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Dossier

Quand le piéton défie la ville : traverser la chaussée à Mexico

When Pedestrians defy the city : crossing the street in Mexico City
Cuando el peatón desafía la ciudad : cruzar la calle en la ciudad de México
Ruth Pérez López

Résumés

À Mexico, la configuration de l’espace urbain ne répond pas aux besoins des piétons. Lors de son parcours en ville, le piéton doit surmonter différentes barrières physiques. Au moment de traverser la chaussée, il doit, en plus, se protéger des véhicules. Dans ce sens, la traversée incarne un obstacle majeur pour le piéton et représente le lieu par excellence où s’expriment et matérialisent les relations entre piétons et conducteurs. À travers une approche socio-anthropologique basée sur une étude empirique, il s’agit d’appréhender les formes d’occupation d’un espace public souvent disputé, en rendant compte d’une dimension de la vie urbaine peu analysée à Mexico.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Héran (2011) défini la coupure comme « tout obstacle imposant aux usagers non motorisés dans leurs (...)

1À Mexico, la configuration de l’espace urbain ne répond pas aux besoins des piétons. Au contraire, les voies rapides et les passerelles surélevées fragmentent la ville et entravent l’accès aux différents biens et services. Elles rendent difficile la circulation fluide et en toute sécurité des personnes, empêchant une vie urbaine de qualité. Dans cette mégalopole, les conditions pour se déplacer à pied sont pénibles. Lors de son parcours en ville, le piéton doit surmonter différentes barrières physiques. L’une de ces barrières est la traversée de rue qui représente un obstacle majeur pour le piéton. D’une part, elle produit une coupure dans le tissu urbain, dans le sens attribué par Héran (2011)1 : elle implique un changement d’allure (il faut s’arrêter au feu, ralentir le pas ou accélérer pour parvenir à traverser la rue), un contournement (lorsque la traversée ne se situe pas dans la continuité de la trajectoire ou bien possède des barrières et autres obstacles qu’il faut éviter) et une montée ou un dénivelé (lorsqu’elle n’est pas aménagée et qu’il faut emprunter une passerelle piétonne ou un tunnel pour parvenir de l’autre côté). D’autre part, elle expose le piéton au risque d’accident, l’obligeant à se protéger des véhicules : bien que le code de la route en vigueur donne la priorité au piéton, dans les faits, le non-respect du règlement par les conducteurs le place dans une situation de grande vulnérabilité. Dans ce sens, la traversée représente un obstacle majeur pour le piéton et le lieu par excellence où s’expriment et matérialisent les relations entre piétons et conducteurs. De l’intrépide qui se fraye un chemin entre les voitures en mouvement, à l’indécis qui s’engage sur la chaussée et qui revient sur ses pas, quelles sont les stratégies développées par les piétons pour traverser la rue ? Dans un contexte hostile et dangereux, les personnes prennent-elles plus de risques ou, au contraire, sont-elles plus prévoyantes ? Une traversée bien conçue garantie-t-elle la sécurité du piéton ? À travers une approche socio-anthropologique basée sur une étude empirique, il s’agit d’appréhender les formes d’occupation d’un espace public souvent disputé, en rendant compte d’une dimension de la vie urbaine peu analysée à Mexico.

2Ces dix dernières années, la mobilité à pied a fait l’objet de nombreuses recherches dans les pays occidentaux, dans différents champs disciplinaires qui s’interrogent sur la dimension sociale et spatiale de la marche à pied (Thomas, 2007, 2010 ; Germon, 2009 ; Miaux, 2008 ; Genre-Grandpierre et Foltête, 2003). Au Mexique, la mobilité pédestre ne constitue pas encore un objet d’étude pour les sciences sociales. Les recherches sur la mobilité se sont principalement penchées sur la question du transport et des déplacements pendulaires à partir de l’analyse des enquêtes origine-destination (Connolly, 2009 ; Graizbord, 2008 ; Ibarra et Lezama, 2008 ; Flores, 2008 ; Salazar et Ibarra, 2006 ; Graizbord et Santillán, 2005 ; Islas, 2000). La non-prise en compte des déplacements piétons par ces enquêtes, explique probablement le manque d’intérêt des chercheurs pour la question. Lorsque la mobilité des piétons est analysée, c’est dans le cadre de recherches en accidentologie et santé publique (Campuzano-Rincón et Híjar-Medina, 2011 ; Hidalgo-Solórzano et al., 2010 ; Rodríguez-Hernández et Híjar-Medina, 2000 ; Celis et al., 1999), visant principalement l’analyse des aspects techniques de la marche à pied (aménagements routiers, infrastructure piétonne, flux de circulation, etc.). Sur le thème spécifique de la traversée de rue, on trouve un nombre important de publications dans la littérature francophone et anglo-saxonne centrées sur le thème de la sécurité routière (Granié et al., 2014 ; Bergeron et al., 2008 ; Bonnet et Lassarre, 2008 ; Tom et al., 2008 ; Désiré, 2012 ; Sisiopiku et Akin, 2003 ; Julien et Carré 2002). Bien que notre recherche s’inscrive dans le champ de la socio-anthropologie, ces publications nous sont très utiles pour caractériser le comportement des piétons à travers l’exploitation de concepts clés et leur application à notre cas d’étude. Ainsi, on pourra se demander si les concepts tels que « comportement à risque », « exposition au risque » ou encore « prise de risque » sont pertinents pour analyser les ajustements que doivent réaliser les piétons pour s’adapter à un contexte hostile et peu réglementé. Comment comprendre, par ailleurs, les notions de « transgression à la règle » ou « non-respect de la norme » dans une traversée peu ou prou aménagée pour les piétons ? Peut-on parler de prise de risque dans un contexte où les conducteurs ne respectent pas le code de la route et ne cèdent pas le passage aux piétons ? C’est à ces questions que nous tenterons de répondre dans cet article.

31. Déplacements quotidiens et politiques de mobilité à Mexico

1.1. Expansion urbaine et usage de la voiture

  • 2 Elle se compose du District Fédéral, capitale du pays, de 59 municipes de l’Etat de Mexico et d’un (...)
  • 3 Part modale de la voiture dans quelques villes européennes : Sofia, 54%; Athènes, 53%; Bruxelles, 4 (...)
  • 4 Part modale de la voiture dans quelques villes étatsuniennes : Houston, 88%; Los Angeles, 78%; Chic (...)

4La ville de Mexico et son agglomération, nommée Zone Métropolitaine de la Vallée de Mexico (ZMVM)2, compte aujourd’hui plus de 20 millions d’habitants pour une superficie de 7954 km2. La construction d’axes routiers entre le centre et la périphérie et d’axes concentriques entre des pôles secondaires, ont structuré l’expansion urbaine (Banzo, 1998). Le processus d’urbanisation s’est accompagné d’un développement accru d’autoroutes urbaines et d’une généralisation des modes de transports motorisés, dont la voiture. Comme c’est le cas pour d’autres mégalopoles, l’automobile a rendu possible la localisation de plus en plus éloignée des lieux de destination et, réciproquement, l’expansion urbaine a fait de la voiture l’outil indispensable pour se déplacer en ville (Dupuy, 2006). À Mexico, sur une période de treize ans, les déplacements réalisés en voiture ont augmenté de 30 % (INEGI, 1994 et 2007) et le taux de motorisation des ménages de 51 % en dix ans (INEGI, 2000 et 2010). Aujourd’hui, presque un tiers des déplacements (29 %) se réalisent en automobile (INEGI, 2007). Si ce chiffre ne semble pas élevé en comparaison avec la part modale de la voiture dans les principales villes européennes3 et étatsuniennes4, il est inquiétant : il correspond à 5 millions de véhicules en circulation, dont 80 % à des véhicules privés (SMA, 2010). L’augmentation soutenue des déplacements réalisés en automobile conjuguée à la situation en cuvette de la vallée de Mexico, intensifient la pollution de l’air (Mancebo, 2007). Elle provoque également une hausse des accidents de la route et des taux de mortalité.

  • 5 Base de données sur les accidents de la route dans le District Fédéral, INEGI, 2013.

5Le Mexique enregistre un taux de mortalité par accident de circulation élevé, soit 17.5 décès pour 100 000 habitants, taux nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE égale à 7.6 (OCDE, 2013). Les accidents de la route représentent la première cause de mortalité chez les enfants de 5 à 14 ans et la deuxième chez les jeunes de 15 à 29 ans (CONAPRA, 2013). Au Mexique, le District Fédéral se trouve parmi les États qui ont les taux les plus bas de mortalité routière, soit 10.8 pour 100 000 habitants (CONAPRA, 2013), taux qui reste néanmoins élevé. Par ailleurs, le risque de mourir dans un accident est bien plus élevé pour les piétons que pour les autres usagers de la voie publique : bien que 7.1 % des accidents de la route soient dus à une collision avec un piéton et 70.1 % à une collision avec un autre véhicule, les piétons représentent 51 % des victimes mortelles (INEGI, 2013)5.

6Ainsi, dans ce contexte qui a favorisé les modes de déplacement motorisés, le piéton est devenu l’acteur le plus vulnérable de la voie publique. Aujourd’hui encore, les autorités de la ville accordent une plus grande priorité à satisfaire la demande des automobilistes, qu’à faciliter aux piétons l’accès à la ville. En ce qui concerne la répartition du budget destiné à la mobilité, 28 % des fonds sont alloués à des projets de revitalisation de l’espace public et à la mise en place d’aménagements pour piétons et cyclistes, tandis que 45 % sont alloués à des travaux d’entretien et d’extension de la voirie (Garduño Arredondo, 2014, p. 119).

1.2. Des politiques de mobilité soumises aux enjeux environnementaux ?

7Malgré cette distribution inégale du budget qui reflète la primauté des modes de transport motorisés sur les modes doux, ces dernières décennies le gouvernement de la ville de Mexico a développé différentes mesures pour freiner la tendance à la hausse de l’usage de la voiture. Ainsi, le gouvernement antérieur du District Fédéral (2006-2012) a mis en place le programme « Plan Verde » (Plan Vert) en 2007, visant à améliorer la qualité de l’air et à palier d’autres problèmes causés par un nombre excessif de véhicules en circulation : développement d’un réseau de bus à haut niveau de service (Bus Transit Rapid ou BRT), renforcement du programme de restriction véhiculaire les samedis, transport scolaire obligatoire pour les écoles privées, relocalisation résidentielle des fonctionnaires afin de réduire les distances domicile-travail, limitation de l’accès à la ville aux poids lourds, construction de la ligne 12 du Métro, installation d’horodateurs sur la voie publique, entre autres mesures. Les actions destinées à promouvoir l’usage du vélo qui, jusqu’à peu, étaient pratiquement inexistantes, se sont imposées peu à peu : développement d’un réseau de voies cyclables, mise en place du système de vélo en libre-service « Ecobici », fermeture de certaines rues à la circulation automobile les dimanches et autres mesures qui contribuent à un changement culturel en matière de mobilité et à une légitimation progressive de l’usage du vélo (Pérez López, 2013). Bien que pendant cette période de temps le gouvernement n’a pas développé de politiques explicites en faveur de la mobilité à pied, il a aménagé des rues piétonnes et élargi des trottoirs dans le centre-ville. Pour ces différentes politiques en faveur de l’environnement, l’ancien maire de la ville de Mexico, Marcelo Ebrard, a été reconnu par le projet « World Mayor » comme le meilleur maire du monde6. Pour sa part, le maire actuel de la ville de Mexico, Miguel Ángel Mancera ( mandat de 2012 à 2018), cherchant à s’inscrire dans la même ligne que son prédécesseur, a manifesté son intérêt pour la mobilité des piétons. Dans ce sens, il a mis en place une nouvelle ligne de BRT (2013), la première en son genre à tenir compte de l’accessibilité des piétons, construit la première rue dans le centre-historique où la vitesse est limitée à 20km/heure et promu une nouvelle loi sur la mobilité qui donne la priorité aux piétons. Malgré ces efforts récents pour restituer sa place au piéton, la structure urbaine peu flexible et inappropriée à la marche à pied, les aménagements piétons pratiquement nuls et le non-respect du code de la route font de Mexico un espace très hostile pour les marcheurs. Dans cet article, il s’agira donc d’analyser comment les piétons s’adaptent à cet environnement hostile et développent différentes stratégies pour traverser la rue, faisant face aux aléas de la mobilité urbaine.

2. Approche méthodologique

8Cette étude se base sur des données empiriques et des observations recueillies au cours de l’année 2014. Le recours à différents outils de collecte d’information et la combinaison de méthodes complémentaires, quantitatives et qualitatives, nous permet de répondre aux défis posés par l’étude de la mobilité à pied. La caractérisation des comportements des piétons au moyen d’outils statistiques et l’analyse fine des pratiques urbaines à partir d’observations répétées sur un même ensemble d’individus, nous facilite la compréhension de la thématique abordée. Le traitement d’informations verbales et visuelles s’avère pertinent pour saisir le rapport des piétons à l’espace urbain.

2.1. Sélection des traversées piétonnes

  • 7 Le District Fédéral se compose de seize divisions territoriales nommées « délégations ».

9Nous avons choisi d’observer les dynamiques quotidiennes des piétons à travers un espace bien délimité : la traversée. Dans le cadre de cette recherche, nous définissons la traversée comme un lieu de passage aménagé pour les piétons, mais également comme un lieu non aménagé, à savoir un lieu de passage informel, un bout de chaussée emprunté par les piétons pour traverser. Ainsi, la première étape de notre travail a consisté à réaliser des parcours de terrain afin d’identifier différents types de traversées. Lors de la deuxième étape, nous avons sélectionné six traversées, en fonction de leur degré d’aménagement et leur localisation dans la ville. Du centre-ville à la périphérie, elles sont ancrées dans des espaces plus ou moins favorables à la marche, ce qui nous permet de prendre en compte la qualité de l’environnement construit dans l’analyse des résultats. Ces espaces, marqués par une forme urbaine particulière, présentent des « effets de coupure » plus ou moins accentués. Par exemple, le réseau en damier du centre historique de Mexico qui est régulier et bien maillé (figure 1), implique selon l’analyse de Héran (2011) un coefficient de détour moyen de 30 %, tandis que le réseau irrégulier et peu maillé de Santa Fe (figure 2), quartier situé dans une des délégations périphériques du District Fédéral7, implique un détour moyen nettement plus élevé, soit d’entre 35 % et 50 % (Héran, op.cit.).

Fig. 1 – Réseau régulier en damier : centre historique de la ville de Mexico dans un rayon d’un kilomètre autour de la traversée d’Hidalgo

Fig. 1 – Réseau régulier en damier : centre historique de la ville de Mexico dans un rayon d’un kilomètre autour de la traversée d’Hidalgo

Source : Luz Yazmín Viramontes

Fig. 2 – Réseau irrégulier et peu maillé : périphérie du quartier de Santa Fe dans un rayon d’un kilomètre autour de la traversée étudiée.

Fig. 2 – Réseau irrégulier et peu maillé : périphérie du quartier de Santa Fe dans un rayon d’un kilomètre autour de la traversée étudiée.

Source : Luz Yazmín Viramontes

Fig. 3 – Localisation des traversées étudiées, Zone Métropolitaine de la Vallée de Mexico

Fig. 3 – Localisation des traversées étudiées, Zone Métropolitaine de la Vallée de Mexico

10Ainsi, ces traversées présentent des particularités qui les rendent facilement identifiables. Dans un souci de restituer au lecteur le contexte dans lequel s’est menée cette recherche, nous décrivons ci-dessous les six traversées qui font l’objet de notre étude.

11La traversée d’Aragón (figures 8, 13 et 14) constitue la traversée la mieux aménagée de notre échantillon. Elle a été réaménagée en 2013, lors de la mise en place de la ligne 5 du système BRT « Metrobús ». Avec l’installation de ce couloir de bus, le gouvernement de la ville de Mexico a cherché à améliorer l’accessibilité des piétons aux différentes stations de transport public. Conçu sous le concept de « rue complète » et de couloir « 100 % accessible », il s’agit de la première ligne de Metrobús qui compte des accès piétons bien conçus. Elle dispose de plots et de bateaux d’une part et d’autre de la chaussée, d’un passage piéton bien marqué et de plusieurs feux de signalisation pour piétons et véhicules. Elle se trouve libre d’obstacles et le revêtement du sol est en bon état.

12Pour sa part, Hidalgo (figures 1 et 11) se situe en plein centre historique de la ville, dans un carrefour où se croisent deux avenues principales : Reforma et Hidalgo. Bien que cette traversée dispose d’une infrastructure similaire à celle d’Aragón, son emplacement à l’intérieur d’un carrefour compliqué (à plusieurs voies) et la présence de deux lignes de BRT le rendent particulièrement difficile. Sur la base de données provenant du Secrétariat de Sécurité Publique du District Fédéral, le gouvernement l’a identifié comme l’un des carrefours qui compte avec le plus grand nombre de piétons renversés par des voitures et a décidé de le réaménager, quelques jours seulement après notre travail de terrain.

13La traversée d’Ecatepec (figure 4) se situe dans une zone résidentielle périurbaine, à l’entrée d’un hôpital et d’un grand ensemble de logements d’intérêt social. Elle permet l’accès à la ligne 1 du « Mexibús », système BRT mis en place par l’État de Mexico. À l’opposé de la rue d’Aragón qui a été réhabilitée avec l’arrivée du BRT, dans le cas d’Ecatepec les autorités n’ont pas engagé de travaux d’aménagement de la traversée. Elles ont juste installé un ralentisseur de vitesse type dos d’âne et mis un panneau de signalisation de passage piéton (signalisation verticale).

Fig. 4 – Ralentisseur de vitesse et signalisation verticale à Ecatepec

Fig. 4 – Ralentisseur de vitesse et signalisation verticale à Ecatepec

14Mixcoac (figure 10) est la seule traversée de notre échantillon qui dispose d’une passerelle piétonne. Au niveau de la rue, il existe un feu de signalisation pour véhicules et des bateaux. La passerelle est rarement utilisée, les piétons préférant traverser au niveau du sol. L’autorisation de tourner à droite et la présence de transport en commun, la rend particulièrement compliquée. De plus, la présence d’obstacles physiques comme des cabines téléphoniques, des lampadaires et des kiosques situés d’un côté et d’autre de la rue, entravent la circulation des piétons.

15Reforma (figures 9, 15 et 16) se situe dans une rue très fréquentée par les piétons et fortement encombrée de véhicules le matin et l’après-midi. Elle permet l’accès au quartier d’affaires « Polanco » et aux différentes lignes de bus qui desservent l’ouest de la ville. Bien que cette chaussée est équipée d’un passage piéton, ce dernier ne garantit en aucun cas la sécurité des passants : le feu de signalisation pour piétons a été désactivé, le feu pour véhicules a été configuré en mode clignotant et les conducteurs ne respectent pas la priorité de passage pour les piétons.

16Enfin, la dernière traversée de notre échantillon est située sur une voie rapide qui traverse le méga projet urbain de Santa Fe (figures 2 et 12), un quartier d’affaires ultramoderne qui s’est imposé comme pôle économique majeur. Les biens immobiliers présents dans cette zone sont destinés à une clientèle nantie se déplaçant principalement en automobile. La chaussée que nous avons sélectionnée ici n’est pas une traversée pour piétons à proprement parler, puisqu’elle ne dispose pas d’infrastructure qui nous permettrait de la désigner comme telle, mais plutôt un lieu de passage informel, utilisé par des dizaines de maçons et travailleuses domestiques qui prêtent leurs services aux résidents de la zone. Malgré deux lignes de bus qui font halte à cet endroit, il n’y a aucun aménagement pour piétons et la seule alternative qu’il existe pour traverser la chaussée est d’emprunter un pont routier, guère plus sûr.

Tableau 1 – Aménagements des traversées et infrastructure piétonne

Aragón

Ecatepec

Hidalgo

Mixcoac

Reforma

Santa Fe

Passerelle piétonne

Ralentisseur de vitesse (dos d’âne)

Passage piéton

Feux de signalisation pour piétons

Feu désactivé

Feux de signalisation pour véhicules

Feu clignotant

Présence de plots

Bateau (abaissement de trottoir)

D’un côté

Panneau de signalisation de passage piéton

2.2. Enregistrements vidéo, une méthode d’analyse à deux échelles

17Après avoir sélectionné les différentes traversées en fonction de critères de localisation et d’aménagement, nous avons recueilli des données de terrain dans chacune d’entre elles. Face à la difficulté d’utiliser une grille de saisie permettant de référencer les mouvements des piétons et des conducteurs lors de l’observation de terrain, nous avons décidé de réaliser des enregistrements vidéo. Pour cela, nous avons installé une caméra vidéo d’un côté et d’autre de la chaussée et avons enregistré en simultané, afin de saisir une même scène sous deux angles différents. Ces enregistrements vidéo de deux heures sur chaque site (aux heures de pointes et aux heures creuses), nous permettent d’analyser le comportement de piétons qui circulent par un même espace à un moment donné de la journée. Afin de mettre en perspective deux contextes différents et d’obtenir une analyse plus complète de l’attitude des piétons, nous avons également filmé une traversée située à l’intersection de la rue Gran Vía et de la rue Plaza de España, à Madrid. Il s’agissait ici d’observer le comportement de passants dans un contexte fortement normé et strictement régulé par les feux de signalisation et de confronter les résultats à ceux obtenus sur les sites de Mexico. Après cette première étape de recueil de données, nous avons réalisé une analyse du matériel obtenu. D’abord, nous avons visualisé les enregistrements de manière exhaustive et saisi dans une base de données les mouvements des piétons en fonction de variables relatives à l’heure d’enregistrement, au site, aux caractéristiques des piétons (sexe et étape de vie : enfant, adulte femme, adulte homme, personne âgée de sexe féminin et personne âgée de sexe masculin) et à leur comportement (temps d’attente avant de traverser, heure et temps de traversée et s’il est passé en marchant ou en courant). Au total, nous avons enregistré le mouvement de 4482 piétons au cours des douze heures d’observation et dans les six traversées sélectionnées. Ensuite, nous avons observé les scènes enregistrées et réalisé une description minutieuse des attitudes et comportements des passants. L’avantage de réaliser des descriptions à partir d’un support vidéo est de pouvoir revenir sur une même scène plusieurs fois de suite en se focalisant sur des détails différents. Cela permet également de réaliser une analyse à l’échelle du corps en mouvement et de saisir des actions rapides et fugaces, de parvenir à capter un regard lancé à un conducteur, un geste précipité, une hésitation, un basculement du corps à peine perceptible, un hochement de la tête ou un signe de remerciement.

18Au final, ces deux méthodes, l’une quantitative et l’autre qualitative, se renforcent mutuellement et contribuent à une meilleure compréhension et caractérisation des comportements individuels.

2.3. Dispositif d’enquête

19Afin de compléter ces données et d’explorer plus à fond la relation que maintiennent les piétons avec l’espace urbain et avec les différents acteurs qui interagissent dans celui-ci, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de 1000 piétons. L’enquête a été conduite en face à face dans les six interactions étudiées. L’échantillon, non aléatoire, a été pondéré selon le volume de piétons comptabilisés dans chaque traversée, au cours des deux heures d’enregistrement et en fonction de quotas de sexe (tableau 2). Étant donné le faible nombre de piétons sur les sites d’Hidalgo et de Santa Fe, nous avons décidé d’établir un minimum de personnes à interviewer, soit cent. Les thématiques abordées dans le questionnaire nous ont permis d’obtenir des informations sur les caractéristiques du déplacement (durée du trajet, lieu d’origine et de destination, motif du déplacement, types de transports utilisés), sur l’expérience de la marche en ville et sur les difficultés perçues au moment de traverser la chaussée. Les données récoltées nous ont également permis de dresser le profil socio-économique des personnes interrogées (âge, occupation, niveau d’études, quartier de résidence et accès à une voiture). Les questions étaient principalement ouvertes, avec ou sans précodification.

Tableau 2 – Distribution des piétons selon la traversée et l’horaire d’enregistrement

Horaire d’enregistrement vidéo/nombre de piétons

Échantillon

8 :00-9 :00

11 :00-12 :00

11 :15-12 :15

11 :30-12 :30

13 :00-14 :00

16 :30-17 :30

19 :00-20 :00

TOTAL

 %

Total

Aragón

465

450

915

20 %

183

Ecatepec

350

308

658

20 %

132

Hidalgo

104

193

297

Min.

100

Mixcoac

718

837

1555

20 %

311

Reforma

780

132

912

20 %

182

Santa Fe

41

104

145

Min.

100

Total

1643

350

465

193

1073

450

308

4482

1008*

*Arrondi à 1000

3. La marche à Mexico

3.1. Qui se déplace à pied ? Qui sont les marcheurs ?

20Étant donné le manque de données au Mexique sur la mobilité pédestre, nous tenterons de décrire le profil des personnes qui se déplacent à pied à partir des résultats de notre enquête. Qui sont-elles ? Pourquoi marchent-elles ? Tout d’abord, 87.4 % des personnes interviewées combinaient la marche avec d’autres modes de transport. Il ne s’agit donc pas de personnes qui ont choisi la marche comme mode de transport à part entière, mais d’usagers de transport en commun qui sont obligés de marcher pour accéder aux différents modes et les connecter entre eux. Dans ce sens, la marche n’est pas ici le résultat d’un choix, mais plutôt d’une contrainte. Elle s’insère dans une chaine de déplacements plus large, combinant bus (57.9 % des interviewés), métro (39.8 %), BRT (28.2 %), et dans une moindre mesure voiture (2.1 %), vélo (0.2 %) et moto (0.1 %). Dans le cadre de leur mobilité quotidienne, la majorité des personnes (82.3 %) se déplacent principalement en transport public et uniquement un petit nombre de personnes (5 %) utilisent la marche comme mode de transport principal.

21Par ailleurs, 81 % des personnes sont économiquement actives (figure 5), pourcentage qui s’élève à 96 % dans la zone de Santa Fe et à 98 % dans celle de Reforma (variables « travaille » et « travaille et étudie »). En revanche, sur ces deux sites, le profil professionnel des marcheurs est sensiblement différent. Si l’on se penche sur les lieux d’origine et de destination des déplacements, on en déduit que les personnes qui circulent par le premier site sont des maçons et des employées de maison (88 % vont travailler sur un chantier ou dans la maison d’un tiers), et que celles interrogées sur le deuxième site sont des employés de bureau (74.8 % travaillent dans des bureaux). En outre, 41.5 % des personnes interrogées sur Reforma comptent avec un diplôme universitaire (31 % pour l’ensemble de notre échantillon), contre seulement 5.5 % de ceux de Santa Fe. En termes socio-professionnels, notre échantillon semble donc assez hétérogène.

Fig. 5 – Occupation des interviewés par traversée

Fig. 5 – Occupation des interviewés par traversée
  • 8 Environ 300 et 565 euros respectivement.

22Afin de détailler le profil de ces marcheurs, nous pouvons recouper ces données avec celles de la dernière enquête origine-destination appliquée dans la zone métropolitaine de Mexico (INEGI, 2007), et en particulier avec l’information relative aux revenus des habitants. Les résultats de cette enquête révèlent que le salaire moyen des personnes qui se déplacent en transport public est presque deux fois inférieur à celui des personnes qui se déplacent en automobile (5033 et 94118 pesos respectivement, Suárez Lastra et al, 2008). Aussi, bien que les résultats de notre analyse ne nous permettent pas de dire que les personnes interrogées appartiennent aux couches les plus défavorisées de la population (c’est uniquement le cas pour certaines d’entre elles), nous pouvons affirmer, sans crainte d’être démentis, qu’elles n’appartiennent pas pour autant aux couches privilégiées, qui se distinguent par un usage accru de la voiture particulière.

23Pour résumer donc et en guise de synthèse, les individus qui font l’objet de notre étude sont des populations majoritairement actives, usagers de transport public et appartenant aux couches populaires et moyennes de la population.

3.2. Des déplacements à pied éprouvants

24Compte tenu de ce qui précède, notre intérêt porte tout particulièrement sur la marche utilitaire et non choisie (en termes de choix modal), une marche marquée par des coupures et obéissant aux impératifs de la multimodalité. Ces déplacements à pied se caractérisent par les nombreux obstacles que les personnes doivent détourner pour se rendre sur leur lieu de destination. Ainsi, 90.7 % des personnes interrogées perçoivent des difficultés à la marche en ville et identifient différents types de barrières qui leur empêchent de se déplacer confortablement. La majorité (73.9 %) mentionne des barrières mobiles : elles sont gênées par le commerce informel, les flux de piétons et de véhicules, les voitures mal garées et les usagers de vélo qui circulent sur les trottoirs (entre autres). La moitié (49.1 %) est importunée par le manque d’entretien du mobilier urbain - trottoirs en mauvais état ou avec des déchets, plaques d’égouts ouvertes et manque d’illumination des rues- et 6.3 % par des trottoirs trop étroits, une absence de trottoirs ou encore la présence de lampadaires, jardinières et clôtures de contention qui gênent les déplacements. 8.6 % identifient aussi des obstacles d’ordre psychologique, comme le risque d’être victime d’un vol ou d’une agression et un petit nombre (0.9 %) mentionne des barrières environnementales et climatiques, comme le bruit, la pollution atmosphérique, le froid ou la pluie. Pour contourner ces obstacles, les piétons se voient obligés de faire des détours, de s’arrêter abruptement ou de descendre du trottoir pour poursuivre leur chemin. Ces barrières n’empêchent donc pas seulement un cheminement confortable et tranquille, mais menacent également la sécurité des passants : 10 % des personnes ont déjà été renversées par une voiture et 20 % se sont blessées à la suite d’un accident sur le trottoir (foulure de cheville, coupure, fracture d’un bras ou d’une jambe, etc.). Entre les principaux accidents reportés, 43 % sont tombés dans un trou ou dans une plaque d’égout ouverte, 34 % ont trébuché avec un revêtement de sol irrégulier, des bouts de poteaux mal coupés, des trottoirs trop élevés, des déchets trop nombreux ou des kiosques informels, et 2 % ont glissé sur des superficies métalliques. Ces différents obstacles révèlent les mauvaises conditions du milieu dans lequel évoluent les piétons et dévoilent le caractère périlleux des cheminements piétonniers. Néanmoins, malgré l’aspect utilitaire de la marche en ville, elle dispose aussi d’un grand potentiel. Bien que les personnes soulignent le caractère pénible des déplacements à pied, la majorité d’entre elles sont également en mesure d’identifier un ou plusieurs aspects positifs de la marche : elle leur permet de faire de l’exercice (45.5 %), de se détendre (26 %) et d’avoir une meilleure relation avec leur entourage (33.3 %) à travers l’observation de la ville (33.3 %), la découverte de nouveaux lieux (7 %) et l’observation de la nature (4.5 %). Par ailleurs, elle permet de s’arrêter à tout moment pour manger, se reposer ou faire des achats (8.6 %). Uniquement une minorité mentionne des aspects utilitaires des déplacements à pied, comme éviter les embouteillages (0.1 %), arriver plus vite à destination (1.8 %) ou économiser de l’argent (2.4 %). Ainsi, en dépit du caractère utilitaire de la marche à pied et des difficultés qu’elle suppose, les personnes semblent plutôt favorables à ce mode de déplacement.

3.3. Des déplacements longs et segmentés

25Le temps de trajet se situe entre cinq minutes et quatre heures, il est en moyenne de 58 minutes et 47.2 % des déplacements durent plus d’une heure (figure 6). Les déplacements les plus longs sont ceux qui ont pour motif le travail : ils durent en moyenne dix-neuf minutes de plus que la moyenne, soit une heure et dix-sept minutes.

Fig. 6 – Durée des déplacements (origine-destination)

Fig. 6 – Durée des déplacements (origine-destination)

26Il s’agit principalement de déplacements multimodaux, avec des combinaisons de modes assez variées (tableau 3). Ici, la marche à pied est considérée comme un mode de transport à part entière et comptabilisé donc comme tel dans la chaine de déplacement. Les trajets les plus fréquents sont ceux qui combinent la marche avec le bus (14.8 %) le BRT (10.1 %) ou le métro (8.8 %). Les séquences de déplacement à pied sont généralement assez courtes, 63.9 % durent dix minutes ou moins, mais la part totale de la marche dans l’ensemble des déplacements est de 18 minutes, ce qui représente presque un tiers du temps moyen de déplacement. De plus, 30.1 % des personnes marchent pendant plus de 20 minutes pour effectuer un même déplacement (moyenne de la somme des différentes séquences réalisées à pied dans un même déplacement). Le nombre de séquences nécessaires pour réaliser un déplacement complet est de quatre en moyenne, et 39.7 % des déplacements sont composés de cinq séquences ou plus (figure 7), ce qui veut dire qu’un nombre important de personnes combinent la marche avec plus d’un mode de transport en commun (type « marche – bus – marche – métro – marche », tableau 3).

Tableau 3 – Principales combinaisons des déplacements multimodaux

Marche – bus – marche

14.8 %

Marche – Metrobús - marche

10.1 %

Marche – metro – marche

8.8 %

Marche – bus – marche – métro – marche

7.6 %

Marche – métro – marche – bus – marche

5.4 %

Marche – bus – marche – métro – marche – bus – marche

4.6 %

Marche – bus – marche – bus – marche

4.3 %

Marche – Mexibús – marche

3.5 %

Marche – métro – marche – Mexibús – marche

2.1 %

Marche – bus – bus – marche

1.8 %

Autres combinaisons

37 %

Total

100 %

Fig. 7 – Nombre moyen de séquences par déplacement

Fig. 7 – Nombre moyen de séquences par déplacement

27Ces différentes données nous montrent que les déplacements sont en général longs et segmentés. Les personnes doivent non seulement combiner différents modes de transport pour parvenir à leur destination, mais également connecter ces modes à travers de la marche à pied. Le fait d’avoir à alterner entre un mode de transport et un autre, implique d’effectuer un grand nombre d’actions comme bien sûr marcher, mais aussi attendre, éviter des barrières, contourner des obstacles, s’arrêter, accélérer le pas, descendre dans les bouches du métro, monter dans le bus, etcétéra. Il s’agit d’une multitude de petites actions qui rendent les déplacements en transport public peu fluides et interrompus. Si à cela on rajoute le caractère éprouvant de la marche à pied, on peut aisément en déduire que les déplacements font partie d’une expérience collective pénible.

4. Traverser la chaussée : stratégies d’acteurs

28C’est dans ce contexte qu’il est nécessaire d’appréhender la traversée de rue. Cette dernière s’inscrit dans les parcours des piétons et représente un obstacle qui vient s’ajouter aux autres et qui renforce d’autant plus le caractère difficile des déplacements. Dans ce sens, la traversée est une « tâche secondaire, subordonnée à une tâche principale de parcours qui peut souvent être exigeante » (Bergeron et al., 2008, p. 164). Ne pouvant donc pas être analysée de manière isolée, il était nécessaire de restituer l’expérience du piéton, son cheminement et ses déplacements, afin de pouvoir analyser son comportement au moment de traverser la chaussée. En conséquence, nous proposons donc une description fine des attitudes des piétons au moment de traverser la rue. Il ne s’agit pas ici d’en rendre compte de manière exhaustive, mais d’en dégager les plus significatifs, ceux qui se reproduisent sur chaque traversée ou, au contraire, qui sont spécifiques à chaque lieu.

4.1. Attente et prise de décision : saisir l’opportunité

29Les piétons attendent en moyenne 25 secondes avant de traverser la rue. Pendant ce temps, ils attendent de manière active : les sens aux aguets, ils cherchent à saisir l’opportunité, à identifier le moment précis où ils pourront passer de l’autre côté de la chaussée. Même dans les traversées où il y a un feu piéton, l’attente n’est pas résignée, mais active : l’attention n’est pas portée sur le feu, mais sur la circulation automobile (figure 8). La tête dirigée vers la droite, le corps penché vers l’avant, les piétons attendent le moment exact où ils vont pouvoir traverser. Cette attitude contraste fortement avec celle des piétons observés à Madrid. L’attention des piétons dans la capitale espagnole porte uniquement sur le feu piéton. Leur corps au repos, jetant des regards réguliers au feu, ils attendent patiemment que ce dernier passe au vert. Lorsqu’enfin ils ont le droit de passage, ils traversent tranquillement, sans hâte, regardant bien devant soi. En revanche, à Mexico même dans les passages piétons régulés par des feux, la priorité des piétons est rarement respectée par les conducteurs de véhicules. À Mixcoac, par exemple, les voitures qui tournent à droite sur le passage piéton ne s’arrêtent que très rarement, ce qui force les piétons à fixer le regard sur les conducteurs et d’ajuster leur comportement en fonction de l’attitude de ces derniers. À Reforma et Hidalgo, les voitures font halte sur le passage piéton, ce qui rend difficile la traversée : les piétons doivent contourner les voitures et modifier leur trajectoire pour parvenir de l’autre côté de la rue (figures 9 et 11). Dans ce contexte où la traversée de rue est toujours difficile, les piétons préfèrent se centrer sur le moment opportun pour traverser et non pas sur le feu.

Fig. 8 – Attendre aux aguets. Aragón

Fig. 8 – Attendre aux aguets. Aragón

Fig. 9 – Voitures faisant halte sur le passage piéton, Reforma.

Fig. 9 – Voitures faisant halte sur le passage piéton, Reforma.

30La question qui se pose maintenant est de savoir comment les personnes reconnaissent le moment précis où elles peuvent traverser sans risque de se faire renverser. Ce moment précis est différent selon les caractéristiques de chaque traversée. À Mixcoac, la circulation automobile est pratiquement continue : les flux circulatoires se succèdent les uns aux autres, réduisant le temps et l’espace nécessaires pour traverser. Entre les véhicules qui viennent de face puis, consécutivement, de côté, le piéton se maintient en alerte, prêt à s’emparer de la chaussée quand le moment sera venu. C’est à l’instant précis où les feux de circulation changent de phase, que certaines personnes se lancent sur la chaussée en courant (figure 10). Pendant ce lapse de temps de quelques secondes, les piétons peuvent profiter de l’absence totale de véhicules pour traverser.

Fig. 10 – Courir entre le changement de phase des feux de circulation, Mixcoac.

Fig. 10 – Courir entre le changement de phase des feux de circulation, Mixcoac.

31À Hidalgo, les personnes ne traversent pas forcément sur le passage clouté, mais marchent le long de la route en vérifiant qu’aucune voiture n’arrive pour traverser. Cela leur évite d’avoir à attendre au feu. En heure de pointe, sur tous les sites observés, les personnes profitent du moment où les embouteillages arrivent à hauteur de la chaussée pour traverser entre les voitures (figure 11). Certaines personnes n’attendent pas pour autant l’arrêt total des voitures pour s’aventurer sur la chaussée. Le ralentissement de la circulation permet souvent de traverser peu à peu en évitant les voitures.

Fig. 11 – Traverser entre les voitures, Hidalgo.

Fig. 11 – Traverser entre les voitures, Hidalgo.

4.2. Accélérer le pas et courir

32Comme nous l’avons mentionné dans le paragraphe précédent, certains piétons courent pour traverser la rue. En moyenne, 13.4 % des piétons courent pour parvenir de l’autre côté de la chaussé. Dans la traversée la mieux aménagée, celle d’Aragón, ce pourcentage descend à 5.2 %. En revanche, il s’élève à 20.4 % et 90.3 % dans les traversées peu ou prou aménagées (tableau 4). Sur la traversée de Madrid, uniquement 2 % des piétons courent. Sur la base de ces résultats on peut émettre l’hypothèse que plus une traversée compte avec des aménagements piétons et une infrastructure de qualité, moins les piétons n’éprouvent le besoin de courir pour traverser la rue.

Tableau 4 – Proportion de piétons qui courent pour traverser la rue, par sexe.

Hommes

Femmes

TOTAL

Aragón

7.6 %

3.2 %

5.2 %

Ecatepec

24.4 %

16.1 %

20.4 %

Hidalgo

12.9 %

14 %

13.3 %

Mixcoac

13.9 %

6.9 %

10.5 %

Reforma

12 %

11 %

11.6 %

Santa Fe

89.2 %

96 %

90.3 %

TOTAL

17.9 %

9.8 %

14.3 %

33Une autre donnée intéressante à ce sujet est que les personnes qui courent pour traverser la rue attendent en moyenne la moitié du temps au feu que celles qui marchent, soit 13 secondes face à 27 (tableau 5). Le fait d’être disposé à traverser la chaussée en courant, permet de diminuer le temps d’attente au feu. En accélérant le pas, les piétons réduisent leur temps d’exposition sur la chaussée et multiplient les opportunités de traverser.

Tableau 5 – Temps moyen d’attente avant de traverser la rue

Marche

Court

Aragón

00 :39

00 :11

Ecatepec

00 :17

00 :15

Hidalgo

00 :10

00 :06

Mixcoac

00 :22

00 :12

Reforma

00 :33

00 :18

Santa Fe

00 :19

00 :10

TOTAL

00 :27

00 :13

34À travers la visualisation des vidéos, nous sommes en mesure de décrire les circonstances dans lesquelles les piétons sont amenés à traverser en courant. À Mixcoac, les personnes courent pour éviter les voitures qui tournent à droite et qui ne leur cèdent pas le droit de passage. Elles courent également, comme nous l’avons déjà mentionné, lorsque les feux de circulation changent de phase. Par ailleurs, cette traversée est divisée par un terre-plein central, ce qui mène également les personnes à courir pour atteindre l’autre côté de la rue, avant que le feu ne change de phase et les voitures démarrent. Cela leur évite d’attendre sur le terre-plein que le feu destiné aux véhicules passe de nouveau au rouge.

35Sur les sites d’Hidalgo et d’Aragón certaines personnes courent lorsque le feu piéton est vert, afin d’éviter d’être sur la chaussée lorsque le feu passera au rouge et que les voitures redémarreront. Les feux étant mal synchronisés, il s’agit d’une situation courante qui mène fréquemment les personnes à accélérer le pas.

36Sur Reforma et Ecatepec, les personnes qui se dirigent vers la chaussée et voient qu’il n’y a pas d’automobile en vue ou que les voitures se sont arrêtées pour céder le passage à des piétons, courent afin d’atteindre la chaussée et parvenir à traverser de l’autre côté. Elles évitent ainsi d’avoir à attendre au feu.

37Sur le site de Santa Fe, la situation est très différente. S’agissant d’une autoroute, les automobilistes roulent à très grande vitesse, ce qui oblige les piétons à courir pour éviter d’être renversés. La traversée pose un si grand défi aux piétons, que de jeunes hommes qui viennent en groupe et traversent ensemble y font face d’une manière provocatrice : ils plaisantent entre eux et se lancent des coups de pieds. Face au risque, le jeu, l’action, l’adrénaline, l’excitation et la sensation de danger s’entremêlent et mènent les jeunes à s’exposer d’autant plus au risque d’être renversés (figure 12).

38Enfin, on aperçoit des comportements communs à l’ensemble des traversées étudiées. Par exemple, dans les cas où le conducteur ralentit ou s’arrête pour céder le passage au piéton, ce dernier presse le pas ou se met à courir afin de ne pas faire attendre le conducteur. Les personnes courent également dans certaines situations où il n’y a pas de danger apparent (pas de voitures en vue), afin de réduire le temps d’exposition et par habitude.

Fig. 12 – Jeunes hommes qui courent pour traverser la chaussée, Santa Fe.

Fig. 12 – Jeunes hommes qui courent pour traverser la chaussée, Santa Fe.

4.3. Traverser en groupe

39Une autre stratégie développée par les piétons consiste à traverser en groupe. En fonction des caractéristiques de chaque site, traverser accompagné par plusieurs personnes peut représenter une vraie opportunité. Ceci est d’autant plus manifeste sur le site de Reforma, où les voitures ne respectent pas le passage clouté. Le matin, lorsque la circulation automobile est dense, les piétons sont obligés de descendre sur la chaussée et de faire un geste de la main aux conducteurs afin de leur signaler leur présence et leur intention de traverser. Lorsqu’elles sont en groupe, les personnes parviennent à stopper la circulation, mais cela est bien plus difficile lorsqu’elles sont seules. Elles attendent alors que d’autres personnes se joignent à elles pour traverser la chaussée. D’une manière similaire, sur le site de Mixcoac les voitures qui tournent à droite ne ralentissent que si un groupe traverse la rue à ce moment-là. Lorsque le piéton traverse seul, les voitures ralentissent rarement, ce qui mène le piéton à réaliser d’autres ajustements : courir, éviter les voitures ou attendre que d’autres piétons se joignent à lui.

40Dans le cas de Santa Fe, traverser ensemble ne constitue pas une stratégie en soi : les voitures venant à toute vitesse ne sont pas en mesure de freiner ou de s’arrêter lorsqu’elles aperçoivent un groupe de piétons. Malgré cela, on peut observer que certaines personnes s’appuient sur les autres pour traverser, ce qui leur procure un plus grand sentiment de sécurité (40 % des piétons qui se sentent en sécurité de traverser par cette rue, mentionnent que cela est dû au fait de pouvoir traverser en groupe). Néanmoins, cela ne veut pas dire pour autant qu’ils sont plus en sécurité. Au contraire, les personnes qui traversent en groupe s’appuient sur des tiers et n’évaluent pas forcément la situation. Dans ces circonstances, nous avons pu observer à différentes reprises comment des voitures passent à moins d’un mètre de distance de ceux qui se situent à la queue du groupe.

41Ainsi, en dehors des dynamiques que l’on peut observer sur le site de Santa Fe, traverser en groupe permet d’acquérir de la visibilité et d’inciter les conducteurs à ralentir ou à s’arrêter. Dans ce sens, l’effet de foule permet aux piétons de traverser en diminuant le risque d’être renversés. Sur certains sites, les personnes qui traversent seules ne se sentent pas seulement plus vulnérables, mais elles sont davantage exposées au risque de collision. Dans cette situation, nous avons pu observer à différents moments comment certains piétons se protègent entre eux lorsqu’ils sont sur la chaussée. Par exemple, sur le site d’Aragón, deux inconnues décident de traverser au rouge (figure 13). Voyant une voiture s’approcher, l’une d’entre elles presse le pas et prend l’autre personne par la main pour l’inciter à marcher plus vite. Elles parviennent de l’autre côté de la chaussée ensemble, main dans la main. À un autre moment, deux hommes qui marchent ensemble traversent la rue (figure 14). Voyant une voiture venir de loin, la personne se situant à gauche de l’image pose son bras sur son compagnon en signe de protection et l’incitant également à accélérer le pas. Ce geste, assez courant, permet de traverser la rue côte à côte en évitant que l’une des personnes reste derrière et se trouve en danger.

Fig. 13 – Deux inconnues se prennent par la main pour traverser, Aragón.

Fig. 13 – Deux inconnues se prennent par la main pour traverser, Aragón.

Fig. 14 – Un homme pose son bras sur un autre en guise de protection, Aragón.

Fig. 14 – Un homme pose son bras sur un autre en guise de protection, Aragón.

4.4. Communiquer et interagir

42Étant donné que les piétons doivent ajuster la plupart du temps leur comportement à celui des véhicules (et non à l’inverse), ils cherchent, par moments, à communiquer avec les conducteurs. Cela leur permet de prédire si ces derniers ont l’intention de s’arrêter ou de continuer, de se rendre visible, de faire connaitre leur décision de traverser ou encore de remercier lorsque le conducteur cède le passage. La communication entre ces deux acteurs devient primordiale dans un contexte où leur comportement n’est pas régulé par un ensemble de règles formelles. Pendant que le piéton fait des gestes, bascule son corps vers l’avant ou cherche le regard du conducteur, le conducteur klaxonne ou allume ses phares. Cette communication non verbale répond à une négociation qui s’établit entre deux acteurs qui cherchent à s’emparer de la voie et à gagner le passage. Bien sûr, le rapport de force évident entre l’un et l’autre mène souvent le piéton à céder le passage. Ce n’est qu’au moment où il s’avance sur la chaussée, que le passant est en mesure de négocier : il est très rare que les voitures s’arrêtent lorsque les personnes attendent au feu. Le piéton cherche alors la forme de s’imposer sans trop s’exposer. Lorsque le conducteur s’arrête, il le remercie d’un mouvement de la main ou hochement de la tête. Ainsi, la priorité de passage n’est pas un droit acquis, elle se gagne à travers la négociation et les ajustements que le piéton doit constamment réaliser pour pouvoir traverser la rue.

43Sur le site de Reforma, face à un nombre trop important de voitures et à des conducteurs qui ne cèdent jamais le passage, les piétons sont obligés de prendre l’initiative pour traverser. Ils lèvent la main en s’avançant sur la chaussée et en fixant du regard les véhicules (figure 15). A Aragón, où il y a une présence plus élevée de personnes du troisième âge, on a pu observer que cette population a tendance à respecter le feu piéton. Néanmoins, cela ne veut pas dire que ces personnes portent uniquement leur attention sur le feu. Au contraire, une fois le feu tourné au vert, elles regardent sur le côté pour s’assurer que les véhicules vont bien s’arrêter. Elles cherchent le regard des conducteurs et décident de traverser uniquement lorsqu’ils s’arrêtent complètement. L’interaction s’établit donc aussi sur les traversées qui sont régulées par un feu piéton. S’il est vrai que la couleur du feu est un élément pris en compte par les personnes pour traverser la rue, ces dernières ne fondent pas leur décision sur ce seul point. À Santa Fe, il est impossible aux piétons de communiquer avec les conducteurs. Ce sont plutôt ces derniers qui font l’effort d’être vus afin d’éviter de renverser quelqu’un : ils annoncent leur arrivée en allumant leurs phares ou en klaxonnant.

Fig. 15 – Une femme lève la main pour demander aux voitures de s’arrêter, Reforma.

Fig. 15 – Une femme lève la main pour demander aux voitures de s’arrêter, Reforma.

Source : Virgilio Pasotti

4.5 Esquiver ou renoncer

44À l’issu de la négociation que nous venons de décrire et lorsque le conducteur décide de ne pas céder le passage au piéton, ce dernier se trouve face à deux alternatives possibles : esquiver la voiture ou renoncer à son objectif. Dans le premier cas, les personnes décident de traverser entre les véhicules en mouvement. Elles évaluent leur vitesse et ajustent le pas afin de les esquiver, laissant une infime distance entre leur corps et la carrosserie de la voiture. Les piétons traversent en courant, en s’approchant de certains véhicules et en s’éloignant d’autres. L’expression utilisée dans le langage courant pour nommer cet ensemble d’attitudes est celle de « torear coches » (toréer des voitures). Elle fait référence à un ensemble de conduites perçues comme risquées et qui consistent à passer entre les voitures en mouvement, à zigzaguer ou forcer le passage. Dans le deuxième cas, elles préfèrent se désister en s’arrêtant ou en revenant sur ses pas, puis attendre une autre occasion. Sur le site de Reforma, une femme seule qui attend sur le trottoir depuis un moment, décide de s’engager sur la chaussée malgré un flux régulier de voitures. Elle s’arrête à mi-chemin et y reste pendant treize secondes, sans que personne ne lui cède le passage (figure 16). Voyant qu’aucun conducteur n’a l’intention de diminuer la vitesse ou de s’arrêter, elle fait demi-tour et revient à son point de départ. Elle parvient à traverser peu de temps après avec un petit groupe d’individus. Sur ce site nous observons, plus qu’ailleurs, des tentatives avortées, provenant de personnes qui tentent de traverser seules ou à deux.

Fig. 16 – Femme au milieu de la chaussée attend qu’une voiture lui cède le passage, Reforma.

Fig. 16 – Femme au milieu de la chaussée attend qu’une voiture lui cède le passage, Reforma.

5. La traversée de rue comme révélateur d’une ville hostile

5.1. Difficultés pour traverser la rue

45Tous ces ajustements réalisés par les piétons pour passer de l’autre côté de la rue révèlent le caractère contraignant des traversées. Bien que les différentes rues présentent des difficultés particulières, elles ont des éléments en commun qui nuisent au confort et à la sécurité des piétons. Les personnes qui considèrent que la rue où elles se trouvent est plus facile à traverser que d’autres (tableau 6), sont particulièrement sensibles à l’aménagement de la traversée. Les deux raisons les plus citées pour expliquer ce sentiment sont la présence d’un feu piéton ou véhiculaire et la distance de traversée (de trottoir à trottoir). La présence d’un passage clouté arrivant en quatrième position, il est évident que l’infrastructure routière est un élément clé de la qualité d’une traversée. Par ailleurs, les personnes mentionnent également la présence de piétons et celle d’un agent de circulation qui facilitent la traversée de la chaussée. Notons néanmoins (hors tableau) qu’uniquement 5.3 % indiquent que les conducteurs leur cèdent le passage ce qui révèle, une fois de plus, l’attitude de non-respect des automobilistes envers les piétons. Dans ce sens, les raisons les plus citées par les personnes pour expliquer que la rue où elles se trouvent soit plus difficile à traverser que d’autres, sont en lien avec la présence et le comportement des automobilistes (tableau 6) : ils ne cèdent pas le passage (28.8 %), les voitures vont trop vite (15.1), sont trop nombreuses (11.1 %) et/ou ne s’arrêtent pas lorsqu’elles tournent à droite (9.7 %). En somme, les conducteurs sont les principaux responsables des contraintes subies par les piétons pour traverser la rue. Les traversées considérées comme étant les plus difficiles à traverser sont celles de Reforma et Ecatepec : respectivement 75 % et 52.5 % des personnes les considèrent plus difficiles que d’autres face à 45.6 % des personnes sur le site d’Aragón et 43.1 % sur celui d’Hidalgo.

Tableau 6 – Difficultés perçues lors de la traversée de rue

Si vous comparez cette rue avec d’autres que vous connaissez, elle est plus facile ou plus difficile à traverser ? Pourquoi ? (question à choix multiple, cinq premières réponses)

Pourcentage

Plus facile

Il y a un feu

24.4 %

La distance de traversée est courte

18.1 %

Il y a beaucoup de piétons, on peut traverser en groupe

17.8 %

Il y a un passage clouté

11.9 %

Il y a un agent de circulation

8.1 %

Plus difficile

Les conducteurs ne cèdent pas le passage (ils ne respectent pas le piéton/ils ne s’arrêtent pas)

28.8 %

Les voitures vont vite

15.1 %

Il n’y a pas de feu

11.3 %

Il y a beaucoup de voitures

11.1 %

Les voitures qui tournent à droite ne s’arrêtent pas

9.7 %

Pareil

Les conducteurs ne cèdent pas le passage (ils ne respectent pas le piéton/ils ne s’arrêtent pas)

47.1 %

Les conducteurs grillent le feu

14.4 %

Il y a un feu

7.7 %

Il n’y a pas de feu

6.7 %

Il y a un agent de circulation

6.7 %

46Afin de parvenir à identifier les éléments sur lesquels s’appuient les piétons pour traverser la chaussée, nous leur avons demandé de nous décrire la manière dont ils expliqueraient à un enfant comment traverser la rue. Les réponses ont été retranscrites directement à la main pendant l’application de l’enquête et chaque action décrite a été saisie dans une case à part, ce qui nous permet d’identifier les différentes étapes de la prise de décision. Les premières recommandations faites par les interrogés portent sur l’importance de vérifier qu’il n’y ait pas de voitures (21.5 %), en regardant des deux côtés (21.2 %), puis d’attendre qu’elles soient complètement arrêtées (17 %). Comme nous avons pu l’observer dans les vidéos, l’attention doit donc porter, tout d’abord, sur la circulation automobile. Ensuite, 12 % des personnes recommandent de vérifier le feu (sans indiquer lequel), 11.7 % de vérifier le feu piéton et 5.8 % le feu véhiculaire. Enfin, un peu plus d’une personne sur dix (11.2 %) recommande de traverser rapidement.

47En fonction des traversées, les recommandations sont sensiblement différentes. À Mixcoac, 38.9 % des personnes conseillent d’utiliser la passerelle piétonne, qu’eux-mêmes n’utilisent pas, mais qui leur semble la meilleure forme de traverser en toute sécurité. À Reforma, 23 % recommandent de traverser en groupe, soit un pourcentage deux fois plus élevé que sur d’autres sites. À Ecatepec, 22.4 % considèrent que l’unique manière de traverser en toute sécurité est de demander de l’aide à un adulte ou à un policier. Enfin, dans les deux traversées où il y a des feux, les interrogés conseillent de regarder les feux, mais en vérifiant toujours, avant ou après, qu’il n’y ait pas de voitures ou qu’elles s’arrêtent bien.

5.2 Sentiment d’insécurité

48Ces données doivent être complétées avec celles qui portent sur le sentiment de sécurité des piétons lorsqu’ils traversent la chaussée. 72.3 % des personnes de notre échantillon se sentent peu sûres au moment de traverser la rue. Ce sentiment d’insécurité est dû, en grande partie, au comportement des véhicules : 64.5 % mentionnent que les conducteurs ne cèdent pas le passage, qu’ils roulent trop vite, qu’ils ne respectent pas le feu ou qu’ils s’arrêtent sur le passage clouté. Il s’agit de la première raison citée par les piétons dans cinq des six traversées étudiées (tableau 7). Pour 26.1 % des individus interrogés, le sentiment d’insécurité est lié au manque d’aménagement de la traversée ou à l’absence d’infrastructure piétonnière : absence de passage clouté, absence de feu ou mauvais fonctionnement de celui-ci, feu mal synchronisé, barrières empêchant de traverser, etcétéra. Sur le tableau 7 nous avons reporté les trois principales raisons selon lesquelles les piétons se sentent en insécurité lorsqu’ils traversent la chaussée : les cases en gris, sont les raisons qui relèvent d’un manque d’infrastructure et celles en blanc des dynamiques des véhicules. Ce tableau permet de mettre en évidence que les piétons souffrent d’avantage du non-respect du code de la route de la part des automobilistes, que du manque d’aménagement des chaussées. Ceci explique que même sur le site d’Aragón, une partie importante de personnes se sente en insécurité. Nous avons cherché à évaluer le sentiment d’insécurité des piétons, en leur demandant d’indiquer sur une échelle allant du 1 (très peu sûr) au 10 (très sûr) quel est le degré de sécurité (insécurité) ressenti au moment de traverser la rue. La valeur moyenne obtenue a été de 4 (tableau 8) et Aragón ne se situe uniquement que 0.5 points par dessus celle-ci. Bien que les moyennes les plus élevées correspondent aux traversées les mieux aménagées, elles restent très faibles. Une chaussée bien aménagée ne garantit donc pas, à elle seule, la sécurité des piétons.

Tableau 7 – Trois principales raisons pour lesquelles les piétons se sentent en insécurité au moment de traverser la rue

Pourquoi vous sentez-vous en insécurité au moment de traverser cette rue ? (question à choix unique)

Aragón

Le feu piéton ne donne pas assez de temps pour traverser

(27.5 %)

Les conducteurs ne respectent pas le feu rouge

(15.6 %)

Les voitures roulent trop vite

(14.7 %)

Ecatepec

Les conducteurs ne cèdent pas le passage

(35.5 %)

Il n’y a pas de feu

(28 %)

Les voitures roulent trop vite

(17.8 %)

Hidalgo

Les conducteurs ne cèdent pas le passage (25 %)

Présence du BRT
(19.2 %)

Les conducteurs ne respectent pas le feu rouge

(15.4 %)

Mixcoac

Les conducteurs ne cèdent pas le passage (28.1 %)

Les voitures roulent trop vite

(18.9 %)

Transport public désordonné

(14.3 %)

Reforma

Les conducteurs ne cèdent pas le passage (37.5 %)

Le feu ne fonctionne pas (35.3 %)

Les voitures roulent trop vite

(8.8 %)

Santa Fe

Les voitures roulent trop vite

(75 %)

Les conducteurs ne cèdent pas le passage

(6.7 %)

Il n’y a pas de feu

(4.8 %)

Tableau 8 – Sentiment de sécurité, moyenne sur une échelle de 1 à 10

Aragón

4.5

Ecatepec

3.2

Hidalgo

5.7

Mixcoac

4.1

Reforma

3.9

Santa Fe

2.1

Moyenne générale

4.0

(1 : très peu sûr ; 10 : très sûr).

49Malgré ces chiffres qui peuvent nous sembler inquiétants, 27.7 % des enquêtés se sentent plutôt en sécurité au moment de traverser la rue. Pour 44 % de ceux-ci, la présence d’un feu est un élément clé qui leur offre de la sécurité. Sur les sites d’Aragón et d’Hidalgo, il s’agit de la raison la plus citée, suivie de la présence d’un passage piéton. À défaut de compter avec un feu piéton sur les autres sites, d’autres éléments ressortent qui donnent une certaine sécurité aux personnes : le ralentisseur de vitesse dans la traversée d’Ecatepec (21.1 %) ou l’agent de circulation à Reforma (41.3 %). Néanmoins, d’autres types de facteurs ressortent qui nous semblent particulièrement intéressants : le fait de bien connaitre la traversée et celui de pouvoir traverser en groupe (indiqué par 4.7 % et 10.8 % des individus qui se sentent en sécurité au moment de traverser). Il s’agit d’éléments qui se réfèrent aux stratégies mises en place par les piétons et aux compétences qu’ils ont acquises à travers de l’expérience de traverser régulièrement par le même lieu. À Santa Fe, face à une absence totale d’aménagements, le sentiment de sécurité repose exclusivement sur ces éléments-là.

5.3. Rapport à la norme et prise de risque

50Tout au long de cet article, nous avons cherché à mettre en évidence les mauvaises conditions dans lesquelles évoluent les piétons et à analyser les comportements qui en découlent. Ces comportements sont couramment qualifiés de « dangereux » et d’«  imprévisibles » par la presse écrite, qui décrit le piéton comme une personne indisciplinée, irresponsable et imprudente (Pérez López, 2015). Dans ce sens, le piéton est souvent pointé du doigt lorsqu’il n’emprunte pas les passerelles piétonnes ou traverse au feu rouge.

51Le concept de « comportement à risque » fait référence à un ensemble d’attitudes considérées comme dangereuses, dont deux sont souvent mises en avant : la transgression de la norme et le caractère imprévisible du comportement piéton. Néanmoins, il nous semble peu pertinent d’appréhender les comportements des piétons à Mexico uniquement sous le prisme de la prise de risque. Ces comportements sont à interpréter à la lumière des difficultés auxquelles ils se confrontent lorsqu’ils se déplacent et traversent la rue. Les violations constantes du code de la route à Mexico, la non-application de sanctions à l’encontre des conducteurs et l’obtention du permis de conduire sans avoir à passer d’examen théorique et/ou pratique, placent les piétons dans une situation de forte vulnérabilité. Dans ce contexte, respecter la norme et suivre les règles de circulation, ne garantissent pas la sécurité des piétons. Nous avons vu comment aucune des traversées étudiées, pour autant qu’elle soit bien aménagée, ne garantit la sécurité des piétons : les conducteurs ne respectent pas le feu rouge, ne donnent pas la priorité de passage, s’arrêtent sur les passages cloutés, etc. Aussi, être en état d’alerte, réduire le temps d’attente, courir, esquiver les voitures, transgresser la norme –lorsque celle-ci existe- sont en réalité un indicateur d’un environnement hostile et peu favorable à la tranquillité et sécurité des piétons. Les aspects normatifs de la circulation piétonne et véhiculaire, les aménagements pour piétons et autres éléments qui ont été mis en place pour garantir l’intégrité physique des piétons, ne jouent pas un rôle décisif dans leur sécurité. Dès lors que les normes ne régulent pas systématiquement les comportements des conducteurs, elles sont détournées par les piétons qui préfèrent porter leur attention sur la circulation automobile, et non sur les aspects normatifs de la traversée. Les adéquations et adaptations réalisées par les piétons pour traverser la rue, ne répondent pas à un comportement à risque, mais plutôt à une recherche de protection. Traverser au feu rouge ou vert pouvant les exposer à des difficultés similaires, les piétons s’appuient sur d’autres éléments pour traverser la chaussée. Ceci ne veut pas dire qu’ils n’ont pas intériorisé les règles de circulation. Au contraire, ils les connaissent et tentent de les faire valoir. À Aragón, lorsque les véhicules font mine de ne pas s’arrêter au feu rouge, les personnes signalent aux conducteurs le feu piéton, montrant qu’elles ont le droit de passage. Sur le site de Mixcoac qui est muni d’une passerelle piétonne qui permet de contourner la traversée et d’éviter une confrontation avec les véhicules, les piétons préfèrent tout de même traverser au niveau de la rue : ce type d’infrastructure représente pour les piétons un effort supplémentaire à faire qu’ils préfèrent éviter (Hidalgo-Solórzano et al., 2010). En dehors de ce site et de ceux qui sont régulés par un feu, la norme est beaucoup plus floue. Quel est le comportement prescrit pour traverser une rue sans feu et sans passerelle piétonne ? Quel est le moment correct pour traverser la rue à Ecatepec sans prendre des risques ? À Reforma, où les voitures ne respectent pas le passage clouté, peut-on considérer comme un comportement à risque celui des personnes qui revendiquent leur droit de passage en s’avançant sur la chaussée ? À Santa Fe, où la seule option est de traverser l’autoroute pour accéder aux différents lieux de travail, pourrait-on envisager de la part des piétons une attitude moins « risquée » ? Le comportement à risque étant intimement lié au non-respect de la norme, il ne représente pas ici une catégorie adéquate pour analyser les attitudes des piétons. À Mexico, la transgression de la norme ne peut avoir le même sens qu’elle a dans d’autres contextes fortement réglementés. Dans ce même ordre d’idées, le comportement des piétons ne peut pas non plus être qualifié d’imprévisible. Ses actions ne sont pas aléatoires, mais inévitables dans un contexte qui exige de lui des ajustements et des adaptations constantes. Malgré cela, il est socialement admis que le piéton se comporte imprudemment, ce qui explique qu’une partie importante des interrogés s’attribuent la responsabilité des collisions avec les véhicules. À la question « pourquoi pensez-vous que les piétons se font renverser par les voitures ? », plus de la moitié (58 %) rejettent la faute sur le piéton : parce qu’il n’utilise pas les passerelles piétonnes, parce qu’il traverse au rouge, parce qu’il utilise son téléphone portable ou parce qu’il est pressé (entre autres).

Conclusion

52Le comportement adopté par les piétons au moment de traverser la rue, est un indicateur du degré de difficulté de la traversée et nous renseigne sur la place attribuée au piéton en ville. Malgré quelques initiatives du gouvernement local cherchant à assurer la sécurité des piétons à travers des politiques d’aménagement des traversées piétonnes, le piéton reste très vulnérable. Les aménagements de qualité ne sont pas suffisants pour permettre une traversée tranquille et en toute sécurité. Par ailleurs, le caractère éprouvant des cheminements piétonniers ne permet aucun type de « flânerie » dans l’espace et renforce la fonction utilitaire des déplacements. Bien que nous nous sommes efforcés de décrire les manières de traverser la rue au regard des différentes configurations spatiales, il est important de souligner les limites de cette étude. La méthodologie employée ne nous a pas permis d’analyser de manière rigoureuse et systémique le rapport entre forme urbaine, aménagements urbains et comportements des piétons. Néanmoins, étant donné le faible état d’avancement des connaissances sur la mobilité pédestre au Mexique, cette recherche fournit des données pertinentes permettant d’appréhender la réalité quotidienne des personnes qui se déplacent à pied. Elle fournit également des informations intéressantes qui peuvent contribuer au renforcement de politiques publiques en faveur des piétons et de la sécurité routière. En effet, les résultats de notre recherche révèlent également une bonne acceptabilité sociale de la marche que les autorités de la ville auraient tout intérêt à exploiter afin de promouvoir ce mode de déplacement et de freiner l’usage de la voiture au profit du transport collectif et des modes de déplacements non motorisés. Par ailleurs, dans une perspective appliquée, ces résultats de recherche nous ont permis de réfléchir sur la qualité des aménagements piétonniers et d’élaborer, en collaboration avec le Institute for Transportation and Development Policy (ITDP) de Mexico, un guide d’évaluation et de planification de traversées piétonnes destiné aux autorités publiques. Cet outil pratique permettra non seulement d’évaluer la sécurité et le confort des déplacements à pied à travers une série d’indicateurs aisément observables in situ, mais également d’identifier quels sont les aménagements qui doivent être mis en œuvre pour renforcer la sécurité des piétons dans la traversée de la chaussée.

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Notes

1 Héran (2011) défini la coupure comme « tout obstacle imposant aux usagers non motorisés dans leurs déplacements une attente, un contournement ou une montée jugés excessifs » (2011, p. 26)

2 Elle se compose du District Fédéral, capitale du pays, de 59 municipes de l’Etat de Mexico et d’un municipe de l’État d’Hidalgo.

3 Part modale de la voiture dans quelques villes européennes : Sofia, 54%; Athènes, 53%; Bruxelles, 47%; Londres, 40%; Amsterdam, 38%; Berne, 32%; Vienne, 31%; Berlin, 31%; Madrid, 30%. Source : http://www.epomm.eu/tems/, consulté le 19 août 2015.

4 Part modale de la voiture dans quelques villes étatsuniennes : Houston, 88%; Los Angeles, 78%; Chicago, 61%; Philadelphie, 60%; San Francisco, 46%; Boston, 45%; Washington D.C., 43%; New York, 29%. Source: American Community Survey, 2009

5 Base de données sur les accidents de la route dans le District Fédéral, INEGI, 2013.

6 http://www.worldmayor.com/contest_2010/world-mayor-2010-results.html

7 Le District Fédéral se compose de seize divisions territoriales nommées « délégations ».

8 Environ 300 et 565 euros respectivement.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Réseau régulier en damier : centre historique de la ville de Mexico dans un rayon d’un kilomètre autour de la traversée d’Hidalgo
Crédits Source : Luz Yazmín Viramontes
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Fichier image/jpeg, 188k
Titre Fig. 2 – Réseau irrégulier et peu maillé : périphérie du quartier de Santa Fe dans un rayon d’un kilomètre autour de la traversée étudiée.
Crédits Source : Luz Yazmín Viramontes
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/538/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Fig. 3 – Localisation des traversées étudiées, Zone Métropolitaine de la Vallée de Mexico
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/538/img-3.png
Fichier image/png, 260k
Titre Fig. 4 – Ralentisseur de vitesse et signalisation verticale à Ecatepec
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/538/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 260k
Titre Fig. 5 – Occupation des interviewés par traversée
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Fichier image/png, 19k
Titre Fig. 6 – Durée des déplacements (origine-destination)
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Fichier image/png, 16k
Titre Fig. 7 – Nombre moyen de séquences par déplacement
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Fichier image/png, 34k
Titre Fig. 8 – Attendre aux aguets. Aragón
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Fichier image/jpeg, 3,7M
Titre Fig. 9 – Voitures faisant halte sur le passage piéton, Reforma.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/538/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre Fig. 10 – Courir entre le changement de phase des feux de circulation, Mixcoac.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/538/img-10.png
Fichier image/png, 1,2M
Titre Fig. 11 – Traverser entre les voitures, Hidalgo.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/538/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 324k
Titre Fig. 12 – Jeunes hommes qui courent pour traverser la chaussée, Santa Fe.
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Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre Fig. 13 – Deux inconnues se prennent par la main pour traverser, Aragón.
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Titre Fig. 14 – Un homme pose son bras sur un autre en guise de protection, Aragón.
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Fichier image/png, 1,0M
Titre Fig. 15 – Une femme lève la main pour demander aux voitures de s’arrêter, Reforma.
Crédits Source : Virgilio Pasotti
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Titre Fig. 16 – Femme au milieu de la chaussée attend qu’une voiture lui cède le passage, Reforma.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Ruth Pérez López, « Quand le piéton défie la ville : traverser la chaussée à Mexico »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 9 | 2015, mis en ligne le 19 octobre 2015, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/538

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Auteur

Ruth Pérez López

Centre d’Études Mexicaines et Centraméricaines, UMIFRE 16, USR 3337, CNRS-MAEDI (ruth.perez@cemca.org.mx)

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Droits d’auteur

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