1Le terme d’environnement urbain est singulier. Il renvoie à un domaine d’études qui puise aux deux grandes épistémologies scientifiques, les sciences sociales et celles de la nature, sans être entièrement rattaché à l’une ou à l’autre. S’il est plus près des sciences sociales en raison de la référence des chercheurs qui l’utilisent pour comprendre les actions et les pratiques sociales appliquées au domaine urbain, il concerne des domaines qui sont encore l’air, l’eau, le sol, le climat, la végétation ou la vie animale. Son champ d’application est toutefois résolument celui de la société comprise à l’intérieur d’un espace reconnu par la densité de son aménagement et l’intensité des interactions sociales qui s’y déroulent : l’urbain. Par là, on entend une organisation complexe de l’espace habité caractérisée par un certain niveau de centralité (Lussault, 2004) et qui recouvre des ensembles qualifiés autant de métropoles, de centres urbains et de franges périurbaines, de quartiers ou de banlieues, que de villes moyennes.
2Référer à l’environnement urbain signifie d’abord et avant tout de comprendre des milieux modifiés, transformés, perturbés et reconstitués. En ce sens, aborder l’environnement urbain est prendre pour point de départ des objets d’étude habituellement réservés aux sciences de la nature, mais c’est pour décrire et analyser des actions produites par des acteurs sociaux. L’environnement urbain est ainsi discuté à travers des rapports sociaux, des enjeux globaux ou locaux, des problèmes à résoudre ainsi que des effets ou des impacts engendrés par les activités humaines. Il y a donc une spécificité à l’environnement urbain, qui fait en sorte que les composantes biophysiques doivent y être appréhendées à l’aide de méthodes empruntées aux sciences sociales et définies dans des catégories conceptuelles autres que celles des sciences de la nature. On tente, dès lors, de comprendre l’environnement, et par delà la nature en général, à travers des phénomènes liés intrinsèquement à l’organisation de la société et aux formes d’habitat. L’environnement urbain est donc, pour paraphraser William Cronon, un assemblage inextricable de faits sociaux et d’états de nature (Cronon, 1996).
3Le concept d’environnement urbain s’est constitué sur une longue période, tel un entrelacs d’écoles et d’apports disciplinaires variés, remaniés et encore en évolution. Fertilisé au contact des pratiques anciennes d’aménagement et de planification urbaine, puisqu’il était au cœur des préoccupations des mouvements d’urbanisme, qu’ils soient hygiénistes, réformistes ou utopistes, qui ont façonné les villes depuis la fin du XIXe siècle (Berdoulay et Soubeyran, 2002). Il a surtout pris les couleurs de l’écologie urbaine, sous l’impulsion des précurseurs de l’école de sociologie urbaine de Chicago (Park et al., 1925), puis de l’écosystème urbain, suivant tour à tour Jean Duvignaud (1963), Eugen Odum (1971) ou Pierre Dansereau (1973), pour ne nommer que ceux-là. Ceux-ci précèdent une lignée qui ne cesse de s’allonger avec les notions de ville durable, de collectivité viable ou d’empreinte écologique. Tous ont cherché, avec un succès relatif, d’intégrer les aspects sociaux et écologiques. Dans cette foulée, le projet pilote d’intégration écologique, que mena Stephen Boyden (1977) à Hong Kong, tenta d’approfondir les dynamiques complexes tissées au contact d’approches écosystémiques et anthropologiques. Par ailleurs, le concept d’environnement urbain doit beaucoup aux institutions internationales, dont l’UNESCO qui fut à l’origine du programme Man and Bioshere, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ou les sommets mondiaux comme celui d’Habitat II, desquels se propagèrent le concept de développement durable et la formule des Agendas 21.
4Afin de saisir la portée du concept d’environnement urbain, un recueil de textes sur le thème du développement durable urbain (Wheeler et Beatley, 2004) balise le domaine d’études, en autant que l’on reconnaisse la parenté entre environnement urbain et développement durable urbain, pour rechercher les origines du concept autant chez Ebenezer Howard (1898), Jane Jacobs (1961) que chez Ian McHarg (1969). Le recueil touche les transports, l’écologie végétale et la restauration des sites urbains, l’énergie, l’architecture et l’urbanisme, sans renoncer à traiter des aspects sociaux et économiques, notamment en abordant les questions d’équité environnementale et de justice sociale.
5L’essai de cartographie du concept d’environnement urbain juxtapose à l’intérieur d’un même objet de recherche, celui-là même auquel s’attache notre revue, des préoccupations qui concernent la planification, la gouvernance urbaine, les paysages, les politiques publiques, la santé publique et environnementale, l’histoire de l’environnement, qu’elles se rattachent à des méthodologies qualitatives ou quantitatives, qu’elles réfèrent au décodage des stratégies d’acteurs ou à l’analyse causale des effets de milieux, voire qu’elles soient attentives au vécu des personnes et aux perceptions individuelles.
6Sans parti pris pour une approche ou une autre, sauf celle d’ancrer les questions d’environnement urbain dans des contextes sociaux complexes et dynamiques, allergique à toutes prises de position idéologiques, la revue souhaite que chacune des contributions publiées participent à l’élaboration d’une telle cartographie conceptuelle ainsi qu’à la construction d’un domaine scientifique en émergence.