Présentation
Texte intégral
- 1 Francis Ponge, « Rhétorique » [1930], Proêmes [1948], Œuvres complètes, éd. B. Beugnot, Paris, Gall (...)
1Il y a chez Ponge une dimension didactique revendiquée : dès l’époque du Parti pris des choses, devant les difficultés à publier son livre, il envisage de proposer à Larousse une édition à destination des enfants et des scolaires. Plus fondamentalement peut-être, l’ambition heuristique comme le rapport à la rhétorique inscrivent dans sa poétique la question de l’enseignement de la transmission – « Somme toute fonder une rhétorique, ou plutôt apprendre à chacun l’art de fonder sa propre rhétorique, est une œuvre de salut public1 », écrit-il en 1930.
2Réciproquement, l’institution scolaire a, relativement tôt, consacré l’œuvre de Ponge et contribué à sa canonisation. Sans doute les poèmes en prose préhensibles du Parti pris des choses s’y prêtent-ils. De même, la réflexivité joueuse qui caractérise l’œuvre, en prise toujours avec les réalités ordinaires, constitue une bonne entrée en matière pour s’interroger sur les processus d’écriture, et une solide introduction à la modernité poétique d’après Mallarmé. Et parmi les actuels lecteurs de Ponge, nombreux sont ceux dont les premiers contacts avec l’œuvre sont effectivement redevables à l’école.
3Cette consécration par l’institution académique et scolaire a connu ces dernières années une série de confirmations, avec l’inscription du Parti pris des choses au programme des classes préparatoires littéraires de la session 2022, et de La Rage de l’expression au programme du baccalauréat depuis la session 2023, pour une durée de trois ans.
4Le présent dossier a une double ambition : alors que La Fabrique pongienne est désormais en accès libre via OpenEdition, l’occasion est donnée à la revue de rapprocher la recherche de l’enseignement, et d’offrir des ressources aux enseignants du secondaire qui choisiront de faire lire Ponge à leurs élèves. Telle est en particulier la démarche d’Aziz Jendari, qui dans sa contribution propose une séquence de cours. Mais, d’un point de vue épistémologique, il s’agit aussi de réfléchir, selon son mot, au « défi » que constitue l’étude de ce livre avec des lycéens : l’usage didactique de l’œuvre met ainsi en relief ce que, aujourd’hui encore, elle remet en cause des conceptions dominantes de la poésie, de l’idée du poème en particulier, conceptions que les lycéens partagent largement.
5L’article de Marie Frisson prolonge cette réflexion en s’interrogeant sur le rapport finalement ambivalent que Le Parti pris des choses – l’œuvre qui porte ce nom aussi bien que la poétique qui la sous-tend – entretient avec la tradition scolaire ancienne de la « leçon de choses ». Il s’agit bien en effet chez Ponge de gagner en connaissance sur le réel par une appréhension sensible des choses – ce qui le rapproche de la démarche inductive promue dans certaines traditions pédagogiques –, mais il y a aussi chez lui une réticence à la systématisation des connaissances : les Méthodes sont plurielles, les savoirs singuliers.
6« Somme toute », la rencontre de Ponge avec l’institution scolaire relève donc à la fois d’une évidence et d’une incongruité : c’est ce paradoxe que les contributions ici réunies se proposent d’étudier…
Notes
1 Francis Ponge, « Rhétorique » [1930], Proêmes [1948], Œuvres complètes, éd. B. Beugnot, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », vol. I, 1999, p. 193. Nous soulignons.
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Référence électronique
Benoît Auclerc, Pauline Flepp et Luigi Magno, « Présentation », La Fabrique pongienne [En ligne], 1 | 2024, mis en ligne le 31 décembre 2024, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/fabriquepongienne/301 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13g9a
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