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Politiques urbaines et développement durable : vers un traitement entrepreneurial des problèmes environnementaux?

Vincent Béal

Résumés

À travers l’étude des politiques d’environnement et de développement durable de la ville de Manchester (Royaume-Uni), cet article entend proposer une périodisation de l’évolution du traitement des enjeux environnementaux à l’échelle urbaine. Cette périodisation, centrée autour du passage discursif du traitement de la « protection de l’environnement local » au « développement urbain durable », comprend trois phases distinctes, renvoyant à trois manières différentes de traiter les enjeux environnementaux au cours de la période allant de la fin des années 1970 jusqu’à nos jours. L’objectif de cet article sera de montrer en quoi cette évolution a débouché sur un traitement entrepreneurial des questions environnementales à l’échelle urbaine et sur une évolution profonde des acteurs impliqués dans la production de ces politiques, de leur manière d’appréhender et de définir les problèmes et aussi de la manière dont ils agissent pour les traiter.

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Texte intégral

Introduction

1Depuis une dizaine d’années, le mot d’ordre « développement urbain durable » (DUD) n’a cessé d’imprégner les pratiques et les discours des acteurs des politiques urbaines. Les références à ce mot d’ordre se sont multipliées soit au travers de nouveaux instruments tels que les agendas 21 locaux (A21L), soit en tant que méta-objectif de développement des villes européennes. De manière générale, l’impression qui ressort de cette effervescence est celle de flou, de manque de cohérence, d’absence de lisibilité, voire même parfois d’instrumentalisation. En effet, à l’image d’autres termes comme « nature » ou « environnement » (Williams, 1975 ; Harvey, 1996), la signification du développement durable varie suivant les contextes temporels et spatiaux, à tel point que pour certains il s’agit d’un véritable « attracteur de sens » (Rudolf et Kosman, 2004), dont le succès tient avant tout à sa capacité à produire un consensus artificiel. C’est cette plasticité qui semble expliquer le manque de clarté des démarches de DUD.

  • 1 A la différence des travaux en langue française qui, à de rares exceptions près (Da Cunha et al., 2 (...)

2La littérature portant sur ces démarches reflète bien le flou du mot d’ordre DUD. Depuis, les années 1990, et surtout à partir de 2000, une littérature abondante a tenté d’analyser ce phénomène. Géographes, économistes, sociologues se sont intéressés à cette problématique du développement durable et de la ville sous des angles divers. Dans un premier temps, cette littérature s’est caractérisée par sa normativité (Whitehead, 2003). Le DUD était appréhendé au travers d’une approche descriptive dans ses aspects techniques et était envisagé comme un objet donné, accepté comme tel. La prise en compte grandissante de l’idée que le DUD est avant tout un construit politique et social a permis le développement de nouvelles pistes de recherche. La géographie radicale anglo-saxonne a été particulièrement active dans cette voie1. En reliant les questions de durabilité urbaine à celles d’entre-preneurialisme, de post-fordisme, de néolibéralisation, et plus généralement avec la littérature portant sur l’économie politique urbaine (Desfor et Keil, 2004 ; Krueger et Gibbs, 2007 ; While et al. 2004 ; Whitehead, 2003 et, d’une manière différente, Heynen et al., 2006), ces auteurs sont parvenus à déplacer les recherches portant sur le DUD d’une démarche visant à comprendre pourquoi les villes ne respectaient pas les principes du DUD ou comment elles pouvaient mieux y parvenir, à une démarche cherchant à comprendre comment les réappropriations locales du DUD influencées à la fois par les évolutions macro-économiques et par le contexte social, politique et économique local donnaient lieu à différentes pratiques de durabilité urbaine (actually existing sustainability) s’éloignant des discours et principes originaires promus par les textes de références et les organisations internationales (Krueger et Gibbs, 2007).

  • 2 Nous opposons ici la dimension « politics » de l'activité des élus locaux à sa dimension « policies(...)

3Cet article entend s’appuyer sur cette dernière série de travaux en analysant les politiques de DUD, et plus généralement l’évolution du traitement des questions environnementales en ville, au prisme des pressions qu’exercent les transformations écono-miques sur la gestion urbaine. Nous nous placerons donc clairement dans la continuité de ces travaux en cherchant à comprendre comment l’évolution du capitalisme, les nouvelles formes de gouvernance et de régulation, ont influencé les politiques urbaines d’environnement et de DUD. Toutefois, nous nous démarquerons également de ce courant de recherche en essayant de réintroduire la « variable politique » dans l’analyse. En effet, ces auteurs, bien qu’ils reconnaissent l’importance des processus politiques autour des politiques urbaines d’environnement et de DUD, n’en font pas un élément central de l’analyse. Cette lacune n’a pas été comblée par la science politique urbaine. Cette dernière, à quelques exceptions près (Portney, 2003), ne s’est pas encore véritablement saisie des questions de DUD. Elle s’est, jusqu’à une époque très récente, focalisée sur des objets comme les politiques de développement économique ou de régénération urbaine qui semblaient plus heuristiques pour la compréhension des phénomènes nouveaux apparus depuis la fin de l’ère fordiste, comme par exemple la multiplication des partenariats entre acteurs publics et acteurs privés. À l’inverse, les politiques d’environnement, en ne débouchant que rarement sur des mécanismes d’échange de ressources et de coalition entre acteurs, apparaissaient comme un objet moins pertinent pour questionner les changements qui ont eu lieu dans la manière de gouverner les villes. Or, si les enjeux environnementaux et de DUD ne constituent pas la meilleure entrée pour analyser la coopération entre acteurs publics et privés, leur étude peut s’avérer heuristique pour comprendre certaines évolutions récentes qui affectent l’influence des mouvements sociaux dans les processus décisionnels, l’implication de la société civile urbaine, les rapports entre policies et politics2 dans l’activité des élus urbains, etc.

  • 3 Cette étude de cas est basée sur une enquête conduite à Manchester entre septembre et décembre 2006 (...)

4Notre objectif ici sera d’analyser les changements introduits par l’émergence du mot d’ordre DUD, à la fois au niveau du contenu des politiques urbaines mais aussi de la manière dont elles sont produites. Pour cela, nous nous appuierons sur une analyse diachronique visant à comprendre les conséquences du passage discursif du traitement de la « protection de l’environnement local » au traitement du « DUD ». Nous montrerons que trois séquences distinctes peuvent être identifiées dans le traitement des enjeux environnementaux en ville au cours de la période allant de la fin des années 1970 jusqu’à nos jours. La mise au jour de cette périodisation nous permettra de tester deux hypothèses sur le passage de « l’environnement local » au « DUD ». D’une part, nous pensons que l’évolution du traitement des questions environnementales à l’échelle urbaine a débouché sur une marchandisation progressive de l’environnement, marquée par une volonté de traiter ces questions en vue de renforcer la compétitivité et l’attractivité des territoires. D’autre part, nous souhaitons montrer que cette évolution a eu un impact sur l’activité des gouvernements urbains et plus particulièrement sur celle des élus. Ces derniers sont amenés à s’investir de plus en plus dans des logiques « policies » et à négliger la dimension « politics » de leur activité (Pinson, 2007). Ainsi, nous montrerons que le passage de l’ « environnement local » au « DUD » signifie le passage d’un investissement des élus dans un travail de mobilisation de soutiens, de mobilisation de ressources pour la compétition électorale (logiques politics), à un investissement des élus dans un travail de mobilisation de ressources pour produire des politiques urbaines, pour élaborer des stratégies et, de manière plus générale, pour tenter de faire émerger une capacité à gouverner (logiques policies). Après avoir détaillé la manière dont sont gérées les questions environnementales et son influence sur le gouvernement urbain, nous exemplifierons les trios séquences identifiées par l’étude de cas des politiques d’environnement et de DUD de la ville de Manchester (Royaume-Uni)3.

L’évolution du traitement des enjeux environnementaux à l’échelle urbaine : de la « protection de l’environnement local » au « développement urbain durable »

5L’apparition et l’usage rhétorique systématique du mot d’ordre DUD dans les villes européennes s’est faite au cours des années 1990. Cette apparition, qui a eu une influence majeure sur la manière de traiter les questions environnementales à l’échelle urbaine, a été expliquée par certains auteurs comme relevant d’un contexte général de mutation du capitalisme et de changement de la structure de contraintes et d’opportunités des gouvernements locaux (While et al., 2004). En effet, le DUD, dans sa tentative de proposer une version urbaine de la modernisation écologique, une version visant à concilier protection de l’environnement et croissance économique, apparaît plus en phase avec la nécessité grandissante des élites politiques urbaines de se convertir à l’entrepreneurialisme, en vue d’attirer entreprises et ménages solvables dans un contexte où la mobilité du capital s’est accrue considérablement (Harvey, 1989). Ainsi, l’apparition du DUD peut être reliée à l’émergence d’un « new conventional wisdom » (Buck et al., 2005) qui a affecté, à des degrés divers, le traitement de l’ensemble des problèmes urbains. Cette évolution a profondément transformé l‘appréhension des problèmes environnementaux à l’échelle urbaine en en donnant une lecture au prisme de la compétitivité des territoires. Pour comprendre en quoi l’apparition du DUD est synonyme d’une telle évolution, nous pensons qu’il est nécessaire d’opérer une analyse diachronique permettant de replacer cette évolution dans un contexte temporel large. Ainsi, nous allons proposer une périodisation du traitement des enjeux environnementaux dans laquelle l’apparition du DUD est le facteur d’évolution central, pour ensuite essayer d’identifier les conséquences de cette évolution sur la manière de gouverner les villes.

6Une périodisation du traitement des enjeux environnementaux en ville

  • 4 Bien que cette périodisation ait été construite dans le cadre d’un travail doctoral visant à compar (...)

7La plupart des travaux sur les démarches de DUD comprenant un volet empirique se concentrent sur une période débutant au moment de l’émergence de ce mot d’ordre. Ainsi, ces travaux prennent rarement en compte les politiques d’environnement antérieures à l’apparition du DUD, ce qui limite leur capacité à comprendre la nature réelle des changements provoqués par cette émergence. La périodisation proposée ici entend combler cette lacune en replaçant l’apparition du DUD dans un contexte plus large d’évolution du traitement des enjeux environ-nementaux. L’objectif étant de comprendre en quoi les changements rhétoriques, les changements d’instruments, ont affecté la scène des acteurs impliqués, la manière dont ils appréhendent et définissent les problèmes et la manière dont ils agissent pour tenter de les résoudre. Notre périodisation permet de comprendre ces évolutions qui ont eu lieu de la fin des années 1970 jusqu’à nos jours dans de nombreuses villes européennes4. Elle s’appuie sur le travail de périodisation entrepris par Jamie Peck et Adam Tickell. Ces derniers ont identifié deux phases successives dans le processus de néolibéralisation (Peck et Tickell, 2002). Une première phase de « Roll back », durant laquelle l’État entreprend le démantèlement des institutions héritées du keynésianisme, et une seconde phase de « Roll out », durant laquelle l’État, par de nouvelles politiques, de nouveaux instruments, s’attache à réparer les échecs de la phase précédente tout en institutionnalisant les grandes tendances apparues au cours de la première phase. Ainsi, durant la seconde phase, le roll out se caractérise par une montée en puissance des questions sociales et environnementales, et semble-t-il, par un traitement entrepreneurial de ces questions. En ce qui concerne l’environnement, certains auteurs ont déjà opéré des liens entre cette phase de roll out et la manière dont ce problème est géré aussi bien à l’échelle nationale (Raco, 2005) qu’à l’échelle urbaine (Keil et Boudreau, 2006).

  • 5 Avant les années 1970, il s’agissait avant tout de traiter des problèmes liés à la santé publique ( (...)

8La périodisation que nous voulons proposer comprend trois phases distinctes. La première phase, allant de la fin des années 1970 jusqu’au début des années 1990, est une période de « Grassroots Environmentalism ». Elle se caractérise par l’émergence des questions environnementales à l’échelle urbaine. Bien que ces questions aient été traitées auparavant de manière indirecte5, la fin des années 1970 marque l’apparition de politiques se revendiquant explicitement de la protection de l’environnement. Il s’agit aussi de la période au cours de laquelle se créent les premiers services d’environnement au sein des bureaucraties municipales. Ce qui caractérise cette période, c’est l’émergence de nouvelles élites politiques dans les villes. Il s’agit, par exemple, de la nouvelle gauche urbaine au Royaume-Uni (Gyford, 1985 ; Le Galès, 1990) ou des élus militants en France (Borraz, 1998). Ces élites politiques vont tisser des liens forts avec les nouvelles classes moyennes et mettre en place un agenda progressiste sur les questions de logement, d’environnement, de démocratisation des processus politiques, etc. Ainsi, la gestion de l’environnement en ville est marquée par la volonté des nouvelles élites municipales de créer ou de préserver des soutiens au sein des classes moyennes, qui deviennent de plus en plus nombreuses. L’environnement est généralement traité à cette période comme une fin en soi, et ce traitement fait appel à une implication forte des associations écologistes locales, relais directs de la population. De manière plus générale, la gestion de l’environnement voit les élus locaux s’investir dans des logiques politics de constitution et d’entretien de soutiens électoraux. Il s’agit donc plus d’une extension du « class/welfare-based systems of politics and parties » (Andrew et Goldsmith, 1998) que de son dépassement, qui va se produire dans la période suivante.

  • 6 Il est intéressant de noter qu’une évolution similaire se produit à la même période à l’échelle eur (...)

9À partir du milieu des années 1990 un changement se produit. La plupart des villes européennes opèrent leur tournant entrepreneurial (Harvey, 1989 ; Hall et Hubbard, 1998) et les questions environnementales sont de plus en plus négligées au profit des enjeux de développement économique et de compétitivité des territoires. Cette période de transition voit dans de nombreux cas le passage de politiques d’environnement local à des politiques de DUD, avec notamment la mise en place d’A21L. Cette période se caractérise aussi par la marginalisation des acteurs impliqués dans la première phase. Les associations, les élus en charge de l’environnement ou les services sont en partie remplacés, le plus souvent suite à des conflits entre la protection de l’environnement et les impératifs de développement économique (Gibbs, 2002). À l’inverse, de nouveaux acteurs – qui se caractérisent par un ethos entrepreneurial – apparaissent. Les politiques d’environnement perdent de leur « autonomie » et sont généralement intégrées en tant qu’objectif général de différentes politiques6. Cette perte d’autonomie rejaillit sur les élus et techniciens en charge de ces questions. Ces derniers voient leur marge de manœuvre se réduire notamment dans leurs rapports avec les élus et techniciens les plus influents. On aperçoit aussi une volonté de traiter les questions environnementales et de DUD de manière plus partenariale, même si « l’effet coalition » recherché est rarement atteint en raison de la difficulté d’intéresser les acteurs économiques à ces questions. Cette période pourrait être qualifiée de « Roll back environmentalism », dans la mesure où le passage de la « protection de l’environnement » au DUD, du fait de l’essoufflement rapide des A21L, a contribué à une dilution des objectifs environnementaux. Mais, on peut qualifier cette période de roll back avant tout parce que l’émergence du DUD a constitué un contexte favorable à la recomposition des acteurs, des réseaux, des manières de faire qui caractérisaient la gestion des questions environnementales et qui n’étaient plus en adéquation avec les nouvelles contraintes (globalisation de l’économie, restructuration des États, fragmentation des sociétés urbaines, etc.) qui ont commencé à s’exercer sur les gouvernements urbains dans les années 1990.

  • 7 Cette nouvelle vision de l’environnement à l’échelle urbaine se rapproche de celle des économistes (...)

10Enfin, une troisième période s’ouvre à partir du début des années 2000. En reprenant la terminologie utilisée par Roger Keil et Julie-Anne Boudreau (2006), on pourrait qualifier cette période de « Roll out environmentalism ». Cette période correspond à un investissement plus soutenu des élites urbaines (politiques et économiques) dans le traitement des questions environnementales, investissement qui passe par un traitement entrepreneurial de ces questions. On peut assimiler cette période à celle de l’institutionnalisation de la modernisation écologique (Hajer, 1995 ; Harvey, 1996) à l’échelle urbaine, dans le sens où l’on passe d’un traitement bureaucratique et réparateur des questions environnementales à un traitement proactif dans lequel la protection de l’environnement n’est pas vue comme un frein à la croissance économique, mais plutôt comme l’un de ses facteurs extra-économiques7. Les élites politiques ur-baines, en faisant de la protection de l’environnement un outil pour la compétitivité des territoires au travers de la création d’aménités urbaines, de la mise en place de standards écologiques dans la construction, etc., ont réussi à se plier aux nouvelles exigences des États et surtout de l’Union Européenne, tout en préservant, voire en renforçant le « good business climate » créé dans les années 1990. Cette marchandisation de l’environnement à l’échelle urbaine a eu plusieurs incidences sur l’activité des gouvernements urbains.

L’influence du « roll out environmentalism » sur le gouvernement urbain : logiques « policies » et auto-limitation

11Depuis une vingtaine d’années, les travaux portant sur le gouvernement urbain ont fait de la transition du « gouvernement local » vers la « gouvernance urbaine », l’un de leurs principaux chantiers de recherche. Les tendances majeures de cette évolution – telles que la restructuration des États de plus en plus tournés vers des politiques de l’offre (Brenner, 2004), l’implication croissante des acteurs privés dans les processus décisionnels, la « privatisation » des stratégies et des modes d’action des acteurs publics, etc. – ont été très clairement identifiées. À côté de cela, d’autres transformations ont fait l’objet d’une moins grande attention. C’est le cas, par exemple, du changement dans la structure des ressources nécessaires aux élites politiques urbaines. Comme nous l’avons dit, le travail des élus urbains peut être, de manière simplifiée, divisé en deux grands types d’activités (Borraz et Négrier, 2007 ; Stone, 1993). D’un côté, les élus urbains sont engagés dans des activités politics liées à la compétition électorale, à la mobilisation politique et renvoyant à ce que Clarence Stone appelle le « pouvoir sur » (« power over »). D’un autre côté, ces mêmes élus sont aussi engagés dans des activités policies de production de politiques urbaines, ce qui correspond, dans la terminologie de Stone, au « pouvoir de » (« power to »). L’évolution des 20 dernières années laisse voir une diminution de l’importance relative des premières activités au profit des secondes (Pinson, 2007). Cette évolution peut être expliquée par le changement de la nature des problèmes urbains, ainsi que par celui de la structure des ressources nécessaires pour gouverner. Notre périodisation renvoie très clairement à cette évolution. Dans la première période, les politiques de protection de l’environnement étaient vues comme un moyen de mobilisation sociale, un outil pour créer des liens avec les groupes sociaux ayant gagné de l’influence et un poids démographique au sein des sociétés urbaines. À partir du milieu des années 1990 et bien plus encore des années 2000, cette logique – sans disparaître – apparaît moins déterminante. Le passage à une vision de l’environnement dictée par des impératifs de compétitivité, de marketing urbain et de développement économique qui a caractérisé l’émergence du DUD a contribué à faire de l’environnement, non plus un problème en soi, mais un risque susceptible d’affecter la croissance économique (Jouve et Lefèvre, 2005). Dans le même temps, l’environnement et le DUD deviennent de plus en plus importants dans la création d’une capacité à gouverner (Stone, 1993). Cette importance peut être vue à deux niveaux. Tout d’abord, le DUD, en fonctionnant comme un mode d’ordre « attrape-tout », a permis de rendre visibles des initiatives jusque-là éclatées, de leur donner de la cohérence. Ainsi, il a contribué à offrir une plus grande visibilité aux résultats des politiques d’environnement, ce qui s’avère essentiel dans un contexte où les formes de légitimation des élus sont avant tout basées sur les outputs (Duran, 1999), c’est-à-dire, sur la production des politiques urbaines. Ensuite, le DUD a contribué à étouffer les contestations les plus radicales autour des questions environnementales. Comme le note Clarence Stone, la création d’une capacité de gouverner nécessite « d’identifier des partenaires compatibles […] de travailler sur les termes de la coopération […] et également d’attirer des alliés passifs et de prendre en compte les sources d’opposition ainsi que la manière de les maintenir à un niveau minimum » (Stone, 2006, p. 30). L’apparition du mot d’ordre DUD a favorisé l’investissement des acteurs urbains autour des questions environnementales en facilitant l’accord sur le contenu d’une coopération basée sur l’idée de renforcer la compétitivité de la ville et aussi, comme nous allons le voir, en permettant de marginaliser les acteurs porteurs de visions du monde différentes et agissant selon une logique de contestation des politiques urbaines.

12Le second élément que l’évolution du traitement des problèmes environnementaux nous permet de révéler concerne le changement dans les réseaux d’acteurs impliqués autour des enjeux environ-nementaux et également dans les modes d’action de ces acteurs. Le secteur des experts environnementaux en constitue un bon exemple. Les associations de protection de l’environnement furent au centre des processus décisionnels à la fin des années 1970 et durant les années 1980. Elles virent par la suite leur influence décliner irrémédiablement. Pendant l’âge d’or de leur implication, ces associations développaient une attitude à mi-chemin entre la coopération et la contestation des politiques municipales. Elles jouaient, aux côtés des médias locaux, un rôle très important de publicisation des questions ou controverses environnementales. Au cours des années 1990 leur implication se réduisit considérablement. Les nouvelles contraintes de la gouvernance urbaine – telles que la nécessité d’impliquer les acteurs économiques, celle d’élaborer des stratégies de développement économique pro-actives, ou encore celle de travailler à l’abri des regards (Pinson, 2003) pour faciliter la coopération entre acteurs, etc. – ont contribué à rendre leur position intenable. Leurs ressources (expertise sectorielle, contacts avec certains segments de la population, etc.) se sont dépréciées. Dans le même temps, ces associations, fortes de leurs expériences des années 1990 et de l’échec des modes d’action basés sur la confrontation, se sont semble-t-il tournées vers un radicalisme auto-limité (Arato et Cohen, 1992), plus en phase avec l’euphémisation des conflits, la diminution des antagonismes et la désidéologisation des politiques à l’échelle urbaine (Swynguedouw, 2007). Ainsi, par souci de préserver leur capacité d’influence dans les processus de décision, ces associations et leurs militants se sont bien souvent convertis eux aussi à la vision « mainstream » de la protection de l’environnement, incarnée par le DUD et faite de pragmatisme et d’entrepreneurialisme. Cette auto-limitation, comme nous le verrons, dans le cas de Manchester, a contribué à la décomposition de l’espace public autour des questions environnementales.

Les politiques urbaines de développement durable au Royaume-Uni : le cas de Manchester

13Il paraît difficile de comprendre les politiques de DUD des villes européennes sans préalablement analyser le cadre national dans lequel elles prennent forme. Ce constat semble d’autant plus vrai pour le cas britannique, qui est marqué par un processus de recentralisation continu des rapports État/villes depuis 1979 (Béal et Rousseau, 2008 ; Wilson, 2004). Les autorités locales britanniques ont été malmenées par les différents gouvernements conservateurs, et par la suite par le New Labour. Leurs prérogatives, leur marge de manœuvre et leur autonomie financière ont considérablement diminué en l’espace de 30 ans. Par conséquent, les politiques nationales de DUD ont exercé un impact, plus qu’ailleurs, sur les réappropriations que les acteurs urbains se faisaient de cette notion. Pour cette raison, nous allons présenter brièvement les politiques nationales de DUD. Ensuite nous étudierons de manière plus approfondie les démarches engagées par la ville de Manchester.

Le cadre national des politiques urbaines de DD au Royaume-Uni8

  • 8 Ce paragraphe vaut essentiellement pour l’Angleterre et le Pays de Galles dans la mesure où l’Ecoss (...)

14Lorsque Margaret Thatcher devient Premier Ministre en 1979, la protection de l’environnement ne figure pas parmi ses priorités. L’environnement est alors considéré comme une barrière au projet politique néolibéral porté par les Tories. Les politiques d’environnement manquent de cohérence en raison de l’absence de ministère réellement porteur de cette thématique. En effet, les compétences environnementales sont éclatées entre plusieurs ministères (ministère de l’environnement, ministère de l’industrie et aussi ministère de l’agriculture.). L’exemple du Department of Environment (DoE) – créé en 1972 – est révélateur. Ce ministère, qui était responsable des politiques à destination des autorités locales, consacrait une part infime de son travail aux questions environnementales. Cette absence de cohérence et de volonté forte dans le traitement des questions environnementales a valu au Royaume-Uni de l’ère Thatcher le qualificatif de « dirty man of Europe ».

  • 9 Le parti vert obtint 15% des voies lors des élections européennes de 1989.

15Un premier changement s’opère à la fin des années 1980, sous l’influence de la poussée du parti vert aux élections européennes de 19899, de la nomination de Chris Patten à la tête du DoE, et par la suite de l’arrivée de John Major à la tête du gouvernement. La protection de l’environnement commence à faire l’objet d’une véritable réflexion. Celle-ci débouche sur la publication, en 1990, du papier blanc « This Common Inheritance », qui constitue une première tentative de traiter l’environnement au travers d’une approche transversale, et sur la mise en place d’une nouvelle législation concernant le contrôle des pollutions. Mais l’étape décisive concernant l’engagement du gouvernement à l’égard des autorités locales est le Sommet de la Terre de Rio en 1992. Le gouvernement britannique y joua un rôle très actif, et découvrit à cette occasion que le DUD pouvait se concilier très facilement avec les principes de partenariat et de compétition inter-urbaine véhiculés par les autres politiques urbaines de l’ère Major. Le Local Government Management Board fut ainsi créé pour promouvoir le DUD et soutenir techniquement les A21L. Dans le même temps, la réception de la notion de DUD à l’échelle urbaine fut très bonne au Royaume-Uni. Les autorités locales voyaient dans cette notion, et dans la reconnaissance de l’importance des échelons locaux dans la mise en œuvre des principes du DD, un moyen de renforcer leur autonomie et leur marge de manœuvre vis-à-vis du gouvernement central (Church et Young, 2001). Toutefois, malgré l’enthousiasme des débuts, l’absence de réelle incitation financière, dans un contexte général de diminution des ressources transférées aux autorités locales, n’a pas permis à cet élan de se pérenniser.

  • 10 Le 23 juin 1997, lors d’un discours devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, Tony Blair décla (...)
  • 11 Un autre très bon exemple que l’on détaillera plus finement dans l’étude de cas de Manchester conce (...)

16L’arrivée du New Labour au pouvoir était attendue comme une étape décisive dans la mise en place d’un « agenda vert » aux échelles nationale et locale. Les premiers mois de gestion néo-travailliste ont semblé combler cette attente. L’élaboration de plusieurs lois importantes sur la qualité de l’air ou encore la gestion des déchets, l’engagement rhétorique de Tony Blair en faveur des principes du DUD10, ont été vus comme autant de gages dans la mise en place d’une politique environnementale ambitieuse par les militants écologistes et le public. Toutefois, ces annonces ne seront pas suivies d’effets. Très vite, le DUD va être amalgamé dans d’autres enjeux plus centraux au sein de l’agenda néo-travailliste. Les rapports État/villes au Royaume-Uni ont été structurés à partir de 1997 autour de deux idées centrales. D’une part, il s’agissait, pour le nouveau gouvernement, d’agir dans le cadre de l’héritage conservateur en maintenant, voire en renforçant, le contrôle financier opéré sur les autorités locales. D’autre part, l’objectif était de renforcer l’influence de la société civile, et plus précisément des communautés, en opérant une dévolution de certaines compétences des autorités locales vers les structures communautaires. Le DUD, du fait de sa plasticité, a très vite été incorporé à ces deux objectifs centraux. Dès 1999, les A21L sont devenus obligatoires en tant qu’indicateur du Best Value for Money. Ce changement de statut a brisé les démarches jusque-là entreprises en faisant entrer le DUD dans le « cauchemar bureaucratique » de l’Audit Commission. Dans le même temps, le souci de renforcer l’implication des communautés dans la gestion locale a débouché sur une obligation faite aux autorités locales d’élaborer des communities plans. Ces derniers ont progressivement remplacé les A21L et leur ont fait perdre toute visibilité. Ainsi, au travers de ces deux évolutions, le gouvernement néo-travailliste a contribué à la perte de sens du DUD et surtout à la dilution des enjeux environnementaux dans d’autres considérations11. Dès lors, la décision de transformer les communities plans en des sustainable communities plans apparaît autant comme un constat d’échec concernant l’intégration des enjeux environnementaux, que comme une nouvelle volonté d’utiliser le DUD à des fins de communication politique.

Les politiques environnementales à Manchester : quand l’entrepreneurialisme urbain  « se met au vert »

17Manchester est une ville de 450 000 habitants du Nord-Ouest de l’Angleterre, située au cœur d’une conurbation de plus de 2 500 000 habitants. Pendant plus d’un siècle et demi, la ville fut l’emblème de la puissance industrielle britannique du fait de son industrie textile et par la suite du développement d’activités portuaires. La récession économique des années 1970 toucha de plein fouet la ville et provoqua une crise économique et démographique durable. Après une période de désindustrialisation et de fort taux de chômage dans les années 1980, la ville commença à se transformer en réorientant son développement économique autour d’activités liées à l’industrie culturelle, à l’économie des services et de la connaissance, aux nouvelles technologies, etc., et en opérant une mutation impressionnante de son tissu urbain au travers de nombreux programmes de régénération urbaine. Cette transformation, qui se matérialisa par une conversion des élites politiques urbaines à l’entrepreneurialisme, fut beaucoup plus radicale à Manchester que dans les autres villes britanniques. Dès lors, peu de place fut laissée aux impératifs sociaux, et encore moins aux impératifs environnementaux, dans les années 1990. Néanmoins, en dépit de cette faiblesse des politiques environnementales, Manchester constitue un cas très intéressant pour notre analyse. L’étude de cette ville dans laquelle le tournant entrepreneurial a eu une dimension paradigmatique va nous permettre de voir de manière très claire comment l’apparition du DUD a pu constituer un contexte favorable à l’émergence d’un traitement entrepreneurial des enjeux environ-nementaux.

« Grassroots Environmentalism » : l’émergence des enjeux environnementaux à Manchester

  • 12 Le SERA est un think tank environnemental affilié au parti travailliste. Il existe trois sections l (...)
  • 13 Le Community Inititive Fund, créé par le Council grâce aux financements de l’Urban Programme, avait (...)

18L’émergence des enjeux environnementaux à Manchester s’est faite de manière lente et difficile. Jusqu’au début des années 1980, peu d’actions sont menées par le City Council, et les seuls programmes faisant référence à la protection de l’environnement, tels que la mise en place d’une « Green Belt » ou encore les actions visant les terrains contaminés de l’Urban Programme, sont faits à l’initiative du gouvernement central. L’arrivée au pouvoir de la nouvelle gauche urbaine en 1984 (Quilley, 2000) aurait pu faire évoluer cette situation. En effet, le groupe mené par Graham Stringer, à l’image de ce qui se passe dans de nombreuses autres villes anglaises (Gyford, 1985), en cherchant à se démarquer du Old Labour et de ses liens avec les syndicats et la classe ouvrière, s’est rapproché de groupes sociaux tels que les nouvelles classes moyennes, les minorités ethniques et sexuelles, etc. Cette évolution déboucha à Manchester sur la mise en place d’un agenda post-matérialiste influencé par les enjeux portés par les nouveaux mouvements sociaux (Touraine, 1978) et centré autour de la démocratisation des processus politiques, du désarmement nucléaire, de la protection des minorités ethniques et sexuelles, etc. Toutefois, à la différence de nombreuses villes françaises et de certaines villes britanniques, comme Leeds ou encore Leicester, où cet alignement entre élites municipales et classes moyennes a provoqué un « verdissement » des politiques urbaines, la question environnementale est restée cantonnée à un statut marginal à Manchester. Les liens entre élites politiques municipales et groupes d’activistes agissant dans le champ de l’environnement étaient pourtant forts au cours cette période. La présence d’une section locale du Socialist Environment Ressources Association (SERA)12 facilitait les contacts entre le Council et certains groupes comme Manchester Friends of the Earth (MFoE), Manchester Wildlife ou même certains groupes plus radicaux qui se regrouperont dans le milieu des années 1990 sous la bannière de Manchester Earth First!. Toutefois, comme nous venons de le dire, la coopération se limitait à des projets de faible ampleur, le plus souvent mis en œuvre à l’échelle de la communauté13, et aucune véritable stratégie environnementale pour la ville ne fut élaborée durant les années 1980 et le début des années 1990.

  • 14 Nous ne nous attarderons pas sur les événements qui ont pu amener ce tournant, ni nous ne prendrons (...)
  • 15 Ce souci de présenter l’image d’une ville respectueuse de l’environnement était très fort pour deux (...)

19L’événement déclencheur pour la mise à l’agenda des enjeux environnementaux fut beaucoup plus tardif. Il s’agit de la réception du Forum Global en 1994. La tenue de ce forum au Royaume-Uni était due à l’engagement de John Major lors de la Conférence de Rio en 1992. Le succès de Manchester lors de la mise en compétition des villes britanniques pour l’organisation de cet événement montre bien les liens privilégiés qui avaient commencé à se nouer entre les membres du Council et le gouvernement conservateur à partir de 1987, c’est-à-dire, à partir du moment où le Council a opéré sont tournant entrepreneurial14. Ce forum fut un véritable échec médiatique (While et al. 2004). Néanmoins, son organisation eut des conséquences importantes sur la nature des politiques environnementales de Manchester. Les élites poli-tiques mancuniennes, soucieuses de l’image que la ville pouvait renvoyer à cette occasion15, décidèrent de confier au comité en charge de la planification et au service qui lui était rattaché la responsabilité d’élaborer une politique de DUD. À cette occasion, le nom du comité se transforma en Environmental Planning Committee et un binôme élu/technicien se détacha pour porter cette initiative. Il s’agissait d’Arnold Spencer, qui occupait la Chair du Planning Committee depuis l’arrivée de Stringer à la tête du Council, et de Ted Kitchen, qui fut membre du service planification de 1979 à 1996 et qui en devint le directeur à partir de 1994. L’objectif assigné au comité par l’executive team était d’identifier certaines actions déjà mises en place pour les regrouper dans un document devant faire office de stratégie globale de DUD. Très vite, 40 actions furent identifiées, mais sous la pression de l’executive team, qui pensait que le nombre 100 serait plus intéressant en termes de communication politique, 60 nouvelles actions durent être trouvées. Ceci déboucha sur la rédaction d’un document (le « Manchester 100 ») pour la tenue du Forum Global. Ce document fit l’objet de nombreuses critiques. Certains stigmatisèrent le manque d’ambition des actions, d’autres, comme l’ICLEI, dénoncèrent leur absence de cohérence globale, et enfin, certains reprochèrent au document son manque d’ouverture dans la phase d’élaboration, dans la mesure où il s’agissait d’un document réalisé en interne, n’impliquant aucun acteur extérieur au Council. Au-delà de ces critiques, deux éléments qui semblent inhérents aux politiques de DUD peuvent être mis en avant. D’une part, la construction très aléatoire de cette politique laisse place avant tout au bricolage et au recyclage d’actions antérieures. D’autre part, on peut très clairement identifier dans cette politique l’importance du marketing territorial, de la communication, et de manière plus générale, de la transformation de l’image de la ville, qui semble, à partir de ce moment, surdéterminer la façon de traiter les enjeux environnementaux.

« Roll back Environmentalism » : l’apparition du DUD et la dilution des enjeux environnementaux dans la poursuite de la croissance économique

  • 16 Le Manchester Script correspond pour Stephen Quilley à ce qu’il est possible ou non de faire pour u (...)
  • 17 Parmi les organisations représentées dans ce forum on trouvait des membres du Council (élus et tech (...)

20La période qui s’ouvrit à partir de 1994 fut marquée par de nombreux conflits autour des questions environnementales, conflits qui bien souvent furent dus à l’incapacité à relier la protection de l’environnement et le DUD au développement économique de la ville (While et al., 2004), qui était central dans ce qui fut appelé le Manchester Script16 (Quilley, 1999). Cette période fut celle de l’élaboration de l’A21L de Manchester, dont les bases se trouvaient dans le « Manchester 100 ». À l’occasion de cette élaboration, un groupe de réflexion, appelé le « Local Agenda 21 Forum », fut créé. Il regroupait une cinquantaine d’individus appartenant à des organisations variées17. Le travail de ce Forum fut contrarié par deux conflits majeurs qui opposèrent le leader du Council et ses proches collaborateurs aux tenants des enjeux environnementaux.

  • 18 Cette prise de position value une mise au ban de Spencer qui, bien que conservant son titre de Chai (...)
  • 19 Le FAN obtint 3% des voix sur l’ensemble de la ville.

21Le premier conflit concerne la qualité de l’air. En dépit d’une politique de transport ambitieuse mise en place au début des années 1990, la ville de Manchester a toujours été considérée comme l’une des villes britanniques où la pollution de l’air était la plus importante. En 1994, une enquête comparative sur cette question, diligentée par le gouvernement central, fit apparaître que l’air du centre-ville de Manchester était le plus pollué de toutes les villes britanniques. Devant le refus du Council de rendre publics les résultats de cette enquête, le quotidien local – Manchester Evening News – décida de publier cette information, ainsi que plusieurs articles de fond autour du thème « The most polluted city in Britain ». Ces publications furent accompagnées d’une prise de position critique d’Arnold Spencer concernant l’attitude des leaders du Council autour des questions environnementales18. Cette prise de position fut suivie d’une réponse du leader, qui déclara dans la presse qu’il n’était pas question de limiter le redéveloppement du centre-ville (Kitchen, 1997, p. 202). L’enjeu réel était ici d’éviter de briser l’élan amorcé dans la régénération urbaine, en évitant notamment que les acteurs privés perdent la confiance accumulée au cours des projets précédents dans la possibilité de profits autour du redéveloppement du centre-ville. Cet épisode contribua à créer un véritable espace public autour des questions environnementales, espace public dont les débats se matérialisèrent lors des élections locales de 1995, qui virent la création d’un nouveau parti, composé de militants écologistes radicaux : le Fresh Air Now (FAN). Aidé par le parti vert, le FAN parvint à présenter des candidats dans 30 wards sur 33. En dépit de la faiblesse du résultat électoral de ce parti19, les enjeux environnementaux firent, à partir de ce moment, l’objet d’une méfiance et d’un désengagement total de la part du leadership du Council.

  • 20 Cet aéroport qui est le troisième du Royaume-Uni en termes de passagers, est l’un des seuls du pays (...)
  • 21 Il s’agissait à la fois de militants écologistes traditionnels tels que MFoE, Manchester Wildlife, (...)
  • 22 Au-delà du changement dans les acteurs impliqués, le changement d’appellation avec la référence sym (...)
  • 23 Certains membres de se groupe représentaient les associations écologistes locales comme par exemple (...)

22Le second conflit concerna la construction d’une seconde piste d’atterrissage pour l’aéroport de Manchester20. Cette décision, qui fut pendant longtemps reportée, obtint l’accord officiel du gouvernement en janvier 1997 et devait s’accompagner du triplement du nombre de passagers entre 1995 et 2005. Une campagne de protestation d’une rare intensité (Griggs et Howarth, 2002) débuta entre d’un côté le City Council, les acteurs privés de la région Nord-Ouest, le gouvernement et ses agences, et de l’autre côté les militants écologistes locaux et nationaux21, ainsi que des associations de classes moyennes agissant en tant que groupes NIMBY. Les groupes protestataires, malgré les concessions environnementales faites par le Council, mettaient en avant la destruction de bâtiments classés et de zones d’habitats naturels, ainsi que le non respect de la Green Belt. Le conflit entre le Council et les groupes protestataires déboucha sur une série d’attaques par le biais d’articles de presse interposés. Il se poursuivit en 1997, lorsque le Forum de l’A21L proposa la mise en place d’une taxe sur le kérosène. Le forum fut démantelé et remplacé par un groupe d’acteurs (le « Partnership Group »22) choisis discrétionnairement par le Council. Le nouveau groupe, composé pour l’essentiel d’acteurs provenant des milieux économiques23, ne parvint jamais véritablement à imposer le DUD comme un enjeu central. Malgré la présence de nombreux acteurs économiques centraux sur la scène politique mancunienne (la Co-op Bank, United Utilities, Amec Plc, etc.), l’A21L ne suscita pas une mobilisation forte et fut publié en 2002 dans la plus totale indifférence.

23Cette période allant de 1994 à 2002 montre la difficile institutionnalisation des enjeux environ-nementaux et du DUD à Manchester. Cette situation n’est pas spécifique à Manchester dans la mesure où, après avoir été très réactives aux engagements de Rio, les villes britanniques ont vu leurs politiques de DUD s’essouffler assez rapidement. Concernant les hypothèses émises, nous pouvons dire que l’émergence du mot d’ordre DUD et son usage systématique à partir de l’élaboration de l’A21L a provoqué de nombreux changements dans la manière de traiter les enjeux environnementaux. Trois points nous semblent essentiels.

24Tout d’abord, on assiste à partir de 1994 à une évolution de la scène des acteurs agissant autour des questions environnementales. Elle concerne premièrement les acteurs du Council impliqués dans les politiques d’environnement. Durant cette période, les élus et techniciens en charge des politiques d’environnement ont changé. Concernant les techniciens, le fait que la gestion stratégique des questions environnementales soit passée du service de planification à une équipe restreinte (la green team) d’une dizaine d’individus placés sous le contrôle du chief executive est emblématique de la centralisation du traitement des questions environnementales, sur laquelle nous allons revenir. Les acteurs périphériques au Council ont aussi évolué. Les associations de protection de l’environnement telles que Manchester Wildlife ou MFoE ont perdu leur capacité d’influence dans les processus décisionnels. La décision de retrait volontaire de MFoE du « Partnership Group » en charge de l’élaboration de l’A21L en constitue un bon exemple. À l’inverse, ces associations ont été remplacées par des acteurs du secteur privé. Il s’agit essentiellement de grands groupes régionaux ou nationaux, appartenant aux secteurs de la banque ou de la fourniture de services urbains, basés pour la plupart à Manchester. L’investissement de ces groupes dans les politiques d’environnement à Manchester a même débouché sur la création d’une organisation visant à fournir de l’expertise aux entreprises et aux acteurs publics. Cette organisation – Northwest Sustainability – devint rapidement le principal expert environnemental impliqué dans l’A21L, en prenant la tête du Partnership Group à partir de 1998.

  • 24 Entretien avec un membre du service planification (9 novembre 2006).

25Deuxièmement, on assiste également à une perte d’autonomie des acteurs du Council en charge des politiques d’environnement. Outre le cas des tech-niciens, les élus responsables de ces politiques perdent progressivement leur marge de manœuvre en raison de la recentralisation du decision-making autour d’un noyau dur d’élus et de techniciens influents. Les propos d’un membre du service planification illustrent parfaitement ce point : « Au fil des années, le pouvoir du leader s’est accentué. Notre rôle était de moins en moins de savoir ce qu’il était bon de faire pour régler tel ou tel problème. […] La question que l’on devait se poser avant toute décision était seulement de savoir si cela conviendrait au leader »24. Cette centralisation du decision-making autour des questions environ-nementales a eu des conséquences sur le contenu des politiques d’environnement et de DUD, puisqu’à partir de ce moment là, ces politiques se sont retrouvées de plus en plus soumises à la stratégie générale élaborée pour le redéveloppement de la ville.

26Enfin, le dernier élément concerne la publicisation des conflits autour des enjeux environnementaux. Le cas mancunien montre très clairement comment cette période de recomposition du traitement des enjeux environnementaux débouche sur des conflits entre, d’une part, la vision ancienne de la protection de l’environnement portée par les militants écologistes – de plus en plus marginalisés dans les processus décisionnels – et d’autre part, l’attitude nouvelle des élites politiques urbaines, converties à l’entrepre-neurialisme et à la recherche de la croissance économique par des politiques de l’offre. Au passage, les deux conflits apparus à Manchester permettent de voir comment les associations de protection de l’environnement se situent encore dans une logique de confrontation visant avant tout la suppression de certains projets, plutôt que dans une logique consensuelle visant l’amélioration de ces mêmes projets par l’obtention de compensations environ-nementales. Ces deux conflits révèlent aussi le rôle central des médias locaux dans le développement de controverses environnementales. Toutefois, on peut légitimement penser que dans le cas de Manchester, la dramatisation des conflits par le quotidien local a provoqué un trauma autour des questions environnementales. En effet, dans un contexte où la coopération entre acteurs fonctionne mieux à l’abri des regards (Pinson, 2003), la publicisation des conflits autour de la qualité de l’air dans le centre ville et autour de l’extension de l’aéroport a été vue par les élites politiques locales comme potentiellement créatrice de blocages dans les processus de coopération et d’échange de ressources qui caractérisent la solide coalition entre acteurs publics et privés à Manchester.

« Roll-out Environmentalism » : l’affirmation d’une stratégie entrepreneuriale de protection de l’environnement

  • 25 Ce plan mis en place en 2001 visait à améliorer les performances du Council en termes de management (...)

27Entre 1997 et 2002, l’arrivée de Richard Leese au poste de leader du Council ne transforma pas de manière radicale le traitement des enjeux environnementaux. Bien qu’il soit considéré comme ayant un profil plus « social » que son prédécesseur, la forte continuité au sein des membres du Council et des senior officers ne permit pas une évolution réelle de l’agenda mancunien, qui resta centré autour des enjeux de développement économique, de compétitivité et de changement de l’image de la ville. L’arrivée du New Labour au pouvoir en 1997, comme nous l’avons vu, ne provoqua pas non plus de changement majeur dans le traitement des questions environnementales à l’échelle urbaine. Toutefois, durant cette période, certaines actions furent menées, comme la mise en place d’un Environmental Action Plan25 à l’initiative du Deputy Leader, l’amélioration des politiques de déchets et de qualité de l’air en raison du renforcement des législations nationale et européenne, ou encore le « nettoyage » (cours d’eau, parcs, immeubles, etc.) des quartiers Est de la ville en vue de la réception des Jeux du Commonwealth en 2002. À côté de cela, deux évolutions significatives se sont produites au début des années 2000 nous permettant de dire que l’on assistait à l’émergence d’une période « roll out environmentalism » à Manchester. Il s’agissait d’une part du rapprochement entre les thématiques de DUD et de régénération urbaine, et d’autre part de la mise en place d’une réelle stratégie environnementale pour la ville, indépendante des prescriptions faites par les échelons national et européen.

  • 26 L’objectif de cette politique nationale est de lutter contre le « North/South Divide » qui touche l (...)
  • 27 La Compagnie de Régénération Urbaine de Manchester est la seule du Royaume-Uni dont le champ d’acti (...)

28L’intégration d’objectifs de DUD dans les politiques de régénération urbaine fut lente au Royaume-Uni. À l’exception de quelques éléments dans le programme City Challenge du gouvernement Major, très peu d’objectifs environnementaux furent affichés avant le début des années 2000 (Couch et Dennemann, 2000). L’élaboration du Sustainable Communities Plan26 de John Prescott et la montée de l’agenda de la « renaissance urbaine » vont permettre d’opérer ce rapprochement en reliant les principes de durabilité (compacité urbaine, retraitement des friches industrielles, mise en place de standards environnementaux dans la construction de logements, etc.) à ceux de la régénération urbaine. L’idée étant d’utiliser l’environnement comme un outil dans l’attraction des capitaux privés. En effet, face à la réticence du secteur privé à investir dans des zones de la ville défavorisées d’un point de vue social et bien souvent handicapées par un environnement physique (pollution, mauvaise qualité de l’habitat, etc.) et une image peu attractive, la protection de l’environnement – au sens large du terme – est vue comme un moyen de susciter l’investissement privé en transformant l’image du quartier et en permettant de viser une population d’un niveau social supérieur à celle habitant les lieux. À Manchester, l’apparition d’un lien entre ces deux thématiques s’est produite assez tôt. En effet, à la différence des autres villes britanniques, la régénération du centre-ville de Manchester fut plus précoce et plus soutenue. Ainsi au début des années 2000, les élites politiques mancuniennes commencent à élaborer des projets de régénération pour des zones périphériques27 très défavorisées et jugées plus risquées par les investisseurs privés. C’est pourquoi, cette vision instrumentale de l’environnement comme « réducteur de risques » pour le secteur privé est plus visible à Manchester qu’ailleurs.

  • 28 Le Millenium Communities Programme fut lancé en 1997 par le gouvernement central. Il s’agissait de (...)
  • 29 Toutes les nouvelles constructions devaient répondre au standard “excellent” du classement Ecohomes(...)
  • 30 Il est intéressant de noter que le nouveau nom choisi rappelle celui d’un quartier de Londres – Isl (...)
  • 31 Le projet New Islington fut également récompensé pour la qualité de son design environnemental lors (...)

29L’exemple de la régénération du quartier d’Ancoats va nous permettre de montrer comment cette avance fut utilisée par les élites urbaines mancuniennes pour tenter d’acquérir le statut de modèle britannique en termes d’intégration des enjeux environnementaux dans les projets de régénération urbaine. En 1999, le quartier d’Ancoats – quartier sinistré de logements sociaux et d’anciennes usines textiles se situant à l’Est de la ville, mais à moins d’un kilomètre de son centre – fut sélectionné pour participer au Millenium Communities Program28. Ce projet regroupait différents acteurs tels que le Council, la Compagnie de Régénération Urbaine, des développeurs urbains, des architectes, etc. La méthode utilisée pour attirer ménages et investissements privés fut centrée autour de la création d’une nouvelle image pour le quartier en multipliant les immeubles écologiques29, en créant des canaux, en changeant le nom du quartier qui est aujourd’hui New Islington30, etc. L’objectif étant de créer une vision se rapprochant de la nouvelle « idylle urbaine » identifiée par Hoskins et Tallon (2004), pour orchestrer le retour des classes moyennes en ville et « dérisquer » des zones jugées peu attractives par les investisseurs. Ainsi au travers de ce projet, on peut voir clairement la nouvelle conception que les acteurs publics comme privés ont de l’environnement et du DUD, qui est centrée autour de la compétitivité. Le Millenium Communities Programme servit de base au Sustainable Communities Plan, et permit une fois de plus à Manchester de faire figure d’exemple national, et de renforcer son image de collectivité innovante et capable de mettre en œuvre efficacement des projets (« deliver »). Ainsi, lors de la tenue d’une conférence à Manchester sur les Sustainable Communities en 2005, regroupant chercheurs, praticiens et leaders du Parti Travailliste (Blair, Prescott, Livingston, etc.), les élites mancuniennes ont pu faire montre de leur avance en la matière, en organisant une visite de New Islington, présentée à cette occasion comme la première « communauté durable » du Royaume-Uni31. Il semble donc que l’on puisse transposer l’analyse que Kevin Ward faisait sur le Manchester des années 1990. Pour ce dernier, le Council avait très vite compris que « s’il pouvait opérer son tournant entrepreneurial avant ses concurrents, il pourrait bénéficier […] du changement dans les règles du jeu » (Ward, 2003, p. 277). Il semble que les leaders mancuniens aient adopté un raisonnement similaire concernant le tournant « social » et « environnemental » de la régénération urbaine, tournant qui s’intègre parfaitement dans le mouvement d’ensemble de « Roll out » (Peck et Tickell, 2002). Ainsi, à partir de 2002, cette intégration des objectifs environnementaux dans la régénération s’est intensifiée, notamment au travers de la mise en œuvre du Sustainable Communities Plan à Manchester, et a contribué à faire du DUD un moyen de relancer le marché immobilier en permettant de « dérisquer » certaines zones de la ville jusque là en dehors des logiques de marché.

  • 32 Cette montée en puissance récente est due au « verdissement » du parti conservateur depuis l’arrivé (...)
  • 33 Aujourd’hui, le LibDem regroupe 34 élus sur 96 à Manchester. Sa montée en puissance récente est d’a (...)

30À partir de 2005, le Council a développé des projets dans le secteur de l’environnement, indépendants des incitations étatiques ou euro-péennes. Ces nouvelles actions ont des origines à la fois nationales et locales. Elles peuvent être expliquées par la montée en puissance des enjeux environ-nementaux au niveau national32 et également au sein de la société locale, avec l’élection du premier conseiller vert en 2000 et la poussée électorale des Libéraux Démocrates dans la ville33. On peut légitimement penser que cette évolution a contribué à rendre plus prégnants les enjeux environnementaux et à inciter les édiles locaux à mettre en place des politiques d’environnement plus visibles. Ainsi, depuis 2005, deux projets phares monopolisent l’agenda environnemental de Manchester. Il s’agit d’une part du projet de devenir la « Britain Greenest City », qui a été inscrit pour la première fois dans le manifeste du parti travailliste de Manchester en 2005. Ce projet développé autour d’un réseau d’organisations ayant un rapport plus ou moins proche au secteur environnemental est une compilation de cibles visant à améliorer les performances écologiques de la ville (réduction des émissions de gaz à effet de serre, utilisation d’énergies renouvelables, soutien aux initiatives portant sur le commerce équitable, etc.). D’autre part, Manchester, en association avec les neuf autres autorités locales de la conurbation, a décidé de mettre en place le projet « Manchester is my planet » (MIMP), qui vise à mobiliser les organisations et surtout les individus en vue de répondre au changement climatique. L’idée est de faire signer un document à ces organisations ou individus fonc-tionnant comme un engagement à modifier leurs pratiques en termes de recyclage, d’usage des transports, de consommation d’énergie, etc. Le succès de la démarche, qui regroupe aujourd’hui plus de 20 000 personnes, a déjà contribué à son extension à d’autres villes, comme Sheffield. Ces deux démarches sont encore très récentes et il est difficile de tirer des conclusions sur leurs résultats. Toutefois, nous pouvons au moins mettre en avant trois éléments qui semblent valider nos hypothèses concernant le « roll out Environmentalism ».

  • 34 Cette volonté apparait très clairement dans la résolution votée par le Council en 2005. En effet, s (...)

31Tout d’abord, on assiste à un recentrage des enjeux environnementaux à Manchester autour de quelques grands objectifs, tels que la lutte contre le changement climatique – qui est devenue, du fait de son impact médiatique, le nouveau thème central de la protection de l’environnement aux échelles européenne, nationale et même urbaine – ou encore l’objectif de devenir la ville la plus « verte » du Royaume-Uni. Ce recentrage semble autant dû à un souci électoral de reconquérir des voix au sein des classes moyennes qu’à une volonté de rendre visibles des initiatives éclatées. On voit donc que les logiques politics n’ont pas disparu, même si leur importance relative a diminué en comparaison des logiques policies. En effet, ce recentrage doit avant tout être compris comme un moyen de mettre en avant les résultats des politiques d’environnement, de montrer que le Council agit34, dans un contexte où la légitimité des élus semble plus basée sur les outputs que sur les inputs (Duran, 1999; Pinson, 2007).

  • 35 Entretien avec l’Executive Councillor en charge de l’environnement (18 décembre 2006).

32Ensuite, ces nouveaux projets montrent l’institutionnalisation d’une définition de l’environnement au prisme de la compétitivité. Le traitement des problèmes environnementaux est de plus en plus lié au positionnement extérieur de la ville, ainsi qu’à sa stratégie de développement économique. Les propos de l’élu en charge de l’environnement sont révélateurs de cette évolution. Selon lui, « l’idée de devenir la ville la plus verte du Royaume-Uni a été très bien reçue par les membres du Conseil. Tout le monde a compris très vite que la durabilité serait à l’avenir l’une des clés pour rester une ville compétitive »35. La définition de ce qu’est une « ville verte » confirme ces propos. Selon les documents officiels du Council, « ce n’est pas seulement une ville avec une abondance d’espaces verts, mais une ville moderne, vibrante et résiliente avec les yeux river vers le futur » (Manchester City Council, 2005). La présence de références systématiques à la ville de Londres, qui aux yeux des britanniques est de plus en plus « insoutenable », notamment du fait des prix de l’immobilier, est également un signe de la montée en puissance de la compétition inter-urbaine dans les politiques d’environnement de Manchester. Dans le même temps, comme nous l’avons vu, la protection de l’environnement est de plus en plus utilisée comme un outil du développement économique local. La montée en puissance du paradigme du développement endogène des territoires et le succès, au près des élites urbaines, de la théorie – très critiquée par ailleurs pour son caractère normatif (Peck, 2006) – de Richard Florida sur les classes créatives ne sont pas étrangers à cette évolution. Ainsi les élites mancuniennes, de plus en plus soucieuses d’attirer des classes moyennes solvables sur leur territoire, ont commencé au tournant des années 2000 à renforcer leur stratégie environnementales, comprenant que ce type de population était devenu exigeant sur les performances environnementales d’une ville, et surtout pouvait être séduit par un « mode de vie écologique » – associant habitat écologique, utilisation de « transports doux », commerce de proximité, etc. – et par le capital symbolique qu’il est susceptible de fournir.

  • 36 On peut identifier une évolution similaire dans le positionnement de MFoE, qui à partir de 2000 a c (...)

33Cette double évolution de la manière de concevoir les enjeux environnementaux et de les traiter a contribué à approfondir l’évolution des acteurs impliqués dans le policy making. En effet, le passage de politiques centrées sur les demandes de la population à des politiques de l’offre dont l’objectif central est la compétitivité du territoire et l’attraction des ménages aisés a eu un impact sur les ressources nécessaires pour élaborer et mettre en œuvre les politiques urbaines d’environnement et de DUD. Le modèle de l’association de protection de l’environnement comme partenaire principal des acteurs publics locaux, du fait de son contact direct avec la population et de son expertise sectorielle, a vécu. Désormais, les acteurs centraux du policy making environnemental à Manchester sont les entreprises (développeurs urbains, architectes, compagnies de fourniture de services urbains, etc.), ainsi que des consultants environnementaux, qui sont soit des organisations nouvellement créées pour répondre aux demandes des acteurs publics en terme d’expertise sur les questions de DUD, soit des organisations ayant trouvé dans l’environnement et son traitement entrepreneurial une nouvelle « niche » pour redéployer leur activité. À Manchester, plusieurs organisations ont ainsi fait leur apparition au cours des cinq dernières années. On peut citer les exemples de Manchester Knowledge Capital – un QUANGO dont l’objectif est de stimuler l’émergence de nouvelles idées, d’innovations dans les différents secteurs de l’économie à Manchester, et qui est particulièrement actif dans le projet MIMP –, de Creative Concern – un cabinet de consultant qui est en charge de la stratégie environnementale ainsi que de la création et la promotion d’une nouvelle image pour la ville –, ou encore de MERCI et d’EMERGE. Ces deux dernières organisations sont particulièrement intéressantes. Elles sont progressivement devenues les bras armés du Conseil, en termes de durabilité pour la première, et de recyclage et gestion des déchets pour la seconde. Or, ces deux organisations ont été fondées par d’anciens eco-warriors de Manchester Earth First!, qui avaient été particulièrement actifs lors de la campagne contre la construction de la seconde piste d’atterrissage de Manchester. Ainsi, la conversion de ces militants radicaux à une logique entrepreneuriale du traitement des questions environnementales entre parfaitement dans l’hypothèse du radicalisme auto-limité (Arato et Cohen, 1992) qui a été émise. Ces militants se sont certes convertis au DUD, à ses logiques, en raison des pressions de l’environnement dans lequel ils évoluent (succès médiatique du DUD, nécessité de faire vivre leur organisation en la rendant attractive pour les acteurs publics, etc.), mais aussi et surtout parce qu’ils ont compris, lors des campagnes précédentes auxquelles ils ont participé, comme celle de l’extension de l’aéroport, que le répertoire de l’action directe et de la contestation radicale s’avérait inefficace dans le contexte mancunien. Dès lors, pour retrouver une capacité d’influence, ces acteurs ont fait leurs les logiques dominantes dans le traitement des questions environnementales36.

Conclusion

  • 37 On pourra renvoyer aux travaux sur Manchester et Leeds et de While et al. (2004), ou encore à ceux (...)
  • 38 Des conclusions similaires ont été tirées par d’autres auteurs concernant des villes espagnoles (Jo (...)

34La ville de Manchester constitue sans doute une ville à part en Europe, du fait de la précocité et de l’ampleur des politiques entrepreneuriales mises en œuvre (Béal et Rousseau, 2008). Toutefois, s’il y a spécificité, il s’agit plus d’une question de degré que de nature, dans la mesure où ce type de stratégies est aussi visible dans la plupart des villes européennes. Ainsi, nous pensons que les tendances générales identifiées dans cet article peuvent se retrouver dans d’autres villes britanniques37 et européennes38. Les villes européennes ont toutes été confrontées à des contraintes similaires telles que la globalisation de l’économie, la restructuration des États et les pressions de l’Union Européenne (Le Galès, 2002). Elles sont devenues des acteurs essentiels dans les régulations économiques de l’ère post-fordiste (Brenner, 2004) et à ce titre ont toutes, à des degrés divers, profondément modifié le contenu de leur politiques urbaines et leurs manières de les produire. Concernant le champ de l’environnement, la montée en puissance des enjeux de développement économique, de régénération urbaine et de positionnement extérieur dans les années 1990 a contribué, là encore avec plus ou moins d’intensité, à créer des conflits avec les objectifs de protection de l’environnement. La période de roll out trouve son origine dans ces conflits et dans la nécessité de remédier aux conséquences environnementales les plus visibles des politiques visant à rétablir la croissance économique à tout prix.

35D’un point de vue général, il serait faux de dire que les politiques d’environnement à l’échelle urbaine ne se sont pas améliorées au cours des deux dernières décennies. Les dépollutions, les améliorations significatives des politiques de déchets, d’énergie ou encore de transport, l’apparition d’un souci pour le changement climatique à l’échelle urbaine sont des signes positifs d’un investissement renouvelé des élites politiques et économiques urbaines dans le champ de l’environnement. Toutefois, comme nous l’avons dit tout au long de cet article, cette évolution s’est accompagnée d’une marchandisation de l’environ-nement, dont les politiques sont désormais instrumentalisées à des fins d’attractivité et de compétition entre les territoires. Aujourd’hui, le DUD n’est plus mobilisé de manière systématique par les élites urbaines, comme nous avons pu le voir dans le cadre de l’étude de cas de Manchester, mais nous pouvons dire avec Scott Campbell que « dans la bataille des grandes idées publiques, la durabilité a gagné » (Campbell, 1996, p. 312). En effet, même si son utilisation rhétorique n’est plus systématique, la vision véhiculée par cette notion fait désormais partie intégrante de la définition de la protection de l’environnement dans les villes européennes.

36Cette vision de la protection de l’environnement, ainsi que la manière de traiter les problèmes qu’elle véhicule, nous semble porteuse de conséquences démocratiques dommageables. De nombreux auteurs ont mis en avant l’émergence d’une ère post-démocratique (Crouch, 2004) caractérisée par l’avènement d’un consensus élitaires entre « partenaires responsables » autour du caractère inéluctable de l’utilisation de recettes néolibérales, par la montée en puissance de la communication politique et par l’incapacité des acteurs politiques à comprendre et à prendre en compte les demandes des citoyens. Les politiques de DD semblent jouer un rôle particulièrement important dans la consolidation de cette ère post-démocratique (Swyngedouw, 2007). Notre étude de cas de Manchester permet de dresser un constat similaire concernant l’échelle urbaine. Le passage de politiques centrées sur les demandes de la population à des politiques de l’offre, l’importance croissante des acteurs (essentiellement économiques) porteurs de ressources pour l’action publique, la marginalisation des mouvements sociaux environnementaux et la réduction des contestations et des controverses à leur minimum sont des signes forts de cette évolution, qui constitue le volet le plus sombre de ce nouvel investissement des élites politiques urbaines autour des enjeux environnementaux.

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Notes

1 A la différence des travaux en langue française qui, à de rares exceptions près (Da Cunha et al., 2005 ; Mathieu et Guermond, 2005), souffrent encore d’un manque de cumulativité et d’une difficulté à problématiser l’objet DUD.

2 Nous opposons ici la dimension « politics » de l'activité des élus locaux à sa dimension « policies » (Borraz et Négrier, 2007 ; Pinson, 2007). La première correspond à l'implication des élus dans la vie politique locale, dans la compétition électorale, dans la mobilisation de soutiens pour cette compétition, etc. A l'inverse, la seconde renvoie à l'implication des élus dans la production de politiques urbaines et dans la recherche de ressources à cette fin. Cette distinction correspond à deux formes de légitimité différentes : l'une par les inputs et l'autre par les outputs.

3 Cette étude de cas est basée sur une enquête conduite à Manchester entre septembre et décembre 2006. Les données proviennent pour l’essentiel d’une quarantaine d’entretiens semi-directifs réalisés auprès des acteurs clés des politiques d’environnement et de DUD de la ville (élus et techniciens locaux, représentants du secteur privé et des agences gouvernementales, militants, etc.) et de la dépouille de la littérature grise (documents stratégiques et de planification, etc.).

4 Bien que cette périodisation ait été construite dans le cadre d’un travail doctoral visant à comparer les politiques de DUD dans les villes britanniques et françaises, nous pensons que les tendances générales identifiées peuvent se retrouver dans d’autres villes européennes appartenant à des contextes nationaux différents. Nous avons toutefois conscience du caractère idéal-typique de cette périodisation qui ne peut bien évidemment pas être appliquée dans sa forme pure.

5 Avant les années 1970, il s’agissait avant tout de traiter des problèmes liés à la santé publique (qualité de l’air, de l’eau, etc.) ou encore de protéger certaines zones du territoire urbain (parcs, espaces verts, etc.).

6 Il est intéressant de noter qu’une évolution similaire se produit à la même période à l’échelle européenne. Dans les années 1990, la Direction générale en charge de l’environnement (DG XI) perd le monopole de la gestion des enjeux environnementaux. Ces derniers étant éclatés dans l’ensemble des politiques sectorielles communautaires. Pour Yves Dezalay, cela a permis aux multi-nationales d’avoir des interlocuteurs publics mieux disposés à leurs égards et surtout d’éviter la construction d’une alliance militants/bureaucrates autour d’une vision forte de la protection de l’environnement (Dezalay, 2007).

7 Cette nouvelle vision de l’environnement à l’échelle urbaine se rapproche de celle des économistes néo-classiques qui voient les questions environnementales comme des externalités devant être intégrées au marché et gérées par des régulations marchandes (Vivien, 2005).

8 Ce paragraphe vaut essentiellement pour l’Angleterre et le Pays de Galles dans la mesure où l’Ecosse dispose depuis quelques années d’une stratégie autonome sur les questions d’environnement et de DUD.

9 Le parti vert obtint 15% des voies lors des élections européennes de 1989.

10 Le 23 juin 1997, lors d’un discours devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, Tony Blair déclara « Je veux que toutes les autorités locales du Royaume-Uni adoptent une stratégie d’Agenda 21 avant l’an 2000 ».

11 Un autre très bon exemple que l’on détaillera plus finement dans l’étude de cas de Manchester concerne la montée en puissance du thème de la « renaissance urbaine » qui met au centre du redéveloppement des (centres) villes britanniques la qualité de l’environnement bâti. Dans ce cadre, l’environnement et le DUD ont été instrumentalisés pour favoriser la mise en œuvre du projet politique de gentrification des centre-villes porté par le New Labour (Colomb, 2006 ; Lees, 2003).

12 Le SERA est un think tank environnemental affilié au parti travailliste. Il existe trois sections locales (Ecosse, Bristol, Manchester). Ce groupe malgré la présence d’universitaires renommés comme Michael Jacobs n’est jamais parvenu à relier l’idée de modernisation écologique avec celle de Troisième Voie. Ce groupe semble avoir retrouvé une capacité d’influence depuis la récente nomination de David Miliband à sa tête.

13 Le Community Inititive Fund, créé par le Council grâce aux financements de l’Urban Programme, avait spécifiquement pour but de financer les groupes communautaires et environnementaux. Il fonctionnait comme un puissant mécanisme de clientélisation de ces groupes.

14 Nous ne nous attarderons pas sur les événements qui ont pu amener ce tournant, ni nous ne prendrons position sur le fait de savoir si ce tournant a été radical ou s’il s’est opéré de manière progressive à partir de 1984. Pour plus de détails sur ce point, on pourra se référer à une abondante littérature (Cochrane et al., 1996 ; Peck et Ward, 2002 ; Quilley, 1999, 2000).

15 Ce souci de présenter l’image d’une ville respectueuse de l’environnement était très fort pour deux raisons principales. D’une part, car la ville de Rio, en 1992, avait fait l’objet de nombreuses critiques quant à la faiblesse de sa politique d’environnement. D’autre part, car la tenue de ce Forum s’est faite juste avant la sélection définitive de la ville organisatrice des Jeux Olympiques de 2000 pour lesquels Manchester postulait, et devait ainsi servir à mettre en avant le volet environnemental du dossier de candidature.

16 Le Manchester Script correspond pour Stephen Quilley à ce qu’il est possible ou non de faire pour une ville à l’ère post-industrielle. Trois idées se dégagent de ce script : investir dans l’économie post-industrielle (services, industrie culturelle et des médias, etc.), faire de la compétition interurbaine la base de toutes les politiques, développer les contacts avec les acteurs privés. Ces trois idées trouveront à s’appliquer au cours des années 1990 dans les politiques visant les deux priorités du City Council : la régénération et le redéveloppement économique du centre-ville et l’expansion de l’aéroport.

17 Parmi les organisations représentées dans ce forum on trouvait des membres du Council (élus et techniciens), des chercheurs, des syndicalistes, des entreprises, des représentants des agences étatiques, des représentants du milieu éducatif, des associations de protection de l’environnement et des représentants des différentes communautés.

18 Cette prise de position value une mise au ban de Spencer qui, bien que conservant son titre de Chairman du Forum de l’A21L, fut exclu du groupe travailliste et perdit l’ensemble de ses fonctions au sein du Council et notamment celle de Chairman du Planning Committee.

19 Le FAN obtint 3% des voix sur l’ensemble de la ville.

20 Cet aéroport qui est le troisième du Royaume-Uni en termes de passagers, est l’un des seuls du pays à être contrôlé par des autorités locales (55% pour le Council de Manchester et 5% pour les 9 autres autorités de la conurbation). Son rôle est central pour le développement économique de la ville et la région Nord-Ouest, dans la mesure où il permet d’attirer entreprises, congrès et aussi touristes.

21 Il s’agissait à la fois de militants écologistes traditionnels tels que MFoE, Manchester Wildlife, le parti vert et de militants écologistes plus radicaux (des eco-warriors) tels que ceux de Earth First! dont le répertoire d’actions comprenait l’action directe (enchaînement aux arbres, campement, etc.).

22 Au-delà du changement dans les acteurs impliqués, le changement d’appellation avec la référence symbolique au « partnership » est intéressant comme indice de la volonté de gérer le DUD de manière entrepreneuriale.

23 Certains membres de se groupe représentaient les associations écologistes locales comme par exemple MFoE, mais ces derniers quittèrent le nouveau groupe assez rapidement.

24 Entretien avec un membre du service planification (9 novembre 2006).

25 Ce plan mis en place en 2001 visait à améliorer les performances du Council en termes de management environnemental. Son élaboration semble avoir été dictée par une volonté de remédier aux défaillances de l’A21L et ainsi de répondre aux exigences du Best Value for Money.

26 L’objectif de cette politique nationale est de lutter contre le « North/South Divide » qui touche le Royaume-Uni. Ainsi, ce plan propose une gestion différenciée de l’espace national. Il s’agit de décongestionner le Sud du pays en construisant de nouveaux logements abordables permettant aux classes moyennes – principal vivier électoral du New Labour – d’accéder à la propriété, et de retendre le marché immobilier dans le Nord en réhabilitant les anciennes zones industrielles où la demande est très faible.

27 La Compagnie de Régénération Urbaine de Manchester est la seule du Royaume-Uni dont le champ d’action ne porte pas sur le centre-ville mais sur les quartiers Est. Il ne faut toutefois pas conclure trop rapidement au retour d’une forme keynésianisme urbain à Manchester. Les quartiers Est sont une zone très vaste, et la nature et l’intensité des interventions varient considérablement en fonction de l’éloignement du centre-ville. Cette gestion différenciée de l’espace profitant largement aux quartiers proches du centre-ville comme celui d’Ancoats.

28 Le Millenium Communities Programme fut lancé en 1997 par le gouvernement central. Il s’agissait de construire des habitations d’une nouvelle manière en essayant d’intégrer des critères environnementaux. Le premier quartier identifié fut le Greenwich Millenium Village. Par la suite, six autres quartiers furent sélectionnés, dont Ancoats qui était le seul « city estate ». English Partnership était responsable de ce programme qui cherchait à « démontrer aux développeurs que des zones défavorisées à l’abandon pouvaient être utilisées pour faire des profits » (English Partnership, 2005), notamment en se servant de l’environnement comme avantage compétitif.

29 Toutes les nouvelles constructions devaient répondre au standard “excellent” du classement Ecohomes.

30 Il est intéressant de noter que le nouveau nom choisi rappelle celui d’un quartier de Londres – Islington – qui fut l’un des premiers de la capitale britannique a être touché par des processus de gentrification à la fin des années 1960 et qui fut par la suite le théâtre du lancement du projet politique du New Labour.

31 Le projet New Islington fut également récompensé pour la qualité de son design environnemental lors du MIPIM de Cannes en 2006.

32 Cette montée en puissance récente est due au « verdissement » du parti conservateur depuis l’arrivée à sa tête de David Cameron qui a fait de l’environnement l’un de ses thèmes de prédilection, et à l’omniprésence des débats sur le changement climatique renforcée par la publication récente du Rapport Stern sur le coût économique que pourrait produire le réchauffement de la planète.

33 Aujourd’hui, le LibDem regroupe 34 élus sur 96 à Manchester. Sa montée en puissance récente est d’autant plus problématique pour le Labour mancunien que de nombreux bastions historiques du parti travailliste comme Liverpool, Leeds ou encore Newcastle ont déjà été conquis par le LibDem.

34 Cette volonté apparait très clairement dans la résolution votée par le Council en 2005. En effet, selon le Council, « le potentiel promotionnel des résultats environnementaux de la ville n’a pas été mis en avant en raison de l’absence d’un contexte bien identifiable […] Le projet de devenir la ville la plus verte d’Angleterre pourrait offrir ce cadre manquant » (Manchester City Council, 2005)

35 Entretien avec l’Executive Councillor en charge de l’environnement (18 décembre 2006).

36 On peut identifier une évolution similaire dans le positionnement de MFoE, qui à partir de 2000 a commencé à adopter une attitude de « radicalisme raisonné » pour reprendre l’expression utilisée par un membre actif de cette association lors d’un entretien.

37 On pourra renvoyer aux travaux sur Manchester et Leeds et de While et al. (2004), ou encore à ceux sur Stoke-On-Trent et le Black Country de Whitehead (2003).

38 Des conclusions similaires ont été tirées par d’autres auteurs concernant des villes espagnoles (Jonas et While, 2007), allemandes (Baurield et Wissen, 2002) et également nord-américaines (Desfor et Keil, 2004 ; McKendry, 2008).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Vincent Béal, « Politiques urbaines et développement durable : vers un traitement entrepreneurial des problèmes environnementaux? »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 3 | 2009, mis en ligne le 09 septembre 2009, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/966

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Auteur

Vincent Béal

CERAPSE-TemiS, Ryerson University, Université Jean Monnet Saint-Étienne, courriel : vincent.beal@univ-st-etienne.fr

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