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Comptes rendus de lecture

Éric Dufour, L’esthétique musicale de Nietzsche

Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion (Esthétique et science de l’art), 2005
Max James
Référence(s) :

Éric Dufour, L’esthétique musicale de Nietzsche, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion (Esthétique et science de l’art), 2005, 341 p.

Texte intégral

1Il y a ce que Nietzsche a écrit sur la musique, la musique que Nietzsche a composée, et les grands textes philosophiques que l’on connaît de Nietzsche. Et, dans le même temps, par relations, influences, ressemblances, divergences, oppositions, chacun de ces domaines est nécessairement plus large : il y a l’esthétique des romantiques allemands, les écrits de Wagner et le traité sur la musique de Hanslick ; il y a l’évolution de la musique, de Bach à Wagner et Bizet ; et il y a la philosophie de Schopenhauer, ainsi que les notions majeures de l’esthétique de Kant. Chaque point de cette constellation est exposé avec rigueur et clarté dans le livre d’Éric Dufour qui se veut un commentateur exigeant. La description minutieuse d’une telle constellation permet à l’auteur de proposer, outre une analyse de la conception nietzschéenne de la musique évoluant à travers ses écrits successifs, un livre qui relève de l’histoire des idées, où histoire de la musique et histoire de la philosophie s’entrelacent afin, d’une part, d’éclairer leur sphère et leur contenu respectifs (éléments musicaux et concepts) et, d’autre part, de dessiner les contours plus problématiques de la sphère de l’esthétique musicale.

2Le problème est de savoir ce que l’on entend par esthétique. Ce qui est propre à toute esthétique, c’est d’émettre un jugement de valeur sur une production artistique en fonction de critères qui dépendent de la conception qu’on se fait de l’art et des œuvres d’art. Mais si l’on impose aux critères de jugement de correspondre à des nécessités formelles ou de contenu que l’œuvre doit remplir, en d’autres termes si l’on aspire à l’autonomie de la sphère esthétique, il semblerait qu’on ne puisse pas alors réellement parler d’une esthétique musicale de Nietzsche. Comment Nietzsche fonde-t-il et légitime-t-il ces jugements de valeur ? Quelle est la spécificité de l’esthétique musicale de Nietzsche ? Comment s’élabore-t-elle ? Et en quoi refuse-t-il tout autre mode de jugement ? Voilà les questions que pose le livre d’Éric Dufour. Mais Nietzsche a évolué, et d’une manière surprenante, radicalement, en opérant un renversement de toute sa philosophie. Il y a deux Nietzsche, qui tiennent successivement et très nettement deux discours incompatibles, celui de la jeunesse et celui de la maturité, dit-on. Mais à propos d’aucun de ceux-là on ne peut parler d’esthétique sans en définir leurs modalités particulières.

3Éric Dufour propose de comprendre cette évolution de manière chronologique et distingue trois étapes qui s’articulent autour de trois livres et des textes qui leurs sont contemporains (autres publications, fragments posthumes, correspondances) : La naissance de la tragédie, Humain trop humain, et Le cas Wagner.

4Dès le début, en 1871, Nietzsche ne ferait pas d’esthétique mais une métaphysique de la musique. Ce qui est différent : il ne s’agit pas dès lors de déterminer si l’œuvre musicale est belle – ce que réclame Hanslick, que Nietzsche rejette alors explicitement – mais de déterminer si l’œuvre musicale est vraie. Car la musique apparaît au jeune Nietzsche schopenhauerien de La naissance de la tragédie comme la véritable connaissance du monde, ce qui est à même de révéler la nature profonde et mystérieuse de l’être et, partant, ce qui semble être la véritable philosophie. Mais si pour Schopenhauer toute musique est une expression de l’être, pour Nietzsche, seules les musiques de la Grèce antique et de Wagner (Tristan et Isolde) sont véritablement adéquates à l’essence du monde, elles seules sont vraies.

5Élaborer une métaphysique de la musique, c’est donc considérer que celle-ci peut exprimer la métaphysique du monde ; en cela la musique « s’explique en vertu d’une certaine conception du monde et de l’homme (conclusion, p. 319) ». Le monde, vu par les romantiques allemands est double, il est jour et nuit. Le jour est le monde de la lumière et de l’état de veille, le monde sensible de l’espace et du temps. Il présente une multiplicité de phénomènes individués qui ne cessent d’apparaître et de disparaître ; c’est le monde que saisissent la raison et l’entendement qui en rendent compte à travers le langage ordinaire et son discours conceptuel. La nuit romantique n’est cependant pas une conséquence du jour déclinant (Lumières), au contraire, ici « le jour est fils de la nuit » (Jankélévitch, cité par Dufour p. 27). La nuit est l’arrière-monde invisible d’où le jour émerge ; c’est le monde intemporel de l’unité originaire, inaccessible à la connaissance rationnelle et aux sens, seuls le rêve et le sentiment l’appréhendent. Ce dernier, pourtant ineffable, n’en possède pas moins un langage signifiant : un langage obscur et mystérieux, mouvant comme le sentiment et les ondes sonores ; un langage non conceptuel, mais d’où sont issues toutes les langues ordinaires de l’humanité ; un langage qui détruit, pour le nier, le monde fini des apparences et qui dès lors est à même d’exprimer l’infini de l’être, la musique.

6Ainsi le monde, selon les concepts précis de Schopenhauer, est « volonté et représentation » : représentations issues du vouloir originaire, de l’être même, mais illusoires, et trompeuses sur celui-ci. Nietzsche, reprenant les fondements de la philosophie de Schopenhauer dans La naissance de la tragédie, complète celle-ci avec le couple de figures de Dionysos et d’Apollon ; Éric Dufour prévient que ce couple n’est pas plaqué sur celui de la volonté et de la représentation (p. 65), mais désigne bien plutôt les deux types de langage qui signifient respectivement l’être et le non-être, la nuit et le jour.

7L’art apollinien représente le monde phénoménal ; « lié à l’individuation, à la mesure, à la clarté et à la distinction (p. 73) », il est l’art du beau et des belles formes. L’art dionysiaque est quant à lui la reproduction du rapport qu’entretient l’Un originaire avec les phénomènes ; il « correspond donc à la dissolution de l’individualité et à l’avènement de la démesure (p. 74) » ; perçant le voile des apparences, il est l’art du sublime. Parmi tous les arts, « si la musique est le seul art dionysiaque, c’est parce qu’elle possède le pouvoir de montrer comment chaque phénomène individualisé qu’elle peint, avec ses contours clairs et distincts, finit par se dissoudre dans la volonté qui l’a engendré (p. 78). » En décrivant sous cet angle les particularités du langage musical de Tristan (indétermination tonale, rythme libéré de la métrique, transition permanente), Éric Dufour montre pourquoi cette œuvre se révèle à Nietzsche comme la seule musique véritable.

8La musique est donc considérée dans La naissance de la tragédie, selon Dufour, comme un « langage signifiant » qui, par conséquent, renvoie à un état de choses extérieur. La musique est ainsi chargée d’un sens extra-musical et, selon l’adéquation de ce sens avec la conception du monde donnée, la musique est qualifiée de vraie ou de fausse.

9Il y eut ensuite la rupture avec Wagner, son œuvre et ses idées – rupture qui, cependant, ne fut pas brusque mais progressive. Éric Dufour rapporte par exemple que tout en écrivant le texte apologique Richard Wagner à Bayreuth (1876), Nietzsche était en proie « à un doute insensé : Wagner a-t-il vraiment un talent musical ? » (Friedrich Nietzsche : fragments posthumes, cité par Dufour p. 59). Néanmoins, si le deuxième moment qu’Éric Dufour distingue dans son livre est une étape intermédiaire, il n’est pas un moment de transition de la pensée nietzschéenne. Radicalement différente de celle de La naissance de la tragédie, la conception de la musique qu’expose Nietzsche dans Humain trop humain (1878) ne changera plus jusqu’à ses derniers ouvrages, Le cas Wagner et Ecce Homo (1888) que l’auteur étudie dans un troisième temps.

10Après une révolution philosophique totale, Humain trop humain marque le premier temps de la seconde esthétique musicale de Nietzsche : comment considérer la musique dès lors que le monde s’est débarrassé de son arrière-monde intemporel et intelligible, et qu’il n’est plus qu’une surface sensible ? Mais, en lui-même, le texte de Nietzsche ne présente sous aucune forme une esthétique ; si la métaphysique de la musique proposait en définitive un certain type de jugement esthétique, Nietzsche, en 1878, ne propose aucun critère permettant de juger la valeur d’une œuvre musicale ; la musique ne peut être alors que l’objet d’une description, d’un jugement de fait.

11Les « arrière-mondes » s’évanouissent en même temps que la distinction romantique entre la pensée intuitive (sentiment) et la pensée discursive (concept). « Alors que les philosophes opposent sentiment et concept, Nietzsche souligne qu’ils sont indissociables et que le sentiment, loin d’être le fondement du concept, contrairement à la thèse défendue par Schopenhauer qui affirme que toute pensée discursive trouve son origine dans une intuition qui est d’un tout autre ordre et n’en est au fond que la formulation, est seulement le prolongement du concept (p. 174). » La distinction romantique témoigne d’une « inattention aux processus qui gouvernent la pensée humaine » : une idée subite n’apparaît jamais ailleurs que sur le fond d’un réseau conceptuel, et si elle est dite « sentiment », c’est seulement parce qu’elle n’a pas encore trouvé sa formulation discursive adéquate. Le sentiment n’est plus alors le véhicule d’une connaissance ; ou bien plutôt il ne l’est que parce qu’il constitue déjà un état pré-conceptuel de la pensée. C’est ainsi que, sans cette « faculté mystérieuse » attribuée au sentiment qui donne accès au fondement caché derrière les phénomènes, la volonté, ou l’Un originaire, immuable et éternel, ne sont plus qu’illusions. Il en découle que si le fondement des choses n’est pas caché dans l’éternité, celui-ci est alors à saisir et à analyser dans l’histoire ; tout comme il faut faire la genèse du sentiment, déterminer le fond conceptuel qu’implique son apparition.

12L’autre conséquence que Dufour attribue à ce nouveau statut du sentiment chez Nietzsche, c’est une nouvelle fonction de l’art dont « le sentiment est le médium (p. 177). » Il n’est donc plus le révélateur de la vérité, il n’est plus un mode de connaissance et dès lors « occupe une position inférieure dans la hiérarchie des activités humaines » ; l’art est cependant (re)valorisation de l’existence sensible, c’est-à-dire du monde des apparences, désormais le seul. De ces présupposés philosophiques découle alors une nouvelle conception de la musique.

13« Contre Wagner et Schopenhauer, Nietzsche prend le parti de Hanslick, sans pourtant jamais mentionner explicitement son nom (p. 209) » et il avance une conception musicale identique à celle de ce dernier. Cette conception est dite « formaliste » puisqu’on considère la forme musicale comme le contenu même de l’œuvre. « La forme, c’est la structure proprement musicale de l’œuvre, donc son organisation mélodique, harmonique et rythmique (p. 183). »

14Il y a alors, selon Hanslick et Nietzsche, deux types de musique à distinguer : d’une part, une musique qui « n’est rien d’autre que l’organisation des sons dans la durée (p. 197) », qui n’est qu’un objet sensible ; d’autre part, une musique « symbolique » où « le son n’est qu’un support qui véhicule un sens extra-musical (p. 197). » Dans le premier cas, à l’écoute ou à l’analyse, on se demande « qu’est-ce que c’est ? », alors que dans le second on doit se demander « qu’est-ce que cela signifie ? ». Si cet autre type de musique, la musique de Wagner, est condamnée par Hanslick et Nietzsche, c’est en raison de l’illusion qu’elle soutient : elle se nie elle-même, elle nie son aspect sensible et fini, pour suggérer un infini comme promesse d’un autre monde, elle se donne comme universelle et éternelle, révélation de l’essence même de la musique, alors que, tout au contraire, elle est historique et culturelle. Il est contradictoire que la musique soit un langage signifiant, comme c’est le cas chez Wagner (mais aussi au XVIIIe siècle où la musique, d’après un certain code, était censée exprimer les passions humaines) ; si la musique est un langage, elle est un langage strictement musical avec un sens musical, ne faisant référence à rien qui lui soit extérieur. Ainsi, il se trouve qu’il n’y a pas de forme proprement musicale chez Wagner, car l’unité musicale – selon la lettre du texte d’Opéra et drame – se trouve à l’extérieur de la musique, dans le drame ; la conséquence en est que sa musique présente une structure lâche et que la spécificité de son matériau ne paraît être qu’un compromis avec son incapacité d’organiser celui-ci (« Wagner a-t-il un talent musical ? »).

15L’ouvrage de Hanslick constitue une esthétique parce que, à la conception de la musique qu’il expose, il ajoute une conception du « beau musical ». Ce que, selon Dufour, Nietzsche ne fait pas. La notion de beau chez Hanslick diffère de celle de Kant : « Le beau n’est pas un sentiment du sujet, mais une propriété de l’objet (p. 186). » Pour Hanslick, le beau n’est pas ailleurs que dans la combinaison des sons, que seule une analyse descriptive musicologique, c’est-à-dire scientifique, peut déterminer. Nietzsche refuse de la même façon d’assimiler l’objet et sa beauté au plaisir, à la jouissance esthétique du sujet qui reçoit l’œuvre, bien qu’il convienne avec Hanslick que le sentiment, étant indissociable de la pensée conceptuelle et donc d’une certaine culture et d’une certaine éducation de l’écoute, « se règle de façon nécessaire sur la structure de l’objet » ; mais c’est justement pour ces raisons que les sentiments esthétiques sont contingents, et que la musique, si elle les éveille, ne les contient pas. Ainsi, plus exactement, d’après l’analyse de Dufour, « la question, donc, n’est pas de savoir ce qu’est le beau en musique, mais simplement de savoir ce qui est susceptible d’être qualifié de beau dans la musique (p. 186). »

16Éric Dufour fait remarquer que les jugements de valeur sur la musique ne sont pas absents du texte de Humain trop humain, seulement, on ne voit pas sur quoi ils se fondent, ce qui les légitime, au contraire de Hanslick. Cela, en fait, est révélé par les derniers grands textes de Nietzsche, ceux de « la maturité » où sont développés les concepts de vie, de volonté de puissance et d’éternel retour que Dufour, dans sa dernière partie, expose tour à tour. La musique fait l’objet d’une physiologie. « La musique provient du corps et n’est rien d’autre que le symptôme de l’état du corps qui la crée, c’est-à-dire de la santé ou de la maladie de ce corps (p. 228) », et à l’autre bout, elle touche un autre corps, une autre physiologie. La musique exprime ce que peut un corps, force ou faiblesse, mais puisque le corps, chez Nietzsche, n’est pas dissociable du psychique et de la psychologie, et que c’est en fait « le corps qui pense », la musique est, sous cet angle, liée à la vie tout entière ; « elle est l’expression du rapport que [les musiciens] entretiennent avec la temporalité et la vie (p. 273). »

17Pour Nietzsche, selon Dufour, il n’y a pas d’esthétique au sens d’une sphère indépendante, où le jugement de valeur serait autonome. Nietzsche insiste sur le fait qu’il faut décrire minutieusement, scientifiquement, l’œuvre musicale afin de comprendre sa spécificité. « Ce faisant, explique Dufour, on peut montrer l’intérêt de l’œuvre d’un musicien, on peut même établir les moyens utilisés par l’artiste pour affecter son auditeur – on peut donc en somme mettre en évidence sa singularité : mais on n’établira jamais son infériorité ni sa supériorité par rapports aux autres, et on ne pourra jamais expliquer pourquoi elle me plaît et produit en moi un sentiment esthétique (p. 230). » Pour émettre un jugement de valeur, il faut donc évaluer, et la musique s’évalue par rapport à la vie. La seconde esthétique musicale de Nietzsche est ainsi la combinaison d’une description scientifique de l’œuvre avec l’évaluation de celle-ci par rapport à la vie. Cela suppose un nouveau critère de valeur : « La question n’est plus de savoir si une œuvre d’art est belle ou non (notion vide pour Nietzsche), mais de savoir si l’œuvre est intéressante – et ce qui possède un intérêt, c’est ce qui valorise la vie (p. 231). »

18Éric Dufour explique qu’il ne faut pas croire que Nietzsche réintroduit un sens extra-musical dans la musique. Lorsque la musique exprime la vie, ce n’est pas en renvoyant à une existence qui lui est étrangère mais à la diversité de l’existence sensible dont elle est une forme. Il y a une vie proprement musicale, qui est « l’origine créatrice du déploiement du flux musical en même temps que la loi qui régit l’ordonnance des sons, la succession des différentes phrases et des différents moments (p. 234-235) », et cette vie qui est dans la musique se mesure aux diverses autres formes de la vie.

19La fonction de l’art devient alors plus précise. Puisque le sentiment esthétique est nécessairement lié aux sensations corporelles, « la jouissance esthétique n’est rien d’autre qu’une intensification des instincts vitaux (p. 232) », et l’art une intensification de la vie ; Nietzsche dit, entre autres, qu’il « doit présenter une “surabondance” de vie (p. 232) ».

20Si bien qu’aux deux types de musique précédemment distingués, correspondent deux types de vie, une vie ascendante et une vie déclinante, une vie pleine de santé et une vie malade. Dans Le cas Wagner, Nietzsche oppose à la musique négative et « réactive » – à cette musique de Wagner dont le sens du temps est « détestable », le même que celui des drogués et des alcooliques, partant « à l’aventure » à chaque mesure, sans lien d’un instant à l’autre – à cette musique dite du Nord, Nietzsche oppose la musique du Sud que représente Bizet, musique affirmative et « active » ayant maîtrisé le chaos en déterminant une unité des divers moments, et ainsi donné une direction au présent, un sens. Ce qui détermine la force ou la faiblesse de vie musicale de telle ou telle musique, c’est la part de forme et d’informe, d’ordre et de chaos, qui les constitue. Car le passage de l’un à l’autre est l’action même de la vie. C’est la vie qui impose une organisation au chaos (volonté de puissance), c’est la vie qui transforme le devenir chaotique et insensé en temporalité rythmique, c’est la vie qui crée le temps, qui transforme le chaos dionysiaque en ordre apollinien, et cela, ce en quoi consiste à proprement parler la création, cela implique un effort qui n’a pas de cesse, tant le devenir dionysiaque ne laisse pas de déformer l’ordre apollinien, un effort éternel, un « éternel retour » de l’effort qui est pour Nietzsche la nature même du temps : le temps, c’est une unité, une nécessité qu’on ne cesse pas de donner aux divers moments sans lien du devenir, un présent qui tend alors vers le futur, en qui il voit à la fois sa cause et la justification de son passé. Il revient à Éric Dufour d’avoir donné dans son livre un exposé lumineux du concept, central chez Nietzsche, de « l’éternel retour », dans lequel est définie précisément la notion de temps. Composer de la musique n’a pas d’autre sens pour Nietzsche que de créer un temps proprement musical ; et la création d’une telle temporalité témoigne d’une vie qui, en la créant, n’est pas ailleurs que dans la musique.

21L’esthétique musicale de Nietzsche est un livre qui, à travers les divers discours du philosophe et en complément du problème d’un sens extra-musical dans la musique, prend le temps de soulever et de développer, et cela très concrètement, des problématiques et des notions comme le rythme, le temps musical, l’affect, l’effet et le suspense, le rapport entre texte et musique, ainsi que la part de la pensée et de son autre dans la musique. Ces notions, parce qu’elles touchent de très près la réalité du phénomène musical, constituent ces outils de la connaissance discursive qui permettent de penser la musique du XIXe siècle.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Max James, « Éric Dufour, L’esthétique musicale de Nietzsche »Filigrane [En ligne], 3 | 2006, mis en ligne le 01 juin 2006, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/filigrane/150 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12i9r

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Auteur

Max James

Doctorant en musicologie, université Paris 8 ; chargé de cours en « harmonie écrite », université d’Évry Val-d’Essonne.

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Droits d’auteur

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