1On propose, dans cet article, de décrire finement un réseau urbain à travers un graphe cellulaire qui devient alors un support riche d’informations pour un Système Multi Agent (SMA). Celui-ci modélise la circulation des véhicules en fonction de l’état du réseau (plan de circulation et conditions de circulation). Le but est de localiser finement les émissions de polluants en fonction de la vitesse instantanée au regard de la qualité d’écoulement du trafic dans un réseau.
2Poser l’hypothèse d’un impact du réseau et des conditions de circulation en zone urbaine paraît totalement justifiée. Les conditions de circulation sont très différentes d’un carrefour à l’autre, d’une rue à une autre, mais aussi sur une même rue selon les aménagements rencontrés. Il apparaît que la théorie des graphes à travers les graphes cellulaires est particulièrement adaptée pour décrire la diversité de l’espace, aussi bien au niveau des rues que des carrefours.
3La théorie des graphes est pertinente pour décrire les réseaux, mais ne permet pas dans son utilisation classique une description fine de l’espace. Cette description suppose une multiplicité des arcs et des nœuds peu compatible par sa lourdeur à un SMA. La contraction en cellule permet de limiter le nombre d’éléments du graphe tout en offrant une description très fine du réseau plus fidèle de l’hétérogénéité de l’espace.
4La finesse de description du réseau urbain est indispensable pour évaluer correctement la dynamique des véhicules par l’intermédiaire d’un SMA afin de tenir compte des changements d’allure, et de localiser finement sur le réseau les impacts de la circulation sur les émissions de polluants.
5Le présent article est composé de trois parties. On débutera par la description fine d’un réseau avec la transformation d’un graphe quelconque en graphe cellulaire. Cette description doit s’étendre à la prise en compte des éléments qualitatifs qui seront utilisés pour fournir aux agents l’information permettant de respecter le code de la route et le plan de circulation.
6On présentera dans la seconde partie le SMA qui va évaluer la dynamique des agents en fonction de règles afin de donner une estimation des émissions de polluants. On a cherché à décrire et à expliquer les conditions ou les règles de circulation à partir des comportements individuels et non de groupe, cette approche s’adaptant particulièrement bien à une description fine du réseau.
7On verra dans la troisième partie quelques résultats de l’approche de la localisation des émissions à travers les graphes cellulaires et les SMA.
8On n’entrera pas dans les détails de la transformation d’un graphe classique en graphe cellulaire. On se limitera plutôt à énoncer le principe en fournissant le résultat final.
9Le graphe sommital et la dualité des graphes (Berge, 1970) sont utilisés pour modifier les éléments constitutifs d’un graphe classique (aussi bien les arcs que les nœuds) en graphe cellulaire proposant une description beaucoup plus fine (chaque cellule mesurant cinq mètres) (Mathis, 2003). La description de l’espace ne doit donc pas se restreindre aux caractères physiques du réseau comme la longueur ou le nombre de cellules par nœuds représentatifs du nombre de rues branchées sur l’arc mais également aux caractéristiques qualitatives afin de prendre en compte le plan de circulation. Le principe de transformation en graphe cellulaire s’articule sur une subdivision puis une transformation des arcs et des nœuds du graphe.
10Pour chaque arc (ou rue du réseau), on introduit des nœuds équidistants de cinq mètres comme le montre la figure 1.
- 1 Le degré correspond au nombre d’arcs connectés au nœud, un nœud sur lequel se branchent deux arcs e (...)
- 2 Dans la théorie des graphes, cette étape est une recherche de l’antéprimal du graphe dual.
11L’arc 1,2 est défini entre les deux sommets « un » et « deux » de degré strictement supérieur à deux1. Ceux-ci correspondent aux carrefours des deux extrémités de la rue. On divise l’arc en intercalant des nœuds de degré deux. L’ensemble des arcs reliant deux sous sommets fait partie de l’arc 1,2. Les éléments de cet ensemble possèdent tous les mêmes attributs (à l’exception des coordonnées) hérités en grande partie de l’arc 1,2. On définit autour de chaque nœud une surface équivalente aux cellules2 (Figure 2). Cette figure montre une rue en simple voie de circulation et une rue en double sens de circulation.
Fig. 1. Subdivision d’un arc.
Fig. 2. Transformation d’un arc.
12La théorie des graphes s’applique à ce type de représentation. Toutefois, elle est insatisfaisante au regard du carrefour. En effet, dans le cas de la circulation routière, où une cellule ne peut être occupée par deux véhicules au même moment, la représentation suppose qu’un véhicule ne puisse pas sortir de l’arc si un premier entre dans celui-ci. La subdivision du nœud (correspondant au carrefour) devient indispensable, ce passage suit le même principe de subdivision et de transformation.
Fig. 3. Digraphe sommital.
13À partir d’un sommet simple d’un graphe, on définit le graphe, ou dans le cas de la figure suivante le digraphe sommital (Figure 3) qui est une subdivision du nœud résultant d’une individualisation des arcs, selon certaines conditions. Par exemple, les deux arcs résultant d’une rue en double sens de circulation ne peuvent pas être connectés au même sous-sommet S1. De même, les deux voies de circulation d’une rue à deux voies ne peuvent pas être connectées au même sous-sommet S1. Cette étape permet de ranger les arcs autour du sommet afin de rendre compte du plan de circulation.
14En recherchant l’anteprimal de ce digraphe on obtient le graphe anteprimal de la figure 4. Ce dernier met en relation quatre surfaces ou cellules entre elles, dans lesquelles les agents du SMA vont pouvoir circuler.
15Cette méthode « d’extension du graphe par création de subdivisions » accompagnée d’une recherche de l’anteprimal (Mathis, 2003), permet d’établir la transformation des sommets et des arcs en surfaces, sur lesquels vont s’appliquer la théorie des graphes. On pourra, à partir de l’anteprimal, définir les sens de circulation notamment pour les carrefours et surtout calculer la capacité de chaque sommet en termes de trafic ou d’émissions. Les relations existant entre les sommets du graphe « classique » se retrouvent strictement dans le graphe cellulaire, permettant ainsi d’utiliser la théorie des graphes sur les graphes cellulaires.
16L’avantage de cette méthode est de pouvoir utiliser les graphes déjà existants et de les transformer avec nos algorithmes en graphe cellulaire sans avoir à numériser à nouveau le réseau.
17La carte 1 traduit le résultat de cette transformation du réseau du quartier Prébendes de la ville de Tours. On y retrouve le graphe à l’origine de la transformation cellulaire (Chapelon, 1997), et le graphe cellulaire lui-même. Le graphe classique détaillé dans la cartouche se compose de 103 nœuds ou carrefours et de 243 arcs.
18Le graphe cellulaire est donc l’expression d’une description plus fine totalisant 5 546 cellules. On observe sur ce dernier des « deux fois deux voies », les sens uniques, les tourne-à-droite ou les tourne-à-gauche. De plus, les nœuds cellulaires sont proportionnels aux nombres des voies débouchant ou partant des sommets (par hypothèse de construction).
Fig. 4. Anteprimal du digraphe sommital.
Carte 1. Graphe cellulaire du quartier THIERS PREBENDES à TOURS
19La figure 5 expose en détails le résultat de la transformation. Il ne faut pas oublier que ce graphe définit l’espace sur lequel les agents vont circuler.
20Finalement, on constate que la méthode de transformation d’un graphe classique décrivant une rue par un seul segment défini entre deux carrefours eux-mêmes représentés par deux points en graphe cellulaire donne de bons résultats. Les carrefours ont à travers un graphe cellulaire une dimension spatiale supplémentaire reflétant leur taille et leur forme qui n’existe pas dans la théorie des graphes. Cette représentation physique du réseau est importante pour la bonne circulation des agents.
21De plus, l’objectif de ce graphe est de servir de support à la circulation d’agents et doit donc posséder toute l’information nécessaire au bon déroulement de la circulation dans un espace contraint par le code de la route et la forme du réseau.
22Notre approche répond à ce double objectif de description quantitative d’un réseau de transport (taille et forme des rues et des carrefours), tout en permettant une finesse de la définition des caractères qualitatifs liés au code de la route indispensables à la circulation des véhicules.
Fig. 5. Exemple détaillé d’un graphe cellulaire.
23Un système multi-agents est un ensemble d’agents situés dans un environnement et interagissant selon des règles. Ce type de modélisation est particulièrement bien adapté à la modélisation du trafic automobile puisqu’un trafic est composé d’un ensemble discret de véhicules qui partagent le même espace et le même objectif conditionnel, celui d’arriver au point de destination sans accident en suivant les règles du code de la route.
24De manière générale, l’automobiliste a un comportement auto centré, puisqu’il adapte selon son environnement proche, son comportement à son objectif. Il tient compte des automobilistes le précédant, des contraintes imposées par l’espace (largeur de rue, rayon de courbure...) et de sa capacité à évaluer ces contraintes. En conséquence, il n’a pas de vision rationnelle totale du trafic.
25Si on s’attache au comportement de l’automobiliste, il va être nécessaire d’établir des règles de comportement, ou plus précisément de conduite et donc de définir un comportement de base commun à tous les automobilistes rendant ainsi possible la modélisation. L’objectif n’est pas de définir une sociologie du comportement de conduite selon l’âge, le sexe ou la catégorie socioprofessionnelle mais plutôt de définir les schèmes qui régulent les actions de conduite, à l’intérieur desquels des choix sont proposés aux conducteurs. Ces règles s’organisent autour des variables microscopiques comme les vitesses instantanées, l’accélération ou bien la distance entre deux véhicules.
- 3 Il s’agit ici du temps employé comme un instant et non comme une durée.
26On a posé comme condition fondamentale que deux véhicules ne doivent pas à un temps3 donné occuper le même espace. Ceci implique, d’une part, que les situations d’accident sont écartées (dans un premier temps) et, d’autre part, que l’équation de la distance d’arrêt devient incontournable dans l’élaboration des règles de conduite.On définit deux familles de règles (Decoupigny, 2006b) qui vont régir ou guider le comportement d’un automobiliste. La première, les règles strictes, combine les contraintes spatiales à certaines règles du code de la route à partir desquelles on définit un comportement appelé limite exprimée par des vitesses limites que les automobilistes ne peuvent pas dépasser afin de respecter le code de la route et l’intégrité du véhicule. La seconde, les règles souples, regroupe des règles liées à des comportements types (tels que les règles de stationnement, de démarrage ou de dépassement). Souples, parce qu’elles offrent une liberté de choix selon le tempérament d’un conducteur. Ces deux familles de règles délimitent un espace de liberté dans lequel nos agents (les automobilistes) vont effectuer leurs trajets à différentes allures avec des comportements variés, certains limitant l’espace avec le véhicule précédent, d’autres respectant systématiquement les limites de vitesse.
27La carte 2 localise sur le réseau les vitesses limites imposées par la forme du réseau (longueur des voies et rayon de courbure) et par le plan de circulation (arrêt, cédez le passage ou priorité à droite…). On n’a pas représenté sur cette carte les vitesses dans les nœuds. Par exemple, la présence d’un arrêt impose à l’automobiliste une vitesse nulle. Par conséquent, la contrainte d’une vitesse nulle en un lieu de l’espace fixe aux cellules précédentes une vitesse maximum sous peine de ne pas pouvoir respecter l’arrêt, cette distance de freinage dépend de la masse et de la vitesse des véhicules.
28Les contraintes spatiales imposent une vitesse maximale aux agents dans un espace spécifique. Cependant, à l’intérieur de cet espace contraint les agents ont la liberté de fixer leur allure ou d’effectuer des actions particulières afin de réaliser leur objectif de déplacement.
29La figure 6 montre les familles de règles élaborées dans le modèle, que tous les agents sont dans l’obligation de respecter.
30Les automobilistes (agents) vont se déplacer sur le réseau (graphe) selon les règles du code de la route et de comportement en utilisant les informations portées par le graphe comme la localisation des arrêts ou des feux de circulation qui vont déterminer sur le réseau les vitesses maximales (Carte 3).
- 4 Cette matrice peut être vide et se remplir au fur et à mesure du cheminement de l’agent avec les te (...)
31Il est nécessaire avant une simulation de déterminer pour tous les agents une classe de comportement qui fixe l’accélération maximum et la distance de freinage minimum que chaque agent ne pourra dépasser. On précise alors l’origine et la destination des déplacements de chacun dans une matrice de déplacement4. Enfin on positionne les agents sur le réseau en respectant la règle d’un agent par cellule. À ce moment appelé t0 la simulation peut débuter, tous les agents ayant une vitesse et une accélération nulle.
Carte 2. Vitesse limite selon les trajectoires et le type de fin d’arc Quartier Hugo Prébendes à Tours, 2 850 cellules
Fig. 6. Organisation des règles.
32On a défini des agents têtes de file qui correspondent aux agents les plus proches de la sortie d’une rue ou d’un carrefour, ils n’ont aucun agent devant eux sur le chemin de la rue ou du carrefour restant à parcourir. On a hiérarchisé un ordre de traitement des agents selon leur localisation sur le graphe. Les premiers agents à être traités sont ceux situés dans les carrefours et notamment les têtes de file, ensuite on s’attache à ceux localisés sur les arcs en commençant par les têtes de file.
33L’avancement des agents s’articule sur des rétroactions entre l’espace et le SMA. Pour chaque agent i on calcule la distance parcourue par seconde (on estime la dynamique d’un agent à chaque seconde) et la vitesse instantanée en considérant l’accélération maximum de la classe de comportement. Si cette vitesse simulée est supérieure aux vitesses limites des cellules parcourues (prise en compte des contraintes physiques du réseau) alors on recalcule la vitesse afin qu’elle soit inférieure aux vitesses limites des cellules traversées (rétroaction du réseau sur les agents). Si une cellule traversée par un agent simulé est occupée par un autre agent j alors la dynamique doit vérifier la condition suivante :
-
Distance simulée de l’agent i entre (t et t+1) + distance de freinage simulée de l’agent i à l’instant (t+1) < distance de freinage observée de l’agent j à l’instant (t+1) + la distance séparant les deux véhicules.
34Si cette condition est vérifiée pour tous les agents et à chaque instant, alors il n’y a pas de contact physique entre les véhicules.
35Pour chaque véhicule, on compare la vitesse à la distance parcourue avec les contraintes physiques imposées par le réseau et les contraintes imposées par les autres agents. Si la dynamique simulée d’un agent peut se réaliser dans le respect des règles alors on valide la position et la dynamique de l’agent. À chaque seconde, la position des agents est enregistrée sur le réseau et permet aux agents d’estimer les conditions de circulation afin d’adapter leur conduite. À l’approche d’une priorité à droite, un algorithme estime la possibilité de passer ou non le carrefour en fonction de la dynamique des véhicules à proximité de la priorité.
36Connaissant à chaque seconde la vitesse et l’accélération de chaque agent, on calcule aisément les émissions émises pendant une seconde que l’on affecte sur les cellules parcourues par ce même agent. On peut suivre les émissions d’un agent sur un itinéraire ou encore celles d’un ensemble de véhicules sur le réseau.
37Les émissions sont calculées à partir de formules donnant les émissions en fonction de la vitesse instantanée et de l’accélération issue des travaux de chercheurs de l’université de Hong Kong (Chan et al., 2002). Il est difficile de trouver les relations entre les émissions et le couple vitesse instantanée / accélération. Ainsi, les travaux du programme MEET (Methodologies for estimating air pollutant from transport, de la Commission Européenne) donnent uniquement les émissions des véhicules en fonction de la vitesse moyenne, ce qui ne permet pas de différencier finement les émissions dans l’espace en fonction des conditions de circulation. Le programme de recherche européen ARTEMIS (Assessment and reliability of transport emission models and inventory systems1999-RD, programme établi en 2000 à la suite du programme MEET) s’attache, entre autres, à évaluer les émissions en fonction de la vitesse instantanée et de l’accélération, mais les résultats de ses travaux ne sont pas encore publiés. Il sera possible de compléter la palette de polluants pris en compte dans le modèle comme le dioxyde de carbone ou l’ozone.
38On présentera des résultats sur la localisation des émissions de polluants issues du trafic et sur le suivi de la dynamique des agents afin de localiser l’estimation des émissions de polluants sur le réseau.
39Cette simulation se réalise avec 20 agents pendant 100 secondes partant du dernier arc modélisé de l’avenue Grammont (Tours). Les carrefours situés aux intersections entre la rue Salengro, de l’avenue Grammont, de la rue George Sand et de la rue d’Entraigues. Ceux-ci possèdent un feu de circulation en fin de section fixé au vert au départ de la simulation. Il existe également une priorité à droite à respecter sur le trajet entre les rues Salengro et Pinaigrier.
Carte 3. Plan de circulation du graphe cellulaire du quartier Victor Hugo à Tours
40La carte 4 montre le nombre d’agents traversant les cellules au cours de la simulation. La totalité des agents est parvenue jusqu’au deuxième feu. Par la suite, on observe une diminution du débit par cellule, seul le premier véhicule atteint le troisième feu totalisant un parcours de 782 mètres pour une vitesse moyenne de 28 km/h, contre 323 mètres à une vitesse moyenne de 11,5 km/h pour le dernier véhicule. Bien que les agents circulent sur le même chemin, ils adoptent des comportements différenciés.
41Il existe plusieurs raisons pour expliquer les différences du nombre de véhicules par cellule. La première est évidente puisque les agents situés en queue de file ne peuvent pas dans le respect des règles arriver, à la fin des 100 secondes que dure la simulation, à la même cellule que le premier véhicule. La seconde se réfère à la modification de l’état de l’espace dans le temps; en effet les contraintes imposées par le feu tricolore de l’avenue Grammont sont modulées selon l’état rouge ou vert.
42Ce changement d’état de l’espace se traduit par des temps d’occupation variables (Carte 5) sur le parcours des cellules, ils correspondent au temps pendant lequel une cellule est occupée ou parcourue par un véhicule. Ces temps sont l’expression de la densité de trafic, d’une part, et du plan de circulation, d’autre part. Le temps d’occupation des cellules est proportionnel au nombre d’agents, du code de la route (arrêt ou priorité à droite) et du rayon de courbure. Ces derniers fixent la vitesse maximale des véhicules sur chaque cellule et donc le temps minimal d’occupation par agent. Ces espaces fortement contraints par le plan de circulation vont en présence d’un fort trafic imposer des temps d’occupation importants c’est-à-dire un débit faible.
43Finalement, les véhicules ont parcouru entre 320 mètres (pour le dernier agent) et 780 mètres (pour le premier) avec une vitesse moyenne variant de 11 à 28 km/h. Entre ces deux extrêmes se cache une diversité de comportements d’un véhicule à l’autre, d’une part, et au sein du profil de vitesse de chaque individu, d’autre part.
Carte 4. Nombre de véhicules ayant traversé une cellule Quartier Prébendes à Tours
Carte 5. Occupation des cellules
44La figure 7 met en avant les profils de vitesse des agents en fonction du temps. Les pointillés en bleu figurent le démarrage de chaque agent alors que les pointillés en noir indiquent des instants identiques (curseur temporel) pour tous les agents.
45La zone 1 montre le profil du premier véhicule jusqu’au feu de circulation de la rue Salengro, la zone 2 correspond à un arrêt, la 3 est identifiée à la section comprise entre le feu de circulation et la priorité à droite, la zone 4 correspond à la section terminale de la rue Salengro, alors que la 5 décrit le parcours de la rue du Belvédère et d’Entraigues.
46L’agent 1 démarre à la première seconde de la simulation et entre directement dans le carrefour avant de ralentir en vue du feu de la rue Salengro afin de respecter le feu rouge, dans le même temps (zone 1) le véhicule 2 a un décalage au démarrage. Pendant les premières secondes du déplacement, l’accélération des véhicules suivants est contrainte dans un premier temps avec une intensité variable par le véhicule qui les précède puis à partir du quatrième véhicule par la vitesse imposée par la trajectoire dans le carrefour. Tandis que le véhicule de tête entre dans la rue du Belvédère (zone 5) le véhicule 3 vient juste de passer la priorité, le quatrième y accède et ainsi de suite.
47On remarque que les profils des parcours sur la section précédant la priorité se détériorent au fur et à mesure que les véhicules entrent sur l’arc. En effet, le véhicule de tête règle sa vitesse uniquement en fonction des contraintes du code de la route et du réseau, les autres doivent également tenir compte des véhicules positionnés devant eux. Quand les agents sont dans l’obligation de ralentir, les derniers de ce groupe, alternent des phases d’accélération et de freinage successives à faible vitesse que l’on pourrait assimiler à du stop and go d’une file d’attente.
48Si le profil du véhicule de tête est régulier et homogène dans ses phases d’accélération et de freinage, les véhicules suivants ont des profils plus saccadés sur certains arcs voire très irréguliers sur d’autres, selon les contraintes du réseau, du code de la route et selon la densité de trafic. Les sept premiers véhicules sont donc soumis aux mêmes contraintes, celles imposées par le réseau et le code lié au chemin des agents qui s’observent strictement sur le premier véhicule (définissant les cinq zones) tandis qu’on aperçoit croître les contraintes du trafic avec l’indice des véhicules. Plus l’indice du véhicule augmente plus il y a d’agents devant lui. Il est vrai que le véhicule 7 n’est pas en contact direct avec le véhicule 4 par exemple mais subit son influence à travers les véhicules 5 et 6, avec un effet d’amortissement expliquant alors l’augmentation de l’hétérogénéité des zones en fonction de la place de l’agent.
49Dans la plupart des cas, on assimile une circulation de véhicules à un liquide aussi bien dans l’étude quantitative que dans le vocabulaire utilisé, puisque l’on parle aisément d’écoulement, de turbulences, de débit, de flux. Cette correspondance n’est pas inexacte, néanmoins, comme le suggère l’utilisation du terme d’amortissement on s’approche peut-être plus de la physique des ondes que de la physique des liquides comme le propose la figure 8.
Fig. 7. Profil de vitesses des véhicules
Fig. 8. Ondes de contraintes du trafic
50On a vu que le véhicule de tête interagit avec les véhicules qui le suivent avec une intensité variable. De même le véhicule 2 impose des contraintes supplémentaires aux autres agents. La figure 4 schématise l’impact de ces interactions, assimilant un agent non pas à une molécule de liquide mais à une onde.
51L’amplitude de l’impact du premier véhicule sur le second est l’expression des contraintes du réseau et du code de la route à un instant t qui s’exerce sur le second véhicule à l’instant t+n en fonction de la distance qui les sépare; elle diminue alors avec la distance (ou le temps), au-delà d’une distance (ou d’un temps de parcours) séparant les deux véhicules cette interaction disparaît. Par la suite, selon la localisation d’un flux, de sa densité, on peut définir les contraintes liées au trafic qui s’exercent sur un agent à un instant t de son parcours. Cette dernière prend en compte les contraintes qui s’imposent à tous les véhicules qui le précède. Cette notion d’amortissement progressif de l’impact d’un véhicule se réalise s’il existe des véhicules suivants afin de propager l’onde du comportement. Après le véhicule 5 du schéma de l’amplitude de l’impact du trafic, l’absence d’un sixième véhicule ne permet pas à l’onde de se propager et l’expression de son existence sur un autre agent disparaît.
52On voit bien dans cet exemple que le nombre, la densité des agents, leur comportement à un instant donné, associés au plan de circulation modulent les interactions entre les agents et règlent l’avancement d’un flux ou d’un groupe d’agents.
53La carte 6 montre des émissions très fortes sur les cellules qui ont eu un nombre d’agents important avec des vitesses faibles lors des arrêts soit aux feux de circulation soit à une priorité à droite.
54De manière générale, les émissions se concentrent aux extrémités des sections lorsque des arrêts sont prévus (feu, stop), dans le carrefour et sur la section suivante lors de la phase d’accélération. Au regard de cette figure et de celle des temps d’occupation, on observe que les arrêts sont fortement pénalisant. À l’arrêt, l’émission (moteur chaud) est plus faible qu’à une vitesse de 10 km/h. Le temps pendant lequel le véhicule est à l’arrêt devient important. Les cellules situées avant les feux génèrent des temps d’attente conséquents approchant 50 % du temps de la simulation, ces temps variant selon les arcs d’un facteur de un à dix. L’insertion des temps d’arrêt dans le calcul de la vitesse moyenne sous-estime l’impact de ces temps dans l’évaluation des émissions calculé avec la méthode de la vitesse moyenne, et ne permet pas de les localiser précisément dans l’espace. Quand un véhicule est arrêté à un feu de circulation l’émission se situe exactement au niveau du feu et n’est en aucun cas dilué sur les cinquante mètres précédent le feu.
55On observe une diminution des émissions de monoxyde de carbone avec le nombre d’agents circulant sur les cellules qui est cependant dépendante du comportement des véhicules. L’influence du nombre d’agents et des rythmes de conduite sur les émissions et l’écoulement du trafic est variable dans le temps et dans l’espace.
56La figure 9 rend mieux compte à l’échelle d’une rue de la diversité de la quantité de polluants émise en fonction de l’espace. Les extrémités de la rue correspondent en début et en fin de section à une phase d’accélération et d’arrêt pour celle située proche de feu rouge. Bien que toutes les cellules aient été parcourues par le même nombre d’agents, les émissions aux extrémités sont fortement différentes.
57Les cellules placées en milieu de section ont des émissions trois à quatre fois plus faibles induites par des vitesses plus fortes qu’aux extrémités.
58On se rend bien compte que les émissions ne sont pas homogènes sur l’espace, la figure 10 les exprime en fonction des arcs. Évidemment l’avenue Grammont et la rue Salengro sont exposées plus intensément aux émissions que la rue d’Entraigues (pour laquelle le trafic est beaucoup plus faible), on retrouve de manière globale les émissions de la carte précédente. Il est intéressant d’observer que le trafic de la première section de la rue Salengro génère plus d’émissions en grammes que le trafic de la rue Salengro entre les carrefours des rues George Sand et Pinaigrier (quatre fois plus). En revanche, si on ramène ces émissions à la distance de l’arc, le rapport n’est plus que d’un facteur de deux, suggérant que le potentiel d’émissions de cette section est plus important que celui de la première section alors que le nombre d’agents ayant traversé celle-ci est plus faible.
59Les émissions dans les carrefours sont comme pour les arcs très différentes selon la localisation. Bien entendu, le nombre de véhicules intervient puisque l’on observe de fortes disparités entre le carrefour à fort trafic (avenue Grammont) et celui à faible trafic (rue d’Entraigues).
Carte 6. Émission en grammes par cellule
Fig. 9. Émission de monoxyde de carbone en grammes par cellule de la rue Salengro entre l’avenue Grammont et la rue George Sand.
Fig. 10. Émissions par nœud et par arc.
60Le nœud Grammont/Salengro présente plus d’émissions que le nœud Salengro/Sand. Cette différence s’explique par la distance parcourue par les derniers véhicules qui ne parviennent pas jusqu’à ce carrefour, 15 véhicules ont parcouru ce nœud contre 19 pour le carrefour Grammont/Salengro. Rapportées au nombre d’agents, les émissions par nœud deviennent :
-
0,085 g/véhicule pour le carrefour Grammont/Salengro;
-
0,096 g/véhicule pour le carrefour Salengro/Sand;
-
0,1325 g/véhicule pour le carrefour Salengro/Pinaigrier.
61Les deux premiers nœuds ci-dessus ont des accès régulés par un feu tricolore alors que l’accès du troisième est conditionné par une priorité à droite. De fait, tous les véhicules entrant dans le nœud Salengro/Pinaigrier le font avec une vitesse faible, alors qu’en fonction de l’état de feu (rouge ou vert) les agents entrant dans les deux autres ont soit une vitesse faible (cas où les agents démarrent) soit une vitesse plus importante (cas où les agents sont déjà lancés).
62À travers ces résultats deux facteurs agissent sur la dynamique des véhicules et les émissions dans le cas où tous les individus sont mus par un même comportement :
-
les vitesses limites, définies à partir du plan de circulation et de la forme du réseau;
-
le nombre d’agents présents dans l’environne-ment proche des conducteurs.
63Le plan de circulation, le respect des règles du code de la route vont donc brimer la vitesse des agents alors même que le véhicule est seul sur le réseau indépendamment de la densité du trafic.
64Évidemment, on sait ou on pressent tous que les émissions en fin de section seront plus fortes en raison des ralentissements occasionnés par une priorité ou un arrêt par exemple, or l’objectif de cette recherche ne réside pas dans cette démonstration. On rappelle que le but d’un modèle d’aide à la décision est de décrire l’existant en fonction d’hypothèses de travail comme le changement de feux de circulation. Il s’agit également d’offrir la possibilité d’évaluer tel ou tel changement dans l’aménagement de l’espace. Il est clair qu’un modèle ne décrira que partiellement la réalité sans jamais pouvoir l’atteindre, Il reste néanmoins que la mise à jour des processus régissant la circulation permet d’obtenir des prévisions très utiles à l’aménagement d’un espace.
65On a montré ici un exemple de simulation, à partir duquel on pourrait modifier les propriétés physiques ou le plan de circulation d’un espace notamment en y aménageant un dos d’âne (Decoupigny, 2006a). La simulation permet également de mesurer les impacts sur les conditions de circulation aussi bien que sur les émissions.
66La méthode de transformation en graphe sommital puis en graphe cellulaire initiée par Mathis (à paraître) et la recherche d’algorithmes de généralisation de cette méthode comme support à un SMA est particulièrement robuste. Elle s’applique aussi bien à des formes simples de graphe qu’à des formes plus complexes, qu’à des graphes planaires ou non planaires, tout en respectant la théorie des graphes.
67L’échelle spatiale choisie revêt un caractère particulièrement prépondérant dans l’analyse des déplacements et des émissions de polluants. Le graphe cellulaire permet une description fine des caractéristiques du réseau (nombre de voies, tourne-à-gauche, dos d’âne…), de localiser précisément les priorités afin de tenir compte du plan de circulation. L’association à un SMA offre la possibilité de localiser très finement sur le réseau les émissions de polluants et les conditions de circulation au regard de la forme du réseau et du plan de circulation.
68Si l’on désire localiser les émissions sur un graphe de réseau urbain le calcul des émissions utilisant la vitesse moyenne devient délicate compte tenu de la diversité des rythmes et des changements d’allures. Dans le cas d’une circulation sur autoroute la dispersion des vitesses instantanées autour de la vitesse moyenne est faible alors qu’en milieu urbain cet écart est beaucoup plus important. Cet écart type fragilise l’utilisation de la vitesse moyenne pour représenter les conditions de circulation dans un espace urbain. Conscient de ce problème, la vitesse moyenne utilisée pour calculer les émissions est estimée à partir de cycles représentatifs de la circulation urbaine.
69On peut affecter de manière homogène les émissions unitaires, chaque cellule ayant une émission égale à la somme des émissions totales de chaque individu divisée par le nombre de cellules parcourues. Cette méthode a le désavantage de supprimer la diversité spatiale du réseau. L’émission est alors proportionnelle aux vitesses moyennes et au nombre de véhicules traversant une cellule, et le rendu ressemble à la carte du nombre de véhicules. Or, 25 % de l’espace concentrent 50 % des émissions lors de cette simulation.
70Plus l’espace et le temps utilisés dans le calcul de la vitesse moyenne sont grands plus les émissions sont homogènes sur le réseau. Pour améliorer cette précision on diminue l’espace et le temps; plus l’espace et le temps sont petits plus les conditions de circulations observées vont s’écarter du cycle avec lequel les émissions ont été estimées. On touche ici les limites de l’utilisation de la moyenne comme représentation des conditions de circulation sur un espace pour estimer les émissions de polluants. Le débat entre vitesse instantanée et vitesse moyenne importe peu, tout dépend de l’espace et du temps utilisés pour la calculer.
71Les modèles d’estimation et de localisation utilisant la vitesse moyenne postulent indirectement que les conditions de circulations simulées sont similaires aux cycles représentatifs. Ils ne peuvent en aucun cas évaluer les émissions en fonction des conditions de circulation puisque ces dernières sont déjà préétablies. L’utilisation de cette vitesse suppose des hypothèses implicites très fortes. En effet on présume que tous les réseaux sont identiques dans leur structure et leurs utilisations, c'est-à-dire que l’impact du réseau et des agents sur la vitesse est le même. La diversité des comportements des agents est également écartée puisque l’écart-type de la vitesse moyenne n’est pas considéré.
72Par ailleurs, cela sous-entend que si la vitesse est faible les conditions de circulation sont difficiles et le trafic dense. Mais nous percevons dans les résultats que des cellules traversées par un nombre de véhicules plus faible peuvent présenter des émissions plus fortes et cela indépendamment de la densité de trafic. Effectivement, on peut penser que le ralentissement à une priorité à droite est identique à un ralentissement pour cause d’arrêt du véhicule précédent. Ces arrêts ne possèdent pas les mêmes conséquences sur le rythme des agents, il existe une infinité de possibilités de vitesse pour obtenir la même vitesse moyenne, une infinité de rythmes différents peut donner une même vitesse moyenne.
73Dans ces modèles, la vitesse moyenne est représentative des cycles de conduite et donc du trafic. C’est sur ce point que notre démarche se singularise en ne posant pas d’hypothèse de liens entre la vitesse et un profil de trafic. Les vitesses utilisées expriment un trafic simulé et non théorique n’excluant pas de liens effectifs entre eux.
74Il apparaît que la subdivision de l’espace afin de représenter les émissions sur un réseau devient primordiale et incontournable mais non suffisante, elle doit également s’accompagner d’une évaluation plus précise de la vitesse, qu’elle soit moyenne ou instantanée.
75Force est de constater que la définition de règles simples de circulation des agents dans un réseau de transport finement décrit donne des résultats encourageants. Certes les accélérations et distances de freinage fixées en relation avec des classes de comportements des agents ne reflètent pas la réalité, néanmoins cela permet de donner une image du potentiel d’un réseau à induire des émissions plus ou moins fortes. Partant du constat que les émissions sont proportionnelles au nombre de véhicules circulant sur un espace, la connaissance du potentiel d’émissions de cet espace est intéressant en termes de prospective et d’évaluation.