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Études

Hétérogénèse de la fiction

L’injection du réel dans Chimère d’Emmanuelle Pireyre
Émile Lévesque-Jalbert

Résumés

Dans ses livres et ses conférences-performances, Emmanuelle Pireyre déploie un entrelacs de récits, de fictions et de documents qui mettent en question la frontière entre le réel et l’imaginaire. Dans Chimère (2019, 2020), le thème des croisements génétiques entre végétal, animal et humain n’est pas présenté sur le mode de la science-fiction, mais bien selon son actualité. Travaillant à partir d’une recherche documentaire étoffée qui rassemble l’état de la recherche en biologie de synthèse, l’histoire culturelle des populations tsiganes et l’organisation de conventions citoyennes, l’écrivaine construit la diégèse de son roman comme une machine qui permet “d’injecter du réel pour le modifier” (Pireyre). Cet article propose d’aborder ce travail du réel dans la fiction propre à la machine littéraire de Pireyre à travers la notion d’hétérogénèse. Cette notion empruntée à la biologie moléculaire et à la philosophie (Deleuze, Guattari, Sarti) permettra d’appréhender le rapport perméable entre réel et fiction présent chez Pireyre. Au lieu de se constituer en vase clos et séparée du réel, la diégèse romanesque chez Pireyre se comprend de manière écologique dans la mesure où elle entretient des relations affectives et discursives avec son environnement matériel.

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Texte intégral

  • 1 Emmanuelle Pireyre, Chimère, Paris, L’Olivier, 2019 ; dorénavant C.
  • 2 Laurent Demanze, “L’imaginaire encyclopédique. Sur quelques usages contemporains de l’imagination (...)
  • 3 Lis Jerzy, “Ranger le monde. Féerie générale d’Emmanuelle Pireyre”, Studia Romanica Posnaniensia, (...)
  • 4 José Domingues de Almeida, “Une mondialisation ironique et ludique : l’œuvre d’Emmanuelle Pireyre (...)
  • 5 Estelle Mouton-Rovira, “Fragments, collages et étoilement des récits : la fiction littéraire comm (...)
  • 6 Agnès Blesch, “Recombiner les data : Féerie générale d’Emmanuelle Pireyre, un livre-Web”, Interne (...)
  • 7 Marie-Jeanne Zenetti, “Une tératologie du savoir : chimères littéraires d’Emmanuelle Pireyre”, Re (...)
  • 8 Marie-Jeanne Zenetti, “Pulsion de documentation, excès du roman contemporain : Emmanuelle Pireyre (...)
  • 9 Corentin Lahouste, “D’une littérature activiste. Perspectives contemporaines (Emmanuelle Pireyre, (...)
  • 10 À cet égard, Corentin Lahouste situe Pireyre auprès d’Emmanuelle Bayamack-Tam, Yannick Haenel, Ol (...)

1Paru en 2019 aux Éditions de l’Olivier, le livre d’Emmanuelle Pireyre intitulé Chimère prend la forme d’un roman fragmentaire qui croise humour, commentaire et recherche documentaire1. Il raconte un entrelacs d’histoires et d’anecdotes dont les plus centrales sont 1) celles d’un groupe de citoyens délibérant sur le temps libre, 2) celles de Brigitte, une quarantenaire esseulée, qui regarde, sans y voir rien d’anormal, les films d’Éric Rohmer avec Alistair, son animal de compagnie, une chimère génétiquement modifiée mi-homme mi-chien et 3) celles de la narratrice qui, au milieu de tout cela, rédige un article sur les OGM. Loin d’un capharnaüm, ce roman se construit, comme les manipulations génétiques qui ont créé Alistair, par le jeu des croisements entre les différentes trajectoires des personnages. Les critiques qui se sont intéressés à l’œuvre de Pireyre ont souvent mis de l’avant la fragmentation, l’ironie, le recours aux documents dans son écriture de fiction. Comme ces sacs de sacs qui hantent nos armoires, la réception critique des romans de Pireyre prend elle-même la forme d’un fourre-tout où s’accumulent les termes pour les décrire. Ses livres ont été en effet caractérisés en tant qu’encyclopédie2, rangement3, échantillonnage4, collage et étoilement5 ou encore comme livre-web6, tératologie7 et fiction documentaire8. Chacun à sa manière, ces articles suggèrent que les textes de Pireyre sont moins des récits fluides que des entrelacs de composantes hétérogènes. L’entrelacs qui anime les livres de Pireyre ne se limite cependant pas à de simples considérations formelles. Produire des relations même si elles sont fictives comporte une dimension politique. Comme l’a souligné Corentin Lahouste à partir de la réflexion de Brian Massumi, Emmanuelle Pireyre fait partie de ces écrivain·es contemporain·es qui tentent de faire un geste politique sans militantisme à travers l’écriture. En tant qu’“activité affectivement évolutive tout autant qu’évolutivement affective, c’est-à-dire “modulatoire évasante”, l’écriture rejoint le politique parce qu’elle travaille le sensible et intervient sur ce qui est perceptible9. Sans faire front commun ou se rassembler sous un étendard, les textes d’Emmanuelle Pireyre partagent avec nombre de ses contemporain·es une façon d’aborder la littérature comme empuissantement et reconquête de l’agentivité10.

2Comme le fait remarquer Josée Domingues de Almeida à propos de Comment faire disparaître la terre ? et Féerie générale, deux livres de Pireyre qui précèdent Chimère, le récit se trouve désarticulé. L’écriture de Pireyre se construit moins par la continuité d’un récit que par une forme de discontinuité :

  • 11 José Domingues de Almeida, art. cit., p. 165. Je souligne.

Pour ce qui est de la charpente narrative, on ne trouvera aucune cohérence diégétique étant donné que les deux romans sont bâtis sur un assemblage de microrécits anecdotiques, comme autant de réverbérations du discours et des réalités de notre époque ; comme des reflets de la mort des métarécits fondateurs et légitimateurs de la modernité. Toutefois, un jeu subtil de renvoi ou de rappel anaphorique gère ces saynètes...11

  • 12 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 71. Genette souligne.
  • 13 Étienne Souriau, “La structure de l’univers filmique et le vocabulaire de la filmologie”, Revue i (...)

3Ces remarques invitent à reconsidérer l’importance et la validité de la notion de récit pour rendre compte de la “charpente narrative” des livres de Pireyre. Comme l’indique Gérard Genette, dans son sens général, “récit désigne l’énoncé narratif, le discours oral ou écrit qui assume la relation d’un événement ou d’une série d’événements”12. Ainsi, comme le suggère Josée Domingues, les différentes saynètes qui composent le roman ne sont pas assumées par un récit qui articule une série d’événements. Elles s’agencent selon une autre modalité de composition. C’est cette modalité de composition différente de celle assurée par le récit que la notion de diégèse13 – et son corrélat l’hétérogénèse – permettra de mettre en lumière. En ce sens, il s’agit moins de se pencher sur ce qui dans le roman construit la cohérence entre les événements que d’appréhender les saynètes en tant que composantes hétérogènes. Cette hétérogénéité constitutive se situe à deux niveaux : en tant que structure narrative interne à la construction romanesque, mais aussi, et c’est sur ce point que j’aimerais insister, dans le rapport entre réel et fiction. En d’autres termes, la fiction est telle moins par sa capacité de former un monde cohérent en vase clos que par la production d’une forme hétérogène avec le monde réel – c’est ce que j’appelle, à la suite de Félix Guattari, une hétérogénèse.

  • 14 Voir à ce sujet, François Jacob, La logique du vivant, Paris, Gallimard, 1970, p. 20-21.
  • 15 Félix-Antoine Pouchet, Hétérogénie, ou, Traité de la génération spontanée: basé sur de nouvelles (...)
  • 16 Bruno Latour, “Pasteur et Pouchet : hétérogenèse de l’histoire des sciences”, dans Michel Serres (...)
  • 17 L’hétérogénèse se distingue de la transformation en ce que cette dernière procède par isomorphie  (...)

4En histoire des sciences, bien que la conception que les êtres vivants sont générés à partir de rien lui soit antérieure14, l’hétérogénèse réfère principalement aux travaux de Félix-Archimède Pouchet. Ce médecin biologiste a promu la thèse d’une hétérogénie du vivant qui prône la génération spontanée des organismes biologiques15. Comme le relate Bruno Latour, la doctrine de Pouchet est tombée en désuétude sous l’effet des travaux de Louis Pasteur sur les microorganismes16. Au lieu d’une génération du vivant ex nihilo, c’est-à-dire sans le concours d’organismes préexistants comme le croyait Pouchet, Pasteur a démontré que la présence de microbes dans l’air suffisait à créer les conditions d’émergence d’organismes vivants. La notion d’hétérogénèse a ensuite été reprise bien des années plus tard suite à l’intérêt de philosophes français pour la biologie, et particulièrement pour la morphologie et la morphogénèse, c’est-à-dire l’étude de la production des formes17. Philosophe et chercheur en neuroscience, Alessandro Sarti retrace l’importance de cette notion dans la pensée de Deleuze, Guattari et Foucault, en la situant notamment par rapport au structuralisme :

  • 18 Alesandro Sarti, “L’hétérogènese différentielle : formes en devenir entre mathématique, philosoph (...)

Suite à une critique cinglante que Michel Foucault fait à l’encontre du structuralisme en tant que système relationnel de positions vides et interchangeables, dans les années 1980, grâce aux travaux de Deleuze et Guattari, la pensée sur le devenir des formes se transforme radicalement. Et alors entre en jeu le concept d’hétérogenèse [sic] : hétérogenèse [sic] comme dynamique sans contradiction, pure production affirmative pouvant revêtir des dynamiques infinies grâce à un virtuel en perpétuelle recomposition.18

  • 19 Ibid.

5Chez les philosophes français, l’hétérogénèse prend un sens dynamique, affirmatif. Elle ne nomme plus la production ex nihilo, mais le devenir des formes comme production ou introduction d’une différence au sein d’un système structuré. “Ni structures, ni chaos”, l’hétérogénèse aborde non pas l’hétérogénéité d’un ensemble formé par des systèmes de contrôle, mais bien la capacité de se réorganiser constamment sous l’effet d’éléments externes.19 En ce sens, l’hétérogénèse est plus proche des dynamiques observables au niveau du cerveau que de l’embryon (un œuf de grenouille ne donnera jamais naissance à un oisillon, mais un cerveau ayant appris une langue peut en apprendre une autre, voire en inventer une). Il ne s’agit pas d’un développement soumis à une ligne de contrôle. Il s’agit plutôt d’une dynamique plastique où l’adaptation et l’apprentissage entraînent une réorganisation du système cérébral. Toutefois, et Sarti insiste sur ce point, l’hétérogénèse ne correspond pas au paradigme de l’opposition stimulus-réponse, voire la contredit dans la mesure où l’hétérogénèse rend compte, pour le dire simplement, de la capacité dans un cadre donné de répondre à côté de la question, de répondre à des stimuli hors du cadre imposé par la question.

  • 20 Rappelons la définition que Gérard Genette donne du récit : “récit désigne l’énoncé narratif, le (...)
  • 21 Félix, Guattari, “L’hétérogenèse machinique.” Chimères, vol. 11, n° 1, 1991, p. 78–97.

6En tant que système de relations causales, un récit forme un ensemble cohérent dont les composantes se justifient entre elles selon des degrés de pertinence20. Ce qui se cache derrière cette corrélation est une exigence d’un système clos autoportant (homogène et autonome), c’est-à-dire une œuvre comme système qui se fonde à partir d’elle-même grâce à sa cohérence interne. Toutefois, la pratique d’écriture de Pireyre est plus proche de ce que Guattari nomme une “hétérogénèse machinique,” avec des entrants, des traitements et des sortants21. C’est-à-dire que la machine littéraire se construit sans isomorphisme dans un rapport avec un élément qui n’appartient pas à sa forme propre. Pireyre élabore ce point en entrevue quand elle formule une approche machinique de la littérature :

[En ce qui concerne] la littérature, je suis avide dans la lecture comme dans l’écriture, de création de possibles, par opposition à la représentation du réel. Écrivant, j’ai l’impression de fabriquer des machines dans lesquelles on puisse injecter du réel pour le modifier, même modestement ; il ne s’agit pas d’une fable, d’un univers imaginaire omettant la réalité, mais d’une machine à transformer les données. J’installe des petits moteurs, je coupe des liaisons et connecte des réalités éloignées, le halal et Nietzsche, les Tsiganes et la biologie de synthèse. La structure de ces machines et leur matériau de construction sont le langage, sa syntaxe, son lexique.22

7Cette citation souligne comment des matériaux sont traités par des petites machines littéraires. Toutefois, un problème demeure. Comment comprendre cette machine qui fait passer de “l’injection du réel” à la “création de possibles” ? Dans le cadre de Chimère, l’élément injecté dans la machine correspond à l’événement OGM et aux affects qu’il génère. Le réel ne se limite pas seulement à sa forme factuelle, documentée et documentaire, mais aussi à des rapports de forces non formés, informes qui se jouent dans le réel. En ce sens, on peut dire que l’injection du réel dans le roman Chimère consiste à incorporer l’inquiétude liée aux OGM dans la machine littéraire :

  • 23 Emmanuelle Pireyre, “Littérature et Écologie”, interview pour le prix du roman d’écologie, mars 2 (...)

Je suis partie, pour l’écriture de Chimère, des manipulations génétiques, des brevets sur le vivant et de l’inquiétant accaparement d’usages ancestraux des plantes par des firmes pharmaceutiques. […] [M]on inquiétude étant que la vie, celle des plantes, de nos propres cellules ou de nouveaux êtres fabriqués en laboratoire, puisse être détenue par des entreprises privées.23

8Double point de départ donc : la réalité des manipulations et des brevets de même que l’inquiétude de l’accaparement du vivant par les entreprises privées. De là, j’aimerais prendre à partie ces procédés d’injections du réel dans Chimère afin de penser leur hétérogénèse, c’est-à-dire la façon dont un élément affectif comme une inquiétude ou des rapports de forces viennent à constituer une œuvre littéraire, fictive, passant ainsi de l’informe à la forme. L’analyse de cette hétérogénèse passe par deux points de ce que je nomme la commande inquiète de Chimère : la recherche documentaire et l’usage de schémas. À des fins de concisions, je me concentrerai sur la pratique de schématisation présente dans le travail de Pireyre.

  • 24 Emmanuelle Pireyre, “Chimère, une conférence biologique,” Youtube, URL : https://youtu.be/_Py39QT (...)
  • 25 Le virtuel ne s’oppose pas au réel comme le fait possible. Le virtuel s’oppose à l’actuel qui son (...)

9Pour développer mon propos, je me réfère non seulement au livre Chimère, mais aussi à la lecture-performance qui lui correspond, intitulée Chimère, une conférence bio-logique sur la vie et la logique24. En explorant une de ces injections du réel dans la machine littéraire, j’espère complexifier la relation de l’œuvre au réel en montrant que ce que l’on nomme “réel” ne se limite pas à ce qui est indexé et archivé par le document, mais prend en compte l’élément informe qui s’y trame. Cette réflexion s’appuie sur la conception du réel de Deleuze et Guattari, qui se constitue à travers l’opposition entre actuel et virtuel25. Au sortir de cette analyse, je formulerai quelques remarques sur les transformations que le dispositif narratif mis en place par Pireyre fait subir à la notion de diégèse et au critère de la “cohérence diégétique” en me référant aux philosophes écoféministes Donna Haraway et Isabelle Stengers. En mettant en rapport l’inquiétude et le document comme deux formes qui sont traversées par des virtualités informes, la machine littéraire est justement ce qui permet d’incorporer en elle à la fois l’actuel et le virtuel, dans une hétérogénèse, c’est-à-dire dans une forme qui leur est hétérogène.

Une injection : la commande inquiète

  • 26 Emmanuelle Pireyre. “La pyrale infernale des OGM”, Libération, Paris, 19 mars 2014, URL : https:/ (...)

10Dans le livre, comme dans la lecture-performance, le récit est pris en charge par une narratrice homonyme de l’autrice et présente les conditions ayant mené à l’élaboration du récit : une commande du Libé des écrivains pour écrire un texte sur les OGM. Cette condition est d’ailleurs avérée par le fait que Pireyre a publié un article, intitulé “La pyrale infernale des OGM”, pour le Libé au sujet des OGM en 2014, soit cinq ans avant la sortie du livre26. Déjà, le cadre de la commande invite un mode narratif proche de l’autofiction qui incorpore des faits attestés dans le cadre fictionnel. Le livre et la lecture-performance se présentent comme des excroissances de l’article tout en l’intégrant à sa diégèse. Cette intégration de la commande a ceci de particulier qu’il souligne le processus de rédaction de l’œuvre : la narratrice nous fait part de ses conditions de travail et de ses recherches documentaires. Il y a lieu de souligner que l’humour de son commentaire exploite cette indistinction entre réel et fictif. L’humour de la présentation n’empêche cependant pas le sérieux de la démarche :

Mes limites en la matière étant évidentes, j’ai entrepris au sujet des OGM, sujet biologiquement pointu et juridiquement embrouillé, des recherches tous azimuts, lu des cours de biologie sur la double hélice de l’ADN, écouté des émissions, consulté les articles que m’envoyait Laure, la journaliste spécialisée écologie-environnement à Libération. J’ai démêlé la question des lois qui s’empilent et se contredisent au niveau national ou européen, et des traités de commerce internationaux piétinant tous les autres décrets avec des cris d’insensés, tandis que Laure dans ses e-mails me demandait gentiment : “Ça va toujours, Emmanuelle ?” (C 11)

11La longueur de la liste souligne la complexité liée aux OGM autant dans leur appréhension scientifique que leur mise en marché. Cet enchevêtrement du scientifique, du légal et du politique confère à l’OGM une forme d’incommensurabilité. La liste, d’abord explicative, se termine par une personnalisation ; les traités de commerces internationaux “piétinant tous les autres décrets avec des cris d’insensés” rappellent le geste tyrannique d’un enfant gâté en crise. Devant l’accumulation de nœuds que forme cet enchevêtrement, la question de la journaliste à Emmanuelle prend une tournure ironique. Difficile de garder le moral lorsque confronter à cette impuissance inquiète que produit la recherche documentaire sur les OGM.

  • 27 Dans sa lecture-performance, deux moments illustrent particulièrement bien cet usage des schémas (...)

12Dans la lecture-performance, Pireyre insiste sur une étape intermédiaire entre la documentation et la rédaction. Devant cette masse d’informations accumulée sur les OGM, elle se met à faire des schémas27. Au cours de la performance, elle en présente trois versions, qui sont de plus en plus propres, de mieux en mieux organisées. Le besoin de faire des schémas lui vient de ce qu’elle appelle un “problème mental” qui prend, dans le cadre de la performance, une forme sonore :

  • 28 Emmanuelle Pireyre, “Chimère, une conférence biologique”, op. cit., 13:00 min, URL : https://yout (...)

Donc, ce que j’ai fait, c’est que j’ai essayé de faire des schémas, mais les schémas eux-mêmes étaient sonores. Alors, je me disais, il faudrait écrire un livre là-dessus, parce que les livres ça sert à organiser le réel, un livre qui raconte pourquoi on bouffe quelque chose qui nous rappelle les films d’horreur.28

  • 29 Donna Haraway, “Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partia (...)

13C’est ainsi que l’inquiétude évoquée en introduction prend d’abord la forme d’un problème mental qui se déploie dans le thème de l’horreur qui traverse le livre ; la lecture de livres d’horreur par les enfants de la narratrice, les cauchemars d’invasions d’insectes et le viol collectif par le maïs OGM. Cependant, le cadre narratif autofictif dans lequel la narratrice est impliquée situe ces horreurs par rapport à son inquiétude. Les textes et la performance racontent la mise en forme de cette situation affective qu’est l’inquiétude et la mise en branle des virtualités qui s’y trouvent. La position de la narratrice contribue à cet effet en mettant en scène et en imbriquant sa propre participation. Similaire au “situated knowledge” de Donna Haraway, la machine littéraire implique la narratrice dans le dispositif qu’elle met en place et raconte la mise en forme des affects qui la traversent dans l’expérience qu’elle a elle-même configurée29.

14De là, on peut dire que l’inquiétude est corrélée à la recherche documentaire, mais de manière indirecte. Le document quant à lui ne se constitue pas à même l’inquiétude, mais à partir d’autres rapports de forces, principalement autour de ce que Pireyre appelle l’“accaparement du vivant par le pharmaceutique et le privé.” Bien sûr, l’inquiétude est intimement liée à l’accaparement, et même concrètement, il n’y a que des mixtes des deux, mais au niveau des rapports de forces l’analyse permet de distinguer l’un de l’autre, surtout dans la mesure où l’accaparement est d’autant plus inquiétant qu’il omet d’intégrer des inquiétudes que l’on pourrait dire raisonnables. C’est sur ce fond d’inquiétude que se comprend l’ironie du “tout allait bien” de la narratrice lorsqu’elle est interrogée par Laure, la journaliste du Libé :

Oui, chère Laure, tout allait bien. Grâce aux plantes modifiées, les firmes chimiques avaient vu l’aubaine d’élargir leur marché de la pharmacie (ne touchant que les malades) à l’alimentation (dont la clientèle couvre la population totale). Pourtant elles avaient été déçues que dans les années 1990 les Européens refusent d’en manger, quand d’autres pays du monde s’étaient facilement laissé convaincre. Depuis lors, les Européens, campant sur leurs positions, n’en voulaient toujours pas, mais les firmes productrices, opiniâtres, insistaient pour les leur faire bouffer, et dans ce but escortaient leurs perpétuels dossiers d’un pressant lobbying envers la Commission : l’accoutumance psychologique et quantités d’autres raisons faisaient progresser peu à peu les demandes vers l’acceptation. De mon côté, je progressais aussi dans mon article, tout allait bien. (C 11-12)

  • 30 Voir l’image en annexe qui présente le diagramme de l’hétérogénèse de Chimère.

15Deux éléments sont à considérer dans cette citation. Dans le résumé de la situation qu’en donne la narratrice, on retrouve l’enchevêtrement de la documentation reliant des enjeux disparates qui touchent à la pratique scientifique, à l’économie et à la politique. De plus, malgré sa brièveté et son apparente nonchalance, elle met en évidence les forces en présence : lobby contre commission, firmes contre population, pressions contre fatigues... La pratique littéraire de Pireyre adopte ainsi un mode où la recherche documentaire n’exclut pas une part affective informe, comme une simple inquiétude. L’affect entre dans la machine et la constitue, celle-ci est informée non seulement par une matière actuelle (un état de fait), mais aussi par un élément virtuel, c’est-à-dire qui présente la capacité d’être réorganisé, reconfiguré. La narration ne se limite pas à un lamento sur les OGM, mais plutôt à une forme qui cherche des modes d’action sur la situation, une création de possibles à travers l’écriture30. Ainsi, le travail d’écriture vient compléter la recherche documentaire ou, plus précisément, la prolonge tout en opérant un changement de régime. Les effets stylistiques, dont le principal est la personnalisation, donnent une tonalité affective aux conflits que le passage met en place. La machine littéraire ne se comprend pas comme un imaginaire des OGM qui serait subjectif ou même collectif, mais comme un traitement qui donne forme aux virtualités qui traversent son actualité. Ce traitement par l’écriture constitue dès lors des réverbérations avec le réel, sans pour autant constituer un ensemble homogène entre fiction et réel.

16Comme le souligne Donna Haraway en se référant à de grands noms de la pensée féministe, la machine littéraire et son hétérogénèse n’engendrent pas d’utopie parce qu’elles constituent en fait une réponse, une forme de responsabilité locale par rapport à un événement dans sa dimension réelle ; matérielle, mais aussi relationnelle et virtuelle :

  • 31 Donna Haraway, Staying with the Trouble, Durham, NC, Duke University Press, 2016, p. 130.

Hannah Arendt and Virginia Woolf both understood the high stakes of training the mind and imagination to go visiting, to venture off the beaten path to meet unexpected, non-natal kin, and to strike up conversations, to pose and respond to interesting questions, to propose together something unanticipated, to take up the unasked-for obligations of having met. This is what I have called cultivating response-ability. Visiting is not a heroic practice; making a fuss is not the Revolution; thinking with each other is not Thought. Opening up versions so stories can be ongoing is so mundane, so earth-bound. That is precisely the point.31

17Ainsi, la responsabilité par rapport à l’événement est l’affaire d’une créativité. Il exige de ceux et celles concerné·es de sentir, penser et d’inventer ce qui est porté dans l’événement. Au même titre, Stengers conclut à propos de l’événement OGM :

  • 32 Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2009, p. 1 (...)

Si le refus des OGM a fait événement, ce n’est pas seulement parce que l’embarras des responsables est devenu perceptible, mais aussi parce que, à cette occasion, des savoirs minoritaires ont pu se faire entendre qui concourent à fabriquer un tout autre paysage.32

18Fabriquer un tout autre paysage, mobiliser des savoirs minoritaires, faire concourir les deux. Il me semble que la machine littéraire de Pireyre s’inscrive dans cette pratique. Il y a lieu de remarquer que cette manière de concevoir la machine littéraire emporte avec elle une certaine idée du récit, non pas sa différence par rapport au réel, mais bien son aspect clos et autoportant. Dans le passage de l’élément non verbal et informe à la forme littéraire de Chimère se joue moins une rupture qu’une hétérogénèse. C’est que, dans la perspective adoptée dans cet article, la limite entre réel et fiction ne se pose plus de manière hermétique. Des affects et des virtualités réels s’incorporent en une forme qui s’en distingue parce qu’elle lui est hétérogène. Qu’une chimère nommée Alistair issue d’une modification génétique qui se passionne pour Éric Rohmer relève de la fiction, on le conçoit aisément. Mais cette fiction n’est pas le fruit d’une imagination idiosyncratique débordante parce qu’elle s’articule à des pratiques matérielles réelles qui ont cours dans des laboratoires. En ce sens, il ne s’agit pas de construire un récit qui appuie ses charpentes narratives sur un sol bétonné, mais d’ouvrir des chemins de désir qui sont eux hétérogènes à la situation matérielle :

  • 33 Ibid., p. 118.

Nous avons désespérément besoin d’autres histoires, non des contes de fées où tout est possible aux cœurs purs, aux âmes courageuses, ou aux bonnes volontés réunis, mais des histoires racontant comment des situations peuvent être transformées lorsque ceux qui les subissent réussissent à les penser ensemble. Non des histoires morales, mais des histoires “techniques” [...] sur le penser ensemble comme “œuvre à faire”.33

Nouvelle difficulté ; penser l’œuvre non pas comme système cohérent, mais en tant qu’”œuvre à faire” à même une situation donnée. Cela implique de modifier notre compréhension et notre usage de la diégèse afin de noter moins son autonomie que sa participation à un milieu informe et sa différenciation par rapport au réel. Il ne s’agit pas de mettre un contenu dans un contenant, mais de faire passer de l’informe dans une forme afin de lui donner une épaisseur sémiotique.

19Au sortir de cette analyse, l’étude de l’inscription de la recherche documentaire dans le chantier d’écriture Chimère a permis de souligner comment le documentaire mobilise des enjeux sociaux, politiques et affectifs en une hétérogénèse. Le geste de Pireyre dans Chimère consiste moins à reproduire la situation actuelle qu’à explorer l’inquiétude qu’elle génère pour produire une réalité hétérogène à celle d’où celle-ci émerge. Ce geste de “l’injection du réel” rappelle que le réel n’est pas donné d’avance. De ce point de vue, le réel se comprend de manière dynamique, comme quelque chose en train de se faire. Le réel, plutôt que d’être saisi dans sa forme préconstituée, prend une dimension informe. Étrange retournement par lequel, au lieu d’injecter du réel dans la fiction, le réel associé au document devient le milieu informe d’une “œuvre à faire”. Le travail de l’écriture est une forme d’attention à ce qu’il y a de malléable, de virtuel selon le terme de Deleuze et Guattari, dans le réel. Appréhender la malléabilité du réel ne signifie pas pour autant que le réel n’existe pas ni que l’imagination a plein pouvoir sur le réel. Cela signifie plutôt que le travail de l’écriture retire du réel l’obligation à être tel qu’il est afin afin de donner lieu à une hétérogénèse. Si la fiction crée des mondes irréels, ces fictions n’en sont pas moins des fictions du réel, non pas un réel à imiter, mais un réel “à faire”. La “cohérence diégétique” ne se conçoit dès lors plus de manière interne et close, selon sa différence hermétique par rapport au réel qui serait lui aussi hermétique à toute forme d’irréalité, mais plutôt dans un rapport d’hétérogénéité. Compris à travers son hétérogénèse, la diégèse perd son simple statut d’irréalité imaginaire pour se généraliser et s’inscrire à même le sensible et la perception du monde actuel.

20C’est en ce sens que l’espace-temps de Chimère, en tant qu’œuvre à faire, est aussi hétérogène que responsable, fictif que documentaire. Il répond du et au réel. C’est bien parce qu’elle se sépare du réel que la fiction entre en résonance avec lui et permet dans un effet de retour la création de possible. En tant que possibilité, la fiction de Pireyre ne se conçoit pas dans une autarcie mais tend à créer, à produire une différence au sein du réel. La fiction, en ce sens, se constitue moins comme une utopie que comme une capacité d’agir sur le réel en le déplaçant sur un autre plan. C’est le processus de ce déplacement que j’ai essayé de mettre en lumière chez Pireyre et que j’ai retracé à travers la notion d’hétérogénèse. La diégèse se comprend dès lors comme une forme hétérogène au réel, sans pourtant relever d’un absolu symbolique ou imaginaire. Comme le suggère le roman et la lecture-performance de Pireyre, la fiction prolonge et rejoue le réel par d’autres moyens, par des moyens différents. Ce faisant, celle-ci ne relève plus du réel. Le réel, quant à lui, s’injecte dans la fiction en sa malléabilité informe. Chimère souligne que le réel se fait, est en train de se faire, malgré l’impuissance inquiète que génère l’enchevêtrement de la situation actuelle. C’est cette étrange position qui, comme on le constate chez la narratrice de Pireyre, entrelace l’horreur de la situation et la création de possibles. Cette même position qui amène à se demander : “ça va toujours ?”

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Annexe

Diagramme de Chimère qui présente son hétérogénèse, dessiné par Émile Lévesque-Jalbert.

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Note de fin

1 Emmanuelle Pireyre, Chimère, Paris, L’Olivier, 2019 ; dorénavant C.

2 Laurent Demanze, “L’imaginaire encyclopédique. Sur quelques usages contemporains de l’imagination”, Littérature, n° 190, 2018, p. 10-20. ; Laurent Demanze, “Les encyclopédies farcesques d’Emmanuelle Pireyre”, Revue des sciences humaines, n° 324, 2016, p. 105-118.

3 Lis Jerzy, “Ranger le monde. Féerie générale d’Emmanuelle Pireyre”, Studia Romanica Posnaniensia, vol. XL, n° 4, 2013, p. 23-32.

4 José Domingues de Almeida, “Une mondialisation ironique et ludique : l’œuvre d’Emmanuelle Pireyre”, dans Mads Anders Baggesgaard et Lisbeth Verstraete-Hansen (dir.), Écrire le monde en langue française, Vincennes, Presses universitaire de Vincennes, 2017, p. 161-173.

5 Estelle Mouton-Rovira, “Fragments, collages et étoilement des récits : la fiction littéraire comme espace de déconnexion dans Féérie générale d’Emmanuelle Pireyre”, Comparatismes en Sorbonne, n° 7, 2016, URL : http://www.crlc.paris-sorbonne.fr/FR/Page_revue_num.php?P1=7 (consulté le 28 oct. 2022).

6 Agnès Blesch, “Recombiner les data : Féerie générale d’Emmanuelle Pireyre, un livre-Web”, Internet est un cheval de Troie, Fabula.org, URL : http://www.fabula.org/colloques/document4139.php (consulté 23 sept. 2022). 

7 Marie-Jeanne Zenetti, “Une tératologie du savoir : chimères littéraires d’Emmanuelle Pireyre”, Revue des sciences humaines, n° 331, 2018, p. 89-106.

8 Marie-Jeanne Zenetti, “Pulsion de documentation, excès du roman contemporain : Emmanuelle Pireyre”, Internet est un cheval de Troie, Fabula.org, URL, https://www.fabula.org/colloques/document4137.php (consulté 23 sept. 2022).

9 Corentin Lahouste, “D’une littérature activiste. Perspectives contemporaines (Emmanuelle Pireyre, Antoine Boute, Philippe De Jonckheere)”, Littérature, n° 201, mars 2021, p. 148.

10 À cet égard, Corentin Lahouste situe Pireyre auprès d’Emmanuelle Bayamack-Tam, Yannick Haenel, Olivia Rosenthal, Antoine Volodine, Noémi Lefebvre, Mathieu Riboulet, ou Lucie Taïeb.

11 José Domingues de Almeida, art. cit., p. 165. Je souligne.

12 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 71. Genette souligne.

13 Étienne Souriau, “La structure de l’univers filmique et le vocabulaire de la filmologie”, Revue internationale de filmologie, no° 7-8, 1951, p. 231-240 ; Alain Boillat, “La diégèse dans son acception filmologique. Origine, postérité et productivité d’un concept”, Cinémas, vol. 19, n° 2-3, printemps 2009, p. 217–245. Le terme “diégèse” a été proposé par Étienne Souriau dans un article de 1951 sur la structure cinématographique. Cette notion se distingue d’histoire et de mythe tout en étant un peu plus large que celle de récit afin de nommer le contenu narratif d’un “univers filmique”. Fidèle à son approche philosophique des différents modes d’existence, Souriau tente d’apercevoir à travers la notion de diégèse ce qui construit “le genre de réalité supposé par la signification du film”  à partir de “tout ce qu’on prend en considération comme représenté par le film”. Cette notion a été reprise ensuite par Gérard Genette dans son analyse structurale des récits littéraires. Comme l’explique Alain Boillat, Genette lui donne d’abord un sens plus restreint qui lie diégèse à la succession d’événements de l’action avant de l’élargir à l’espace-temps dans lequel se déroule le récit.

14 Voir à ce sujet, François Jacob, La logique du vivant, Paris, Gallimard, 1970, p. 20-21.

15 Félix-Antoine Pouchet, Hétérogénie, ou, Traité de la génération spontanée: basé sur de nouvelles expériences, Paris, J.B. Baillière et fils ; Hipp. et Ch. Baillière frères, 1859.

16 Bruno Latour, “Pasteur et Pouchet : hétérogenèse de l’histoire des sciences”, dans Michel Serres (dir.), Éléments d’histoire des sciences, Paris, Bordas, 1989, p. 423-445.

17 L’hétérogénèse se distingue de la transformation en ce que cette dernière procède par isomorphie : elle passe d’une forme à une autre forme. L’hétérogénèse procède par information, c’est-à-dire que la forme émerge d’un élément informe. Celle-ci vient à prendre forme, la forme apparaît. Des systèmes de réalités hétérogènes peuvent néanmoins entrer en relation de manière transversale. Cf. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 13 ; Alessandro Sarti, Giovanna Citti et David Piotrowski, “L’hétérogénèse différentielle et l’émergence de la fonction sémiotique”, Signata, n° 12, 2021, URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/signata/3338 (consulté le 07 février 2023) ; Félix Guattari, “L’hétérogenèse dans la création musicale”, Chimères. Revue des schizoanalyses, n° 50, été 2003, p. 142-146 ; Félix Guattari, “L’hétérogenèse machinique”, Chimères, vol. 11, n° 1, 1991, p. 78-97.

18 Alesandro Sarti, “L’hétérogènese différentielle : formes en devenir entre mathématique, philosophie et politique”, entretien avec Igor Pelgreffi, Multitude, n° 78, 2020, p. 156.

19 Ibid.

20 Rappelons la définition que Gérard Genette donne du récit : “récit désigne l’énoncé narratif, le discours oral ou écrit qui assume la relation d’un événement ou d’une série d’événements...” Gérard Genette, Figures III, op. cit., p. 71. Pour un compte-rendu détaillé de la notion de récit chez Paul Ricoeur et un tableau comparatif avec d’autres théoriciens, voir Annik Dubied, “Une définition du récit d’après Paul Ricœur : Préambule à une définition du récit médiatique”, Communications, vol. 19, n° 2, 2000, p. 45-66. Pour une réflexion historique de la notion de récit par rapport aux notions de mimésis, de description et de discours, voir Gérard Genette, “Frontière du récit”, Communications, n° 8, 1966, p. 152-163.

21 Félix, Guattari, “L’hétérogenèse machinique.” Chimères, vol. 11, n° 1, 1991, p. 78–97.

22 Emmanuelle Pireyre, “Témoins de l’horreur”, Le Monde, 10 mai 2016, URL : https://www.lemonde.fr/livres/article/2016/05/19/emmanuelle-pireyre-temoins-de-l-horreur_4922023_3260.html (consulté le 28 oct. 2018). Je souligne.

23 Emmanuelle Pireyre, “Littérature et Écologie”, interview pour le prix du roman d’écologie, mars 2020, en ligne, consulté le 28 oct. 2022, URL : https://www.emmanuellepireyre.com/wp-content/uploads/2015/11/Art.-Fictions-documentaires.pdf.

24 Emmanuelle Pireyre, “Chimère, une conférence biologique,” Youtube, URL : https://youtu.be/_Py39QTY8LY (consulté le 29 septembre 2023).

25 Le virtuel ne s’oppose pas au réel comme le fait possible. Le virtuel s’oppose à l’actuel qui sont les deux aspects du réel. L’archéologie de la notion de virtuel qui retracerait cette notion de Charles Sanders Pierce à Gilles Chatelet dans la philosophie des processus et le vitalisme demeure à écrire. Cette notion, issue de la scolastique médiévale, est abordée, notamment, par Duns Scott et Thomas d’Aquin avant d’être reprise par Leibniz. Citons à cet égard, l’article de Marc Parmentier qui éclaire l’usage qu’en fait Leibniz par rapport à la philosophie médiévale. Marc Parmentier, “Leibniz et le virtuel”, Revue d’histoire des sciences, vol. 68, n° 2, 2015, p. 447-473. Pour ma part, je m’appuie sur la définition de Gilles Deleuze, reprenant Proust, dans Différence et Répétition : “réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits”, Giles Deleuze, Différence et répétition, Paris, PUF, 1968, p. 169. Pour une explication du traitement et développement deleuzien de la notion de virtuel, voir Anne Sauvagnargues, “Un peu de temps à l’état pur : Bergson et le virtuel”, L’empirisme transcendantal, Paris, PUF, 2009, p. 91-122.

26 Emmanuelle Pireyre. “La pyrale infernale des OGM”, Libération, Paris, 19 mars 2014, URL : https://www.liberation.fr/futurs/2014/03/19/la-pyrale-infernale-des-ogm_988372/ (consulté le 28 oct. 2022).

27 Dans sa lecture-performance, deux moments illustrent particulièrement bien cet usage des schémas par Pireyre. Le premier (14e minute) présente le schéma des idées entourant les OGM en illustrant le bruit du problème mental de manière visuelle et sonore. Le deuxième schéma (15e minute) est la seconde itération du premier qui par sa clarté grandissante pourra conduire à un livre “parce que les livres c'est fait pour organiser le réel." Emmanuelle Pireyre, “Chimère, une conférence biologique”, op. cit., URL : https://youtu.be/_Py39QTY8LY (consulté le 30 mai 2024).

28 Emmanuelle Pireyre, “Chimère, une conférence biologique”, op. cit., 13:00 min, URL : https://youtu.be/_Py39QTY8LY.

29 Donna Haraway, “Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective”, Feminist Studies, vol. 14, n° 3, automne 1988, p. 575-599.

30 Voir l’image en annexe qui présente le diagramme de l’hétérogénèse de Chimère.

31 Donna Haraway, Staying with the Trouble, Durham, NC, Duke University Press, 2016, p. 130.

32 Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2009, p. 114.

33 Ibid., p. 118.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Émile Lévesque-Jalbert, « Hétérogénèse de la fiction »Revue critique de fixxion française contemporaine [En ligne], 28 | 2024, mis en ligne le 15 juin 2024, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/fixxion/13720 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11u04

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Auteur

Émile Lévesque-Jalbert

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