Inondations en milieux urbains et périurbains
- Traduction(s) :
- Floods in urban and suburban areas [en]
Texte intégral
1Les inondations ont été longtemps considérées comme des « événements imprévisibles » ou des « catastrophes naturelles » inévitables, souvent vues comme une sorte de fatalité dont on ne pouvait se soustraire. L’occupation progressive des rives et la transformation des plaines inondables ont peu à peu fait prendre conscience du pouvoir de transformer ces environnements dynamiques et de les adapter selon les besoins des différentes activités humaines. Aujourd’hui, on cherche tant bien que mal à maîtriser ce phénomène et surtout, on le considère de plus en plus comme un risque qu’il convient d’évaluer et, gérer selon les contraintes administratives, physiques et environnementales. Dans le cadre de ce numéro thématique sur le thème « Inondations en milieux urbains et périurbains », des auteurs abordent le risque d’inondation en termes d’aménagement et de gestion du territoire, ce qui nous amène à réfléchir sur les modes d’occupation, la croissance des villes et l’incohérence de la planification et du développement urbain. La tension entre la planification urbaine et la gestion des risques est clairement exposée dans les textes de Beucher et Reghezza-Zitt pour la grande agglomération parisienne et de Richards, White et Carter pour les villes anglaises. Les premières auteures nous font part des principales difficultés de gestion des risques d’inondation au regard des politiques actuelles d’aménagement du territoire français et qui ne sont pas nécessairement bien adaptées aux grands espaces métropolitains et densément urbanisés comme Paris et sa banlieue. L’une de ces difficultés réside dans l’arrimage entre la structure actuelle de l’organisation politique du territoire francilien et les actions menant vers une approche globale de la gestion du risque qui tienne compte d’une réelle coopération entre Paris et sa banlieue. Le texte de Richards et al. traite également des incohérences entre les pratiques d’aménagement local et de gestion des risques d’inondation pour certaines villes anglaises. Ces auteurs soulèvent sensiblement les mêmes préoccupations à propos d’un manquement ou un déficit de mise en œuvre collective face à une gestion intégrée du risque. En effet, les politiques d’aménagement mises de l’avant ne semblent par répondre adéquatement à la gestion collective des problèmes liés aux inondations. Les auteurs proposent de revoir la structure actuelle de la politique d’aménagement à une échelle locale, afin d’en arriver à des solutions adaptées et stratégiques, sans compromettre les besoins spécifiques du développement des communautés locales.
2L’article de Dupont, Valy et Inserguet nous fait voir les adaptations apportées à l’aménagement du territoire pour les agglomérations à forte croissance, comme celles des communes rennoises en Bretagne. Les auteurs nous montrent comment les conditions hydroclimatiques changeantes ont entraîné, par le fait même, une succession d’épisodes d’inondation qui, à leur tour, ont contribué progressivement à revoir et modifier les plans d’occupation du sol et les plans locaux d’urbanisme et ce, dans le but de réduire et même d’interdire l’urbanisation dans les zones inondables. Bien que le problème demeure entier pour les habitations anciennes qui occupent toujours ces zones vulnérables, on voit une réelle volonté de l’état de soustraire ces espaces au développement urbain ou périurbain par des contraintes juridiques plus strictes. Ceci nous amène d’ailleurs à évaluer si la réglementation actuelle et surtout si les outils d’analyse pour la gestion et la prédiction des inondations sont suffisamment efficaces pour répondre adéquatement à ces événements. À cet égard, l’article de Drouin propose un modèle de simulation des niveaux d’inondation à partir d’un système d’information géographique (SIG) qui cherche à maximiser les données spatiales concernant l’étendue de la nappe d’eau lors des débordements. Il s’agit, en fait, de préciser par une cartographie détaillée des éléments fins du relief (microtopographie), afin de visualiser le plus précisément possible l’étendue de la nappe d’eau à différents niveaux ou débits de la rivière, et ainsi dénombrer tous bâtiments, industries, routes ou autres infrastructures qui risquent d’être affectées lors d’inondations.
3On doit également s’interroger sur une certaine négation de reconnaître les événements historiques associés aux catastrophes naturelles et aux inondations, comme des indicateurs valables et des assises précieuses pour mieux comprendre les mécanismes de ces phénomènes et d’utiliser et d’intégrer ces événements du passé pour une meilleur planification et gestion des risques en milieu urbain notamment. À ce titre, la reconstitution historique des événements d’inondation permet de mieux saisir les liens entre ce phénomène et les variations hydroclimatiques, afin de tenter de dresser un parallèle entre ces aléas naturels et l’occupation du territoire. Saint-Laurent et Hähni reconstituent ainsi les événements d’inondation sur près d’un siècle pour les villes de l’Estrie. Elles exposent les liens entre les récurrences des inondations, les variations hydroclimatiques et les principales modifications du territoire. On constate que malgré les dommages causés par les inondations, de nature quasi périodiques, les populations riveraines de ces villes demeurent toujours vulnérables et que, malgré la mise en place des politiques gouvernementales de protection des rives et des plaines inondables, le problème des inondations demeure entier. Pour sa part, Blanchard s’attarde à décrire deux grandes inondations historiques (1733 et 1740) d’une ampleur catastrophique pour la ville de Grenoble en France. Il expose, entre autres, les mécanismes de résilience d’une communauté pour tenter de s’adapter et d’atténuer les « assauts de la nature » et de se forger une conscience du risque. C’est une façon d’utiliser les connaissances de ces « catastrophes » pour développer en quelque sorte des mécanismes d’acceptabilité pour les communautés soumises à de tels événements, et qui peuvent mener à des mesures concrètes, dont la préservation de l’espace agricole périurbain exposé aux crues ou à la protection des arbres en zone inondable.
4Dans un troisième temps, la problématique des inondations touche des villes où la croissance urbaine connaît un essor considérable. Ainsi, Pierdet montre, en observant les infrastructures hydrauliques de Phom Penh, comment cette ville populeuse est aux prises avec des inondations périodiques, lesquelles résultent de nombreux facteurs physiques et géographiques qui ont des incidences directes sur les fluctuations du fleuve Mékong. Elle montre les nombreuses difficultés d’aménagement et d’implantation des infrastructures visant la réduction et la prévention des inondations, notamment dans un contexte où plusieurs données sont manquantes, limitant d’autant les connaissances sur la dynamique et le comportement de ce grand fleuve. Les événements extrêmes qui entraînent des inondations catastrophiques sont également difficile à prévoir, d’où la nécessité de revoir les stratégies de protection. L’article de Maret et Goeury invitent le lecteur à réexaminer les stratégies de protection contre les risques d’inondation dans des zones hautement vulnérables comme la Nouvelle-Orléans. Faut-il rappeler les terribles conséquences du passage de l’ouragan Katrina, en août 2005, qui a entraîné non seulement de nombreuses pertes humaines, un exode massif des résidants mais aussi a laissé derrière lui une ville en bonne partie détruite. Les auteurs mettent en lumière justement les défaillances des mesures de sécurité et des modes de gestion qui doivent assurer la protection des populations urbaines et des infrastructures existantes. À cet effet, les auteurs soulignent l’importance de prendre en compte les impacts des futurs aménagements de la ville sur l’équilibre entre le milieu naturel et la rapide croissance urbaine de cette région.
5Pour terminer, notre attention se porte sur la complexité du risque d’inondation, suivant divers niveaux de compréhension et d’intervention. Tricot élabore une lecture critique des notions de risque, de catastrophe, de périurbanisation et de proximité. Dans un premier temps, elle expose l’évolution des politiques et des plans de prévention des risques d’inondation à l’échelle nationale et, dans une deuxième temps, montre à l’aide de cas concrets dans la région de Pau, dans le sud-ouest de la France, comment les différentes agglomérations ou communes se sont ajustées et adaptées aux phénomènes de l’urbanisation et du risque d’inondation.
Pour citer cet article
Référence électronique
Diane Saint-Laurent, « Inondations en milieux urbains et périurbains », Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 2 | 2008, mis en ligne le 09 septembre 2008, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/853
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