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Résumés

Au cours des dernières années, plusieurs pratiques culturelles et artistiques observées à Montréal remettent en question l'utilisation de la dichotomie classique d'espaces publics-privés. Pour pallier ce manque conceptuel, nous proposons, dans le cadre de cet article, de préciser la notion d'espaces équivoques. Par la présentation sommaire de cinq exemples de la région de Montréal, nous offrirons un aperçu des formes que peuvent prendre ces espaces. Puis, à partir d'une double étude de cas réalisée entre 2009 et 2011, nous démontrerons par quels processus le caractère équivoque de certains espaces émerge, s'accentue ou s'amenuise. Les résultats de cette recherche à caractère exploratoire permettront de fournir de nouveaux éclairages quant aux définitions d'espace public et privé et de soulever certaines pistes de réflexion quant aux relations qu'entretiennent les individus avec l'environnement urbain.

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Texte intégral

Introduction

1En Occident, l'espace est depuis longtemps divisé en deux types : public et privé. De la lecture de certains travaux (Dind, 2008; Hou, 2010; Lévy, 2003; Merlin et Noisette, 1998), il ressort que trois caractéristiques - utilisées de façon combinée - sont régulièrement évoquées afin de les départager : le statut, la fonction et le mode d'appropriation. Un espace est donc largement reconnu comme public lorsqu'il répond aux trois conditions suivantes :

  1. Son statut juridique est public. L'espace doit donc faire partie du domaine public, selon la définition du droit français.

  2. Sa fonction - qui se décline en affectations d'usage (p. ex. commercial, résidentiel, etc.) - est publique. Dans ce cas, l'espace doit être ouvert, perméable et accessible à un une grande variété de publics (Iveson, 2007).

  3. Les modes d'appropriation sont publics. C'est le cas lorsqu'un ensemble d'individus pratiquent de façon non exclusive des activités dans un espace.

2Inversement, un espace est considéré comme privé quand :

  1. Le statut de propriété est privé. L'espace appartient donc légalement à un particulier (fiducie, corporation, succession, etc.). Ce titre de propriété confère au propriétaire une série de droits issus du droit romain : l'usus (droit de l'utiliser), le fructus (droit d'en recueillir les fruits et les produits, p. ex. récolte, loyer, revenus), l'abusus (droit d'en disposer selon sa volonté, p. ex. le modifier, le vendre, le détruire en tout ou en partie).

  2. Sa fonction est privée. C'est le cas lorsque l'espace est ouvert seulement à une gamme restreinte d'individus et que son accès est contrôlé.

  3. Les modes d'appropriation sont privés. Dans ce cas, les individus tiennent dans l'espace des activités restreintes, plus régulées, et en font une utilisation exclusive.

3La majorité des espaces sont classables aisément dans l'une ou l'autre des catégories. C'est le cas lorsque le statut juridique et la fonction d'un espace sont facilement identifiables (p. ex. épicerie, salle de spectacle, parc municipal, aréna, présence d'une affiche " Propriété privée ", etc.); et lorsqu'il y a concordance entre les comportements implicitement suggérés et l'usage (p. ex. détente dans une aire aménagée avec tables et bancs).

4Inversement, il existe des espaces qui ne peuvent être classés comme publics ou privés de façon univoque et en tout temps à partir des trois critères mentionnés précédemment. En effet, certains peuvent en apparence présenter une ambigüité concernant un ou plusieurs des critères. Cela peut s'expliquer d'abord par un manque de clarté - en termes d'aménagement plutôt qu'en termes juridiques - quant au statut juridique dudit espace. Ainsi, lorsque les cours résidentielles ne sont pas bien délimitées (p. ex. par l'absence de clôture) et qu'elles sont à proximité d'un espace public (ruelle, trottoir), il peut y avoir confusion quant au statut juridique de la propriété. Cette ambigüité peut aussi provenir d'un certain flou quant à la nature de la fonction du lieu. Prenons le cas des centres commerciaux. Il s'agit d'espaces à usage public lors des heures d'ouverture. À ce moment-là, les modes d'appropriation sont publics, bien que toujours subordonnés aux comportements prescrits, mais ils sont privés lorsque les centres commerciaux sont fermés. Ainsi, le changement dans le temps de la fonction - et conséquemment des modes d'appropriation - fait en sorte qu'on ne peut classer aisément ce genre d'espaces selon la dichotomie classique public-privé. Enfin, l'ambigüité concernant le caractère public-privé d'un espace peut être le résultat des modes d'appropriation. Les espaces communs à l'intérieur des immeubles résidentiels locatifs en offrent un bon exemple. Ces espaces ont une fonction et un mode d'appropriation semi-publics. Ils sont utilisés essentiellement par les résidants pour circuler entre les logements et l'extérieur de l'immeuble. Toutefois, ils sont parfois utilisés à des fins privées par certains résidants qui entreposent des objets domestiques dans les corridors perçus alors comme le prolongement de leur logement.

5Il existe dans les villes de nombreux espaces dont les modes d'appropriation diffèrent de ceux qui leur sont associés habituellement. Regroupés sous la dénomination d'espaces équivoques, ils présentent des modes d'appropriation - publics ou privés - potentiellement conflictuels avec ceux prescrits par la fonction et le statut (qu'ils soient publics ou privés) et exercent sur les autorités responsables une pression plus ou moins grande afin de modifier et de redéfinir la fonction et parfois même le statut juridique (Joncas, 2011). En somme, le caractère équivoque de ces espaces doit ce trait, d'une part, à l'ambigüité causée par les modes d'appropriation sur le caractère public-privé, et, d'autre part, à l'incertitude par rapport aux impacts sur la fonction - et dans une moindre mesure sur le statut - de ces nouveaux modes d'appropriation (Joncas, 2011).

6À la différence de nombreuses études (Loukaitou-Sideris, Blumenberg et Ehrenfeucht, 2005; Mitchell, 1995; Sorkin, 1992) qui se sont concentrées dans les dernières décennies sur les tendances en matière de contrôle exercé dans les espaces publics tels que définis en urbanisme (p. ex. rues, trottoirs, parcs, places, etc.) et qui se sont intéressées aux espaces urbains en faisant appel à l'approche classique de la dichotomie privé-public, nous proposons dans le cadre de cette recherche à caractère exploratoire d'aller au-delà de cette approche et de nous intéresser plutôt à une diversité d'espaces qui ont en commun de présenter un caractère équivoque.

Objectifs et structure

7Cet article vise à donner un aperçu des formes que peuvent prendre les espaces équivoques par la présentation sommaire de cinq exemples de la région de Montréal, puis à démontrer, à partir d'une double étude de cas réalisée entre 2009 et 2011 sur deux espaces montréalais, par quels processus le caractère équivoque émerge, se maintient, s'accentue ou s'amenuise.

8Dans un premier temps, nous préciserons les notions de modes d'appropriation et de pratiques culturelles et artistiques, des notions centrales au concept d'espaces équivoques et, incidemment, de cette recherche. Ensuite, sous la forme d'une typologie, nous présenterons quelques lieux pouvant être qualifiés d'équivoques. Enfin, nous nous arrêterons de façon plus approfondie sur deux cas de figure en explicitant davantage les processus d'équivocité et de clarification par l'analyse des pratiques culturelles et artistiques observées sur les lieux et celle des réactions des autorités municipales.

Méthodologie

Processus heuristique

9Cette recherche à caractère exploratoire constitue un processus heuristique, un processus généralement défini à partir de deux caractéristiques. Premièrement, il s'agit d'une démarche évolutive qui permet d'ajuster les méthodes et de redéfinir certains concepts et outils d'analyse existants en fonction des résultats obtenus en cours de route. À la manière de Michel de Certeau (1990), la démarche d'analyse privilégiée ici constitue un va-et-vient du théorique au concret. Il ne s'agit pas d'élaborer un modèle général, qui pourrait expliquer l'ensemble des pratiques, mais l'objectif est plutôt de mieux comprendre les " schémas d'opération " responsables et impliqués dans l'émergence du caractère équivoque de certains espaces. Deuxièmement, un processus heuristique se définit à partir du degré d'implication du chercheur et de l'importance accordée à son expérience personnelle dans son questionnement de recherche (Moustakas, 1990). La scientificité du processus heuristique est assurée par la contre-vérification, fondée par l'expérience et les perceptions du chercheur, des informations obtenues des personnes intimement impliquées dans le phénomène observé. En somme, c'est par la communication intersubjective, portant sur des objets jugés pertinents par le chercheur, que la connaissance est produite (Althabe, 1990). Cette démarche a été privilégiée en raison du caractère exploratoire de la recherche et de la nature évolutive et changeante des phénomènes observés.

Double étude de cas

10À l'instar de Korosec-Serfaty (1990) et de Dumont (2005), il nous est apparu pertinent de fonder notre recherche sur une double étude de cas. Cette méthode de recherche a été privilégiée parce que le phénomène à l'étude ne peut être sorti de son contexte. Le premier des deux cas de figure analysés, informellement appelé Parc sans Nom, est un terrain vague situé sous le viaduc Van Horne entre les rues Van Horne, Arcade et Clark. Le second site, informellement appelé Champ des Possibles, est une friche industrielle située entre les rues Henri-Julien, de Gaspé, Maguire et la voie ferrée du Canadien Pacifique (CP). Ils sont tous deux situés dans la partie nord du quartier du Mile-End, dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal à Montréal. Les deux sites ont un statut juridique public et appartiennent tous deux à la Ville de Montréal. Ces sites ont été retenus parce qu'ils ne constituaient pas, au début des recherches, des espaces publics au sens traditionnel du terme et parce qu'ils ont tous deux été le théâtre de pratiques artistiques et culturelles au courant des dernières années.

11Afin de bien saisir l'ensemble des éléments des deux cas de figure sélectionnés, nous avons d'abord consulté des blogues et des articles publiés sur le site web de groupes d'artistes et de revues culturelles . Bien que présentant des informations fragmentaires, superficielles et subjectives, ces documents nous ont permis d'obtenir rapidement des informations au sujet des activités ayant eu lieu dans ces lieux, puis d'identifier les acteurs impliqués et les enjeux à mieux documenter ultérieurement. Ensuite, nous avons examiné certains documents élaborés par des comités de citoyens qui exprimaient le point de vue de certains d'entre eux sur les lieux analysés, sur les actions prises par les élus et les fonctionnaires municipaux et sur l'historique de la démarche participative . Nous avons aussi examiné certains documents d'analyse et de planification de la Ville de Montréal qui témoignent de la vision des autorités municipales sur ces lieux et de la prise en compte ou non des pratiques culturelles et artistiques en présence. Bien que présentant également certains biais, le contenu de ces documents a malgré tout été jugé plus neutre que celui tiré des blogues et articles de revues.

12De plus, dans le but de réduire la distance qui tend à se produire entre le chercheur (extériorité) et les acteurs impliqués (intériorité) quant à la connaissance des deux cas de figure, nous avons ensuite fait appel à certains outils traditionnellement associés à la méthode ethnographique. C'est ainsi que nous avons choisi, à l'instar de Le Gall et Meintel (1997), de faire certaines séances d'observation directe dans les deux lieux sélectionnés. Enfin, nous avons mené des entrevues semi-dirigées. Nous avons retenu cette méthode dans le but spécifique d'en arriver à la compréhension d'une certaine réalité, d'un phénomène qui nous était initialement étranger. Nous avons ainsi effectué entre mai et décembre 2010 douze entrevues semi-dirigées avec des citoyens (sept), des professionnels de l'aménagement (trois) et des élus (deux). Ces personnes ont été sélectionnées afin de représenter une diversité d'acteurs impliqués dans les activités (citoyennes ou artistiques) ayant eu lieu dans le Parc sans Nom et dans le Champ des Possibles ainsi que dans la gestion et de planification de ces deux espaces. Les objectifs poursuivis en rencontrant ces personnes étaient de mieux connaître leurs perceptions et leur définition du site ainsi que leur attitude par rapport aux pratiques et activités menées dans ces lieux et leurs choix de gestion et d'aménagement.

Modes d'appropriation, pratiques culturelles et artistiques

13Chombart De Lauwe a été un des premiers dans la littérature francophone à s'intéresser à la notion d'appropriation. Pour l'auteur, l'appropriation de l'espace interpelle les " rapports de dominance liés à la conquête et à la défense de la propriété de l'espace urbain " (Cité par Serfarty-Garzon (2002: 28)). En fait, l'appropriation de l'espace urbain est pour De Lauwe une constante (ré)appropriation d'un espace. Cette (ré)appropriation répétitive est nécessaire puisque les différents lieux urbains sont régulièrement contestés par plusieurs groupes ayant des intérêts divergents. En plus de la répétition de pratiques et d'activités, pour qu'un individu ou un groupe s'approprie un espace de façon continue, il doit chercher à y maintenir un certain contrôle. L'idée de contrôle relatif est donc ici centrale. Plus un individu a la maitrise de certaines variables d'un environnement, plus il tend à se l'approprier. Il est donc intéressant d'observer des individus et des groupes qui, par la répétition de certaines pratiques et par la mise en place d'un contrôle relatif d'un endroit (p. ex. par l'entretien), s'approprient un lieu.

14Il convient ensuite de préciser ce que nous entendons par des pratiques culturelles. À l'instar de Michel de Certeau (1990), nous définissons les pratiques culturelles comme des pratiques de l'espace associées à la culture ordinaire et du quotidien : " Le quotidien est parsemé de merveilles, écume aussi éblouissante […] que celle des écrivains ou des artistes. Sans nom propre, toutes sortes de langages donnent lieu à des fêtes éphémères qui surgissent, disparaissent et reprennent " (De Certeau, 1990 : XIII). Ces pratiques, l'auteur les définit comme des tactiques, soit : " […] des manipulations internes à un système - celui de la langue ou celui d'un ordre établi " (De Certeau, 1990 : 43). En somme, il s'agit de pratiques - se présentant sous la forme de microrésistances, de ruses et de détournements - par lesquelles des individus et des groupes se réapproprient un espace organisé par une créativité bricoleuse et opportuniste. En ce sens, l'acte de marcher constitue une pratique culturelle importante :

" D'abord, s'il est vrai qu'un ordre spatial organise un ensemble de possibilités (par exemple, par une place où l'on peut circuler) et d'interdictions (par exemple, par un mur qui empêche d'avancer), le marcheur actualise certaines d'entre elles. Par là, il les fait être autant que paraître. Mais aussi il les déplace et il en invente d'autres puisque les traverses, dérives ou improvisations de la marche, privilégient, muent ou délaissent des éléments spatiaux " (Ibid : 149).

15Enfin, il importe de préciser la notion de pratiques artistiques. Dans ce cas-ci, il s'agit d'activités et d'évènements extérieurs - qui peuvent parfois présenter des éléments matériels éphémères ou durables (p. ex. installations, land art) - qui sont planifiés et organisés par des artistes ou des groupes d'artistes. La notion de pratiques furtives développée par Patrick Loubier (2012) entre notamment dans cette catégorie. Les pratiques artistiques et les discours qui leur sont associés ont en commun d'avoir pour objectif de susciter des réflexions quant aux rapports à l'espace urbain et tout particulièrement au lieu où elles s'exercent. Soulignons que les pratiques culturelles et artistiques ne constituent que des exemples de modes d'appropriation parmi d'autres. Cette notion, plus large, ne peut se réduire qu'à ces deux types de pratiques.

Types d'espaces équivoques

16Dans le but d'avoir un aperçu des formes que peuvent prendre les espaces équivoques, nous avons choisi de présenter brièvement ici cinq exemples situés dans la région de Montréal. Il faut d'emblée reconnaître qu'il s'agit d'un échantillon assez limité, qui pourrait remettre en question la représentativité de la diversité des types d'espaces équivoques observables à Montréal. Rappelons que l'objectif principal de cet article ne consiste toutefois pas à répertorier de façon exhaustive, dans le temps et dans l'espace, les espaces équivoques situés dans cette région ni à démontrer l'ensemble des formes qu'ils peuvent prendre. Cet article cherche plutôt à démontrer par quels processus le caractère équivoque de certains espaces montréalais émerge, s'accentue ou s'amenuise. Cependant, il a aussi pour objectif secondaire d'illustrer ce concept théorique par quelques exemples. Pour cette raison, nous ne présentons sommairement que cinq exemples.

17Les cinq exemples sélectionnés ont été répartis en cinq types définis selon les modes d'appropriation dominants (lieux commémoratifs spontanés) ou selon leurs caractéristiques physiques (emprises de lignes électriques à haute tension, terrains vagues, friches urbaines, espaces minéraux monumentaux). Il est toutefois important de souligner les limites des types retenus dans cet article et de cette classification en général. D'une part, les cinq catégories présentées ne constituent en rien un inventaire exhaustif. D'autre part, nous convenons que l'utilisation d'une typologie - pour faciliter la présentation la notion d'espaces équivoques et pour exprimer la variété des formes de ces espaces - mérite de faire l'objet d'une critique théorique et de recherches supplémentaires plus systématiques afin de mieux évaluer la pertinence de cette démarche. En somme, des recherches ultérieures permettraient de vérifier la nécessité de recourir à une typologie et de mieux définir les catégories, qui pour le moment ne sont pas toutes équivalentes et dont les frontières conceptuelles sont parfois poreuses. Malgré tout, nous avons décidé, dans le cadre de cet article, d'utiliser cette démarche par souci de clarté dans la présentation.

Lieux commémoratifs spontanés

18Pour diverses raisons, après une tragédie, il arrive parfois que le site de l'évènement ou un lieu associé à la victime (résidence, lieu de travail, etc.) se transforme en mémorial spontané. Au cours des dernières années, Montréal a vu apparaître, puis disparaître, sur son territoire plusieurs lieux commémoratifs spontanés. Par exemple, un mémorial a pu être observé près du Collège Dawson à la suite de la fusillade survenue le 13 septembre 2006 dans cet établissement.

19Contrairement à celui d'un cimetière, l'usage commémoratif d'un espace profane n'est pas officiellement reconnu. Par conséquent, il y a moins de restrictions et de limites quant aux pratiques permises. L'originalité et la complexité des aménagements dépendent de la créativité des individus et des possibilités offertes par les éléments physiques du site. C'est ainsi que deux jours après la fusillade, des gens ont commencé à déposer devant l'entrée principale du collège et le long du trottoir des gerbes de fleurs, des cierges, des signes de paix, et à y afficher des drapeaux, des photos, des messages de paix et de prompt rétablissement, etc. Sur les lieux, des étudiants, des membres de la famille des victimes, des passants, des curieux, venaient se recueillir, pleurer, prier. L'absence de contrôle formel des lieux ainsi que la nature éphémère des aménagements font en sorte que les installations commémoratives spontanées sont souvent évolutives comme le mentionnent Franck et Paxson :

" A memorial's appearance changes over time as more objects are left, as messages fill up a sheet of canvas, as a full sheet is replaced with a clean one, as burned-out candles and withered flowers are removed, or as people re-arrange the collection of items " (2007: 139).

20En plus d'être évolutifs, ces aménagements ont généralement une durée de vie, a priori indéterminée, généralement fixée par les autorités selon leur niveau de tolérance envers notamment l'accumulation d'objets (qui passent parfois pour des déchets, comme des fleurs fanées, de la cire de cierge, etc.) et l'attroupement d'individus sur les lieux (qui a pour effet de faire perdurer la mémoire de l'évènement).

21Pour expliquer la fin de ce mémorial spontané du Collège Dawson, on peut faire l'hypothèse - puisque nous n'en avons pas la certitude formelle - qu'après un certain temps (possiblement pour le retour normal en classe) les autorités collégiales ont exigé que le site retrouve son apparence habituelle. Par ailleurs, les autorités ont voulu marquer de façon durable la mémoire de l'évènement en décidant d'aménager un îlot de verdure à proximité, appelé Jardin de la paix.

Emprises des lignes électriques à haute tension

22Bien que les corridors de lignes électriques à haute tension d'Hydro-Québec et leur emprise aient une fonction clairement définie (en l'occurrence le transport et la distribution d'énergie), la façon dont cette fonction se décline offre de nombreuses possibilités pour différents modes d'appropriation. Dans un rapport de recherche dirigé par Gariépy et al. (2004), plusieurs types d'appropriation dans les emprises des lignes d'Hydro-Québec se trouvant dans la grande région de Montréal ont été rapportés.

23Par exemple, les chercheurs ont observé plusieurs gestes d'appropriation privée dans l'emprise des lignes 315 kV Chenier/Chomedey et 120 kV Carillon/ Chomedey à Laval , limitrophe aux arrière-cours des propriétés riveraines. Cette disposition, qui offre une proximité physique entre la sphère privée (cours individuelles) et la sphère publique (emprise), a pour effet de brouiller la délimitation de ces frontières. Par conséquent, plusieurs propriétaires ont aménagé des portes et des accès menant à l'emprise, perçue et vécue comme le prolongement de leur cour individuelle. D'autres riverains ont décidé d'utiliser cet espace à des fins de rangement en y installant par exemple une remise. Lors d'observations faites à l'automne 2010, nous avons également remarqué que des citoyens se servaient de l'emprise pour y planter des végétaux (arbustes, arbres, légumes), y garer leurs voitures et y installer un foyer extérieur. Lors de ces observations, plusieurs marcheurs ont aussi été rencontrés.

24L'analyse sommaire des emprises des lignes électriques nous révèle que ce n'est pas tant les éléments physiques qui limitent les appropriations, mais plutôt les différentes restrictions quant aux usages imposées par Hydro-Québec. En effet, qu'Hydro-Québec soit propriétaire d'une emprise ou qu'elle ait seulement une servitude d'accès, des autorisations sont souvent nécessaires et une série de restrictions s'applique quant aux usages. Par exemple, pour circuler dans les emprises dont le statut est privé, un individu doit d'abord obtenir une autorisation du propriétaire. De plus, dans toutes portions de terrain situées dans une emprise en milieu urbanisé, un individu ne peut, quoique cela soit parfois toléré par Hydro-Québec, installer un bâtiment (maison, garage, hangar, etc.), un lampadaire, une corde à linge, une tente, une piscine (creusée ou hors terre), faire voler un cerf-volant ou des avions miniatures ou modifier le niveau du sol par creusement, entreposer des matériaux, etc. (Hydro-Québec, 2000).

Terrains vagues

25Sans nier la prépondérance parmi la population de la vision selon laquelle les terrains vagues incarnent le produit et le symbole du marasme économique d'une ville; il faut reconnaître que ces espaces sont aussi vus par d'autres comme des " espaces offerts aux appropriations créatives spontanées et aux pratiques informelles qui trouvent difficilement leur place dans des espaces publics de plus en plus assujettis à la logique du commerce " (Lévesque, 2005 : 47). Le cas du Jardin de la Liberté (toponymie informelle) en constitue un bon exemple. La lenteur des démarches des deux propriétaires des lieux (Ville de Montréal et Parcs Canada) pour transformer cet espace en parc a incité un collectif, la Pointe Libertaire, à lancer à l'été 2007 l'opération " Action jardinière autonome " (AJA). À l'initiative du comité de l'AJA, un groupe de citoyens s'est mobilisé pour désherber le terrain, nettoyer les pavés et transplanter des dizaines de plantes vivaces et d'arbustes. Après l'intervention de juin 2007, ce dernier a demandé à la Ville de prendre ses responsabilités et d'entretenir ce nouvel " espace public ". Malgré la réception d'une lettre qui les avertissait qu'on allait procéder à la tonte du site, certains membres du comité demeuraient optimistes parce que la Ville avait tout de même pris note des aménagements et disait apprécier les gestes posés par les citoyens pour embellir leur environnement. Malheureusement, peu de temps après, les citoyens ont remarqué qu'une partie de l'espace aménagé avait été rasé. Cela n'a pas empêché l'AJA d'organiser au mois d'octobre 2007 une seconde activité de désherbage et de plantation, puis une corvée printanière en mai 2008. Les activités d'automne et de printemps se sont poursuivies en 2008, 2009 et 2010. En 2014, le jardin existe toujours et semble toléré par la Ville sans toutefois être intégré dans le réseau officiel des parcs de l'arrondissement.

Friches urbaines

26Les friches urbaines sont des espaces de plus ou moins grandes dimensions comprenant parfois encore des bâtiments, dans la majorité des cas en état de décrépitude plus ou moins avancé. Autant les friches ont un caractère négatif pour plusieurs individus, autant pour d'autres il s'agit de lieux attractifs. Selon Endensor (2005), les friches urbaines sont valorisées notamment par le désordre qu'elles suggèrent, désordre matérialisé par la disposition aléatoire des objets, l'état de décrépitude, le type de végétation et son implantation, etc. L'entrepôt frigorifique de la compagnie Montreal Refrigerating & Storage Limited, dorénavant démoli, est un exemple parmi d'autres d'espace abandonné puis réinvesti par une diversité d'usagers et d'usages. Cette imposante structure de dix étages, construite en 1927 , sera utilisée jusqu'en 1985. Après cette date, il ne reste sur le site qu'un immense bâtiment tombé en désuétude. Il est d'abord investi par les squatteurs qui provoqueront d'ailleurs un incendie qui incitera le propriétaire à abattre les murs extérieurs et intérieurs, à ôter les revêtements de plancher et de plafond et à éliminer les services mécaniques et électriques ainsi que les ascenseurs. Après avoir été dépouillé, le " Frigidaire " - nom informel que les usagers lui donnaient - ne ressemble plus qu'à un vaste squelette de béton. Malgré son apparence austère, plusieurs éléments physiques toujours présents sur le site lui confèrent un intérêt d'exploration et d'appropriation. Comme nous l'apprend Korosec-Serfaty à propos des sensations perceptibles sur ces lieux : " partout, on se heurte à la lumière, mais aussi à l'ampleur des paysages qui s'imposent sans équivoque, la ligne brisée des tours du centre-ville, le Vieux-Port, le pont Jacques-Cartier, la courbe calme du Mont-Royal, et la place Viger " (1990 : 375).

27Grâce à ces attributs et malgré l'apparence délabrée du lieu et ses différents interdits, plusieurs modes d'appropriation s'y déroulent selon des temporalités bien distinctes. Les activités diurnes - plus visibles - sont généralement socialement acceptables, alors que les activités nocturnes - moins visibles - sont plus marginales. Par exemple, le jour, des curieux viennent y prendre des photos ou observer la ville du haut de l'édifice. Des cinéastes et des photographes viennent aussi en profiter pour faire quelques prises. La nuit, plusieurs homosexuels qui fréquentent le quartier gai viennent y pratiquer des activités sexuelles. Selon les informations disponibles, ce n'est finalement qu'en 2006 que des projets d'habitation sur le site ont été réalisés.

Espaces minéraux monumentaux

28Construits durant les années 1970 selon les principes architecturaux et urbanistiques modernistes, les équipements olympiques de 1976 ont été négligés par la Régie des installations olympiques (RIO) dans les dernières décennies. L'abandon relatif des installations du Parc olympique, particulièrement dans la partie ouest, a cependant permis et favorisé de nouvelles pratiques informelles. Deux secteurs ont particulièrement été le théâtre d'activités sportives et artistiques. L'un d'eux est communément appelé le " Big O ". Il s'agit d'un tunnel de béton long d'une vingtaine de mètres qui avait pour fonction à l'origine de permettre aux athlètes de passer du Stade à la piste d'entraînement extérieure. De nos jours, la piste extérieure a fait place au Stade Saputo et le tunnel ne remplit plus sa fonction originelle. Toutefois, sa forme ovale et sa texture lisse et bétonnée ont fait de cet endroit un des lieux les plus connus et apprécié des amateurs montréalais de skateboard et de rollerblade. En fait, ce lieu constitue en quelque sorte un emblème de Montréal auprès des amateurs des sports de glisse dans le monde puisque le " Big O " est abondamment photographié, filmé puis diffusé à travers différents médias spécialisés. Le second secteur, dans la partie ouest de l'esplanade, propose une diversité d'espaces bétonnés à paliers. Il s'agit d'un lieu très apprécié pour une pratique sportive et artistique communément appelée parkour. À noter qu'en février 2014, la RIO a annoncé la concrétisation du projet du parc Exalto, un parc acrobatique urbain, qui comprendra trois circuits d'hébertisme formés d'imposantes structures artificielles en bois et en acier, conçu autant pour les familles que pour les sportifs aguerris.

Observations

29L'analyse sommaire de ces exemples nous permet de mieux prendre conscience de la diversité des espaces équivoques en regard des statuts, fonction et modes d'appropriation et des formes qu'ils peuvent prendre. Premièrement, nous pouvons remarquer que le statut juridique peut être autant public (Jardin de la Liberté, mémorial du Collège Dawson, Parc olympique) que privé (" Frigidaire "). Dans le cas de l'emprise des lignes 315 kV Chenier/Chomedey et 120 kV Carillon/Chomedey à Laval, comme dans la majorité des emprises en milieu urbain, le statut est public. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas. La majorité des emprises situées dans les milieux ruraux appartiennent à des propriétaires privés. Ainsi, le statut juridique des espaces équivoques peut donc varier non seulement selon les types analysés, mais également selon les espaces classés dans une même catégorie. Deuxièmement, les espaces équivoques répertoriés ont des fonctions autant publiques (esplanade du Parc olympique, lieu du mémorial du Collège Dawson, emprise des lignes 315 kV Chenier/Chomedey et 120 kV Carillon/Chomedey) que privées (terrain du Jardin de la Liberté, " Frigidaire "). Troisièmement, les modes d'appropriation sont parfois publics (déambulations dans les emprises des lignes électriques, séances de parkour) et parfois privés (utilisation des emprises de lignes électriques comme stationnement, pratiques sexuelles dans le " Frigidaire "). Enfin, bien que très différents quant à leur forme, leur taille et leur situation géographique, les espaces équivoques analysés ont tous en commun d'avoir des modes d'appropriation qui s'opposent de façon plus ou moins importante aux modes d'appropriation normalement associés à la fonction du lieu. Cette discordance a pour effet de contribuer à créer une certaine ambigüité quant à leur caractère public-privé. Parmi les modes d'appropriation observés, certains sont particulièrement conflictuels avec ceux prescrits par les autorités responsables. C'est le cas notamment des activités organisées dans le Jardin de la liberté. Dans ce cas-ci, la Ville de Montréal n'a pas entériné cette nouvelle façon d'utiliser le lieu. Toutefois, avec le temps, il semble qu'elle ait fini par tolérer ce nouvel usage. Les différents modes d'appropriation répertoriés dans le " Frigidaire " étaient plutôt réprouvés, comme en témoignent les actions prises par le propriétaire pour dissuader les usagers de venir y flâner. D'autres modes d'appropriation peuvent être considérés moins conflictuels - du moins à long terme - puisqu'ils sont tolérés par l'autorité responsable comme Hydro-Québec. Dans d'autres cas, les nouveaux modes d'appropriation ont entraîné une redéfinition temporaire de la fonction du lieu. C'est le cas notamment du mémorial du Collège Dawson où la fonction publique de passage s'est vue attribuée temporairement une fonction commémorative. Enfin, certains modes d'appropriation sont peu dérangeants et inspirent même avec le temps une nouvelle fonction du site (Parc olympique). En somme, ces exemples viennent appuyer le fait que les espaces équivoques sont des espaces dont la signification est vouée à changer dans le temps selon les modes d'appropriation en présence et selon les interventions des autorités compétentes. Il s'impose donc de les aborder de façon dynamique.

Études de cas

Parc sans Nom

30Le Parc sans Nom est l'appellation informelle d'un terrain vague de forme triangulaire appartenant à la Ville de Montréal, situé sous le viaduc Van Horne et délimité par les rues Arcade, Clark et Van Horne, et servant depuis 2008 de dépôt municipal. Pour plusieurs, cet espace et son environnement immédiat posent " beaucoup de problèmes " (Citoyen 1). Il est d'abord cerné par trois rues relativement achalandées. Ces rues et les clôtures entourant le terrain vague contribuent à rendre ce secteur inhospitalier pour les piétons et les cyclistes. De plus, la présence du viaduc fait ombrage au site et provoque une pollution sonore et visuelle non négligeable. Bien que ces différents éléments constituent des contraintes quant à l'accessibilité et à l'esthétisme du site qui peuvent décourager certaines appropriations, le site offre aussi des " possibilités ". Tout d'abord, la superficie du site, relativement importante, permet une diversité de pratiques. Ensuite, comme c'est un espace peu entretenu (des plantes et des arbustes y poussent librement), cela le rend : " caché naturellement par la végétation " (Citoyen 1) et permet donc à ceux qui le fréquentent de ressentir une certaine intimité. De plus, il était possible de donner au lieu un caractère semi-privé en ouvrant les deux portes de la clôture, une donnant sur la rue Clark et l'autre sur la rue Van Horne. Tout cela fait en sorte qu'il s'agit pour certains d'un espace " différent ", " intéressant " et " beau ".

31Malgré les " problèmes " et les contraintes du site et grâce à ses " possibilités ", on remarque qu'avec les années le Parc sans Nom a été le théâtre d'une étonnante diversité d'activités. Cet espace servait avant 2006 de lieu de passage, comme en témoignaient les trous dans les clôtures délimitant le terrain. À cette époque, on notait également la présence de quelques activités citoyennes, telles que du jardinage et l'utilisation du lieu comme parc canin. Dans tous les cas, le terrain ne donnait pas l'apparence d'un espace ayant une vocation clairement définie.

32Puis, à partir de juillet 2006, et ce, jusqu'en juin 2008, le Centre de diffusion d'art multidisciplinaire de Montréal Dare-Dare y a organisé des expositions et y a présenté des projets d'art public. Dare-Dare, qui a l'habitude de changer périodiquement de lieu de diffusion, a contacté au printemps 2006 l'administration de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal dans le but de s'y installer à l'été. Après avoir fait certaines vérifications, l'arrondissement a élaboré un protocole d'entente signé par Dare-Dare, qui stipulait que le centre d'artistes pouvait s'installer au Parc pour un an, avec une possibilité de renouvellement. Dans cette entente, la Ville permettait à Dare-Dare d'y tenir des évènements.

33C'est ainsi que le centre de diffusion s'est installé au mois de juillet 2006 dans cet espace alors clôturé, cadenassé et utilisé jusqu'alors à des fins privées par l'arrondissement. Le centre d'artistes s'est donné la responsabilité de le rendre accessible au public, notamment en ouvrant les deux portes : " Quand tu arrives dans un espace qui est fermé au public, tu as la responsabilité de l'ouvrir au public. […] Pour Dare-Dare, oui, c'est un défi, mais c'est très intéressant " (Citoyen 1). Lorsque Dare-Dare décidait plutôt de fermer les portes, il assurait une certaine intimité et la sécurité qui permettaient notamment d'y organiser des activités familiales, des fêtes d'enfants par exemple. Finalement, lorsqu'il ouvrait les portes, le centre de diffusion pouvait définir des habitudes dans cet espace par une programmation d'art visuel et public. Durant ses deux années dans le Parc sans Nom, Dare-Dare a présenté une série d'évènements et d'installations.

34Ainsi, en 2007, le Parc sans Nom a été le lieu d'une expérience d'art public et d'usages informels. Il s'agissait de trois installations mobiles conçues par l'artiste Alexandre David et déposées au Parc au début du mois d'août. L'artiste avait conçu les installations afin qu'une seule personne puisse les déplacer et les installer facilement. Elles pouvaient se déplier - comme des chaises de plage, des tables pliantes, etc. - et rapidement se transformer en petites places. La configuration de ces espaces nouvellement créés devait favoriser les usages informels. Ces installations sont donc devenues, le temps de quelques soirs, des estrades où les gens s'assoyaient afin de regarder des projections présentées sur une bâche blanche. Puis, à l'automne 2007, le site a accueilli l'installation temporaire de l'artiste Chih-Chien Wang intitulé The Nest. Il s'agissait de boîtes de carton de différents formats assemblées pour reproduire un cube. À l'intérieur du cube, au milieu de plusieurs néons, les visiteurs pouvaient entendre les bruits et sentir les vibrations provenant du viaduc situé juste au-dessus de leurs têtes. Cette installation se voulait " un canal où les gens et la ville entrent en contact par le biais d'une expérience d'ordre organique; un espace où les gens et la ville se retrouvent " (Dare-Dare, 2007). D'ailleurs, à ce niveau, il semble que l'installation ait permis une gamme d'activités plus ou moins improvisées. Par exemple, une membre de Dare-Dare a fait une fête pour enfants autour de l'installation. L'artiste disait également savoir que des jeunes venaient parfois le soir pour y fumer et boire.

35Pendant la période où Dare-Dare logeait dans le Parc sans Nom, sans demander la permission formelle à l'arrondissement, huit citoyens ont construit un four à pain. Les citoyens - regroupés sous la désignation du Collectif du four à pain du Mile-End - trouvaient que : " […] que c'était un espace qui appartenait comme à personne, qui était à la Ville, mais en même temps un terrain vague. Il n'y avait rien qui se faisait dedans. C'était un endroit idéal, caché un peu par la végétation, pas complètement visible de la rue et assez loin des maisons voisines " (Citoyen 2). Les membres du collectif ont d'abord construit la base du four à la fin de l'été 2006 sans toutefois connaître les charges criminelles que pouvait entraîner la construction d'une infrastructure de ce genre sur le domaine public. Il semble que, dès le début du printemps 2007, la Ville a été mise au courant de cette construction. Malgré l'avertissement de cette dernière de cesser cette initiative, la construction du four s'est poursuivie. En un mois le four était fonctionnel. Dès ce moment, le collectif du four à pain a commencé à organiser des activités. La première fois, c'était un évènement communautaire qui a regroupé quelques personnes. La deuxième fois, c'était lors de la célébration de la Saint-Jean-Baptiste 2007, qui a réuni beaucoup de monde. Les membres avaient alors préparé une grande quantité de pizzas qui a toute été consommée. Peu de temps après, avant même que le four soit complètement terminé, des employés de la Ville ont été mis au courant des activités du four à pain. Les employés de la Ville ont aussitôt fait comprendre aux membres du collectif que l'idée était intéressante, mais que c'était interdit de faire des feux et d'utiliser un équipement (sauf un barbecue au propane) diffusant une chaleur sur le domaine public sans obtenir les autorisations nécessaires. Peu de temps après les premiers contacts, il y eut des rencontres formelles entre des employés de la Ville et des membres du collectif. La Ville a réitéré son intérêt et sa volonté de rendre le projet légal et conforme à la réglementation. Malgré les négociations et les tentatives d'entente avec la Ville, les membres du collectif commençaient à être découragés par la lenteur des progrès et ont finalement abandonné le projet. L'arrondissement a procédé à la démolition partielle du four en 2009.

36Malgré les différentes activités organisées par Dare-Dare, l'investissement citoyen que cela a provoqué et le fait que le centre d'artistes avait signifié au départ son désir de rester trois ans, l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal n'a pas renouvelé - non sans protestation - la permission à Dare-Dare d'occuper le parc. Cela a marqué vraisemblablement la fin des pratiques citoyennes dans ce lieu. Depuis, le Parc sans Nom est (re)devenu un simple dépôt municipal. Cet espace a toujours cette vocation en 2014.

Champ des Possibles

37Le Champ des Possibles est le nom informel attribué par des citoyens à une ancienne cour de triage située dans le secteur est du Mile-End entre les rues Henri-Julien à l'est, de Gaspé à l'ouest, Maguire au sud, et le chemin de fer du CP au nord. Cet espace est situé au cœur du secteur communément appelé Saint-Viateur Est. L'effet combiné de cette friche et de la voie ferrée crée une importante discontinuité dans la trame urbaine traditionnelle. En plus des inconvénients attribués à l'enclavement du secteur, il s'agit pour plusieurs citoyens d'un lieu non sécuritaire (p. ex. en raison de l'absence d'entretien et d'éclairage). Toutefois, pour d'autres citoyens, le Champ des Possibles présente plusieurs qualités. En effet, le secteur révèle une riche histoire incarnée par la présence du Carmel tout juste à l'est du Champ. De plus, la présence d'imposants bâtiments industriels, implantés dans la partie ouest du secteur Saint-Viateur Est, contribue grandement au fort contraste perçu dans le secteur. Pendant plusieurs années, des industries très prospères ont fait travailler beaucoup de résidants du quartier qui fréquentaient le lieu quotidiennement (passages matin et soir, dîners, pauses). Toutefois, à partir des années 1980, l'industrie du textile montréalaise a régressé, créant des opportunités pour plusieurs artistes qui se sont installés graduellement dans de nombreux locaux rendus disponibles. Grâce notamment à ces artistes, le site est devenu avec le temps le théâtre d'une grande diversité de pratiques culturelles et artistiques.

38Par exemple, l'artiste Emily Rose Michaud s'est beaucoup investie dans le Champ des Possibles depuis 2007, soit depuis que la Ville de Montréal a rendu publics deux projets résidentiels à l'étude qui devaient se concrétiser tout juste au sud-est du lieu étudié. À partir de ce moment, elle a décidé de s'impliquer pour la sauvegarde de cet espace et d'en faire un projet de quartier. L'artiste a choisi de créer une œuvre en s'inspirant du land art afin d'explorer les liens entre les citoyens, l'art, l'écologie, la communauté et la participation civile. Cette dernière s'était donné l'objectif de créer une œuvre dont la portée serait plus grande que son seul intérêt esthétique. En novembre 2007, elle a acheté pour quelques centaines de dollars de compost. Avec une douzaine de bénévoles, elle a étendu le compost, des feuilles et des boîtes de carton de façon à créer le symbole Roerich. Ce symbole, visible du haut des airs, est composé de trois cercles contenus dans un plus grand. Il était utilisé pendant la Première Guerre mondiale pour protéger des bombardements les églises, les hôpitaux et les lieux culturels.

39Tôt au printemps 2008, l'artiste et quelques citoyens ont organisé sur le site un échange de semences, puis, peu de temps après, une corvée printanière où les citoyens ont ramassé les déchets, préparé le site, planté. Par la suite, le groupe mené par l'artiste y a organisé des rencontres le dimanche. Lors de celles-ci, des citoyens venaient discuter des arbres présents sur les lieux, des plantes médicinales et de la flore urbaine. Peu à peu, le projet est devenu un projet rassembleur et vivant : " Le mouvement a eu de l'impact. Dans ce jardin, c'était plus le processus que le résultat qui était important. Nous voulions que le projet prenne vie. C'est ça qui est arrivé " (Citoyenne 6). Les activités du jardin Roerich se sont poursuivies au printemps 2009. L'initiatrice du projet, Emily Rose Michaud, s'en est finalement retirée en novembre 2009 pour se concentrer sur d'autres projets. Les activités ont continué au printemps 2010. Les citoyens en ont profité notamment pour construire des structures permettant la croissance de plants de houblon. D'autres activités ont eu lieu par la suite. Par exemple, des visites guidées sur le site à propos de sa biodiversité ont été proposées à l'été 2010. Lors d'une de ces rencontres, le naturaliste urbain Roger Latour a discuté de la flore présente sur les lieux et l'apicultrice Kathryn Jezer-Morton a fait une brève présentation de la ruche qui y avait été installée au printemps 2010. D'autres activités de jardinage et d'agriculture urbaine se sont poursuivies en 2011 et 2012.

40Au-delà des évènements ponctuels, le Champ des Possibles joue aussi un rôle important dans le quotidien. En effet, les gens le fréquentent pour différentes raisons. Plusieurs mentionnent qu'il s'agit d'un lieu de passage entre les quartiers du Mile-End et de Rosemont. Certains viennent y lire, y pratiquer des arts martiaux, faire du compost, jouer de la musique, prendre des photographies, faire des feux, etc. Il s'agit d'un lieu où les gens " peuvent faire des activités qu'on peut pas [sic] faire dans un parc public [comme] laisser les chiens courir, faire des pique-niques, installer des œuvres d'art sans permission " (Citoyenne 5).

41Entre 2007 et 2012, la Ville, et particulièrement l'administration en poste depuis 2009, a régulièrement fait preuve d'ouverture par rapport aux pratiques culturelles et artistiques présentes dans le Champ des Possibles comme en témoigne l'annonce, au printemps 2013, que le site allait devenir un parc officiel cogéré par l'arrondissement et l'organisme à but non lucratif les Amis du Champ des Possibles, créé en 2010.

Discussion

42À la lumière l'analyse de ces deux cas de figure, que peut-on conclure quant aux processus par lesquels le caractère équivoque d'un espace émerge, s'accentue et se maintient? Ou, à l'inverse, par quels processus le caractère équivoque s'amenuise-t-il par un procédé de clarification?

43Tout d'abord, on peut regrouper en deux types les facteurs qui participent à l'émergence du caractère équivoque soit en favorisant des pratiques culturelles et artistiques qui causent une ambigüité sur le caractère public-privé du lieu, soit une créant une incertitude par rapport aux impacts sur la fonction et dans une moindre mesure sur le statut. Il y a d'un côté les caractéristiques physiques et symboliques du lieu et de l'autre les types d'usagers et leur fréquentation du lieu. D'une part, nos recherches à l'image de celles de Edensor (2005) ont démontré que l'aspect informel et libre des lieux - permis par leur apparence d'abandon et de flottement - est l'un des principaux facteurs qui participent à l'émergence de pratiques culturelles et artistiques. D'ailleurs, les citoyens interrogés disaient apprécier le Champ des Possibles en raison de l'esprit de liberté qu'on peut y ressentir : " La liberté dans ce lieu-là, c'est le caractère qu'on [les citoyens] aime. Dans les espaces plus formels, il a plusieurs règles qu'on ne peut pas transgresser " (Citoyenne 6). Un membre de Dare-Dare abondait dans le même sens en précisant que le Parc sans Nom permettait dans le passé aux individus de se " l'approprier, [de] faire ce qu'ils veulent, tout en laissant la place à d'autres, et ce, sans avoir de ligne directrice privilégiée par l'arrondissement " (Citoyen 1). Cette appréciation se traduit aussi par la volonté de plusieurs citoyens de conserver le caractère informel du Champ de Possibles même après que ce dernier ait obtenu le statut officiel de parc : " Le plus informel possible. On veut garder le caractère libre, on ne veut pas que ce soit un parc aménagé. Interventions minimums, c'est le message qu'on véhicule " (Citoyenne 6). Les valeurs patrimoniales et esthétiques du Champ des Possibles - provenant notamment de l'histoire du lieu et des contrastes d'échelles, de formes et de matériaux - contribuent également à son attrait et, ultimement, à l'émergence de pratiques artistiques et culturelles diverses. En effet, bien plus qu'uniquement par obligation et par souci d'accéder plus rapidement au Mile-End, les citoyens apprécient fréquenter le Champ des Possibles pour ce qu'il est : " Il y a aussi des gens qui y vont, comme moi, en revenant du marché Jean-Talon et qui passent par le champ pour voir ce qu'il se passe, c'est intéressant " (Citoyenne 5). Enfin, il semble que l'intimité ressentie et une fréquentation publique modérée des lieux constituent également des facteurs importants : " C'est vrai que c'est caché. C'est bien que ce soit discret " (Citoyenne 6). D'autre part, nos recherches ont aussi démontré que parmi les usagers de ces deux lieux on trouvait un nombre considérable d'artistes. Il n'est pas surprenant de faire cette observation puisque, depuis longtemps et à plusieurs reprises, il a été démontré que les artistes ont une plus grande sensibilité à l'égard d'espaces moins régulés et une plus grande créativité que la norme pour imaginer des modes d'occupation alternatifs.

44Puis, une fois un certain nombre de pratiques artistiques et culturelles observées sur les lieux, comment peut-on expliquer qu'elles tendent à s'accroître, accentuant ainsi la pression sur les autorités responsables pour les amener à se positionner quant au statut public-privé du lieu et à sa nouvelle fonction? Dans le cas du Parc sans Nom, il est évident que la présence de Dare-Dare a contribué grandement à rendre le lieu public et vivant : " la présence de Dare-Dare a animé et fait connaître le lieu " (Citoyenne 3). En effet, l'investissement citoyen qui s'ensuivit est redevable en partie au centre d'artistes qui, par sa programmation, " a essayé de faire des points de rencontre, des points de transit de circulation " (Citoyen 1). Les discours associés aux pratiques artistiques ayant eu lieu dans le Champ des Possibles ont aussi eu une influence notable sur la fréquence et la nature des modes d'appropriation. Par exemple, lors de l'évènement un.occupied spaces, organisé par le Collectif Artivistic en octobre 2007, le site a été le lieu d'interventions et de discussions critiques par rapport à la pensée majoritairement véhiculée au sujet des représentations et des pratiques quotidiennes. Elles proposaient d'autres voies quant à l'occupation du territoire et à son appropriation. Ces discours et leur diffusion favorisent dans une certaine mesure de nouvelles représentations et appropriations de l'espace porteuses d'équivocité.

45À la lumière de nos recherches, deux principaux facteurs peuvent expliquer que les pratiques artistiques et culturelles se maintiennent dans le temps. D'une part, pour que ces activités puissent perdurer, il semble important que les instigateurs de celles-ci aient de bons rapports avec le voisinage. Durant les deux années où Dare-Dare était installé dans le Parc sans Nom, les relations entre le centre d'artistes et les résidants du Mile-End ont été généralement bonnes. En effet, à part quelques plaintes, il n'y a pas eu trop de problèmes. À l'inverse, certains citoyens ont même fourni de l'aide à Dare-Dare et participé activement à certains de ses évènements. Pour cette raison, certaines activités ont pu durer parce que la Ville n'a pas été dans l'obligation de se positionner plus fermement. D'autre part, il importe que les autorités responsables des lieux fassent preuve de tolérance et d'ouverture face aux pratiques culturelles et artistiques comme on a pu le voir dans le dossier du four à pain : des fonctionnaires municipaux ont fait des efforts significatifs afin que le four respecte les normes de qualité de l'air en discutant avec les citoyens pour intégrer un catalyseur à la structure. Dans le cas du Champ des Possibles, à la différence de l'ancien propriétaire, le Canadien Pacifique (CP), la Ville a fait preuve d'ouverture au sujet de plusieurs pratiques, dont le jardinage : " La Ville ne permet pas. La Ville n'interdit pas " (Élue 1).

46Enfin, ces recherches nous aussi permis d'identifier d'autres facteurs qui contribuent à accroître considérablement la pression exercée par les autorités responsables pour une plus grande adéquation entre les modes d'appropriation présents et ceux prescrits et ainsi réduire le caractère équivoque des lieux. À ce niveau, nos recherches tendent à démontrer que certains types de pratiques culturelles sont plus problématiques que d'autres. Par exemple, certains membres de Dare-Dare ont mentionné que l'arrondissement leur avait demandé de fermer les portes des clôtures entourant le site en leur absence parce que leur ouverture faisait en sorte qu'il y avait dorénavant trop de gens qui passaient par là. La Ville disait craindre que le lieu devienne utilisé sur une base quotidienne. Les deux parties s'étaient pourtant entendues lors des négociations initiales que Dare-Dare avait la possibilité d'ouvrir les portes comme le centre d'artistes le souhaitait. Ainsi, des appropriations quotidiennes seraient plus problématiques que les temporaires et sporadiques. L'appropriation privée d'un espace par un groupe restreint semble également poser problème : " Tu n'as pas le droit de t'approprier un espace public pour tes propres fins, peu importe où dans la ville. Nous, comme ville, notre responsabilité, c'est la qualité de vie de l'ensemble des citoyens " (Professionnel 2). Pour perdurer, il importe que les pratiques soient non exclusives et les groupes impliqués le plus représentatifs possible d'une large population. L'adoption d'une attitude d'ouverture de la part des groupes d'usagers en présence est donc primordiale : " Parce que des groupes de citoyens qui s'accaparent un espace, je l'ai vu à d'autres endroits. Il faut faire attention à ça " (Élu 2). La Ville tend donc à manifester une certaine méfiance face aux appropriations privées de l'espace de la part de groupes d'individus qui tendent à s'attribuer des privilèges d'occupation que les autres citoyens n'ont pas " c'est pas parce que tu as mis des roches et des fleurs que l'espace te revient " (Élue 1).

Conclusion

47Par l'analyse sommaire de cinq espaces équivoques et l'analyse plus approfondie de deux cas de figure, nous avons voulu donner un aperçu de la diversité des formes de ces espaces et montrer par quels processus l'équivocité et la clarification de ces espaces se produisaient. Les résultats de nos recherches nous permettent d'abord de montrer que les espaces équivoques constituent des espaces dynamiques, qui prennent plusieurs formes et qui perdurent selon des temporalités très variables. Ils nous ont aussi permis de constater que les espaces peuvent passer successivement par des processus d'équivocité et de clarification très différents en fonction d'une variété de facteurs (types de pratiques et discours associés, déclinaison de la fonction, attitudes des propriétaires, situation géographique du lieu, degré de représentativité des groupes impliqués, etc.). Les processus par lesquels le caractère équivoque émerge, s'accentue, se maintient ou s'amenuise diffèrent selon les cas observés. Dans le cas du Parc sans Nom, le processus d'équivocité fut assez soudain et éphémère, origine principalement de la fréquentation accrue du lieu par la programmation d'art public de Dare-Dare, alors que le processus de clarification s'est opéré par la réduction des pratiques culturelles et pratiques présentes sur les lieux - à la suite du non-renouvellement de l'entente entre le centre de diffusion et l'arrondissement - et par le retour de l'utilisation du site comme dépôt municipal. Dans le cas du Champs des Possibles, le processus d'équivocité fut plus graduel et durable, origine d'une succession et d'une interconnexion d'activités citoyennes et artistiques, tandis que la clarification s'est opérée par l'officialisation du site en parc grâce en bonne partie aux pratiques et aux discours associés. Ces résultats permettent d'envisager une nouvelle façon d'analyser les espaces urbains - au-delà de la dichotomie classique et souvent statique d'espaces privés-publics - à l'aide d'une approche dynamique basée sur le caractère équivoque ou clair d'un lieu. Cette approche pourrait notamment être mise à profit dans le cadre de recherches futures, selon une perspective juridique et géohistorique, sur des territoires plus importants (province, région, ville). En effet, il pourrait être pertinent de l'adopter pour étudier par exemple l'histoire de l'arpentage et les modes de tenures au Québec, les types d'occupation et d'exploitation des terres publiques, l'utilisation du sol et du sous-sol selon la Loi sur les mines, etc.

48Cela dit, il faut aussi reconnaître les limites de cette recherche. Compte tenu du fait que les deux cas de figure considérés sont relativement semblables et tous deux situés dans le Plateau-Mont-Royal, arrondissement reconnu pour sa sensibilité aux questions citoyennes et artistiques, les résultats ne sont pas nécessairement représentatifs des processus d'équivocité observables ailleurs. Dans ce sens, des recherches actuelles et historiques plus exhaustives à Montréal et au Québec permettraient de mettre en lumière des exemples différents qui viendraient peut-être à la fois nuancer et enrichir la notion d'espaces équivoques.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christophe-Hubert Joncas, « Les espaces équivoques : notion et perspectives  »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 8 | 2014, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/207

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