Navigation – Plan du site

AccueilnumérosVolume 1Réappropriation du sol et société...

Réappropriation du sol et société civile dans deux villes russes

Nathalie Blanc et Cyria Emelianoff

Résumés

L’étude des mouvements écologistes dans deux villes russes, Tver et Nijni-Novgorod, invite à réfléchir sur les liens qui s’inventent entre l’action environnementale très locale et la constitution d’une société civile en Russie. Le retrait de l’État fédéral et le manque de politiques municipales en matière environnementale poussent les citadins préoccupés par l’état de l’environnement à toutes les échelles du territoire à se prendre en charge et ce, à des niveaux sans précédent. L’article s’attache à deux exemples de réappropriation des sols et de l’environnement immédiat, montrant les relations qui se dessinent entre préservation ou requalification de l’environnement et réclamation du droit de propriété, faisant de la réappropriation territoriale une figure complexe, à la croisée de besoins socio-écologiques et économiques.

Haut de page

Texte intégral

Ce travail s’inscrit dans une recherche financée par le Programme interdisciplinaire développement urbain durable PIDUD-CNRS/SHS (Blanc, N. et C. Emelianoff, 2005, La ville durable face à l’écologie des pratiques : politiques et cultures de l’environnement urbain dans les villes russes, 85 p.). Menée en partenariat avec l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences de Moscou, l’étude a porté sur les nouvelles formes de mobilisation environnementale dans quatre grandes villes dont Bryansk et Perm.

1Loin des considérations qui font de l’environnement un objet des politiques publiques, ou une collection d’objets naturels, voire de problèmes, cet article traite de l’environnement comme ensemble en recomposition, de plus en plus apte à lier la question du très local à des préoccupations d’échelles beaucoup plus englobantes. L’hypothèse est que la qualité de l’environnement quotidien exige une prise en charge inédite qui passe par la réappropriation des sols. Ce processus conduit, compte tenu du contexte, à réclamer soit un changement de régime foncier, soit une révision des modes de gestion urbaine. Les modes et les finalités de la production de la ville sont remis en question.

2La réappropriation des sols urbains en Russie par les habitants, avec l’appui d’acteurs relais (éco-activistes, universitaires, membres des administrations régionales), est induite par la dégradation du cadre bâti et naturel ; cette mobilisation repose sur les aspirations à une qualité de vie : la beauté de la nature, du monde végétal et horticole, et donc un sentiment assez vif de la nature, en est une composante. Elle s’inscrit dans le contexte de la construction hésitante d’une société civile qui s’amorce entre résistance aux pouvoirs publics et au marché. Dernièrement, la pression spéculative immobilière dans les villes russes justifie un souci du foncier (Limonov et Renard, 1995). Il faut dire que les grands ensembles construits à l’époque soviétique avaient ménagé de vastes espaces verts collectifs, souvent délaissés du fait de l’inaction des pouvoirs publics, qui attisent aujourd’hui la convoitise des promoteurs. Les exemples retenus montreront deux formes de réappropriation des sols : la première est celle d’une réappropriation de fait, sans modification du statut foncier, d’un pied d’immeuble en déshérence par les habitants, conduisant à une transformation paysagère puis à la prise en charge complète des parties communes des bâtiments ; la seconde, plus développée, concerne le passage en copropriété d’un terrain municipal, soit une cour d’immeuble aménagée en espace vert depuis plusieurs décennies par les habitants, face à la menace d’une construction de cet espace. Dans les deux cas, la réappropriation du sol est motivée par le délabrement des espaces communs, la volonté de préserver ou restaurer une qualité de vie, et la forte augmentation des charges incombant aux propriétaires, en parfaite contradiction avec l’état des lieux. Elle ne devient toutefois possible que lorsque des individus, des groupes d’habitants, entretiennent des liens forts vis-à-vis leur environnement, et s’investissent dans sa transformation matérielle.

3Le processus est donc celui d’une réappropriation territoriale, qui passe par des relations à la nature en ville qualifiant ou disqualifiant les milieux de vie, et par la reconquête des liens au sol. Comme on le verra dans la dernière partie, de nouveaux acteurs de la société civile prennent place dans la vie publique locale et participent à sa démocratisation. Les études de cas retenues ici concernent les villes de Tver et de Nijni Novgorod et ont été réalisées au cours des années 2004 et 2006. Elles invitent à réfléchir sur les liens qui s’inventent entre l’action très locale et la constitution d’une société civile appuyée par des ONG (Shomina, 2003). Le thème de la réappropriation territoriale — qui accompagnerait un essor de la société civile — suppose quelques préliminaires sur le rapport des Russes à la propriété.

La spécificité du contexte russe

4Contrairement aux sociétés occidentales, la propriété foncière ne s’est jamais véritablement imposée en Russie. Elle est encore problématique aujourd’hui. À Moscou et dans d’autres grandes villes, le foncier est resté propriété publique depuis l’ère soviétique. Ailleurs, les droits des propriétaires sont souvent mal déterminés. Le mouvement de désappropriation territoriale est plus ancien que le communisme et a connu une évolution à part du xvie siècle à aujourd’hui (Marxer, 2003) : le droit de propriété foncière s’est dissocié tardivement de l’obligation de faire fructifier la terre. De ce point de vue, le recours à des formes non libres d’exploitation des terres et de production apparaît comme une constante dans l’histoire moderne de la Russie. Le servage est aboli seulement en 1861. Au cœur de ce système de territorialité se trouvent des poches d’autonomie : les plus célèbres sont probablement les lopins de terre durant le communisme.

  • 1 Selon Clément (2006) : « Une loi du 4 juillet 1991 prévoit le transfert de propriété du public au p (...)
  • 2 La culture politique russe, qui a substitué à l’opposition espace public/espace privé, le couple es (...)

5La propriété collective du sol était censée favoriser la redistribution dans le système soviétique. Elle a conduit à une déresponsabilisation, à la réduction des biens à redistribuer ou à la dégradation des espaces ou du capital productif, au détournement de ces biens légitimés par leur raréfaction, et à une production familiale parallèle formant finalement un système d’auto-assistance. La propriété privée est garantie depuis 1993 par la constitution de la Fédération de Russie (art. 35). Pour certains auteurs, elle est supposée accroître le sens des responsabilités, puisque le propriétaire cherche naturellement à maintenir ou accroître la valeur de ses biens. Individu et propriété sont des concepts liés selon Balibar (2005), dans différentes théories philosophiques qui vont de Locke à Marx. Selon Marxer (2003), « la conception moderne de propriété privée du sol rejoint le concept de liberté dans le sens qu’elle confère à l’individu une petite part de souveraineté et donc d’autonomie » (p.87). La Russie se trouve aujourd’hui dans un entre-deux. Les logements ont été donnés à leurs habitants sans titres de propriété foncière1. Le nouveau code foncier n’est pas encore adopté et constitue un sujet très conflictuel. Les parties communes sont officiellement gérées par les municipalités (sauf lorsqu’une majorité de personnes est propriétaire d’un logement dans un immeuble, auquel cas un syndic de copropriété est nommé) mais sont complètement délaissées dans de nombreux cas. Les formes de gestion collective de ces biens correspondent à la fois à une action supplétive des pouvoirs publics défaillants et à une réelle réappropriation locale qui s’inscrit dans une tradition russe2.

6Nos enquêtes mettent en évidence l’importance de ce phénomène — et de la verdure en ville de manière plus générale — mais aussi les difficultés face à la montée de la pression foncière, aux habitants fragilisés par leur quotidien, aux résistances des municipalités. Nous discuterons deux cas de réappropriation des sols à proximité des immeubles d’habitation, et d’émergence d’une société civile fortement contrainte.

Tver : la requalification habitante du cadre de vie

7L’expérience de Tver s’appuie sur le végétal comme élément central de requalification des lieux de vie, pour déboucher sur une prise en charge collective de la maintenance d’un îlot d’habitation délaissé aussi bien par l’office public de logements que par les habitants eux-mêmes. Ce processus a été appuyé par une association locale, celle du jardin botanique de la vieille ville rattaché à l’université, et par le programme de recherche russo-néerlandais financé par le programme MATRA du ministère néerlandais des Affaires étrangères, impliquant des sociologues de l’environnement rattachés à l’Académie des Sciences de Moscou, visant à appuyer la mise en place d’agendas 21 locaux en Russie (2001-2004). Il est nécessaire, pour comprendre ces mobilisations, de rappeler l’importance physique et politique des espaces verts dans les villes russes, espaces qui modèlent leur morphologie, assez peu dense, leur urbanité, leur sociabilité. L’espace extérieur est, d’une part, un espace de compensation par rapport à l’exiguïté des logements. C’est aussi un espace de relation collective et personnelle à la nature. On prend la liberté d’y planter, par exemple. Les parcs et jardins publics sont très fréquentés. La préservation des trames vertes reste un thème central d’amélioration de l’environnement urbain. Dans le cas de Tver, mais aussi de Moscou et de bien d’autres villes, les espaces verts ont, d’autre part, d’excellents porte-parole universitaires, puisque les biologistes sont à l’initiative de la plupart des associations environnementales. Si l’on ajoute à cela l’existence d’une écologie urbaine très préoccupée de biodiversité, on comprend la rémanence du thème de la nature dans les mobilisations en faveur de l’amélioration de la qualité de vie. D’une manière plus pragmatique, on relèvera aussi que les associations se sentent plus impuissantes dans le domaine de la qualité de l’air par exemple, tandis que les espaces verts constituent un champ d’action légitime.

Environnementalisme civique : le pôle du jardin botanique

8Tver, ville d’étape sur la route qui va de Moscou à Saint-Pétersbourg, compte 400 000 habitants et connaît une situation économique critique, ce dont témoigne la détérioration du patrimoine bâti et des chaussées. La municipalité actuelle semble plus préoccupée par les affaires que par la gestion urbaine. Son patrimoine historique mineur (les maisons de ville en bois) est actuellement menacé par les constructions modernes qui s’érigent dans les parties les plus centrales de la ville. Le patrimoine de l’époque des Lumières, lui, fait l’objet d’une protection. Le mouvement environnementaliste s’est structuré autour du jardin botanique conçu au xviiie siècle, et qui est le plus ancien et l’un des plus célèbres de Russie. Acquis par l’Université, il fait aujourd’hui office de conservatoire des espèces locales : « Le but du jardin botanique est d’apprendre aux gens à préserver la biodiversité dans la ville » (Entretien, directeur du jardin botanique, mai 2004, Tver.). Adossé au jardin botanique, un Club écologique s’est constitué en 1994, dont la mission est l’éducation à l’environnement, mais aussi la préservation de la faune et de la flore. Il organise des actions de nettoyage des espaces naturels avec des éco-volontaires ainsi que des excursions naturalistes, et il intervient dans les écoles et dans les médias pour sensibiliser le public. Animé par des biologistes écologues de l’université, une vingtaine de volontaires permanents et d’autres plus ponctuels, le Club écologique de Tver a initié un agenda 21 local, suggéré par l’équipe de chercheurs russo-néerlandaise, dont le projet de démonstration est l’organisation collective d’un jardin au milieu d’un des grands ensembles de la ville.

9Le projet pilote du jardin collectif s’inscrit dans une stratégie pour développer une trame verte en ville, rédigée par le Club écologique et publiée grâce au soutien financier de MATRA. Cette stratégie se réfère à l’Agenda 21 de Rio et est présentée comme une partie de l’agenda 21 local de Tver. Les questionnaires qui l’ont précédée ont mis en évidence l’attachement des habitants aux espaces verts « pour se reposer, communiquer avec la nature, pour la santé mentale » (Entretien, présidente du Club Écologique de Tver, mai 2004, Tver). L’agenda 21 est donc une initiative associative appuyée par les scientifiques (historiens du côté du jardin botanique, biologistes du côté du Club écologique, sociologues pour l’Académie des Sciences), qui implique assez peu la Ville : « Nous voulions que ce soit porté par une ONG et pas par la municipalité » (Entretien, présidente du Club Écologique de Tver, mai 2004, Tver). De toute façon, le service de l’environnement fédéral (il n’existe rien au niveau municipal), qui a d’ailleurs été dissous, ne s’occupait que du contrôle de la pollution, aux côtés de l’inspection sanitaire. Les cadres de la ville se désintéressent d’une initiative a priori peu « solvable ». Le service des espaces verts entretient le parc végétal, mais ne se soucie pas de biodiversité.

10Le Club écologique organise néanmoins plusieurs rencontres pour tenter d’obtenir le soutien de la ville. Des représentants de la ville sont invités au séminaire de recherche avec les sociologues de l’Académie des sciences, sans succès. Lors du lancement de l’agenda 21, une grande réunion rassemble 300 personnes : quelques représentants municipaux et régionaux, des associatifs et des activistes surtout. Il existe au minimum une écoute puisque le Club écologique est ensuite invité à présenter sa stratégie pour le développement d’une trame verte à l’administration municipale et régionale.

11Face à la difficulté de mobiliser les pouvoirs locaux, le Club écologique se tourne vers les habitants qui peuvent faire pression sur les députés, et surtout légitimer cette initiative. L’association saisit l’opportunité d’une demande que lui adressent des habitantes pour inscrire son action dans un quartier populaire, un grand ensemble périphérique jouxtant un district industriel.

Les femmes et la revalorisation des pieds d’immeuble

12Au départ, les femmes de ce quartier s’étaient adressées au jardin botanique. À partir de l’échange de conseils et de graines germe l’idée d’un jardin collectif. L’idée du Club écologique est de créer un coin de nature et de récréation qui offre un agrément comparable au jardin botanique de la vieille ville. Il faut souligner que l’environnement du quartier est en déshérence, marqué par les terrains vagues, l’absence d’aménagement. Au fur et à mesure du processus, les habitantes vont s’impliquer dans des aménagements de plus grande ampleur que les plantations initiales. Une des premières actions menées, en 2001, est la création d’un jardin d’enfants dans la cour de l’immeuble, à partir de matériaux de récupération : des pneus, des radiateurs, des pierres et des briques, des arceaux métalliques pour les toboggans et balançoires, qui ont été trouvés ou donnés, réparés et repeints. Ce projet entraîne l’adhésion d’un groupe d’habitants, surtout des femmes, mais on compte aussi des enfants et des adolescents, qui participent aux travaux de peinture et de jardinage. Ces femmes sont des employées, qui touchent un faible salaire (environ 90 euros), mais elles sont propriétaires de leurs logements. Le jardin d’enfants est le premier élément de requalification de l’îlot. Il déclenche une dynamique de réappropriation des espaces communs.

13À côté du jardin d’enfants, on va bientôt installer une table et des chaises qui permettent de prendre le thé ou des collations. Des repas sont organisés dans la cour. Les pieds d’immeubles sont progressivement mis en culture, dessinant des jardinets fleuris séparés par des bordures de pneus peints ou de rocailles. Chacun peut suivre son inspiration. Le Club écologique conseille les habitants et veille à la biodiversité, en donnant des plants ou des graines d’espèces locales, ce qui est un moyen de la préserver. Les plantations vont bon train. Le travail ne se fait pas au nom de l’agenda 21, expression qui « n’a pas de sens » en russe, mais de l’amélioration des conditions de vie et de l’embellissement. Auparavant, « il y avait un seul arbre ». Certains habitants sculptent des statues de bois, qui viennent ornementer les jardins, comme dans les parcs des grandes villes. « Elles voulaient que ce soit beau, aussi beau qu’ailleurs, comme au jardin botanique » (Entretien, présidente du Club Écologique de Tver, mai 2004, Tver).

14Ce travail sur les espaces extérieurs s’accompagne d’une réfection des parties communes : peinture des cages d’escalier et des portes, nettoyage, entretien. En raison de la quantité de travail, un volontaire a été élu dans chaque immeuble pour coordonner les actions. Le groupe d’habitants, qui regroupe une quarantaine de personnes, pense que les bénévoles devraient être payés pour cette tâche, et se substituer ainsi au service de l’arrondissement officiellement en charge de l’entretien du parc de logements mais qui n’assure plus aucune maintenance.

15La prise en charge complète de l’entretien des parties communes et des espaces extérieurs par les habitants rend de plus en plus illégitime le fait d’acquitter des charges mensuelles très élevées depuis la réforme de la gestion des services de maintenance (entre 47 euros pour un deux pièces et 59 euros pour un cinq pièces, soit la moitié ou les deux tiers du salaire de ces employées). La question de l’augmentation du coût des charges est très sensible en Russie. Les services de maintenance fonctionnent mal et tendent pourtant à rejoindre le coût réel du marché, tandis que les salaires et les loyers publics demeurent très bas. À Saint-Pétersbourg par exemple, les loyers privés sont environ 100 fois supérieurs aux loyers du parc public, et l’augmentation brutale des charges les a fait s’élever à environ neuf fois le montant des loyers publics (Bonneville et Troutchenko, 2001). Cette situation a conduit certains propriétaires à restituer des logements dont ils s’étaient porté acquéreurs il y a quelques années ; on parle à ce sujet de déprivatisation.

16À Tver, c’est une autre voie qui a été choisie. Les femmes ont initié un procès pour récupérer l’argent des charges. Elles réclament une gestion en copropriété directe : un responsable rémunéré par immeuble et la suppression des charges d’entretien. Il faut souligner la nouveauté de ce recours en justice dans le contexte russe, qui exprime une forme de démocratisation de la vie publique. Loin d’être un cas isolé, le recours à la justice se normalise. L’institut EkoJuris, par exemple, implanté à Moscou, est constitué de femmes juristes consultantes qui expliquent aux populations leurs droits en matière d’environnement et les accompagnent dans leurs réclamations, depuis les demandes d’information auprès des institutions jusqu’aux plaintes et procès (Khaliy, 2000).

Nijni Novgorod : de la gestion en bien commun à une privatisation fragile

17Le cas étudié dans la ville de Nijni Novgorod est plus abouti en matière de changement de régime foncier mais révèle les mêmes préoccupations : refus de l’explosion des charges, attachement aux espaces verts. Cette ville industrielle de 1,4 million d’habitants est une ville fermée du complexe militaro-industriel jusqu’à la fin des années 1980, période où les fermetures d’usines sont massives. L’état de l’environnement s’améliore, mais reste préoccupant :

On est dans les 20 villes les plus polluées de Russie, 15 fois plus que les normes autorisées. On ne peut pas résoudre cela sans adopter le standard européen pour le gasoil et les automobiles (Entretien, membre du Comité régional de l’environnement, mai 2006, Nijni Novgorod).

18Si les habitants paraissent impuissants à modifier cet état de fait, ils ne s’impliquent pas moins dans des luttes visant à préserver leur qualité de vie, souvent au plus près de leur logement.

Mobilisation habitante et sauvegarde des espaces verts

19Les premiers problèmes environnementaux identifiés à Nijni par Eco-Dront, une plate-forme associative puissante qui réunit 35 éco-ONG, sont la pollution automobile, l’absence de stationnement et la construction des espaces verts par des promoteurs couverts par la municipalité. La crise financière des pouvoirs locaux liée à la décentralisation (les charges transférées étant plus importantes que les budgets afférents) les conduit à vendre le sol municipal pour retrouver des marges de manœuvre, générant des profits qui ne sont pas toujours traçables. Selon l’association EkoJuris, l’opposition à la construction illégale dans les espaces verts est l’objet de mobilisation dominant dans les villes russes. Le directeur d’Eco-Dront confirme :

2095 % des citoyens sont concernés par les problèmes environnementaux. Ils ne s’inquiètent pas de la pollution industrielle mais de la construction des espaces verts. Il s’agit de la majeure partie des mobilisations, des groupes d’action, contre la densité (Entretien, mai 2006, Nijni Novgorod).

21Il serait trop simple de penser qu’il ne s’agit que d’un effet NIMBY (Not in my Back-Yard, pas dans ma cour), pour deux raisons : la sensibilité des Russes à la nature est vive et les espaces verts représentent la principale aménité environnementale en ville. Il existe dans les villes russes de nombreuses mobilisations similaires, qui ne sont pas toujours couronnées de succès. Yelena Shomina, sociologue moscovite spécialiste des mouvements d’habitants, explique :

À la fin des années 1980, de nouveaux groupes communautaires indépendants se forment, premièrement parce qu’il y avait une sensation de liberté, deuxièmement contre la dégradation de l’environnement urbain. Ils voyaient à l’étranger leur qualité de vie en miroir (Entretien, juin 2006, Moscou, et Shomina, 2004).

22Deux catégories de terrain sont concernées par les nouvelles constructions : les jardins et cours d’immeuble, et les vieilles maisons en bois qui font l’histoire des villes (Photo 1), dont la destruction occasionne deux types de réactions :

Quand les autorités sont venues pour construire, ceux qui avaient organisé leur environnement voulaient garder leur bâti — on n’est pas sûr que cela a suffi pour ne pas les détruire. Les autres acceptaient les maisons neuves (Entretien, responsable d’Eco-Dront, mai 2006, Nijni Novgorod).

23On voit toute l’importance de la question de l’appropriation de l’environnement immédiat par les citadins pour nourrir les mobilisations environnementales.

24Parmi les luttes contre les constructions résidentielles sur des espaces verts, celle menée récemment à Nijni Novgorod est originale. Elle a en effet conduit au passage en copropriété d’un sol municipal, au terme d’un procès, résultat pour le moins inattendu. La municipalité souhaitait céder le terrain d’une cour d’immeuble à un promoteur pour y implanter trois grands buildings. L’îlot concerné se trouve en bordure d’une zone industrielle polluée, sans espace vert à proximité. Il est composé de cinq barres d’immeubles de cinq étages datant de l’époque de Khrouchtchev, parmi les plus détériorées (Amestoy, 2004), abritant 1 500 personnes (Photo 2). La dégradation concerne surtout les deux immeubles qui appartiennent à la municipalité et ont été laissés sans entretien depuis des décennies, contrairement aux autres immeubles gérés par une coopérative, ce qui fait dire à l’activiste du quartier qui assimile tout ce qui ne relève pas d’une gestion étatique à une gestion privée : « la propriété privée est beaucoup plus efficace » (Entretien, activiste du groupe d’habitants, mai 2006, Nijni Novgorod).

Photo 1. Patrimoine en bois. Centre-ville de Nijni-Novgorod

Photo 1. Patrimoine en bois. Centre-ville de Nijni-Novgorod

Source : N. Blanc, C. Emelianoff

Photo 2. Patrimoine khrouchtchévien

Photo 2. Patrimoine khrouchtchévien

Source : N. Blanc, C. Emelianoff

25Les habitants redoutent les vibrations pendant le futur chantier, susceptibles de porter atteinte à la structure déjà croulante des immeubles. D’autre part, le square et les pieds d’immeubles comportent 800 arbres, plantés par les habitants il y a 20 à 30 ans. « C’était un terrain vague. On a tout fait. Surtout les femmes, mais les hommes participaient aussi » (Entretien, activiste du groupe d’habitants, mai 2006, Nijni Novgorod). L’aménagement et la maintenance du square, les fleurs, les bancs, les bordures, les jeux pour enfants, tout ce travail a été le fruit d’années d’investissement de la part de certains habitants, qui se sont fabriqués un environnement : « On voulait garder cette petite forêt car il y avait des endroits pour les enfants ici, et un bois très agréable » (Entretien, activiste du groupe d’habitants, mai 2006, Nijni Novgorod) (Photo 3). La proximité de la zone industrielle et ses incidences sur le quartier servent d’argument pour réfuter une attitude NIMBY : « On n’aura pas d’air à respirer si on perd cet espace. Beaucoup de gens sont malades de la pollution » (Entretien, juriste d’Eco-Dront, mai 2006, Nijni Novgorod). L’usine adjacente d’électronique est à l’origine d’une concentration de radon dans l’atmosphère qui est la plus élevée de la ville. Le radon est présent dans le square, ce que l’étude d’impact environnemental du promoteur indiquait. Les témoignages d’habitants concernant les cancers et les pathologies respiratoires sont nombreux, mais difficiles à interpréter et à quantifier. Les personnes âgées du quartier en parlent, « et elles meurent vite » (Entretien, juriste d’Eco-Dront, mai 2006, Nijni Novgorod). Aucune étude épidémiologique n’a été menée. Le comité fédéral de l’environnement, opposé à la municipalité, prépare un document interdisant les nouvelles constructions dans cette zone.

De la propriété du sol à la gestion du logement

  • 3 L’association travaille étroitement avec le comité régional de l’environnement, auquel elle a d’ail (...)

26La mobilisation commence en 2004, à l’initiative d’une activiste qui constitue autour d’elle un petit noyau d’habitants. Les lettres de plainte et les tentatives pour rencontrer les responsables municipaux restent sans effet. Le groupe d’habitants cherche d’autres solutions et fait appel à la juriste d’Eco-Dront, association qui trouve une partie de sa légitimité3 dans ce rapprochement : « Pour réussir, on doit impliquer les habitants face aux autorités » (Entretien, responsable d’Eco-Dront, mai 2006, Nijni Novgorod). Les habitants découvrent qu’il est possible de fonder un syndicat de copropriété composé de quelques propriétaires, ce que les institutions régionales confirment. Il existe plus de 5 000 syndicats de propriétaires dans la Fédération de Russie. Ces syndicats et les 16 000 (chiffre approximatif) coopératives de logement ne gèrent que 8 % du parc de logements de l’ensemble du pays. Comme dans bien des cas en Russie, la région est en opposition aux pouvoirs municipaux, ce qui favorise les alliances entre les éco-activistes locaux et le pouvoir régional, garant du respect des lois environnementales. Le foncier appartient à la municipalité, mais chaque propriétaire (80 % des logements ayant été privatisés) possède néanmoins de son vivant quelques millièmes de terrain. En se regroupant en syndicat et en fusionnant ces millièmes, le terrain du square appartient majoritairement aux co-propriétaires : la municipalité ne serait plus en droit de céder le terrain au promoteur.

Photo 3. La cour aménagée par ses habitants

Photo 3. La cour aménagée par ses habitants

27Le groupe d’habitants organise des réunions pour convaincre les habitants d’adhérer à ce syndicat. Il s’assure du soutien de plus de la moitié d’entre eux.

La plupart des habitants ont voté pour la création de ce syndicat. Un autre argument que nous avons utilisé est que si l’administration ne nous soutient pas, nous devions nous battre, en tant que propriétaires, car notre propriété allait perdre de la valeur et se dégrader peu à peu (Entretien, activiste du groupe d’habitants, mai 2006, Nijni Novgorod).

28Les jeunes adhèrent sans difficulté, mais les personnes âgées sont très méfiantes : bien que les charges liées au logement soient disproportionnées au vu de leurs pensions (environ 12 euros par mois), elles refusent toute forme de privatisation.

29Le syndicat de co-propriétaires est mis en place au terme d’un procès pour récupérer le foncier, et une charte est adoptée. Ce syndicat est le premier créé à Nijni pour un immeuble ancien. Seul le centre de la cour appartient encore à la municipalité, mais le territoire est trop réduit pour supporter une construction. Une majorité d’habitants étant contre ce projet, la municipalité préfère ne pas continuer la bataille juridique. Fort de cette victoire, le groupe d’activistes décide de ne pas en rester là. Le syndicat réclame la gestion de l’immeuble afin de pouvoir commencer à effectuer les réparations nécessaires, à la place de la compagnie municipale qui en était chargée. La difficulté du transfert de la gestion des charges tient à une obligation législative de remettre auparavant les bâtiments en état, ou d’accorder au syndicat une forte compensation financière (évaluée à 340 000 euros). Cet exemple créerait un précédent et pourrait coûter très cher à la municipalité.

  • 4 Date à laquelle la recherche s’est achevée, ce qui ne permet pas de connaître l’issue de ce conflit (...)

30Aussi la ville décide-t-elle d’organiser un referendum, à l’été 20064, sur le type de gestion des immeubles municipaux, afin de désamorcer l’initiative de ces habitants. Trois choix sont proposés : une gestion par les syndicats de copropriété, une nouvelle compagnie municipale de gestion ou une gestion par l’ancien service municipal.

Les autorités insistent sur la deuxième solution et promettent monts et merveilles. […] Mais beaucoup d’habitants ne comprendront pas : il faut simplement remplir un questionnaire et il y aura des falsifications. C’est une mauvaise situation si le vote l’emporte. Nous devrons fermer notre syndicat (Entretien, activiste du groupe d’habitants, mai 2006, Nijni Novgorod).

31L’activiste du quartier ne veut pas abandonner la lutte, en soulignant ses enjeux financiers :

La municipalité reçoit beaucoup d’argent de la compagnie de maintenance. Cette compagnie gagne beaucoup d’argent : le nôtre. En cas de problème, nous en appellerons au gouverneur et au parlement régional. Il y a deux voies d’action : soit un autre procès, long et coûteux, soit trouver des commanditaires pour faire de ce district un modèle, un bon exemple. […] À Moscou, il y a de bons exemples comme le nôtre car le maire évite les situations conflictuelles. On espère que le gouverneur, qui connaît le cas de Moscou, va nous soutenir, sans conflit (Entretien, activiste du groupe d’habitants, mai 2006, Nijni Novgorod).

32Cet exemple illustre bien l’interdépendance entre la qualité de vie et l’autogestion par les habitants, dans un contexte fortement marqué par la pénurie financière et le retrait du secteur public (pouvoirs locaux et entreprises) en matière de gestion urbaine. Il montre la transformation très lente du droit du sol sous l’effet de la jurisprudence, face à l’enlisement de la réforme du code foncier. Si le terrain du groupe d’activistes de Nijni n’avait pas été géré préalablement en bien commun, il est peu probable que les habitants aient trouvé des moyens de se défendre face au promoteur et à la ville. La prise en charge par les habitants de leur environnement immédiat, qui s’appuie aujourd’hui sur des luttes juridiques et la demande de transfert des charges, vise à modifier les règles du jeu de la gestion urbaine, avec les plus grandes difficultés. Elle peut conduire à des formes fragiles de privatisation des sols. Elle permet surtout de maintenir un environnement vivable dans des villes en proie à des transformations brutales.

L’environnement, levier d’une société civile

33Ces deux études de cas confirment, à côté d’autres travaux empiriques, que la préservation de l’environnement est un terreau propice à la construction d’une opposition politique (Raviot, 1995). Cette force critique, extrêmement légitime en Russie où les pouvoirs publics et le fatalisme russe ont contribué à l’état désastreux de l’environnement (Moor-Stahl et Allaman, 1998), est le levier de la formation de groupes de contestation participant de l’émergence d’une société civile (Crotty, 2003 ; Aksenova et Nedelkov, 2004). Bien sûr, le concept de société civile est également porté par les institutions internationales et les Russes savent l’utiliser pour répondre aux critères des bailleurs de fond (Belov, 2003). La société civile n’en reste pas moins un concept difficile à définir. À notre sens, la société civile est constituée par les acteurs qui pèsent sur le devenir d’une société et travaillent à sa transformation, sans opérer par les canaux classiques du politique institué ou du marché.

34La société civile ne date pas de la Perestroïka. Elle est depuis longtemps et durant le régime soviétique une force de résistance (samizdats, activités dissidentes) et d’existence (nombreux contournements des institutions qui ont pour effet de les assouplir et de rendre plus vivable la vie quotidienne). Dès lors, on peut dire que la société civile en Russie ne représente pas simplement une alternative en termes d’opposition à un pouvoir politique totalement hégémonique comme prétendait l’être le pouvoir communiste, mais aussi une « force d’existence ». Sa place est la démonstration d’une vie à côté du système politique.

  • 5 Bien que celle-ci soit à nuancer puisqu’il semble qu’un bon tiers des Russes manifestent un intérêt (...)

35Ainsi, une part de l’apathie collective5 peut-elle trouver une explication. Soumis, comme l’expliquent Denis Eckert et Vladimir Kolossov (1999), à une intense surpolitisation de la vie quotidienne à l’époque de l’URSS, les Russes nourrissent une méfiance exacerbée vis-à-vis du politique institué (hommes et partis), défiance assimilée à une dépolitisation (Berelowitch et Wieviorka, 1998). Ils ont ainsi tendance à ne pas adhérer immédiatement aux idéaux démocratiques, portés à leurs yeux par une démocratie de marché qui ménage, d’une part, une large place aux collusions entre politique et économie, et où les hommes de pouvoir, d’autre part, appartiennent toujours aux mêmes élites. La désillusion par rapport aux sphères du pouvoir, renforcée par l’impuissance réelle du politique à améliorer la vie quotidienne et l’opacité des processus de décision et d’affectation des fonds, conduit les Russes à d’autres formes d’investissement du politique, par exemple à travers la vie associative.

36D’un autre côté, le déploiement de stratégies systématiques de contournement du pouvoir soviétique a conduit, au-delà de l’intérêt privé, à renforcer l’auto-organisation, l’auto-protection, et plus récemment à des luttes juridiques pour faire reconnaître des droits par les pouvoirs publics. On serait donc simultanément en présence d’une dépolitisation de la vie quotidienne, au sens d’une forte distanciation vis-à-vis de la politique de parti qui avait colonisé le quotidien, et à une certaine repolitisation de la vie quotidienne en tant que sphère de résistance, parfois de survie, sphère d’affirmation de droits et de valeurs. Cette force d’existence, loin de s’atténuer, a été aiguisée par les difficultés nouvelles de la « transition ». « 30 % des russes vivent de leurs salaires, 70 % de leurs datchas » nous dit-on encore en 2004 (Entretien, directeur de l’Union Socio-écologique, mai 2004, Moscou ). Les revenus informels procurés par des activités non déclarées contribuent de plus en plus aux mécanismes de survie (Le Huérou et Rousselet, 2000). Pour de nombreux Russes, la « débrouille », les solidarités familiales et locales, ou la petite corruption constituent des voies de fonctionnement du système. Un système stable et fixe est préférable car plus aisé à contourner, entend-on souvent. Le surinvestissement par les Russes de la sphère de la vie quotidienne (en termes d’énergie, de temps et de préoccupation) ne serait donc pas à interpréter comme un repli sur l’intérêt privé, une indifférence au politique, mais comme un processus ancien ayant renforcé les capacités d’auto-organisation des individus.

37Cette force d’existence, comme nous la nommons, cette résistance et cette distance incorporée à l’autorité, constituent à notre avis le socle de la structuration actuelle d’une société civile et de la démocratisation de la société russe (et non pas des institutions, question qui nous semble moins centrale dans le processus de démocratisation et qui n’est pas à l’ordre du jour de Poutine : Pouvoirs, 2005). Largement supplétive, cette capacité d’auto-organisation peut dessiner des alternatives politiques à l’échelon local lorsqu’elle se structure en mouvement associatif. Ce mouvement associatif peut, concrètement, transformer des espaces (Tver) et leur statut (Nijni Novgorod), faire pression sur les pouvoirs publics pour les obliger à intégrer certaines préoccupations écartées du champ d’intervention politique, développer une conscience politique locale, ou encore fournir des conseillers municipaux ou des députés qui tentent d’infléchir le jeu politique dans les doumas. Mais cette mobilisation d’un côté, et cette force d’existence de l’autre, n’ont ni l’une ni l’autre acquis suffisamment de confiance en elles pour construire une alternative politique. Elles agissent encore subrepticement ou, au mieux, prudemment : le possible reste confiné dans les interstices du réel. En effet, la répression d’État, qu’elle concerne les médias ou plus récemment les ONG, fait toujours partie de la vie contemporaine russe, et borne l’horizon politique. En d’autres termes, la naissance de l’espace de pouvoir d’une société civile ne signifie pas que les conditions de son déploiement soient réunies.

Conclusion

  • 6 La crise écologique, au sens politique, naturel et industriel, va acquérir une forte visibilité à l (...)

38Les mobilisations écologistes, en tant que double terrain d’opposition aux autorités et de prise en charge des problèmes par les citoyens eux-mêmes, sont un bon lieu d’observation du processus de construction de cette société civile, dans la mesure où elles favorisent le passage de l’intérêt privé à l’intérêt collectif, ainsi qu’un aller-retour entre local et global. Après l’échec de l’écologie politique comme force de construction de nouveaux rapports politiques en Russie6, les mobilisations environnementales actuelles témoignent plutôt d’un repli relatif sur l’action locale et la défense d’objets de la vie quotidienne. Le rapport à l’environnement, dans ses différentes déclinaisons — relation privilégiée à une nature fortement symbolisée, sentiment d’insécurité ou de souffrance environnementale qui nourrit successivement le désir de contrôle et le besoin d’autoprotection, le souci pour la qualité ou la viabilité du cadre de vie — construit, à notre sens, la nécessité d’une action politique civile, face au désengagement de l’État et au sous-développement du marché de l’environnement. L’environnement est un facteur d’émancipation démocratique et de repolitisation subreptice de la sphère publique, dans le sens où il s’agit d’un processus plus fermé qu’ouvert, limité à des cercles locaux qui communiquent entre eux et s’ouvrent à l’international. Une émancipation démocratique à quel degré et dans quelles limites ?

Haut de page

Bibliographie

Aksenova, O. Et V. Nedelkov (2004). Decentralization Processes in Russian Environmental Policy (Vologda region case), rapport non publié, Institut de sociologie de l’Académie des sciences de RussieInstitute of Sociology of Russian Academy of Sciences, Moscou.

Amestoy, I. (2004). « Les grands ensembles en Russie, de l’adoption d’un modèle à la désaffection. Le cas de l’habitat khrouchtchévien », dans Dufaux, F. et A. Fourcault, Le monde des grands ensembles, Paris, Creaphis, p. 129-141.

Balibar, E. (2005). « Le renversement de l’individualisme possessif », dans Guineret, H. et A. Milanese (coord.). La propriété : le propre, l’appropriation, Parois, Ellipses, p. 9-30.

Belov, I. (2003). Local Environmental Policy in Russia : Emergence and Institutionalization, draft, not publishedrapport non publié, Institut de sociologie de l’Académie des sciences de Russie Institute of Sociology of Russian Academy of Sciences, Moscou.

Berelowitch , A. et M. Wieviorka (1998). Les Russes d’en bas. Enquête sur la Russie post-communiste, Seuil, L’épreuve des faits, Paris.

Bonneville, M. et O. Troutchenko (2001). L’émergence d’un marché de l’immobilier en Russie, Paris, L’Harmattan.

Clement, M. (2006). « Impact redistributif des aides au logement en Russie : une analyse de “propensity score matching” », document de travail, CED / IFReDE-GRES – Université Montesquieu Bordeaux IV.

Crotty, J. (2003). « Managing Civil Society : Democratisation and the Environmental Movement in a Russian Region », Communist and Post-communist Studies, no 36, p. 467-488.

Eckert, D. et V. Kolossov (1999). La Russie, Paris, Flammarion, coll. Dominos.

Khaliy, I. (2000). The public Guard of Nature and Environment in Russian Regions, Moscou, Milieukontact Oost-Europa, Women Association Ecosociology, publié par l’International Socioecological Union.

Le Huérou, A. et K. Rousselet (2000). « La société russe dans la crise », Le courrier des pays de l’Est, no 1001, p. 46-54.

Limonov, L. et V. Renard (1995). Russia : Urban Development and Emerging Property Markets, Paris,, ADEF Pub., Paris.

Marsh, C. et N. Gvosdev (2002). « Civil Society and Russia’s Elusive Search for Justice : Concepts, Traditions and Contemporary Issues », Civil Society and the Search for Justice in Russia, Lanham MD, Lexington Bbooks, p. 1-16.

Marxer, B. (2003). Idéologie foncière en Russie du xvie siècle à aujourd’hui, Paris, L’Harmattan.

Moor-Stahl, J. et J. Allaman (1998). L’exception écologique russe. Systèmes et acteurs de 1917 à nos jours, Paris, L’Harmattan.

Pouvoirs (2005). La Russie de Poutine, no 112.

Raviot, J.-R. (1995). Écologie et pouvoir en URSS : le rapport à la nature et à l’espace, une source de déligitimité politique dans le processus de désoviétisation, IEP Paris, Thèse de doctorat.

Shomina, Y. (2003). Local Activism and the Perspectives of Civil Society in Moscow, rapport non publié, Institut de sociologie de l’Académie des sciences de RussieInstitute of Sociology of Russian Academy of Sciences, Moscou.

Haut de page

Notes

1 Selon Clément (2006) : « Une loi du 4 juillet 1991 prévoit le transfert de propriété du public au privé en autorisant les occupants d’un logement à en devenir propriétaires, en échange d’une somme symbolique. La loi ne répond pas à un objectif de justice sociale, mais cherche avant tout à créer les bases d’un marché du logement. Cette loi a été renforcée par différents dispositifs dans les années qui suivent (Kosareva et al., 1995). En décembre 1992, un texte autorise la copropriété et l’expulsion des mauvais payeurs. En juin 1993, un programme d’Etat prévoit le développement de modes de financement privés de la construction : crédits, comptes d’épargne logement, etc. Enfin, un nouveau système de loyers est instauré en septembre 1993 et est accompagné par la mise en place d’une allocation logement attribuée en fonction des ressources des familles. Plus récemment, les préoccupations des autorités se sont davantage orientées vers la question du transfert des charges de maintenance de l’Etat (qui les finançait jusqu’à présent par le biais du Gosstroi) vers les propriétaires et locataires (Kahn, 2002). Si ce transfert a été envisagé dans la loi de décembre 1992, le délai a été repoussé à plusieurs reprises face aux nombreuses résistances de la population. Un texte de 2001 prévoit par exemple le report du délai au 1er janvier 2005. Finalement, le transfert est effectivement mis en œuvre au 1er janvier 2006 » (document non paginé).

2 La culture politique russe, qui a substitué à l’opposition espace public/espace privé, le couple espace du peuple (où les relations sont fondées sur la communion et la solidarité)/espace de l’État souverain (où les relations sont définies par le droit), a toujours veillé à l’implantation d’un contrôle social et productif par le biais d’un attachement au sol et à l’habitat. On trouve d’abord l’obscina, ou commune paysanne (c’est par le biais du paysan associé à sa terre et à sa communauté que s’assure l’essentiel de la vie collective), qui répartit les charges fiscales et assure le contact avec les autorités et, plus tard, la coopérative. Ce modèle a empêché la formulation de garanties juridiques et de droits de propriété explicitement destinés à la personne individuelle et non à un corps social mal défini comme peuple et attaché à la terre. Deux tendances assurent une certaine reproduction de ce modèle-là : la réaffirmation de l’État comme réalité intangible, et des associations ou groupements d’habitants qui tentent de prendre en charge la gestion locale et de la vie quotidienne (Marxer, 2003).

3 L’association travaille étroitement avec le comité régional de l’environnement, auquel elle a d’ailleurs fourni quelques membres.

4 Date à laquelle la recherche s’est achevée, ce qui ne permet pas de connaître l’issue de ce conflit.

5 Bien que celle-ci soit à nuancer puisqu’il semble qu’un bon tiers des Russes manifestent un intérêt actif pour des formes d’engagement politique et social ce dont témoigne la vitalité de la vie associative (Marsh et Gvosdev, 2002).

6 La crise écologique, au sens politique, naturel et industriel, va acquérir une forte visibilité à la fin des années 1980, à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, qui fut un détonateur de la Glasnost. Durant une vingtaine d’années, les mouvements écologistes et, parmi eux, les mouvements étudiants issus des facultés de biologie et géographie, ont approfondi leur base. Contrôlés à l’origine par les Jeunesses communistes, ils s’en sont émancipés et ont formé un mouvement de protestation qui a trouvé un accomplissement lors de la Perestroïka. La cause écologique a été parallèlement le terreau d’une pensée politique qui visait à rénover toute image du patrimoine national, naturel et culturel (Moor-Stahl et Allaman, 1998). L’écologie constituera un point fort de la rénovation du politique (Raviot, 1995). Cependant, l’écologie perdra aussi très vite son actualité brûlante.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Photo 1. Patrimoine en bois. Centre-ville de Nijni-Novgorod
Crédits Source : N. Blanc, C. Emelianoff
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/1049/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 616k
Titre Photo 2. Patrimoine khrouchtchévien
Crédits Source : N. Blanc, C. Emelianoff
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/1049/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 736k
Titre Photo 3. La cour aménagée par ses habitants
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/docannexe/image/1049/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 750k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Nathalie Blanc et Cyria Emelianoff, « Réappropriation du sol et société civile dans deux villes russes »Environnement Urbain / Urban Environment [En ligne], Volume 1 | 2007, mis en ligne le 25 janvier 2016, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eue/1049

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search