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Concilier alimentation de proximité et cadre de vie : l’expérience francilienne peut-elle être utile pour le Grand Tunis?

Roland Vidal et Saloua Toumi

Résumés

Le maintien de terres agricoles dans le tissu urbain des grandes agglomérations en expansion comme Tunis ou Paris relève à la fois d'enjeux alimentaires, environnementaux et paysagers. Les différences significatives qui distinguent ces deux métropoles nécessitent, dans le cas du Grand Tunis, une approche spécifique qui sache tirer parti des expériences franciliennes tout en construisant des projets adaptés au contexte local. C'est ce qu'expérimente le projet présenté ici, attentif notamment au contexte économique et aux attentes sociales des Tunisois. Parti de préoccupations environnementales, ce projet se donne aussi comme objectifs de lutter contre la pauvreté urbaine et d'améliorer le cadre de vie des habitants.

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Texte intégral

Introduction

1Si l’agriculture urbaine concerne actuellement de nombreuses métropoles et villes secondaires, ses enjeux et ses logiques agro-économiques et socio-spatiales sont néanmoins nettement différents d'un contexte à l’autre.

  • 1 CIRAD, Centre de coopération internationale en agronomie pour le développement (cirad.fr). Voir not (...)
  • 2 CIHEAM, Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes. Voir notamment les tra (...)
  • 3 FAO, United Nation Food and Agriculture Organization (fao.org); CRDI, Centre canadien de recherche (...)

2Dans les pays du Sud, cette agriculture à petite échelle se développe considérablement depuis quelques décennies, dans les interstices des villes ou autour de celles-ci, poussée par les populations migrantes qui cherchent avant tout à subvenir à leurs besoins alimentaires. Cette pratique, qui ne semblait pas intéresser les pouvoirs publics locaux, a tout de même suscité l’attention de nombreux chercheurs, notamment ceux du CIRAD1, du CIHEAM2, et de certains organismes d’aide au développement comme la FAO, le CRDI ou le RUAF3. Ces derniers financent de nombreux projets dans divers pays en voie de développement afin de valoriser et de soutenir cette agriculture, nécessaire pour lutter contre l’inégalité alimentaire, et source d’économie pour les populations urbaines les plus défavorisées. D’ailleurs, sa part dans l’approvisionnement des villes, pour certains produits frais, peut atteindre 100 % dans les villes du Sud (Moustier, 2003) et elle couvrirait, selon certains auteurs, 30 % de la nourriture consommée en milieu urbain à l’échelle mondiale (Smit et al., 2006).

3Dans les pays du Nord, par contre, l’agriculture urbaine est loin de remplir une fonction exclusivement nourricière. Son émergence et sa croissance ne sont d’ailleurs pas le fait des populations les plus démunies. C’est surtout la conquête des terres agricoles par l’étalement urbain qui a été à l’origine d’un souci de préservation des espaces ouverts et qui a permis la prise en compte de ces « nouveaux » territoires dans les politiques d’aménagement. On a vu ainsi, dans la périphérie parisienne par exemple, émerger des projets visant à maintenir, voire à réinventer, cette agriculture de proximité urbaine. Et s’il est vrai que l’on voit s’affirmer de plus en plus une demande de produits frais de proximité dans diverses métropoles de pays industrialisés, c’est surtout en réaction aux diverses crises sanitaires (« vache folle », grippe aviaire…) de la fin du 20e siècle (Aubry et Chiffoleau, 2009), et non pas suite à des crises alimentaires comme celles qui affectent de nombreux pays du Sud.

4Un pays émergent comme la Tunisie échappe largement à cette distinction Nord / Sud et son agriculture urbaine, non encore reconnue, revêt des enjeux qui relèvent à la fois de l’alimentation, de l’environnement et du paysage. Dans le Grand Tunis, métropole sud-méditerranéenne qui connaît un étalement urbain proportionnellement aussi important que celui de Paris, ces trois enjeux devraient donc être dominants dans les politiques urbaines. Pourtant, la prise en compte de cette agriculture reste absente des grands schémas directeurs comme de la plupart des règlements d’urbanisme, qui privilégient toujours les enjeux strictement urbains, en dépit même des lois existantes sur la protection des terres agricoles (Jouve et Padilla, 2007).

5Cette négligence est d’autant plus dommageable que, à l’inverse des grandes villes d’Europe du Nord, l’agriculture tunisoise bénéficie de conditions agro-climatiques favorables à la production d’une alimentation de proximité qui, par ailleurs, dispose encore de réseaux de distribution suffisamment efficaces pour ne pas avoir à être réinventés. Privée de réglementation ou dotée de règlements non appliqués, mal soutenue par les pouvoirs publics, l’agriculture urbaine du Grand Tunis reste menacée non seulement par les problèmes récurrents d'habitat spontané, mais aussi par les enjeux liés à la plus-value foncière, alors qu’elle pourrait être une composante majeure de la construction urbaine (Bouraoui, 2000).

6Au Nord de la Méditerranée, par exemple à Paris, on voit se mettre en place des politiques de planification et des expériences locales qui révèlent un souci croissant de préservation de l’agriculture des régions urbaines, alors que les conditions agro-climatiques ne sont pas favorables aux formes agricoles qui répondraient le mieux à la demande émergente : le maraîchage ou l’arboriculture fruitière. Au Sud, et notamment à Tunis, la situation est inverse.

Cadre théorique et méthodologique

7L’objectif de la comparaison que nous entreprenons ici est de mettre en évidence les enjeux de l’agriculture urbaine dans le Grand Tunis, d’un triple point de vue – écologique, économique et paysager – et dans une double approche, à la fois théorique et pratique.

8La multidisciplinarité inhérente à ce type de démarche correspond à la réalité pratique d’un territoire hybride, où la ville rencontre l’agriculture en en redessinant les limites physiques d’une façon de moins en moins nette, de sorte que ni les sciences agronomiques ni celles de l’urbanisme ne peuvent en appréhender l’intégralité. C’est donc sous l’angle des sciences du paysage, qui émergent aujourd’hui en s’affirmant elles-mêmes comme hybrides entre théorie et pratique (Brunon et al., 2009; Donadieu, 2012), que nous avons choisi d’aborder cette approche comparative entre l’Île-de-France et le Grand-Tunis.

9L’état des recherches conduites jusqu’ici sur ces deux territoires étant très différent, nous avons choisi de mettre en vis-à-vis des travaux effectués depuis plusieurs années en Ile-de-France et une approche de terrain que nous avons récemment réalisée dans le Grand-Tunis. Cette dernière, beaucoup plus localisée, n’a pas la prétention d’aboutir à des résultats définitifs, mais plutôt de soulever des interrogations en mettant en évidence les différences les plus significatives entre les deux régions. Notre objectif, plus pratique que théorique, est de permettre aux acteurs de terrain de tirer parti des expériences françaises, tout en évitant une transposition trop rapide qui risquerait d’être contre-productive.

10Le choix des outils méthodologiques mis en œuvre, guidé lui aussi par la réalité du terrain, emprunte aux sciences sociales comme à la géographie physique ou à l’agro-économie, et vise à révéler la dynamique spatiale en cours dans la perspective d’éclairer les projets urbains actuels ou à venir. L’évolution de la place relative de l’agriculture dans une région urbaine en pleine évolution est révélée par une approche comparative entre des documents graphiques ou photographiques de différentes époques, analysés à l’échelle de la région comme à l’échelle des exploitations ou même des parcelles. Elle montre comment l’urbanisation en cours reconfigure les territoires de l’agriculture, et révèle comment se construisent des résistances face à ce qui pourrait paraître, au premier abord, comme un inéluctable déclin de l’agriculture face à la ville.

11Pour affiner cette analyse, des entretiens approfondis ont été menés auprès d’une soixantaine d’agriculteurs de notre terrain d’étude, la Plaine de la Soukra. Il s’agissait de comprendre les différentes manières dont ils adaptent leurs systèmes de production pour mieux tirer parti de la proximité urbaine. Conduits dans un premier temps en 2009 et 2010, ces entretiens ont été repris après la révolution tunisienne de janvier 2011, afin de profiter de la vague de libération de la parole qu’a connue le pays, qui a permis aux agriculteurs de parler bien plus librement de leurs stratégies d’exploitation.

  • 4 Selon l’Institut National de Statistique de Tunisie, Sondage national des dépenses des ménages, leu (...)
  • 5 22 marchés, 56 vendeurs locaux, 15 supermarchés, 2 hypermarchés.

12Ces orientations stratégiques étant en relation étroite avec les différentes filières de distribution sur lesquelles les agriculteurs peuvent compter pour valoriser au mieux leur production, nous avons également entrepris de mieux connaître la diversité de ces réseaux et de mieux en saisir les dimensions économiques. Ne disposant pas, en Tunisie, de données aussi détaillées que celles que fournissent en France les organismes spécialisés, nous avons réalisé un certain nombre de relevés de prix sur le terrain. Nous avons ainsi observé les prix fixés pour les fruits et les légumes de base les plus consommés en Tunisie4 (melon, pastèque, agrumes, pommes, pêches, pomme de terre, piment, tomate et oignon) dans les différents réseaux de distribution du Grand Tunis (Souks hebdomadaires, marchés municipaux, vendeurs de quartiers, supermarchés et hypermarchés5). Les observations ont été reproduites à différents moments de l’année afin de prendre en compte les variations saisonnières. Quelque 20 000 prix ont ainsi été relevés en deux ans.

  • 6 Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.
  • 7 Centre d’études et de recherches pour l’observation des conditions de vie.

13Si cette approche économique reste empirique en regard des travaux menés par des organismes spécialisés, elle permet néanmoins de révéler des différences significatives entre la Tunisie et la France lorsqu’on la compare, par exemple, avec les données du CTIFL6 ou du CREDOC7 (Toumi et Vidal, 2011). Elle permet surtout de mieux comprendre comment les agriculteurs font évoluer leurs stratégies en fonction de l’évolution de la demande et comment se dessine, dans le Grand-Tunis, un système agraire adapté à la proximité urbaine.

  • 8 Valorisation des eaux pluviales et grises en agriculture urbaine. Voir plus loin.

14L’agriculteur tunisois, même s’il saisit toutes les opportunités de diversification qui s’offrent à lui, reste avant tout soucieux de l’équilibre économique de son exploitation agricole. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes également penchés sur la question de l’eau, qui pourrait bien être, dans les années qui viennent, le principal facteur limitant du maraîchage, qui est le système de culture qui se porte le mieux dans le Grand-Tunis. Nous nous sommes ici appuyés sur le projet de recherche-action VALEAS8, qui vise précisément à mettre au point des solutions permettant un meilleur équilibre de la gestion de l’eau entre la ville et son agriculture de proximité.

15L’analyse des premiers résultats de ce projet sera enfin mise en relation avec de possibles perspectives de planification urbaine visant à mettre en valeur l’agriculture urbaine dans un triple objectif : alimentaire, environnemental et paysager. Sur ces trois aspects, à l’aide de la comparaison avec les expériences franciliennes, on tentera de mettre en évidence ce qui différencie, parfois profondément, les deux situations et, a contrario, ce qui pourrait être retenu comme des principes susceptibles d’être transposés du nord au sud, notamment en matière d’aménagement de l’espace. C’est là la dimension pratique des sciences du paysage.

L’agriculture urbaine dans l’expérience francilienne

  • 9 PADOG, Plan d’aménagement et d’organisation générale (de la Région Parisienne); SDAURP, Schéma dire (...)

16L’évolution de la planification en Ile-de-France témoigne de la place qu’a prise progressivement l’agriculture urbaine dans les politiques d’aménagement du territoire. Ces politiques, dans un premier temps, ne prenaient en considération que des enjeux strictement urbains. L’urgence était de résoudre la crise du logement tout en aménageant les réseaux de circulation et en corrigeant le sous-équipement des banlieues, objectifs principaux du PADOG de 1960 et du SDAURP de 19659.

  • 10 SDAURIF, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région Île-de-France

17C’est à partir de 1976 que l'on a commencé à se préoccuper des « espaces ouverts », naturels, agricoles ou forestiers, avec la promulgation du SDAURIF10. Ce schéma directeur a été élaboré suite à l’échec de la maîtrise de l’étalement urbain projetée par le SDAURP de 1965. La révision de ce dernier a donné alors naissance à une nouvelle politique de « zones naturelles d’équilibre » (ZNE). Ces ZNE étaient comprises comme des espaces non construits indispensables à « l’équilibre » de l’agglomération urbaine. Elles pouvaient aussi bien, et sans grande distinction, concerner des espaces naturels ou forestiers que des zones agricoles économiquement rentables et compétitives. Cette politique s’est concrétisée notamment par la création de trois parcs naturels régionaux qui, avec les grands massifs forestiers, devaient entourer la ville d’espaces ouverts protégés de l'urbanisation.

  • 11 SDRIF, Schéma directeur de la Région Île-de-France. Ces différents schémas d’aménagement sont consu (...)
  • 12 La Région Ile-de-France, dans sa terminologie officielle, a retenu l’adjectif « agriurbain », qui p (...)

18Mais ce n’est qu’avec le SDRIF11 de 1994 qu’est définie la notion de « ceinture verte », comprise comme une couronne qui entoure l’agglomération et la sépare de l’espace proprement rural, et dans laquelle trouve place une agriculture spécifique. Celle-ci bénéficie dès lors d’une politique locale visant à la maintenir en garantissant aux agriculteurs le bon fonctionnement de leur activité économique face à la pression urbaine. C’est ainsi que sont apparus les programmes agriurbains12, « derniers nés des outils de conservation des espaces ouverts, et notamment agricoles, autour des grandes agglomérations » (Charvet et Poulot, 2006). Ces programmes seront confortés par le SDRIF de 2008 qui introduira, en plus, la notion de « fonctionnalité des espaces ouverts » (IAU-IDF, 2009). L’agriculture n’est plus, dès lors, un simple espace de respiration dans une ville trop dense, elle est aussi comprise comme un mode d’occupation du territoire doté de ses propres logiques de fonctionnement spatial.

19Les programmes agriurbains traduisent d’abord un nouveau consensus entre la ville et l’agriculture, dans une logique de territorialisation qui annonce une intention de prendre en compte les contraintes spatiales des agriculteurs, au même titre que les attentes des citadins. Pour favoriser les liens entre les deux mondes, des mesures sont prises, d’un côté pour faciliter le travail agricole, en limitant les contraintes imposées à la circulation des engins par exemple, et de l’autre pour favoriser des formes agricoles qui répondent aux désirs des citadins. Elles doivent pour cela renvoyer l’image de « nature » qu’ils en attendent et adopter les formes et les dimensions des petites fermes à dominante maraîchère, plus conformes aux images souhaitées. La grande culture utilisant une haute technicité n’est pas représentative des paysages de « campagne » les plus appréciés, car leur image renvoie souvent à l’accaparement industriel, remis en cause ces dernières décennies.

  • 13 Enquêtes réalisées en Ile-de-France entre 2007 et 2010 par le Collectif d’enseignement et de recher (...)

20Pour renforcer la dynamique de sauvegarde de cette agriculture de proximité, de nouveaux réseaux de distribution sont élaborés en vue de rapprocher les producteurs des consommateurs et d’offrir ainsi aux premiers la perspective d’une meilleure valorisation de leur production, et aux seconds la garantie d’une meilleure traçabilité des denrées alimentaires. Qu’ils détiennent des exploitations spécialisées ou mixtes, plus de 1400 agriculteurs sont engagés dans la pratique de ce mode de vente en Île-de-France (Aubry et Chiffoleau, 2009). Mais ce type de commercialisation, qui demande la multiplication des réseaux d’écoulement, les contraint à cumuler deux, voire trois activités (production, commercialisation et transformation dans certains cas), avec une charge de travail assez élevée : plusieurs maraîchers interrogés lors de l’enquête estiment travailler jusqu’à 70 heures par semaine13.

21La vente via les circuits dits « courts » est, d’un autre côté, considérée comme une forme de rapprochement social entre le consommateur-citadin et l’agriculteur, du fait qu’elle permet de construire des liens plus directs entre eux. La construction de relations de confiance entre l’agriculteur et le consommateur est d’ailleurs une motivation essentielle pour la majorité des acheteurs, auxquels elle est censée garantir une qualité supérieure à celle qu’aurait une marque commerciale (CREDOC, 2008). Des circuits associatifs comme les AMAP permettraient, a priori, de communiquer mieux sur le métier de l’agriculteur et sur ses pratiques (Langhade, 2010), même si certains travaux montrent que l’engagement contractuel pris par les consommateurs n’est pas toujours respecté lorsqu’il s’agit de participer concrètement aux travaux de la ferme (Aubry et Chiffoleau, 2009).

22Il est vrai que de nombreuses enquêtes révèlent une attirance croissante des consommateurs pour les produits traditionnels, locaux ou biologiques, et traduisent l’inquiétude de ceux-ci envers un marché alimentaire globalisé, ce qui devrait, a priori, les orienter vers une agriculture de proximité. Mais dans le même temps, les études portant sur l’état global de la consommation alimentaire montrent que le premier critère guidant le choix des ménages est depuis quelques années le prix, ce qui se traduit par une montée importante des parts de marché tenues par les hard-discounters (CREDOC, 2008), qui s’approvisionnent préférentiellement sur le marché global, plus concurrentiel.

23Le succès incontestable des circuits courts de proximité ne semble donc pas être de nature à inverser la tendance générale : on voit baisser d’une façon constante la place du maraîchage dans l’agriculture française. Celui-ci baisse d’ailleurs particulièrement en Île-de-France, où il ne représente plus aujourd’hui que 0,8 % de la surface agricole utile (CCRI, 2001-2009), tandis que les grandes cultures se maintiennent bien et que la taille moyenne des exploitations augmente régulièrement, ce qui ne va pas, a priori, dans le sens des attentes citadines.

24Pour contrer cette tendance, les pouvoirs publics locaux ou nationaux, dans la continuité du Grenelle de l’Environnement (Alduy et Piron, 2008), favorisent de plus en plus les filières courtes dans l’espoir de protéger l’agriculture de proximité (Traversac, 2010). Ces politiques s’appuient essentiellement sur l’incitation des consommateurs, des associations ou des collectivités (via la restauration collective, notamment), à valoriser le produit local par des initiatives citoyennes s’inscrivant dans des systèmes alternatifs.

25L’avenir dira si ces initiatives auront eu un poids suffisant pour inverser les tendances lourdes de l’évolution des paysages agricoles franciliens ou si l’esprit pionner qui les a initiés cédera finalement devant l’inertie d’un système mis en place de longue date (Kébir, 2012). Dans le cadre de l’approche comparative qui nous intéresse ici, on remarquera surtout que de telles politiques, transposées telles quelles à Tunis, risqueraient fort de concurrencer et de mettre en péril, non pas la grande distribution, mais un système économique local qui, on le verra plus loin, fonctionne très bien par lui-même.

26Mais les expériences franciliennes ont aussi donné lieu à des projets de territoire dans lesquels la dimension paysagère a occupé une position centrale et indépendante de la question alimentaire. Quel que soit le type de production agricole, et même la taille des parcelles ou des exploitations, faire cohabiter sur le même terrain une activité économique et la réponse à des attentes paysagères n’est en effet pas une mince affaire. Les agriculteurs acceptent assez facilement de considérer leur paysage comme un bien commun dès lors qu’il s’agit d’en partager un droit de regard. Mais la demande citadine ne s’arrête pas là. Le paysage agricole doit aussi être pour eux un territoire accessible : le bien commun doit aussi assumer des fonctions qui sont celles de l’espace public (Poulot, 2006).

  • 14 Entretiens réalisés en 2007 auprès des maraîchers du Plateau. Le Plateau Briard, dans le Val-de-Mar (...)

27Plusieurs expériences ont été menées dans certains des projets agriurbains franciliens pour permettre la cohabitation de ces différents usages sans compromettre le fonctionnement économique des exploitations. L’idée générale est de prendre en compte le comportement des citadins, peu informés du fonctionnement des espaces agricoles, dans l’aménagement de l’espace. Si la lutte contre le vol ou le vandalisme n’est pas toujours aisée et nécessite parfois la fermeture physique des parcelles, on a pu constater que la fréquentation importante par un public de promeneurs au comportement « citoyen » pouvait être de nature à protéger les cultures. C’est du moins ce que déclarent, après plusieurs années d’expérience, certains des agriculteurs du Plateau Briard14. Il faut dire qu’ici, le territoire a été aménagé de façon à permettre la promenade à l’intérieur de la zone agricole sans risque de piétinement des cultures, puisque les chemins ouverts au public sont physiquement séparés des parcelles elles-mêmes, soit par un dénivelé de terrain, soit par des haies protectrices et néanmoins transparentes (photo 1).

Photo 1. Aménagement des cheminements sur le Plateau Briard. Des haies séparent les chemins ouverts au public des espaces cultivés, mais des ouvertures visuelles laissent passer le regard vers les cultures.

Photo 1. Aménagement des cheminements sur le Plateau Briard. Des haies séparent les chemins ouverts au public des espaces cultivés, mais des ouvertures visuelles laissent passer le regard vers les cultures.

Photo : R. Vidal, 2010

  • 15 Un autre des 10 projets agriurbains franciliens, situé dans l’Essonne. Voir le site trianglevert.or (...)

28Ces aménagements permettent surtout de prévenir les déprédations involontaires dues à la méconnaissance du monde agricole, bien plus fréquentes que les intentions malveillantes. C’est dans ce même objectif qu’ont été installés, ici comme dans d’autres projets agriurbains, des panneaux d’information destinés au public. Tout en servant à rendre attractive la promenade en lui donnant une dimension culturelle, ces panneaux ont aussi pour vocation de mieux faire comprendre le fonctionnement des espaces de l’agriculture en rappelant, notamment, qu’ils sont le lieu d’une activité économique et que, à ce titre, ils sont privés. C’est le discours répété sur les nombreux panneaux, qui servent aussi à identifier le territoire du Triangle Vert15 (photo 2).

Photo 2. Le Triangle Vert des Villes maraîchères du Hurepoix. Des panneaux informent les visiteurs avec le message suivant : « Le paysage vous est offert, les chemins vous sont ouverts. L’agriculture est une activité économique, les champs sont privés, merci de les respecter ».

Photo 2. Le Triangle Vert des Villes maraîchères du Hurepoix. Des panneaux informent les visiteurs avec le message suivant : « Le paysage vous est offert, les chemins vous sont ouverts. L’agriculture est une activité économique, les champs sont privés, merci de les respecter ».

Photo : R. Vidal, 2010

29Cette question de la cohabitation entre espace productif et espace récréatif ne se pose pas encore dans le Grand-Tunis car les exploitations maraîchères ou fruitières qui s’y trouvent sont encore totalement fermées au public. Mais dans la perspective d’une diversification de ces exploitations en vue de leur intégration dans un projet urbain, l’accueil du public sera l’une des orientations vers lesquelles devront se tourner les agriculteurs tunisois. Il sera alors intéressant de tirer parti des expériences qui ont le mieux fonctionné en Île-de-France.

L’agriculture urbaine du Grand-Tunis vue à travers le cas de La Soukra

30Selon le découpage agricole de la Tunisie, tel qu’il est défini par le Schéma directeur d’aménagement du territoire national (SDATN), la région Tunisoise est qualifiée de « région arboricole-maraîchère » (Picouet, 2006); elle est constituée de grandes unités agricoles dont la plus importante est celle de la Basse Vallée de Madjerda. Une grande partie de celle-ci fait partie du gouvernorat de l’Ariana, qui représente les deux tiers du potentiel agricole du Grand Tunis. Il représente également 2,6 % de la surface des terres cultivées du pays (CRDA, 1994-95) et plus de 6 % des cultures maraîchères, avec une productivité qui se situe dans la moyenne nationale.

31Une des particularités de ce gouvernorat est qu’il accueille une population agricole jeune (30 % de chefs d’exploitation de moins de 40 ans), relativement plus instruite que dans le reste du pays, dont un nombre important habite en zones urbaines (38 % selon le Ministère de l’agriculture 1994-1995) et dont près de la moitié exerce une seconde activité extra-agricole. Mais le gouvernorat connaît le taux de croissance démographique le plus élevé du Grand Tunis depuis 1975, du fait de l’exode rural, d’une part, et de la migration des populations du centre-ville vers la périphérie, d’autre part (Elloumi 2006; Elloumi et al. 2003). Consécutivement, il enregistre un taux de ruralité décroissant (19 % en 1994, contre 29 % en 1984).

32Réputé jadis pour ses grands domaines agricoles, ce gouvernorat se trouve aujourd’hui sous l’influence de l’extension de l’agglomération tunisoise. De ce fait, de nombreux territoires agricoles se transforment progressivement en lieux d’accueil pour de nouveaux noyaux urbains, non planifiés dans la majorité des cas. Ni complètement urbaines ni complètement agricoles, certaines communes connaissent ainsi une nouvelle organisation spatiale, porteuse de diverses tensions, mais aussi de dynamiques spécifiques, quand les activités de la ville et celles de l’agriculture se croisent et parfois se superposent sur un même territoire.

33C’est le cas de la plaine de La Soukra, à 6 km du centre de Tunis, autrefois réputée pour les orangeraies de Sidi Fraj et de Dar Fadhal (voir la carte, figure 1).

Figure 1. La plaine de la Soukra en 1962. A cette époque, la plaine est entièrement agricole avec des cultures diversifiées, maraîchage, cultures fourragères et arboriculture fruitière. L’agrumiculture est dominante à Sidi Fraj et Dar Fadhal (en rose). Le centre urbain le plus proche est celui de l’Ariana (en noir).

Figure 1. La plaine de la Soukra en 1962. A cette époque, la plaine est entièrement agricole avec des cultures diversifiées, maraîchage, cultures fourragères et arboriculture fruitière. L’agrumiculture est dominante à Sidi Fraj et Dar Fadhal (en rose). Le centre urbain le plus proche est celui de l’Ariana (en noir).

Source : Cartographie Vidal-Toumi, d’après les photos aériennes de l’IGNT

34Aujourd’hui statutairement urbaine, elle est connue comme une zone résidentielle, à la fois populaire et aisée, et industrielle. Pourtant, elle conserve encore près de 50 % de son territoire en agriculture, avec un système de production et un mode de relation avec la ville qui ont évolué au fil du temps. La Plaine de La Soukra est donc représentative de l’agriculture urbaine du Grand Tunis, ce qui n’est pas vraiment nouveau dans son histoire. Dès l’époque beylicale, en effet, la proximité de Tunis a stimulé le développement agricole de la Plaine par les débouchés qu’elle offrait à ses productions, fruits, légumes et lait, tandis que, dans le même temps, la Plaine s’affirmait comme lieu d’agrément pour l'aristocratie tunisoise et les citadins aisés.

35Après l’Indépendance, et avec l’introduction des eaux usées traitées (EUT) pour l’irrigation, la dynamique agricole devint encore plus prospère et la relation avec la capitale en extension s’enrichit considérablement. En plus des marchés de gros, les produits de La Soukra gagnaient progressivement les quartiers urbains, par le biais de quelques vendeurs locaux et, surtout, des marchands ambulants. Mais avec l'interdiction d’utilisation des EUT pour le maraîchage et l’apparition de nouveaux noyaux urbains à partir des années 1980, la plaine commença à perdre son identité agricole au profit d’une identité urbaine.

36À cette époque, les inondations, de plus en plus fréquentes, affectent fortement la capitale et entraînent de fréquents débordements des stations d’épuration. La qualité de l’eau et du sol se dégrade, les agriculteurs sont contraints de changer de type de culture et de s’adapter aux conditions techniques et au contexte urbain environnant, ce qui n’est pas toujours possible. Le phénomène d’abandon des terres agricoles se propage dans la plaine. (Bouraoui et Houman, 2008)

  • 16 Les eaux grises, de l’anglais greywater, sont les « eaux utilisées pour la vaisselle, la lessive ou (...)

37Pourtant, et malgré ces difficultés techniques, de nombreuses exploitations se maintiennent grâce à une logique économique basée sur l’approvisionnement de proximité, mais le problème de l’eau constitue encore un frein majeur : insuffisante en été, parfois excessive en hiver, l’eau est souvent altérée par la salinisation des nappes et par la pollution urbaine. C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet local de recherche - action pour la valorisation des eaux pluviales et grises16 par l’agriculture urbaine (projet VALEAS, décrit plus loin), que ses animateurs ont choisi d’installer sur la Plaine de La Soukra parce que, précisément, elle s’avérait la plus représentative du Grand Tunis du point de vue de l’agriculture urbaine.

Figure 2. La Plaine de La Soukra aujourd’hui. En continuité avec l’aire urbaine de Tunis, et bien qu’elle soit de plus en plus urbanisée (en noir), la commune de La Soukra maintient encore près de la moitié de son territoire en agriculture (en vert).

Figure 2. La Plaine de La Soukra aujourd’hui. En continuité avec l’aire urbaine de Tunis, et bien qu’elle soit de plus en plus urbanisée (en noir), la commune de La Soukra maintient encore près de la moitié de son territoire en agriculture (en vert).

Source : cartographie Vidal-Toumi, d’après les photos satellites (IGNT, 2011, consultées sur maps.google.fr le 14 octobre 2011)

Une plaine en cours de recomposition spatiale et agricole

38L’analyse spatiale de la Plaine, réalisée à partir de photos aériennes de dates différentes (1962 et 1988) ainsi que de photos satellite (2008 et 2010), nous a permis de révéler la complexité de la nouvelle organisation spatiale du territoire agricole, dans un contexte où les limites entre la ville et l’agriculture sont de moins en moins nettes.

Figure 3. Morcellement d’un ancien verger entourant une villa luxueuse. Du temps des Beys, de riches propriétaires installaient leur résidence de villégiature dans des vergers de plusieurs hectares. Morcelées du fait des successions, les terres qui restent exploitées ne survivent pas économiquement si elles ne sont pas reconverties en maraîchage.

Figure 3. Morcellement d’un ancien verger entourant une villa luxueuse. Du temps des Beys, de riches propriétaires installaient leur résidence de villégiature dans des vergers de plusieurs hectares. Morcelées du fait des successions, les terres qui restent exploitées ne survivent pas économiquement si elles ne sont pas reconverties en maraîchage.

39Source : cartographie Vidal-Toumi, sur fond de photo satellite (IGNT, 2011)

40Le territoire agricole, de moins en moins important, subit une pression urbaine répartie d’une manière imprévisible, qui donne naissance à des noyaux urbains de tous genres (habitat individuel, habitat collectif, industrie) et qui accueille des catégories sociales très différentes (populaires, aisées, classe moyenne). Du fait du non-respect de la loi de protection des terres agricoles et des plans d’aménagement urbain, l’apparition et l’évolution de ces entités urbaines, entretenues par un marché clandestin des terres agricoles, a fait que le morcellement et l’enclavement des exploitations agricoles sont de plus en plus marqués. On estime d’ailleurs que la taille moyenne d’une exploitation fonctionnelle ne dépasse plus 1,3 ha, cour et habitation comprises. Le phénomène d’abandon des terres est également de plus en plus fréquent, même si l’arrivée du projet VALEAS commence à susciter des remises en culture de friches.

  • 17 CUA-SDD, Club Unesco-Alecso « Savoir et développement durable » (Tunis).

41Le dépouillement des enquêtes effectuées en 2008, par le CUA-SDD de l’Ariana17, auprès de 100 agriculteurs actifs de la Plaine, nous a permis effectivement de vérifier cette nouvelle organisation spatiale.

42En fait, la Plaine accueille depuis toujours deux grands types de production agricole : l'arboriculture fruitière (agrumes, fruits d’été, oliviers et grenadiers) et le maraîchage (radis, navet, carotte, oignon, persil, blette, pomme de terre…). Cependant, elle a toujours été réputée pour ses orangeraies, qui occupaient un territoire important. L'agrumiculture se concentrait essentiellement à Sidi Fraj, et partiellement à Dar Fadhal. Le maraîchage occupait la zone sud de Choutrana et celle de Dar Fadhal. L’arboriculture fruitière d’été occupait, elle, la zone nord de Choutrana. Aujourd’hui, avec le changement spatial que connaît la région, les orangeraies ne sont plus en tête de liste des cultures pratiquées. La première cause de ce déclin fut sans doute la diminution qualitative et quantitative des ressources en eau, mais il fut grandement accentué par le morcellement des terres agricoles du fait d’une urbanisation incontrôlée. L’arboriculture nécessite en effet des surfaces plus importantes que le maraîchage pour assurer la rentabilité de l’exploitation.

43On observe donc maintenant une nouvelle répartition spatiale des formes agricoles, avec une prédominance croissante des exploitations mixtes, par rapport aux exploitations spécifiquement fruitières qui dominaient auparavant. Cette évolution a nécessité des enquêtes complémentaires pour comprendre les stratégies des agriculteurs concernés. Il ressort de celles-ci que, outre l’adaptation aux nouvelles contraintes techniques, les agriculteurs ont surtout recherché une intensification de leur production, la multiplicité des cultures pratiquées leur permettant d’allonger la saison agricole. Cet allongement permet de mieux utiliser les ressources en main d’œuvre et de mieux étaler les revenus qui, par ailleurs, augmentent globalement du fait de la place plus importante occupée par le maraîchage.

44Des exploitations de relativement petite dimension peuvent ainsi conserver leur rentabilité, et cette évolution montre bien la capacité des agriculteurs à s’adapter à des contraintes nouvelles. Mais cette adaptation n’aurait pas été possible sans l’existence d’un marché local particulièrement bien adapté aux productions maraîchères.

Une agriculture qui alimente le marché local

45Dans ces cultures mixtes, c’est donc le maraîchage qui prend le plus de place et de nombreux agriculteurs tendent à le pratiquer, malgré la grande charge de travail que demande ce type de culture, contrairement aux arbres fruitiers. Tout d’abord parce que c’est la seule culture qui permet une production s’étalant toute l’année avec des denrées diversifiées, un avantage que les cultures arboricoles n’offrent pas; ensuite, parce qu’il trouve plus efficacement une bonne diversité de débouchés économiques dans la ville. Celle-ci a justement contribué à élargir les réseaux d’écoulement des produits, même si son extension impose diverses contraintes à l’agriculteur. En effet, plus la ville s’étend, plus on s’éloigne du centre et des marchés importants, ce qui favorise la multiplication des vendeurs locaux et ambulants, qui sont les principaux clients des agriculteurs. De fait, ces derniers préfèrent ce type de réseau, puisque les quantités produites ne sont pas assez importantes, surtout en période sèche, pour justifier le déplacement jusqu’au marché de gros, même si celui-ci offre une bonne sécurité des écoulements et un paiement moins rémunérateur mais plus rapide.

46La vente locale a toujours existé à La Soukra et se maintient donc très bien aujourd’hui, avec des prix qui sont très proches de ceux pratiqués sur les marchés municipaux (alimentés par le marché de gros) et bien inférieurs à ceux de la moyenne et grande distribution (cette dernière étant encore assez peu répandue en Tunisie). Elle est assez diversifiée, entre le souk hebdomadaire, les commerçants de proximité et les vendeurs ambulants, et offre ainsi différents types de débouchés que l’agriculteur utilise selon les saisons, et selon la nature et la quantité des légumes récoltés. En cas de production importante sur un temps court, le recours au marché de gros reste toujours possible.

47C’est cette diversité des débouchés qui garantit aux maraîchers une correcte rémunération de leur activité. Elle s’appuie sur une construction, établie de longue date, de relations de confiance entre producteurs et vendeurs, qui généralement se connaissent bien, sont parfois de la même famille, et entretiennent en tout cas des relations transmises de génération en génération. La diversité des catégories sociales qui habitent La Soukra est aussi un facteur économiquement important puisqu’il contribue à diversifier la demande en produits frais.

48Le souci de traçabilité n’est pas absent des réflexes du consommateur tunisien qui, comme le consommateur français, préfère connaître l’origine des denrées alimentaires qu’il consomme. Mais le système traditionnel, qui fonctionne encore aujourd’hui, suffit à maintenir des liens qui ne se sont jamais rompus entre producteurs et consommateurs, même s’ils passent depuis toujours par des intermédiaires : le vendeur local se porte garant auprès de sa clientèle de l’origine de ses produits.

Figure 4. Morcellement d’une ancienne ferme d’agriculteur modeste. Les exploitations modestes ont elles aussi connu des morcellements dus aux successions et/ou à l’urbanisation. Pour se maintenir, les agriculteurs vendent une partie des terrains pour la construction ou les louent à des entrepreneurs.

Figure 4. Morcellement d’une ancienne ferme d’agriculteur modeste. Les exploitations modestes ont elles aussi connu des morcellements dus aux successions et/ou à l’urbanisation. Pour se maintenir, les agriculteurs vendent une partie des terrains pour la construction ou les louent à des entrepreneurs.

Source : cartographie Vidal-Toumi, sur fond de photo satellite (IGNT, 2011).

49L’agriculture urbaine du Grand Tunis n’a donc pas besoin de créer de nouveaux « circuits courts ». Outre un contrôle plus efficace de l’étalement urbain qui nécessitera l’émergence d’une prise de conscience politique encore absente, elle a surtout besoin que soient protégés les réseaux de distribution existants. Et puisque la population augmente alors que les ressources en terres agricoles sont limitées, elle a aussi besoin que la productivité des exploitations soit améliorée, sans tomber dans les excès d’un productivisme aveugle, pour compenser au moins les inconvénients apportés par la pression urbaine.

Cohérence agro-économique du projet VALEAS et relance de la dynamique agricole de la Plaine

50Les agriculteurs de La Soukra, qui maintiennent leur activité agricole et résistent aux tentations de la plus-value foncière et aux différentes contraintes spatiales et agronomiques, nous ont montré leur capacité à saisir les opportunités qu’offre la proximité urbaine pour écouler leurs marchandises. Dans cette logique de bénéfices réciproques, leurs exploitations agricoles sont efficaces aussi pour répondre à certains besoins urbains, comme la location d’entrepôts pour des petites industries, d’une partie du terrain pour les engins de chantiers, ou même de bâtiments pour l’habitation (voir figure 4).

Photo 3. Bassin de récupération des eaux de pluie et culture sous tunnel. Economie de l’eau et intensification de la production grâce aux tunnels sont les clefs de la réussite économique des exploitations. Un système a été expérimenté pour récupérer l’eau de pluie tombant sur les tunnels et l’envoyer dans le bassin.

Photo 3. Bassin de récupération des eaux de pluie et culture sous tunnel. Economie de l’eau et intensification de la production grâce aux tunnels sont les clefs de la réussite économique des exploitations. Un système a été expérimenté pour récupérer l’eau de pluie tombant sur les tunnels et l’envoyer dans le bassin.

Photo : S. Toumi, 2011

  • 18 Valorisation des eaux pluviales et grises en agriculture urbaine à l’Ariana-Soukra, voir agriurbani (...)

51C’est entre autres sur cette capacité des agriculteurs à s’adapter aux diverses contraintes et sur leur volonté de maintenir l’activité agricole à La Soukra que le projet VALEAS18 s’est appuyé pour parvenir à ses objectifs et expérimenter de nouvelles techniques de production et de gestion de l’eau qui soient exemplaires en milieu périurbain. Le fait que 80 % des agriculteurs déclarent avoir confiance en l’avenir de l’agriculture sur la Plaine (Bouraoui, Houman, 2010) est également un élément moteur pour ce projet.

  • 19 La Soukra est une des villes ciblées du projet PURE, « pauvreté urbaine et environnement » du CRDI.

52Initié début 2008 par Moez Bouraoui et Boubaker Houman, en réponse à l’appel d’offre du Centre de recherche pour le développement international (CRDI), et conduit par le Club Unesco/Alecso « Savoir et développement durable » (CUA-SDD), ce projet a été lancé dans le cadre d’une mission de lutte contre la pauvreté urbaine chez les petits agriculteurs19. Mais le régime politique alors en place, qui refusait de parler de bon nombre de réalités sociales, ne voulait pas que l’on emploie le terme « pauvreté » à propos de la Tunisie. Pour contourner cette difficulté, qui aurait pu conduire au blocage du projet, les animateurs se sont appuyés essentiellement sur les enjeux environnementaux de leur mission, davantage acceptés dans les discours officiels. Le projet nécessitait en effet l’engagement des acteurs politiques locaux, ainsi que la mise en place de démarches participatives encore inexistantes en Tunisie, et n’aurait pas pu se faire sans l’accord du pouvoir en place.

  • 20 Il s’agit ici des eaux usées peu polluées (lavabos, éviers, douches…) susceptibles d’être réutilisé (...)

53L’enjeu environnemental était relativement facile à mettre en évidence puisque le projet apporte des solutions concrètes aux problèmes posés par la gestion de l’eau dans le Grand Tunis. L’idée centrale est de reprendre en la modernisant une pratique connue depuis l’Antiquité sur tout le pourtour méditerranéen, et qui consiste principalement à conserver dans des bassins l'eau de pluie qui tombe en abondance en hiver afin de pouvoir l’utiliser en été, lorsque l’agriculture en a le plus besoin (voir photo 3). Le projet se double d’un système de recyclage des eaux grises20, largement produites par le milieu urbain. Le bénéfice environnemental est évident et se double d’une dimension économique qui en assure la pertinence et la faisabilité : d’une part, le système permet de réduire la quantité d'eau envoyée dans les stations d'épuration, et donc de limiter leur engorgement, d’autre part, la récupération de l’eau pour l’irrigation contribue à limiter les risques de stress hydrique qui menacent la Tunisie dans les années à venir. Ajoutons qu’en favorisant le maintien de terres agricoles dans le tissu urbain, le projet contribue aussi à diminuer l’imperméabilisation des sols et donc les risques d’inondation, problème récurrent et grave dans l’agglomération tunisoise.

54L’enjeu économique est important aussi pour les agriculteurs eux-mêmes et pour la pérennité du projet, puisqu’il s’agit de montrer que le système mis en place pourra continuer au-delà de sa phase expérimentale, substantiellement aidée par le bailleur de fonds (CDRI). La récupération de l’eau s’est donc doublée d’une incitation des agriculteurs à se lancer dans une production maraîchère à haute technicité, pour laquelle une assistance agronomique (et agro-écologique) leur a été proposée. L’objectif est de démontrer que les investissements nécessaires peuvent être amortis en quelques années grâce à l’amélioration de la productivité des exploitations. La démarche participative mise en place a été une étape importante dans la mise en route du projet, puisqu’elle a permis aussi bien de rassembler les agriculteurs entre eux que de les rapprocher des pouvoirs publics locaux. Les problèmes rencontrés par les uns, jusqu’ici ignorés, et les solutions que pourraient apporter les autres ont ainsi été abordés dans des réunions communes.

55Actuellement, une vingtaine d'agriculteurs sont partenaires du projet VALEAS. Plusieurs d’entre eux avaient quasiment abandonné l’activité agricole pour diverses raisons, dont la principale est la rareté de l’eau, et donc son coût. La majorité des agriculteurs pratiquent les cultures maraîchères sous tunnels (tomate, piment, salade, aubergine, gombo, melon, etc.) irriguées par les eaux pluviales récupérées depuis les toitures des bâtiments de l'exploitation, et parfois de bâtiments voisins. La culture de tomate et de piment, très productive sous serre, est la préférée des agriculteurs puisque ces produits sont incontournables dans la cuisine tunisienne et, du coup, faciles à écouler dans les quartiers. La production des plantes ornementales commence également à trouver sa place dans les exploitations grâce à l'utilisation des eaux grises purifiées. Elle répond, elle aussi, à une diversification de la demande à laquelle les agriculteurs sont toujours attentifs.

56Les premières phases du projet ont donc montré que la pertinence environnementale d’un projet comme celui-ci peut s’accompagner d’une pertinence économique, sans laquelle le projet ne pourrait assurer l’équilibre financier nécessaire à sa pérennité. Il reste à savoir dans quelle mesure le même projet pourrait également contribuer à améliorer qualitativement le cadre de vie des citadins…

Le paysage, l’autre enjeu de l’agriculture urbaine à La Soukra

57La réussite économique de cette agriculture urbaine renaissante n’est pas sans engendrer la fierté des exploitants qui en sont les acteurs, et certains d’entre eux sont désormais beaucoup moins réticents à l’idée d’ouvrir leur exploitation à d’éventuels visiteurs, même si cette pratique n’est pas inscrite dans la culture traditionnelle tunisienne. Quelques agriculteurs ont d’ailleurs commencé à aménager leur exploitation de façon à recevoir des clients sur place : ouverture du portail, aménagement de l’entrée, achat de pavés pour améliorer la stabilité des allées, etc. D'ailleurs, ils déclarent que la vente sur place serait également intéressante à inclure dans leur système d’écoulement des produits, puisqu’elle permettrait de vendre au prix du marché sans avoir à se déplacer.

58Il y a là un enjeu important pour un tissu urbain à la fois dense et envahissant comme celui du Grand Tunis, et particulièrement pour ces quartiers périphériques où les espaces verts sont rares et où les services publics ont peu de moyens pour les entretenir et a fortiori pour en créer de nouveaux. L’agriculture urbaine représente ici une opportunité pour maintenir des espaces ouverts végétalisés (green open spaces) sans avoir à augmenter les charges de travail et d’investissement des services chargés des parcs et jardins. Mais cette opportunité doit être développée en prenant les précautions qui s’imposent pour que soient respectés l’espace privé des agriculteurs et l’espace économique de leurs lieux de production.

Figure 5. Les filières d’approvisionnement alimentaire, en France (à gauche) et dans le Grand Tunis (à droite). En France, les fruits et légumes sont moins chers dans la grande distribution que sur les marchés locaux, davantage approvisionnés par l’agriculture locale, comme la vente directe dont les prix sont comparables (CREDOC, 2008). En Tunisie, la situation est inverse puisque l’agriculture de proximité offre les prix les plus bas, via les marchés locaux.

Figure 5. Les filières d’approvisionnement alimentaire, en France (à gauche) et dans le Grand Tunis (à droite). En France, les fruits et légumes sont moins chers dans la grande distribution que sur les marchés locaux, davantage approvisionnés par l’agriculture locale, comme la vente directe dont les prix sont comparables (CREDOC, 2008). En Tunisie, la situation est inverse puisque l’agriculture de proximité offre les prix les plus bas, via les marchés locaux.

Sources : pour la France, CTIFL (2009), pour le Grand-Tunis, relevés personnels 2009-2010

59C’est ici que certaines expériences franciliennes pourraient servir de modèles car, dans ce cas, les problèmes se posent à peu près dans les mêmes termes au Nord et au Sud de la Méditerranée : le monde citadin ne connaît plus le monde agricole, qu’il tend à regarder comme un « espace naturel » et à considérer comme un terrain disponible pour toutes sortes d’activités. La présence de citadins exerçant des pratiques récréatives sur des terres agricoles doit faire l’objet d’aménagements spécifiques permettant de distinguer ce qui est ouvert à la promenade, ce qui est offert au regard, et ce qui doit être impérativement respecté comme des lieux où s’exerce une activité économique. L’ouverture des fermes aux visiteurs devra donc s’accompagner d’une bonne lisibilité de ces différents types d’espace, elle devra aussi préserver l’intimité des lieux d’habitation, qui devront être isolés des parties ouvertes au public.

60Ces aménagements, relativement peu onéreux, devront être réfléchis en fonction du contexte culturel tunisien. Ils pourraient être financés par les revenus supplémentaires liés à la vente sur place qui accompagnerait l’ouverture au public.

61Il suffirait que quelques exploitations réalisent ce type d’ouverture et en démontrent la réussite économique pour qu’elles servent de modèle et incitent d’autres agriculteurs à « revenir sur leur volonté actuelle de cacher leurs cultures aux regards des étrangers » (Toumi et Vidal, 2011). Il faudra alors veiller à ce que la vente sur place ne se développe pas au détriment des systèmes de distribution actuels qui ont prouvé leur efficacité.

62Mais la survie économique des vendeurs locaux dépend en grande partie de la survie de l’agriculture locale qui les approvisionne. Un équilibre devrait donc pouvoir être facilement trouvé, dans la mesure où les acteurs concernés se connaissent et savent, les uns comme les autres, à quel point ils sont interdépendants. La vente à la ferme devra se développer dans un esprit de complémentarité avec les systèmes existants, et non en leur opposant une concurrence qui les mettrait en péril.

Conclusion : les trois enjeux de l’agriculture urbaine

63En agissant sur un poste budgétaire majeur en production maraîchère, l’approvisionnement en eau d’irrigation, le projet VALEAS a répondu aux attentes principales du bailleur de fonds, en luttant contre la pauvreté urbaine tout en contribuant à une meilleure gestion environnementale du Grand Tunis. Au-delà de cette réponse attendue, il a surtout permis de mettre en évidence les potentialités d’un système agraire urbain qui pourrait se maintenir durablement si les conditions minimales de sa survie sont assurées. L’avenir de cette agriculture dépendra maintenant de l’aptitude des pouvoirs publics locaux et nationaux à prendre les bonnes décisions dans les futures phases que connaîtra la planification urbaine de la capitale tunisienne.

64Comme on l’a vu dans bien des cas, les modèles européens, et notamment français, seront observés de près par les responsables tunisiens, et certains d’entre eux seront peut-être tentés de les transposer un peu trop rapidement. Il est donc important d’évaluer les expériences réalisées au Nord de la Méditerranée en analysant ce qui peut les rapprocher ou, au contraire, ce qui les distingue nettement des situations des villes du Sud. C’est ce que le travail présenté ici a tenté d’amorcer à travers une comparaison entre l’Île-de-France et le Grand-Tunis. Cette analyse, encore très incomplète, permet déjà de discerner ce qui semble être les trois enjeux majeurs de l’agriculture urbaine à Tunis : économique, environnemental et paysager.

Photo 4 – Les paysages de l’agriculture tunisoise méritent bien, eux aussi, d’être offerts aux visiteurs. Le projet Valeas présenté ici est financé par le CRDI canadien et dirigé par Boubaker HOUMAN, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences de Tunis et Président du club Unesco Alecso « Savoir et Développement Durable » (CUA-SDD), maître d'oeuvre du projet, et Moez BOURAOUI, professeur à l’Institut supérieur des technologies de l’environnement, de l’urbanisme et du bâtiment (ISTEUB, Tunis).

Photo 4 – Les paysages de l’agriculture tunisoise méritent bien, eux aussi, d’être offerts aux visiteurs. Le projet Valeas présenté ici est financé par le CRDI canadien et dirigé par Boubaker HOUMAN, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences de Tunis et Président du club Unesco Alecso « Savoir et Développement Durable » (CUA-SDD), maître d'oeuvre du projet, et Moez BOURAOUI, professeur à l’Institut supérieur des technologies de l’environnement, de l’urbanisme et du bâtiment (ISTEUB, Tunis).

Photo R. Vidal, 2011

65D’un point de vue économique, la préoccupation première doit être la viabilité des exploitations agricoles. Celle-ci est d’autant plus importante qu’il ne s’agit pas seulement de lutter contre la pauvreté des agriculteurs, mais aussi contre celle des populations défavorisées des périphéries urbaines, qui profitent d’un système de distribution alimentaire efficace et bon marché. La situation n’étant pas la même à Paris, il pourrait être dommageable de transposer à Tunis les préoccupations qui sont aujourd’hui celles de l’Île-de-France, dans un contexte socio-économique qui est très différent (voir figure 5).

  • 21 «Les ressources en eau ont été mobilisées à hauteur de 85 % et elles sont affectées à 80 % pour le (...)

66D’un point de vue environnemental, la gestion de l’eau pose à Tunis des problèmes d’une tout autre ampleur qu’à Paris. La Tunisie est à la fois menacée de stress hydrique et soumise à des risques d'inondation vis-à-vis desquels l’étalement d’une ville densément imperméabilisée est un facteur aggravant. Les solutions proposées par le projet VALEAS sont ici un exemple éloquent de la manière dont la ville et l’agriculture peuvent construire des relations à bénéfice réciproque. L’exemple est d’autant plus intéressant à révéler qu’il peut s’étendre à beaucoup d’autres régions d’un pays dans lequel l’agriculture est, de loin, l’activité la plus consommatrice d’eau21.

67Écologie et économie doivent donc aller de pair pour que les projets montrent leur efficacité. Mais l’ensemble doit aussi prendre en compte les besoins des populations en termes de cadre de vie ou, comme le dit la Convention de Florence, en termes de paysage, qui « est partout un élément important de la qualité de vie des populations » (Conseil de l’Europe, 2000). Les exemples franciliens ont, de ce point de vue, été des terrains d’expérience qui pourraient être utiles dans d’autres contextes, notamment le contexte tunisien. Transposer des schémas directeurs ou des réglementations n’est sans doute pas la meilleure manière de procéder, même si les modèles originaux ont bien fonctionné, car les outils juridiques et surtout leurs modalités d’application sont très différents d’un pays à l’autre : la prolifération de l’habitat spontané tunisien en est une illustration. Ce qui peut être pris en modèle, par contre, c’est la démarche adoptée par certains projets franciliens qui se sont efforcés de concilier les besoins fonctionnels de l’agriculture et les attentes des populations citadines vis-à-vis des paysages agricoles.

68Les futurs plans d’aménagement et d’urbanisme devront donc aussi être des projets de paysage, qui sauront s’appuyer sur les démarches participatives qui peuvent seules en assurer l’appropriation par les populations concernées. Gageons, là aussi, que les pouvoirs publics tunisiens sauront organiser la formation des figures professionnelles qui rassembleront les compétences nécessaires.

69Les paysages de l’agriculture tunisoise méritent bien cet effort.

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Notes

1 CIRAD, Centre de coopération internationale en agronomie pour le développement (cirad.fr). Voir notamment les travaux de Paule Moustier (2003) ou de Ludovic Temple.

2 CIHEAM, Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes. Voir notamment les travaux de Martine Padilla (Padilla et Jouve, 2007; Nasr, Padilla, 2004).

3 FAO, United Nation Food and Agriculture Organization (fao.org); CRDI, Centre canadien de recherche pour le développement international (idrc.ca); RUAF, Ressource Centres on Urban Agriculture and Food security (ruaf.org)

4 Selon l’Institut National de Statistique de Tunisie, Sondage national des dépenses des ménages, leur consommation et leur niveau de vie, Vol 2, Alimentation, 2007.

5 22 marchés, 56 vendeurs locaux, 15 supermarchés, 2 hypermarchés.

6 Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.

7 Centre d’études et de recherches pour l’observation des conditions de vie.

8 Valorisation des eaux pluviales et grises en agriculture urbaine. Voir plus loin.

9 PADOG, Plan d’aménagement et d’organisation générale (de la Région Parisienne); SDAURP, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région Parisienne.

10 SDAURIF, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région Île-de-France

11 SDRIF, Schéma directeur de la Région Île-de-France. Ces différents schémas d’aménagement sont consultables sur sdrif.com.

12 La Région Ile-de-France, dans sa terminologie officielle, a retenu l’adjectif « agriurbain », qui peut s’écrire avec ou sans trait d’union.

13 Enquêtes réalisées en Ile-de-France entre 2007 et 2010 par le Collectif d’enseignement et de recherche en agriurbanisme et projet de territoire (agriurbanisme.fr)

14 Entretiens réalisés en 2007 auprès des maraîchers du Plateau. Le Plateau Briard, dans le Val-de-Marne, est l’un des projets agriurbains soutenus par la Région Île-de-France.

15 Un autre des 10 projets agriurbains franciliens, situé dans l’Essonne. Voir le site trianglevert.org.

16 Les eaux grises, de l’anglais greywater, sont les « eaux utilisées pour la vaisselle, la lessive ou la douche, essentiellement toutes les eaux ménagères à l’exclusion de celle des WC ». (Duttle, 1990, trad. des auteurs).

17 CUA-SDD, Club Unesco-Alecso « Savoir et développement durable » (Tunis).

18 Valorisation des eaux pluviales et grises en agriculture urbaine à l’Ariana-Soukra, voir agriurbanisme.org

19 La Soukra est une des villes ciblées du projet PURE, « pauvreté urbaine et environnement » du CRDI.

20 Il s’agit ici des eaux usées peu polluées (lavabos, éviers, douches…) susceptibles d’être réutilisées après un traitement léger.

21 «Les ressources en eau ont été mobilisées à hauteur de 85 % et elles sont affectées à 80 % pour le secteur agricole». (Elloumi, 2008)

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Table des illustrations

Titre Photo 1. Aménagement des cheminements sur le Plateau Briard. Des haies séparent les chemins ouverts au public des espaces cultivés, mais des ouvertures visuelles laissent passer le regard vers les cultures.
Crédits Photo : R. Vidal, 2010
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Fichier image/png, 1,2M
Titre Photo 2. Le Triangle Vert des Villes maraîchères du Hurepoix. Des panneaux informent les visiteurs avec le message suivant : « Le paysage vous est offert, les chemins vous sont ouverts. L’agriculture est une activité économique, les champs sont privés, merci de les respecter ».
Crédits Photo : R. Vidal, 2010
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-2.png
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Titre Figure 1. La plaine de la Soukra en 1962. A cette époque, la plaine est entièrement agricole avec des cultures diversifiées, maraîchage, cultures fourragères et arboriculture fruitière. L’agrumiculture est dominante à Sidi Fraj et Dar Fadhal (en rose). Le centre urbain le plus proche est celui de l’Ariana (en noir).
Crédits Source : Cartographie Vidal-Toumi, d’après les photos aériennes de l’IGNT
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-3.png
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Titre Figure 2. La Plaine de La Soukra aujourd’hui. En continuité avec l’aire urbaine de Tunis, et bien qu’elle soit de plus en plus urbanisée (en noir), la commune de La Soukra maintient encore près de la moitié de son territoire en agriculture (en vert).
Crédits Source : cartographie Vidal-Toumi, d’après les photos satellites (IGNT, 2011, consultées sur maps.google.fr le 14 octobre 2011)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-4.png
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Titre Figure 3. Morcellement d’un ancien verger entourant une villa luxueuse. Du temps des Beys, de riches propriétaires installaient leur résidence de villégiature dans des vergers de plusieurs hectares. Morcelées du fait des successions, les terres qui restent exploitées ne survivent pas économiquement si elles ne sont pas reconverties en maraîchage.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-5.png
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Titre Figure 4. Morcellement d’une ancienne ferme d’agriculteur modeste. Les exploitations modestes ont elles aussi connu des morcellements dus aux successions et/ou à l’urbanisation. Pour se maintenir, les agriculteurs vendent une partie des terrains pour la construction ou les louent à des entrepreneurs.
Crédits Source : cartographie Vidal-Toumi, sur fond de photo satellite (IGNT, 2011).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-6.png
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Titre Photo 3. Bassin de récupération des eaux de pluie et culture sous tunnel. Economie de l’eau et intensification de la production grâce aux tunnels sont les clefs de la réussite économique des exploitations. Un système a été expérimenté pour récupérer l’eau de pluie tombant sur les tunnels et l’envoyer dans le bassin.
Crédits Photo : S. Toumi, 2011
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-7.png
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Titre Figure 5. Les filières d’approvisionnement alimentaire, en France (à gauche) et dans le Grand Tunis (à droite). En France, les fruits et légumes sont moins chers dans la grande distribution que sur les marchés locaux, davantage approvisionnés par l’agriculture locale, comme la vente directe dont les prix sont comparables (CREDOC, 2008). En Tunisie, la situation est inverse puisque l’agriculture de proximité offre les prix les plus bas, via les marchés locaux.
Crédits Sources : pour la France, CTIFL (2009), pour le Grand-Tunis, relevés personnels 2009-2010
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-8.png
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Titre Photo 4 – Les paysages de l’agriculture tunisoise méritent bien, eux aussi, d’être offerts aux visiteurs. Le projet Valeas présenté ici est financé par le CRDI canadien et dirigé par Boubaker HOUMAN, enseignant chercheur à la Faculté des Sciences de Tunis et Président du club Unesco Alecso « Savoir et Développement Durable » (CUA-SDD), maître d'oeuvre du projet, et Moez BOURAOUI, professeur à l’Institut supérieur des technologies de l’environnement, de l’urbanisme et du bâtiment (ISTEUB, Tunis).
Crédits Photo R. Vidal, 2011
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/525/img-9.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Roland Vidal et Saloua Toumi, « Concilier alimentation de proximité et cadre de vie : l’expérience francilienne peut-elle être utile pour le Grand Tunis?  »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 6 | 2012, mis en ligne le 16 septembre 2012, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/525

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Auteurs

Roland Vidal

École nationale supérieure du paysage de Versailles, r.vidal@versailles.ecole-paysage.fr

Saloua Toumi

École nationale supérieure du paysage de Versailles, toumisaloua@yahoo.fr

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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