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DOSSIER THÉMATIQUE
À l’aube des villes antiques : vocabulaire de la cité et formes urbaines
II. Nommer la ville

Traduire le terme oppidum : un exemple des difficultés posées par le Bellum ciuile de César

Translating the Term Oppidum: An Example of the Difficulties Arisen by Caesar’s Bellum ciuile
Sabine Lefebvre

Résumés

Il n’est pas ici envisagé de revenir en détail sur le terme oppidum et sur sa définition, mais plutôt de voir comment dans le cadre d’une œuvre, le Bellum ciuile de César, il a été employé. C’est principalement à partir de son emploi dans le Bellum Gallicum que les analyses ont jusque-là porté. Aussi, le contexte d’utilisation par l’auteur, dans une œuvre postérieure à la guerre des Gaules, conduit d’une part à s’interroger sur le choix du terme oppidum par César, et d’autre part à proposer des traductions différentes du mot ; c’est à travers plusieurs exemples que je souhaite évoquer la complexité de la démarche du traducteur.

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Notes de l’auteur

Tous mes remerciements vont à Isabelle Cogitore et Marianne Coudry pour leur relecture attentive ainsi qu’à Jean-Pierre De Giorgio et Stéphanie Wyler qui ont largement participé au débat ayant donné naissance à ce travail.
Afin d’alléger les notes de bas de page, toutes les références au Bellum ciuile de César sont mentionnées sous la forme BC.

Texte intégral

1. Introduction

  • 1 De Giorgio (éd.) et al. (2020). Ce collectif est désigné par le terme Groupe César dans cet article (...)
  • 2 César, La guerre civile, Tome 1 (Livres I et II) et Tome 2 (Livre III), Paris, 1936.

1Dans le cadre de la nouvelle traduction des deux œuvres de César pour les Belles Lettres1, nous avons réfléchi aux problèmes posés par la traduction d’un texte qui a déjà été très souvent traduit, pour des destinations très variées. De la traduction de la Collection des Universités de France (CUF)2, à visée universitaire essentiellement, où le français est mis en parallèle avec le latin, à la traduction destinée à des manuels scolaires, on constate des divergences dans le style et la formulation.

  • 3 Pour plus de détails sur la méthode de travail, voir Cogitore et al. (2020).
  • 4 À de très rares exceptions, comme pour imperator à quatre reprises. Cf. Cogitore et al. (2020, ix-x (...)

2Notre publication ne comprend pas le texte latin. Aussi, nous avons fait le choix d’une traduction dynamique, plus contemporaine dans l’usage du vocabulaire, permettant une lecture suivie aussi par des non spécialistes, mettant en valeur le visuel des scènes de bataille ou l’oralité des discours des différents protagonistes par exemple. C’est la langue cible, celle du lecteur que nous avons privilégiée3. Le choix a donc été fait de tout traduire, de ne pas laisser de termes latins dans le texte produit4. Cela nous a conduit à réfléchir au choix des mots français qui devaient alors être utilisés ; le problème s’est particulièrement posé pour oppidum.

  • 5 Il ne s’agit évidemment pas ici de reprendre l’ensemble du dossier, mais de proposer une rapide syn (...)

3Je me propose de présenter le résultat de notre réflexion, plus particulièrement dans le cadre du Bellum ciuile. Dans un premier temps, je ferai quelques rappels sur le terme oppidum5. Puis j’évoquerai l’emploi par César de ce terme, avant de terminer par les choix de traduction du mot, en fonction du contexte de publication, cela pour quelques dossiers.

2. Définition du terme oppidum

  • 6 Tarpin (2000).
  • 7 Sur l’origine du mot, voir les propositions de Servius, ad Aeneid, IX, 605 : Quatit oppida bello op (...)
  • 8 Gaffiot (1934).
  • 9 Lewis & Short (1962).
  • 10 Tarpin (2000, 28).
  • 11 Ibid.
  • 12 Thesaurus Linguae Latinae (TLL), IX-2, p. 754-759 (1976) ; parmi les sens du mot, on peut noter, co (...)
  • 13 Cicéron, De Republica, I, 41 : quam cum locis manuque saepsissent, eius modi coniunctionem tectorum (...)
  • 14 Varron, De Lingua Latina, V, 143 : Oppida condebant in Latio Etrusco ritu, ut multa, id est iunctis (...)
  • 15 Tite-Live, XLII, 36 : Per idem tempus legati ab rege Perseo uenerunt. Eos in oppidum intromitti non (...)
  • 16 Tite-Live n’utilise pas le terme de ciuitas quand il parle des Gaulois cisalpins du iiie siècle av. (...)
  • 17 Tite-Live, XXII, 11 : Edictoque proposito ut, quibus oppida castellaque immunita essent, ut ii comm (...)
  • 18 Voir, par exemple, Beltrán Lloris (1999).
  • 19 Peyre (1979, 59).
  • 20 Polybe, III, 69, 1 : πόλιν Κλαστίδιον.
  • 21 Tite-Live, XXI, 48, 9 : ad Clastidium uicum.
  • 22 Tite-Live, XXXII, 29, 7 : Oppida Clastidium et Litubium, utraque Ligurum. Clastidium contrôlait le (...)
  • 23 César, Bellum Gallicum, V, 21, 3-4 : Oppidum autem Britanni uocant, cum siluas impeditas uallo, atq (...)
  • 24 César, Bellum Gallicum, VII, 68-69 et 84.
  • 25 César, Bellum Gallicum, I, 38 : Cum tridui uiam processisset, nuntiatum est ei Ariouistum cum suis (...)

4Le terme a suscité et suscite encore de très nombreux travaux : lié au concept urbain6 et au développement d’entités à vocation urbaine, il est difficile à cerner7. La première approche consiste à tout simplement regarder la définition du Dictionnaire Gaffiot8 — « ville fortifiée, place forte, tout endroit fortifié » — ou du Dictionnaire Lewis et Short9 — « 1. A town (of towns other than Rome, which was called Urbs; though occasionally the term oppidum was applied to Rome); 2. A fortified wood or forest, among the Britons; 3. The barriers of the circus ». Il apparaît clairement que le mot oppidum est utilisé lorsque qu’il y a « un regroupement humain […] conséquence de la formation d’une communauté10 » définie par une limite sacrée11. Le terme apparaît pour la première fois, chez les auteurs latins12, chez Cicéron13, puis chez César, chez Varron14, et chez Tite-Live15 qui désigne ainsi l’enceinte de Rome, mais qui l’utilise aussi pour désigner des structures de la Gaule cisalpine celtisée16, pas forcément fortifiées17. Plus tard, on retrouve le mot chez Pline l’Ancien, accompagné de précisions — oppidum ciuium Romanorum, oppidum Latinum — et cela pour des régions autres que la péninsule italienne ou la Gaule18. Mais aucun auteur antique ne nous fournit une définition précise de ce terme et d’ailleurs la réalité recouverte par ce terme peut l’être aussi par d’autres mots : Clastidium19, ville ligure, est qualifiée par Polybe de polis20, c’est-à-dire de cité, et de uicus21 et d’oppidum22 par Tite-Live ! Certes, César, dans le Bellum Gallicum, utilise le terme oppidum pour une structure bretonne désignée ainsi par les autochtones semble-t-il, dont il fournit une courte description23. Il fournit aussi des descriptions de sites d’oppida gaulois, comme Alésia24 ou Vesontio (Besançon)25, mais cela ne constitue pas une définition du terme.

  • 26 Fichtl (2005, 11).
  • 27 Fichtl (2005, 15).
  • 28 Cicéron, 2 Verrines, IV, 72, xxxiii : Segesta est oppidum peruetus in Sicilia.

5Comme le rappelle Stephan Fichtl, « ce terme doit être pris comme celui qui s’approchait le plus d’une réalité non méditerranéenne, que César découvrait au fur et à mesure qu’il s’enfonçait sur le sol gaulois26 ». Réalité qui néanmoins devait être connue des négociants romains depuis l’établissement de relations économiques entre Rome et les peuples gaulois. Mais cette réalité est multiple et « César emploie, en fait, le terme d’oppidum pour des réalités très différentes les unes des autres27 ». C’est par glissement qu’oppidum en est arrivé à désigner le chef-lieu d’un territoire, la ville d’un pays, d’un État, d’une organisation politique, d’une cité, déjà chez Cicéron28.

  • 29 Goudineau (1981, 14-15).
  • 30 Déchelette (1927). Cf. Gardes (2017).

6Bien plus tard, les archéologues s’en sont emparés pour désigner un élément bien précis du territoire des peuples préromains de Gaule, plus spécifiquement celtiques ; en témoigne un dossier dans lequel Christian Goudineau proposait au grand public une typologie des oppida29. L’oppidum le plus important, le mieux protégé a souvent été désigné comme « capitale », sans que l’on puisse imaginer une véritable centralisation de l’espace tribal autour de ce pôle. La formule « civilisation des oppida », notion définie par Joseph Déchelette, est ainsi liée aux découvertes menées depuis un siècle et demi30.

  • 31 Je résume ici les propos de Fichtl (2005, 11-24).

7Ces caractéristiques, telles que les archéologues les ont définies, sont les suivantes31 :

    • 32 César, Bellum Gallicum, I, 6, 3 : Extremum oppidum Allobrogum est proximumque Heluetiorum finibus G (...)
    • 33 Tite-Live, XXII, 11.
    • 34 Fichtl (2005, 13) ; Moret (2017, 173-190), qui remet en cause l’évolution historique supposée avoir (...)

    des défenses naturelles : son accès est souvent rendu difficile soit par des pentes raides, soit par un isolement hydrographique ; l’enceinte n’est donc pas une obligation, César mentionnant un oppidum ouvert, Geneua32, tout comme Tite-Live qui évoque pour l’année 217 av. J.‑C. l’évacuation des oppida non fortifiés33. Néanmoins, les oppida apparaissent souvent comme étant fortifiés34 ;

    • 35 Fichtl (2005, 12).

    l’oppidum est habité de façon permanente, avec des activités économiques, politiques et parfois religieuses. L’aspect économique est largement valorisé par César, en particulier dans les sept livres du Bellum Gallicum qu’il a écrit : c’est ce qu’il évoque en premier pour les oppida qu’il mentionne, car il y ravitaille souvent ses troupes. Quant à l’aspect politique, César ne l’oublie pas, signalant que les décisions importantes des divers peuples se prennent dans le cadre des oppida. Il mentionne, pour certains, une physionomie déjà urbaine, comme Auaricum (Bourges) qui est même qualifiée d’urbs35.

  • 36 Je renvoie pour une présentation historiographique plus ample à Fichtl (2005, 17-20). On peut aussi (...)
  • 37 Kruta (2000, 762-763).

8Chez les archéologues36, deux écoles s’opposent dans la définition d’oppidum. En 2000, Venceslas Kruta propose une définition très large : il s’agit pour lui de tout lieu d’habitat — « les grandes agglomérations », mais pas seulement — fortifié de l’âge du fer en Europe occidentale, en prenant en compte le rôle centralisateur des activités, entre autres économiques avec la présence permanente d’artisans et l’insertion dans un réseau commercial, mais aussi religieuses et administratives37.

  • 38 Fichtl (2005).
  • 39 Fichtl (2004).
  • 40 Fichtl (2005, 11-40).
  • 41 Dehn (1962).
  • 42 Guillaumet (1984).
  • 43 Fichtl (2005, 11-16).
  • 44 Fichtl (2005, cartes p. 20 et 22-23 pour l’extension de la civilisation des oppida).

9Stephan Fichtl, dans deux ouvrages sur les oppida datés de 200038 et de 200439, préfère quant à lui une définition plus stricte40, prenant en compte la taille de ceux-ci (plus de 15 ha, les plus petits étant des castella ; Wolfgang Dehn41 propose lui 30 ha minimum ; Jean-Paul Guillaumet42, 50 ha) construits au iie siècle av. J.‑C. et sur une zone allant de l’arc alpin au sud de la Grande-Bretagne. Il évoque d’ailleurs l’utilisation du terme oppidum chez César, mais avant tout dans le Bellum Gallicum43, sans vraiment tenir compte du Bellum ciuile, dont une grande partie de l’action se situe en Illyrie, Macédoine et péninsule Ibérique, c’est-à-dire en dehors du cadre géographique de la « civilisation des oppida44 ».

  • 45 Tarpin (2000, 27) : « Le même site peut être désigné comme urbs et comme oppidum. Les deux termes s (...)
  • 46 Fichtl (2005). On peut ajouter plus récemment Fichtl (2012).
  • 47 Aulu-Gelle, Nuits attiques, XVIII, 7, 5 : “ciuitatem” et pro loco et oppido et pro iure quoque omni (...)
  • 48 La traduction de ciuitas dans le Bellum Gallicum a entraîné une discussion au sein du Groupe César.
  • 49 Lefebvre (2011, 154).
  • 50 Pour la période préromaine, voir Fichtl (2012, 238) : « Plusieurs oppida sont connus pour cette ciu (...)

10Les auteurs anciens semblent opposer oppidum à urbs qui est une ville ouverte, mais qui, au fil du temps, a pu être entourée d’une enceinte, sans que le terme la désignant change ; mais l’opposition n’est pas si évidente45. Cela pose donc le problème de savoir si on peut assimiler oppidum à « ville », ce que fait Stephan Fichtl dans le titre d’un de ses ouvrages46, et on verra que nous avons fait le choix dans notre traduction de recourir très fréquemment à cette assimilation, que l’on retrouve par exemple chez Aulu-Gelle47. Il convient bien entendu d’être plus prudent avec le terme « cité », qui traduit souvent ciuitas48, c’est-à-dire une circonscription administrative considérée généralement comme étant de type romain49, comprenant un territoire et un ou plusieurs centres urbains, qui peuvent être des oppida50.

  • 51 Fichtl (2005, 16).

11En résumé, l’oppidum serait un site de hauteur, fortifié par la nature ou par l’homme, avec des fonctions économiques et politiques essentiellement. Sauf à de rares exceptions, il n’est pas encore une urbs du point de vue romain. C’est un terme romain qui désigne une réalité celtique51, différente de ce que les Romains connaissaient.

  • 52 Fichtl (2005, 15).

12Cette définition assez large est très bien applicable aux sites de Gaule celtique évoqués par César dans le Bellum Gallicum. Mais le terme a-t-il le même sens dans le Bellum ciuile ? Doit-on donc le traduire de la même façon ? Bibracte, oppidum des Éduens, est-il comparable à Utique, capitale de l’Afrique, également désignée par le terme d’oppidum ? Faut-il, dans les deux cas, traduire oppidum de la même façon ? Ainsi que je l’ai signalé, Stephan Fichtl rappelle que « César emploie, en fait, le terme d’oppidum pour des réalités très différentes les unes des autres52 ». Cela apparaît assez nettement dans le Bellum ciuile.

3. César et le terme oppidum dans le Bellum ciuile

  • 53 Il l’est moins quand il évoque l’oppidum des Parthini (BC, III, 41, 1) sous la forme qu’il emploie (...)
  • 54 On peut noter dans Fichtl (2012) que sont évoquées les régions suivantes : la Gaule méridionale (93 (...)

13Le Bellum ciuile est postérieur au Bellum Gallicum : lors de son écriture, César a déjà utilisé le terme oppidum pour désigner un certain nombre de lieux en Gaule et en Bretagne, territoires qu’il tentait de conquérir. Dans le Bellum ciuile, il parcourt, avec ses troupes, ses alliés et ses ennemis, des régions entrées depuis plusieurs décennies dans l’Empire romain, des espaces où le cadre administratif romain et la terminologie romaine étaient connus, des territoires où la civilisation poliade était ancienne, en particulier pour la partie orientale de son champ d’action. L’utilisation du terme oppidum dans un tel contexte est donc surprenante53, ce qui n’était pas le cas dans le Bellum Gallicum, le terme oppidum employé par César l’étant alors dans le contexte pour lequel il a été défini, c’est-à-dire une Gaule celtisée peu à peu par les migrations. Que recouvre alors, pour César, le terme d’oppidum dans ces zones géographiques méditerranéennes54, la côte dalmate, la péninsule Ibérique, l’Afrique, pour lesquelles César évoque la présence d’oppida, bien différents des structures celtiques ?

14César va, depuis le franchissement du Rubicon en janvier 49 av. J.‑C. et jusqu’en 48 à la mort de Pompée en Égypte et à sa propre arrivée à Alexandrie, raconter les diverses phases du conflit sur plusieurs champs de bataille, en Italie, à Marseille, en péninsule Ibérique puis en Grèce, et enfin à Alexandrie.

  • 55 Pour Salone, César évoque le site ; cf. BC, III, 9, 2 : oppidum oppugnare instituit (est autem oppi (...)
  • 56 Tarpin (2000, 27) : « La richesse du vocabulaire utilisé par les auteurs de langue latine pour dési (...)
  • 57 Ils ont pourtant un rôle, étant souvent le siège du pouvoir local, le centre économique et religieu (...)

15Dans le cadre du déplacement des troupes dans ces divers espaces, il est conduit à décrire et à mentionner des villes, places fortes, camps, etc., pour lesquels il utilise des termes latins comme castellum, castrum, principia, mais aussi fréquemment, oppidum. Or, la réalité des sites ainsi mentionnés ne correspond pas forcément à la définition mise au point et utilisée par les archéologues pour le monde celtique55. César ne dispose sans doute pas d’un lexique élargi pour désigner les structures plus ou moins urbaines, mais surtout plus ou moins défendues et protégées qu’il évoque, même si la variété des mots possibles est grande pour désigner le phénomène urbain56, ce qui n’est pas sa principale préoccupation. Son souci n’est pas non plus de s’approcher au plus près de la réalité institutionnelle, politique ou économique de ces sites57 — son propos n’est pas ethnographique, il est militaire — : il est beaucoup plus précis lorsqu’il évoque les camps, fortins ou campements qui, eux, jouent un rôle dans le cadre du conflit l’opposant à Pompée. La terminologie employée reflète la hiérarchie et la taille de ces structures militaires.

16Or, c’est en partie sur les textes littéraires que l’on s’est fondé pour déterminer le statut ou la physionomie de ces sites, avant que les découvertes archéologiques ne permettent de nuancer et, par conséquent, de complexifier le terme oppidum. La compréhension de son utilisation par César est donc importante.

  • 58 BC, III, 11, 1 : atque omnibus oppidis mutatis ad celeritatem iumentis ad Pompeium contendit.

17Afin de pouvoir être le plus précis possible dans l’analyse du terme, il convient d’en faire le recensement, soit près de 110 attestations d’oppidum ou d’oppidani — les habitants d’un oppidum —, concernant près de 30 sites. Il faut noter que le terme est parfois employé de façon générale et ne peut être rattaché à une ville en particulier58. L’inventaire conduit à quelques remarques générales, mon propos n’étant pas ici de faire une analyse exhaustive de l’ensemble des attestations.

  • 59 Tarpin (2000, 29) : « Pour les érudits du temps, l’oppidum se caractérisait donc par la manifestati (...)
  • 60 BC, I, 12, 1 : oppidum munire.
  • 61 BC, I, 12, 2 : diffisus municipii uoluntati. Cela est confirmé en BC, I, 12, 3 : confisus municipio (...)

18Le terme oppidum utilisé par César peut souvent être mis en relation avec des fortifications, ou des opérations militaires ; c’est la puissance du site qui est ainsi évoquée59. Ainsi pour Iguuium60, le verbe munire lié à oppidum signale les fortifications mises en place par l’ancien préteur Thermus, ce qui signifie que la ville n’était guère fortifiée avant cela. Mais lorsque César évoque le sentiment des habitants, qui a pu s’exprimer lors d’une réunion du corps civique, c’est le terme municipium qu’il emploie61, évoquant le statut juridique de la communauté, respectant en cela la terminologie juridique.

  • 62 Gentili (1955).
  • 63 BC, I, 12, 3 : Quod oppidum Attius cohortibus introductis tenebat.
  • 64 Sur le Picenum avant les Romains, voir Delplace (1993, 1-3), qui montre bien que la population n’es (...)
  • 65 L’enceinte daterait de 174 av. J.C.
  • 66 Velleius Paterculus, I, 15.
  • 67 BC, I, 13, 1 : oppido moenibusque prohiberi.
  • 68 BC, I, 13, 2 : ex oppido educi ac profugit.
  • 69 BC, III, 29, 1 : quod oppidum iis antea Caesar adtribuerat muniendumque curauerat.

19De même Auximum62, mentionné comme oppidum63 tenu par Attius avec quelques cohortes, possède, depuis l’installation des Romains dans le Picenum64, de forts murs d’enceinte faite de pierres rectangulaires, en opus quadratum de tuf local65 ; ils atteignent 10 m de haut. Cette colonie, depuis 157 av. J.‑C. selon Velleius Paterculus66, est de plus sise sur une colline de près de 450 m de haut, entourée du mur d’enceinte : la surface protégée n’est que de 16 ha. Sa physionomie correspond à ce que l’on a pu retenir de la définition des oppida celtiques. De fait, c’est en tant que place forte que le site est évoqué par le terme oppidum, en lien avec l’importance de l’enceinte67. Ces murs abritent une garnison68, c’est bien l’aspect militaire qui est ici mis en avant. Il en est de même à Lissus, où César a chargé le conuentus des citoyens romains d’améliorer les fortifications69.

  • 70 BC, III, 9, 2 et 4 (voir plus bas).
  • 71 BC, I, 38 (voir plus haut).

20On peut évoquer un autre exemple pris dans le livre III, celui de Salone70. Cette ville, située dans la future province de Dalmatie dont elle devient la capitale à l’époque césarienne, est un port à l’embouchure du Jadro. César fournit des informations sur ce site qu’il qualifie d’oppidum dans le cadre du siège qu’il mène. Nous sommes bien là dans un contexte militaire. L’auteur précise ensuite la topographie : Salone est défendue par sa position naturelle, une colline. Nous nous rapprochons ici des descriptions faites dans le Bellum Gallicum, par exemple celle concernant Vesontio71.

  • 72 BC, I, 15, 3.
  • 73 BC, I, 12, 3 ; 13, 1 et 2.
  • 74 Voir plus bas.
  • 75 On y trouve une enceinte : cf. Delplace (1993, 300).
  • 76 BC, I, 18, 1 : quod oppidum a Corfinio vii milium intervallo abest […] ; qui id oppidum vii cohorti (...)
  • 77 BC, II, 23, 4 : Id oppidum C. Considius Longus unius legionis praesidio tuebatur.
  • 78 BC, II, 19, 3 : tuendi oppidi causa apud se retinuit ; II, 21, 1 : quod oppidum in sua potestate st (...)
  • 79 BC, III, 5, 1 : Hiemare Dyrrachii, Apolloniae omnibusque oppidis maritimis constituerat.
  • 80 BC, III, 9, 8 : Iamque hiems adpropinquabat, et tantis detrimentis receptis Octauius desperata oppu (...)

21Le terme oppidum est aussi souvent associé à la présence de garnisons : c’est le cas à Asculum72, à Auximum73, et à Corfinium74, mais aussi à Sulmo75, où se trouve une garnison commandée par Q. Lucretius et Attius Pelignus76, ou encore à Hadrumète77. C’est bien l’action des citoyens romains fermant les portes de Corduba et garnissant les murs d’hommes pour se protéger de Varron qui justifie l’emploi d’oppidum pour désigner la capitale de la province d’Ultérieure78, qui est bien alors une « ville », traduction privilégiée par le Groupe César, tout en étant une « place » rendue forte par cette action, traduction retenue par Pierre Fabre dans la CUF. C’est parce que Pompée place des troupes dans les villes de la côte qu’elles sont désignées par César comme des oppida79, dont Dyrrachium80.

  • 81 BC, I, 16, 3 (voir plus bas).
  • 82 BC, III, 9, 4 : Quorum cognita sententia Octauius quinis castris oppidum circumdedit. On trouve la (...)
  • 83 BC, I, 18, 2.
  • 84 BC, III, 11, 4.
  • 85 BC, II, 11, 1 : Quo malo perterriti subito oppidani.
  • 86 BC, I, 61, 5 : Id erat oppidum positum ad Hiberum miliaque passuum a castris aberat xx.

22Mais un oppidum n’étant pas un camp, castra, César distingue bien les deux : à Corfinium, il installe son camp — castra81 — sous les murs de l’oppidum, tout comme Octavius à Salone82. Pour lui la distinction entre les deux est bien claire. La mention d’oppidum n’est jamais très loin de la mention d’un camp, castra ; les deux entités n’ont pas le même rôle et n’abritent pas la même population. S’il peut y avoir des troupes dans un oppidum, il y a aussi des habitants qu’il n’y a pas dans un camp. Ainsi oppidani désigne les habitants par opposition aux soldats, comme on le voit à Sulmo83 — Pierre Fabre traduit d’ailleurs oppidani et milites par « civils et soldats » —, ou à Oricum84. Lors d’un siège, les oppidani, ceux qui se trouvent à l’intérieur de la ville, sont alors des assiégés, comme à Massalia85. On peut mentionner le cas d’Octogesa, située sur l’Èbre, et mentionnée par César86. Malheureusement ce site des Ilergètes n’a pas été clairement identifié et donc localisé. Il est donc difficile de dire ce qui conduit César à employer ce terme, sans connaître le cadre topographique en particulier.

  • 87 BC, III, 11, 1 (voir plus haut).

23Plus loin, dans le livre III, on peut faire la même constatation : ainsi, lorsque César évoque les quartiers d’hiver que prend Pompée, il mentionne un certain nombre de villes et les oppida maritima, qui sont les autres villes de la côte87. Cette localisation des quartiers d’hiver a pour but de surveiller et de contrôler les ports afin d’éviter un débarquement de César, resté en Italie. Un élément est ici à prendre aussi en compte dans le choix de l’emploi d’oppidum : Pompée, afin de préparer cet hiver, a rassemblé dans ces diverses villes de grandes quantités de blé. J’ai rappelé que, pour César, dans le Bellum Gallicum, l’oppidum était souvent le lieu où il trouvait des ressources pour ses troupes. Cette dimension est donc reprise ici. Les oppida maritima servent d’entrepôts à Pompée pour le blé venu de Thessalie, de Crète, d’Égypte.

  • 88 Delplace (1993, 35-38).
  • 89 BC, I, 15, 3 : Id oppidum Lentulus Spinther X cohortibus tenebat.
  • 90 BC, I, 15, 3 : profugit ex oppido.

24Il est là encore étonnant que César n’emploie pas les termes désignant le statut de ces cités : Asculum Picenum, conquise en 268 av. J.‑C., est devenue alors une ciuitas foederata, puis, après la guerre des Socii en 8988, un municipium. Dans un contexte militaire, ce n’est pas le statut des cités qui l’intéresse mais leur potentiel militaire : Asculum Picenum est bien défendu par un site composé d’une terrasse rocheuse bordée par trois pentes. Elle a surtout une garnison conséquente89, que Lentulus Spinther tente d’entraîner à sa suite lors de sa fuite90.

  • 91 César encercle ainsi la ville de Sulmo, cf. BC, I, 18, 6 : Reliquis diebus oppidum uallo castellisq (...)
  • 92 Otacilius, de Lissus : BC, III, 29, 1 : Otacilius sibi timens <ex> oppido fugit.
  • 93 M. Aurelius Cotta chassé de Caralis, cf. BC, I, 30, 3 : nondum profecto ex Italia sua sponte Cottam (...)
  • 94 À Apollonia, cf. BC, III, 12, 3 : Illi ad Caesarem legatos mittunt oppidoque recipiunt.
  • 95 Voir plus bas.
  • 96 BC, III, 21, 5 : quae proditionem oppidi appararet.
  • 97 BC, III, 101, 3 : uix oppidum defenderetur […] ; 4 : Sed opportunissime nuntiis adlatis oppidum fui (...)
  • 98 BC, III, 102, 7 : oppido ac portu recepti non erant.

25De façon générale, le vocabulaire associé au terme oppidum est presque toujours à consonance militaire : on parle des murs, des troupes, de sièges91, de prises par la force, de résistance, de fuite92 ou d’expulsion de ces lieux protégés93, d’entrée ou sortie de délégations94 ; cela est en particulier visible lors de l’évocation de Massalia95, de Capoue96, de Messine97 ou de Rhodes98.

  • 99 BC, I, 15, 2 : quod oppidum Labienus constituerat. Cf. Delplace (1993, 69, note 187) : oppidum sera (...)

26Il faut noter quelques cas pour lesquels il est difficile de trouver la dimension militaire comme pour Cingulum dont la fondation est évoquée99.

  • 100 Caballos Rufino (2001 et 2012).
  • 101 BC, II, 4 : Isdem diebus Carmonenses, quae est longe firmissima totius prouinciae ciuitas, deductis (...)

27L’emploi d’oppidum sous le stylet de César ne semble donc pas anodin, que cela soit dans le Bellum Gallicum et plus encore dans le Bellum ciuile. Un exemple le confirme : Carmona100 occupe un site remarquable, en hauteur, dominant une riche plaine agricole, ce qui a sans doute justifié sa fondation par les Carthaginois. Or, trois termes sont utilisés par César pour désigner la ville101 : elle est tout d’abord une ciuitas, et la plus puissante de la province. César ne précise pas ce qui fait sa puissance, mais la suite de son texte permet de comprendre qu’il s’agit de son potentiel défensif ; la traduction ici ne peut être que « cité », en parfaite adéquation avec le système administratif romain dans une province organisée en 197 av. J.‑C. Le second terme est arx, que l’on peut traduire par « citadelle » ; la topographie de Carmona permet d’employer ce terme pour la partie la plus élevée de la ville. Enfin, César utilise oppidum, qui désigne la ville où ont été placées les cohortes de Varron qui sont chassées par les habitants ; c’est bien ici le contexte militaire qui est rappelé, d’où l’utilisation du terme par César que nous avons traduit par « ville ». Notre traduction d’oppidum doit rendre cette subtilité de l’emploi du terme et permettre ainsi au lecteur de la saisir.

4. Les choix de traduction

  • 102 Nisard (1865).
  • 103 Fabre (1936 et 1959).
  • 104 Cogitore et al. (2020, xxxi).

28J’ai privilégié quelques dossiers pour justifier les choix de traduction que nous avons faits, car il est bien entendu impossible de tout passer en revue. Pour montrer la difficulté qui réside dans le choix du bon terme, j’ai mis en parallèle, pour chacun des sites retenus, trois traductions, celle de la collection Nisard102, publiée en 1865, celle de Pierre Fabre dans la CUF103 et celle du Groupe César. Nous avons en général choisi de traduire oppidum par « ville »104.

  • 105 Delplace (1993, 300).

29Le premier dossier concerne Corfinium105, dont la situation stratégique explique l’importance ; elle était sans doute enceinte de murs forts, ce qui explique la résistance contre César, menée par L. Domitius Ahenobarbus.

Tableau 1. – Corfinium.

Tableau 1. – Corfinium.

30La dimension militaire est bien liée à l’emploi du terme oppidum, qui est en lien avec la garnison, la stratégie militaire. C’est cette dimension que Pierre Fabre a voulu le plus souvent rendre dans sa traduction ; il convient de noter les rares emplois de « ville » par ce dernier, en lien non plus avec une action militaire, mais lors du pillage des biens de la communauté civile ou alors que César a octroyé sa grâce à Lentulus Spinther. Nous avons choisi de privilégier la dimension urbaine de Corfinium, en traduisant oppidum par « ville », le contexte militaire étant rendu par les actions décrites.

31César poursuit sa campagne en Gaule : Massalia constitue une étape-clé, et on ne peut nier son statut urbain. Polis grecque — c’est une colonie de Phocée fondée vers 600 av. J.‑C. —, elle constitue un noyau très différent des oppida des peuples transalpins que les Romains ont découverts lors de la conquête entre 125 et 121 av. J.‑C., comme l’Entremont des Salyens. C’est cependant ce terme qu’emploie César pour évoquer Massalia.

Tableau 2. – Massalia.

Tableau 2. – Massalia.
  • 106 BC, II, 1, 3 : Huius quoque spatii pars ea quae ad arcem pertinet loci natura et ualle altissima mu (...)
  • 107 BC, II, 5, 3 : Facile erat ex castris C. Treboni atque omnibus superioribus locis prospicere in urb (...)
  • 108 C’est ici la ville qui pourrait être opposée à la campagne, au territoire rural de la cité ; cf. Ta (...)

32Le terme oppidum est ici nettement associé au siège mené par les Césariens, à la mention des baraques d’approches et des tours mises en place en vue de la reddition de Massalia ; un peu plus loin, c’est le matériel de guerre qui est évoqué, ainsi que les projectiles entassés par les Marseillais. Oppidum est donc clairement choisi par César pour évoquer ce cadre particulier. Si Pierre Fabre a choisi ici de traduire oppidum par « place », nous avons à nouveau préféré le terme de « ville », car Massalia a clairement un caractère urbain. César n’a pas à sa disposition d’autres termes aussi évocateurs des aspects militaires : peu après, c’est l’arx de Marseille, la citadelle, qui est mentionnée106. Un passage témoigne bien que les choix lexicaux de César ne sont pas anodins. Il utilise en effet deux termes pour désigner Marseille : d’une part urbs107, lorsque qu’il évoque le regard que l’on peut plonger au cœur de la ville depuis les hauteurs entourant Marseille. C’est là clairement l’aspect urbanistique108 qui est pris en compte, alors que, quelques mots plus loin, lorsqu’il évoque les potentiels défenseurs, il emploie à nouveau le terme d’oppidum. La dimension militaire est accentuée lorsque Pierre Fabre, tout comme nous, traduit oppidani par « assiégés ». Les autres mentions d’oppidum pour désigner Marseille sont elles aussi liées au contexte du siège. Il ne faut pas oublier que César est le patronus de Marseille, qu’il connaît donc très bien : le statut des cités, qui est connu par d’autres sources, et qu’il connaissait parfaitement, lui importe peu ici.

33Utique, capitale de la province d’Afrique, est mentionnée principalement au livre II, alors que Curion arrive en Afrique. César la décrit comme un port qui permet de mettre des bateaux en cale sèche, proche de l’embouchure de la Bagrada, peu éloigné (1,5 km) d’un lieu escarpé où un camp est installé.

Tableau 3. – Utique.

Tableau 3. – Utique.

34Utique est qualifiée d’oppidum par César ; elle n’est cependant pas en hauteur, même si une partie de la ville est localisée sur un promontoire dominant un port. Il distingue cependant les deux parties de la ville dans le livre I. Ici, le port, situé dans la zone basse, et la « ville », localisée sur la colline, sont spécifiquement mentionnés alors que César aurait pu n’employer qu’un seul terme. C’est là encore le lien avec une contrainte militaire qui prévaut dans le choix du mot idoine, puisqu’il s’agit de montrer que Varus tient l’intégralité du site, l’interdisant à Tubéron, partisan de César. On peut noter en particulier l’opposition entre le camp, castra, et l’oppidum, la ville, que l’on retrouve très régulièrement dans les descriptions de César mais qui est, pour Utique, particulièrement bien marquée.

  • 109 Utique est en effet à cette date une ville d’origine phénicienne, fondée vers le xe siècle av. J.‑C (...)

35Dans notre traduction, nous avons fait le choix de désigner Utique par le terme français de « ville », sauf une fois où nous avons mis son nom pour désigner ses habitants. Le caractère urbain d’Utique à cette date est indéniable, même si c’est une ville encore modeste109, il ne peut donc y avoir d’ambiguïté. Le contexte d’emploi renvoie systématiquement aux actions militaires des uns et des autres (évocation des murs, lieu de refuge). La traduction de 1865 opère de la même façon. Pierre Fabre est, lui, partagé entre l’emploi de « ville » et de « place », terme qui relève davantage du rôle stratégique d’Utique et de la présence de la muraille ; il met ici en avant un aspect que nous avons choisi de ne pas valoriser afin de ne pas créer de confusion entre le camp voisin et la ville.

36Ilerda est le site choisi en Hispanie Citérieure par les Pompéiens pour combattre les Césariens. La valeur stratégique de la région est en effet importante, entre autres pour le ravitaillement des troupes. La ville est sise sur une hauteur et les adversaires ont chacun investi une colline proche pour y installer leur camp.

Tableau 4. – Ilerda.

Tableau 4. – Ilerda.

37Ilerda la ville est clairement définie en opposition avec le camp d’Afranius, désigné par le terme castra ; oppidum exprime donc ici la dimension civile de cette structure urbaine.

  • 110 On peut noter que César emploie le terme oppidum pour Octogesa, proche de l’Èbre et du champ de bat (...)

38Peu d’éléments de description de la ville d’Ilerda figurent dans le texte de César, néanmoins on trouve deux indications utiles qui justifient l’emploi d’oppidum par César : la ville est sur une hauteur, et elle est entourée de murs. Elle ressemble donc à ce que César a pu voir en Gaule, à Bibracte ou à Vesontio. Il ne faut pas oublier que le nord de la péninsule Ibérique a été celtisé, ce qui a donné la civilisation des « castros »110. Mais ce n’est sans doute pas cet élément qui justifie l’emploi par César du terme oppidum. L’utilisation est semblable à celle des autres dossiers issus du Bellum ciuile : oppidum est employé pour caractériser le cadre militaire des descriptions. Pour la plupart des passages, les trois traductions utilisent « ville ». On peut noter qu’à plusieurs reprises, pour faciliter la compréhension du texte, c’est le nom d’Ilerda qui a été repris.

  • 111 Lefebvre, Picard, Callegarin & Valérian (à paraître).
  • 112 Bellum Hispaniense, XLII, 1 ; Velleius Paterculus, II, 43, 4 ; Suétone, César, VII, 1 : Quaestori u (...)
  • 113 Suétone, César, VII, 1 : Gadisque uenisset. Cf. Lefebvre (2013, 29-60).
  • 114 Cicéron, Pro Balbo, XV, 34. Cf. Rodríguez Neila (1980).

39J’ai également retenu l’exemple de Gadès, port situé au niveau du détroit de Gibraltar111, dans une zone où les îles étaient à l’époque nombreuses. César connaît Gadès : il a été en poste deux fois dans la province d’Ultérieure ; il y est venu une première fois en 69-68 av. J.‑C., comme questeur112, et a eu l’opportunité de rencontrer les notables des diverses cités constituant la province, se rendant dans cette cité113 représentée par L. Cornelius Balbus. Elle est en principe protégée par un traité qui garantit son autonomie114. César lui a accordé des bienfaits, postérieurement à Pompée, présent en Hispanie lors du conflit contre Sertorius.

40Là encore, le terme oppidum est employé pour désigner la ville et ce ne sont pas le statut de la ville et son rôle religieux — il y a là le très riche sanctuaire d’Hercule gaditain — qui sont évoqués par le terme oppidum, mais bien une dimension militaire.

Tableau 5. – Gadès.

Tableau 5. – Gadès.
  • 115 BC, II, 20.
  • 116 Ce que nous avons aussi constaté pour Massalia.

41On peut d’ailleurs noter que César utilise d’autres termes lorsqu’il souhaite préciser la topographie de Gadès : il mentionne les deux parties115, la ville (urbs) et l’île (insula) où se trouve le sanctuaire. Nous sommes là dans un autre contexte, qui ne ressort plus du domaine militaire116. Oppidum n’est ici encore utilisé que dans le cadre d’une description d’activités militaires.

  • 117 Depuis les premières recherches archéologiques menées en 2008 par la Fondation Octopus, une porte d (...)

42En Illyrie, Oricum constitue également un exemple intéressant. Il s’agit d’une ville côtière remontant au ve siècle av. J.‑C. : son caractère urbain est donc indéniable. Elle était érigée sur un promontoire bien défendu117 et sa position en faisait un site stratégique de première importance pour le contrôle des relations avec la péninsule italienne.

Tableau 6. – Oricum.

Tableau 6. – Oricum.

43Là encore, l’utilisation d’oppidum par César pour évoquer Oricum est toujours lié à un contexte militaire : la mention du commandement de L. Torquatus, sa reddition, l’organisation de la défense par César qui y laisse trois cohortes, les problèmes de ravitaillement des troupes. Nous avons à nouveau fait le choix de traduire oppidum par « ville ». Pierre Fabre de son côté a traduit aussi bien par « place » que par « ville ».

44La dernière ville de l’Empire romain pour laquelle César emploie le terme oppidum à plusieurs reprises est Gomphi en Thessalie.

Tableau 7. – Gomphi.

Tableau 7. – Gomphi.
  • 118 BC, III, 80, 3.

45La localisation de Gomphi lui permet de contrôler deux passages vers la plaine thessalienne ; la ville était entourée d’une enceinte de bonne taille dont les portes sont mentionnées118. Nous retrouvons à nouveau cette dimension militaire, justifiant l’emploi d’oppidum par César : Androsthénès tente de constituer une garnison pour résister au général. Cette attitude vaut à la « ville », traduction que nous avons privilégiée, d’être pillée, ce qui est le lot commun des villes prises.

46Le dernier dossier que j’évoquerai peut surprendre : Alexandrie n’est pas sise dans l’Empire romain à cette date, elle est fort loin du monde celtique, et sa topographie, celle d’un port, n’est pas celle que l’on imagine pour un oppidum. Pourtant, ce terme est employé à plusieurs reprises pour évoquer la capitale du royaume lagide :

Tableau 8. – Alexandrie.

Tableau 8. – Alexandrie.
  • 119 C’est ce qui a été fait pour Massalia, voir ci-dessus.

47Comme dans les autres dossiers retenus, César utilise oppidum en lien avec le contexte militaire : ce sont les troupes qui cantonnent, qui se battent à proximité du lieu à prendre, l’oppidum. Trois mentions d’oppidum auraient pu être remplacées par urbs119 lorsque César évoque la topographie d’Alexandrie, le pont entre la ville et l’île où se trouve le phare, et le quartier ainsi constitué.

  • 120 Nicolet (2000).
  • 121 Tarpin (1999 et 2002).
  • 122 Pseudo-César, Guerre d’Alexandrie.

48Il faut noter qu’Alexandrie étant une très grande ville à l’époque, elle est constituée de plusieurs parties, ce que rend César quand il évoque les partes de l’oppidum. Nous avons choisi de traduire en utilisant le terme « quartier », très bien adapté pour la capitale du royaume lagide. Pierre Fabre avait déjà retenu cette solution, et on peut noter que contrairement à son habitude, il traduit ici oppidum par « ville », prenant en compte le statut d’Alexandrie de quasi mégapole120 et non son rôle militaire. César utilise aussi le terme uicus121 qui est sans doute le terme qui correspond le mieux à la traduction par « quartier ». Cette façon de désigner, oppidum et ses quartiers, oppidi partes, est reprise dans le Bellum Alexandrinum122 à trente-six reprises.

49C’est presque toujours dans un contexte militaire que César évoque les pôles urbanisés. Oppidum est alors le terme qu’il choisit, qu’il met en relation avec garnisons, enceintes, sièges ou présence d’un camp militaire au voisinage. Car l’oppidum n’est pas un lieu strictement militaire : c’est, bien au contraire, le cadre de vie d’une communauté civile qui est souvent évoqué, devant subir les aléas de la guerre ou prenant des décisions. Si l’oppidum évoque pour César, après la guerre des Gaules, des sites particuliers comme Bibracte ou Vesontio, son usage dans le Bellum ciuile témoigne de sa définition plus large : pour César, l’oppidum est un noyau urbain assez conséquent, une ville. Cela a induit les choix de traduction du Groupe César.

5. Conclusion

50Si le chercheur doit toujours se référer aux sources dans leur langue d’écriture, il est néanmoins parfois nécessaire d’utiliser des traductions, qui permettent au lecteur souhaitant « lire l’histoire » un contact plus immédiat avec le texte. Savoir qui est le traducteur est alors indispensable : le contexte de traduction est à prendre en compte, ainsi que la culture et les connaissances du traducteur. Ce dernier, par les choix qu’il fait, est conduit à apporter des nuances au texte sur lequel il travaille. Même en étant le plus respectueux possible, par le choix des mots, « ville » ou « place forte » par exemple dans le cas d’oppidum, il induit une lecture différente, plus civile ou plus militaire dans le cas qui nous occupe. Il convient de le savoir et d’en tenir compte. Dans le cas d’une traduction, nommer la ville en utilisant des termes techniques, politiques, juridiques, administratifs, militaires conduit à interpréter le texte latin ou grec.

  • 123 Dans le cas de la traduction du Groupe César, les choix ont été fait en fonction du lecteur, cible (...)

51Il convient aussi de rester clair pour le lecteur : traduire c’est aussi permettre à ce dernier de comprendre le texte. Il faut donc respecter ce qu’a écrit l’auteur, et le connaître aide aussi à proposer une traduction la plus fidèle possible qui doit aussi tenir compte du public à qui est destiné l’ouvrage123. On ne peut proposer une traduction tout à fait similaire à un agrégatif de lettres classiques, à un public curieux mais non latiniste ou historien, ou à un collégien.

  • 124 Leptis Magna fut cité pérégrine, puis municipe latin sous Vespasien, puis colonie romaine sous Traj (...)

52« Nommer la ville » n’est donc pas un problème se cantonnant à l’Antiquité, période pour laquelle les termes techniques désignant une communauté varient124 dans le temps, c’est aussi une problématique contemporaine.

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Bibliographie

Sources

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DE GIORGIO Jean-Pierre (éd.), avec COGITORE Isabelle, COUDRY Marianne, LEFEBVRE Sabine & WYLER Stéphanie, César, Guerres : guerre des Gaules & guerre civile, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Editio Minor », 2020.

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Notes

1 De Giorgio (éd.) et al. (2020). Ce collectif est désigné par le terme Groupe César dans cet article. Nous avons choisi de donner toutes les mesures selon nos unités de mesures actuelles, kilomètres, heures, etc.

2 César, La guerre civile, Tome 1 (Livres I et II) et Tome 2 (Livre III), Paris, 1936.

3 Pour plus de détails sur la méthode de travail, voir Cogitore et al. (2020).

4 À de très rares exceptions, comme pour imperator à quatre reprises. Cf. Cogitore et al. (2020, ix-xxxv).

5 Il ne s’agit évidemment pas ici de reprendre l’ensemble du dossier, mais de proposer une rapide synthèse destinée à éclairer les choix de traduction.

6 Tarpin (2000).

7 Sur l’origine du mot, voir les propositions de Servius, ad Aeneid, IX, 605 : Quatit oppida bello oppidum quidam a uico castelloque magnitudine secernunt : alii locum muro fossaue aliaue qua munitione conclusum : alii locum aedificiis constitutum, ubi fanum comitium forum et murus sit ; alii oppidum ab oppositione murorum ; uel quod hominibus locus esset oppletus ; uel quod opes illo munitionis gratia congestae sunt.

8 Gaffiot (1934).

9 Lewis & Short (1962).

10 Tarpin (2000, 28).

11 Ibid.

12 Thesaurus Linguae Latinae (TLL), IX-2, p. 754-759 (1976) ; parmi les sens du mot, on peut noter, col. 754 : sedes ciuitatis, urbs, entre autres, chez Pline l’Ancien, Histoire naturelle, III, 7.

13 Cicéron, De Republica, I, 41 : quam cum locis manuque saepsissent, eius modi coniunctionem tectorum oppidum uel urbem appellauerunt, delubris distinctam spatiisque communibus.

14 Varron, De Lingua Latina, V, 143 : Oppida condebant in Latio Etrusco ritu, ut multa, id est iunctis bubus, tauro et uacca interiore, aratro circumagebant sulcum. Hoc faciebant religionis causa die auspicato, ut fossa et muro essent muniti. Terram unde exculpserant, fossam uocabant et introrsum iactam murum.

15 Tite-Live, XLII, 36 : Per idem tempus legati ab rege Perseo uenerunt. Eos in oppidum intromitti non placuit, cum iam bellum regi eorum et Macedonibus et senatus decresset et populus iussisset.

16 Tite-Live n’utilise pas le terme de ciuitas quand il parle des Gaulois cisalpins du iiie siècle av. J.‑C., dont il juge sans doute les institutions comme étant trop « embryonnaires » ; cf. Peyre (1979, 56 ; pour les oppida, 59-62).

17 Tite-Live, XXII, 11 : Edictoque proposito ut, quibus oppida castellaque immunita essent, ut ii commigrarent in loca tuta.

18 Voir, par exemple, Beltrán Lloris (1999).

19 Peyre (1979, 59).

20 Polybe, III, 69, 1 : πόλιν Κλαστίδιον.

21 Tite-Live, XXI, 48, 9 : ad Clastidium uicum.

22 Tite-Live, XXXII, 29, 7 : Oppida Clastidium et Litubium, utraque Ligurum. Clastidium contrôlait le défilé de Stadella, stratégique, car il ouvrait sur l’Émilie.

23 César, Bellum Gallicum, V, 21, 3-4 : Oppidum autem Britanni uocant, cum siluas impeditas uallo, atque fossa munierunt, quo incursionis hostium uitandae causa conuenire consuerunt. 4 : Eo proficiscitur cum legionibus : locum reperit egregie natura atque opere munitum.

24 César, Bellum Gallicum, VII, 68-69 et 84.

25 César, Bellum Gallicum, I, 38 : Cum tridui uiam processisset, nuntiatum est ei Ariouistum cum suis omnibus copiis ad occupandum Vesontionem, quod est oppidum maximum Sequanorum, contendere, triduique uiam a suis finibus profecisse. Id ne accideret magnopere sibi praecauendum Caesar existimabat. Namque omnium rerum quae ad bellum usui erant summa erat in eo oppido facultas, idque natura loci sic muniebatur ut magnam ad ducendum bellum daret facultatem, propterea quod flumen [alduas] Dubis ut circino circumductum paene totum oppidum cingit ; reliquum spatium, quod est non amplius pedum M sexcentorum, qua flumen intermittit, mons continet magna altitudine, ita ut radices montis ex utraque parte ripae fluminis contingant. Hunc murus circumdatus arcem efficit et cum oppido coniungit. Huc Caesar magnis nocturnis diurnisque itineribus contendit occupatoque oppido ibi praesidium conlocat.

26 Fichtl (2005, 11).

27 Fichtl (2005, 15).

28 Cicéron, 2 Verrines, IV, 72, xxxiii : Segesta est oppidum peruetus in Sicilia.

29 Goudineau (1981, 14-15).

30 Déchelette (1927). Cf. Gardes (2017).

31 Je résume ici les propos de Fichtl (2005, 11-24).

32 César, Bellum Gallicum, I, 6, 3 : Extremum oppidum Allobrogum est proximumque Heluetiorum finibus Genua.

33 Tite-Live, XXII, 11.

34 Fichtl (2005, 13) ; Moret (2017, 173-190), qui remet en cause l’évolution historique supposée avoir amené l’apparition des oppida ; Moret (2018).

35 Fichtl (2005, 12).

36 Je renvoie pour une présentation historiographique plus ample à Fichtl (2005, 17-20). On peut aussi évoquer le bilan historiographique de Salač (2012), dans lequel l’auteur propose d’envisager aussi bien des oppida de hauteur que des oppida de plaine.

37 Kruta (2000, 762-763).

38 Fichtl (2005).

39 Fichtl (2004).

40 Fichtl (2005, 11-40).

41 Dehn (1962).

42 Guillaumet (1984).

43 Fichtl (2005, 11-16).

44 Fichtl (2005, cartes p. 20 et 22-23 pour l’extension de la civilisation des oppida).

45 Tarpin (2000, 27) : « Le même site peut être désigné comme urbs et comme oppidum. Les deux termes sont donc interchangeables. »

46 Fichtl (2005). On peut ajouter plus récemment Fichtl (2012).

47 Aulu-Gelle, Nuits attiques, XVIII, 7, 5 : “ciuitatem” et pro loco et oppido et pro iure quoque omnium et pro hominum multitudine.

48 La traduction de ciuitas dans le Bellum Gallicum a entraîné une discussion au sein du Groupe César.

49 Lefebvre (2011, 154).

50 Pour la période préromaine, voir Fichtl (2012, 238) : « Plusieurs oppida sont connus pour cette ciuitas. » Dans cet ouvrage, il analyse plusieurs termes (ciuitas, pagus, natio, finis, regio) mais pas oppidum.

51 Fichtl (2005, 16).

52 Fichtl (2005, 15).

53 Il l’est moins quand il évoque l’oppidum des Parthini (BC, III, 41, 1) sous la forme qu’il emploie souvent dans la guerre des Gaules (oppidum + le nom d’un peuple). En effet, il ne mentionne pas de ville relevant de ce peuple qui est toujours mentionné comme un groupe humain : cf. BC, III, 11, 3 ; 42, 4 et 5 ; Tite-Live, XXIX, 12, 3 : Parthinosque et propinquas alias gentes motas esse ad spem nouandi res ; 13 : ut Parthini et Dimallum et Bargullum et Eugenium Romanorum essent ; Suétone, Diuus Augustus, 19 : item Asini Epicadi ex gente Parthina ibridae. Le Groupe César a choisi pour ce cas particulier de traduire oppidum par « place forte », la présence d’une ville au sens romain du terme n’étant pas attestée. Il existe néanmoins une ville, Parthus, mentionnée par Étienne de Byzance (505 : Πάρθος, πόλις Ἰλλθρική), mais qui à l’époque de César n’avait sans doute pas encore une physionomie suffisamment urbaine pour être ainsi considérée, tout comme les deux forteresses d’Eugenium et de Bargulum mentionnées par Tite-Live.

54 On peut noter dans Fichtl (2012) que sont évoquées les régions suivantes : la Gaule méridionale (93-104) ; les castra de la péninsule Ibérique (105-110) ; l’Europe centrale (115-122) et les îles Britanniques (123-130), mais en aucun cas l’Italie, la côte dalmate ou l’Afrique du Nord. De même, ces dernières régions ne figurent pas dans Pierrevelcin (2012).

55 Pour Salone, César évoque le site ; cf. BC, III, 9, 2 : oppidum oppugnare instituit (est autem oppidum et loci natura et colle munitum). Il s’agit d’une ville côtière.

56 Tarpin (2000, 27) : « La richesse du vocabulaire utilisé par les auteurs de langue latine pour désigner tout type d’agglomérations et de communautés qu’ils pouvaient rencontrer montre que l’on distinguait plusieurs catégories. »

57 Ils ont pourtant un rôle, étant souvent le siège du pouvoir local, le centre économique et religieux ; cf. Tarpin (2000, 29).

58 BC, III, 11, 1 : atque omnibus oppidis mutatis ad celeritatem iumentis ad Pompeium contendit.

59 Tarpin (2000, 29) : « Pour les érudits du temps, l’oppidum se caractérisait donc par la manifestation de la puissance, à la fois par la capacité de défense et par l’accumulation de richesse. »

60 BC, I, 12, 1 : oppidum munire.

61 BC, I, 12, 2 : diffisus municipii uoluntati. Cela est confirmé en BC, I, 12, 3 : confisus municipiorum uoluntatibus. Sur les décisions prises localement, voir aussi BC, I, 13, 1 avec les décurions d’Auximum.

62 Gentili (1955).

63 BC, I, 12, 3 : Quod oppidum Attius cohortibus introductis tenebat.

64 Sur le Picenum avant les Romains, voir Delplace (1993, 1-3), qui montre bien que la population n’est pas celtique, même si une influence gauloise (sénone) est à noter au ive siècle av. J.‑C. ; pour plus de précisions, voir Delplace (1993, 3, note 17).

65 L’enceinte daterait de 174 av. J.C.

66 Velleius Paterculus, I, 15.

67 BC, I, 13, 1 : oppido moenibusque prohiberi.

68 BC, I, 13, 2 : ex oppido educi ac profugit.

69 BC, III, 29, 1 : quod oppidum iis antea Caesar adtribuerat muniendumque curauerat.

70 BC, III, 9, 2 et 4 (voir plus bas).

71 BC, I, 38 (voir plus haut).

72 BC, I, 15, 3.

73 BC, I, 12, 3 ; 13, 1 et 2.

74 Voir plus bas.

75 On y trouve une enceinte : cf. Delplace (1993, 300).

76 BC, I, 18, 1 : quod oppidum a Corfinio vii milium intervallo abest […] ; qui id oppidum vii cohortium praesidio tenebant.

77 BC, II, 23, 4 : Id oppidum C. Considius Longus unius legionis praesidio tuebatur.

78 BC, II, 19, 3 : tuendi oppidi causa apud se retinuit ; II, 21, 1 : quod oppidum in sua potestate studuissent habere.

79 BC, III, 5, 1 : Hiemare Dyrrachii, Apolloniae omnibusque oppidis maritimis constituerat.

80 BC, III, 9, 8 : Iamque hiems adpropinquabat, et tantis detrimentis receptis Octauius desperata oppugnatione oppidi Dyrrachium sese ad Pompeium recipit.

81 BC, I, 16, 3 (voir plus bas).

82 BC, III, 9, 4 : Quorum cognita sententia Octauius quinis castris oppidum circumdedit. On trouve la même opposition à Sulmo, cf. BC, I, 18, 5 : Quorum aduentu altera castra ad alteram oppidi partem ponit.

83 BC, I, 18, 2.

84 BC, III, 11, 4.

85 BC, II, 11, 1 : Quo malo perterriti subito oppidani.

86 BC, I, 61, 5 : Id erat oppidum positum ad Hiberum miliaque passuum a castris aberat xx.

87 BC, III, 11, 1 (voir plus haut).

88 Delplace (1993, 35-38).

89 BC, I, 15, 3 : Id oppidum Lentulus Spinther X cohortibus tenebat.

90 BC, I, 15, 3 : profugit ex oppido.

91 César encercle ainsi la ville de Sulmo, cf. BC, I, 18, 6 : Reliquis diebus oppidum uallo castellisque circumuenire instituit. On peut aussi évoquer la menace pesant sur Brindes encore tenue par Pompée, cf. BC, I, 27, 3 : […] ne sub ipsa profectione milites oppidum inrumperent.

92 Otacilius, de Lissus : BC, III, 29, 1 : Otacilius sibi timens <ex> oppido fugit.

93 M. Aurelius Cotta chassé de Caralis, cf. BC, I, 30, 3 : nondum profecto ex Italia sua sponte Cottam ex oppido eiciunt.

94 À Apollonia, cf. BC, III, 12, 3 : Illi ad Caesarem legatos mittunt oppidoque recipiunt.

95 Voir plus bas.

96 BC, III, 21, 5 : quae proditionem oppidi appararet.

97 BC, III, 101, 3 : uix oppidum defenderetur […] ; 4 : Sed opportunissime nuntiis adlatis oppidum fuit defensum.

98 BC, III, 102, 7 : oppido ac portu recepti non erant.

99 BC, I, 15, 2 : quod oppidum Labienus constituerat. Cf. Delplace (1993, 69, note 187) : oppidum serait ici employé par César pour désigner une position géographique et n’a pas ici un contenu politique, comme dans la formule oppidum c. R. qui renvoie à un statut antérieur à celui de municipe ; p. 76-77 pour la notice sur Cingulum.

100 Caballos Rufino (2001 et 2012).

101 BC, II, 4 : Isdem diebus Carmonenses, quae est longe firmissima totius prouinciae ciuitas, deductis tribus in arcem oppidi cohortibus a Varrone praesidio, per se cohortes eiecit portasque praeclusit.

102 Nisard (1865).

103 Fabre (1936 et 1959).

104 Cogitore et al. (2020, xxxi).

105 Delplace (1993, 300).

106 BC, II, 1, 3 : Huius quoque spatii pars ea quae ad arcem pertinet loci natura et ualle altissima munita longam et difficilem habet oppugnationem.

107 BC, II, 5, 3 : Facile erat ex castris C. Treboni atque omnibus superioribus locis prospicere in urbem.

108 C’est ici la ville qui pourrait être opposée à la campagne, au territoire rural de la cité ; cf. Tarpin (2000, 28).

109 Utique est en effet à cette date une ville d’origine phénicienne, fondée vers le xe siècle av. J.‑C., comme comptoir commercial. Lors de la troisième guerre punique, elle se range aux côtés de Rome, y gagne le statut de cité (ciuitas) libre et immune, et devient la capitale de la nouvelle province. Les fouilles archéologiques, déjà anciennes, ne permettent pas de restituer beaucoup de monuments de la période républicaine.

110 On peut noter que César emploie le terme oppidum pour Octogesa, proche de l’Èbre et du champ de bataille d’Ilerda : BC, I, 61, 5 : Id erat oppidum positum ad Hiberum miliaque passuum a castris aberat XX. Sa localisation n’est pas encore confirmée par l’archéologie.

111 Lefebvre, Picard, Callegarin & Valérian (à paraître).

112 Bellum Hispaniense, XLII, 1 ; Velleius Paterculus, II, 43, 4 ; Suétone, César, VII, 1 : Quaestori ulterior Hispania obuenit ; Plutarque, Vie de César, V ; Dion Cassius, XXXVII, 52, 2. Il est alors le collègue du propréteur C. Antistius Vetus.

113 Suétone, César, VII, 1 : Gadisque uenisset. Cf. Lefebvre (2013, 29-60).

114 Cicéron, Pro Balbo, XV, 34. Cf. Rodríguez Neila (1980).

115 BC, II, 20.

116 Ce que nous avons aussi constaté pour Massalia.

117 Depuis les premières recherches archéologiques menées en 2008 par la Fondation Octopus, une porte dans le mur de fortification a été découverte.

118 BC, III, 80, 3.

119 C’est ce qui a été fait pour Massalia, voir ci-dessus.

120 Nicolet (2000).

121 Tarpin (1999 et 2002).

122 Pseudo-César, Guerre d’Alexandrie.

123 Dans le cas de la traduction du Groupe César, les choix ont été fait en fonction du lecteur, cible de notre version des Guerres de César.

124 Leptis Magna fut cité pérégrine, puis municipe latin sous Vespasien, puis colonie romaine sous Trajan.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sabine Lefebvre, « Traduire le terme oppidum : un exemple des difficultés posées par le Bellum ciuile de César »Gaia [En ligne], 22-23 | 2020, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 16 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/gaia/1498 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/gaia.1498

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Auteur

Sabine Lefebvre

Université Bourgogne Franche-Comté, UMR 6298 ARTEHIS
sabine.lefebvre@u-bourgogne.fr

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Droits d’auteur

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