Navigation – Plan du site

AccueilNuméros25Ulysse à Trieste. Hommage à Ezio ...

Résumés

En septembre 2012, dans la lignée des travaux du GRiMM sur la mythologie et la mythurgie du monde antique, Ezio Pellizer accueillait à Trieste et à Ljubljana un colloque sur la survivance de la figure d’Ulysse au fil des siècles dans les cultures méditerranéennes : « Ulisse per sempre ». Dix ans plus tard, je souhaite revenir sur ce colloque auquel j’ai participé, non pas pour relire les communications présentées, mais pour mieux prendre conscience de l’histoire et de la mémoire des deux villes qui nous accueillaient. L’activité académique n’est jamais une activité neutre et on ne pense pas un « Ulysse de toujours » sans appartenir à un lieu ou à un moment de l’histoire. Durant deux jours, j’ai profité d’être à Trieste et à Ljubljana pour m’interroger sur des lieux et des monuments qui déterminaient mon rapport à Ulysse. C’est le compte rendu de la partie non scientifique du colloque que je me risque à faire ici parce que dix ans plus tard je comprends autrement ce qu’Ezio Pellizer nous demandait. « Ulisse per sempre » : une formule pour penser des Ulysse particuliers que l’histoire fait renaître ici et là sans les unifier.

Haut de page

Entrées d’index

Mots-clés :

Trieste, Ulysse, Svevo, Joyce, Pahor, mythurgie
Haut de page

Texte intégral

1. Trieste, mardi 4 septembre 2012. Ulysse en Croatie ou Ulysse en Finlande ?

  • 1 Je choisis ce terme pour éviter celui de « survivance », voire celui de « métamorphose », qui laiss (...)

1Les 4 et 5 septembre 2012, dans le cadre des rencontres internationales du GRiMM (Gruppo triestino di ricerca sul mito e la mitografia), Ezio Pellizer organisait à Trieste et à Ljubljana un colloque consacré à la « présence1 » tout au long des siècles de la figure d’Ulysse dans l’imaginaire des cultures méditerranéennes. Pour rendre hommage à ce collègue devenu ami, je voudrais repenser à ce colloque et à quelques moments qui l’ont ponctué et qui m’ont marqué : une occasion pour repenser 10 ans plus tard les enjeux de cette discipline si complexe qu’est devenue « l’histoire de la réception », subdivision plutôt que doublet des « reception studies » ; une occasion également pour souligner l’importance des lieux et des moments qui rythment et conditionnent notre propre activité académique, elle aussi composante de l’histoire de la réception. Comment penser Ulysse entre Trieste et Ljubljana en 2012 ?

  • 2 Citons les titres des contibutions à ce colloque : Ezio Pellizer, « Introduzione: Ulisse tra mito, (...)
  • 3 J’emploie ce terme pour éviter de parler d’un héros européen ou occidental.

2Le titre du colloque de 2012 ouvrait un chemin vertigineux, une Odyssée vers un temps sans fin : « Ulisse per sempre, Ulysse pour toujours ». Le volume des actes, publié l’année suivante, a repris ce titre avec un beau travail de conception graphique2. Sur la couverture à fond noir, dans la partie haute et à droite, une petite fenêtre montre un tableau d’Arnold Böcklin. Le titre du livre est écrit en caractères rouges bordés de blanc, sur trois lignes. Les trois mots, « UlissE / pEr / semprE », sont disposés l’un sous l’autre, avec un jeu de décalage qui permet d’aligner les trois mots sur la lettre « e » écrite une seule fois mais occupant la hauteur des trois lignes, lettre commune aux trois mots et les unissant : une façon d’indiquer un Ulysse traversant les époques et les reliant. Interroger l’ubiquité dans le temps et l’espace d’une figure devenue référence « universelle3 » impliquait aussi et nécessairement de retourner la perspective pour ne surtout pas oublier de parler d’un Ulysse du xxe siècle dans deux villes qui avaient chacune leur histoire et leur mémoire, dans ces régions qui furent italo-austro-hongroises avant de devenir italo-slovènes.

  • 4 Gauchon (2007, 43‑66).

3En 2012, aucun de nous n’avait oublié les crimes et les massacres qui avaient déchiré, pendant la décennie des années 1990, l’ex‑République socialiste fédérative de Yougoslavie. En 1991, la Slovénie et la Croatie avaient déclaré leur indépendance ; en 2004, la Slovénie adhérait à l’Union européenne et la Croatie en 2011. En 2022, à l’heure où j’écris ces lignes, la Serbie est confrontée au choix crucial de s’allier à la Russie ou à l’Union européenne. Ezio Pellizer n’avait pas seulement pensé son colloque entre Trieste et Ljubljana, il avait choisi d’associer aux membres coutumiers du GRiMM d’autres collègues, venus des universités plus proches de Ljubljana, Zagreb et Pula. Il ne s’agissait pas de remuer les traumatismes d’une mémoire récente, ni d’anticiper sur un futur incertain, mais l’intention de donner une couleur politique à un dialogue italo-slovène autour de la mémoire d’Ulysse était pour Ezio évidente et il nous avait dit son plaisir de pouvoir passer une frontière durant ces deux jours. Les historiens parlent des frontières de Trieste avec les communautés voisines au xxe siècle comme d’un paysage monumental et mémoriel4. Il a fallu attendre octobre 1954, avec la dissolution du Territoire libre de Trieste et le mémorandum de Londres, pour trouver un début de solution viable au problème des partages territoriaux et ce n’est qu’en octobre 1975, avec le traité d’Osimo, que le tracé de la frontière actuelle a été validé. En arrivant à Trieste le 4 septembre 2012, je me demandais si je percevrais, durant le colloque, des traces d’une opposition entre une Odyssée italienne et une Odyssée slovène ou croate.

  • 5 Sur ces ouvrages, voir Šuran (2012, 215‑218).
  • 6 Voir les articles de Mauro Manzin et Roberto Bianchin, cités par Šuran (2012, 198‑200).

4Il faudrait expliquer pourquoi, durant les dix premières années du xxie siècle, plusieurs écrivains croates se sont ingéniés à retrouver dans l’Adriatique les traces du voyage d’Ulysse et au cœur de l’ex‑Yougoslavie l’antique Troade. Dans son livre, Troja nije u Troji (Troie n’est pas à Troie), paru à Zagreb en 2000, Krešo Vujević veut démontrer que Troie n’était pas en Troade (actuellement province de Çanakkale, au sud du détroit des Dardanelles) mais à Ljubuški, en Bosnie-Herzégovine directement à la frontière avec la Croatie, à 180 kilomètres au sud-ouest de Sarajevo5. Pour l’écrivain Jasen Boko, né à Split en 1961, auteur du livre Tragovima Odiseja (Sur les routes de l’Odyssée), paru à Zagreb en 2012, Ithaque serait dans l’île de Lošinj et l’île de Calypso ne serait autre que l’île de Mljet, dans l’archipel de Croatie. Pourquoi vouloir rejouer les poèmes homériques dans des régions qui venaient d’être secouées par l’histoire et qui cherchaient à se reconstruire ? En Italie, en 1995, Felice Vinci, ingénieur nucléaire, avait soutenu, dans son livre Omero nel Baltico, paru à Rome, une thèse bien plus folle en allant chercher Troie en Finlande, non loin de Turku. Alors même que, par‑delà les critiques, le livre de Vinci a joui d’une publicité considérable et non méritée, rapidement réédité plusieurs fois et traduit dans sept langues au moins, les ouvrages croates ont été démolis par les journalistes italiens qui n’ont pas hésité à dénoncer une récupération nationaliste d’Ulysse6. Comme si, dans cette Italie du début du xxie siècle, l’Ulysse finlandais était plus acceptable que l’Ulysse croate ! Comment dans ces conditions penser en 2012 un héros tranquillement installé dans une temporalité de toujours ? Chacun veut retrouver Ulysse là où il l’imagine. La lecture de l’Odyssée devient politique.

2. Quand Ulysse refusait d’être un immortel

  • 7 Le tableau d’Arnold Böcklin, Ulysse et Calypso, peint en 1882 et exposé aujourd’hui au Kunstmuseum (...)

5« Ulysse pour toujours » ? Le paradoxe — oublié par Ezio Pellizer — est que l’Ulysse de l’Odyssée est justement ce héros qui refuse l’immortalité, qui renonce à vivre pour toujours. Calypso est pourtant une nymphe persuasive. Elle aime le héros qu’elle a recueilli dans son île, elle l’a sauvé et protégé. Et pour le garder auprès d’elle, pour toujours, elle lui offre l’immortalité et le privilège de ne plus vieillir jamais. Mais Ulysse refuse. Durant sept longues années, la nymphe insiste, mais Ulysse veut revoir Ithaque et retourner dans le temps des hommes. Chaque jour il va s’asseoir sur le rivage pour regarder la mer et songer à la chance de son retour. C’est justement le sujet du tableau d’Arnold Böcklin qui figure sur la couverture du livre, Ulysse et Calypso, peint en 18827. Calypso, mélancolique, est assise sur un rocher, tenant une lyre dont elle ne joue plus, plongée dans un chagrin qui ne finira jamais. Son chant s’est tu. Ulysse est debout, représenté de dos, il regarde la mer qui le sépare d’Ithaque, la mer qu’il connaît si bien et qui le fait rêver plus que la proposition de la nymphe. Le voyage l’appelle et il écoute le chant des vagues.

6L’Odyssée le dit clairement : si Ulysse avait accepté de devenir immortel, il serait devenu ce héros sans âge dont aucun mortel n’aurait jamais pu raconter l’histoire. En repoussant l’idée de l’immortalité, Ulysse a choisi d’appartenir au temps et à l’histoire des hommes. Le poème de l’Odyssée n’est possible que parce qu’Ulysse ne veut pas devenir un héros « pour toujours » écarté du monde des hommes. Il veut être rendu à l’histoire. Peu importe la chronologie choisie pour la guerre de Troie et les 10 ans qu’on y ajoutera, peu importe l’absence de consensus sur la géographie odysséenne : en décidant de retourner à Ithaque, Ulysse a préféré être le héros d’un lieu et d’un moment plutôt qu’un immortel oublié dans une île de nulle part. Ulysse peut être un héros mythologique, il n’empêche qu’il est ce héros fictionnel qui a choisi d’appartenir au temps et à l’histoire des hommes. « Ulisse per sempre » : un beau titre mais que chacune des conférences allait rendre plus compliqué à penser.

7Qui est‑il finalement cet Ulysse de toujours ? Au fil des générations, depuis l’Ulysse des poètes tragiques dans l’Athènes du ve siècle jusqu’à l’Ulysse des créateurs contemporains, partout dans le monde, combien a‑t‑il fallu de réinventions différentes pour fabriquer un héros de toujours ? Donnons raison à Ezio et donnons au paradoxe qu’il a soulevé sa solution : la tradition et le besoin des générations de se souvenir d’Ulysse ont finalement rendu au héros cette « immortalité » qu’il avait, lui, refusée chez Calyspo. Il fallait donc qu’il dise « non » à la nymphe pour devenir l’Ulysse de toujours, refuser une vie sans fin dans une île loin du monde des hommes pour gagner de rester pour toujours dans leur mémoire. Rien de plus pertinent alors que l’illustration du tableau de Böcklin sur la couverture noire du livre édité par Ezio Pellizer. « Ulysse pour toujours » est un héros qui renonce au temps indéterminé des dieux. Il regarde la mer pour aller de l’autre côté.

  • 8 Gefter Wondrich (2013, 167).

8Les communications réunies dans Ulisse per sempre le prouvent jusqu’au bout : l’Ulysse de toujours est un héros pluriel. Et là encore, le poète nous avait précédé quand il avait annoncé, dès le premier vers de l’épopée, un héros polytropos. Dans sa communication sur « Bloom il polytropos » dans l’Ulysse de Joyce, Roberta Gefter Wondrich a rappelé, en jouant avec le terme latin multiversus qui traduit le grec polytropos, la contradiction qui voudrait transformer le héros multiversus en un héros universus ou « universel8 ». Ulysse n’est multiple et divers, immortel et universel que sur le mode du paradoxe ou de l’oxymore.

  • 9 Bonnet (2015, 61‑62).
  • 10 Tymoczko (1997, 39).
  • 11 À savoir Italo Svevo, cf. infra.

9Les poèmes, comme l’Odyssée, qui deviennent des « classiques » gagnent sans doute une « forme d’universalité ». Mais cette « universalité », qui les détache de leur contexte de production original pour en faire des œuvres de tous les temps, est contradictoire et finalement illusoire. Détachée de son contexte de production original, l’œuvre « universelle » n’existe jamais qu’en fonction de ses nouveaux contextes de réception. L’Ulysse de toujours est une figure purement théorique. Dans la pratique, c’est toujours en fonction d’un lieu et d’un contexte précis qu’Ulysse est réinventé ou recréé, que son poème est traduit ou réécrit. L’Odyssée traduite et commentée par Samuel Butler dans l’Angleterre victorienne n’a rien à voir avec celle éditée, traduite et commentée par Victor Bérard dans la France des années 1920. À l’époque des suffragettes, Butler osait penser que l’Odyssée avait été écrite par Nausicaa, une jeune femme sicilienne. Bérard, qui fut dreyfusard, imaginait un Homère à l’école de ces Phéniciens qu’il qualifiait souvent de Sémites9. Ulysse n’existe partout que parce qu’il est toujours revendiqué quelque part. C’est à Trieste que Joyce a conçu le projet de son magistral Ulysse, dans un contexte tout différent de celui qui avait pu influencer les travaux de Bérard sur l’Odyssée. Mais, on sait qu’à l’époque de la Première Guerre mondiale, entre 1915 et 1918, Joyce est à Zurich où il s’est réfugié. Il fréquente assidûment la Zentralbibliothek où il travaille à l’écriture de son Ulysse. Les registres de la bibliothèque mentionnent qu’en 1918 il a consulté plusieurs fois le livre de Victor Bérard, Les Phéniciens et l’Odyssée, lecture qui va influencer le plan de son œuvre10. L’histoire de la réception d’Ulysse révèle ici une « universalité » qui se construit comme un bricolage de moments et de lieux. À la bibliothèque de Zurich, voilà un écrivain irlandais qui lit un livre français sur un Ulysse instruit par les Phéniciens pour concevoir un nouvel Ulysse loin d’Ithaque et raconter une seule journée de sa vie à Dublin, le 16 juin 1904. Ajoutons que pour construire son personnage, Joyce s’est aussi inspiré de la figure de son ami Italo Svevo, écrivain italo-souabe, de Trieste11. Ulysse survit en multipliant ses identités et sa complexité.

3. Ulysse est né à Trieste

  • 12 Staley (1964).

10Le savant qui veut penser un « Ulysse de toujours » ne saurait oublier que, s’il explore le temps de la réception, il reste lui attaché à une époque et à un lieu déterminés, mais imprévisibles. Les destinées individuelles dépendent de contextes historiques et sociaux que nous ne comprenons jamais que partiellement, mais qui imprègnent notre quotidien et nos identités. La ville de Trieste, au début du xxe siècle, est marquée par l’un de ces heureux hasards qui dessinent l’histoire de la littérature : la rencontre, en 1906 dans la ville austro-hongroise, de Joyce et de Svevo. Le premier est un jeune écrivain irlandais, arrivé là sans l’avoir vraiment voulu ; le second est directeur d’une usine de peinture et de vernis, Ettore Schmitz, né d’un père juif allemand et d’une mère italienne, écrivain à l’œuvre refoulée et qui se choisira un pseudonyme parlant : Italo Svevo, l’Italo-Souabe, lui qui, hostile à l’Autriche-Hongrie, préférait écrire mal en italien plutôt que bien en allemand. Il a été dit et répété qu’Italo Svevo a été un modèle de Leopold Bloom, le héros que Joyce assimile à Ulysse12. C’est dire que, sans le savoir, Svevo a joué un rôle dans l’histoire des références qui ont paradoxalement universalisé Ulysse en le rendant toujours plus particulier.

  • 13 Cet entretien est accessible en ligne à l’adresse : <www.minimaetmoralia.it (consulté en mars 2022  (...)
  • 14 Pour le texte italien de cette conférence importante, voir Italo Svevo, Scritti giornalistici, sagg (...)

11Dans un entretien avec Sergio Falcone en 1982, Letizia Svevo Fonda Savio, fille d’Italo Svevo, parlait de la relation de son père avec James Joyce. Rappelant quand et comment l’écrivain de Dublin avait commencé son livre magistral, la fille de Svevo expliquait : « Ulysse est né à Trieste13 » et cette phrase a été reprise pour servir, plus tard de titre à la traduction et à l’édition française d’une célèbre conférence sur Joyce et son travail d’écrivain que Svevo a donnée à Milan, le 8 mars 1927, une année avant sa mort14. Trieste, nouveau lieu de naissance d’Ulysse ! Lieu fortuit d’une rencontre non prévisible, Trieste a‑t‑elle influencé Joyce dans l’écriture de son grand œuvre ? Autrement dit, en 1906, la ville était‑elle ou non un lieu privilégié pour penser Ulysse et le faire encore renaître ?

  • 15 Allusion à un aphorisme de René Char, cité par Hannah Arendt, dans le premier essai de son livre, B (...)

12Pourquoi ce besoin de faire renaître Ulysse ? Pourquoi le faire renaître à Trieste mieux qu’ailleurs ? Pourquoi un colloque sur l’Ulysse de l’Odyssée à Trieste ? Question de « mythurgie » aurait répondu Ezio Pellizer. Relisons, en effet, le sous-titre du colloque de Trieste : « Miturgie omeriche e cultura mediterranea ». C’était là une invitation à réfléchir, dans la lignée des travaux du GRiMM, sur cette fabrique des mythes à laquelle œuvrent nos mémoires, jamais certaines de la façon dont il faut investir « ces héritages sans testament15 » que sont les patrimoines culturels des traditions précédentes. Dans le volume des actes du colloque, la définition d’une telle approche est donnée par Svetlana Slapšak :

  • 16 Slapšak (2013, 28). Voir aussi Slapšak (2010, 122‑128). Rarissimes en grec, les termes μυθούργημα, (...)

Miturgia dunque dovrebbe denotare tutte le procedure che creano, combinano, usano e si scambiano racconti — di autori ignoti o conosciuti — ai quali non siano soggiacenti ipo-testi prescrittivi, normativi o restrittivi, e che siano evidentemente parodiati, oggetto di ironia, o semanticamente distorti in qualche modo. Miturgia denota dunque un libero approccio a storie che non si adattano ai codici culturali, prima o dopo che siano state manipolate secondo le pratiche discorsive dominanti: ed è proprio questa disponibilità a non adattarsi, che definisce la miturgia16.

13La « mythurgie » fait ici sienne la conception d’un Roland Barthes qui a démontré comment, dans sa dimension publique aussi bien que privée, la vie sociale est sans cesse et partout productrice de « mythes ». Les sociétés se développent dans l’histoire en même temps que dans un imaginaire qu’elles se construisent pour leur besoin : « mythologies » pour Barthes, « mythurgie » selon Slapšak. La sémiologie et la sociologie doivent ici étayer l’anthropologie du monde antique pour étudier, dans une perspective historique, ces significations idéologiques perceptibles dans les faits et gestes, discours et objets, qui structurent et composent jusqu’aux usages les plus pratiques de la vie sociale. Sans trahir une philologie qui nous astreint à une lecture directe et rigoureuse des textes anciens, la « mythurgie » telle que la pense le GRiMM s’ouvre sur une histoire de la réception des mythes qui veut s’intéresser à toutes les formes de leur présence ou renaissance dans les différents arts et modes d’expression de nos sociétés en devenir, qui doit considérer aussi les raisons des transformations. Ulysse devient héros de bande dessinée ou de jeu vidéo pour des raisons aussi bien techniques, économiques que sociales et anthropologiques. Soyons alors plus précis que la fille de Svevo et confisquons à sa formule la force que l’imprécision lui conférait : à Trieste, ce n’est pas Ulysse comme figure générique qui est né mais un livre, Ulysse, publié en 1922, qui raconte un jour précis, le 16 juin 1904, de la vie de Leopold Bloom à Dublin. La précision défait le mystère d’une belle formule, mais souligne la complexité de ces transmissions qui ne sont jamais linéaires. Quand nous parlons d’Ulysse de qui parlons‑nous : de l’Ulysse de l’Odyssée, de l’Ulysse de Dante, de celui de Joyce ? Il faut préciser car ces Ulysse sont tous différents et loin de descendre en droite ligne d’un Ulysse archétypique qui aurait été homérique ou grec.

4. Ulysse à Ljubljana le 5 septembre 2012, un détour par la Chine

  • 17 Sur le parcours de Svetlana et Božidar Slapšak, voir Dasen & Füger (2011).
  • 18 Slapšak (2013, 35).
  • 19 Oiji (1979, 17‑27) et Hibbard (1946, 221‑246).
  • 20 Odyssée, XII, 433.

14L’Ulysse, convoqué par Ezio Pellizer, était bien multiple et multiforme, mais à chaque fois indissociable de contextes précis. Ouvert à Trieste, le colloque s’est prolongé le lendemain à Ljubljana, à l’Institutum Studiorum Humanitatis, ce lieu de résistance intellectuelle que Svetlana et Božidar Slapšak avaient choisi de fonder, à partir de 1995, en renonçant à leur carrière académique aux États‑Unis et en souvenir de leurs années d’opposition au régime des colonels en Grèce et, plus tard, en Serbie à Slobodan Milošević17. En 2012, unir Trieste et Ljubljana dans un colloque consacré à Ulysse revenait à poser la question politique du rôle de l’Odyssée comme référence culturelle commune dans deux lieux que l’histoire récente n’avait cessé d’écarteler. Ulysse entre Trieste et la Slovénie ? Dans l’exposé qu’elle avait présenté au colloque, Svetlana Slapšak avait conclu sa réflexion sur ce qu’elle a appelé « la politique d’identité » représentée par les personnages odysséens d’Ulysse et de Pénélope. Si le titre de sa communication pose la question de l’Odyssée comme expression d’un « premier “je” européen », la dernière phrase évite l’écueil d’un Ulysse européen pour parler en revanche d’une « culture globale contemporaine » : « Odisseo e Penelope emergono dalla narrativa di Omero, che è molto innovativa, come un duplice “io”, che noi possiamo comprendere pienamente, e seguire, nelle identità in trasformazione della cultura globale contemporanea18. » Dix ans plus tard, en 2022, il me paraît évident qu’il vaut mieux parler d’une dimension internationale de l’Odyssée, sans la restreindre à l’Europe. Sans parler, par exemple du succès, du thème de l’Odyssée dans le cinéma américain ou canadien, il suffit de rappeler que les premières traductions d’Homère en japonais datent de 1904 et qu’en 1946 déjà (à la fin de la Seconde Guerre mondiale) on pouvait lire un article sur le motif d’Ulysse dans la littérature japonaise19. En Chine, les traductions de l’Iliade et de l’Odyssée sont plus récentes. On peut citer les noms de Yang Xianyi et de Wang Huansheng, tandis que l’article Odyssée (奥德赛) de la version chinoise de Wikipedia précise (je traduis et souligne) : « Aujourd’hui traduite dans de nombreuses langues, l’Odyssée est reconnue comme un classique de la littérature mondiale. » Il est toujours dangereux de vouloir récupérer une œuvre pour en faire une donnée fondatrice d’une culture idéologiquement revendiquée. Svetlana Slapšak avait bien fait de laisser ouverte la question de l’Odyssée comme « premier “je” européen » pour conclure enfin sur une culture contemporaine produite par une incessante activité mythurgique sans frontière : Ulysse, le héros qui se compare lui‑même à une chauve-souris dans l’Odyssée, peut cohabiter sans mal avec Batman, il peut être grec, romain, croate, phénicien, américain, brésilien ou chinois20. Son « européanité » n’est qu’un postulat. Nulle part, Ulysse ne peut être tous les Ulysse à la fois (pas même lors d’un colloque universitaire). Ulysse croate, si l’on y tient, ou finlandais, mais jamais en même temps !

5. Ulysse revient à Trieste en 1943

15S’il est vrai que l’Ulysse de Joyce est né à Trieste vers 1914, il importe de relever que, durant la Première Guerre mondiale, cet Ulysse a surtout « grandi » à Paris et à Zurich avant d’être publié en 1922. Pour traquer un Ulysse de Trieste durant la première moitié du xxe siècle, interrogeons alors un autre témoin, slovène cette fois. Écrivain italien de langue slovène, Boris Pahor est né à Trieste en 1913. En 2021, à l’âge de 108 ans, il est reconnu doyen de la littérature mondiale. Il vient de décéder le 30 mai 2022. Il n’avait que sept ans en juillet 1920, été durant lequel Joyce quittait Trieste pour Paris. Le 13 juillet de cet été, Pahor enfant vit les « chemises noires » de Mussolini incendier, dans sa ville, le « Narodni Dom », le bâtiment, dessiné par l’architecte Maks Fabiani, qui abritait « la Maison de la Culture slovène » où sa famille avait l’habitude de se rendre pour les journées de fête. Quelques années plus tard, Pahor s’engageait dans l’armée de libération yougoslave. En 1944, il est arrêté et déporté en Alsace (Natzweiler-Struthof), puis en Allemagne (Dachau et Bergen-Belsen).

  • 21 Je dois la connaissance de ce livre à mon vieil ami Jérôme de Montmollin.

16Dans son roman Mesto v zalivu (littéralement « La ville dans le golfe »), publié en 1955, à Koper, Boris Pahor a raconté l’histoire de Rudi Leban, un jeune étudiant slovène de Trieste, enrôlé dans l’armée italienne, qui, après la démobilisation et la destitution de Mussolini en avril 1943, revient dans sa ville natale, désormais capitale de l’Adriatische Küstenland, province administrée par le Reich, où la communauté et la culture slovènes sont plus que jamais menacées. Ruban n’a d’autre issue que le reniement ou la résistance. Significativement, quand le livre de Pahor a été traduit en français et publié par les éditions Pierre-Guillaume de Roux, l’éditeur a reformulé son titre et choisit : Quand Ulysse revient à Trieste21. C’est un choix éditorial fort qui tient de l’interprétation. Sans doute s’agissait‑il de répondre à l’ouvrage monumental de Joyce et de rappeler que, loin d’une fiction située à Dublin, Trieste pouvait avoir son Ulysse à elle, un résistant slovène obligé de se cacher en retournant dans sa patrie après la guerre.

17À l’évidence, Trieste est ce lieu où il faut revenir, comme Ulysse revient à Ithaque. Il faut toujours reconquérir une terre natale d’où l’on est exilé.

6. Trieste, soir du 4 septembre 2012, rencontre avec deux jeunes sirènes silencieuses

18Après la première journée du colloque à Trieste, Ezio avait organisé une visite pour nous montrer surtout la splendide place, nommée depuis 1918 Piazza Unità d’Italia, qui regarde vers la mer. Sur cette place qui veut célébrer une unité italienne regagnée, on peut voir Thétis et Aphrodite se partageant les eaux d’une même fontaine. Mais je n’ai pas le temps de m’arrêter, déjà Ezio Pellizer nous entraîne et le regard glisse vers la mer sur laquelle la place s’ouvre. Sur le quai, dans le prolongement de la place, deux sculptures de bronze ont été installées en 2004 pour célébrer le 50e anniversaire de la restitution de Trieste à l’Italie tandis que la ville voisine de Koper était rattachée à la Slovénie. L’une des sculptures montre un bersaglier qui semble sortir de la mer pour venir planter un drapeau italien sur la rive. Un peu en retrait, assises sur le mur qui longe la mer, deux jeunes filles, les sartine, sont occupées à coudre. De dos, côte à côte, elles travaillent sans se regarder, l’une semble enfiler un fil dans l’œil d’une aiguille, l’autre écarte les mains comme si elle tenait un morceau de tissu, mais aiguille et tissu sont invisibles ; le sculpteur a choisi de ne pas les montrer. Les deux bronzes sont l’œuvre de Todi Fiorenzo Bacci qui a voulu représenter et célébrer le premier rattachement de Trieste à l’Italie, en 1918, après la période austro-hongroise.

19Tandis qu’Ezio nous expliquait que les deux couturières avaient travaillé jour et nuit à coudre le drapeau tricolore qui allait flotter sur la ville rendue à l’Italie, l’un ou l’une des participants au colloque a remarqué que les deux couturières pouvaient être des lointaines descendantes de Pénélope. La remarque m’a semblé pertinente, même si le rapprochement était sans doute suggéré par le fait que nous avions tous en tête Ulysse et que nous étions à Trieste pour parler de lui. Dans l’Odyssée, Pénélope voulait gagner du temps. Elle avait demandé aux prétendants qui ne croyaient plus au retour d’Ulysse d’attendre encore, jusqu’à ce qu’elle achève le suaire qu’elle voulait tisser pour Laërte, le père d’Ulysse ; lorsque sa mort viendrait, il faudrait l’envelopper dans ce tissu et l’ensevelir. Durant trois ans, elle a gagné un sursis en défaisant la nuit le travail du jour, jusqu’au moment où une servante a vu et dénoncé son stratagème. Elle a dû finir le suaire « comparable alors au soleil ou à la lune » (Odyssée, XXIV, 148). Les sculptures des deux sartine sont sur le bord de mer, mais les couturières du drapeau de 1918 étaient sans doute dans leurs ateliers ou leurs maisons. Pénélope aussi tissait dans sa demeure. On ne sait pas si elle pouvait voir la mer depuis ses fenêtres. Mais comme les sartine de Trieste, elle attendait l’arrivée d’un héros, son bersaglier, qui devait la rendre à son histoire.

20Même si elle restait fragile, la comparaison entre les deux couturières et Pénélope a poursuivi mes pensées. À la façon de ces mélodies entendues le matin qui continuent de résonner à l’oreille de façon obsédante tout le jour, j’ai subi le charme de ce parallélisme énigmatique. Le parallèle n’était pas entre Pénélope et les couturières de l’histoire d’Italie, mais entre l’héroïne de l’Odyssée et les sculptures en bronze. Les sculptures habitent un temps arrêté qui les enferme dans leurs gestes. Les sartine en bronze resteront là, sur le bord de mer, pour des années, non pas « per sempre », mais aussi longtemps que le souvenir du rattachement de leur ville à l’Italie gardera un sens pour les Triestins. En même temps, dans la temporalité suspendue de leurs gestes arrêtés, elles semblent condamnées à ne jamais achever le drapeau qu’elles confectionnent. Comme si l’appartenance définitive de Trieste à l’Italie devait encore attendre ou qu’un autre drapeau — une identité encore à venir — devait être tissé. Comme Pénélope dans l’Odyssée, les sartine de bronze s’adonnent à un travail sans fin de perpétuelles « reprises ». Le drapeau de l’identité triestine ne saurait être fait d’une seule pièce. Mais nous aussi, nous continuons de tisser et de détisser l’Odyssée.

Haut de page

Bibliographie

BONNET Corinne, « Homère “auditeur et disciple des sciences phéniciennes” : Victor Bérard et la Méditerranée en partage », dans S. Basch (éd.), Portraits de Victor Bérard (actes du colloque international organisé à l’École française d’Athènes, 5‑6 avril 2013), Athènes, École française d’Athènes, 2015, p. 61‑78. Disponible sur <https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efa/3938?lang=it>.

DASEN Véronique & FÜGER Hélène, « Engagement antinationaliste féministe d’une helléniste en (ex‑)Yougoslavie. Entretien avec Svetlana Slapšak », Nouvelles Questions Féministes, 30 (2), 2011, p. 92‑101.

GAUCHON Christophe, « Frontière italo-slovène et province de Trieste », Géographie et cultures, 63, 2007, p. 43‑66.

GEFTER WONDRICH Roberta, « Bloom il polytropos: considerazioni sull’Ulysses di James Joyce », dans E. Pellizer (éd.), Ulisse per sempre: miturgie omeriche e cultura mediterranea (atti del Convegno internazionale, Trieste-Ljubljana, 4‑5 septembre 2012), Trieste, Editreg, 2013, p. 153‑168.

HIBBARD Esther Lowell, « The Ulysses Motif in Japanese Literature », The Journal of American Folklore, 59 (233), 1946, p. 221‑246.

OIJI Takero, « The Study of Homer in Japan », Hikaku Bungaku. Journal of Comparative Literature, 22, 1979, p. 17‑27.

PELLIZER Ezio (éd.), Ulisse per sempre: miturgie omeriche e cultura mediterranea (atti del Convegno internazionale, Trieste-Ljubljana, 4‑5 septembre 2012), Trieste, Editreg, 2013.

ROILOS Panagiotis, Amphoteroglossia: A Poetics of the Twelfth-Century Medieval Greek Novel, Washington (DC), Center for Hellenic Studies, 2005.

SLAPŠAK Svetlana, « A Cat on the Head: In Search of a New Word to Better Read Ancient Mythology », I Quaderni del Ramo d’Oro on‑line, 3, 2010, p. 122‑128. Disponible sur <www.qro.unisi.it/frontend/node/75>.

SLAPŠAK Svetlana, « Odissea: il primo “Io” europeo? L’intervento omerico nella miturgia, il genere e il discorso », dans E. Pellizer (éd.), Ulisse per sempre: miturgie omeriche e cultura mediterranea (atti del Convegno internazionale, Trieste-Ljubljana, 4‑5 septembre 2012), Trieste, Editreg, 2013, p. 27‑35.

STALEY Thomas F., « The Search for Leopold Bloom: James Joyce and Italo Svevo », James Joyce Quarterly, 1 (4), 1964, p. 59‑63.

ŠURAN Fulvio, « Omero nell’Adriatico », dans E. Pellizer (éd.), Ulisse per sempre: miturgie omeriche e cultura mediterranea (atti del Convegno internazionale, Trieste-Ljubljana, 4‑5 septembre 2012), Trieste, Editreg, 2013, p. 191‑219.

TYMOCZKO Maria, The Irish Ulysses, Berkeley / Los Angeles / Oxford, University of California Press, 1997.

Haut de page

Notes

1 Je choisis ce terme pour éviter celui de « survivance », voire celui de « métamorphose », qui laisse entendre que la mythologie serait un patrimoine constitué de légendes et récits d’hier et que chaque nouvelle production, certes débitrice des précédentes, s’inscrirait dans un même prolongement. Ni la nostalgie d’un âge premier, ni la richesse de la mythologie païenne ne suffisent à expliquer sa continuité. La production de mythes (mythurgie) existe autant par rapport à un futur qui l’appelle que par son lien au passé.

2 Citons les titres des contibutions à ce colloque : Ezio Pellizer, « Introduzione: Ulisse tra mito, simbolo e immaginario », p. 3‑12 ; Françoise Létoublon, « Gli eroi omerici e l’arte di parlare: la retorica ante litteram », p. 13‑26 ; Svetlana Slapšak, « Odissea: il primo Io europeo? L’intervento omerico nella miturgia, il genere e il discorso », p. 27‑35 ; Ilaria Sforza, « I Lotofagi: tra esotismo e oblio », p. 37‑47 ; Maria Paola Castiglioni, « Ulisse dopo l’Odissea. La profezia di Tiresia e la Telegonia », p. 49‑65 ; Tommaso Braccini, « Dalla terra dei Cimmeri all’Isola delle Nebbie: Odisseo tra morti e non‑morti », p. 67‑82 ; Petra Šoštarić, « Ulisse, condottiere degli uomini: innovazione nella traduzione di Bernardo Zamagna delle formule omeriche », p. 83‑94 ; Olga Perić, « Galatea e Polifemo nel Ciclope di Vladimir Nazor », p. 95‑106 ; Irena Prosenc Šegula, « Ulisse ‘in viaggio verso il nulla’ nell’opera di Primo Levi », p. 107‑120 ; Daria Crismani, « Naufràgi ed avvenure: Odisse romanzesche nel Mediterraneo », p. 121‑130 ; Ileana Chirassi, « Un’Odissea al femminile? Una variante mitica », p. 131‑142 ; Alicia Morales Ortiz, « Tornò Ulisse a Itaca? Variazioni sul tema del nòstos », p. 143‑152 ; Roberta Gefter Wondrich, « Bloom il polytropos: considerazioni sull’Ulysses di James Joyce », p. 153‑168 ; Mariano Valverde Sánchez, « Omero nella narrativa spagnola contemporanea: l’Odissea como ipotesto in “Son de mar” di Manuel Vicent », p. 169‑180 ; Esteban Antonio Calderón Dorda, « La figura di Ulisse nel teatro spagnolo del dopoguerra », p. 181‑189 ; Fulvio Šuran, « Omero nell’Adriatico », p. 191‑219 ; David Bouvier, « Che cosa leggeva Ulisse sulla tavoletta inscritta da Circe? », p. 221‑236.

3 J’emploie ce terme pour éviter de parler d’un héros européen ou occidental.

4 Gauchon (2007, 43‑66).

5 Sur ces ouvrages, voir Šuran (2012, 215‑218).

6 Voir les articles de Mauro Manzin et Roberto Bianchin, cités par Šuran (2012, 198‑200).

7 Le tableau d’Arnold Böcklin, Ulysse et Calypso, peint en 1882 et exposé aujourd’hui au Kunstmuseum de Bâle, no inv. 108.

8 Gefter Wondrich (2013, 167).

9 Bonnet (2015, 61‑62).

10 Tymoczko (1997, 39).

11 À savoir Italo Svevo, cf. infra.

12 Staley (1964).

13 Cet entretien est accessible en ligne à l’adresse : <www.minimaetmoralia.it> (consulté en mars 2022 ; chercher « Svevo ») : « Conservo le lettere di Joyce a mio padre in dialetto triestino. L’Ulisse è nato a Trieste, tanto è vero che c’è una lettera di Joyce a papà, dopo la prima guerra, in cui lo prega di portargli a Parigi il copione manoscritto dell’Ulisse. I suoi figli nacquero a Trieste, frequentavano le scuole italiane; quando andarono via, parlavano tutti il dialetto triestino. »

14 Pour le texte italien de cette conférence importante, voir Italo Svevo, Scritti giornalistici, saggi postumi, appunti sparsi e pagine autobiografiche, édités et commentés par Brian Moloney, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, p. 349‑453. Dans son introduction (p. lvixlvx), B. Moloney rappelle l’inquiétude que cette conférence avait procurée à Svevo. Pour la traduction française, voir Italo Svevo, Ulysse est né à Trieste : conférence sur James Joyce prononcée le 8 mars 1927 à Milan, trad. D. Nessuno, Bordeaux, Finitude, 2004.

15 Allusion à un aphorisme de René Char, cité par Hannah Arendt, dans le premier essai de son livre, Between Past and Future, Six Exercises in Political thought, New York, Viking Press, 1961. Le livre, qui réunit des articles écrits entre 1954 et 1961 est réédité en 1968 avec deux essais supplémentaires et devient Between Past and Future, Eight Exercises in Political Thought. La citation de René Char (« notre héritage n’est précédé d’aucun testament ») introduit le premier exercice.

16 Slapšak (2013, 28). Voir aussi Slapšak (2010, 122‑128). Rarissimes en grec, les termes μυθούργημα, μυθουργία (ou ληρομυθουργία), μυθουργέω, μυθουργός ne sont attestés que dans quelques scholies (par exemple : Scholies à Eschyle, Prométhée, 428b Herrington; Scholies à Oppien, Halieutiques, 1, 619 Bussemaker), chez Tzétzès (Chiliades, 8, 519) ou dans les Poèmes ptochoprodromiques, III, 54 Eideneier. Relevons — et cela mériterait un développement — que l’italien « miturgia / mitourgia » permettrait de jouer sur le rapprochement, en grec byzantin, des termes : μιτουργία (Théodore Prodrome, Rhodanthe et Dosicles, 7, 319) et μυθουργία. Sur μιτουργία, voir Roilos (2005, 57).

17 Sur le parcours de Svetlana et Božidar Slapšak, voir Dasen & Füger (2011).

18 Slapšak (2013, 35).

19 Oiji (1979, 17‑27) et Hibbard (1946, 221‑246).

20 Odyssée, XII, 433.

21 Je dois la connaissance de ce livre à mon vieil ami Jérôme de Montmollin.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

David Bouvier, « Ulysse à Trieste. Hommage à Ezio Pellizer »Gaia [En ligne], 25 | 2022, mis en ligne le 22 juillet 2022, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gaia/2644 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/gaia.2644

Haut de page

Auteur

David Bouvier

Université de Lausanne
david.bouvier@unil.ch

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search