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DOSSIER THÉMATIQUE
Strangers at Home. Civilizing Immigrants between Inclusion and Exclusion in Ancient Thebes

Cadmos le Phénicien et les élites sociales archaïques : mythe et histoire identitaire à Thèbes (ixe-vie siècle av. J.-C.)

Cadmos the Phoenician and the Archaic Social Elites: Myth, History and Identity at Thebes (9th–6th B.C.)
Karin Mackowiak

Résumés

La figure de Cadmos le Phénicien, fondateur et civilisateur, a le plus souvent été approchée d’un angle de vue positiviste, structuraliste ou linguistique. De nouvelles hypothèses relatives au héros doivent être proposées qui prennent en compte les logiques identitaires et les stratégies de reconnaissances sociales des élites de l’époque archaïque. Avant d’évoluer dans les logiques identitaires d’époque classique — essentiellement athéniennes — la fonction du héros a pu correspondre à une légitimation et à une structuration de la société et des élites thébaines, une réalité présente en filigrane derrière les plus anciennes sources — Homère et Hésiode — qui évoquent le héros.

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Texte intégral

1Comment interpréter et comprendre Cadmos, héros fondateur et civilisateur ?

  • 1 Par exemple : Hellanicos de Lesbos, FGrH IA 4 F51 ; Euripide, Phéniciennes, 638-675 ; Apollodore, B (...)
  • 2 Vian (1963, chap. 2).

2L’histoire de « Cadmos le Phénicien » intrigue. Les récits antiques rapportent les péripéties du héros parti d’Orient et échouant par hasard en Béotie après avoir vainement cherché sa sœur, Europe1. Si le contexte historique de ce récit est initialement archaïque, la plupart des textes qui nous sont parvenus sont néanmoins tardifs : ils évoluent pour l’essentiel dans la mythographie attique d’époque classique dont les philologues, et notamment F. Vian2, ont tôt fait de dénoncer l’influence sur la vision du héros, auprès des anciens comme des modernes.

3Cadmos pose en effet une question énigmatique longtemps formulée comme suit par un certain nombre de chercheurs : l’histoire de ce héros censé être venu d’Orient s’installer sur la Cadmée ne correspondrait-elle pas à une réalité historique ? Est-il possible de trouver des traces matérielles de ce récit et de démontrer l’origine orientale de Cadmos dont les anciens, déjà, ne doutaient plus ?

4Des objets archéologiques exceptionnels, exhumés depuis le début du xxe siècle par les fouilles successives de l’acropole thébaine, avaient nourri la thèse d’une immigration orientale sur la Cadmée au IIe millénaire av. J.-C, quand Thèbes fut en contact avec l’Orient. Des objets, comme ce sceau-cylindre d’un roi babylonien d’époque cassite (fig. 1), ont contribué à faire de Cadmos l’explication historique de la présence de ce type d’objet sur la Cadmée.

Fig. 1. – Musée archéologique de Thèbes, Inv. 201

Fig. 1. – Musée archéologique de Thèbes, Inv. 201

Copie de K. Mackowiak d’après K. Dimakopoulou et D. Konsola, Musée archéologique de Thèbes. Guide, Athènes, 1981, fig. 11, p. 5.

  • 3 Voir par exemple : Hemmerdinger (1966, 698-703) ; Hammond (1967, 654).
  • 4 Voir Symeonoglou (1985, 64-83) qui utilise le récit pour reconstituer l’histoire de Thèbes.

5Mais les partisans de la thèse orientale cautionnèrent progressivement des origines différentes du héros — des origines phéniciennes, cananéennes, etc.3 — et démultiplièrent les interprétations fondées sur le réalisme du récit héroïque4. Or, c’était ignorer la forme d’expression culturelle et narrative par laquelle le héros nous est parvenu : le mythe. Si bien que la plupart des chercheurs du xxe siècle, plutôt que de considérer le fonctionnement de l’imaginaire grec et ses modes d’émergence, ont approché Cadmos d’un point de vue positiviste.

  • 5 Edwards (1979).

6Certes, une prise de conscience eut lieu chez les scientifiques qui sortirent le héros de cette ornière et de nouvelles lectures du mythe furent proposées. Il reste cependant intéressant de constater que ce fut de manière fort graduelle. Une première étape fut franchie par l’ouvrage de R. B. Edwards5 qui, en dépit de sa volonté à dissoudre le mirage oriental, donna pourtant à « l’énigme Cadmos » ses lettres de noblesse : en examinant les sources littéraires et archéologiques associées au héros et, plus largement, aux Phéniciens qui ont pu être en rapport avec le monde grec, Mme Edwards entretint l’ambiguïté d’une histoire qui, à défaut d’être réaliste, put malgré tout avoir lieu : le plausible laissait le champ ouvert à toutes les possibilités. Le civilisateur Cadmos restait potentiellement un immigrant et un importateur de savoirs orientaux à la dimension historique.

  • 6 Loraux (1996, 89-90). Voir également Detienne (2003, 61-120).

7Une seconde étape allait être ensuite franchie suite à la tentative — éclairante — de F. Vian : l’approche structuraliste. Dans Nés de la terre (1996), N. Loraux aborda Cadmos avec la conscience de l’historienne et de la littéraire familiarisée aux récits de fondations civiques, notamment athéniens : l’histoire cadméenne du meurtre du serpent d’Arès, l’extraction de ses dents jetées sur la terre par le héros et la naissance des Spartes fondent un récit d’autochtonie, de type civique. Mais la syntaxe du langage mythique posait en même temps problème aux yeux de Mme Loraux : bien qu’il soit lié au thème de l’autochtonie comme Erichthonios, Cadmos n’en reste pas moins un éternel errant, posant « un problème aigu à une conscience de stricte orthodoxie ». Cadmos « apparaît comme l’ajointement réussi d’une histoire d’épēlus et d’un thème d’autochtonie […], ajointant l’autre à du même […] ». Ainsi, le héros, sorti du positivisme, gagnait en mystère sur un autre plan : dans la juxtaposition des thèmes d’errance et d’autochtonie qui relèverait d’une anomalie et rendrait le mythe « d’accès malaisé »6.

  • 7 Mackowiak (2016a, 5-24), (2016b, 135-157), (2016c, 543-572).

8Il l’est, effectivement, lorsqu’il est abordé du point de vue de la culture athénienne, laquelle a ses caractères spécifiques, notamment au ve siècle av. J.-C. Mais N. Loraux disait elle-même que « sans doute, pour faire parler la tradition thébaine, faudrait-il s’immerger plus avant dans une minutieuse entreprise de reconstruction », ce qui fut progressivement fait par mes soins dans le domaine de l’imaginaire thébain de l’autochtonie7. Si N. Loraux a, d’expérience, subodoré des pistes de recherche, l’optique qu’elle jeta sur le mythe thébain n’était que partiellement ancrée dans le mode de pensée béotien. Or, c’est cette culture béotienne qui est le socle essentiel du mythe de Cadmos et des Spartes ; et elle est inséparable de l’histoire de l’identité de Thèbes.

  • 8 Suite à une idée déjà formulée au xixe siècle et reprise dans Astour (1965, 152-153 : à considérer (...)

9Le point de vue béotien est effectivement fondamental pour comprendre cette histoire de héros civilisateur. Reste que la reconstitution en est ardue tant elle se fonde sur des fragments de récits dispersés qui continuent, malgré l’examen de la littérature épique, à laisser la part belle aux anciennes théories. Terminons alors cette synthèse historiographique avec la publication récente de l’ouvrage de D. Berman (2015) relatif aux héros thébains, abordés sous l’angle de la construction de l’image épique de Thèbes. Reste que, dans ce cadre, « l’énigme Cadmos » n’en sort qu’assez peu éclairée : d’après D. Berman, le nom de Cadmos serait en effet fondé sur la racine cadm- qui signifierait « l’homme venu de l’est », une thèse qui était déjà émise par M. C. Astour8.

  • 9 Voir par exemple Vian (1963, 70-75) et Sordi (1966, 15-24) qui ancrent la création des cycles fonda (...)
  • 10 Mackowiak (2010, 563-589).
  • 11 Kühr (2006).

10Aussi le récit et la figure de Cadmos ont-ils le plus souvent été utilisés comme l’illustration de thèses aux objectifs diversifiés qui dépassent le mythe lui-même pour lui accorder une place mineure, si ce n’est totalement annexe par rapport au propos principal qu’il est censé servir : un discours identitaire local. Il reste donc nécessaire d’élaborer une méthodologie historienne centrée sur la relation existante entre le mythe cadméen et les constitutions identitaires thébaines. S’agissant d’identités, le pluriel paraît sans doute de mise au vu des différents mythes de fondation constatés à Thèbes : à côté de Cadmos existe en effet l’histoire d’Amphion et Zéthos, le plus ancien mythe de fondation thébain disponible dans les sources (Odyssée, XI, 260-265). Certaines interprétations historiennes ont déjà été construites sur les questions identitaires, mais principalement via le rôle de l’idéologie politique et les conflits entre cités, ce qui revient, là aussi, à trouver dans les analyses proposées l’idée d’une « anomalie » : celle-ci résiderait dans l’existence d’un doublet fondateur. Mais ce type de lecture élude à nouveau l’objet mythique ; de même, il a tendance à ne considérer qu’un seul aspect de la dimension discursive du mythe : celui centré sur des objectifs davantage conjoncturels que structurels9. Cependant, les mythes thébains ne sont pas seulement le résultat de moments de crise politique impliquant Thèbes et ses voisins. J’ai soutenu ailleurs que la double existence du cycle cadméen et du cycle des Antiopides pouvait être due à l’élaboration de discours identitaires variables dans le temps et activés par des préoccupations sociales ou communautaires précises10. Il convient d’ailleurs de signaler à ce titre l’étude de A. Kühr11 qui relève d’un autre type d’approche historienne, consacrée aux discours identitaires, à leurs variabilités dans l’espace et le temps et à la constitution de l’histoire politique et ethnique de Béotie. Ainsi, si l’identité est effectivement une stratégie destinée à asseoir une idéologie ou un positionnement politique à tel moment de l’histoire, elle peut créer une pluralité de discours où les acteurs sociaux tiennent une place centrale. Une accumulation de discours peut en découler, que nous ne sommes pas toujours en mesure d’entrevoir précisément, ni pour quels bénéfices politiques concrets ni dans quelles circonstances exactes.

  • 12 Mackowiak (2010, 563-589) et (2016d, 165-191).

11Sans négliger l’aspect idéologique et circonstanciel de ces discours, il reste alors à consacrer davantage de réflexions aux acteurs sociaux de ces récits identitaires thébains. Le mythe est un mode de langage culturel ancré dans la perception de soi. « Cadmos le Phénicien » existe surtout dans le théâtre et les peintures sur vases classiques12 où il sert à définir qui sont les Athéniens par rapport aux Thébains. Tentons alors de scruter la perception de soi chez ces Thébains archaïques en esquissant, à titre d’hypothèse, une logique de construction du héros contextualisée dans son environnement social et local.

  • 13 Cadmos existerait pour Homère qui n’en parlerait cependant pas en raison du contexte : voir Prandi  (...)
  • 14 Kühr (2006, chap. 4 et 5), validant ainsi le schéma général appliqué à la Béotie, l’Arcadie et l’Ac (...)

12L’univers « cadméen » apparaît dans la littérature épique sous un angle qui a été vu comme un biais par les chercheurs positivistes : Homère dans l’Iliade, IV, 382-398 mentionne les « Καδμεῖοι » en rapport avec l’épisode de Tydée venu au palais d’Étéocle défier ces habitants de la Cadmée, dans le but de les vaincre aux jeux. Parler de « biais » suppose la possibilité — indémontrable du reste — de l’existence de « Cadmos » derrière le terme de « Cadméens »13. Les « Καδμεῖοι » font partie de ces ethniques à la genèse complexe, potentiellement paramétrés en Béotie suivant diverses logiques identitaires. Parmi elles se trouvent les dynamiques portées par les cités, susceptibles d’être apparues dans la région au viiie voire au ixe siècle av. J.-C. Les identités politiques et ethniques se sont épanouies en même temps en Béotie, si ce n’est peut-être en complémentarité. Selon A. Kühr, Cadmos aurait joué un rôle tout à fait essentiel dans ce type de stratégie identitaire et politique, permettant à Thèbes, qui se réclamait du mythe cadméen, de s’affirmer comme un acteur régional essentiel au niveau du groupe ethnique béotien14.

  • 15 Berman (2015, chap. 1).
  • 16 Voir par exemple Anderson (2005, 178 et note 11), Donlan (1997, 39-49), Hall (2007, 127-130) du poi (...)

13Si un tel passé historique est possible, donnant de Thèbes l’image de cette communauté aux visées hégémoniques insatiables, une question consiste encore à savoir par quels mécanismes internes, propres à la société thébaine, une telle promotion cadméenne put avoir lieu. L’existence de Cadmos dès l’époque homérique ne peut définitivement pas être résolue à partir de l’ethnique cité par l’Iliade. En revanche, il est intéressant de noter que le terme « Cadméens », au-delà de sa dimension ethnique où il reste habituellement cantonné par la recherche, est également pourvu d’une connotation sociologique. N’est-elle pas en effet explicitée par Homère lui-même ? C’est bien au palais d’Étéocle que se rend Tydée, brûlant de se mesurer aux « Cadméens » suivant un thème laudatif développé ailleurs, dans l’Odyssée, VIII, 153-233 par exemple : Ulysse aussi se mesure aux nobles Phéaciens comme Tydée avant lui, dans un contexte d’énonciation clairement épique qui (1) construit un passé héroïque destiné à servir de modèle et (2) fait de Thèbes un site prestigieux tant par sa renommée que par sa richesse. Or, parmi tous les commentaires qu’ont suscités « les Cadméens », aucun n’a relevé la conjonction qui s’établit entre une image épique de Thèbes et une possible réalité sociologique de l’âge sombre, ou du début de l’époque archaïque. L’image épique de Thèbes est en effet fondée, dans Homère, sur ses murailles et ses portes dont la formulation poétique sous-entend la prospérité économique15. Et l’histoire sociale archaïque nous apprend que les rois homériques sont d’abord ces chefs locaux associés à des sites ou agglomérations réputés pour leurs richesses16. En outre, cette association d’un lieu réputé pour ses richesses et de l’adjectif « cadméen » ressort au fil d’un autre texte épique : dans les Travaux et les Jours d’Hésiode, 159-165. La race des héros vint sur la « Καδμηίδι γαίῃ » piller les troupeaux d’Œdipe. Hésiode étant béotien, il y a tout lieu de voir dans cette description de Thèbes, fidèle à l’image épique déjà présente dans Homère, un site dont le niveau économique est suffisamment important pour être perçu comme un point d’ancrage d’une construction identitaire et d’une élite sociale riche.

  • 17 Morris (1998, 1-92).

14Ainsi, d’Homère à Hésiode, la littérature archaïque s’accorde à identifier à Thèbes un groupe de personnes articulées à la fois à la culture épique et à une réalité sociologique probable : celle relative à une élite sociale reconnaissable aux moyens de production qu’elle est capable de mettre en œuvre. Si les poleis béotiennes commencent à se former dès le ixe-viiie siècle av. J.-C., les « Cadméens » pourraient donc renvoyer soit à une identité ethnique globale, indissociable de la formation de la cité, soit à une identité davantage sociologique, relative à une élite sociale pour laquelle sa distinction du reste de la société est primordiale. Or, les stratégies de reconnaissance sociale sont avérées à date haute en Grèce centrale17 : une vignette laudative comme celle de Tydée et des Cadméens ne pourrait-elle pas alors être un écho, dans l’épopée, de ces politiques de prestige ?

15Par ailleurs, la parenté ou la généalogie ne sont-elles pas primordiales dans ces politiques de prestige et dans les structures sociales et politiques naissantes ? Or, la dimension généalogique de Cadmos apparaît dans un autre texte parmi les plus anciens du corpus littéraire : dans la Théogonie, 937 et 975-978. Le héros y apparaît comme l’époux d’Harmonie et le père d’Inô, de Sémélé, d’Agavé, d’Autonoé et de Polydore, dans « Thèbes à la belle couronne ». Hésiode ne mentionne pas Cadmos comme fondateur mais la figure est explicitement rattachée « ἐνὶ Θήβῃ », c’est-à-dire à une communauté de type politique dont il y a tout lieu de croire qu’il est le premier roi. La nature héroïque de Cadmos est plus que probable dans ce contexte et dans cette culture archaïque où la généalogie est par essence aristocratique, propre à légitimer, comme à Argos par exemple, la royauté via le mariage avec une princesse — ici une déesse. Que cette généalogie soit authentiquement thébaine, rien ne permet d’en douter : le héros Cadmos est associé de près à l’acropole où Pausanias (IX, 12, 3) indiquait encore ce qu’il restait de son palais, ce lieu où les Muses chantèrent au mariage d’Harmonie.

  • 18 Hall (1997, chap. 4).

16La Théogonie associe Cadmos à la fois à des croyances religieuses et à des valeurs sociopolitiques locales, à une famille aussi dont la description est précise et qui, à suivre J. M. Hall, est l’indice d’une fabrication généalogique elle-même synonyme d’évolution identitaire18 — à Thèbes en l’occurrence.

  • 19 Si l’on suit Hall (1997, 87-88). Je souligne du reste, dans les lignes suivantes, que Cadmos semble (...)
  • 20 Au lieu de « Urvater », toujours à suivre Hall (1997, 87).

17La manière dont cette identité s’est précisément constituée en lien avec Cadmos nous reste cependant inaccessible. La tentation est grande de voir en Cadmos un « héros toponymique » lié de près aux « Cadméens » et à leur citadelle, d’autant que ce type de figure mythologique, auquel Cadmos correspond dans sa dimension éponyme, peut servir de cheville ouvrière pour stabiliser les généalogies d’une cité19. Mais contrairement à cette catégorie de héros dont la dimension est éponyme à l’exclusion du reste, Cadmos semble bénéficier d’une personnalité héroïque et d’une place précise dans la généalogie, en lien avec le cycle dionysiaque (Théogonie). Ce positionnement généalogique précis ressort encore dans le fragment d’Hésiode 217A (Merkelbach-West) où Cadmos apparaît comme le grand-père maternel d’Actéon, le fils d’Autonoé. Ces caractéristiques le rapprocheraient alors des « héros dynastiques », du type « Stammvater20 » : ce type de héros-là impulse, en un lieu précis duquel il est indissociable, un discours d’origine fondé sur l’arrivée d’un ancêtre qui engendre une descendance. Or, c’est sur le lignage de Cadmos que la Théogonie insiste déjà, ne mentionnant rien du lieu d’où l’ancêtre vint puisque cet ailleurs, à supposer qu’il existe déjà, n’a peut-être aucune signification pour la communauté, « Thèbes à la belle couronne ». Ce qui importe est le point de départ temporel incarné par le héros dont la fonction est de servir de souche identitaire.

  • 21 Mackowiak (2016a, 6) avec mentions d’autres sources.
  • 22 Voir Mackowiak (2016c, 544-545) avec renvois bibliographiques : l’analyse des textes révèle une dis (...)
  • 23 Sur les origines mycéniennes de l’Erinys, à laquelle le serpent d’Arès est associé (scholie à Sopho (...)
  • 24 Euripide, Bacchantes, 264-265, 541-542, 995-996 ou 1018-1019.

18Or, j’ai montré ailleurs que les Spartes, ces autochtones thébains qui sont associés à Cadmos depuis Stésichore au moins, accentuent le lien qui existe entre Cadmos et un point zéro du temps. Devenu le civilisateur type à lire Phérécyde d’Athènes (FGrH IA 3 F22a), Hellanicos de Lesbos (FGrH IA 4 F51) ou Euripide, Phéniciennes, 668, Cadmos répandit en effet sur la terre les dents du serpent d’Arès, gardien de la source thébaine, et père des Spartes gégèneis21. Cette fonction civilisatrice de Cadmos ne consiste pas tant en l’avènement de la céréaliculture, comme son geste pourrait y faire penser — c’est un présupposé culturaliste —, qu’en l’avènement de pratiques et d’éducation guerrières relatives à l’élite sociale thébaine22. Cette enquête révèle que le héros, remis dans le contexte de croyances locales relatives aux origines autochtones, a été raccordé à un discours et à des valeurs sociopolitiques propres à l’élite sociale archaïque, peut-être fidèle en partie à des croyances encore plus anciennes23. La tragédie attique a d’ailleurs conservé, pour mieux la critiquer, le lignage aristocratique des Spartes puisqu’en épousant les filles de Cadmos, ces petits-fils d’Arès engendrèrent les rois thébains24. De ce point de vue, les Spartes s’insèrent aussi dans le lignage patrilinéaire typique des cités archaïques.

  • 25 Pausanias, IX, 5, 3 dit avoir rien trouvé d’autre à leur sujet que l’histoire de leur naissance cht (...)

19Ainsi, du xe-ixe siècle av. J.-C. — quand Homère parle des « Cadméens » — au viiie-viie siècle av. J.-C. — quand Hésiode parle de Cadmos, époux d’Harmonie —, divers discours, aux objectifs sans doute variés, ont été élaborés à Thèbes, peut-être répartis entre revendications ethniques d’un côté et revendications politiques (au sens de polis) de l’autre. En fonction des sources à notre disposition, le héros, dont la date et le mode d’apparition nous échappent, a pu servir de rouage à la constitution de discours identitaires différents où l’élite sociale a cependant été l’ordonnatrice principale. Quand, au vie siècle av. J.-C., Stésichore rattache Cadmos aux Spartes, le héros sert alors clairement un discours civique. Une cohérence des représentations semble alors s’être formée du point de vue de la cité archaïque — le seul angle dont nous disposions de manière claire : l’aristocratie a fabriqué son identité en rapport avec un temps des origines fondé sur l’autochtonie. Ce temps des origines a pu prendre une forme différente dans d’autres traditions, également locales, comme la génération héroïque des « Cadméens » dont Homère se fait l’écho. Dans tous les cas, l’imaginaire et l’identité s’ancrent dans ce cadre béotien et sociologique qui, à un moment de l’histoire, a fait évoluer Cadmos et les Spartes dans l’univers des héros fondateurs, un univers où leur dimension généalogique a continué d’être fondamentale — si ce n’est exclusive à songer aux Spartes25. Mais une première expression de ces enjeux socio-identitaires apparaît probablement dès l’occurrence des « Cadméens » dans l’Iliade : la littérature à notre disposition, épique ou lyrique, semble donc attester d’une continuité sociohistorique relative au site thébain, et d’une variabilité des élaborations identitaires où une élite prestigieuse est reconnaissable tantôt derrière les « Cadméens », tantôt derrière les « Thébains ».

20Ces hypothèses posent alors une question supplémentaire qui reformule en d’autres termes le point de départ de cet article et l’approche de nombreux chercheurs : dans ces constructions identitaires dont on perçoit les variations, la mise en relation de Cadmos avec l’Orient ne jouerait-elle pas un rôle du même ordre ? Ou : l’énigme de « Cadmos l’Oriental », si longtemps exprimée en termes positivistes, ne s’ancrerait-elle pas dans des stratégies de reconnaissance aristocratiques férues de références orientales ?

  • 26 Je remercie François de Polignac pour ses échanges avec moi sur ce sujet : voir également Duplouy, (...)
  • 27 Duplouy, Mariaud & Polignac (2010, 281) et Boardman (2006, 507-534).
  • 28 Comme c’est attesté encore dans l’Athènes du vie siècle où la dimension cosmopolite et culturelle d (...)
  • 29 Sur le prestige social construit par les relations internationales entre hôtes, voir Herman (1987, (...)
  • 30 Un acte politique à l’origine de la réputation détestable de Thèbes auprès des Athéniens, mais Herm (...)

21Le processus d’orientalisation de Cadmos n’est peut-être pas uniquement dû à l’écriture mythographique attique du ve siècle av. J.-C. comme le considère, depuis F. Vian, l’histoire littéraire du héros civilisateur, mais aussi à ces stratégies de reconnaissance sociale qui mérite d’être considérées d’encore plus près. De manière générale, les historiens des sociétés grecques archaïques ont pu mettre en valeur, à partir des dépôts d’offrandes dans les sanctuaires, l’attrait des élites sociales pour deux types d’idéologies concurrentes, deux types de perception de soi fondées respectivement sur « le proche et le lointain26 ». La préférence de certaines élites pour le lointain est visible dès le dernier quart du viiie siècle av. J.-C., à une époque où l’Orient, alors soumise à l’expansion de l’Empire néo-assyrien (en des contrées fréquentées par les Grecs d’Eubée), construit un « horizon idéologique de pouvoir et de prestige27 ». La mise en relation de certaines élites avec les espaces orientaux, que ce soit pour des raisons économiques ou pour des raisons culturelles28, permet aux individus de se réclamer d’un réseau de sociabilité international29. C’est le cas en Grèce centrale dès le viiie siècle av. J.-C. et probablement à Thèbes même où d’éminents citoyens du début du ve siècle av. J.-C, tels Attaginos et Timegenidas, accueillirent Xerxès, lors de l’invasion médique (Pausanias, VII, 10, 1-3)30.

  • 31 Hirschberger (2004, 67-70).

22Les référents symboliques de ces politiques de prestige ont évolué sans discontinuer, et se sont diversifiés au viie siècle av. J.-C, à l’époque orientalisante qui se manifeste aussi par la présence de créatures mythologiques hybrides, par exemple dans Hésiode. Est-il alors possible que Cadmos, dont la nature héroïque et ancestrale est attestée dans la Théogonie, ait pu être concerné par ce mouvement orientalisant ? La mythographie du début de l’époque classique le dépeint comme un Phénicien. Mais regardons ce que pourrait déjà nous enseigner le Catalogue des femmes. À défaut d’une occurrence d’un Cadmos oriental, ce poème témoigne pourtant de l’attention accordée à la parenté entre les Grecs d’une part, et les Phéniciens et Égyptiens d’autre part. L’historien de la société qui s’intéresse à cette œuvre du viie ou du début/milieu du vie siècle av. J.-C., ne peut qu’être interpellé par ses ramifications généalogiques aux consonances ethniques, typiques des logiques identitaires archaïques, et béotiennes. Les généalogies des Ehoiai résultent d’alliances aristocratiques locales et furent certainement chantées à l’occasion de grandes fêtes où l’auditoire, issu de régions variées, était bercé par une ambiance épique agrémentée d’agônes31, et par la volonté de ranger et de hiérarchiser ces généalogies les unes par rapport aux autres.

23Or, dans le Catalogue des femmes intervient déjà une figure qui est associée de près à Cadmos au début du ve siècle av. J.-C., chez Phérécyde d’Athènes FGrH IA 3 F21 et chez Bacchylide, Dithyrambe, V, 30-32 : Agénor. Dans les Ehoiai, Agénor intervient dans le cadre d’enjeux identitaires ethniques à grande échelle, ce dont on peut faire la déduction à partir des fragments 43 à 45 (Merkelbach-West) : il apparaît comme fils de Phoinix, héros éponyme des Phéniciens, tandis que le frère d’Agénor, Bèlos, avait pour fils Danaos, le héros éponyme des Grecs, et Aigyptos, l’ancêtre de l’illustre peuple égyptien. Toutes ces figures, descendantes d’Io, se trouvent dans la branche généalogique des Inachides qui se signale tout particulièrement par sa dimension « internationale » dès l’époque archaïque.

  • 32 Voir Hall (1997, 49-50) ou West (1997, 445-447), à propos des constructions identitaires grecques d (...)

24Le contexte historique et social présent derrière cet ordonnancement généalogique pourrait être celui des relations commerciales et politiques entre les Grecs et la Méditerranée orientale, relations dans lesquelles Naucratis a joué un rôle important. Aux viie-vie siècles av. J.-C., la maturation des identités ethniques s’accélère et les cités ainsi que leurs élites continuent à s’en prévaloir. Il devient alors possible que des figures comme Agénor et Bèlos, dont parlent les Ehoiai dans le même laps de temps32, étaient en lien avec la perception par les élites grecques de ces horizons orientaux, une perception antérieure à la période des guerres médiques. Les peuples orientaux, intégrés dans le grand tableau généalogique des origines, étaient prestigieux du fait de leur ancienneté et les Grecs d’alors admettaient volontiers une parenté avec eux.

  • 33 Mackowiak (2012-2013, 425) : voir le no 1 du catalogue, proche des nos 81, 127, 134 et 143, avec re (...)

25Ce type de perception et de logique identitaire put-il concerner les Thébains ? La culture matérielle n’atteste de relations avec les rives orientales qu’indirectement. Nous ne connaissons pas la présence de Thébains ou même de Béotiens à Naucratis (par exemple) bien que le site thébain a révélé l’existence, aux vie et ve siècles av. J.-C. de petites figurines en terre cuite qui appartiennent au registre (pour partie égyptien) du simiesque, dont l’une de style rhodien33. Faut-il voir dans ce genre d’objet un reliquat thébain de pratiques de prestige social fondées sur l’acquisition de ces formes pleines d’exotisme ? Y a-t-il un lien avec les « horizons idéologiques lointains » ?

  • 34 En ce qui concerne certaines sources, ces représentations sont davantage d’ordre imaginaire que rel (...)
  • 35 Voir de même Beeks (2004, Appendix, à propos de « Phoinikes »).
  • 36 Tout comme l’histoire d’un collier fabriqué par Héphaistos, également commun à Europe et Harmonie : (...)

26Au ve siècle av. J.-C., Cadmos est devenu un Phénicien importateur de l’alphabet (Hérodote, Enquête, V, 59). J’ai démontré ailleurs comment cette association a pu se faire sur la base de manipulations généalogiques et de représentations imaginaires liées à l’idée de passage et appliquées « aux lettres cadméennes »34. Cadmos, devenu passeur de savoirs à l’époque classique, a pu se trouver articulé dès l’époque archaïque dans une idéologie orientalisante qui, d’ailleurs, semble avoir concerné tout un ensemble de figures mythologiques qui lui furent proches. À défaut de traces archéologiques, nous possédons en effet des informations d’ordre mythographique qui pourraient servir d’indices. Chez Hellanicos, au milieu du ve siècle, Cadmos est devenu fils de Phoinix et frère d’Europe, elle aussi fille de Phoinix. Il semble que la figure d’Europe, déjà reconnue comme fille de Phoinix par l’Iliade, XIV, 321-323 et par le Catalogue des femmes, Fr. 56 (Merkelbach-West) ait joué un rôle dans l’agrégation de Cadmos à la branche généalogique de Phoinix, bien phénicienne chez Bacchylide, Dithyrambe, III, 3235. Des paramètres religieux ont pu agir dans cette agrégation, car l’histoire de l’union divine d’Europe avec Zeus fait écho à celle de Cadmos et d’Harmonie36. Or, Hellanicos a pu connaître ces traditions puisqu’il est réputé avoir écrit des Boiotika d’après Eusthate (scholie à Homère, Iliade, B, 494).

27Ainsi, Cadmos, lorsqu’il est rapproché de l’histoire sociale locale et du contexte énonciatif du Catalogue des femmes, a pu servir de point agrégatif à la confection d’un grand tableau mythologique. Ce tableau concerne la fondation thébaine et, au-delà, des raccordements mythologiques orientaux dont certaines familles aristocratiques ont pu tirer profit, pour leur propre prestige. Nous ne pouvons qu’avancer des hypothèses. Le civilisateur Cadmos a pu agir comme un agent de synthèse de différents cycles qui se sont constitués avec le temps suivant des objectifs différents. Chez Apollodore (Bibliothèque, III, 5, 4-5), une étape supplémentaire est franchie : le cycle des Antiopides, d’abord indépendant du cycle cadméen, lui est désormais agrégé et ce toujours par le biais de raccordements généalogiques, une logique déjà palpable dans le Catalogue des femmes et de nature à servir des enjeux identitaires.

  • 37 Vanotti (1996, 98).

28La difficulté à étudier Cadmos réside dans le caractère épars des sources dont celles d’époque classique ont joué un rôle déterminant puisqu’elles influencent encore notre vision. C’est pourquoi il faut extraire le héros de l’histoire littéraire pour le relier à l’histoire identitaire qui nous laisse peut-être entrevoir une autre dimension du personnage. Ainsi, la mythographie classique, plutôt que de découler de lointains souvenirs historiques de relations orientales du iie millénaire (positivisme) ou même de la stigmatisation, après les guerres médiques, du fondateur Cadmos (idéologie politique attique) — la mythographie et le théâtre attiques, donc, ne pourraient être qu’un relai d’une orientalisation antérieure de Cadmos, et d’obédience thébaine ou béotienne. Le récit de fondation cadméen le plus ancien et le plus complet que nous possédions est celui d’Hellanicos. Or, au ve siècle av. J.-C, un genre littéraire colonial se met en place37, avec des topoi comme celui de l’animal sacré qui mène l’œciste sur le site de la fondation. Et Hellanicos écrivait à cette époque des récits de ktiseis qui concernaient autant Héraclès (par exemple) que Cadmos : le héros, devenu fils de Phoinix et frère d’Europe, fut fixé dans le mouvement perpétuel des œcistes errants, avalisant la fondation de Thèbes à celle d’une cité outre-mer (FGrH IA 4 F51). Mais ce ne fut sans doute qu’un aboutissement tardif de l’histoire imaginaire et littéraire du héros qui dut s’ancrer dans un socle plus ancien. Il reste d’ailleurs intéressant d’observer qu’Hellanicos, dans son écriture des ktiseis, donnait la préférence aux traditions aristocratiques : est-ce un indice de plus pour voir dans l’orientalisation classique de Cadmos un reliquat de traditions aristocratiques béotiennes ? Par la suite, la tragédie attique nourrit à son tour le processus avec notamment Euripide : à la fin du ve siècle, des échos de traditions thébaines s’expriment encore çà et là dans ses vers cependant mis au service de l’aversion athénienne pour les Thébains, ces semi-barbares qui ont médisé.

29Le récit et l’histoire de Cadmos sont effectivement « d’accès malaisé », mais pas pour les raisons le plus souvent invoquées : les sources béotiennes à notre disposition manquent mais semblent suffisamment claires pour connecter le héros, de bonne heure, à des divinités locales associées à la Cadmée. De même, cette figure, à défaut d’être sûrement reliée aux « Cadméens » d’Homère, semble avant tout associée, et ce dès l’époque archaïque, à des enjeux identitaires et généalogiques qui laissent entrevoir le rôle actif des élites sociales thébaines. L’objectif de ces élites était un positionnement social et idéologique à des échelles géographiques plus ou moins amples, allant du territoire thébain stricto sensu — d’où l’autochtonie des Spartes — à des horizons peut-être plus ambitieux, vers des aspirations ethniques par exemple, à moins que des aspirations idéologiques de prestige archaïque, qui ont rendu l’Orient attrayant, aient aussi été à l’œuvre. Avant d’être avalisé à la pensée politique et identitaire très spécifique des Athéniens d’époque classique, Cadmos fut sans doute d’abord une figure idéologique et civilisatrice du type de celles qui dynamisent les identités des sociétés archaïques et assurent l’intégration ou la domination de familles aristocratiques sur des structures politiques variées.

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Notes

1 Par exemple : Hellanicos de Lesbos, FGrH IA 4 F51 ; Euripide, Phéniciennes, 638-675 ; Apollodore, Bibliothèque, III, 4, 1-2. Dans la littérature latine, voir Hygin, Fables, 178 et Ovide, Métamorphoses, III, 6-136. Comme source archaïque, voir Stésichore d’Himère, Fr. 195 (Page).

2 Vian (1963, chap. 2).

3 Voir par exemple : Hemmerdinger (1966, 698-703) ; Hammond (1967, 654).

4 Voir Symeonoglou (1985, 64-83) qui utilise le récit pour reconstituer l’histoire de Thèbes.

5 Edwards (1979).

6 Loraux (1996, 89-90). Voir également Detienne (2003, 61-120).

7 Mackowiak (2016a, 5-24), (2016b, 135-157), (2016c, 543-572).

8 Suite à une idée déjà formulée au xixe siècle et reprise dans Astour (1965, 152-153 : à considérer avec prudence). Voir de même Berman (2004, 13-15) et (2015, 15). Sur l’origine prégrecque de cette étymologie, voir Beeks (2004, 167-184).

9 Voir par exemple Vian (1963, 70-75) et Sordi (1966, 15-24) qui ancrent la création des cycles fondateurs thébains dans des dissensions entre Thèbes et ses voisins.

10 Mackowiak (2010, 563-589).

11 Kühr (2006).

12 Mackowiak (2010, 563-589) et (2016d, 165-191).

13 Cadmos existerait pour Homère qui n’en parlerait cependant pas en raison du contexte : voir Prandi (1986, 37-48). Pour d’autres occurrences de « Cadméens » dans l’Iliade : V, 802-810 ; X, 284-291 ; XXIII, 677-680.

14 Kühr (2006, chap. 4 et 5), validant ainsi le schéma général appliqué à la Béotie, l’Arcadie et l’Achaïe par Morgan (2003, 5-6 : « city-ethnics »). Voir de même : Morgan (2001, 75-112), Hall (1997, chap. 2 et 3), Edwards (2004, 168-169).

15 Berman (2015, chap. 1).

16 Voir par exemple Anderson (2005, 178 et note 11), Donlan (1997, 39-49), Hall (2007, 127-130) du point de vue de la dimension sociologique ; et Haubold (2005, 43-44) du point de vue de la dimension épique.

17 Morris (1998, 1-92).

18 Hall (1997, chap. 4).

19 Si l’on suit Hall (1997, 87-88). Je souligne du reste, dans les lignes suivantes, que Cadmos semble avoir rempli une fonction généalogique prépondérante ainsi que les Spartes (notes 24 et 25).

20 Au lieu de « Urvater », toujours à suivre Hall (1997, 87).

21 Mackowiak (2016a, 6) avec mentions d’autres sources.

22 Voir Mackowiak (2016c, 544-545) avec renvois bibliographiques : l’analyse des textes révèle une distinction entre les Spartes qui meurent et ceux qui survivent et deviennent les paradigmes de l’intégration de l’arès maîtrisée dans la cité. Des canthares classiques du Cabirion thébain corroborent cette interprétation.

23 Sur les origines mycéniennes de l’Erinys, à laquelle le serpent d’Arès est associé (scholie à Sophocle, Antigone, 124 Papageorgis), voir Palaima (2009, 527-536).

24 Euripide, Bacchantes, 264-265, 541-542, 995-996 ou 1018-1019.

25 Pausanias, IX, 5, 3 dit avoir rien trouvé d’autre à leur sujet que l’histoire de leur naissance chthonienne.

26 Je remercie François de Polignac pour ses échanges avec moi sur ce sujet : voir également Duplouy, Mariaud & Polignac (2010, 279-282) ou Duplouy (2006).

27 Duplouy, Mariaud & Polignac (2010, 281) et Boardman (2006, 507-534).

28 Comme c’est attesté encore dans l’Athènes du vie siècle où la dimension cosmopolite et culturelle de l’Ionie séduisait certaines familles : Connor (1993, 194-206). Pour des raisons économiques : voir Zurbach (2012, 179-191).

29 Sur le prestige social construit par les relations internationales entre hôtes, voir Herman (1987, 34-35).

30 Un acte politique à l’origine de la réputation détestable de Thèbes auprès des Athéniens, mais Herman (1987, 156-157) y voit l’expression de relations d’hospitalité de prestige dont Pausanias dresse la liste à Érétrie, Thèbes et Élis, en les traduisant en infâmes collaborations médisantes.

31 Hirschberger (2004, 67-70).

32 Voir Hall (1997, 49-50) ou West (1997, 445-447), à propos des constructions identitaires grecques dans le cadre d’une parenté fort prestigieuse avec les peuples orientaux.

33 Mackowiak (2012-2013, 425) : voir le no 1 du catalogue, proche des nos 81, 127, 134 et 143, avec renvois bibliographiques.

34 En ce qui concerne certaines sources, ces représentations sont davantage d’ordre imaginaire que religieux, contrairement à ce qu’avance Mackowiak (2003, 859-876).

35 Voir de même Beeks (2004, Appendix, à propos de « Phoinikes »).

36 Tout comme l’histoire d’un collier fabriqué par Héphaistos, également commun à Europe et Harmonie : voir Hésiode, Fr. 141 (Merkelbach-West) et Phérécyde, FGrH IA 3 F89.

37 Vanotti (1996, 98).

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. – Musée archéologique de Thèbes, Inv. 201
Crédits Copie de K. Mackowiak d’après K. Dimakopoulou et D. Konsola, Musée archéologique de Thèbes. Guide, Athènes, 1981, fig. 11, p. 5.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gaia/docannexe/image/311/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 763k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Karin Mackowiak, « Cadmos le Phénicien et les élites sociales archaïques : mythe et histoire identitaire à Thèbes (ixe-vie siècle av. J.-C.) »Gaia [En ligne], 21 | 2018, mis en ligne le 01 novembre 2018, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gaia/311 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/gaia.311

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Auteur

Karin Mackowiak

Université de Bourgogne Franche-Comté, ISTA.
Maître de conférences HDR à l’université de Bourgogne Franche-Comté, Karin Mackowiak est helléniste et travaille plus particulièrement sur l’imaginaire grec (mythologie et religion) en lien avec les problématiques sociales, politiques et culturelles qu’il pose. Elle a publié ses recherches sur les mythes de fondation politique, les mythes des origines et leurs liens significatifs avec l’histoire de la pensée et de la société grecques archaïques. Ses travaux portent essentiellement sur la Béotie archaïque (Thèbes, Hésiode, iconographie).

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