère » (traduction p. 64) : le passage ferait référence à un homme habitant temporairement dans une cité autre que la sienne et où il serait sans droit (p. 66, en italique). L’allopolia, présentée p. 55, concerne pour l’instant, cinq documents crétois.

2 Thénon (1863, 441‑447).

3 Bréal (1878, 346‑356).

4 Halbherr & Fabricius (1885).

5 Comparetti (1885, 233‑287).

6 Baunack (1885).

7 Bücheler & Zitelmann (1885).

8 Dareste, Haussoullier & Reinach (1894, 352‑391 et 404‑484).

9 Kieckers (1908), Brause (1908).

10 Thumb (1909).

11 Thumb & Kieckers (1932, 143‑170).

12 Bechtel (1923), Buck (1955).

13 On se reportera à l’article de Bile, Brixhe & Hodot (1984, 155‑203) qui détaille les failles de la seule analyse philologique négligeant les apports de la linguistique contemporaine.

14 Willetts (1967).

15 Dans Giannakis (2014, I, 565).

16 Dans Giannakis (2014, II, 19 et 21), la page 20 comportant deux photos du CdG. Elle avait déjà publié Leyes de Gortina, Madrid, Ediciones Clásicas.

17 Maffi (1992, 188‑210).

18 Ruzé (1992, 82‑94).

19 Un hypéronyme est un mot dont le sens inclut d’autres mots plus spécifiques, ainsi animal inclut chat, poisson, vache, etc. ; un autre hypéronyme, mais négatif, est δõλος ; voir Bile (2019, 29‑47).

20 La mention du père ou du frère semble indiquer qu’il peut s’agir d’une célibataire : la prescription ne se rapporterait pas seulement à l’adultère.

21 Traduction du passage non transcrit « chez son père, son frère ou son mari ».

22 Le texte ajoute « chez un autre, cinquante ».

23 Un non-libre dôlos est d’abord présenté comme coupable, mais pas l’homme libre, sujet sous‑entendu de II 2‑5 et de 20‑25. Ce dernier est seulement coupable du viol d’un woikeus, qui « vaut » quarante fois moins que le citoyen, donc c’est un délit sexuel assez peu puni.

24 C’est un argument que les commentateurs, invoquant des lacunes dans les situations des personnes, n’ont pas pris en considération.

25 Création gortynienne, ce verbe contracte en -e doit être accentué propérispomène, si l’on veut accentuer « à l’attique », l’accentuation du crétois étant inconnue. En effet, l’infinitif présent actif des verbes contractes a, dans le dialecte, une finale composée de la voyelle du radical et du -e du suffixe ; voir Bile (1988, 225).

26 Voir Chantraine (1968).

27 Le verbe ὀπυίω à l’actif et au passif s’emploie indifféremment pour les libres et les non‑libres. Le texte étant muet sur les formes de mariage possibles, la traduction « s’unir » (actif), « être unie » (passif) semble convenir pour les deux statuts.

28 Le substantif πατρōιõκος désigne la fille qui, au décès de son père et en l’absence de frère ou d’enfants du frère, hérite des biens paternels, et qui doit épouser son plus proche parent paternel : le mariage a pour but la procréation d’un fils qui héritera des biens du grand‑père maternel.

29 Le verbe ὀπυίεθ̣αι est un infinitif d’ordre, comme dans les prescriptions de médicaments « à boire avant les repas ».

30 Ceux qui la demandent de sa tribu, qui est celle de son père, ont le même statut et la même situation sociale, ils sont interchangeables. Donc, peu importe « l’élu » de la patroiokos, il fera l’affaire aussi bien qu’un autre.

31 Les commentateurs, songeant à la situation de la femme athénienne, ont généralement conclu à un meilleur sort pour la femme à Gortyne. Pour la comparaison avec Athènes dans beaucoup de domaines, les auteurs de Nomima II, p. 5 écrivent justement « Gortyne était‑elle en retard ou en avance sur son temps ? — temps naturellement mesuré à l’horloge athénienne ».

32 La seule occurrence de l’indicatif aoriste actif est en XI 19‑20 : ἆι τάδε τὰ γράµµατʹ ἔγραπσε, « comme cette loi le prescrit », avec aoriste gnomique ; pour la traduction de ἆι, voir Bile (2013, 9‑17).

33 C’est de la seconde moitié du viie siècle que date la loi de Dréros sur la non‑itération du cosmat ; voir Nomima I, no 81, p. 306‑309.

34 Voir Van Effenterre (2000, 175‑184).

35 Aristote, s’interrogeant sur les différents types de gouvernements, oppose deux types de lois κυριώτεροι καὶ περὶ κυριωτέρων τῶν κατὰ τὰ γράµµατα νόµων οἱ κατὰ τὰ ἔθη εἰσιν (Politique, 1287b), « les lois fondées sur des coutumes ont une autorité plus grande et concernent des questions d’une importance plus grande que les lois écrites » (traduction Jean Aubonnet, CUF). Les dirigeants gortyniens du ve siècle ont eu tendance à renverser l’ordre de ce binôme.

36 Il faut noter qu’à plusieurs titres des articles de Henri van Effenterre, republiés dans Minos, ont été ajoutés entre parenthèses les numéros des textes de Nomima auxquels ils se réfèrent (à l’exception de Criminal Law in Archaic Crète, qui reproduit la contribution de van Effenterre au Symposion 1990 : on aurait dû donc rajouter au no 36 de Minos « Cf. Nomima II, 80 »). Je suppose que cette intégration, très utile, est due à Françoise Ruzé, qui a édité le volume. J’ajoute que mon texte vise ici seulement la pensée de van Effenterre (et, à l’occasion, de sa femme Micheline). L’élaboration des commentaires de Nomima dans les travaux de F. Ruzé devrait former l’objet d’une appréciation séparée.

37 Gagarin & Perlman (2016)

38 Maffi (1997, 435‑446) ; voir aussi Maffi (2007, 273‑279).

39 Les soldats-citoyens au niveau supérieur et les dépendants-woikeis au niveau inférieur : Nomima II, p. 8 et suiv.

40 L’application de ce critère rejoint des sommets de virtuosité funambulesque dans les deux études dédiées à la scène judiciaire du Bouclier d’Achille (Il. XVIII 499 et suiv.), qu’on peut lire dans Minos, p. 641 et suiv., et p. 649 et suiv.

41 Gernet (1948‑1949, 21‑119).

42 On perçoit là un écho des thèses bien connues de K. J. Hölkeskamp, auquel le couple van Effenterre se réfère explicitement dans La codification gortynienne, mythe ou réalité ? (Minos, 443 et suiv.), p. 448.

43 Il faut remarquer ici que le thème des expressions signifiant l’appartenance a été longuement discuté, par Gagarin (2008, p. 5‑25 ; 2012, p. 73‑92) et Maffi (2012, p. 93‑123). Dans le premier de ses deux articles Gagarin tient compte de l’opinion du couple van Effenterre.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Monique Bile et Alberto Maffi, « Linguistique et droit dans l’étude du Code de Gortyne, trente ans après la publication de Nomima »Gaia [En ligne], 27 | 2024, mis en ligne le 02 juillet 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gaia/4263 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11xz5

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