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Amarrer le développement urbain aux infrastructures de transport publics : examen comparatif des politiques locales de quatre agglomérations suisses

Vincent Kaufmann et Fritz Sager

Résumés

L’article a pour objectif de mettre en relief les conditions auxquelles il est possible de mener une politique coordonnée visant à articuler le développement urbain aux infrastructures de transports publics. L’analyse croisée des villes suisses de Bâle, Berne, Genève et Lausanne permet d’identifier les facteurs décisifs pour la coordination entre les politiques locales de transport et d’urbanisme. Il s’agit en particulier de l’agencement entre des facteurs contextuels relatifs à la morphologie urbaine, le fonctionnement des institutions supra-communales et une série de facteurs spécifiques à chaque cas, qui concernent les décisions politiques passées et la culture politique locale. Sur la base de ces résultats, l’article conclut par la mise en exergue des conditions d’une coordination de l’action publique locale pour amarrer le développement urbain aux infrastructures de transports publics.

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Texte intégral

Introduction

1En Suisse comme dans beaucoup d’autres pays, le problème de l’urbanisation est d’abord une question liée à la mobilité. Plus une population a la possibilité de se déplacer vite et loin, plus les espaces pratiqués dans la vie quotidienne sont étendus (Linder, 1994). Ce phénomène est encore amplifié par les aspirations de localisations résidentielles périurbaines : l’autoroute donne souvent accès à des localisations résidentielles proches des espaces naturels et où le foncier est abordable pour des familles de « classe moyenne ». Dans ce contexte, amarrer les urbanisations aux infrastructures de transports publics constitue un enjeu central, car cela permet à la fois de lutter contre le mitage du sol et de réduire efficacement le trafic automobile urbain (en prestations kilométriques) (Pharaoh et Appel, 1995 ; Keeling, 1995 ; Newman et Thornley, 1996 ; Offner, 1993). En Suisse, l’articulation entre les transports publics et les nouvelles urbanisations est considérée comme un outil indispensable pour atteindre les objectifs de réduction de la mobilité automobile imposés par la loi sur la protection de l'environnement (LPE). Assurer cette articulation suppose un système de localisations axé autour des nœuds de transports publics, et combiné à une politique de régulation des accès routiers à la ville (Banister et al., 2000). Ceci nécessite aussi, par voie de corollaire, un réseau de transports publics performant de façon à absorber des flux de déplacements massifiés dans de bonnes conditions. Mener à bien une telle politique implique donc une coordination entre les politiques sectorielles de l'utilisation du sol et des transports urbains.

2Le présent article aborde deux moments clé du processus d’articulation entre urbanisme et transport : la manière dont est pensée la cohérence entre ces deux politiques à incidence spatiale en termes d'objectifs et de projets ; l’opérationnalisation des objectifs et projets en termes de système d'action social.

3L'intérêt d'une telle démarche réside dans le fait de dépasser une approche strictement institutionnelle pour interroger le local dans ses dimensions géographiques, culturelles et historiques. L'enjeu est de taille, car la coordination entre politiques publiques est généralement abordée dans une optique disciplinaire où seuls des facteurs relatifs au mode de gouvernement, voire de « gouvernance », sont pris en considération dans l'analyse (Kaufmann, Sager et al., 2003). Élargir cet angle de vue, que nous considérons a priori comme trop étroit, nous semble indispensable: est-ce que la coordination entre politiques publiques peut être réduite à une fonction de la géographie des découpages institutionnels, de l'architecture du pouvoir et des acteurs impliqués?

4Outre l'impact de l'architecture institutionnelle et des logiques d'action sous-tendant l'action politique, cette question générale permet d'aborder l'impact des pratiques et cultures professionnelles sur la manière de conceptualiser les liens urbanisme - transport et la coordination des politiques relatives. Elle permet également de s'interroger sur le champ du possible induit par la morphologie des agglomérations et l'offre de transport existante. Elle intègre enfin l'importance politique accordée localement à la lutte contre le mitage du sol et la pollution et son influence sur la coordination.

5Le présent article s'appuie sur deux sources empiriques: d’une part, une analyse historique de la « production administrative » depuis 1950 en matière de conceptions globales des transports et d'aménagement du territoire dans quatre agglomérations, à savoir, Bâle, Berne, Genève et Lausanne, et d’autre part six études de cas dans ces quatre agglomérations. Ces quatre agglomérations comptent parmi les cinq plus grandes de Suisse. Elles sont localisées dans les deux régions linguistiques principales du pays : Genève et Lausanne sont toutes deux de langue et de culture francophone, alors que Bâle et Berne sont germanophones. Au-delà de la question linguistique, ces deux régions se caractérisent par des traditions de planification territoriale différentes, traditions issues du fédéralisme suisse, qui accorde une grande autonomie aux cantons et communes en matière de développement territorial.

6L’article se divise en quatre parties. Après (1) une mesure comparée de l'adéquation entre les localisations et les réseaux de transport, l'article aborde (2) la conceptualisation de l'articulation entre urbanisme et transport ainsi que les dispositifs de coordination la régissant dans les quatre agglomérations. De cette analyse de contenu sont ensuite extraites (3) des pistes explicatives de la coordination, qui sont ensuite (4) confrontées aux six études de cas. La conclusion propose une synthèse générale des principaux résultats empiriques.

Une approche comparative

7Si les quatre agglomérations étudiées sont de taille comparable, elles sont néanmoins contrastées au plan des appartenances culturelles (germanophone versus francophone), des localisations (transfrontalière ou pas), ainsi qu'au plan institutionnel (autonomie communale forte ou faible en la matière), au plan de la forme urbaine (densité urbaine) et de l'usage des moyens de transport.

8Ces agglomérations se caractérisent également par une articulation plus ou moins étroite entre l’occupation du sol et les réseaux de transports publics, ce qui fait prendre tout son sens à l'approche comparative. Deux indicateurs permettent de le mesurer: l'évolution des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures et les pratiques modales de la vie quotidienne.

L'évolution des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures

  • 1 L’analyse empirique dont est issue cette recherche datant de la fin des années 1990, nous reproduis (...)
  • 2 Cette analyse n'a pu être réalisée que pour les parties suisses des agglomérations. Les parties fra (...)
  • 3 L’ensemble de l’analyse spatiale comparative des quatre agglomérations suisses se réfère aux concep (...)

9La croissance des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures entre le début des années 1980 et le début des années 1990 dans les quatre agglomérations que nous étudions permet de constater que l'urbanisation a été davantage contenue à Bâle et Berne qu'à Genève et Lausanne1. En effet, cette croissance est globalement de 5,5% et 7,4% dans les deux agglomérations alémaniques, et de 12,3% et 13,1% dans les deux agglomérations romandes2 (voir tableau 1). Ce résultat doit être pondéré par le fait que la croissance urbaine a été plus forte dans les deux agglomérations romandes. Concernant l'agglomération genevoise, dont le territoire s'étend en partie sur le canton de Vaud, remarquons que la croissance des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures en milieu périurbain3 a été beaucoup plus marquée dans la partie vaudoise de l'agglomération que dans la partie se trouvant dans le Canton de Genève, signe probable de politiques différenciées en matière de maîtrise de l'utilisation du sol.

10L'examen des densités habitat et emploi dans les couronnes d'agglomération (voir tableau 1) montre que globalement, la densité est plus élevée dans les deux agglomérations alémaniques. Cette tendance est même particulièrement marquée pour les tissus périurbains. Remarquons également que les villes-centre de Genève et Bâle sont plus denses que celles des agglomérations de Berne et Lausanne, ce qui est sans doute à mettre en relation avec leur situation spatiale de ville-frontière.

Les pratiques modales de la vie quotidienne

11Les répartitions d'usages entre les différents moyens de transport (voir tableau 2) renforcent les observations réalisées pour l'évolution des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures. Les données du microrecensement transport de 2000 montrent en effet que globalement, la part des déplacements de la vie quotidienne réalisés en automobile à Berne est moins forte que dans les agglomérations romandes, et qu'à l'inverse, la part des déplacements en transports publics est plus forte à Bâle et à Berne.

12Par type de contexte, notons que d'une manière générale, la part d'usage de l'automobile est croissante du centre vers la périphérie, passant par exemple de 25% des déplacements dans la ville-centre de Berne à 48% en tissu périurbain (voir tableau 2). Si cette tendance est repérable dans les quatre agglomérations, en revanche, son niveau et son ampleur diffèrent. Ainsi, dans les villes-centre de Genève et Lausanne, l'usage de l'automobile est plus important que dans les deux autres agglomérations. Dans la mesure où la ville de Genève est la plus dense, cette observation atteste le fait que la densité urbaine n'est pas mécaniquement prédictive des pratiques modales.

13Concernant les transports publics, la tendance inverse peut être observée: leur part dans les déplacements de la vie quotidienne va en décroissant à mesure qu'on s'éloigne du centre-ville. Si les différences entre agglomérations sont moins tranchées en contexte suburbain, en revanche, le tissu périurbain laisse apparaître de gros contrastes. Ainsi, dans ce contexte, l'usage de l'automobile représente environ 70% des déplacements dans les deux agglomérations romandes, contre seulement 33% à Bâle et 48% à Berne.

Tableau 1. Évolution des surfaces d’habitats et d’infrastructures dans les quatre agglomérations

Bâle

Berne

Genève

Lausanne

Années des relevés

1982-1994

1981-1993

1980-1992

1980-1992

Part des surfaces d’habitat et d’infrastructures lors du 1er relevé

32%

17%

23%

25%

Part des surfaces d’habitat et d’infrastructures lors du 2ème relevé

33%

19%

26%

28%

Ville-centre

+ 1.9%

+ 0.6%

+ 1.4%

+ 5.5%

Couronne suburbaine

+ 4.7%

+ 10.8%

+ 13.5%

+ 16.1%

Couronne périurbaine

+ 9.6%

+ 9.9%

+ 14.7%*

+ 14.7%

Total de l’agglomération

+ 5.5%

+ 7.4%

+ 12.3%

+ 13.1%

Densité des surfaces d’habitat et d’infrastructures

Hab+empl./hectare ville centre

~ 150

~ 105

~ 200

~ 110

Hab+empl./hectare couronne suburbaine

~ 55

~ 55

~ 50

~ 45

Hab+empl./hectare couronne périurbaine

~ 40

~ 30

~ 15

~ 25

Total hab+empl./hectare

~ 70

~ 65

~ 55

~ 55

* Une partie périurbaine de l'agglomération genevoise est située dans le canton de Vaud. Dans cette partie vaudoise de l'agglomération genevoise, l'augmentation des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures est de 20,1%, soit plus du double de la partie périurbaine située dans le canton de Genève, dont la croissance a été de 9,8%.

Sources : Calculs réalisés par les auteurs sur la base de la statistique des surfaces de l’office fédéral de la Statistique de 1982 et 1994

14Ces indicateurs montrent clairement que Berne et Bâle sont deux agglomérations dont l'urbanisation est plus compacte que celle de Genève et celle de Lausanne. Tant l'évolution des surfaces dévolues à l'habitat et aux infrastructures entre les années 1980 et 1990 que les pratiques modales de la mobilité quotidienne permettent de conclure que l'articulation entre l'utilisation du sol et les infrastructures de transports publics est plus effective dans les deux agglomérations alémaniques. À quoi peut-on l'attribuer? Dans quelle mesure est-ce le reflet d'une meilleure coordination entre les politiques d'amé-nagement et de transport? Dans quelle mesure est-ce le fruit de conceptualisations différentes des liens entre transport et urbanisme?

Tableau 2. Répartition modale de la mobilité quotidienne dans chaque agglomération

Ville-centre

t-test 8.95 *

Bâle

Berne

Genève

Lausanne

Marche à pied

34%

33%

37%

35%

Vélo/moto /scooter

14%

10%

8%

8%

Automobile

24%

29%

40%

39%

Transports Publics

28%

27%

16%

19%

Couronne suburbaine

t-test 5.24 *

Marche à pied

30%

27%

28%

26%

Vélo/moto /scooter

8%

10%

9%

4%

Automobile

42%

44%

50%

59%

Transports Publics

20%

19%

13%

11%

Couronne périurbaine

t-test 4.46 *

Marche à pied

26%

29%

21%

18%

Vélo/moto /scooter

3%

7%

4%

2%

Automobile

56%

48%

67%

74%

Transports Publics

15%

16%

8%

5%

t-tests pour les agglomerations

5.38*

6.59*

4.40 *

3.77 **

Articulation et coordination dans les plans directeurs depuis les années 1950

15L'analyse de contenu des plans directeurs en matière d'urbanisme et de transport, ainsi que l’examen de l'architecture institutionnelle dans les quatre agglomérations étudiées, permettent une première amorce d'explication des différences observées. Quatre aspects ressortent d'une façon particulièrement saillante.

La complexification de la problématique

16Dans les années 1950, les questions d'articulation entre urbanisme et transport sont du ressort exclusif des communes (ou des cantons dans le cas des cantons-ville de Bâle et Genève) et concernent l'architecture et le génie. Dans les quatre agglomérations étudiées, nous avons observé une complexification de la problématique de la coordination entre urbanisme et transport depuis cette période.

17C'est ainsi que de nouvelles disciplines sont apparues dans le champ, comme l'écotoxicologie, sous l'impulsion de la loi sur la protection de l'environnement, ou l'ingénierie de régulation des flux, développée sous la pression de l'augmentation du trafic, qui l'a rendue indispensable au point de devenir un enjeu central des politiques de transports urbains.

18La mutation des espaces pratiqués de la vie quotidienne depuis 30 ans, qui se sont considérablement étendus grâce à l'appropriation individuelle des potentiels offerts par les infrastructures de transport rapides, a modifié les niveaux géographiques auxquels doivent être abordés la coordination urbanisme - transport. Du ressort de la commune ou du quartier, lieu privilégié de l'insertion sociale, dans les années 1950, la problématique concerne actuellement tout autant ce niveau que celui de l'agglomération et de la région urbaine.

19Avec le développement de la motorisation, relevons aussi l'apparition, dès les années 1960, de la question du « choix modal », et ce faisant, de plusieurs orientations possibles en matière d'articulation entre le développement urbain et les infrastructures de transport. Dans ce contexte, il est en effet possible d'articuler les nouvelles urbanisations aux infrastructures routières et/ou de transports publics, articulations qui correspondent chacune à des formes urbaines spécifiques.

20En résumé, on est passé, en moins de 40 ans, d'une problématique confinée à l'aménagement communal à une problématique pluridisciplinaire, concernant l'aménagement, l'ingénierie de gestion des transports et les services chargés de l'environnement et nécessitant une étroite collaboration horizontale et verticale entre les différents niveaux institutionnels.

Les réponses institutionnelles

21Face à la complexification de la question de l’articulation transport – urbanisme, nous observons que les réponses institutionnelles apportées sont assez similaires dans les quatre agglomérations étudiées (Sager, Kaufmann et Joye, 1999).

22Au sein des administrations communales ou cantonales, il existe, dans les quatre agglomérations, des commissions de coordination entre services, dont la tâche est de coordonner l'action publique communale ou cantonale (par exemples, à Berne au niveau cantonal, la Koordinations-konferenz « Raum-Verkehr-Wirtschaft », à Bâle la Koordinationskommission für Verkehrsplannung (Commission de coordination pour la régulation du trafic) – Koko, à Genève, la commission consultative cantonale pour l'aménagement, à Lausanne le GTLT et la coordination interservice au sein du département des travaux publics et de l'aménagement du territoire).

23Entre institutions, il existe des dispositifs de collaboration dans les quatre agglomérations, mais leur configuration dépend de composantes géographiques (proximité d'une frontière nationale, étendue des territoires communaux et cantonaux) et de la répartition des compétences en matière d'aménagement entre commune et canton. À Berne et à Lausanne, il existe des communautés urbaines, la « Verein Region Bern » et la « Communauté de la région lausannoise ». Ces dispositifs de collaboration sont essentiellement horizontaux, mais associent le canton à leurs travaux. À Bâle, et à Berne, la collaboration entre institutions se fait beaucoup plus au niveau inter-cantonal et avec les régions étrangères voisines. À Bâle, la coordination inter-cantonale en matière d'urbanisme et de transport est assurée par la « Nordwestschweizerische Regierungskonferenz » (Conférence des gouvernements cantonaux de Suisse du Nord-Ouest), et la coordination internationale avec l'Allemagne et la France, par la « Regio Basiliensis ». À Genève, la coordination avec le canton de Vaud et la région Rhône-Alpes est assurée au sein du « Comité régional franco-genevois ».

24Par ailleurs, nous constatons que dans les quatre agglomérations étudiées, il existe des commissions associant les administrations de différents niveaux institutionnels aux acteurs associatifs et aux lobbies (clubs automobiles, associations d’usagers, associations de protection de l’environnement, associations de promotion économique). À Bâle, c'est le cas de la Verkehrs-kommission, à Genève, de la commission consultative de la circulation, à Lausanne de groupes de travail de la COREL.

25Relevons cependant deux différences entre les agglomérations étudiées au niveau des réponses institutionnelles:

26La mise en place de commissions de coordination entre urbanisme et transport est plus tardive dans les deux agglomérations romandes : de telles commissions ne sont apparues que sous la contrainte de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, sauf en ce qui concerne la coordination transfrontalière à Genève, qui s'est développée de façon endogène.

27Dans l'agglomération bernoise, des commissions ad-hoc sont généralement créées pour développer des projets impliquant une coordination entre urbanisme et transport, comme par exemple le « Entwicklungsschwerpunktsplanung » de Bern-Wankdorf. De telles commissions sont exceptionnelles à Bâle et n'existent pas dans les deux agglomérations romandes.

La conceptualisation de l'articulation urbanisme – transport

28Concernant la manière dont sont pensés les liens entre l'urbanisme et les transports dans les plans directeurs, nous avons pu observer que ceux-ci se sont modifiés au cours du temps et de façon différente selon les agglomérations.

29À Berne et à Bâle, on est passé d'une articulation multimodale automobile et transports publics à une articulation basée essentiellement sur les transports publics pour atteindre des objectifs environnementaux. Dans les plans directeurs des années 1990, les nouvelles implantations sont systématiquement situées à proximité des gares et les pôles d'agglomérations sont pensés pour être accessibles essentiellement par les transports publics et les modes de transport de proximité.

30À Genève et à Lausanne, on est passé d'une articulation pensée en fonction de l'automobile seulement à une articulation multimodale voiture et transports publics en faisant appel au concept de complémentarité entre les modes de transport. À partir du milieu des années 1990, les plans directeurs prévoient d'offrir assez systématiquement, dans ces deux agglomérations, une double accessibilité aux nouvelles urbanisations et aux pôles d'agglomération.

31Ces orientations conceptuelles de l'articulation transport-urbanisme ont considérablement marqué l'urbanisation et l'offre de transport dans les quatre agglomérations urbaines étudiées. À Genève et à Lausanne, de vastes zones industrielles et des quartiers d'habitation nouveaux ont été développés avec une desserte de transports publics minimum (lignes de bus), tandis qu'à Berne et à Bâle, l'urbanisation s'est toujours faite en étroite relation avec une offre de transports publics dense et maillée (tramways et chemins de fer d'agglomération).

Les ambitions de la coordination

32Une quatrième observation générale ressort de l'analyse des plans directeurs. Elle a trait aux ambitions de la coordination entre urbanisme et transports. Dans ce domaine également, nous avons observé des différences entre les agglomérations abordées.

33À Bâle et à Berne la complexification de la problématique depuis les années 1960 va de pair avec une coordination de plus en plus étroite. Au niveau conceptuel, ces deux politiques sont intégrées dès les années 1990, et à Berne, elles ne sont même plus dissociables.

34À Genève et à Lausanne, la coordination entre transport et urbanisme est au contraire moins assurée maintenant qu'il y a 25 ans. À Lausanne, l'échec de la CIURL, qui s'était dotée d'un plan directeur ambitieux en termes d'articulation urbanisme-transport, coïncide avec une appréhension désormais séparée de ces deux aspects. À Genève, l'autonomisation des plans directeurs des transports dès les années 1980 ne favorise pas la coordination. Développés séparément, dans des départements différents, les plans d'aménagement et de transport sont conçus par des équipes différentes.

Synthèse de l’analyse des plans directeurs

35L'analyse des plans directeurs met en évidence des congruences entre la compacité des agglomérations, la conceptualisation de l'articulation entre urbanisme et transport, les ambitions de la coordination et le mode d'institutionnalisation de la coordination (voir tableau 3).

36Au delà de ces constats généraux, les résultats de l'analyse des plans directeurs depuis les années 1950 et de l'architecture institutionnelle débouchent sur quatre pistes explicatives relatives aux différences d’articulation entre transports publics et urbanisation dans les quatre agglomérations :

a) L'architecture institutionnelle comme régulateur des logiques de rapport de force ou de projet

37Les différences d'architecture institutionnelle observées entre les agglomérations pourraient être à l'origine de la coordination plus ou moins effective et ambitieuse que nous avons observée dans les plans directeurs des quatre agglomérations (Sager, 2002, 2005).

38En particulier, l'existence de commissions ad-hoc pourrait permettre de passer d'une approche intersectorielle de la problématique urbanisme – transport à une approche intégrée. En particulier, de telles commissions pourraient permettre un dialogue entre des acteurs d'horizon différents. De plus, des contextes où la démocratie participative est très vivante, comme à Berne ou à Bâle, pourraient contribuer à dépasser les rapports de pouvoir entre acteurs publics pour favoriser les logiques de projets. D'une part, la présence d'acteurs multiples chamboule le jeu des coalitions habituelles. D'autre part, les commissions ad-hoc échappent d'une certaine manière à l'architecture institutionnelle des départements, ce qui les situe à l'extérieur du champ des jeux de pouvoir propres aux administrations, modifiant ainsi les équilibres entre des logiques de rapport de force et de projet.

Tableau 3. La coordination entre urbanisme et transports dans les quatre agglomérations étudiées

BERNE

Intégration entre transports et urbanisme, représentation positive de la coordination

BÂLE

Intégration entre transports et urbanisme, représentation mitigée de la coordination

GENÈVE

Sectorisation de l’urbanisme et des transports et représentation mitigée de la coordination

LAUSANNE

Sectorisation de l’urbanisme et des transports et représentation mitigée de la coordination

Contexte morpho-géographique

Agglomération transfrontalière

Non

Oui

Oui

Non

Morphologie urbaine de l’agglomération

Urbanisation compacte

Urbanisation compacte

Urbanisation compacte dans le Canton de Genève, diffuse à l’extérieur

Urbanisation diffuse

Institutionalisation de la coordination

Types de commissions de coordination

Permanentes et ad-hoc

Permanentes et ad-hoc

Permanentes

Permanentes

Institutionalisation de la participation des citoyens aux politiques locales

Oui

Oui

Non

Non

Autonomie communale en matière d’aménagement et de transports

forte

faible

faible

Forte

Conceptualisation de l’articulation urbanisme – transport

Évolution de la conception de l’articulation entre urbanisme et transport

Passage d’une articulation multimodale à une articulation aux transports publics

Passage d’une articulation multimodale à une articulation aux transports publics

Passage d’une articulation automobile à une articulation multimodale

Passage d’une articulation automobile à une articulation multimodale

BERNE

Intégration entre transports et urbanisme, représentation positive de la coordination

BÂLE

Intégration entre transports et urbanisme, représentation mitigée de la coordination

GENÈVE

Sectorisation de l’urbanisme et des transports et représentation mitigée de la coordination

LAUSANNE

Sectorisation de l’urbanisme et des transports et représentation mitigée de la coordination

Ambition de la coordination

Type de coordination entre transport et urbanisme

Intégrée

Intégrée

Inter-sectorielle

Inter-sectorielle

Caractère endogène ou exogène de la coordination

Précoce et de nature endogène

Relativement précoce et de nature endogène

Tardive et de nature plutôt exogène

Tardive et exogène

39À l'inverse, les commissions permanentes à fort contrôle politique que connaissent Genève et Lausanne pourraient constituer un frein à la coordination, dans la mesure où elles seraient un lieu privilégié d'expression de rapports de force institutionnels. Une telle hypothèse s'appuie sur le fait qu'à Genève et à Lausanne, les commissions permanentes sont sectorielles et présidées par des élus. Elle a d'autant plus de sens dans des contextes où la démocratie est plutôt représentative, comme c'est le cas à Genève et à Lausanne.

b) Les conceptions passées de l'articulation urbanisme - transport comme structure d'opportunité pour la coordination

40Les infrastructures et les formes urbaines se sédimentent dans l’espace urbain et sont susceptibles de devenir des facteurs d’irréversibilité dans les politiques publiques (Pflieger, Kaufmann et al., 2007). C’est ce que l’on nomme les sentiers de dépendance (Rose, 1990; Rose et Davies, 1994), sentiers qui encouragent les politiques actuelles et futures à poursuivre la tendance existante (Gains, John, et Stoker, 2005, p. 27). Le contexte morphologique est en partie le produit des politiques passées en matière d'articulation entre urbanisation et transport. En particulier, l'étendue et la forme des réseaux ferrés d'agglomérations sont décisifs, car ils constituent l'armature spatiale d'une politique coordonnée. Comment articuler l'urbanisme aux transports publics si les infrastructures ferrées ont disparu, ou qu'elles n'ont jamais été développées?

41À Genève et à Lausanne, dans les années 1960, soit la décennie où l'articulation entre urbanisation et infrastructures de transport devient une problématique d'actualité sous la pression de la motorisation des ménages, les réseaux de tramways ont disparu. Il ne subsiste plus que 12 km de ligne à Genève (pour un réseau qui en comptait 175 trente ans plus tôt) et le chemin de fer Lausanne Echalens Bercher à Lausanne, après la disparition du réseau de chemin de fer du Jorat et des tramways lausannois, la même année que l'exposition nationale. Ces décisions viennent s'ajouter au fait que Genève et Lausanne ne disposent pas d'un réseau ferré lourd très développé. Les plans directeurs développés à partir de ces années-là ne peuvent donc plus amarrer l'urbanisation à des infrastructures de transports publics autres que des lignes de bus qui n'ont qu'un impact structurant très limité sur le territoire.

42À l'inverse, à Berne et à Bâle, l'essentiel des réseaux ferrés d'agglomération a été maintenu dans les années 1960, grâce aux instruments de la démocratie directe. Il était possible de lancer des référendums communaux à Berne comme à Bâle sur des objets d’infrastructures comme le maintien ou la suppression de réseaux de tramways, ce qui n’était pas possible à Genève ni à Lausanne, et a permis de maintenir ces réseaux, la population y étant attachée. Dans ce contexte, les plans directeurs peuvent s'articuler sur de l'existant. Cette différence contextuelle a eu un impact sur la manière dont les plans directeurs ont conçu la coordination entre l'urbanisation et les transports publics. Lorsqu'une articulation est planifiée, comme c'est le cas à Lausanne dans le plan directeur de la CIURL de 1973, ou à Genève dans le plan directeur de 1989, celle-ci doit être réalisée avec des infrastructures à construire, tandis qu'à Bâle et Berne, une telle articulation s'appuie sur des infrastructures existantes. En termes de représentations, bien que cela soit plus difficilement identifiable dans la « production administrative », relevons que cette différence morphologique a probablement pour conséquence d'orienter le travail des planificateurs et le projet politique de développement urbain. À la lecture des plans directeurs, l'existant semble en effet agir comme un puissant déterminant du « champs du possible » imaginable par les différents acteurs, qu'ils soient politiques ou experts.

c) Le partage d’un référentiel tourné vers les valeurs environnementales a un effet incitateur sur l’articulation transport-urbanisme

43Articuler l'urbanisation aux infrastructures de transports collectifs suppose d'aller à contre-courant, du fait que les acteurs raisonnent en termes d'accessibilité routière beaucoup plus qu'en termes d'accessibilité par les transports collectifs. Les valeurs sur lesquelles se base ce contre-courant sont assez largement associées au courant de pensée écologiste au sens large, et suppose le large partage d’un référentiel pour qu’il y ait des décisions, puis des réalisations allant dans ce sens. Le respect de l'environnement est plus fortement ancré dans les cultures des pays du nord de l'Europe que dans celles des pays du sud. En Suisse, l’opinion publique a longtemps différé entre les régions linguistiques en ce qui concerne les valeurs écologiques (Bisang et Knoepfel, 1999, 2001). D’une manière générale, on relèvera une prédisposition culturelle plus forte à l’usage de l’automobile dans les agglomérations francophones (Kaufmann, 2000), préférence renforcée par l’étendue des potentiels d’accessibilité offerts par les réseaux routiers. Il est possible que la légitimité de l’articulation entre urbanisation et transports publics et celle des dispositifs de coordination qui en découlent soit plus forte tant au niveau politique qu'au niveau des cercles d'experts dans les deux agglomérations germanophones.

44Une telle interprétation, si elle se vérifiait, contribuerait à expliquer pourquoi les agglomérations de Bâle et de Berne sont restées plus compactes que celles de Lausanne et Genève.

d) Des cultures professionnelles incitatrices ou obstacles à l’articulation transport – urbanisme

45La professionnalisation dans le domaine des transports et de l’urbanisme s’est manifestée très tôt du fait de l’exigence de mettre un savoir technique spécialisé de haut niveau au service de la société. Pour traiter cet aspect, nous aurons recours au concept d’« epistemic communities », concept initialement développé pour l’analyse des négociations internationales (Haas, 1964, 1992). Les réseaux d’experts professionnels dans des domaines politiques spécifiques, dont le savoir prend une importance centrale pour des contenus politiques, sont désignés comme « epistemic communities » (Haas, 1992). Ainsi, le savoir généré et reproduit par une formation et des valeurs professionnelles communes permet l’émergence d’un consensus entre les acteurs.

46En Suisse, les cultures professionnelles dans le domaine des transports et de l'urbanisme ne sont pas forcément unifiées au plan national, ce qui découle du fédéralisme caractérisant la Suisse. Au vu de l'analyse des plans directeurs, il est même très probable que ce ne soit pas le cas : pensons par exemple à la manière dont est conceptualisée l'articulation entre l'urbanisme et les transports, ou le sort réservé aux réseaux de tramway dans les années 1950-1960. Les références professionnelles et les écoles de pensée sont sans doute associées aux langues et peuvent induire des opportunités de coordination spécifiques. En Suisse alémanique, l'articulation entre l'urbanisation et les infrastructures de transports publics est probablement facilitée par la culture professionnelle des aménagistes et des ingénieurs des transports.

47Par ailleurs, relevons que les cultures professionnelles des ingénieurs et des aménagistes sont spécifiques : elles n'ont pas de langage commun et elles s'appuient sur des courants de pensée différents. Cela peut constituer un frein important à la coordination entre aménagement et transport (Sager, 2005). L'existence de commissions ad-hoc de coordination dans les deux agglomérations alémaniques a sans doute eu pour effet de rapprocher ces deux cultures professionnelles en les forçant à se « formater » sur des projets précis.

Les pistes explicatives à l'épreuve des études de cas

Choix des études de cas

48Pour affiner et tester les pistes explicatives ressortant de l'analyse des plans directeurs, nous avons retenu des études de cas dans les quatre agglomérations étudiées. Le but des études de cas est de mettre en évidence la combinaison des logiques d'action à l'œuvre dans le développement d'un projet impliquant une dimension urbanistique et une dimension transport. Dans ces études de cas, nous nous intéressons aussi bien à la constitution des projets, à leur contexte et aux objectifs auxquels ils répondent, qu'à la manière dont se positionnent et interagissent les différents acteurs impliqués dans le processus des projets. Nous explorons donc la construction du processus de coordination comme un système d'action social. Ce procédé permet de mettre à l'épreuve de la pratique les conceptions globales et les dispositifs de coordination mis en évidence. Trois dimensions ont présidé au choix des études de cas:

  • Le degré d'avancement de l'objet par rapport au processus de décision;

  • Les niveaux institutionnels impliqués dans le projet;

  • Le caractère transfrontalier ou non du cas.

49Trois cas retenus sont situés en Suisse alémanique et trois en Suisse romande, toujours dans les quatre mêmes agglomérations:

50BÂLE : LE TRAM DU CLARAGRABEN. Ce projet, qui n’a finalement pas vu le jour, consistait à réaliser une ligne de tramway d'interconnexion. L'objectif du projet était de renforcer l'offre pénétrante de transports publics depuis le nord de l'agglomération. L'impact du projet aurait été concentré dans une zone extrêmement localisée, où la densité urbaine est forte.

51BÂLE : LA LIGNE VERTE DU S-BAHN. Ce projet, réalisé, consistait à développer une nouvelle offre ferroviaire diamétrale en utilisant des infrastructures existantes. Il s'inscrivait dans le cadre plus large de la réalisation d'un réseau de S-Bahn dans la région bâloise. La ligne verte est transfrontalière (franco-suisse), ce qui complexifie le processus de décision et les enjeux de coordination.

52BERNE : LE PÔLE DU WANKDORF. Le projet, réalisé, consistait à planifier une centralité urbaine comprenant notamment une jonction autoroutière, une gare du S-Bahn bernois et un terminus de ligne de tramway. Ce pôle accueille à la fois des emplois, un stade de football, un centre commercial, des équipements de loisir et un parking P+R. Cette étude de cas se situe dans une zone actuellement faiblement densifiée et implique des partenariats entre acteurs publics et acteurs privés.

53GENÈVE : LE RHÔNE EXPRESS RÉGIONAL. Ce projet, réalisé, consistait à dynamiser l'offre ferroviaire entre le centre-ville et la partie ouest du canton de Genève en utilisant des infrastructures existantes. Le projet, dont l'impact est régional, se situe dans une zone à faible densité urbaine. Le terminus de la ligne était initialement situé à la frontière franco-suisse de La Plaine. Il a par la suite été prolongé jusqu'à Bellegarde en France.

54GENÈVE : LE PÔLE DE LA PRAILLE-BACHET-DE-PESAY. Ce projet, réalisé, a consisté à requalifier l'entrée sud de Genève. Situé à une jonction autoroutière et à proximité d'un noeud de transports publics, il comprend un programme très proche de celui du pôle du Wankdorf à Berne, soit la réalisation d'un stade de football, d'un complexe commercial, d'équipements hôteliers et culturels, d'un parking P+R et d'une gare. Ce projet se caractérise par une forte implication d'acteurs privés (promoteurs du stade et du centre commercial).

55LAUSANNE : LE PROLONGEMENT DU LAUSANNE-ECHALENS-BERCHER. Le projet, lui aussi réalisé, a consisté à prolonger une ligne régionale de chemin de fer jusqu'au centre-ville et de développer à son nouveau terminus une interface de transports publics. Le projet est situé dans une zone à forte densité et vise la recomposition des centralités urbaines lausannoise, il implique des partenariats public-privé.

56Ces six études de cas peuvent être regroupées par couples en fonction de la nature des projets et de leur localisation (voir tableau 4) :

Tableau 4. Typologie des études de cas

Projets d’infrastructures de transports publics

Projets de pôles de développement urbain

Projets de RER [Réseaux Express Régionaux]

Suisse alémanique

Le tram de Claragraben

Le pôle du Wankdorf

La ligne Verte du RER Bâlois

Suisse romande

Le prolongement du Lausanne-Echalens-Bercher line

Le pôle de La Praille-Bachet-de-Pesay

Le Rhône Express Régional

57Des entretiens semi-directifs reprenant les pistes explicatives énoncées suite à l'analyse des plans directeurs et des dispositifs de coordination dans chaque agglomération ont été réalisés pour chaque étude de cas.

58Le nombre de personnes interviewées (de 4 à 15), ainsi que la fonction de ces dernières (dirigeant pour la plupart), variaient en fonction de l'ampleur des études de cas. Les études de cas ont permis de tester les pistes explicatives énoncées, de faire apparaître de nouvelles dimensions et de mettre en évidence les dynamiques sociales sous-jacentes dans lesquelles s'inscrivent ces différentes explications.

L’architecture institutionnelle et la coordination

59Concernant l'architecture institutionnelle, les études de cas ont montré l'importance de l'organisation interne des administrations et des organes de coordination sur le processus de décision. Dans ce domaine, trois aspects sont ressortis comme centraux:

  1. La clarté de la définition des rôles dans le dispositif : la clarté de l'organigramme, caractéristique des études de cas bâloises et bernoise, favorise la prise de rôle de chaque acteur et son positionnement. C'est ainsi que dans les trois études de cas alémaniques, les commissions de coordination ad-hoc n'ont pas de « doublons» et que la différenciation entre le politique et le technique est formalisée. Si nous avons retrouvé cette clarté dans les cas du prolongement du LEB à Lausanne et du Rhône Express Régional à Genève, en revanche le pôle de La Praille-Bachet se caractérise par un enchevêtrement des compétences de décision et par une absence de définition politique a priori des objectifs poursuivis.

  2. La temporalité de l'ouverture du réseau d'acteurs impliqués dans le processus de prise de décision : il est ressorti des études de cas que les dispositifs comprenant des réseaux d'acteurs ouverts, comme dans la première phase de développement du S-Bahn bâlois et dans le cas du pôle de La Praille-Bachet à Genève, favorisaient les rapports de force au détriment des logiques de projets. À l'inverse, les dispositifs comprenant des réseaux fermés où seuls siègent les acteurs impliqués financièrement favorisent les logiques de projets. Dans la mesure où le cercle d'acteurs impliqués dans un projet change en fonction de l'objet, cette observation renforce le constat que les commissions ad-hoc facilitent la prise de décision.

  3. L'efficacité du travail en commission est liée à l'absence d'intermédiaire. Il est ressorti des analyses qu'une telle situation favorise une dynamique de projet par rapport à une dynamique de rapports de force entre acteurs. Ce troisième aspect a même été présenté par plusieurs personnes interrogées dans le cadre de l'étude de cas bernoise comme une « règle d'or» de la coordination.

Les conceptions passées de l’articulation transport-urbanisme comme opportunité

60Concernant l'impact des conceptions passées en matière d'articulation entre urbanisme et transport sur la coordination, les études de cas confirment que le contexte morphogéographique façonne la manière d'aborder la problématique. Dans les cas genevois et lausannois, la plupart des acteurs interrogés ne croient pas à la possibilité d'amarrer les urbanisations futures aux infrastructures de transports publics. « Les gens se localisent en fonction de l'autoroute et on peut rien y faire » affirme par exemple ce responsable lausannois, en justifiant sa position par la périurbanisation actuelle dans la région lausannoise et par l'autonomie communale en matière de plans d'affectations. De même, le cas du pôle La Praille-Bachet illustre la difficulté à rediriger la planification d'un secteur qui s'est urbanisé avec des métriques automobiles vers une accessibilité multimodale. A contrario, l'indissociabilité du couple urbanisation-transports publics, observée dans le cas du pôle du Wankdorf à Berne, est héritée des options politiques antérieures et contribue à forger les cultures professionnelles des urbanistes et ingénieurs des transports en leur servant de modèle.

L’effet incitateur d’un référentiel environnemental partagé

61Concernant l'effet incitateur des valeurs écologistes, les études de cas confirment son impact sur la manière dont sont pensées l'articulation urbanisme-transports et la coordination. Ces valeurs, normées par des lois fédérales (OPair, OPB) ou cantonales (Loi genevoise sur les transports publics), se sont révélées importantes dans chacune des études de cas retenues. Nos résultats indiquent plus particulièrement que l’importance de l’effet incitateur des valeurs écologistes est étroitement liée à la question des référentiels de l’action publique au sens de Muller (2008). Lorsque les valeurs écologistes sont partagées par l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus, qu’elles font donc partie du référentiel en matière de politique des transports et de l’urbanisme, leur impact est d’autant plus fort. La ligne verte transfrontalière du S-Bahn bâlois est sans doute le cas le plus révélateur de cet aspect : l'impulsion de départ du projet est venue de Suisse pour des motifs écologiques partagés par l’ensemble des acteurs. En France, où à l'époque l'écologie n'était ni à l'agenda politique, ni centrale dans le référentiel de l’action publique dans le domaine des transports et de l’urbanisme, le projet n'a rencontré que peu d'enthousiasme. Il s'est finalement réalisé malgré ce scepticisme, grâce à la pugnacité des partenaires helvétiques, convaincus de son importance, pour des motifs écologiques.

L’ambivalence des cultures professionnelles

62Concernant les cultures professionnelles, deux aspects se sont révélés centraux dans les études de cas :

  1. Dans un processus de coordination, des cultures professionnelles différentes peuvent être un atout. C'est en particulier le cas dans des commissions ad-hoc où tous les acteurs réunis sont financièrement impliqués et partagent une même volonté d'aboutir. La diversité des références et des manières de travailler est alors une source d'enrichissement du projet. Dans d'autres configurations d'acteurs en revanche, et notamment lorsque les réseaux sont très ouverts et marqués par la dominance des rapports de force institutionnels, elles sont généralement sources de conflits.

  2. La coordination est constitutive des cultures professionnelles. À Genève, Lausanne et Bâle, où nous avons constaté une faible « culture de la coordination » entre ingénieurs et urbanistes, les projets sont ancrés dans un des deux domaines, soit les transports (pour le LEB, le Rhône Express Régional, la ligne verte du RER bâlois), soit l'urbanisme (le pôle de La Praille-Bachet), le lien avec l'autre champ faisant l'objet de la coordination. Il en résulte parfois des difficultés de mise en cohérence, comme dans le cas du pôle de La Praille-Bachet, où les localisations retenues pour le centre commercial, le centre des congrès et l'hôtel limitent les possibilités d'articulation aux infrastructures de transports collectifs. Dans d'autres cas, cette situation donne lieu à des conflits au sein des commissions chargées de la coordination, comme pour le tram du Claragraben. Dans d'autres cas encore, le lien avec l'autre champ n'est jamais réalisé, comme pour le Rhône Express Régional ou la ligne Verte du S-Bahn bâlois, qui sont tous deux des projets n'ayant de facto pas de composante urbanistique, les réalisations prévues dans ce domaine n'ayant pas abouti. À l'inverse, à Berne, où nous avons constaté une forte « culture de la coordination », celle-ci se traduit par une intégration des aspects urbanistiques et des transports dans une même approche, ceci dès la genèse du projet.

Autres facteurs agissant sur la coordination

63En plus de ces considérations, trois aspects que l’étude rétrospective des plans directeurs n'a pas permis de mettre en évidence sont ressortis des études de cas comme jouant un rôle prépondérant dans l'articulation et la coordination entre urbanisation et transports.

64Le premier concerne les politiques nationales. La politique nationale des transports a joué un rôle dans toutes les études de cas. Les règles du jeu qu'elle fixe en matière de financement d'infrastructures constituent une structure d'opportunité que les acteurs locaux s'approprient. Ainsi, plusieurs projets ont pu être montés grâce à un financement de la Confédération [l’État] : le prolongement du Lausanne Echalens Bercher a reçu un soutien financier de 40 millions, la CISIN met 5 millions dans le Stade prévu dans le pôle de La Praille-Bachet, le projet de tram du Claragraben reçoit un soutien de la Confédération équivalent à 15% du montant d'investissement. À l'inverse, certains projets ne se sont pas réalisés à cause de l'absence de soutien financier. C'est le cas de la gare de RER, qui devait être réalisée dans le pôle du Wankdorf à Berne (les CFF ne voulaient pas créer un précédent). D'une manière générale, la politique de la Confédération est apparue comme un signal incitatif à la réalisation, d'autant plus que son soutien financier à l’échelon national est généralement assorti de conditions quant aux délais de réalisation. De ce point de vue, l'exemple le plus spectaculaire est certainement le prolongement du LEB. Dans ce cas, l'implication de la Confédération a non seulement permis la réalisation, mais a également eu pour effet de débloquer le dossier de l'aménagement de la place du Flon, nouveau terminus de la ligne au centre-ville de Lausanne.

65Deuxièmement, le montage financier est ressorti comme élément incitatif central de l'articulation et la coordination entre urbanisme et transport. Si les lois cadres définissant des objectifs politiques à atteindre constituent des aides au démarrage de projets en leur apportant un argumentaire, les lois incitatives sont décisives pour passer du projet à sa réalisation. L'ordonnance fédérale pour la séparation des trafics est tout à fait significative de ce point de vue: elle a permis, par le biais de financement soumis à conditions, de diriger des projets vers certaines solutions techniques plutôt que d'autres. Dans le cas du prolongement du LEB, le soutien financier de la Confédération a été un frein à la coordination, dans la mesure où il impliquait que le projet relève strictement du domaine des transports. Plus généralement, le montage financier des projets influence la coordination. L'exemple du Stade de football dans le pôle de La Praille-Bachet en est sans doute la meilleure illustration: le fait qu'une bonne partie de son financement soit assuré par les promoteurs du centre commercial est un obstacle à la coordination entre urbanisme et transport car cette situation fige a priori les localisations.

66Troisièmement, le temps est apparu comme central pour mesurer la qualité d'une politique coordonnée. Deux exemples sont révélateurs à ce titre. Le Rhône Express Régional à Genève, réalisé depuis 1994, pourrait être considéré comme un exemple de coordination réussie dans la mesure où le processus de décision s'est déroulé sans heurts et qu'il a débouché sur une réalisation. Pourtant, l'offre a été remise en question à cause de la faiblesse de l'usage liée au potentiel de desserte dès les années 2000 : l'absence d’articulation entre la réalisation de l'offre de transport et l'urbanisation à proximité des gares s'avère donc problématique pour la viabilité de l'ensemble de l'opération. A contrario, dans le pôle du Wankdorf à Berne, la non réalisation de la gare S-Bahn du Wankdorf aurait pu être considérée comme un échec car elle a empêché la réalisation d'une partie du projet coordonné. Or, d'une part cette décision illustre le fait que le projet est réellement coordonné et vise l'articulation entre urbanisme et transport, puisque la non réalisation de la gare le remet en question, d'autre part cette décision n’a fait que différer de quelques années la réalisation d’une gare qui est aujourd’hui réalisée.

Tableau 5. Synthèse générale des six études de cas

Berne : le pôle du Wankdorf

Genève : le pôle de la Praille-Bachet-de-Pesay

Bâle : la ligne verte du S-Bahn

Genève : le Rhône Express Regional.

Bâle : le tram du Claragraben

Lausanne : le prolongement du Lausanne-Echalens-Bercher

Effets de la décision

Coordonnée

Partiellement coordonnée

Coordonnée

Non coordonnée

Partiellement coordonnée

Non coordonnée

Implémentation

Réalisation complète

Réalisation partielle

Réalisation complète

Réalisation complète

Non réalisation

Réalisation complète

Structure institutionnelle et organisationnelle

Décisions en petits groupes fermés dans des commissions ad-hoc, avec une séparation claire des sphères technique et politique

Décisions en petits groupes fermés dans des commissions permanentes, consultation très large et ouverte, sans structure, et partage clair des compétences

Décisions en petits groupes fermés dans des commissions ad-hoc, consultation restreinte et séparation claire des sphères technique et politique

Décisions en petits groupes fermés dans des commissions ad-hoc, consultation restreinte, consultation informelle et peu structurée des acteurs concernés

Décision de principe déjà prise en séparation claire des sphères technique et politique

Décision de principe déjà prise en séparation claire des sphères technique et politique

Importance des déterminants géographiques

Haute

Moyenne

Haute

Haute

Faible

Moyenne

Importance des valeurs environnementales

Haute

Moyenne

Haute

Faible

Moyenne

Faible

Cultures professionnelles

Coopération entre les ingénieurs transports et les urbanistes, mais génératrice de conflits

Domination des urbanistes

Coopération entre les ingénieurs transports et les urbanistes

Domination des ingénieurs transports

Conflits entre ingénieurs transports et urbanistes, qui créent une situation de blocage

Les ingénieurs transports dominent

Trois axes structurant la prise de décision

67Tous les résultats qui viennent d’être présentés ne sont évidemment pas indépendants les uns des autres. Ils s'inscrivent dans des dynamiques plus globales qui se construisent en termes de rupture ou dans la continuité suivante les cas étudiés. Dans ces dynamiques, trois axes ressortent comme structurant des rapports entre les acteurs:

68Axe 1 : De la légitimité à l'ambition

69Dans les contextes où le respect de l'environnement dispose d'une légitimité indiscutable, l'articulation entre l'urbanisme et les transports est pensée en faveur des transports publics, ce qui implique des ambitions importantes en termes de coordination. À l'inverse, dans les contextes où la conscience écologique est peu développée, l'articulation entre l'urbanisme et les transports est pensée en faveur de la route, ce qui implique de faibles ambitions de coordination.

70Plusieurs aspects sont susceptibles de favoriser l'une ou l'autre de ces dynamiques: les rapports de force partisans au niveau local, qui vont contribuer à asseoir la légitimité politique de l'écologie, les cultures professionnelles et le contexte morpho-géographique, qui vont largement contribuer à définir un champ du possible de l'articulation entre urbanisme et transports. De ces aspects va dépendre l'intensité de l'implication des différents acteurs dans le processus, intensité qui se traduira ensuite par la qualité du dispositif opératoire mis en place.

71Axe 2 : Du rapport de force à l'action

72Deux logiques dominantes de prise de décisions sont mises à jour par les études de cas, elles correspondent tantôt à des phases du projet, tantôt à l'ensemble du processus: (1) une logique où les acteurs s'affrontent en vue du pouvoir; les enjeux sont alors la reconnaissance dans un rapport de force, voire l'affirmation d'une suprématie et (2) une logique où les acteurs collaborent en vue d’une réalisation; l'enjeu est alors la réalisation du projet, quitte à devoir effectuer des compromis.

73Plusieurs aspects sont susceptibles de favoriser la dominance du rapport de force ou de la logique de projet: le partage de mêmes valeurs et des mêmes objectifs, notamment en ce qui concerne le respect de l'environnement, la clarté de l'architecture institutionnelle interne aux administrations, un réseau d'acteurs restreint aux partenaires directement impliqués, la possibilité de disposer d'un financement national vont favoriser l'action. À l'inverse, une faible légitimité du respect de l'environnement, une architecture institutionnelle enchevêtrée, un réseau d'acteurs ouvert associé à des cultures professionnelles sectorisées va favoriser la conflictualité.

74Axe 3 : De l'ambition et la logique d'action au projet

75L'ambition des acteurs et le fait qu'ils se situent dans la perspective d’un projet ne signifient pas forcément que nous soyons en présence d’une coordination exemplaire. Nous abordons ici le troisième axe. Assurer la coordination entre transport et urbanisme implique d'asseoir cette volonté sur un cadre législatif. Il est en particulier nécessaire que des plans directeurs, des lois cadres et de financement offrent des opportunités pour de telles réalisations. Dans notre corpus d’études de cas, le rapport « RER bernois et urbanisation » et ses suites législatives ont ainsi été décisifs pour assurer la coordination exemplaire observée dans l'agglomération bernoise.

76Au niveau législatif, relevons encore qu'il n'existe pas à proprement parler de loi financièrement incitatrice à la coordination, ni au niveau fédéral, ni dans les cantons. Il en résulte qu'en l'état actuel des choses, la coordination est plutôt un obstacle au financement d'un projet qu'un atout. Le prolongement du LEB à Lausanne l'illustre: dans la mesure où les opportunités de financement fédéral de ce projet émanent de la loi sur les chemins de fer, il doit impérativement relever de ce seul domaine pour s'assurer la manne fédérale.

L’origine des différences entre agglomérations

77Les différences observées entre les agglomérations entre termes d'articulation urbanisme-transport et de coordination des politiques relatives à celle-ci peuvent être lues à travers ces trois axes :

  • Nous observons des ambitions de coordination plus limitées en Suisse Romande (Genève, Lausanne) qu'en Suisse Alémanique (Bâle, Berne), qui découlent en dernière analyse d'une légitimité plus faible du respect de l'environnement et de la représentation du « champ du possible » induit par les politiques passées en matière d'articulation entre urbanisme et transport.

  • Nous assistons, dans les cas romands et pour le tram de Claragraben à Bâle, à une absence de définition a priori des objectifs d'une coordination entre les politiques des transports et de maîtrise de l'urbanisation. Cette situation se traduit dans le fonctionnement des dispositifs de coordination par une simultanéité de la définition des objectifs à atteindre en matière de coordination et de la gestation du projet. A contrario, les projets du pôle urbain du Wankdorf et la ligne verte du S-Bahn Bâlois répondent à des objectifs préétablis et partagés par les différents acteurs impliqués que le dispositif vise à atteindre (sauf pour la Région Alsace dans le cas de la ligne Verte du S-Bahn). Il résulte de la dichotomie entre objectifs à atteindre et réalisation du projet que la coordination est davantage dirigée vers le projet.

  • Les ambitions de la coordination sont associées aux opportunités différentes pour asseoir un projet. C'est ainsi que l'on peut différencier des cas où (1) les opportunités saisies relèvent de documents directeurs et des cas où (2) l'opportunité est essentiellement d'ordre financier et liée à la Confédération. On retrouve dans le premier cas de figure les projets les plus ambitieux, comme le pôle du Wankdorf à Berne et la ligne verte du S-Bahn bâlois, ainsi que le Rhône Express Régional à Genève (qui s'inscrit dans le projet Transports Collectifs 2005, qui ne prévoit cependant rien sur l'articulation entre l'urbanisation et les infrastructures de transports collectifs). Au chapitre de la saisie d'opportunités financières exogènes, se trouvent les projets de prolongement du LEB (Lausanne), le pôle de La Praille-Bachet (Genève) et le tram du Claragraben (Bâle).

Conclusion

78En Suisse, la coordination entre les politiques d'aménagement du territoire et de transports urbains et régionaux est nécessaire mais pas suffisante pour assurer une bonne articulation entre l'urbanisation et les infrastructures de transports collectifs. Telle est, exprimée de façon très synthétique, la principale conclusion sur laquelle débouche l'analyse des plans directeurs et des études de cas dans les quatre agglomérations étudiées.

79La coordination entre des politiques publiques ne peut se mesurer que par rapport à des objectifs. En introduction, nous avions relevé que les objectifs en matière de préservation du sol et de lutte contre la pollution contenus dans l'arsenal législatif suisse nécessitent une articulation entre l'urbanisation et les infrastructures de transports collectifs, ce qui implique une coordination efficace entre les politiques sectorielles qu'une telle articulation concerne. Or, il ressort des analyses que l'application des lois nationales sur la protection de l'environnement et sur l'aménagement du territoire, du ressort des cantons et des communes, est arbitrée localement par rapport à d'autres objectifs. Deux aspects révèlent cet état de faits. Tout d'abord, la conceptualisation des liens entre l'urbanisation et les réseaux de transport apparaissent de façon différenciée : à Bâle et surtout à Berne, ceux-ci ont pour ambition de déployer une ville polarisée autour des accessibilités en transports publics, tandis qu'à Genève et à Lausanne elle se construit à partir des accessibilités en voiture et en transports publics. Ensuite, l'ambition de la coordination est contrastée, elle est d'autant plus importante que la conceptualisation de l'interface urbanisation-infrastructures de transports publics est un objectif prioritaire. Dans ce contexte, on ne peut pas conclure que la coordination est mieux assurée dans les deux agglomérations alémaniques, puisque les objectifs et les ambitions diffèrent selon la ville considérée.

80Nous pouvons déduire de ces réflexions que les dispositifs de coordination mis en place dans les quatre agglomérations étudiées pour assurer le lien entre urbanisation et transports ne prennent sens que par rapport aux projets qu'ils sont chargés de mettre en œuvre. Nos analyses ont mis en évidence que le degré de conscientisation écologique, les politiques passées, les cultures professionnelles et les cultures politiques locales sont explicatives des différences de conceptualisation des liens entre urbanisation et transports entre les agglomérations étudiées. Ces dimensions montrent que la coordination ne résulte pas uniquement de facteurs endogènes aux dispositifs de coordination, mais relèvent aussi de facteurs exogènes.

81La coordination ne peut ainsi pas être réduite à une fonction de l'architecture institutionnelle et de la configuration des réseaux d'acteurs impliqués. Ces facteurs sont certes importants, notamment pour favoriser une logique de projet plutôt que de positionnement des différents acteurs dans des rapports de force institutionnels paralysants, mais dans les cas qui nous intéressent, ils n'apparaissent pas toujours comme prépondérants.

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Notes

1 L’analyse empirique dont est issue cette recherche datant de la fin des années 1990, nous reproduisons dans l’article des statistiques spatiales se rapportant à cette période, et non des données plus récentes.

2 Cette analyse n'a pu être réalisée que pour les parties suisses des agglomérations. Les parties françaises de l'agglomération genevoise et allemande et française de l'agglomération bâloise n'ont ainsi pas pu être intégrées à l'analyse.

3 L’ensemble de l’analyse spatiale comparative des quatre agglomérations suisses se réfère aux concepts développés par l’office Fédéral de Statistiques, qu’il s’agisse de la définition des agglomérations urbaines, ou de l’identification des contextes « urbains centraux » [les villes-centres], « suburbain » [communes de banlieues denses, d’emploi ou de logement], « périurbain » [communes pavillonnaires peu denses caractérisées par la prégnance de l’habitat individuel].

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Pour citer cet article

Référence électronique

Vincent Kaufmann et Fritz Sager, « Amarrer le développement urbain aux infrastructures de transport publics : examen comparatif des politiques locales de quatre agglomérations suisses »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 3 | 2009, mis en ligne le 09 septembre 2008, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/948

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Auteurs

Vincent Kaufmann

École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), Laboratoire de Sociologie Urbaine (LaSUR) Bâtiment Polyvalent, Station 16, ch-1015 Lausanne, Suisse, courriel : vincent.kaufmann@epfl.ch

Fritz Sager

Université de Berne, Institut de Science Politique (IPW) Unitobler, Lerchenweg 36, CH-3000 Bern 9, Suisse, courriel : sager@ipw.unibe.ch

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Droits d’auteur

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