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Résumés

S’engageant sur les fronts variés de la justice sociale, de la justice environnementale, de la justice historique et de la justice culturelle, comme dans de nombreuses causes sociétales, la littérature contemporaine française entend proposer une justice réparatrice tout en intervenant directement dans le champ social contemporain : tiers lieu, elle se fait à ce titre force d’intermédiation, actrice des débats, des transformations des représentations et des sensibilités. Cette forme d’action, qu’elle passe par le témoignage, le récit de non fiction ou le roman, passe par des dispositifs formels et énonciatifs variés dont le point commun est un impératif d’efficacité performative mais aussi d’ajustement éthique. Se faisant justice, la littérature s’impose des “poéthiques” dont le fin mot est la justesse. C’est sur cette ambition et ses formes que cet article s’interroge.

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Texte intégral

“On écrit pour faire vivre les morts, et aussi, peut-être, comme lorsqu’on était petit, pour faire mourir les traîtres. On poursuit un rêve d’enfant : rendre justice”
(Camille Laurens, Philippe)

  • 1 Voir en particulier deux ouvrages remarquables, Christine Baron, La littérature à la barre. XXe-X (...)
  • 2 Voir Thomas Pavel, La pensée du roman, Paris, Gallimard, 2014, <Folio essais>.

1Que la littérature moderne ait été confrontée, volontairement ou non, à l’instance judiciaire, en particulier dans un monde contemporain valorisant à la fois l’authenticité du récit et la protection de la vie privée est désormais bien documenté1. L’objectif de ma réflexion c’est ici moins d’analyser les contentieux dans lesquelles la littérature s’est fait embarquer que de penser la littérature comme un opérateur de justice : la littérature se mêle de justice en commentant ou en rejugeant les procès, en proposant ses propres enquêtes concrètes et sa propre vision de la notion philosophique de justice. La littérature intervient là où la justice s’est trompée, mais aussi où la justice ne peut plus intervenir, n’a pas voulu intervenir, n’a pas réussi à intervenir : elle veut alors rendre justice par le récit et performer la justice dans le texte. Ce projet contemporain s’origine peut-être dans la rhétorique judiciaire et dans la façon dont le roman a cherché depuis ses débuts à capter la polyphonie et la conflictualité sociale2. Il se manifeste quoi qu’il en soit dans des formes contemporaines de justice complémentaire, réparatrice ou substitutive, qu’il m’importe de décrire en faisant l’hypothèse que la quête d’une justice littéraire informe une éthique de l’écriture, à la recherche des moyens littéraires de toucher à la justesse de la représentation.

Rendre justice

  • 3 Patrick Deville, Peste & choléra, Paris, Seuil, 2012, <Fiction & cie>, p. 91.
  • 4 Pierre Michon, Le roi vient quand il veut. Propos sur la littérature, Albin Michel, 2007, édition (...)

2Avant même la question des procès concrets ou celle de la défense des droits fondamentaux, on pourrait assez facilement cartographier la littérature contemporaine à partir de ses aspirations offensives à réduire l’injustice. La vocation littéraire est indissociable d’un désir de justice : “Je pensais orgueilleusement et naïvement qu’écrire des livres, devenir écrivain, au bout d’une lignée de paysans sans terre, d’ouvriers et de petits commerçants, de gens méprisés pour leurs manières, leur accent, leur inculture, suffirait à réparer l’injustice sociale de la naissance”, note ainsi Annie Ernaux, héritière d’une tradition remontant au moins à Victor Hugo, dans son discours de réception du prix Nobel le mercredi 7 décembre 2022. On distinguerait d’abord la justice mémorielle, accordant rétrospectivement un droit à l’existence historique aux vaincus ou aux invisibles, entamant des procès rétrospectifs (dans L’ordre du jour, 2017, Éric Vuillard reproche en substance au tribunal de Nuremberg de ne pas avoir jugé les grands patrons allemands ; dans Jan Karski, 2009, Yannick Haenel fait le procès de la passivité de Roosevelt face à la Shoah) ou recourant aux pouvoirs de nomination pour faire exister rétrospectivement les oubliés. Son horizon de justice serait une sorte de résurrection intégrale de l’humanité par la littérature : “au total quatre-vingts milliards d’humains vécurent et moururent depuis l’apparition d’homo sapiens. C’est peu. Le calcul est simple : si chacun d’entre nous écrivait ne serait-ce que dix Vies au cours de la sienne aucune ne serait oubliée. Aucune ne serait effacée. Chacune atteindrait à la postérité, et ce serait justice”3 suggère Patrick Deville, qui généralise un programme mis en circulation par Pierre Michon depuis la parution des Vies minuscules : “ce que je ressens presque comme un devoir d’écriture, c’est peut-être de rendre justice à certains petits bonshommes, de leur donner une autre chance, posthume — d’en faire, l’espace d’un texte, de grands hommes”4.

  • 5 Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, Arles, Actes Sud, 2014, <Domaine français>, édition numérique non paginée.

3À côté de la justice mémorielle on pourrait décrire ce que l’on pourrait appeler la justice culturelle, qui inclurait en particulier les condamnations du colonialisme, de l’humour de Gauz dans Debout-payé (2014) à la violence de Shumona Sinha dans Assommons les pauvres (2011) en passant par Cannibale de Didier Daeninckx (1998) qui recourt au roman noir pour dénoncer le traitement fait aux Kanaks lors de l’Exposition coloniale de 1931. Dans Meursault, contre-enquête (2013), Kamel Daoud dénonce l’invisibilisation des algériens : “Je crois que je voudrais que justice soit faite. Cela peut paraître ridicule à mon âge… Mais je te jure que c’est vrai. J’entends par là, non la justice des tribunaux, mais celle des équilibres” demande la sœur de la victime du Meursault de Camus, invitant à ce que “l’histoire” soit “réécrite”5 : telle est bien le projet des écritures littéraires contemporaines de la justice culturelle, d’Alice Zeniter à Léonora Miano.

  • 6 Annie Ernaux, Les années, Paris, Gallimard, 2008, <Blanche>, édition numérique non paginée.
  • 7 Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Arles, Actes Sud, 2018, édition numérique non paginée.

4La justice sociale n’est pas non plus une question abandonnée au débat politique, elle est l’objet d’un projet de dévoilement et d’analyse serré par la littérature. La dénonciation des injustices de classe nourrit ainsi bien des œuvres littéraires contemporaines nées de la crise économique touchant la France depuis plusieurs décennies et se mêle intimement à l’être au monde d’écrivains se déclarant bien souvent solidaires des vulnérabilités sociales qui l’entourent, pensons d’abord à une Annie Ernaux pour qui “lutter pour le droit des femmes à avorter, contre l’injustice sociale et comprendre comment elle est devenue cette femme-là ne fait qu’un”6. Tous les écrivains de l’attention aux souffrances sociales ou régionales seront les héritiers de la demande de justice rageuse et jamais satisfaite de l’auteure des Années, qu’elle passe par l’autobiographie (par exemple chez Édouard Louis), les romans de l’aliénation au travail (pensons à Joseph Pontus) ou les romans héritiers de la tradition réaliste — parmi d’innombrables exemples, pensons à ce portrait visionnaire des dominés chez le jeune écrivain Nicolas Mathieu qui s’est penché dans Leurs enfants après eux sur les zones périurbaines déshéritées des Vosges quelques mois avant le mouvement des Gilets jaunes : “C’était au fond une incroyable leçon. Si vous sortiez des clous, la société disposait de tout l’outillage pour vous mettre définitivement hors-jeu. Des juristes et votre banque organisaient ça très bien”7.

5Avec la justice des corps dénonçant les violences faites aux femmes, riche aujourd’hui d’auteurs aussi originaux de Lola Lafon (Chavirer, 2020) ou Annie Lulu (Peine des Faunes, 2022), une justice des voix appelle à notre attention la diversité des formes de vie, visibilisation des invisibilités qui est le grand combat de tout un pan de la littérature contemporaine, et qui est passée en particulier ces dernières années par une attention aux sexualités minoritaires, de Pauline Delabroy-Allard à Emmanuelle Bayamack-Tam, de Constance Debré à Fatima Daas pour ne prendre que quelques exemples. On est enfin enclin à placer sous le chapitre de la justice littéraire l’écolittérature contemporaine qui engage une critique de l’extractivisme, de l’exploitation animale et plus généralement des ravages de l’anthropocène au nom d’une demande de justice environnementale : plus que dans tout autre type de récit peut-être, la littérature se fait l’avocat d’entités privées de voix, de la terre, des fleuves ou des espèces menacées, des orangs-outangs dont Éric Chevillard pleure la possible disparition dans Sans l’orang-outan (2007), aux pingouins dont Sybille Grimbert recueille le dernier spécimen dans Le dernier des siens (2022). 

  • 8 Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion, Paris, Gallimard, 1982, <Blanche>, édition numérique non paginée.
  • 9 Voir Georges Didi-Huberman, Imaginer recommencer. Ce qui nous soulève, 2, Paris, Minuit, 2021, <Paradoxe>, </Paradoxe>

6À un certain niveau de généralité, le projet d’attention de la littérature consiste ainsi à “ouvrir l’œil pour rendre justice aux choses” pour reprendre une vieille expression de Nicolas Bouvier dans Le poisson-scorpion8. À l’instar de cette rapide cartographie de la production littéraire française contemporaine, on pourrait ainsi produire toute une histoire de la littérature considérée comme un moyen de lutte pour de nouveaux droits et de nouveaux équilibres, voire considérer que, toute écriture est une demande de justice, une réponse à une injustice : l’écrivain ressemble souvent pour notre conscience contemporaine à ce “juste caché” décrit par Walter Benjamin9.

La métajustice littéraire

7Cette action passe plus frontalement encore par ce que je voudrais nommer une métajustice, une justice littéraire de la justice ordinaire. Isolant l’individu des modes relationnels directs propres aux sociétés d’interaction étroite et d’interconnaissance, l’individualisme libéral moderne a fait du droit un mode de régulation social potentiellement présent dans toutes les situations de la vie commune, entrainant ce que l’on a pu décrire comme une judiciarisation de la vie commune. C’est dans ce contexte que la littérature s’est emparée très directement de procès et de débats dont l’enjeu n’était pas comme dans le passé, dans les romans de Mauriac par exemple, des problématiques générales tenant à la question du mal ou de la responsabilité : à l’exception de quelques réflexions plus abstraites (Tanguy Viel qui s’intéresse dans Article 353 du code pénal, 2017, roman totalement fictionnel, au pouvoir du juge), ce sont des cas concrets qui sont réanalysés par la littérature.

  • 10 Emmanuel Carrère, V13, Paris, POL, 2022, <Fiction>, édition électronique non paginée.

8Qu’ils passent par l’immersion dans le milieu ou les dossiers judiciaires, la littérature d’enquête ou la reconstitution autobiographique, les exemples de cette métajustice littéraire sont nombreux. Le travail de l’écrivain peut être d’accompagner le travail de la justice en commentant un procès par une réflexion sur les angles morts et la dimension sensible de la machine judiciaire : ainsi Emmanuel Carrère justifie de la manière suivante ses chroniques réunies dans V13 (2022) : “Qu’attendez-vous de ce procès ? L’autre [réponse] a été prononcée par un survivant du Bataclan, Pierre-Sylvain : J’attends que ce qui nous est arrivé devienne un récit collectif. Écrire ce récit collectif, lire le livre depuis le début, ce sont deux ambitions immenses”10.

  • 11 Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils, Paris, Seuil, <Fiction & cie>, 2020, édition numérique non paginée.

9La littérature va souvent contester la justice en s’interrogeant sur des erreurs du passé qu’il s’agit de corriger : Philippe Jaeneda revient dans La serpe (2017) sur l’incroyable acquittement d’Henri Girard en 1943, Philipe Besson s’intéresse aux erreurs de l’affaire Gregory dans L’enfant d’octobre (2006). Nombreux sont les écrivains qui s’attachent à dénoncer les injustices de l’appareil judiciaire vis-à-vis des vaincus de la société contemporaine : l’écrivaine-journaliste Florence Aubenas revient ainsi dans L’inconnu de la poste (2018) aux aléas d’une enquête faite à charge contre un SDF ; Sandra Lucbert s’en prend dans Personne ne sort les fusils (2020) à une justice ayant exonéré les puissants de leurs responsabilités (“L’ordre du monde qui enserre l’exercice de la justice est contraire à la justice. Mais conforme à la justice de classe : liquide”11) ; Douce France (2007) de Karine Tuil dénonce la justice administrative dans les camps de rétention pour migrants.

  • 12 Christine Angot, Le voyage dans l’Est, Paris, Flammarion, 2021, <Littérature française>, édition numérique non paginée.
  • 13 Vanessa Springora, Le consentement, Paris, Grasset, 2020, édition numérique non paginée.
  • 14 Camille Kouchner, La familia grande, Paris, Seuil, 2021, <Cadre rouge>, édition numérique non paginée.
  • 15 Voir “Loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits seuxels et de l’inc (...)

10Fréquents sont les cas où la littérature agit comme par contumace, en convoquant un mort ou un coupable inaccessible à cause des délais de prescription : Christine Angot juge l’inceste qu’a commis sur elle son père mort et que ne reconnaît que rarement la justice (le récit de l’écrivaine est né de la fureur de voir “un avocat, qui plaidait au tribunal l’inceste consenti, l’accusé qui sortait libre, un magistrat qui lui serrait la main en lui disant soyez heureux monsieur12) ; Vanessa Springora produit littérairement dans Le consentement une convocation de celui qui l’a abusée, l’écrivain Gabriel Matzneff, mais dont les délits échappent à la punition à cause d’une “brèche incompréhensible dans un espace juridique pourtant très balisé”13 ; Camille Kouchner cherche dans la littérature un moyen de contourner les rapports de force et l’œuvre du temps (“Mais toi aussi t’es prof de droit. T’es avocat. Tu sais bien que, pour cause de prescription, tu t’en sortiras. Tout va bien pour toi” écrit-elle à l’agresseur de son frère dans son récit14). Dans ces trois derniers textes, la littérature n’opère pas que dans l’ordre des réparations symboliques, elle est une adresse à l’institution judiciaire qui est mise en procès et appelée à se réformer. La littérature devient auxiliaire de justice et contourne l’institution par la mobilisation de l’opinion : mettant en cause des vivants dans les cas de Vanessa Springora et de Camille Kouchner, elle travaille ad hominem, engageant des réactions de la justice, puisque le lendemain du passage de Camille Kouchner dans l’émission littéraire La grande librairie, l’écrivaine sera entendue par la police et son frère reçu par la brigade de protection des mineurs, entrainant un débat médiatique conduisant à la modification en 2021 de la loi réprimant l’inceste15.

  • 16 Christine Angot, “Christine Angot : Il ne faut pas considérer les libres comme des pièces à convi (...)
  • 17 Voir Chloé Pilorget-Rezzouk, “À la barre. Au procès de l’agresseur présumé d’Édouard Louis : On (...)
  • 18 Voir Martha Nussbaum, Poetic Justice. The Literary Imagination and Public Life, Boston, Beacon Pr (...)

11Participant au débat public, l’œuvre littéraire peut même devenir une pièce à conviction dans le débat pénal : c’est ce dont s’étonne Christine Angot à propos du Consentement de Vanessa Springora (“il faut faire très attention à ne pas considérer les livres comme des pièces à conviction du réel” déclare-t-elle à France Inter16), c’est ce que déplore la procureure du procès ayant opposé Édouard Louis à son présumé violeur qui fut disculpé en ouverture de son réquisitoire : “On ne juge pas un livre, on juge les faits”17, dit-elle à propos d’Histoire de la violence paru en 2016. Non seulement le travail des juges s’appuie sur des exemples normatifs lointains fournis par la littérature, comme le faisait remarquer Martha Nussbaum18, mais il doit parfois faire avec des textes qui sont autant de performances judiciaires.

Poéthiques de la justesse

  • 19 Sur la critique de cette littérature de la justice comme une littérature de la dette, qui expose (...)

12Ainsi, dans le champ contemporain, la littérature complète très concrètement l’institution judiciaire, l’analyse, la nuance, la conteste ou la poursuit fictionnellement en dehors de son périmètre. Dénonciation et réconciliation imaginaire, scandale et restauration sont les deux modalités de ce pouvoir d’action de la littérature, pratique du langage héritière à la fois d’une tradition rhétorique et diplomatique. L’écrivain peut occuper la place du policier, du témoin, de l’avocat, du procureur, du greffier, du juge : pas plus que le rapport à l’acte de justice de la littérature n’est univoque, les moyens littéraires ne se recoupent : certains sont centrés sur la représentation, d’autres sur la parole, certains sur le réalisme documentaire, d’autres sur l’échappée métaphorique. Chaque solution narrative, comme chaque éthos possible, possède ses avantages et ses inconvénients : le recours au je valide l’expérience, mais rend plus difficile la montée en généralité au risque de la victimisation19 ; le passage par la fiction permet plus facilement de plaider à la fois à charge et à décharge. D’un côté le risque d’une revendication qui resterait en silo, de l’autre celui d’une généralisation abusive.

  • 20 Christine Angot, op. cit., édition numérique non paginée.

13Si certains textes comme Les choses humaines de Karine Tuil (2019), qui décrit un procès fait pour viol de manière contradictoire, sont capables de déployer un roman polyphonique ou du moins attentif à penser les subtilités d’une situation, à travers la figure de l’enquêteur ou du témoin, le récit de justice trouve dans la non-fiction ou le récit de témoignage des formes privilégiées : de l’écriture de la plainte à celle de la colère, le primat est souvent donné à l’expression sensible plutôt qu’à la rhétorique complexe de la démonstration (“Parler. Briser le silence. Pour ça, il fallait voir les choses. Les savoir. Les faire exister dans sa tête. Se les représenter mentalement. Supporter les images. Vivre avec elles. Trouver les mots qui leur correspondaient. Les exprimer”20 justifie Christine Angot). En préférant la finesse descriptive à la vindicte, certains écrivains déploient une éthique de la pudeur et de la suggestion qui garantit par un pouvoir de réserve la vérité du témoignage et de l’attestation tout aussi bien que le ferait la colère — pensons par exemple au détachement analytique du récit que fait Vanessa Springora d’un premier abus qu’elle a subi et dont elle est capable de restituer toutes les émotions contradictoires par le biais d’une hypotypose riche de tournures concessives qui rendent compte de fonctionnements émotifs complexes :

  • 21 Vanessa Springora, op. cit., édition numérique non paginée.

14Lors de ce premier après-midi passé chez lui, G. se montre d’une délicatesse exquise. Il m’embrasse longuement, me caresse les épaules et glisse sa main sous mon pull, sans jamais me demander de le retirer, ce que je finis pourtant par faire. Deux adolescents timides flirtant à l’arrière d’une voiture. Bien qu’alanguie, je suis paralysée, incapable du moindre geste, de la moindre audace, je me concentre sur ses lèvres, sa bouche, tenant du bout des doigts son visage penché sur moi. Le temps s’étire, et c’est les joues en feu, les lèvres et le cœur gonflés d’une joie inédite, que je reviens chez moi.21

15En vérité, entre la colère performée et la décantation métaphorique, la dénonciation publique et l’analyse métajudiciaire, la narration engagée et la narration distanciée, l’appel au commun et le rappel de l’incomparable, tout est une question de justesse par rapport aux situations vécues ou rapportées. Productrice d’acquiescements intérieurs du lecteur, permettant l’empathie, la justesse d’expression, de description, est la manière dont l’écriture peut ressaisir une situation conflictuelle et produire à sa manière une justice : elle permet au lecteur de se situer mentalement de manière adéquate en partageant les affects contradictoires qui le nouent aux personnages d’un récit ou au narrateur. La justesse se situe entre le jugement esthétique et le jugement éthique, elle dit l’adéquation entre le langage descriptif et symbolique de la littérature et les catégories profondes qui structurent notre jugement dans un contexte donné, elle permet de faire le pont entre les différents ordres de jugement : nous ne pouvons juger moralement de personnages et de situations que si l’expression d’une situation nous semble authentique et adéquate.

  • 22 Ludwig Wittgenstein, Leçons et conversations, Paris, Gallimard, 1983, p. 5.
  • 23 “La forme est la première et la dernière instance de la responsabilité littéraire”, Roland Barthe (...)

16Wittgenstein faisait remarquer qu’il y avait souvent bien plus que des questions esthétiques dans les jugements esthétiques : “Il est remarquable que dans la vraie vie, dans les jugements esthétiques, les adjectifs esthétiques comme beau, réussi, ne jouent quasiment aucun rôle. On dira plutôt : vois cette transition, ce passage ne colle pas, son usage des images est précis22 écrivait le philosophe. Fin musicien, Roland Barthes a tenté de définir cette justesse de ton comme une “morale de la forme”23 (à peu près à la même époque Jean-Luc Godard disait que le “travelling était affaire de morale”) dont le socle intuitif ne cesse de nous troubler depuis Wittgenstein :

  • 24 Ludwig Wittgenstein, “Chapitre XI”, dans Recherches philosophiques, Paris, Gallimard, 2014, <Tel>, édi</Tel> (...)

17Comment puis-je trouver le mot juste ? Comment puis-je choisir un mot parmi d’autres ? Parfois, c’est comme si je comparais des mots en fonction de légères différences entre leurs odeurs : ceci est trop..., cela est trop... —, voilà ce qui convient. — Mais je ne suis pas toujours obligé de juger, d’expliquer. Souvent, je pourrais me contenter de dire : Ce n’est pas encore ça. Je suis insatisfait et je continue à chercher. Finalement, un mot se présente : C’est cela ! Quelquefois je peux dire pourquoi.24

  • 25 Jean-Claude Pinson, Poéthique. Une autothéorie, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2013, <Recueil>.
  • 26 Voir Gabriel Grossi, “Qu’est-ce que la poéthique ?”, Littérature portes ouvertes [blogue], 29 jui (...)
  • 27 Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes, Paris, Seuil, 2016, <La librairie du XXIe siècle, é (...)
  • 28 Voir notamment la critique de Philippe Artières, “Tribune. Ivan Jabloka, l’histoire n’est pas une (...)
  • 29 Camille Laurens, “La Carte postale, d’anne Berest : le feuilleton littéraire de Cmille Laurens”, (...)

18De fait, les polémiques sur l’art et la littérature contemporains sont bien souvent des débats qui mêlent étroitement et indissolublement justice et justesse, ce sont des débats de poéthiques pour employer un terme qui a été récemment popularisé par Jean-Claude Pinson25, mais qui remonte à Philippe Jaccottet et à Michel Deguy26 ; ces débats ont pris la place qu’occupaient précédemment des discussions plus strictement littéraires et poétiques sur la nature du vraisemblable ou la légitimité de la forme romanesque par exemple. Telle ou telle œuvre produit-elle de l’appropriation culturelle ou un juste hommage à des cultures vulnérables ? Telle ou telle œuvre traduit-elle de manière sensible et équilibrée les rapports de force homme/femme ? Tel ou tel roman transcrit-il de manière honnête et complète une affaire judiciaire ou un drame historique ? Autant de questions qui mettent en jeu notre appréciation de la justesse des œuvres artistiques. Pour prendre des exemples concrets : Laëtitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka, qui s’est voulu un livre de justice (“Comme pour mes grands-parents, il s’agit d’un hommage, mais aussi et surtout d’une quête de justice et de vérité” note l’auteur27) rend-il véritablement justice à Laëtitia ou l’écrase-t-il sous une parole paternaliste et emphatique28 ? Emmanuel Carrère a-t-il trouvé les mots justes dans D’autres vies que la mienne pour parler de la souffrance sociale et du cancer ou son narcissisme l’en a-t-il empêché ? Peut-on dénoncer comme Camille Laurens le propose, dans un feuilleton du Monde des livres contre La carte postale d’Anne Berest qui a fait grand bruit, la manière dont le livre raconte la Shoah ? Camille Laurens pointe l’absence de point de vue du récit et le poncif de ses descriptions en avançant que “l’éthique n’est pas une valeur ajoutée à un livre, elle est dans le point de vue, interne à la forme même que l’auteur lui donne”, l’écrivain ayant “la responsabilité de la forme”29  : autrement dit, la responsabilité éthique de l’adéquation juste de ses moyens à son propos. On peut débattre de la justesse : une certaine objectivation peut être parfois possible par une étude fine du style de l’œuvre et de ses moyens énonciatifs, mais elle restera toujours suspendue à l’épreuve de l’accord avec autrui.

Vers une éducation sémantique

  • 30 Voir Sandra Laugier, “Stanley Cavell : sceptisime et reconnaissance”, dans Christian Lazzeri et A (...)
  • 31 Christine Angot, op. cit., édition numérique non paginée.

19Un dispositif romanesque doit être juste par l’adéquation des effets littéraires aux questionnements éthiques, la dimension polyphonique intrinsèque au roman devant produire une pluralité de voix potentiellement divergentes, mais à valeur représentative. Une narration non fictionnelle doit quant à elle trouver sa justesse dans le rapport de l’énonciateur à lui-même : être juste c’est trouver une voix, une expressivité adéquate tout en faisant face à notre fragilité dans le langage, en acceptant de s’exposer au jugement de l’autre, comme l’a si bien analysé Stanley Cavell30. Alors que son père, auteur d’inceste, invite sa fille à faire flotter son récit (“C’est une question de style. Il faudrait que le lecteur s’interroge, qu’il se demande s’il est dans le rêve, dans la réalité, que ce soit un peu incertain, un peu à la manière de Robbe-Grillet”), Christine Angot choisit tout au contraire la voix de la plus grande précision, qui lui paraît plus juste : “Si j’arrive un jour à écrire ce truc, ça ne sera certainement pas la méthode que j’emploierai. Certainement pas. Ce sera tout à fait clair”31.

  • 32 Nathalie Léger, La robe blanche, Paris, POL, 2018, édition numérique non paginée.
  • 33 Ibid.
  • 34 Ibid
  • 35 Ibid.
  • 36 Voir Sandra Laugier, “Littérature, philosophie, morale”, Fagula-LhT (Les philosophes lecteurs, di (...)

20“Je suis venu pour essayer de réparer cette injustice, dit-il néanmoins tout bas comme pour se justifier. — Réparer ?… Comment ? Avec quoi ?”32 : cette citation d’Imre Kertész est mise en exergue par Nathalie Léger au récit La robe blanche, que celle-ci consacre à la fois à la demande de justice de sa mère qui s’estime injustement condamnée lors de son divorce et qui exige que sa fille mette son récit à son service (“Pourquoi crois-tu que tu écrives si ce n’est pour rendre justice ?”33) et à une jeune artiste italienne éprise de paix et cruellement assassinée. Assignée par sa mère à sauver son honneur par l’écriture, la narratrice s’interroge sur les moyens de la justice littéraire et la confusion que l’appétit de justice peut entraîner (“Je suis bien incapable de lui expliquer la différence entre la vengeance, les représailles, le ressentiment, la réparation, entre la justice et la justesse”34) en mettant en regard la justice privée exigée par sa mère et le besoin de justice politique exprimé par la performeuse italienne partie porter un message d’espoir dans des pays en guerre vêtue d’une robe de mariée, pour en tirer une conclusion sur les pouvoirs de la littérature, conçue comme un dispositif d’ajustement incertain des paroles et des récits : “je crie que je n’ai rien à racheter, aucune vocation pour le rachat, que le rachat est la forme perverse de la vengeance, que je ne veux pas rendre justice, à peine ajuster, voilà, ça oui, ça l’écriture peut le faire, ajuster, ajuster à l’aveugle”35. Le dispositif complexe de Nathalie Léger consiste à mettre en regard les demandes de justice, à les croiser dans l’énonciation, à travers la figure commune de la robe blanche, à projeter la plainte de sa mère sur le silence de l’artiste assassinée : loin de réduire à l’expression brute du trauma, la justesse expressive passe potentiellement en littérature par des narrations aux dispositifs ajustés à des formes de vie complexes et par une langue finement modulée. Si l’écrivain reste incertain et aveugle sur l’assentiment du lecteur, si, comme la lecture, l’écriture est une aventure éthique pour reprendre les réflexions de Cora Diamond36, c’est qu’il est confronté à la fois à la fragilité du langage et aux dynamiques complexes de l’intersubjectivité. Il engage néanmoins un pacte de justesse avec son lecteur, qui est bien plus qu’un pacte de vérité, mais un engagement à essayer de prendre en compte la pluralité des vérités pour les soumettre au jugement de la lecture.

  • 37 Albert Camus, “Sur une philosophie de l’expression”, Poésie, 44, n°17, décembre 1943/janvier-févr (...)

21Une tonalité de phrase qui ne sonne pas juste, un décalage entre le vocabulaire d’une représentation et notre appréciation, l’inadéquation d’un style ou d’une posture énonciative sont de nature à inactiver radicalement une œuvre littéraire, à nous interdire d’y entrer, alors que, au contraire, si nous acquiesçons à une voix ou à une représentation dont nous jugeons qu’elle fait écho à notre vision intime du monde, qu’elle la concentre en produisant l’impression qu’elle dit mieux que nous ce que nous disons, nous sommes aussi convaincus moralement et politiquement par une œuvre. À l’inverse, comme le disait Camus dans une formule célèbre, “mal nommer ajoute au malheur du monde”37.

  • 38 Voir Sophie Grassin, “Rencontre avec Audrey Diwan, celle qui fait l’Événement”, L’obs, 24 novembr (...)

22Dans ces postures et ces modalités de la justesse, les responsabilités épistémiques et éthiques sont déposées dans le langage. La poéthique du récit, ce sont les moyens, variés, par lesquels celui-ci cherche à attester et à faire reconnaître sa justesse en contexte pour produire lui-même une forme de reconnaissance. Le bon ajustement des voix de la justesse au désir de justice et à la pensée de la justice est la clé de la réussite toujours contextuelle et personnelle de ces textes. La justesse, qui n’est pas la vérité ni la beauté, devient ainsi dans ces textes issus de la littérature française contemporaine le premier principe qui guide l’écriture : “Soyez juste et le reste viendra de surcroit”, citation de Tchekhov adressée à titre de conseil par Annie Ernaux à la réalisatrice d’un film adapté de l’Événement38. Pris dans son double sens de justesse du rapport à soi-même et justesse de redescription du monde, le concept de justesse permet de dépasser les dilemmes d’un jugement esthétique qui s’opposerait à un jugement politique (puis-je légitimement aimer Céline ?) et rend compte du pouvoir de réparation attribué à l’écriture et à la lecture, comme rééquilibrage des injustices du monde et forme de justice par défaut. Si nous acquiesçons à la justesse d’une description, nous sommes entraînés à juger d’une situation, d’un conflit présenté par le texte, ce qui permet au texte d’opérer sur nos cadres de perception en retour, en donnant par ce biais un impact social à la fiction.

  • 39 Martha Nussbaum, op. cit.

23Pour le dire autrement, sensible à la parole par exemple de Vanessa Springora, à la qualité de densité et de finesse de sa description de son expérience d’abus sexuel, je conviens de la justesse de son point de vue, j’entre en résonance avec celui-ci, comme avec celui des autres points de vue qu’elle met en scène. Ce faisant, je juge d’une situation que je découvre et qui élargit mon horizon de réflexion morale à de nouveaux types d’injustice ou de dilemmes. Ayant ainsi appris de ce récit une nouvelle forme d’attention à des détails ou à des configurations auxquelles je n’accordais pas précédemment d’importance, pour employer le vocabulaire de la philosophie du langage ordinaire, étant équipé d’une grille interprétative nouvelle et ayant été entraîné par le récit à faire face aux problématiques du consentement grâce au récit éponyme, je modifie ensuite mon point de vue de citoyen, dans ce que l’on peut décrire comme une éducation sémantique. Le lecteur rend justice en son cœur : la réparation initiale est intérieure, privée, liée à une négociation du lecteur et de l’écrivain, mais elle peut toucher ensuite l’ordre politique. Le récit ne fait pas seulement que représenter une situation ex post pour la combler et la réparer, il agit ex ante en changeant notre lexique et donc nos catégories et notre vocabulaire perceptif, en inséminant des représentations nouvelles dans notre imaginaire. Non seulement il essaye de rendre justice de en corrigeant un jugement ou une absence de jugement rétrospectivement, en se faisant le gardien de la fragilité du bien, mais il anticipe sur nos actions futures, en rendant justice à, en produisant une équité qui nourrira notre action. Là se trouve ce que Martha Nussbaum nommait une “justice poétique”39, c’est-à-dire une éducation littéraire à la justice par la justesse, qui est l’une des manières dont on peut décrire l’action de la littérature sur le monde.
* * *

24En un certain sens, toute justice humaine est une justice narrative, qui produit les récits dont on a contextuellement besoin, qui explique autant qu’elle répare, qui remet de l’ordre en expliquant, et c’est là qu’elle rencontre la littérature. On ne s’étonnera donc pas que la notion de justesse soit d’ailleurs très opératoire dans le champ judiciaire : lorsqu’elle entend un demandeur d’asile, c’est la justesse de son récit, son adéquation à ce que nous savons des conditions objectives de son pays, mais aussi ce que nous imaginons de son ressenti qui est jugé. L’institution judiciaire juge de la justesse des récits et produit des récits dont nous jugeons ensuite la justesse avec la littérature. Lorsqu’on entend un témoin, c’est la justesse de ses mots que l’on considère, imposant à celui qui parle des efforts considérables bien décrits par Édouard Louis dans Histoire de la violence :

  • 40 Édouard Louis, Histoire de la violence, Paris, Seuil, 2016, <Cadre rouge>, édition électronique non paginée.

25Les deux policiers m’avaient accueilli avec compassion, pour ne pas dire avec tendresse ; régulièrement je perdais le fil du récit, je parlais au hasard, je formulais des phrases qui n’avaient pas de sens dans ce contexte, je me ridiculisais, je faisais de grandes phrases stupides, je revenais sans cesse sur la même chose, le même moment de la nuit que je redisais avec d’autres mots, avec d’autres intonations, comme pour essayer d’en atteindre la vérité.40

26Ainsi, la question de la justesse, qui est bien plus que la question de la vérité ou de la vraisemblance, est perpétuellement mobilisée notre dans rapport à autrui — et sans doute dans aussi notre for intérieur pour juger de la bonne foi des bricolages narratifs que nous produisons perpétuellement sur nous-mêmes. Là encore, c’est bien à un apprentissage du jugement juste que la littérature voudrait nous initier.

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Note de fin

1 Voir en particulier deux ouvrages remarquables, Christine Baron, La littérature à la barre. XXe-XXIe siècle, Paris, CNRS, 2021 et Anna Arzoumanov, La création artistique et littéraire en procès. 1999-2019, Paris, Classiques Garnier, 2022, <Littérature et censure>.

2 Voir Thomas Pavel, La pensée du roman, Paris, Gallimard, 2014, <Folio essais>.

3 Patrick Deville, Peste & choléra, Paris, Seuil, 2012, <Fiction & cie>, p. 91.

4 Pierre Michon, Le roi vient quand il veut. Propos sur la littérature, Albin Michel, 2007, édition numérique non paginée.

5 Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, Arles, Actes Sud, 2014, <Domaine français>, édition numérique non paginée.

6 Annie Ernaux, Les années, Paris, Gallimard, 2008, <Blanche>, édition numérique non paginée.

7 Nicolas Mathieu, Leurs enfants après eux, Arles, Actes Sud, 2018, édition numérique non paginée.

8 Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion, Paris, Gallimard, 1982, <Blanche>, édition numérique non paginée.

9 Voir Georges Didi-Huberman, Imaginer recommencer. Ce qui nous soulève, 2, Paris, Minuit, 2021, <Paradoxe>, p. 593-594.

10 Emmanuel Carrère, V13, Paris, POL, 2022, <Fiction>, édition électronique non paginée.

11 Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils, Paris, Seuil, <Fiction & cie>, 2020, édition numérique non paginée.

12 Christine Angot, Le voyage dans l’Est, Paris, Flammarion, 2021, <Littérature française>, édition numérique non paginée.

13 Vanessa Springora, Le consentement, Paris, Grasset, 2020, édition numérique non paginée.

14 Camille Kouchner, La familia grande, Paris, Seuil, 2021, <Cadre rouge>, édition numérique non paginée.

15 Voir “Loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits seuxels et de l’inceste”, République française, dernière modification le 22 avril 2021, URL : https://www.vie-publique.fr/loi/278212-loi-21-avril-2021-violences-sexuelles-sur-mineurs-et-inceste..

16 Christine Angot, “Christine Angot : Il ne faut pas considérer les libres comme des pièces à conviction du réel” à l’émission L’invité de 7h50 du 6 janvier 2020 animée par Léa Salamé, URL : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/christine-angot-il-ne-faut-pas-considerer-les-livres-comme-des-pieces-a-conviction-du-reel-9739240.

17 Voir Chloé Pilorget-Rezzouk, “À la barre. Au procès de l’agresseur présumé d’Édouard Louis : On ne juge pas un livre, on juge les faits”, Libération, 24 octobre 2020, URL : https://www.liberation.fr/france/2020/10/24/au-proces-de-l-agresseur-presume-d-edouard-louis-on-ne-juge-pas-un-livre-on-juge-les-faits_1803373/.

18 Voir Martha Nussbaum, Poetic Justice. The Literary Imagination and Public Life, Boston, Beacon Press, 1995, travaux poursuivi par exemple par Rage McGregor, Narrative Justice, Lanham, Rowman & Littlefield, 2018.

19 Sur la critique de cette littérature de la justice comme une littérature de la dette, qui expose au risque du misérabilisme voire Sophie Divry, Rouvrir le roman, Paris, Noir sur blanc, 2017, <Notabilia>, édition numérique non paginée.

20 Christine Angot, op. cit., édition numérique non paginée.

21 Vanessa Springora, op. cit., édition numérique non paginée.

22 Ludwig Wittgenstein, Leçons et conversations, Paris, Gallimard, 1983, p. 5.

23 “La forme est la première et la dernière instance de la responsabilité littéraire”, Roland Barthes, Le degré zéro de l'écriture, dans Œuvres complètes, Paris, Seuil, 1993, t. I, p. 183.

24 Ludwig Wittgenstein, “Chapitre XI”, dans Recherches philosophiques, Paris, Gallimard, 2014, <Tel>, édition électronique non paginée.

25 Jean-Claude Pinson, Poéthique. Une autothéorie, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2013, <Recueil>.

26 Voir Gabriel Grossi, “Qu’est-ce que la poéthique ?”, Littérature portes ouvertes [blogue], 29 juillet 2017, URL : https://litteratureportesouvertes.wordpress.com/2017/07/29/quest-ce-que-la-poethique/.

27 Ivan Jablonka, Laëtitia ou la fin des hommes, Paris, Seuil, 2016, <La librairie du XXIe siècle>, édition numérique non paginée.

28 Voir notamment la critique de Philippe Artières, “Tribune. Ivan Jabloka, l’histoire n’est pas une littérature contemporaine !”, Libération, 6 novembre 2016, URL : https://www.liberation.fr/debats/2016/11/06/ivan-jablonka-l-histoire-n-est-pas-une-litterature-contemporaine_1526604/.

29 Camille Laurens, “La Carte postale, d’anne Berest : le feuilleton littéraire de Cmille Laurens”, Le Monde, 16 septembre 2021, URL : https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/09/16/la-carte-postale-d-anne-berest-le-feuilleton-litteraire-de-camille-laurens_6094895_3260.html.

30 Voir Sandra Laugier, “Stanley Cavell : sceptisime et reconnaissance”, dans Christian Lazzeri et Alain Caillé (dir.), La reconnaissance aujourd’hui, Paris, CNRS, 2009, <CNRS Philosophie>, p. 273-301, DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.editionscnrs.7225.

31 Christine Angot, op. cit., édition numérique non paginée.

32 Nathalie Léger, La robe blanche, Paris, POL, 2018, édition numérique non paginée.

33 Ibid.

34 Ibid

35 Ibid.

36 Voir Sandra Laugier, “Littérature, philosophie, morale”, Fagula-LhT (Les philosophes lecteurs, dir. par Marie de Gandt), no 1, février 2006, DOI : 10.58282/lht.584.

37 Albert Camus, “Sur une philosophie de l’expression”, Poésie, 44, n°17, décembre 1943/janvier-février 1944.

38 Voir Sophie Grassin, “Rencontre avec Audrey Diwan, celle qui fait l’Événement”, L’obs, 24 novembre 2021, URL : https://www.nouvelobs.com/cinema/20211124.OBS51341/rencontre-avec-audrey-diwan-celle-qui-fait-l-evenement.html.

39 Martha Nussbaum, op. cit.

40 Édouard Louis, Histoire de la violence, Paris, Seuil, 2016, <Cadre rouge>, édition électronique non paginée.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alexandre Gefen, « Justice et justesse »Revue critique de fixxion française contemporaine [En ligne], 26 | 2023, mis en ligne le 15 décembre 2022, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/fixxion/10416 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/fixxion.10416

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Auteur

Alexandre Gefen

Unité mixte de recherche THALIM, CNRS-Université Sorbonne nouvelle-ENS

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