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Comment l'écologie vient à la ville en Méditerranée ? Une comparaison entre Barcelone, Marseille et Sfax

André Donzel

Résumés

Cet article s'interroge sur les conditions de la transition écologique dans les villes méditerranéennes. Après avoir précisé la genèse de la notion de «  ville en transition  », il en décrit les déclinaisons institutionnelles à Barcelone (Espagne), Marseille (France) et Sfax (Tunisie). Il en examine l'application dans leurs grandes opérations urbaines en cours (22@barcelona, Euroméditerranée, Taparura). Enfin, il analyse les formes d'appropriation de l'enjeu du développement durable parmi les professionnels de l'urbain et au sein de la société civile locale.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Pour une présentation de ce programme, voir : Réseau thématique HOMERE (HOmmes-Milieux-Environnemen (...)

1Cet article s'appuie sur une recherche menée en 2010 dans le cadre du Programme Homère (Hommes, Milieux, Environnement, Ressources en Méditerranée) qui avait pour but d'amorcer une réflexion sur les conditions de la transition écologique dans les villes méditerranéennes et de comprendre comment émerge et s'opérationnalise en leur sein l'enjeu du développement durable (Donzel & Lagane, 2010)1.

2Plutôt que de partir d'une définition idéale de la durabilité urbaine, nous avons plutôt cherché à en appréhender les déclinaisons locales, sans préjuger de leur aboutissement, en interrogeant les discours produits par les acteurs locaux sur l'aménagement de leur ville. L'enquête s'est déroulée principalement sur trois terrains : Barcelone (Espagne), Marseille (France) et Sfax (Tunisie). Dans chacune de ces villes, une vingtaine d'entretiens ont été réalisés auprès d'observateurs privilégiés des réalités urbaines locales (élus, techniciens ou chercheurs). Parallèlement, une analyse approfondie de la documentation existante a été effectuée sur les grandes opérations urbaines en cours (documents d'urbanisme, publications scientifiques, revue de presse, sites internet).

3Dans chaque cas, nous avons cherché à préciser les modalités de la prise en compte du paradigme écologique dans les politiques urbaines à travers l'observation de trois variables :

  • la volonté des décideurs politiques locaux de promouvoir le développement durable dans la planification et les projets urbains ;

  • la capacité des professionnels de l'urbanisme à assimiler et déployer cette nouvelle thématique ;

  • l'implication des habitants dans la protection de l'environnement, telle qu'elle s'exprime dans l'espace public local à travers associations, syndicats, partis politiques, médias, etc.

4En croisant histoire urbaine locale et sociologie de la connaissance, notre but a été de comprendre comment le développement durable a pu s'inscrire dans les politiques publiques, tout en se déployant dans les différentes strates de la vie sociale, depuis le champ scientifique jusqu'à celui de la vie quotidienne. On aborde ainsi le développement durable comme une «  construction sociale  », au sens qu'en ont donné P. Berger et T. Luckmann, c'est-à-dire comme un «  processus d'institutionnalisation  » s'opérant à travers trois moments qu'ils nomment : «  l'extériorisation  », «  l'objectivation  » et «  l'intériorisation  » (Berger & Luckmann, 1986). La première renvoie à la formalisation d'un champ de connaissance particulier et à sa validation selon les procédures et les normes de l'argumentation scientifique ; la seconde désigne le moment de son opérationnalisation dans les différentes structures organisées de la vie sociale : administrations publiques, entreprises, ménages, etc. ; la troisième, enfin, concerne sa légitimation sociale, processus par lequel «  l'importance épistémologique d'une question en vient à être surdéterminée par son importance sociale  » (Namer, 1985, p. 147), au point de s'inscrire dans la conscience collective, voire dans le sens commun.

5Le développement durable est typiquement une notion que l'on peut aborder selon cette triple logique de légitimation. Née des réflexions de la communauté scientifique sur les enjeux environnementaux, elle est devenue progressivement une catégorie centrale de l'action publique tout en se diffusant dans de nombreux champs de la vie quotidienne (travail, déplacements, consommation, loisirs, etc.). On doit néanmoins se garder d'une approche trop linéaire de ce processus. Les processus de pensée et d'action s'inscrivent dans des contextes et des conjonctures déterminés. Ils sont le fruit de multiples contingences qui peuvent en perturber le cours. Ces éléments appellent une approche non «  fractale  » du développement durable, c'est-à-dire non directement transposable du global au local (Hajek, 2012). Ce resserrement de l'échelle d'analyse est d'autant plus nécessaire que l'assimilation des idées politiques ne procède pas d'une transmission mécanique d'un émetteur vers un récepteur. Elles ne deviennent signifiantes pour les individus ou les collectivités que dans la mesure où elles entrent en résonnance avec ce que l'historien R. Koselleck nomme leur «  champ d'expérience  » et leur «  horizon d'attente  » (Koselleck, 1990). Le «  champ d'expérience  » désigne les acquis cognitifs et comportementaux propres à une collectivité, tels qu'ils résultent de son passé.

6L'«  horizon d'attente  » renvoie à son imaginaire social, lui-même dépendant de la perception des problèmes du présent et des aspirations à y remédier dans l'avenir. En d'autres termes, le développement durable ne peut faire sens pour les populations qu'il concerne que s'il tient compte de leur vécu et de leurs espérances, ce qui nécessite d'explorer ses mises en forme à l'échelle locale.

7Après avoir précisé la genèse de la problématique de la transition écologique dans les villes méditerranéennes, on en étudiera les déclinaisons institutionnelles à Barcelone (Espagne), Marseille (France) et Sfax (Tunisie). On en examinera la portée dans les politiques urbaines et les grands projets d'aménagement en cours dans chacune d'entre elles (22@Barcelona, Euroméditerranée, Taparura). Enfin, on s'interrogera sur les formes d'appropriation de l'enjeu du développement durable, tant parmi les professionnels de l'urbain qu'au sein des sociétés civiles locales.

La ville en transition : genèse d'une notion

8On impute souvent aux villes méditerranéennes un retard en matière de développement durable. Pourtant, lorsque l'on se réfère à leur histoire, on s'aperçoit que cette perspective n'est pas absolument nouvelle. L'urbanisation de la Méditerranée s'inscrit dans la très longue durée, puisque nombre de ses villes existaient déjà sous l'Antiquité : Rome, Athènes, Istanbul (Constantinople), Alexandrie, Tunis (Carthage), Marseille... Dès lors, si l'on entend par «  développement durable  » la capacité d'un système naturel ou social à se reproduire dans le temps sans dommage irréversible pour son environnement, il faut reconnaître aux villes méditerranéennes une certaine aptitude en ce domaine.

9Pour expliquer cette longévité, les historiens de la Méditerranée (Aymard, 1985) ont pu évoquer l'existence d'un «  modèle urbain méditerranéen  » reposant sur trois dimensions présentes dans les formes anciennes de la Cité, mais toujours pertinentes dans les définitions contemporaines de la «  ville durable  » :

  • des rapports ville-campagne plutôt équilibrés, imposés par la nécessité de préserver une certaine autosuffisance alimentaire ;

  • des formes d'urbanisation relativement compactes, favorisant la mixité fonctionnelle de l'espace et la densité des relations sociales (importance de la vie familiale, intensité des relations de voisinage, du sentiment d'appartenance au quartier, etc.) ;

  • des traditions d'autonomie politique ayant permis la consolidation d'institutions aptes à prendre en charge la gestion des problèmes publics à l'échelle locale.

10Le modèle de la Cité semble cependant avoir atteint ses limites aujourd'hui avec la généralisation des processus de métropolisation, que l'on a pu définir comme la traduction urbaine de la mondialisation (Douay, 2009). Parallèlement à l'amplification de l'étalement urbain, ces processus s'accompagnent souvent de tendances à la polarisation économique et sociale des espaces urbains et peuvent être générateurs de nombreuses atteintes à l'environnement. Cela est d'autant plus vrai que l'influence grandissante des États et des marchés financiers dans le gouvernement des villes contribue à amoindrir les capacités locales d'autorégulation des écosystèmes urbains.

11Dans ce contexte, on observe, au nord comme au sud de la Méditerranée, un souci grandissant de s'inscrire dans un nouveau mode de développement urbain. Cela passe par la mise en place de nouvelles politiques urbaines mieux à même d'assurer, à l'échelle métropolitaine, la préservation des ressources naturelles, de sécuriser l'approvisionnement énergétique et alimentaire des villes, d'améliorer les conditions de leur habitabilité matérielle, de favoriser la mixité sociale et l'urbanité et de renforcer la démocratie locale.

12Il est symptomatique à cet égard que les collectivités locales du sud de l'Europe, particulièrement d'Espagne et d'Italie, voire du sud de la Méditerranée (Maroc, Égypte), aient adhéré massivement en 1994 à la Charte d'Aalborg, pourtant initiée par des villes du Nord de l'Europe. Celle-ci fut fondatrice de la démarche du développement urbain durable en Europe. Par la suite, d'autres initiatives sont venues conforter ce mouvement. Ainsi, dans le cadre du programme Cat-Med, soutenu par l'Union européenne, un réseau de 9 grandes agglomérations du sud de l'Europe a vu le jour en vue de promouvoir l'information et l'expérimentation en matière de développement urbain durable dans le monde méditerranéen (Cat-Med, 2012). Ce réseau comprend les villes de Malaga, Séville, Valence et Barcelone en Espagne, la Communauté du Pays d'Aix et Marseille en France, Rome, Gênes et Turin en Italie, ainsi que la région de l'Attique et Thessalonique en Grèce. Des initiatives convergentes ont vu le jour dans les villes du sud de la Méditerranée, notamment dans le cadre de la «  Stratégie de développement urbain  » définie en 1999 par la Banque Mondiale afin de promouvoir des «  métropoles viables  » à l'échelle mondiale (World Bank, 2000). Celle-ci va consacrer la notion de «  ville en transition  » dans le vocabulaire des organisations internationales.

13Comme tous les néologismes, cette notion comporte une grande part d'indétermination sémantique ; elle s'est néanmoins peu à peu affinée, au fur et à mesure de son opérationnalisation dans le champ de l'aménagement urbain. Les travaux de Rob Hopkins ont été un moment fondateur de sa mise en forme (Hopkins, 2008). Elle fait alors écho aux préoccupations générales nées de l'imminence du pic pétrolier et de ses conséquences. Elle ouvre la perspective d'une transition écologique qui affecte simultanément les différentes échelles de l'action publique, la stratégie des entreprises et les comportements des ménages. On lui a cependant reproché son caractère unidimensionnel, trop centré sur l'aspect énergétique de la transition écologique, réduisant cette perspective à une gestion purement technique du métabolisme urbain par une optimisation de la gestion de ses flux d'énergie, de matières ou de déchets. C'est pourquoi une définition élargie de la ville en transition a vu le jour, abordant l'écosystème urbain dans ses déterminations, non seulement techniques, mais aussi économiques, sociales, politiques ou culturelles. La notion de «  ville en transition  » s'est alors imposée comme un cadre conceptuel intégrant trois grands types de préoccupations : la gouvernance politique des villes, leur viabilité économique et leur habitabilité écologique.

14Le référentiel du développement durable tel qu'il a d'abord été défini par le rapport Brundtland en 1987, comme conjonction du développement économique, de la cohésion sociale et de la protection de l'environnement, sous-estimait la composante politique inhérente à tout projet de développement. La notion de «  gouvernance  » est venue combler cette lacune. Cette notion n'implique pas seulement une rationalisation interne des mécanismes de décision en vue d'une amélioration de l'efficacité des procédures techniques et financières de gestion urbaine. Elle nécessite aussi de comprendre, en amont et en aval des décisions, les conditions de leur acceptation par les collectivités concernées. Un projet urbain sera en effet d'autant plus durable qu'il sera partagé par le plus grand nombre.

15Mais on ne fabrique pas la ville durable par décret. Cela suppose d'appréhender les ressorts économiques du développement urbain à l'échelle des sociétés locales. L'histoire économique des villes, particulièrement en Méditerranée, est très souvent le fruit d'une double contrainte entre une économie de rente favorisant une classe dirigeante locale relativement peu nombreuse et un secteur productif à forte intensité capitalistique, relevant d'entreprises le plus souvent dirigées de l'extérieur et pouvant générer de nombreuses nuisances pour l'environnement (pression foncière accrue, pollution, etc.). Dans ce contexte, la transition écologique passe inévitablement par des formes de développement économique plus endogènes. Cela suppose la valorisation des capacités de création économique locales à travers la consolidation du tissu entrepreneurial local (y compris du secteur informel) et par la recherche de nouvelles activités pouvant accroître la viabilité de l'économie locale.

16En outre, la ville n'est pas seulement un territoire économique, elle est aussi un milieu de vie partagé par une part croissante de l'espèce humaine. Cela suppose d'améliorer de façon continue les conditions matérielles et sociales de l'habitabilité urbaine. Cela concerne les différents aspects de l'aménagement et du fonctionnement des villes, en particulier le traitement des formes d'organisation urbaine (maîtrise de l'étalement urbain, qualité de l'habitat, présence de services collectifs, etc.) ainsi que la gestion du métabolisme urbain dans le sens d'une plus grande sobriété énergétique, d'une diminution des émissions polluantes et des déchets, d'une préservation de la biodiversité et des paysages, etc. De plus, la ville n'est pas qu'un simple artefact technique, elle est aussi un support de relations sociales et d'appartenance identitaire pour ses habitants. Il convient d'intégrer ces différentes dimensions dans l'approche de l'habitabilité urbaine car, en définitive, le critère ultime de la durabilité urbaine est que le plus grand nombre de ses habitants souhaite continuer à y résider.

17Néanmoins, chaque ville est susceptible d'apporter des réponses particulières à la transition écologique en fonction de ses ressources et de ses attentes en matière de développement urbain. C'est pourquoi il est nécessaire d'en appréhender les déclinaisons locales. Après avoir présenté et justifié le choix des trois villes ayant alimenté nos observations - Barcelone, Marseille et Sfax -, nous verrons comment ces villes ont amorcé le virage de la transition écologique en sollicitant tout à la fois leur champ d'expérience et leur horizon d'attente et cela, tant au niveau de leurs institutions publiques que de leur société civile.

Les déclinaisons locales du développement durable

18On ne peut «  comparer que l'incomparable  », selon l'historien M. Détienne (Détienne, 2000), mais cela doit se faire sous certaines conditions : il faut, d'une part, que les objets comparés soient de la même famille en comportant un certain nombre d'attributs communs et, d'autre part, qu'ils présentent certains contrastes leur conférant une relative singularité. Or les trois villes que nous avons choisi d'étudier - Barcelone, Marseille et Sfax -- offrent une situation optimale de ce double point de vue.

Trois villes incomparables

19Elles se caractérisent en effet par plusieurs similitudes quant à leurs fonctions économiques, leur organisation spatiale, leur positionnement dans la hiérarchie urbaine nationale. Ce sont toutes des ports avec des traditions industrielles anciennes, auxquelles sont venues s'adjoindre des fonctions administratives et de services importantes à l'échelle de leur région et au-delà.

Tableau 1. La population des trois villes

Tableau 1. La population des trois villes

Sources : Moriconi-Hebrard, F., H. Gazel et D. Harre. 2011. GEOPOLIS (programmes MENAPolis & EUROPolis), mis en ligne le 13 mai 2011, URL : http://e-geopolis.eu, consulté le 25 février 2013.

20Leur morphologie urbaine obéit à une organisation assez similaire, selon un schéma de type radioconcentrique, assez répandu en Méditerranée. Leur croissance s'est opérée à partir d'un noyau central souvent très ancien, étendu à l'occasion de grandes opérations d'agrandissement au 19e siècle et au début du 20e, puis par l'occupation plus ou moins extensive de leur arrière-pays rural. En outre, elles sont toutes trois des capitales régionales importantes situées au deuxième rang dans la hiérarchie urbaine de leurs pays respectifs, sans disposer des attributs politiques d'une capitale nationale. Cela a parfois induit un contentieux important avec les autorités politiques centrales. Enfin, elles ont été confrontées à des problèmes environnementaux souvent similaires : pollution industrielle et urbaine, congestion du système de transport, insuffisances multiples en matière de logements et d'équipements collectifs, dégradations du littoral et des milieux naturels environnants, etc.

21Néanmoins ces trois villes présentent un certain nombre de dissemblances qui n'ont pas été sans incidence sur les formes de l'urbanisation dans chacune d'entre elles. La plus évidente est leur taille démographique. Barcelone est une ville de 1,6 millions d'habitants dans une agglomération de 3,2 millions d'habitants, ce qui représente approximativement deux fois la population de Marseille et six fois celle de Sfax.

22À cela s'ajoutent des cadres institutionnels très différents hérités de l'histoire politique nationale. Il faut rappeler que l'Espagne est l'État le plus décentralisé d'Europe, puisque plus de 50 % de la dépense publique espagnole est assurée par les collectivités locales (contre 25 % en France et 2,5 % dans la Tunisie de Ben Ali). Cela se traduit par des capacités financières très inégales puisque le budget de la Ville de Sfax était, en 2010, 65 fois inférieur à celui de la Ville de Marseille et 145 fois à celui de la Ville de Barcelone . Barcelone, comme d'autres grandes villes d'Espagne, s'inscrit dans une tradition ancienne de Cité-État encore préservée, facteur d'une autonomie politique locale qu'elle a su pérenniser jusqu'à aujourd'hui. Marseille, la plus ancienne ville de France, s'est longtemps inscrite dans une telle tradition, mais celle-ci a été fortement remise en cause dans le cadre national français. Malgré les réformes de la décentralisation intervenues dans les années 1980, les capacités d'initiatives des collectivités locales sont nettement plus réduites qu'en Espagne. Cependant, des dispositifs de «  régulation croisée  » des territoires ont été aménagés au cours du temps, rendant moins conflictuels les rapports entre l'État et les collectivités locales. Sfax s'inscrit dans une situation administrative encore moins favorable puisqu'elle s'est longtemps trouvée dans une situation d'hétéronomie politique à peu près complète. À son passé colonial est venu s'ajouter, après l'indépendance, un cadre politique très centralisateur, anéantissant toute capacité d'expression autonome.

23Un autre axe de différenciation tient aux cadres de l'économie résidentielle dans chacune des villes. Au regard des statuts d'occupation du logement, Barcelone et Sfax sont très majoritairement des villes de propriétaires, ce qui est moins le cas de Marseille. L'économie de la construction présente, parallèlement, des structures très différentes dans chacune d'entre elles. Barcelone détient une industrie du BTP puissante et majoritairement à capitaux locaux. À un moment où son industrie déclinait, ce secteur a pu bénéficier des grands travaux de requalification urbaine engagés par la ville, à l'occasion de grands évènements comme, par exemple, les Jeux Olympiques de 1992 (Garcia, 1992). À Marseille, cette activité s'est inscrite dans une logique économique plus extravertie puisqu'elle a été principalement animée par des groupes immobiliers extérieurs à la ville ayant acquis une forte emprise sur le marché foncier et immobilier local (Donzel, 2011). À Sfax, le développement urbain s'inscrit dans un modèle économique beaucoup moins capitalistique puisque l'industrie de la construction relève encore souvent du secteur artisanal, voire de l'économie informelle, et que le marché foncier reste encore dominé par la propriété familiale. L'autopromotion constitue donc le mode d'accès privilégié au logement, en dehors de certaines opérations immobilières conduites par des autorités publiques (Megdiche, 2005).

L'opérationnalisation du développement durable dans les projets urbains

24Malgré ces différences, il est assez étonnant de constater que les schémas de pensée et d'action mis en œuvre en matière d'aménagement urbain dans chacune des villes ont été assez similaires au cours du temps. Les trois villes ont une longue histoire en matière de planification urbaine. Elles ont suivi toutes les grandes évolutions normatives en ce domaine. Elles ont fait l'objet de politiques de renouvellement urbain souvent convergentes (réhabilitation des centres anciens, reconquête du littoral, rénovation du parc de logements, aménagements d'espaces verts, etc.), qui ont fini par incorporer, avec plus ou moins de précocité et d'intensité, la problématique du développement durable.

25Au cours de la dernière décennie, elles ont procédé à une refonte de leurs plans d'urbanisme avec le souci d'y intégrer cette nouvelle perspective : Barcelone a approuvé en 2000 son 4e plan stratégique (AMB4) ; Sfax a engagé depuis 2002 la «  Stratégie de développement du Grand Sfax à l'horizon 2016  » (SDGS 2016) ; Marseille, quant à elle, est entrée en 2005 dans le processus d'élaboration de son SCOT (Schéma de cohérence territoriale). Il a été adopté en juin 2012 par la Communauté Urbaine.

26Dans les trois cas, les procédures d'élaboration de ces documents ont été assez similaires. Elles concernent toutes l'échelon métropolitain, soit les 39 communes de l'Aire métropolitaine de Barcelone, les 7 communes de la banlieue de Sfax et les 17 communes de la Communauté urbaine de Marseille. D'autre part, elles ont toutes intégré une démarche participative, associant les différents acteurs de la société civile locale : universités, associations, entreprises, etc. Enfin, elles se réfèrent toutes, dans leurs finalités, à la formule trinitaire du développement durable articulant développement économique, cohésion sociale et protection de l'environnement.

27Ces nouvelles orientations se sont concrétisées par de grandes opérations d'aménagement, destinées à devenir le moteur et la vitrine du renouvellement urbain dans chacune des villes. Il s'agit du projet 22@Barcelona dans le quartier de PobleNou à Barcelone, d'Euroméditerranée à la Joliette à Marseille, et du projet Taparura sur le littoral nord de Sfax. Implantés sur d'anciens sites industriels plus ou moins dégradés, ils s'inscrivent tous dans une démarche de renouvellement économique et urbain avec, toutefois, quelques nuances quant à leur fonction économique principale : l'économie de la connaissance à Barcelone, les services liés à la logistique portuaire et au commerce international à Marseille, le tourisme à Sfax.

28Ces trois projets ont connu des destins divers en fonction de l'engagement des autorités publiques et des avantages comparatifs qu'ils offraient aux investisseurs nationaux et internationaux. Sous l'effet du marché, une sélection naturelle s'est imposée, aboutissant à un réajustement important de la conception initiale des projets. Bien qu'il soit le plus abouti en termes d'implantations d'activités et d'aménagements urbains, le projet22@Barcelona n'a pas permis d'attirer les emplois de haute technologie espérés ; il reste une zone urbaine assez peu diversifiée socialement, peu attractive culturellement et peu intégrée au reste de la ville (Casellas et Pallares-Barbera, 2009). Malgré des investissements publics importants, Euroméditerranée est encore au milieu du gué quant à ses objectifs d'emploi, de logements et d'équipements collectifs et semble aujourd'hui fortement ralenti par les effets de la crise immobilière sur les investissements privés (Bertoncello et Dubois, 2010). Quant à Taparura, en dehors de la dépollution des terrains effectuée entre 2006 et 2009, l'aménagement de la zone demeure au point mort, faute d'investisseurs (Megdiche, 2010). Néanmoins, ce territoire fait l'objet d'une réappropriation progressive par les habitants comme lieu de promenade, de rencontre, en bref comme espace public ouvert. Le gouvernement provisoire mis en place après la chute du régime de Ben Ali a d'ailleurs décidé d'y rouvrir une plage en juin 2011, rompant avec une interdiction de 33 ans.

Les projets urbains à l'épreuve du débat public

29Quel que soit leur degré d'avancement, ces opérations ont fortement alimenté les débats publics locaux. Ils ont nourri, dans les différentes strates de la société locale, des aspirations à plus de démocratie dans l'élaboration et la mise en œuvre des projets urbains. Ils ont induit l'émergence d'espaces de délibération, plus ou moins pérennes, ayant permis l'expression d'une parole citoyenne. Ce processus a été le fait de personnalités locales, détentrices d'une fonction d'expertise urbaine (élus locaux, professionnels de l'urbanisme, travailleurs sociaux, universitaires, artistes etc.), qui ont œuvré en amont pour un élargissement des finalités sociales et environnementales des projets perçus comme des produits immobiliers trop orientés par des logiques de rentabilisation à court terme. Cette mobilisation «  par le haut  » de l'opinion publique locale a souvent été relayée par la mobilisation «  par le bas  » d'associations d'habitants intervenant en aval des projets pour en minimiser les impacts négatifs à l'échelle d'un territoire particulier.

30Ce double processus délibératif a, dans une certaine mesure, permis de «  faire entrer la ville en démocratie  » selon une dialectique qui n'est pas sans évoquer celle qui a été identifiée par Bruno Latour (2004) dans sa définition de la notion de «  collectif  ». Selon Latour, un collectif démocratique s'organiserait selon un principe «  bicaméraliste  », mettant en tension une «  Première chambre  », en charge de définir les frontières du patrimoine commun, et une «  Deuxième chambre  », dont la vocation est de rendre possible le «  vivre ensemble  » au sein de la collectivité. Or le champ urbain, en tant que collectif, relève aussi, de façon plus ou moins informelle, de cette double médiation. La mise en débat des opérations d'aménagement urbain dans ces deux instances est une condition essentielle de leur légitimation comme éléments du patrimoine urbain et de leur appropriation par les différentes composantes de la population.

L'influence de l'expertise urbaine locale

31Chaque ville possède, en matière d'urbanisme, une «  Première chambre  », plus ou moins visible, constituée d'experts et d'analystes chargés de mettre à jour les éléments significatifs du patrimoine urbain, d'en décrire les attributs matériels ou immatériels, d'en anticiper les usages possibles et d'en favoriser le partage. Cette fonction d'expertise urbaine locale a d'autant plus de chances d'être influente qu'elle s'inscrit dans la longue durée et qu'elle est aussi en mesure de se renouveler dans ses approches des réalités urbaines.

Le modèle barcelone

32Barcelone a pleinement bénéficié de ces conditions, puisque cette ville se révèle aujourd'hui exemplaire sur de nombreux points en matière de développement urbain (Capel, 2009). Elle le doit en partie à un héritage intellectuel toujours très fécond, celui de l'architecte Ildefonso Cerdà (1815-1876), inventeur du mot «  urbanisme  » et dont l'œuvre maîtresse fut l'agrandissement de la ville en 1859 - L'Ensanche -, celui-ci aboutissant à multiplier par six son territoire urbanisé. Bien qu'il se situe dans le courant moderniste, il n'est pas abusif de le considérer comme un précurseur de l'écologie urbaine.

33Dans son ouvrage La Théorie générale de l'urbanisation, paru en 1867 (Cerdà, 2005), Cerdà développe la notion de «  ville intégrale  », qui procède avant l'heure d'une approche systémique de la ville conçue comme ensemble interdépendant de fonctions (circulation, habitat, activités) obéissant à des lois de proportions définies. Dans cette optique, il va porter à 34 % les emprises publiques dans les espaces nouvellement construits, contre 17 % dans la vieille ville. Il se montre également soucieux avant l'heure de préserver la biodiversité urbaine, son projet étant de «  ruraliser la ville et d'urbaniser la campagne  » ; il considère en effet que la densité urbaine n'est acceptable que dans la mesure où elle tolère en son sein des espaces de nature. D'où l'intérêt qu'il porte aux espaces végétalisés (parcs, jardins, zones de nature), toujours présents aujourd'hui dans le paysage urbain barcelonais. En outre, pour Cerdà, l'urbanisme n'est pas qu'une science du contenant (les bâtiments, les rues, les parcs), il doit aussi se préoccuper du contenu (les habitants). Cela passe par une approche pluridimensionnelle de l'habitabilité urbaine impliquant l'amélioration du confort des logements et de leur insertion dans le voisinage. Par delà les préoccupations hygiénistes qu'il assume (double ventilation des logements, optimisation de l'ensoleillement, atténuation du bruit par des espaces «  intervoies  »), les logements doivent être organisés de manière à préserver l'intimité familiale. L'habitat doit dans le même temps favoriser la mixité sociale, ce qui suppose une répartition égalitaire des équipements urbains (hôpitaux, écoles, marchés, lieux de cultes, places et espaces verts).

34Bien que longtemps ignorés, ces principes ont fait école, en particulier à Barcelone, devenue depuis «  la Mecque de l'urbanisme  », grâce à un milieu professionnel qui a su allier innovation technique et préoccupations sociales et environnementales. Ainsi pour A. Masboungi :

La marche en avant de Barcelone ne se comprend pas sans goûter à son « humus professionnel ». Concocté de longue date pendant la dictature, où l'avenir de Barcelone se dessinait dans la clandestinité, cet humus est d'abord politique (…) avec des figures remarquables très engagées portées d'une vision forte de l'importance de la ville (…) et des élus qui ont souvent été des acteurs associatifs ou des professionnels de l'urbanisme. On observe une vraie complicité entre milieux politiques, économiques et sociaux (…). En effet, contrairement au cas français, la mobilité est de mise, et nombre de professionnels de talents ont migré du public au privé et inversement (…). Ce qui ne signifie pas que le paysage soit paisible. Ici la ville est une affaire publique et chose débattue (…). Et la population y participe ardemment, avec des associations puissantes qui se dotent d'urbanistes qualifiés pour réaliser des contre-propositions, faire classer des usines, modifier des projets, etc. (Masboungi, 2010, p. 20).

35La conséquence de cette propension au débat est que Barcelone est aujourd'hui l'une des rares grandes villes européennes à s'être engagée, dès 1997, dans l'élaboration d'un projet d'Agenda 21. Publié en 2002 (Rueda, 2002), ce projet apparaît étonnamment proche des idées de Cerdà en affichant trois grandes orientations : le maintien de la compacité de la trame urbaine, la préservation de la complexité fonctionnelle et sociale de la ville et la réinsertion de la nature en son sein. À cela s'ajoute le souci d'améliorer l'efficacité du métabolisme urbain par l'incitation aux économies d'énergies, par le développement des transports en commun, par la réduction des déchets, etc., ensemble de préoccupations qui, il est vrai, étaient encore peu explicites chez Cerdà.

Marseille : le rêve métropolitain

36Marseille a hérité d'une tout autre culture urbanistique. Sa mise en forme fut aussi plus tardive puisque ce n'est que dans les années 1930 que la ville va se forger une conception propre de son destin urbain en se dotant d'une stratégie de développement territorial. Jusque-là, cette compétence avait été presque exclusivement le fait de l'État qui avait conduit les principaux projets d'aménagement de la ville, depuis la création de la Rive Neuve au sud du Vieux-Port au XVIIe siècle, jusqu'aux extensions urbaines et portuaires vers le nord au cours du XIXe siècle. C'est en 1931 que la Municipalité va mettre à l'étude son premier plan général d'urbanisme. Sa réalisation, achevée en 1933, fut confiée à l'architecte parisien Jacques Greber (1882-1962) dont la particularité est d'avoir fait ses classes en Amérique du Nord et d'avoir été ainsi fortement influencé par les schémas urbanistiques nord-américains. Ses travaux vont entrer en forte résonnance avec les thèses d'inspiration fonctionnaliste développées localement par l'architecte en chef du Département, Gaston Castel (1886-1971), qui fut le maître à penser de l'urbanisme marseillais de l'entre-deux-guerres. À travers ses nombreux écrits, rassemblés dans ses ouvrages Marseille-Métropole et Marseille et l'Urbanisme, il fut le premier à penser la ville à l'échelle métropolitaine et à formuler le projet de «  Grand Marseille  », toujours d'actualité aujourd'hui (Langevin et Chouraqui, 2000).

37Mais si les méthodes de planification changent, l'enjeu prioritaire reste le même : renforcer l'attractivité et l'accessibilité de la place portuaire marseillaise. Cela nécessite un nouvel agrandissement de la ville vers le nord, cette fois au-delà de l'hémicycle de collines circonscrivant son périmètre communal. Cela va s'opérer par l'annexion d'espaces vierges situés à quelque 50 km de la ville, voués au développement de ses activités industrielles et portuaires. Elles serviront dans les années 1960 et 70 à la création de la zone de Fos, qui concentre désormais l'essentiel du potentiel industriel et portuaire de la ville. Parallèlement, la croissance des communes périphériques sera encouragée, celles-ci dépassant aujourd'hui celle de la commune-centre. Ce «  passage de la cité à l'aire métropolitaine  » (Borruey, 2001, p. 153) va s'accompagner d'un net renforcement des divisions fonctionnelles et sociales de l'espace urbain : alors que le centre-ville est affecté à des fonctions directionnelles et de services et que les activités productives sont repoussées dans l'extrême périphérie, les zones résidentielles intermédiaires sont réorganisées selon un principe de bipolarisation sociale opposant quartiers d'habitat social au nord et à l'ouest et quartiers d'accession à la propriété au sud et à l'est, la cohésion de cet ensemble étant dévolue aux infrastructures de transport et, en particulier, au réseau de voirie (Donzel et Bresson, 2007).

38Jusqu'à une période récente, ce modèle extensif et ségrégatif d'organisation de l'espace urbain ne suscita guère d'opposition ; il fut même officialisé au cours des Trente Glorieuses par les politiques nationales en faveur des «  métropoles d'équilibre  ». Ce n'est qu'avec l'amplification de la crise pétrolière que l'on va commencer à en mesurer les impacts négatifs en termes économiques, sociaux et environnementaux. L'élaboration d'une stratégie alternative de développement urbain durable va néanmoins tarder à émerger, en dehors d'opérations très ponctuelles d'aménagement de «  quartiers durables  » (Sainte Marthe, extension d'Euroméditerranée). En fait, la ville semble encore hésiter dans ses projets entre impératif de compétitivité et principe de durabilité, alimentant en son sein une véritable «  schizophrénie du vert  » (Consalès et al., 2012). Les débats récents dans le cadre de l'élaboration du Schéma métropolitain de cohérence territoriale (SCOT) témoignent de ce dualisme : l'enjeu environnemental est présent mais reste périphérique dans les approches du développement urbain (CUMPM, 2011).

Sfax, ville en transition

39À Sfax, comme de manière générale en Tunisie, ce n'est qu'à partir des années 1970 que les «  enjeux urbains commencent à s'ériger en problèmes publics  » (Chabbi, 2011, p. 27). Encore que jusqu'au milieu des années 1990, cette évolution concerne peu l'échelon local. En raison de «  politiques urbaines impulsées par le centre, les acteurs locaux ne sont pas en mesure de participer aux décisions politiques  » (Chabbi, 2011, p. 27). Celles-ci sont dévolues à une dizaine d'agences publiques nationales intervenant dans les différents domaines spécialisés de l'aménagement du territoire : foncier, habitat, transports, réseaux urbains (électricité, eau, assainissement), etc. À partir de 1995, cependant, une nouvelle politique va voir le jour, fondée sur une approche plus intégrée du développement territorial. «  Inspirée du modèle français d'action urbaine, une vingtaine de Schémas directeurs d'agglomérations (SDA) et plus de 150 Plans d'aménagement communaux (PAU) firent l'objet d'appels d'offre nationaux  » (Chabbi, 2011, p. 38). Cela va induire une dynamique de réflexion importante sur le devenir des villes tunisiennes, en particulier à Sfax.

40Des universitaires et des professionnels de l'urbanisme seront sollicités pour participer à la réalisation du Schéma directeur d'aménagement du Grand Sfax (SDAGS), paru en 1998. Ils vont établir, à travers différentes publications académiques, un diagnostic approfondi sur les dynamiques économiques, sociales et environnementales de l'agglomération sfaxienne.

41Ces travaux mettent en évidence les atouts d'une ville qui a pu combiner un fort dynamisme économique, tout en préservant une relative cohésion sociale. Son développement s'est appuyé sur une culture entrepreneuriale particulièrement vigoureuse (Denieuil, 1992) s'exprimant dans de nombreux domaines (agriculture, industrie, services). Elle continue à être un centre agricole important en fournissant 40 % de la production tunisienne d'huile d'olive et 30 % de sa production d'amandes. Parallèlement, ses effectifs d'emplois industriels se sont fortement accrus dans les dernières décennies, passant de 15 000 en 1969 à 50 000 en 2004. La ville est en outre devenue un grand centre universitaire accueillant 45 000 étudiants et elle abrite des services hospitaliers et médicaux de premier plan à l'échelle du centre et du sud tunisien (Bennasr, 2010).

42La croissance de l'agglomération s'est effectuée selon un schéma très extensif mais relativement propice à la préservation de la cohésion sociale (Baklouti, 2005). Ainsi selon T. Megdiche, «  l'espace urbain sfaxien hérité de l'époque coloniale présentait une ségrégation socio-spatiale relativement modérée : il n'y avait pas de barrières physiques entre quartiers et il n'y avait pas (ou presque) de véritables bidonvilles  » (Megdiche, 2005, p. 2). Après l'indépendance, la ville va gagner l'ancien terroir rural par occupation progressive des «  jnènes  », puis des «  bouras  », ceintures agricoles autrefois utilisées par les résidents du centre-ville à des fins de villégiature ou d'autosubsistance. Mais en raison d'un marché foncier peu ouvert, où les biens se transmettent essentiellement dans un cadre familial, l'urbanisation de la périphérie a maintenu en partie les structures d'intégration communautaire. La subdivision des propriétés rurales «  aboutit souvent à une superposition des catégories sociales plutôt qu'à l'apparition de quartiers socialement homogènes  » (Megdiche, 2005, p. 3). Même si le renchérissement des prix fonciers tend à renvoyer les populations les plus pauvres vers les périphéries plus lointaines, il n'en reste pas moins que «  leurs habitants se considèrent comme des citadins à part entière  » (Megdiche, 2005, p. 3).

43Malgré ses atouts économiques et sociaux, la ville accumule de graves déficiences en matière d'équipements urbains et d'environnement. Celles-ci sont fortement dommageables pour la qualité de vie de ses habitants et pour le déploiement de certaines de ses potentialités économiques, notamment en matière touristique. La dégradation de son littoral en est l'élément le plus visible en raison de la présence d'installations industrielles particulièrement polluantes, mais cette dégradation concerne aussi l'arrière-pays du fait d'un étalement urbain de plus en plus incontrôlé, accélérant la disparition des terres agricoles et des espaces naturels subsistants (Bennasr, 2005).

44En 1996, une étude conduite par Habib Dlala sur le Grand Sfax soulignait «  l'étalement excessif de l'agglomération sfaxienne par rapport à son poids démographique  » (Dlala, 1996, p. 393) et énumérait les nombreuses carences qui en découlent en matière de voirie, d'assainissement et d'espaces verts. L'étude montre en particulier que, malgré l'adoption en 1992 par la commune de Sfax d'un «  plan vert  » devant aboutir à la plantation de 350 000 arbres le long des voies de circulation et dans les jardins publics, «  globalement, la superficie verte offerte par habitant n'excède pas 1,57 m2  » (Dlala, 1996, p. 391).

45Ce diagnostic sera conforté par les travaux des géographes du laboratoire SYFACTE de l'Université de Sfax. Par leur intermédiaire, la problématique du développement durable va gagner en légitimité dans le débat public local, notamment à la suite d'un colloque international organisé à leur initiative à Sfax en 2005 sur «  Les villes au défi du développement durable  ». Parallèlement, à la faveur d'un certain nombre de programmes internationaux, la ville va devenir un centre d'expertise important sur les questions de développement urbain durable. En 2002, elle va élaborer sa «  Stratégie de développement du Grand Sfax à l'horizon de 2016  » (SGDS 2016), inspirée de la méthodologie de la Banque mondiale pour promouvoir les «  villes en transition  » (World Bank, 2000). Elle reçut pour cela le soutien financier de plusieurs organisations internationales (Banque mondiale, Cities Alliance, ONU-Habitat, PNUD, MedCités, GTZ, AFD), ainsi que l'appui de plusieurs collectivités locales dans le cadre de la coopération décentralisée dont, principalement, les Villes de Barcelone et de Marseille (CMIM, 2011). Cette ouverture internationale va permettre d'impulser des dynamiques collaboratives assez inédites au plan local entre experts, élus et population, même si leurs effets attendus en matière de gouvernance locale et de mise à niveau des équipements urbains ont tardé à se manifester (Haj Taïeb, 2011).

Les mobilisations citoyennes : la conquête du droit à la ville

46L'approche experte de l'aménagement urbain ne suffit pas à définir la démarche du développement durable. Celle-ci n'est véritablement novatrice que dans la mesure où elle devient compatible avec la «  culture territoriale  » propre à chaque ville, c'est-à-dire les savoirs, les usages et les règles, pas toujours formalisés, qui conditionnent le vivre ensemble dans un écosystème matériel et social déterminé (Magnaghi, 2003). Chaque ville sécrète une telle culture en fonction de son histoire, de ses ressources comme de ses manques. Mais elle n'est le plus souvent visible que quand elle est menacée et que s'expriment alors sur le plan civique les exigences du «  droit à la ville  » (Lefebvre, 1968). Dans les trois villes, les grands projets ont été des catalyseurs puissants de la mobilisation citoyenne. Ils ont produit une onde de choc sur les sociétés locales. Après une phase de séduction, voire de sidération, ils ont alimenté les frustrations et les contestations en mettant en évidence, de façon encore plus criante, les déficiences de l'espace urbain environnant. Aucune n'a échappé à de telles mobilisations, mais chacune avec des spécificités propres résultant des urgences auxquelles elle doit prioritairement faire face.

Barcelone : l'enjeu du logement

47À Barcelone, la question du logement est de longue date un enjeu majeur des mobilisations sociales en raison des retards pris dans la mise en œuvre d'une politique de logement accessible aux classes populaires. À la fin de la dictature franquiste, Barcelone compte sur son territoire plus de 5000 «  barracas  » (bidonvilles) et ses vieux quartiers sont particulièrement dégradés (Ferras, 1977). Avec l'avènement de la démocratie, la modernisation du parc de logements sera une priorité des pouvoirs locaux. Mais, compte tenu de la faiblesse des disponibilités foncières dans la ville, celle-ci va souvent se traduire par des destructions et des expropriations massives ayant pour conséquence des changements importants dans les fonctions économiques et la composition sociale des quartiers concernés.

48Le droit au logement va ainsi devenir une revendication majeure des associations de quartier jusqu'à aujourd'hui. Elle s'exprimera d'abord à l'occasion des travaux de «  récupération  » du quartier du Raval dans la Vieille Ville dans la perspective des Jeux Olympiques de 1992 ; elle rebondira à l'occasion de la plupart des opérations de rénovation intervenues par la suite dans des quartiers plus périphériques. La montée des prix du logement dans la dernière période viendra encore intensifier les luttes contre la «  gentrification urbaine  ». D'abord limitées à certains quartiers, celles-ci vont progressivement monter en généralité. En 2005, les associations impliquées dans ces luttes à l'échelle des quartiers vont constituer une plate-forme citoyenne dénommée «  REpensar Barcelona - REcuperar la ciudad  » (REpenser Barcelone - Recupérer la ville) (Sitesize, 2007). Conçue comme une «  Université populaire itinérante  » se réunissant chaque semaine dans des lieux différents, son but est de partager les connaissances et les expériences sur les questions d'aménagement urbain et de peser sur les orientations des projets en cours dans la ville.

49Les mobilisations associatives se sont accompagnées d'une implication grandissante des populations dans l'élaboration des projets urbains. Ce processus eut son moment inaugural en 2002, lorsqu'à la suite de la démolition d'un îlot du quartier de Santa Caterina dans la vieille ville pour en faire un parking, les habitants décident de s'approprier le lieu, baptisé Forat de la Vergonya («  le trou de la honte  »), pour en faire un jardin public. Cette action eut un impact non négligeable sur la dernière génération des projets urbains entrepris à Barcelone, puisque ceux-ci sont désormais plus soucieux d'intégrer une démarche participative. Ainsi, dans le cas du projet «  22@barcelona  », les associations d'habitants ont été sollicitées ; il en a résulté certains réaménagements en vue de mieux préserver la mémoire historique et l'identité sociale du quartier. La participation des habitants a été encore plus poussée dans l'exemple de l'Écoquartier de Trinitat Nova, situé en limite nord-est de la ville. Dans ce cas, le projet de rénovation a été, dès l'amont, conçu par les habitants en collaboration avec des universitaires locaux et des techniciens de la société d'aménagement de la région Catalogne (Adèle Consultant et Hanrot et Rault, 2007).

Marseille : la réhabilitation de l'espace public

50Marseille a connu des mouvements analogues sur la question du logement, mais avec une moindre intensité qu'à Barcelone. Du fait d'un territoire communal deux fois et demi plus étendu pour une population deux fois moindre qu'à Barcelone, le marché immobilier y est un peu moins tendu. En outre, la ville dispose d'un parc de logements sociaux relativement important (représentant 1/5 de son patrimoine immobilier) qui peut constituer un amortisseur à la crise du logement. Dans ces conditions, les revendications urbaines ont plutôt porté ici sur une faiblesse ancienne de la ville : ses équipements et ses services urbains, bien moins performants qu'à Barcelone en de nombreux domaines (transports, propreté, etc.).

51C'est que les extensions urbaines dans cette ville sont rarement allées de pair avec une mise à niveau des équipements et des services publics. Les quartiers périphériques, particulièrement dans le nord de la ville, portent encore les traces de retards anciens en matière d'infrastructures de voirie, d'assainissement, etc. À ce sous-équipement sont venus s'ajouter de nombreux dysfonctionnements dans les services urbains. Du fait d'une étendue disproportionnée par rapport à sa population, la ville souffre d'une pénurie chronique de moyens. En conséquence, les transports en commun y sont notoirement insuffisants en quantité et en qualité et, en matière de nettoiement, la ville ne parvient pas à effacer sa réputation de «  ville sale  ». Depuis longtemps, ces déficiences sont dénoncées, particulièrement dans les quartiers périphériques, notamment à travers les Comités d'Intérêts de Quartier (CIQ), apparus dès le début du 20e siècle pour porter les doléances des habitants auprès de la municipalité.

52Dans les dernières décennies, les politiques de renouvellement urbain dans les quartiers centraux ont nourri d'autres formes de revendications. Ainsi, dans le cas de la rénovation immobilière de la rue de la République, les actions de l'association «  Un centre-ville pour tous  », nées de l'opposition aux expulsions de locataires en place, ont débouché sur des réajustements en vue de diversifier socialement l'offre de logement (Borja, Derain et Manry, 2010). Dans le même temps, des recours juridiques de plus en plus nombreux ont été déposés contre les permis de construire accordés par la Ville aux promoteurs, le plus souvent sur des terrains en friche réappropriés par les habitants. Si elles n'ont pas toujours abouti, ces démarches ont occasionné d'importants retards dans le démarrage des travaux, au point que des compensations ont dû être proposées. Ainsi, dans le cadre de l'extension du périmètre d'Euroméditerranée en 2007, un projet de parc public, non prévu initialement, a vu le jour. Ce «  Central Park  » à la marseillaise, accompagné d'un projet d'Écoquartier, est toutefois lui aussi contesté car, étant situé sur l'emplacement d'une gare de marchandises (La gare du Canet), il priverait le port, situé à proximité, d'un débouché ferroviaire. Son intérêt écologique est aussi discuté car, étant trop loin de la trame verte existante, son bénéfice pourrait être faible en terme de biodiversité.

53De plus, sous l'effet des politiques de dérégulation en cours des services publics, en vue de leur ouverture à la concurrence, on a vu se multiplier les conflits sociaux dans la plupart d'entre eux (transports urbains, collecte des déchets, cantines scolaires, culture, etc.). Cela a conduit certains syndicats à sortir de leur champ d'action corporatif traditionnel pour entrer en dialogue avec la population et s'inscrire dans le débat public local. Ainsi, en 2011, ils ont pris l'initiative d'organiser des états-généraux sur les questions de propreté urbaine - «  le Grenelle des poubelles  » -, réunissant élus, associations et citoyens.

54Par des voies diverses, impliquant particuliers, associations de quartier ou syndicats, une dynamique de mobilisation s'est donc peu à peu structurée autour de la revalorisation de l'espace public local dans ses différentes dimensions : luttes contre la privatisation du domaine foncier public, pour la mise à niveau des équipements et services urbains et pour l'amélioration de la qualité des espaces publics (embellissement, sécurisation, piétonisation, etc.). Ces mobilisations ont, là aussi, été fructueuses puisqu'elles ont contribué, de façon plus ou moins directe, à introduire un principe de compensation écologique dans les projets urbains.

Sfax : le dilemme entre industrie et environnement

55À Sfax, les enjeux du développement urbain durable sont fortement surdéterminés par la vocation industrielle de la ville. Depuis les années soixante, l'industrie a été la pierre angulaire de son développement. Elle a été source d'emplois et de revenus pour ses habitants et, à ce titre, elle est devenue un marqueur important de l'identité locale. «  Au fil des années, Sfax s'est forgée une image de ville industrielle et industrieuse  » (Bennasr, 2005, p. 10). Dans ce contexte, les collectivités publiques comme les milieux économiques se souciaient peu du cadre de vie tandis que la population, en se réfugiant dans les «  jnènes  », semblait s'accommoder de cette situation.

56Malgré ces handicaps, les questions environnementales vont occuper une place grandissante dans le débat public local. Cette préoccupation a commencé à se manifester relativement tôt, notamment après l'interdiction en 1978 de la baignade et de la pêche sur l'ensemble du littoral sfaxien. L'idée de «  rendre la mer aux Sfaxiens  » va alors commencer à faire son chemin, notamment par l'intermédiaire de l'APNES (Association de protection de la nature et de l'environnement de Sfax), créée en 1980 (Megdiche, 2010). D'autres groupements, comme l'Association de sauvegarde de la Médina de Sfax, créée en 2002, ont conforté cette prise en compte du patrimoine sfaxien, tant dans les institutions publiques que dans la société civile locale. Bien que minoritaires, elles ont mené des actions d'une grande efficacité puisqu'elles ont contribué à initier le processus de dépollution du littoral ainsi que la réhabilitation de la Médina.

57Dans la dernière décennie, d'autres acteurs du développement durable ont commencé à émerger comme les comités de quartiers. Constitué dans les années 2000 dans les zones nouvellement urbanisées de la périphérie, ils ont eu un rôle grandissant dans la vie sociale locale, suppléant aux déficiences des collectivités publiques dans la gestion de l'environnement urbain, mais aussi en matière d'entraide sociale et d'animation culturelle (Fakhfakh, 2005). Ils se sont révélés très actifs dans la transition démocratique tunisienne. Il sera intéressant de voir s'ils pourront consolider leur action dans les processus d'évolution politique en cours en Tunisie. Internet a également joué un rôle non négligeable dans la prise de conscience environnementale à l'échelle de la ville, grâce notamment au site Sfax on line qui, depuis plusieurs années, a contribué à faire émerger une parole citoyenne sur les enjeux du développement urbain à Sfax, notamment parmi les jeunes.

58Néanmoins, les contradictions entre développement économique et préservation de l'environnement demeurent, voire s'amplifient avec l'intensification de la compétition économique à l'échelle nationale ou internationale. On a vu ainsi, dans la dernière période, des salariés de la SIAPE - entreprise menacée de fermeture en raison de son implantation littorale et de son caractère fortement polluant -, s'opposer à la tenue d'un débat sur la reconversion du littoral sfaxien. Il reste donc à trouver les voies d'un compromis entre les différents acteurs du développement local pour rendre compatibles défense de l'emploi et protection de l'environnement.

Conclusion

59Les voies de la transition écologique apparaissent donc fort diversifiées. Parmi les villes étudiées, Barcelone est probablement la plus conforme à l'idéal-type de la «  ville en transition  ». Elle est, pour l'heure, celle qui est allée le plus loin, et de la manière la plus complète, dans une stratégie de développement durable à travers l'élaboration et la mise en œuvre d'un Agenda 21. Mais cette exemplarité a été mal récompensée : comme d'autres villes espagnoles, elle a vu, en juin 2012, sa note dégradée de A à BBB dans l'échelle établie par l'agence d'évaluation financière FitchRatings, en raison de son lourd endettement. Bien qu'apparemment plus à l'abri d'une telle sanction, Marseille et Sfax abordent la transition écologique selon une perspective non moins incertaine. La première a entrepris de mieux valoriser ses atouts naturels : elle a procédé à l'assainissement de son littoral et s'est réapproprié ses collines environnantes, notamment grâce à la création du Parc naturel des Calanques, la plus grande zone naturelle protégée en milieu urbain en Europe. Mais cela n'a pas suffi à inverser des évolutions très préoccupantes en matière de qualité de vie urbaine, de cohésion sociale ou de dynamisme économique. Sfax, au contraire, réussit plutôt bien sur ces deux derniers points : malgré la crise, elle conserve de fortes perspectives de développement économique grâce à la diversification en cours de ses activités ; elle a pu préserver un cadre urbain qui reste conforme à sa tradition de ville méditerranéenne, en dépit de nombreuses insuffisances en matière d'équipements et de services collectifs. Mais la réconciliation avec son environnement naturel, terrestre et maritime, sera une œuvre de longue haleine qui pourrait ne pas être sans dommages économiques et sociaux.

60La transition écologique n'est donc nullement un processus spontané. Dans les trois villes, cette perspective n'a pu s'amorcer que dans la mesure où elle s'est appuyée sur des capacités de décision politique locale. La décentralisation est, de ce point de vue, une condition nécessaire du développement urbain durable. Encore faut-il que l'enjeu environnemental acquière une relative priorité dans la hiérarchie des problèmes publics locaux. On a pu constater que la prise en compte de cet enjeu n'est pas toujours en rapport avec le niveau de ressources économiques des villes ou avec l'ampleur des dommages environnementaux qu'elles subissent. Mais dans tous les cas, l'action publique environnementale n'a pu se déployer qu'en s'appuyant sur les ressources civiques locales, qu'elles relèvent d'expressions expertes ou citoyennes. La prise en considération de ces ressources apparaît donc comme une condition essentielle de la transition écologique à l'échelle des villes méditerranéennes.

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Notes

1 Pour une présentation de ce programme, voir : Réseau thématique HOMERE (HOmmes-Milieux-Environnements-cultuREs), mis en ligne le 26 janvier 2012, URL : http://www.mmsh.univ-aix.fr/pole-programmes-transvers/thematiques/Pages/homere.aspx, consulté le 25 février 2013.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1. La population des trois villes
Crédits Sources : Moriconi-Hebrard, F., H. Gazel et D. Harre. 2011. GEOPOLIS (programmes MENAPolis & EUROPolis), mis en ligne le 13 mai 2011, URL : http://e-geopolis.eu, consulté le 25 février 2013.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/355/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 64k
Titre Tableau 2. Les grands projets urbains dans les trois villes
Crédits Sources : 22@barcelona, http://www.22barcelona.com/​documentacio/​Estat_execucio_2009_ang.pdf; EPAEM, http://www.euromediterranee.fr/​quartiers/​presentation.html; SEACNVS, http://www.taparura.com/​taparura/​frontend_dev.php/​fr/​projets. Assemblage : Donzel, 2013.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/355/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 81k
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Pour citer cet article

Référence électronique

André Donzel, « Comment l'écologie vient à la ville en Méditerranée ? Une comparaison entre Barcelone, Marseille et Sfax  »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 7 | 2013, mis en ligne le 16 septembre 2013, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/355

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Auteur

André Donzel

Sociologue, chargé de recherche au CNRS et membre du Laboratoire Méditerranéen de Sociologie à Aix-en-Provence (LAMES). Il s'intéresse aux questions de développement urbain en Europe et en Méditerranée. Il est auteur de plusieurs publications sur ce thème, en particulier à partir du cas de Marseille

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Droits d’auteur

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