Dominique Frère, Barbara Del Mastro, Priscilla Munzi et Claude Pouzadoux (éd.), Manger, boire, se parfumer pour l’éternité. Rituels alimentaires et odorants en Italie et en Gaule du ixe siècle avant au ier siècle après J.‑C.
Dominique Frère, Barbara Del Mastro, Priscilla Munzi et Claude Pouzadoux (éd.), Manger, boire, se parfumer pour l’éternité. Rituels alimentaires et odorants en Italie et en Gaule du ixe siècle avant au ier siècle après J.‑C., Naples, Publications du Centre Jean Bérard, Collection du Centre Jean Bérard 53, 2021, 454 p., EAN (édition imprimée) : 978-2-38050-025-7, EAN électronique : 978-2-380500-32-5, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pcjb.8020
Texte intégral
- 1 En accès libre : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pcjb.8020.
1Le volume Manger, boire, se parfumer pour l’éternité. Rituels alimentaires et odorants en Italie et en Gaule du ixe siècle avant au ier siècle après J.‑C.1 est le résultat de quatre années de recherche dans le cadre du programme MAGI (Manger, boire, offrir pour l’éternité en Gaule et Italie préromaines), financé par l’ANR. Alliant entre autres archéologues, archéobotanistes et chimistes, l’objectif de ces recherches était d’étudier les pratiques funéraires par le prisme des restes organiques. Cet ouvrage, publié en 2021 aux éditions du Centre Jean Bérard, regroupe une cinquantaine d’archéologues sous la direction de Dominique Frère (TEMOS [UMR 3016], Université de Bretagne Sud, Lorient), Barbara Del Mastro (Università degli Studi della Campania « Luigi Vanvitelli »), Priscilla Munzi (Centre Jean Bérard [USR 3133], CNRS-EFR, Naples) et Claude Pouzadoux (Arscan [UMR 7041], Université Paris-Nanterre).
2Dans une première partie, les auteurs abordent la question des rituels alimentaires par le biais de la diversité des produits biologiques. Plusieurs aspects sont abordés comme le banquet et la consommation d’aliments d’origine végétale et animale durant l’âge nuragique (M. Perra, « Il banchetto nuragico »), ou encore le rôle prépondérant des boissons fermentées en Gaule préromaine (F. Laubenheimer, « Hydromel, bière et vin dans la Gaule préromaine »). L’iconographie est également exploitée : les deux articles suivants s’intéressent à l’utilisation des aliments lors des funérailles et des visites aux défunts (L. Hugot, « Les représentations d’offrandes alimentaires en contexte funéraire en Étrurie »), ainsi qu’à la présence de reliefs et de statuettes figurants des offrandes alimentaires dans les nécropoles grecques et indigènes d’Italie du Sud (V. Meirano, « Offrandes alimentaires en Italie du Sud : le témoignage des terres cuites en milieu funéraire »). Suivent deux contributions sur les produits pharmaceutiques : la première porte sur une méthodologie d’étude des estampilles de contenants en céramiques sur le pourtour méditerranéen (L. Taborelli, « Διονύσιος e i suoi medicamenta: questioni di metodo »), la seconde sur la signification de la présence de vases contenant du henné et de la rue dans une tombe étrusque (D. Briquel et D. Frère, « À propos de deux vases inscrits du Louvre. À la recherche d’une pharmacopée étrusque »). La première partie se termine avec trois réflexions autour des produits laitiers et de la ruche : usages et symbolique du lait médicinal (L. Bodiou, D. Frère et S. Jaeggi-Richoz, « Archéologie du lait : le cas du lait médicinal »), vases à miel réutilisés comme urnes cinéraires (V. Jolivet, « Du miel aux cendres. Pour une archéologie du miel étrusque »)) et interprétation de résultats palynologiques et questionnement sur l’archéologie de la ruche (D. Frère et R. Corbineau « Archéologie des produits de la ruche : le cas des contenants archéologiques »).
3La deuxième partie de l’ouvrage se concentre sur les analyses chimiques de contenants découverts en contexte archéologique. Elle se divise en quatre sous-parties, et est précédée par un point méthodologique (E. Dodinet et N. Garnier, « Les analyses organiques en contexte funéraire archéologique. Clés d’interprétation croisées de la chimie et de l’ethno-archéobotanique »). Cinq articles portent sur l’Italie : analyse de céramiques et mise en évidence du rôle du vin dans les rituels funéraires de certaines tombes de la nécropole de Cumes durant l’âge du Fer (B. Del Mastro, P. Munzi, J.-P. Brun, H. Duday et N. Garnier, « Vino per gli Opikoi: l’esempio delle tombe preelleniche di Cuma »), présentation des résultats et interprétations de l’étude d’une tombe de guerrier dans la région des Pouilles, avec mise en évidence de la consommation de vin blanc et rouge (I.M. Muntoni et N. Garnier, « Dauniens et Samnites. La tombe du guerrier de Chiancone (Pietramontecorvino, Foggia) entre habitat et espaces funéraires »), étude des nécropoles de Caudium et Saticula, avec une discussion des résultats d’analyse des restes organiques (L. Tomay, E. Dodinet et N. Garnier « Rituel funéraire et offrandes alimentaires à Cadium et Saticula »), présentation des analyses réalisées sur les offrandes alimentaires de la nécropole de Capoue (F. Sirano et R. Sirleto, « Osservazioni sulle offerte alimentari nelle necropoli di Capua tra iv e iii secolo a.C. ») et présentation des résultats d’analyses de vases à onguent de la nécropole de Cumes avec une mise en perspective des interprétations avec les sources littéraires et des parallèles archéologiques (G. Brkojewitsch, N. Garnier et H. Duday « Munera ou profusiones : le cas des vases à onguent de la nécropole tardo-républicaine de Cumes »). La Sardaigne n’est pas en reste avec la présentation de l’étude de cas d’un contexte non funéraire sur le site de Pani Loriga (M. Botto, D. Frère, N. Garnier et E. Madrigali, « Riti alimentari nella Sardegna punica: il caso di Pani Loriga ») et l’étude des puits du site de Sa Osa dans lesquels ont été retrouvés beaucoup de restes organiques (A. Usai et N. Garnier, « L’insediamento nuragico di Sa Osa (Cabras – OR). Nuovi dati su materiali organici e analisi chimiche »). Les auteurs reviennent ensuite sur le continent, plus précisément en Italie centrale, pour nous présenter l’étude et l’analyse des contenants en céramique et en verre issus de la nécropole de Cerveteri, afin de comprendre l’utilisation des matériaux organiques dans les rites funéraires ainsi que la fonction des différentes catégories de contenants (A. Coen, R. Cosentino, F. Gilotta, M. Micozzi, D. Frère et N. Garnier, « Le offerte di Cerveteri dal vii secolo a.C. all’età romana »,). Suit une étude de cas d’amphores étrusques découvertes dans une des nécropoles de Rome (L. Ambrosini, « Le anforette etrusche di età tardo-arcaica della necropoli esquilina (Roma): analisi del contenuto »). Cette deuxième partie de l’ouvrage se termine par trois présentations de sites français avec, en premier lieu, des réflexions sur les pratiques funéraires dans le Languedoc entre le viie et le iie siècle av. J.‑C. à partir d’analyses chimiques des résidus, ainsi qu’une discussion autour du rôle de ces produits dans les pratiques funéraires (V. Bel, N. Garnier, S. Barberan, N. Chardenon, V. Forest, C. Jung, F. Mazière, A. Ratsimba et P. Séjalon, « Réflexions interdisciplinaires autour des pratiques funéraires gauloises en Languedoc (viie-iie s. av. J.‑C.) : l’apport de la chimie organique »). L’article suivant présente les résultats des analyses du chaudron découvert dans la tombe de Lavau, qui contenait sans doute un vin miellé (B. Dubuis, D. Frère, N. Garnier, D. Josset et É. Millet, « Le dépôt funéraire de Lavau (Aube, France) : une nouvelle évocation du banquet chez les élites celtiques du ve siècle avant notre ère »). Enfin, la dernière contribution détaille l’analyse des céramiques placées dans la tombe de Warcq au IIe siècle av. J.‑C. (M. Saurel, G. Fronteau, N. Garnier, B. Roseau, P. Verdin, G. Auxiette et F. Toulemonde, « Du contenu et de l’apparence : l’analyse des céramiques de la tombe à char de Warcq “Le Sauce” dans les Ardennes (iie siècle av. J.‑C.) »).
4Les nombreux auteurs du volume nous proposent donc un bilan sur ce que sont les produits biologiques et leur importance pour notre connaissance des sociétés antiques, rappelant les multiples rôles joués par ces produits dans les pratiques funéraires, culturelles et économiques. Du fait de leur nature périssable, ces matériaux « porteurs d’une forte identité symbolique et parfois sacrée » (introduction) ne nous parviennent que de manière partielle. Le développement de la sensibilité des archéologues à ces questions, couplé à l’amélioration des techniques d’analyse, nous permet aujourd’hui de mieux appréhender la complexité des rites funéraires en ce qui les concerne. Le potentiel scientifique des ORA (Organic Residue Analyses) en archéologie funéraire est important, puisque ce sont ces contextes qui préservent généralement le mieux les matières organiques, ce qui explique la multiplication des analyses biochimiques depuis les années 1990 dans ce domaine. Toutefois, comme le soulignent plusieurs fois les chercheurs dans leurs contributions, nombre d’obstacles s’opposent à l’exploitation de ces analyses : leur coût élevé, le calendrier très resserré de l’archéologie préventive et la difficulté d’interprétation des résultats constituent autant de contraintes à l’intégration des études biochimiques aux études funéraires.
5Ce sont notamment ces problématiques qui ont mené le groupe de recherche MAGI à se constituer, afin de les intégrer à l’étude des pratiques funéraires celtiques, italiques, étrusques et phénico-puniques en Gaule et Italie préromaines. Son objectif est de travailler sur les identités funéraires et les transferts interculturels à travers l’étude des matériaux organiques issus de contextes funéraires, afin de « combler les vides des sources écrites » (introduction), en croisant celles-ci avec les sources iconographiques, archéologiques et, originalité du programme, biochimiques.
6Pour mener à bien ses travaux, l’équipe du programme MAGI a ainsi multiplié les analyses de contenants pour obtenir le plus d’informations possible sur leurs contenus. Pour illustrer leur démarche, B. Dubuis, D. Frère, N. Garnier, D. Josset et É. Millet donnent l’exemple de l’analyse de céramiques de la Heuneburg dans l’article concernant le dépôt funéraire de Lavau, qui a permis de mettre en évidence la concomitance de l’évolution des pratiques funéraires des élites et du développement des contacts avec le monde méditerranéen à partir de la fin du viiie siècle av. J.‑C., ou encore, l’exemple du chaudron de Hochdorf, contenant grec empli d’hydromel et non de vin d’importation. Malgré ces deux exemples très parlants, les auteurs attirent l’attention des lecteurs sur la « dangerosité » de généraliser ces observations à partir de quelques analyses : la mise en regard de ces résultats et des sources historiques, archéologiques et archéo-environnementales est une étape importante du programme, afin de prendre en compte les interprétations et limites de ces méthodes. C’est là tout l’intérêt de ce groupe de recherche et du volume collectif auquel il a travaillé : croiser les données issues de différentes sources et méthodes d’analyses afin de proposer une synthèse précise. Cette démarche pluridisciplinaire permet aux archéologues de prendre du recul sur leurs données empiriques, et d’intégrer dans leurs hypothèses de travail tout un pan invisible de la réalité historique. Ce travail est par ailleurs valorisé, rendu accessible et fonctionnel grâce à sa disponibilité en accès ouvert, sa riche iconographie et la mise à disposition de nombreuses données brutes.
Notes
1 En accès libre : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pcjb.8020.
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Référence électronique
Alyssa Turgis, « Dominique Frère, Barbara Del Mastro, Priscilla Munzi et Claude Pouzadoux (éd.), Manger, boire, se parfumer pour l’éternité. Rituels alimentaires et odorants en Italie et en Gaule du ixe siècle avant au ier siècle après J.‑C. », Frontière·s [En ligne], 7 | 2022, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/frontieres/1549 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/frontieres.1549
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