Ponge réactionnaire ? Réflexions autour de Pour un Malherbe et de L’Écrit Beaubourg
Résumés
Cet article revient sur certains jugements politiques négatifs portés à l’encontre du Ponge postcommuniste. Il montre que de tels jugements, biaisés par le contexte politique postérieur, saisissent mal en quoi Ponge se distingue de la droite réactionnaire de son époque et se rattache à la frange progressiste du gaullisme, dans une continuité paradoxale avec sa poétique nouvelle.
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- 1 Richard Millet, Arguments d’un désespoir contemporain, Paris, Hermann, 2011.
- 2 Vincent Berthelier, Le Style réactionnaire : de Maurras à Houellebecq, Paris, Amsterdam, 2022, p. 3 (...)
- 3 Richard Millet, Arguments d’un désespoir contemporain, op. cit., p. 96.
1Cette modeste enquête sur Ponge a démarré sur une demande amicale de Pauline Flepp, mais elle vient répondre à un étonnement antérieur, né à la lecture d’un texte de Richard Millet intitulé Arguments d’un désespoir contemporain1. Richard Millet y développe, comme en d’autres livres, sa notion toute personnelle du classicisme et de la francité, articulée à une réflexion sur l’affaissement « horizontal » de nos sociétés au détriment de tout ordre et de tout élan « vertical » – métaphore politico-spatiale qui ne lui est d’ailleurs pas propre2. C’est à cette occasion qu’il évoque, dans le chapitre intitulé « L’effondrement de la langue », la figure de Francis Ponge, ainsi que son ouvrage Pour un Malherbe, « si négligé par ses thuriféraires mêmes, qu’il embarrasse3 ».
- 4 Voir sur ce point Bernard Beugnot, « Ponge et ses intercesseurs : culture classique et invention », (...)
- 5 Ponge glose cette même formule ainsi : il s’agit pour lui du « seul classicisme que nous puissions (...)
2La poétique de Richard Millet se construit en référence au classicisme – à un classicisme revisité de part en part, selon un anachronisme assumé – et c’est une poétique réactionnaire. Autrement dit, elle est passéiste, nationaliste, mais surtout hostile à la démocratie, au peuple souverain et au principe d’égalité (ou d’horizontalité). Le classique, pour Millet, est le lieu par excellence d’une francité que l’on aurait perdue, en littérature plus qu’ailleurs, au profit d’une écriture amorphe, standardisée, américanisée, populaire et vulgaire. Pour autant, l’écriture d’un Richard Millet, héritière d’un siècle d’expérimentations langagières et d’éclatement phrastique, n’a plus rien de commun avec celle d’un Bossuet, d’un Saint-Simon, encore moins d’un Malherbe ; d’où la pertinence de la référence pongienne dans cette poétique réactionnaire, référence qui permet d’unir le classicisme (dans ce qu’il a de plus exigeant et de plus français) à une pratique plus moderne ou expérimentale de l’écriture4. Ainsi, le réactionnaire Richard Millet fait sienne la formule d’Henri Maldiney (« le classicisme n’est que la corde la plus tendue du baroque5 ») pour l’adapter à son cas, synthèse d’une ambition nationale-classique et des apports du Nouveau Roman (et notamment de la prose de Claude Simon).
- 6 Le texte a ensuite été repris dans le Nouveau nouveau recueil (1992). S’y ajoute le dossier prépara (...)
3Je me propose donc d’évaluer la pertinence de cette réappropriation littéraire : Ponge mérite-t-il d’être lui aussi rangé parmi les réactionnaires ? Appartiendrait-il à une classe d’écrivains qui a mis la littérature au service de la cause nationale, voire nationaliste, et de valeurs rétrogrades ? Je reviendrai sur cette question politique en proposant de menus développements à partir de deux textes, déjà commentés en ce sens avant moi : le Pour un Malherbe, recueil de textes écrits entre juin 1951 et juillet 1957, et publiés en 1965, et L’Écrit Beaubourg (commencé en avril 1976, et publié en 19776).
Ponge réactionnaire ?
- 7 Marcelin Pleynet, « Sur la morale politique », Tel Quel, no 58, 11 mars 1974, p. 5-6. La citation e (...)
4Rappelons rapidement les griefs : Jean-Marie Gleize a eu l’occasion de commenter l’article de Marcelin Pleynet publié dans Tel quel en 1974, selon lequel Ponge « ne cachait plus ses positions réactionnaires, son soutien de Pompidou et ses opinions antisémites7 ». Pleynet y affirme entre autres que Ponge a tenu des propos antisémites sur Schoenberg.
- 8 Christian Prigent, La Langue et ses monstres (1989), édition corrigée et complétée, Paris, P.O.L, 2 (...)
- 9 Christian Prigent, La Langue et ses monstres, op. cit., p. 210 et note.
5Je ne me prononcerai pas sur la question de l’antisémitisme, évoquée également par Christian Prigent dans son « Malaise dans l’admiration » et dans Ceux qui merdRent8. Si antisémitisme il y a, il semble toutefois se limiter à des échanges strictement privés, et ne saurait constituer le fond idéologique d’un auteur. Lorsque Prigent reproche à Ponge, de façon plus générale, son obsession ethnique9, il omet de faire la part des usages alors acceptables du mot race (entendu plutôt comme unité nationale affective, dans son sens péguyste, si l’on veut), que côtoient à la même époque ses emplois véritablement racistes. À noter que Prigent rapproche ces aspects de Ponge de « l’affaire Richard Millet », qui agite le monde littéraire au moment où il compose son texte, cautionnant implicitement la récupération opérée par le pamphlétaire.
- 10 Jean-Marie Gleize, Francis Ponge, Paris, Éditions du Seuil, 1988, p. 221.
- 11 Cela revient, pour le dire autrement, à « englober dans le même camp réactionnaire le PCF, révision (...)
- 12 « Mais pour qui donc se prennent ces gens-là ? » (février 1974), tract non repris en recueil, OC II(...)
- 13 Voir Jean-Marie Donegani et Marc Sadoun, « Les droites au miroir des gauches », dans J.-F. Sirinell (...)
6Sur l’adjectif « réactionnaire », en revanche, on peut s’attarder davantage. Pour citer Jean-Marie Gleize, Pleynet est « en pleine colère d’ultra-gauche10 ». Le terme est donc purement polémique, c’est une insulte politique que Pleynet étend d’ailleurs à tout ce qui se situe à sa droite, écrivains du PCF compris11. Il faut dire aussi, pour être juste, qu’il s’agit de faire bonne pièce à Ponge, qui le traite de « fasciste » et de « jdanovien12 ». Quoi qu’il en soit, le jugement politique est faussé par cette tendance de la gauche et de l’extrême-gauche à juger la droite à partir des courants politiques qui seraient censés la manifester dans sa pureté (le fascisme, le légitimisme13).
- 14 Nathalie Quintane, « Journal de lecture de L’Écrit Beaubourg », Revue des sciences humaines, no 316 (...)
- 15 Ibid., p. 168.
- 16 Pour les rapports de Ponge au centre à cette période, je renvoie à l’article de Lucas Kervégan dans (...)
7Il me semble que c’est le même biais optique que l’on rencontre chez Nathalie Quintane, dans son « Journal de lectures de L’Écrit Beaubourg ». Qualifiant Ponge indifféremment de « vieux con », d’homme de « droite14 » et de réactionnaire affirmé, elle commet au passage une erreur historique assez significative à propos de « Nous, mots français ». Ce texte-tract arrive selon elle à un moment où en politique, en France, « il n’y a pas de centre15 ». Or le texte de Ponge est un appel à soutenir le RPR, le parti de droite qui s’est fait coiffer au poteau aux précédentes présidentielles par le centre (et que cela soit en partie du fait de Chirac lui-même n’y change rien16).
- 17 Francis Ponge, Pour un Malherbe, OC II, p. 67.
- 18 Ibid., p. 119.
8Nathalie Quintane comme Christian Prigent relisent en fait Ponge en projetant sur lui un clivage droite-gauche contemporain ou post-sarkozyste : celui du retour en force de l’extrême-droite, de la radicalisation de la droite « républicaine » et de la polarisation de son programme autour des enjeux d’identité nationale, de multiculturalisme, etc. Il y a en outre, chez Prigent, une lecture psychanalytique de la politique qui gomme la différence entre droite et extrême-droite, entre conservatisme et réaction, les deux étant conjugués dans un même attrait pour l’autorité, le père, l’orbite solaire, le phallus. L’affirmation de Prigent selon laquelle Ponge serait du côté de « l’homogène » (au sens de Bataille) – orientation qui se serait dessinée dans son œuvre depuis le Pour un Malherbe, avant de se figer définitivement dans L’Écrit Beaubourg – peut être mise à l’épreuve des textes. Personnellement, je considère qu’un texte qui s’obstine à lire Malherbe à partir de « Lautréamont, Mallarmé, Raymond Roussel, Marcel Duchamp17 » est difficile à placer du côté de l’homogène et de l’apollinien. Il en va de même du rationalisme malherbien : « Breton pourrait dire, à mon sens, que Malherbe est “surréaliste de la raison”. En effet, il pousse la raison à un point… ! La Raison à haut prix. Au plus haut prix. Folle enchère à la raison. La raison absurde18. »
- 19 Francis Ponge et Philippe Sollers, Entretiens [1970], Paris, Éditions du Seuil, « Points », 2001, p (...)
9Tout cela est connu, c’est déjà le sens que donne au texte le dixième entretien avec Sollers de 196719, et l’on pourrait au fond raffiner la lecture ad libitum, pour tirer le texte dans le sens d’une condamnation ou d’une réhabilitation de Ponge par son inconscient poétique. Les références politiques du texte nous éclaireront mieux. À côté de quelques références très superficielles à Barrès (c’est-à-dire qu’il s’agit uniquement de référence à sa moustache), on trouve cette condamnation de la récupération réactionnaire de Malherbe :
Je veux dire encore que ce dont il faut se plaindre, ce n’est pas seulement de l’antipathie, de la mauvaise foi, du silence, de l’incompréhension négative, mais encore des mauvais éloges.
- 20 Francis Ponge, Pour un Malherbe, OC II, p. 55.
Voilà comment il en va aussi de Malherbe, que certains ont loué […] pour des raisons sordides ou mesquines (opinions politiques par exemple, chez les monarchistes désuets : Maurras, Derême, Dubech). Il vaut mieux rester privé d’éloges que de les recevoir pareils. Je sais bien que cela ne fait ni chaud ni froid à des œuvres si hautes ; il faut pourtant dénoncer ce genre de bas apologistes : voilà qui est fait20.
- 21 Qui plus est, Ponge a gardé une distance critique à l’égard de son professeur (Benoît Auclerc, « Po (...)
Voilà qui n’est pas anodin dans les années 1950, c’est-à-dire à une époque où se joue précisément la réhabilitation de l’héritage maurrassien, que la jeune droite réactionnaire essaie de préserver (que l’on songe aux manœuvres d’Aspects de la France ou de Rivarol). La condamnation explicite des critiques réactionnaires pèse certainement plus que le fait d’avoir été l’élève du maurrassien André Bellessort21 ou d’être l’ami de Braque (qui a des sympathies nationalistes).
Pour un Malherbe, caisse de résonance de l’affaire Guillevic
10Je me concentrerai maintenant sur un aspect à première vue tout à fait secondaire du texte, d’autant plus secondaire que Ponge n’en a absolument pas perçu (et pour cause) l’importance pour l’histoire littéraire. Il se trouve dans un paragraphe daté du 31 décembre 1954, qui ressemble à une banale notation de journal :
- 22 Francis Ponge, Pour un Malherbe, OC II, p. 121.
Une petite phrase d’un tract de l’Internationale lettriste m’a définitivement alerté voici quelques jours. Il semble que, pour ces jeunes gens, la Nouvelle Poésie (sic), prônée par Aragon et pratiquée depuis quelque temps dans les Lettres françaises (ils prétendent, d’ailleurs, la combattre), constitue un événement important. Qu’est-ce que cette « nouvelle poésie » ? N’y devrais-je porter plus d’attention22 ?
- 23 Nougé s’est rendu à Paris en octobre 1954 (voir Guy Debord, Correspondance, éd. P. Mosconi, Paris, (...)
11À cause de – ou grâce à – Paul Nougé qui leur a donné son adresse23, Ponge reçoit Potlatch, le bulletin de l’Internationale lettriste dirigée par le jeune Guy Debord, alors parfaitement inconnu. La bande de Debord a rompu depuis peu avec le groupe lettriste d’Isidore Isou pour des raisons politiques – Isou se complaisant dans une sorte d’anarchisme esthète, semblable à celui du premier surréalisme. De son côté, la revue Potlatch a trouvé sa ligne esthétique, mais cherche sa ligne politique : elle se marxise, voire se léninise. Tout en gardant une aversion libertaire pour la bureaucratie stalinienne et pour le PC, Potlatch prend régulièrement des positions qu’on pourrait dire anti-anticommunistes. C’est ainsi que la revue avant-gardiste est amenée à affirmer, à propos d’un poème d’Aragon :
- 24 Mohammed Dahou et al., « Sortie des artistes », Potlatch, no 9-10-11, 17 août 1954.
La théorie de l’art réaliste socialiste est évidemment stupide. Cependant si tel chromo produit en URSS – ou à côté – peut amener une fraction peu évoluée du prolétariat à prendre conscience de quelques luttes à vivre, nous le tenons pour plus valable que telle apparence de recherche pour la cent millième fois abstraite, non figurative ou « signifiante de l’informel » (IMBÉCILES !) qui accablent les galeries parisiennes et les salons de la bourgeoisie « new look24 ».
- 25 Jean Tortel, « Un nouveau prophète », Cahiers du sud, XXVI, no 283, 1947, p. 511-513 et Francis Pon (...)
- 26 Ponge a reçu les numéros 3 à 13, ainsi qu’il le note le 17 novembre sur une lettre reçue de Max Ben (...)
- 27 Michèle Bernstein, « La fleur de l’âge », Potlatch, no 15, 22 décembre 1954.
- 28 Il s’agit de l’article d’André Frankin, qui gravite autour de l’IL, et signe Léonard Rankine, « Per (...)
12Ponge, de son côté, connaît Isidore Isou, au moins par l’article que lui a consacré Jean Tortel en 1947, et qui opposait le vide poétique lettriste aux recherches d’un langage objectif menées par Char, Eluard ou Ponge25. Pas de confusion entre la jeune Internationale lettriste et le groupe lettriste, par conséquent. Ponge a eu sous les yeux l’article de Potlatch que je viens de citer26. La « petite phrase » en question pourrait en provenir, mais elle pourrait aussi se référer à celle-ci : « Heureusement la poésie, si l’on excepte son dépassement dans les sonnets des Lettres françaises, s’est tue après les provocations de la poésie onomatopéique27. » La poésie se tait, à l’exception des sonnets de Guillevic. Quelle que soit la phrase en question, Ponge est intrigué en même temps que sceptique : « Je vois bien que l’Internationale Lettriste est l’organe de ce qu’on appelle un groupe crypto, en tout cas très infiltré par les communistes orthodoxes et probablement plus que noyauté, vraiment manœuvré par eux. Mais pourtant... » Et en effet, ce numéro de Potlatch contient aussi un article de diplomatie qui se situe sur la ligne du PCF, pour le maintien de négociations avec l’URSS28.
- 29 « [Aragon et sa séquelle] peuvent contribuer à conformer les têtes (les esprits) vers un nouveau to (...)
- 30 « Et d’ailleurs Paul Nougé (me parlant de ce que je vais dire avec ironie et dégoût) avait attiré m (...)
13Ponge se méfie donc de la sincérité avant-gardiste des jeunes lettristes (et futurs situationnistes), alors que lui-même s’est éloigné du PCF. Mais de toute évidence, l’inquiétude dont il témoigne dans ce passage montre à qui il entend s’adresser, et pour qui il élabore une poétique : pour des jeunes aux velléités révolutionnaires. Ces jeunes lettristes, avec qui il se garde bien de prendre contact, incarnent tout de même potentiellement les nouvelles générations qui, pour Ponge, ne doivent pas être déformées par le nouveau dogme esthétique29, cette « nouvelle poésie » que sont en train d’élaborer Aragon et Guillevic, et qui est en fait un retour aux formes classiques. Et Paul Nougé, qui semble accorder une grande importance à « l’affaire » des sonnets, en aurait alerté aussi bien Ponge que les lettristes30. Mais Ponge lui-même est « définitivement alerté » par le fait que le néoclassicisme aragonien risque de représenter une option esthétique pour des jeunes générations qui sont peut-être sincèrement révolutionnaires et intéressées par la nouveauté poétique. Ce passage se conçoit bel et bien comme réflexion sur la possibilité d’une école poétique en français, mais pas comme école poétique nationale, tandis que c’est par la restauration du sentiment national que Guillevic et Aragon légitiment le retour aux formes traditionnelles du vers.
- 31 Tel est le télégramme publié dans le no 23 de Potlatch (13 octobre 1955). Variante dans la correspo (...)
- 32 Voir Benjamin Achab, « La revue Preuves (1951-1974) : l’expression d’une intelligentsia dans le cha (...)
- 33 Cité dans OC II, p. 65.
14Cet épisode s’arrête là : le 27 septembre 1955, les lettristes envoient un télégramme d’insulte à Ponge : « AH PONGE TU ÉCRIS DANS PREUVES CANAILLE NOUS TE MÉPRISONS31 ». Je n’ai pas trouvé d’écho à ce télégramme chez Ponge lui-même ou dans sa correspondance, mais il a pu confirmer ses premiers soupçons : le télégramme n’était aucunement motivé par le contenu des textes (des poèmes, datant d’ailleurs de la période communiste), mais bien par le lieu de publication – Preuves étant une revue financée par la CIA pour servir de relais à tous les intellectuels anticommunistes (ou antistaliniens, car on y trouve quelques trotskistes32). Une condamnation de la revue Preuves et de ses collaborateurs a dû valoir, aux yeux de Ponge, soutien tactique au PCF et aux staliniens. Mais du moins, cet épisode montre assez bien qu’il n’y a pas, de sa part, d’opportunisme quand il se réjouit de voir sa réhabilitation de Malherbe qualifiée de « révolutionnaire » par Léon-Gabriel Gros33, ou plus tard quand il collabore avec Tel Quel. L’aspiration à connaître un écho auprès d’une avant-garde de gauche est en réalité déjà présente dans les premières années qui suivent la rupture avec le PCF.
15Quant aux jeunes lettristes, ils eurent le culot de solliciter Ponge après le télégramme d’insulte, pour qu’il soutienne une de leurs pétitions – sans succès… Ils poursuivirent ensuite, dans les numéros suivants de Potlatch, leur critique acerbe des tentatives de réhabilitation du vers et de la poésie en général, mais en élaborant déjà leurs propres options esthétiques, amenées à prendre une tout autre ampleur avec la création de l’Internationale situationniste.
L’Écrit Beaubourg : démocratie culturelle et monumentalité progressiste
- 34 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg 1977], OC II, p. 906-907.
- 35 Nathalie Quintane écrit que le texte de Ponge lui fait penser aux imparfaits du subjonctif de Jean- (...)
- 36 Cela est évoqué par son détracteur même, Christian Prigent, « Malaise dans l’admiration (Ponge poli (...)
16Je saute maintenant quelques années, et j’en viens à un autre texte abondamment commenté pour (dis)qualifier les positions politiques de Ponge : L’Écrit Beaubourg. Je ne me prononcerai pas sur le style du texte, certes archaïsant (remontée du verbe avant l’adverbe : « d’assurer mieux leur autorité », latinisme : « grâce à la force acquise34 »). L’archaïsme stylistique n’est pas un marqueur politique, sinon dans les fantasmes35. Non pongien moi-même, je ne jugerai pas non plus le degré d’homologie entre le thème (le Centre Pompidou, échafaudage visible) et son traitement proprement textuel (le caractère visible de sa construction, comme pour le Bois de pins, l’inauguration textuelle, etc.36). À partir de ce texte, il s’agira non plus d’évaluer le rapport de Ponge à la gauche, mais plutôt son rapport à la droite.
17L’Écrit Beaubourg est un texte de commande, que Ponge a composé après avoir visité le chantier de Beaubourg, et en s’appuyant sur un article descriptif et fort technique de la revue Construction, qui comprend des explications sur les normes anti-incendie aussi bien que les principaux éléments de communication autour du bâtiment. Certains ne sont pas repris par Ponge : on ne retrouvera pas, par exemple, l’idée un peu vulgaire qu’il s’agit du plus gros musée d’art moderne au monde. En revanche, la comparaison avec les cathédrales, l’idée que le centre répond à de nouveaux besoins de consommation culturelle, qu’il est un monument de l’ère industrielle, mais aussi un espace favorisant la circulation du public, tout cela est assimilé et enrichi par Ponge, ou du moins employé dans les textes préparatoires (« Grand hôtel de la rage de l’expression »). Ainsi de l’aspect industriel du monument :
- 37 Francis Ponge, « Grand Hôtel de la rage de l’expression et des velléités réunies », OC II, p. 1283.
Pénétrant ici les ouvriers d’usine ne se sentiront pas tellement dépaysés il s’agit de grandes verrières, il s’agit d’atelier (ou d’ateliers) mais d’atelier qu’on visite / C’est ainsi une façon de se réconcilier non avec les œuvres du passé (comme dans les musées) mais avec la nature qui naturellement les environne, celle des ateliers d’usine37.
Ou de sa fonction de consommation culturelle :
- 38 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg, OC II, p. 908.
Le problème était pour [Pompidou] de promouvoir à la culture et à la jouissance des arts la totalité de ses concitoyens que la bonne gestion des affaires (à laquelle, sous la haute autorité que l’on sait, il avait beaucoup contribué) avait rendus prospères et d’autant affamés de besoins, parmi lesquels d’autres besoins, – mais cela, toutefois sans trop diriger pourtant leur information, sans trop lui infliger une visée rectiligne, sans prétendre les téléguider38.
- 39 Ibid., p. 1288.
- 40 Ibid., p. 1282.
Ou encore : « Entrez, entrez, pressez le bouton, allumez vous-même les lumières, servez-vous, l’art ad libitum, Culture à gogo / Information, documentation, stupéfaction, consommation à gogo39. » « La première idée fut celle d’un lieu de lecture aisée. Venir voir, écouter, lire. Consulter40. »
- 41 Robert Bordaz, « Préface », Construction. Revue mensuelle du bâtiment et des travaux publics, vol. (...)
- 42 Francis Ponge, « Grand hôtel de la Rage de l’expression et des velléités réunies », Nouveau nouveau (...)
- 43 Ibid., p. 1286.
18De même, Ponge insiste sur l’espace de circulation qu’est Beaubourg, caractérisé par la visibilité extérieure des flux (eau, air, usagers41) : « Soyez heureux, soyez contents de vivre et de pouvoir ici, vous mêlant à vos semblables, à la foule de vos contemporains bien vivants eux aussi, circuler dans ce grand espace fourmillant d’expressions, individuelles ou collectives42. » Le Centre Pompidou, qui se trouve à proximité de plusieurs stations de métros, s’élève surtout à la place d’un ancien parc de stationnement, d’où ce jeu sémantique : « Stazione termini, non non il ne s’agit que d’une grande station de correspondances / Et en somme le contraire d’une station43. »
- 44 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg, op. cit., p. 905.
19Le texte est aussi une ode à Pompidou, dont Ponge rappelle le goût pour l’art moderne, en conformité avec ses fonctions de financier. Mais ce dont le centre est l’incarnation, son sens historique, c’est « l’évolution du monde dans la direction déjà prise, celle d’une expansion continue vers l’amélioration progressive du séjour des hommes sur cette terre, [qui] était, matériellement et culturellement, irréversible. Rien de plus utopique qu’un retour en arrière44. »
- 45 Voir Peter Rice, Mémoires d’un ingénieur (1994), trad. L. Baboulet, Paris, Le Moniteur, 1998.
- 46 Francis Ponge, « Grand hôtel de la Rage de l’expression et des velléités réunies », op. cit., p. 12 (...)
20Qu’en dire idéologiquement, sinon que le texte de Ponge, dépourvu de néophobie, admiratif des innovations techniques que mobilise la construction du Centre (et que Peter Rice, son ingénieur, a décrites de façon épique45), mais aussi de sa capacité à augmenter le niveau de vie du public, est une manifestation de l’idéologie gaulliste des Trente Glorieuses, de la confiance dans le progrès industriel et dans la stabilité d’institutions républicaines capable de produire un consensus social ? Le gaullisme de Ponge n’est peut-être pas si loin de la conception marxienne de l’évolution historique : n’écrit-il pas que Beaubourg a été « dialectiquement permis46 » ? C’est à sa manière une théorie du progrès, si ce n’est que pour Ponge, le progrès passe non plus par le peuple lui-même, mais par le grand homme qui accepte la charge de le guider dans son intérêt supérieur ; que le communisme est dans la pratique, pour Ponge, un totalitarisme ; et qu’une autorité bien entendue doit faire la synthèse de la tradition (c’est le sens de l’archaïsme stylistique de ce texte) et de l’innovation (et il faut bien dire « innovation », avec les connotations propres à ce terme, plutôt qu’avant-gardisme). Le gaullisme, fondamentalement, part de l’idée qu’un grand homme est apte à saisir la nouveauté (au contraire de Pétain qui a mené la guerre de 1939 comme si l’on était en 1914, et traité Hitler comme un nouveau Bismarck).
- 47 René Barjavel, Ravage, Paris, Denoël, 1943.
- 48 « Les architectes du Centre sont italien et anglais, c’est Krupp qui en a fabriqué le squelette d’a (...)
- 49 Voir Gérard Vincent, « Beaubourg an VIII », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 6, 1985, p. 53-6 (...)
21Le gaullisme distingue donc Ponge de la gauche, certes, mais il le distingue aussi très nettement de la droite. Est présent dans L’Écrit Beaubourg aussi bien que dans l’article de Construction le désir d’anticiper les critiques à l’encontre du bâtiment. Or, les critiques furent nombreuses, venant à la fois de la gauche et de la droite. La première critique, particulièrement répandue à droite, est la laideur supposée du Centre Beaubourg. C’est celle que l’on trouve, à quelques nuances près, chez Jean d’Ormesson, Jean Dutourd ou René Barjavel. Barjavel, en l’occurrence, est un véritable réactionnaire, dont les sympathies pétainistes sont sensibles dans un roman comme Ravage47, qui a travaillé pour l’éditeur collaborationniste Robert Denoël et publié des textes dans Je suis partout. Sa critique de Beaubourg consiste à affirmer que le bâtiment est laid, contre nature (la ligne droite, artificielle, remplace les courbes naturelles et maternelles), anti-français48, mais surtout que c’est une usine dont on impose sans ménagement la vue au public ouvrier. N’allons pas voir là une quelconque manifestation de socialisme de droite : pour l’idéologue réactionnaire, c’est le monde moderne et industriel en général qui est condamné, et les ouvriers n’en sont que le produit politique dégénéré (par opposition aux braves artisans et paysans d’autrefois). Les critiques de gauche, elles, ont plutôt tendance à prendre au mot les promesses du centre (promesse d’ouverture au public, promesse, dit Ponge, de réconciliation de l’ouvrier avec l’environnement industriel) et à souligner qu’elles ne sont pas tenues49. Mais elles partent du même étiage de valeurs que Ponge : la diffusion de l’art, l’accès égal du public à la culture.
- 50 « Portrait de l’avant-gardiste », Exorcismes spirituels I – Rejet de greffe, dans Philippe Muray, E (...)
22Le gaulliste Ponge se sépare en fait de deux tendances de la droite réactionnaire à l’égard de l’art d’avant-garde (et par « droite réactionnaire », je désigne des maurrassiens, des collaborateurs, mais aussi une partie des gaullistes, à l’instar de Jean Dutourd, puisque le gaullisme rassemble largement à droite). La première, la plus répandue, c’est la tendance néophobe ou passéiste, le conservatisme esthétique auquel Ponge a été confronté aussi au PCF, et que l’on retrouve chez Dutourd et Barjavel (pour les détracteurs contemporains de l’inauguration), mais que l’on pourrait voir à l’œuvre chez des auteurs plus récents, dans leur rapport général à la culture et à la littérature. Que l’on pense à l’hostilité de Michel Houellebecq à l’égard du formalisme « Minuit », ou de Philippe Muray à l’égard de l’avant-gardisme en général : « C’est dans le même élan, à la même époque, qu’on extirpa de Paris son cœur battant, les Halles, et que Boulez, à deux pas de là, fut pressenti pour diriger le département musical du futur Centre Beaubourg50. » Ce cœur battant, Ponge a au contraire été témoin de ses palpitations et de ses infarctus, et a cru voir dans le Centre Pompidou une de ces « piles électriques » (qu’il n’aurait certes jamais appelée pacemaker, mais après tout, Étiemble, qui était de gauche, non plus), aptes à le faire repartir – ce qui l’éloigne également, au sein de la droite, des prophètes du déclin irrémédiable provoqué par Mai 1968.
- 51 Nathalie Quintane, « Journal de lectures de L’Écrit Beaubourg », art. cit., p. 165.
- 52 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg, op. cit., p. 899.
- 53 Mais cette remarque d’apparence élitiste ouvre elle-même une brèche, une inquiétude concernant le r (...)
23La deuxième tendance réactionnaire, plus rare mais plus retorse, est celle incarnée par des écrivains qui sont passés par l’avant-garde. Je pense à Renaud Camus, ou à Richard Millet que j’évoquais plus haut. Pour ceux-ci, l’avant-gardisme (le Nouveau Roman, la musique savante ou atonale, l’art abstrait) n’a aucune connotation négative, au contraire, ils en sont pétris. Mais ils sont convaincus que cette production artistique n’est pas seulement novatrice, mais en même temps exigeante, élitiste, fermée au grand nombre, contraire à la démocratisation de la culture, contraire à la culture démocratique. Cette attitude se réclame d’une langue elle-même complexe, difficile, délicate – et cette dimension savante, cette attitude de celui qui sait déjà, n’est pas comparable au geste pongien consistant à ouvrir son Littré, voire à noter humblement qu’il faudra en consulter telle ou telle entrée. À cet égard, même s’il y a dans L’Écrit Beaubourg une tentation du discours « vieux con51 » sur « l’âge mental52 » (qu’on suppose trop bas) du public, qui préfère les bandes dessinées aux textes53, ce genre de notation secondaire et allusive s’efface devant le plus grand souci du monument – ou moviment – républicain et libéral (qui ne « dirige » pas, ne « téléguide » pas), lieu d’utilité publique, qui doit permettre au plus grand nombre d’accéder même à ce qui se refuse.
Conclusion
- 54 Voir Dominique Combe, « Politique de la langue : Ponge et la francité », Revue des sciences humaine (...)
24En somme, j’aurai essayé ici de faire droit à une relecture plus charitable du Ponge postcommuniste, relecture qui aille à l’encontre du scénario du figement, de la crispation, de la fossilisation, et autres métaphores utilisées par la gauche pour caractériser un basculement à droite. La francité, cette notion ambivalente, n’est pas la seule ligne continue entre les deux versants de l’œuvre pongienne54. Le souci du public auquel l’œuvre, textuelle ou non, s’adresse en est une autre, ainsi que l’ouverture à l’innovation, qu’elle soit formelle, artistique ou même technique. Au terme de cette lecture bien peu littéraire, au fond essentiellement politique et idéologique, je suis amené à abonder dans le sens de l’interprétation déjà proposée en 1988 par Jean-Marie Gleize, interprétation qui ne me semble pas exprimer l’« embarras » d’un « thuriféraire », mais bien la fidélité à une tension au sein de l’œuvre pongienne. Le parcours politique de Francis Ponge correspond moins à une réaction qui nierait un premier engagement de gauche, qu’à une tentative de résoudre des conflits antérieurs en développant un progressisme de droite.
Notes
1 Richard Millet, Arguments d’un désespoir contemporain, Paris, Hermann, 2011.
2 Vincent Berthelier, Le Style réactionnaire : de Maurras à Houellebecq, Paris, Amsterdam, 2022, p. 338-339.
3 Richard Millet, Arguments d’un désespoir contemporain, op. cit., p. 96.
4 Voir sur ce point Bernard Beugnot, « Ponge et ses intercesseurs : culture classique et invention », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 107, no 2, 1er décembre 2007, p. 371-381.
5 Ponge glose cette même formule ainsi : il s’agit pour lui du « seul classicisme que nous puissions tolérer » (Francis Ponge, Pour un Malherbe, Œuvres complètes, éd. B. Beugnot, Paris, Gallimard, 2002, vol. II, p. 147. Désormais abrégé en OC II).
6 Le texte a ensuite été repris dans le Nouveau nouveau recueil (1992). S’y ajoute le dossier préparatoire, « Grand hôtel de la rage de l’expression et des velléités réunies », dont l’essentiel a paru en préoriginale en 1977 comme « atelier » de L’Écrit Beaubourg.
7 Marcelin Pleynet, « Sur la morale politique », Tel Quel, no 58, 11 mars 1974, p. 5-6. La citation est tirée de la note de la rédaction.
8 Christian Prigent, La Langue et ses monstres (1989), édition corrigée et complétée, Paris, P.O.L, 2014, p. 215 et note, et Christian Prigent, Ceux qui merdRent, Paris, P.O.L, 1991, p. 99.
9 Christian Prigent, La Langue et ses monstres, op. cit., p. 210 et note.
10 Jean-Marie Gleize, Francis Ponge, Paris, Éditions du Seuil, 1988, p. 221.
11 Cela revient, pour le dire autrement, à « englober dans le même camp réactionnaire le PCF, révisionniste, et la droite parlementaire, Aragon et Ponge. » (Alain Trouvé, Lire l’humain. Aragon, Ponge : esthétiques croisées, Lyon, ENS éditions, 2018, p. 48)
12 « Mais pour qui donc se prennent ces gens-là ? » (février 1974), tract non repris en recueil, OC II, p. 1398.
13 Voir Jean-Marie Donegani et Marc Sadoun, « Les droites au miroir des gauches », dans J.-F. Sirinelli (dir.), Histoire des droites en France, Paris, Gallimard, 1992, vol. 3, p. 759-785. « Les bases pongiennes de l’idée de patrie n’ont rien, c’est clair, de barrésiennes ou de maurrassiennes. » (Jean-Marie Gleize, Francis Ponge, op. cit., p. 191).
14 Nathalie Quintane, « Journal de lecture de L’Écrit Beaubourg », Revue des sciences humaines, no 316, décembre 2014, respectivement p. 165 et 166.
15 Ibid., p. 168.
16 Pour les rapports de Ponge au centre à cette période, je renvoie à l’article de Lucas Kervégan dans ce même numéro.
17 Francis Ponge, Pour un Malherbe, OC II, p. 67.
18 Ibid., p. 119.
19 Francis Ponge et Philippe Sollers, Entretiens [1970], Paris, Éditions du Seuil, « Points », 2001, p. 143-158.
20 Francis Ponge, Pour un Malherbe, OC II, p. 55.
21 Qui plus est, Ponge a gardé une distance critique à l’égard de son professeur (Benoît Auclerc, « Ponge avant Ponge : incertitudes », Revue des sciences humaines, no 316, 2014, p. 19-34).
22 Francis Ponge, Pour un Malherbe, OC II, p. 121.
23 Nougé s’est rendu à Paris en octobre 1954 (voir Guy Debord, Correspondance, éd. P. Mosconi, Paris, Fayard, 2010, vol. 0. Septembre 1951-Juillet 1957, p. 48) et la lettre de l’Internationale lettriste à Ponge est datée du 27 octobre 1954.
24 Mohammed Dahou et al., « Sortie des artistes », Potlatch, no 9-10-11, 17 août 1954.
25 Jean Tortel, « Un nouveau prophète », Cahiers du sud, XXVI, no 283, 1947, p. 511-513 et Francis Ponge, Jean Tortel, Correspondance : 1944-1981, éd. B. Beugnot et B. Veck, Paris, Stock, 1998, p. 45, où Ponge remercie Tortel pour cette comparaison. Voir aussi ce qu’en dit Jean-Marie Gleize, « L’être quelconque », Revue des sciences humaines, no 316, décembre 2014, p. 176.
26 Ponge a reçu les numéros 3 à 13, ainsi qu’il le note le 17 novembre sur une lettre reçue de Max Bense et datée du 27 octobre.
27 Michèle Bernstein, « La fleur de l’âge », Potlatch, no 15, 22 décembre 1954.
28 Il s’agit de l’article d’André Frankin, qui gravite autour de l’IL, et signe Léonard Rankine, « Perspectives des accords de Londres et de Paris », Potlatch, no 15, 22 décembre 1954.
29 « [Aragon et sa séquelle] peuvent contribuer à conformer les têtes (les esprits) vers un nouveau totalitarisme, un nouveau dogmatisme. » (OC II, p. 123).
30 « Et d’ailleurs Paul Nougé (me parlant de ce que je vais dire avec ironie et dégoût) avait attiré mon attention sur l’affaire du Sonnet. À ce propos il a jeté les noms d’Aragon, d’Elsa Triolet et de Guillevic. Or je vois que les éditions Gallimard ont publié les Sonnets de Guillevic, qu’il faudra que je me procure. » (OC II, p. 121-122).
31 Tel est le télégramme publié dans le no 23 de Potlatch (13 octobre 1955). Variante dans la correspondance de Ponge : « Ponge qui écris dans Preuves […] ».
32 Voir Benjamin Achab, « La revue Preuves (1951-1974) : l’expression d’une intelligentsia dans le champ anticommuniste », Labyrinthe, no 7, 30 octobre 2000, p. 166-168 ; Pierre Grémion, « Preuves dans le Paris de guerre froide », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 13, no 1, 1987, p. 63-82 ; François Bordes, « Preuves, revue marxienne ? Praxis intellectuelle et politique d’une revue de Guerre froide (1951-1969) », Cahiers du GRM, no 12, 31 décembre 2017.
33 Cité dans OC II, p. 65.
34 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg 1977], OC II, p. 906-907.
35 Nathalie Quintane écrit que le texte de Ponge lui fait penser aux imparfaits du subjonctif de Jean-Marie Le Pen. Or, Le Pen n’a pour ainsi dire jamais employé d’imparfait du subjonctif dans ses discours, malgré le mythe qui en a été fait (Bert Peeters, « Jean-Marie Le Pen et l’imparfait du subjonctif, ou : quand l’imaginaire linguistique s’emballe », La linguistique, vol. 55, no 2, 31 octobre 2019, p. 51-76).
36 Cela est évoqué par son détracteur même, Christian Prigent, « Malaise dans l’admiration (Ponge politique) », Revue des sciences humaines, no 316, décembre 2014.
37 Francis Ponge, « Grand Hôtel de la rage de l’expression et des velléités réunies », OC II, p. 1283.
38 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg, OC II, p. 908.
39 Ibid., p. 1288.
40 Ibid., p. 1282.
41 Robert Bordaz, « Préface », Construction. Revue mensuelle du bâtiment et des travaux publics, vol. 30, no 9, septembre 1975, p. 236.
42 Francis Ponge, « Grand hôtel de la Rage de l’expression et des velléités réunies », Nouveau nouveau recueil, III, OC II, p. 1281. L’ensemble de textes réunis sous ce titre appartient à l’atelier de L’Écrit Beaubourg.
43 Ibid., p. 1286.
44 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg, op. cit., p. 905.
45 Voir Peter Rice, Mémoires d’un ingénieur (1994), trad. L. Baboulet, Paris, Le Moniteur, 1998.
46 Francis Ponge, « Grand hôtel de la Rage de l’expression et des velléités réunies », op. cit., p. 1282.
47 René Barjavel, Ravage, Paris, Denoël, 1943.
48 « Les architectes du Centre sont italien et anglais, c’est Krupp qui en a fabriqué le squelette d’acier, et naturellement c’est le manœuvre nord-africain qui en a assuré l’assemblage. Voilà une cathédrale bien française… » (René Barjavel, « Centre Beaubourg : Dieu que c’est laid ! », Le Journal du dimanche, 30 janvier 1977).
49 Voir Gérard Vincent, « Beaubourg an VIII », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 6, 1985, p. 53-65 et Louis Pinto, « Déconstruire Beaubourg : art, politique et architecture », Genèses. Sciences sociales et histoire, vol. 6, no 1, 1991, p. 98-124, ainsi que « Les réactions de l’époque face à la construction du Centre Pompidou », Centre Pompidou Blog, 12 mai 2010, URL : https://centrepompidoutd.wordpress.com/2010/05/12/les-reactions-de-l%E2%80%99epoque-face-a-la-construction-du-centre-pompidou/ [consulté le 13 novembre 2024].
50 « Portrait de l’avant-gardiste », Exorcismes spirituels I – Rejet de greffe, dans Philippe Muray, Essais, Paris, Les Belles Lettres, 2015, p. 628.
51 Nathalie Quintane, « Journal de lectures de L’Écrit Beaubourg », art. cit., p. 165.
52 Francis Ponge, L’Écrit Beaubourg, op. cit., p. 899.
53 Mais cette remarque d’apparence élitiste ouvre elle-même une brèche, une inquiétude concernant le rapport de la poésie française à son support graphique, auquel elle est indifférente, contrairement à la poésie chinoise, par exemple.
54 Voir Dominique Combe, « Politique de la langue : Ponge et la francité », Revue des sciences humaines, no 316, 2014.
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Référence électronique
Vincent Berthelier, « Ponge réactionnaire ? Réflexions autour de Pour un Malherbe et de L’Écrit Beaubourg », La Fabrique pongienne [En ligne], 1 | 2024, mis en ligne le 31 décembre 2024, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/fabriquepongienne/295 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13g97
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