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Recompositions inattendues d’un système agraire malgache par l’agrobusiness

Unexpected Changes in a Madagascan Land System through Agribusiness
Katy Medernach et Perrine Burnod
p. 63-76

Résumés

Quels sont les effets de l’implantation de méga-exploitations agricoles sur les différents groupes d’intérêt des territoires locaux ? Cette implantation provoque-t-elle de fortes ruptures ou une simple accélération des dynamiques en cours ? Sur la base d’une étude de cas à Madagascar, cet article s’intéresse aux recompositions du système agraire à Madagascar engendrées par l’installation récente d’une entreprise privée étrangère. Tandis que l’emploi se développe au bénéfice des plus petits agriculteurs, l’accès à la terre évolue au détriment des éleveurs les plus aisés. À son insu la firme offre aux descendants de migrants betsileo l’opportunité d’étendre leur territoire agricole face aux éleveurs sakalava se revendiquant comme les propriétaires ancestraux de la terre. Toutefois la sécurisation foncière se dégrade pour tous. L’entreprise réveille des tensions : ayant obtenu un bail emphytéotique auprès de l’État, elle prive les communautés de leurs droits fonciers. Ce faisant, elle risque de voir contesté son propre accès au foncier.

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Texte intégral

1À Madagascar, l’arrêt très médiatisé du gigantesque projet de Daewoo Logistics, couplé à la destitution du président Ravalomanana, n’a pas mis fin aux investissements agricoles à grande échelle [Andrianirina et al. 2010].

  • 1 Les noms de l’entreprise et de la zone ont été changés.
  • 2 D’après les responsables de JT.

2Tel est le cas de l’entreprise privée européenne JT. En 2009, elle s’implante dans la zone de Mivili1, au nord-ouest de l’île, et prévoit d’y cultiver 30 000 hectares de jatropha pour produire des agro-carburants destinés au marché national. Cet investissement est censé créer à terme 150 000 emplois2 et permettre la construction d’usines de transformation. Les quatre villages consultés dans le cadre du projet l’accueillent positivement. En 2011 toutefois, un conflit éclate, non entre l’investisseur et les villageois mais entre ces quatre villages et les villages voisins : le chef du village principal est menacé avec des armes ; une quinzaine de maisons sont brûlées ; des dizaines de zébus sont volés [Medernach 2011]. Localement, tout le monde s’accorde sur le fait que l’attaque a été commanditée par les villages voisins pour contester les liens établis avec l’entreprise.

  • 3 Initiée par l’équipe « Observatoire du Foncier » (CIRAD), cette étude de cas a été approfondie grâc (...)

3Cet article envisage les recompositions du système agraire engendrées par l’arrivée de cette firme. L’analyse est centrée sur l’accès au foncier et sur l’organisation du travail et s’efforce de dépasser une vision homogène des communautés locales. Nous appuyant sur une étude de cas réalisée en 20113, nous identifierons les groupes d’intérêt, les gains et les pertes de chacun et les processus qui sous-tendent les changements [voir Borras et Franco 2012].

4Le développement de mégafermes peut conduire à la négation des droits fonciers des populations [Cotula et al. 2009 ; Anseeuw et al. 2011 ; Deininger et al. 2011] et à la prolétarisation des exploitants agricoles [Li 2011]. Qu’en est-il du cas étudié ? L’implantation de la firme entraîne-t-elle une véritable rupture ou une simple accélération des dynamiques en cours ? Renforce-t-elle les inégalités ou inverse-t-elle au contraire les rapports de force ?

Recompositions foncières

  • 4 Sakalava, Betsirebaka, Merina et Betsileo sont des groupes sociaux culturels de Madagascar.

5L’accès aux ressources foncières et le contrôle de cet accès sont source de concurrence [Ribot et Peluso 2003]. Afin d’éviter les conflits d’usage, l’entreprise JT avait prévu de consulter largement la population (quatre villages) et de ne recourir qu’à des terres non cultivées. Malgré cela, son entrée dans l’arène foncière est venue raviver des tensions entre éleveurs sakalava et agriculteurs majoritairement originaires du pays betsileo4.

Espaces et peuplements

6Les tensions entre Sakalava et migrants sont anciennes. Commençons par les remettre brièvement en perspective.

7Dès le XVIIe siècle, les Sakalava ont pratiqué l’élevage extensif sur la plaine inondable de Marovoay. L’aménagement progressif de cet espace en bassin rizicole par des migrants venus du sud-est et du centre de l’île (Betsirebaka, Merina et Betsileo) [Schlemmer 1986 ; Herimandimby 1995 ; Jacquier-Dubourdieu 2002] les a contraints à rechercher de nouvelles pâtures. À Mivili, à une trentaine de kilomètres de Marovoay, les Sakalava ont ainsi été les premiers à valoriser l’espace et à réaliser les rituels leur assurant le statut de tompon-tany (littéralement « maîtres de la terre »).

8Au milieu du XXe siècle, dans un mouvement d’extension du front agricole de la plaine de Marovoay, des familles betsileo ont fondé des villages à Mivili. Dans une logique pionnière, elles s’y sont approprié des terres et ont transformé les bas-fonds en rizières. À la différence d’autres groupes qui se sont installés dans les villages sakalava voisins, ces familles ne se sont pas engagées dans une construction progressive de l’accès à la terre sous la forme du tutorat [Muttenzer 2010]. Toutefois, avant toute mise en valeur de nouvelles parcelles, ces familles continuent d’honorer aujourd’hui encore les ancêtres sakalava, par diverses offrandes (bonbons, sang de poulets).

  • 5 « Aire de pâturage » en malgache.

9Face à la limitation des espaces ouverts due à l’essor de la riziculture pratiquée par les migrants, les Sakalava ont marqué leur ancrage territorial [Sautter 1980 ; Fauroux 1997 ; Jacquier-Dubourdieu 2002]. Cette territorialisation s’est traduite par le développement de leur propre riziculture et par la matérialisation, via l’installation de villages, d’un immense pâturage collectif lignager appelé « le grand kijana5 » (fig. 2 p. 66).

  • 6 Par souci de simplification et du fait de l’origine betsileo des familles fondatrices des villages (...)
  • 7 Craignant l’homme, à l’exception du bouvier qui les rassemble plusieurs fois par mois, les zébus se (...)

10Actuellement, les villages betsileo6 sont situés à l’ouest de Mivili. Les agriculteurs y valorisent les bas-fonds pour la riziculture et autres annuelles (la superficie par exploitation est comprise entre 1 et 4 ha) et les collines proches pour y faire pâturer leur cheptel (5 à 15 zébus pour les exploitations les plus aisées). Les villages d’origine sakalava sont, eux, situés au sud et au nord-est de Mivili. Les éleveurs y pratiquent l’élevage extensif sur le grand kijana (de 50 à 300 zébus7 par propriétaire) et cantonnent leur agriculture aux bas-fonds proches des villages.

11Les activités de ces différents villages entrent en concurrence sur les marges (voir, sur la fig. 1 p. 66, la frontière entre les zones 2 et 3). Sur le grand kijana, les Sakalava laissent pâturer leurs bovins sans les surveiller, et les animaux ravagent parfois les cultures des villages betsileo. À mesure que les familles sakalava s’agrandissent et que de nouveaux membres les rejoignent, les Betsileo tendent à repousser le front agricole et à empiéter sur les pâturages sakalava.

Fig. 1. Transect agroécologique et occupation de l’espace à Mivili

Fig. 1. Transect agroécologique et occupation de l’espace à Mivili

Fig. 2. Détail de la zone de Mivili

Fig. 2. Détail de la zone de Mivili

Des recompositions foncières d’ordre politique

Accueillir l’entreprise pour renforcer l’accès à la terre

  • 8 Le maire a accepté ce projet de développement [Burnod et al. 2013] pour ses impacts socio-économiqu (...)

12Soutenue par le maire8, l’entreprise JT a prospecté à proximité de quatre villages d’origine betsileo. Avec l’aval d’une partie de leurs villageois, les chefs ont accueilli favorablement ce projet porteur d’emplois et d’infrastructures. Les villageois betsileo ont accepté ce projet dans l’espoir de voir, à court terme, les plantations de jatropha former une barrière naturelle contre les zébus sakalava et de pouvoir, à moyen terme, valoriser les bas-fonds impropres à la culture du jatropha. Dans cette optique, certains d’entre eux ont alloué à l’investisseur un total de 50 hectares situés entre leurs villages et le grand kijana.

13Depuis, avec l’accord du maire mais sans celui des villageois, l’investisseur a planté plus de 200 hectares sur des pâtures des Betsileo et sur le grand kijana des Sakalava.

14À l’instar d’autres sociétés malgaches [Jacquier-Dubourdieu 2002 ; Muttenzer 2010] ou, plus largement, africaines [Chauveau et al. 2006 ; Le Meur et Jacob 2010], à Mivili, les Betsileo ont progressivement renforcé leur assise en accueillant d’autres migrants (principalement issus de leur famille élargie), augmentant de ce fait leur force de travail, la surface de leurs terres cultivées et leur poids sociopolitique face aux Sakalava.

15Ici, cette stratégie de renforcement de la communauté locale s’appuie sur l’investisseur. À la différence d’autres communautés qui invoquent ou réinterprètent la coutume pour défendre leur territoire face à une entreprise privée [voir Brutti 2007], les Betsileo souhaitent utiliser l’entreprise JT, perçue comme plus riche et plus puissante que les Sakalava, pour bénéficier de l’usage de la terre, en contrôler l’accès et s’opposer ainsi aux régulations d’origine coutumière.

S’opposer pour réaffirmer son autorité et son territoire

  • 9 À Mivili, toutes les tentatives d’appropriation d’une portion du kijana par des membres extérieurs (...)

16Plus qu’une zone de pâturage caractérisée par sa fonction économique, le grand kijana remplit une fonction identitaire pour les Sakalava, ce qui explique leur ardeur à défendre cet espace9 [Sautter 1980]. Bien qu’ancien et forcément reconfiguré par les vagues de migration successives, leur statut de premiers occupants peut être mobilisé pour légitimer leur pouvoir et leurs revendications foncières [Jacquier-Dubourdieu 2002].

  • 10 Chef de fokontany (entité administrative en deçà de la commune), ce dernier dispose en effet de cer (...)

17Pour l’heure, les superficies de jatropha sont encore limitées, et les éleveurs ne disposent pas d’informations sur les perspectives d’extension. La désapprobation des Sakalava n’est que partiellement liée à ce changement d’usage du sol et ne vise pas directement l’entreprise. Leur mécontentement vient surtout de ce que les Betsileo ont autorisé cette implantation sans les avoir consultés et de ce que le chef d’un des quatre villages pourrait gagner en pouvoir10. Ils s’en prennent donc violemment au village de ce chef pour réaffirmer leur autorité de tompon-tany qui octroie à eux seuls le droit d’allouer des droits d’usage sur les terres du grand kijana.

18À Mivili, l’installation de la firme a été préjudiciable à des acteurs majeurs de l’arène politique locale qui, contrairement aux acteurs plus vulnérables, ont plus de ressources pour défendre leurs droits et leur position socio-économique. Les menaces et la violence peuvent en effet représenter des moyens efficaces de contrôle et/ou de maintien de l’accès à la terre [Ribot et Peluso 2003].

Des recompositions foncières d’ordre juridique

19Depuis la réforme foncière de 2005, l’État n’est plus, par défaut, le propriétaire des terres, et les terres appropriées et non titrées sont légalement la propriété de leurs occupants [Teyssier et al. 2009]. Cette propriété peut être formalisée par un certificat foncier délivré par un guichet foncier, nouveau service communal instauré dans le cadre de la décentralisation de la gestion foncière. À Mivili, les propriétaires n’ont pas de titres et, en l’absence d’un guichet foncier, ils n’ont pas pu demander de certificat foncier.

  • 11 Pâturages dont l’usage extensif n’aurait de fait pas permis à leurs propriétaires de recourir au ce (...)

20Afin d’obtenir un bail de 5 000 hectares pour une durée de trente ans, l’entreprise a eu affaire aux services fonciers de l’État et a obtenu un bail de 2 000 hectares sur des terres qui, en conséquence, ont dû être bornées et immatriculées au nom de l’État. Cette superficie empiète largement sur les pâturages des Sakalava11 et sur les pâtures et les réserves foncières des villages betsileo.

21L’immatriculation de la terre a ainsi transformé ces propriétaires en squatters. Alors que les Betsileo pensaient pouvoir se servir de la firme dans leur stratégie d’expansion foncière, c’est finalement la firme qui est en position de les exclure légalement.

Recompositions des relations de travail

  • 12 Ces contrats sont souvent liés à un accès au crédit, au conseil et aux marchés des intrants, permet (...)

22L’arrivée d’agro-firmes au sein d’un système agraire peut avoir deux répercussions principales au niveau local. D’une part, comme dans les phénomènes d’enclosure [Polanyi 1975 ; Alden-Wily 2012], l’appropriation de vastes superficies peut contraindre les agriculteurs à vendre leur force de travail [Li 2011 ; Kenney-Lazar 2012]. D’autre part, cette entrée peut, en parallèle ou en lieu et place de l’expropriation foncière, engendrer un changement dans le système de production à travers des contrats d’achat de productions12.

23Or, à Mivili, aucune de ces deux évolutions n’est perceptible pour le moment. Pourtant, des changements se dessinent au niveau des exploitations. Les recompositions des systèmes de production observées en 2011 étaient davantage liées à une réallocation de la force de travail qu’à une évolution notable de l’accès au foncier (les plantations de l’entreprise ne s’étant alors concrétisées que sur 236 ha).

Loin d’un processus de prolétarisation forcée

24À l’instar de nombreux investissements récents à grande échelle [Nhantumbo et Salomão 2010 ; Deininger et al. 2011], le projet de JT avance lentement, la levée des fonds est plus difficile que prévu et, petit à petit, les objectifs sont revus à la baisse. En 2011, l’entreprise ne visait plus que 5 000 hectares au lieu de 30 000 et avait engagé une diversification des cultures (piment, maïs, pois du Cap) en attendant la production de jatropha.

  • 13 À titre de comparaison, pour 1 000 hectares de jatropha, l’entreprise pourrait employer 350 à 600 é (...)

25Concrètement, au moment des enquêtes de terrain, 230 hectares de jatropha et 6 hectares de piment avaient été cultivés ; 160 emplois saisonniers (sur 3 à 6 mois) et une trentaine de postes permanents avaient été pourvus ; un dispensaire avait été construit ; une école, équipée ; un médecin était rattaché au projet et le salaire de deux enseignants était pris en charge. Sur la base de ces premiers résultats et d’une prospective raisonnable, l’entreprise pourrait, pour la mise en valeur de 5 000 hectares de jatropha, employer 2 500 à 5 000 saisonniers (sur 6 mois) et 500 permanents. Ces chiffres sont élevés au regard d’autres cultures à grande échelle [Deininger et al. 2011]13 et du millier d’actifs résidant dans les villages alentour.

  • 14 Les revenus du riz sont généralement compris entre 6 500 et 12 500 ariary par jour de travail, donc (...)

26Même si, pour l’heure, les emplois sont beaucoup plus restreints, ils sont particulièrement recherchés en l’absence d’un marché du travail ultra-local et en raison de besoins monétaires évidents (le salaire journalier proposé est de 3 500 ariary, soit 1,20 €). Toutefois, au sein de la population locale, l’intérêt pour ces emplois varie fortement d’un groupe à l’autre et suivant les périodes de l’année. Durant la saison sèche, étant moins occupés sur leurs exploitations, les agriculteurs betsileo souhaitent se faire embaucher sur place afin d’éviter la migration temporaire vers Marovoay. En revanche, durant la saison des pluies, la plupart préfèrent travailler sur leurs parcelles rizicoles. Ils considèrent que le travail sur leur exploitation leur permet à la fois de gagner plus14 et, dans une stratégie de gestion des risques et de maintien des réseaux sociaux, d’assurer l’autoconsommation et de remplir leurs obligations familiales (dons de riz, entraide). Pendant cette saison, seuls les agriculteurs betsileo disposant de petites surfaces cherchent du travail dans les plantations.

27Comme dans d’autres régions de par le monde [Deininger et al. 2011 ; Li 2011], à Mivili, les emplois créés par l’agrobusiness sont majoritairement saisis par les plus petits agriculteurs et par les migrants (40 hommes et femmes en 2011). Contrairement à ce que l’entreprise JT avait annoncé, à savoir qu’elle donnerait la priorité aux locaux, elle recrute préférentiellement des migrants disponibles toute l’année pour limiter les coûts de recrutement, de formation et de suivi.

Une modification des relations d’entraide

  • 15 Comparé aux contrats proposés à Marovoay, les contrats saisonniers de JT imposent 2 heures de trava (...)

28L’implantation de la firme dans le système agraire local n’a pas entraîné de prolétarisation forcée. Comme auparavant et en toute connaissance de cause, les agriculteurs betsileo choisissent d’intégrer ou non le marché du travail et, le cas échéant, réclament de meilleures conditions de travail. Certes, ils ont exprimé des revendications pour tenter d’améliorer leurs conditions15. Mais ce qui a véritablement changé, c’est que l’entreprise a activé un marché du travail au niveau ultra-local et modifié le contenu et la fréquence des relations d’entraide.

  • 16 Dans des proportions légèrement supérieures au salariat agricole : respectivement, 36 et 27 % des p (...)
  • 17 Selon les enquêtés, c’est « une façon de remercier les travailleurs ; ce n’est pas vraiment un sala (...)

29Dans les villages étudiés, la mobilisation du travail passe principalement par l’entraide. Encore largement pratiquée au niveau national16, l’entraide permet d’entretenir les réseaux sociaux et de pallier les problèmes de liquidités [Gannon et Sandron 2006]. Les plus petits agriculteurs investissent généralement plus de travail dans le cadre de l’entraide qu’ils n’en reçoivent en retour, mais ils bénéficient parfois de services particuliers (dons de riz, crédit, accès aux animaux de labour) ou d’une compensation monétaire (environ 2 000 ariary, soit 0,75 €). Malgré ces transferts d’argent17, les relations de travail relèvent donc de la réciprocité. La primauté est donnée aux personnes et non, comme dans les transactions marchandes, aux choses [Sahlins 1976 ; Godelier 1996].

30Depuis l’arrivée de JT, les modalités de l’entraide ont changé. L’entreprise a, d’une part, augmenté le coût d’opportunité des travailleurs locaux et, d’autre part, facilité l’accès aux liquidités de ces employés eux mêmes en quête de main-d’œuvre pour leurs propres parcelles en saison des pluies. L’entreprise a ainsi incité les agriculteurs demandeurs de main-d’œuvre à être aussi attractifs que possible au moment des pics de travail. Comme auparavant, ces derniers mobilisent des proches mais aussi des migrants n’appartenant pas à la famille élargie, attirés par l’entreprise. Les agriculteurs s’alignent désormais sur l’entreprise, avec une rémunération de 3 500 ariary au lieu des 2 000 précédents.

31L’entrée de la firme dans le système agraire local dessine les premières lignes d’une rupture dans la gestion du travail et de l’entraide. Elle accélère le mouvement de monétarisation et de marchandisation des relations [voir Gannon et Sandron 2005 ; Sandron 2008].

Une opportunité pour les plus pauvres

  • 18 Ces deux activités génèrent un profit quotidien inférieur au salaire que propose l’entreprise (de 3 (...)

32En l’état actuel des choses, ce sont surtout les migrants et les plus petits agriculteurs qui bénéficient des opportunités économiques liées à la présence de la firme : emplois et versements monétaires. Les plus petits agriculteurs ont même abandonné des activités pour s’engager auprès de l’entreprise. Certaines femmes ont même arrêté de confectionner des paniers en fibre végétale ou de produire des brèdes18. La production maraîchère est devenue d’autant plus difficile que, depuis l’arrivée de JT, grande consommatrice d’intrants, la fumure (fumier des parcs à zébus) qu’elle achète aux éleveurs est devenue payante.

  • 19 Pour des personnes ayant travaillé pour l’entreprise 4 mois en saison sèche et 1 mois en saison des (...)
  • 20 À Marovoay, en 2011, les salaires ont augmenté jusqu’à 4 000 ariary par jour. Dans ce scénario cont (...)

33Comme on a pu l’observer dans d’autres pays africains [Maertens et Swinnen 2009] ou dans d’autres régions de l’île [Minten et al. 2003], le développement du marché du travail local a contribué à accroître le revenu des plus pauvres (+ 24 % en 201119). Néanmoins cet accroissement est trop limité pour permettre une sortie de la pauvreté. Il doit en outre être comparé au scénario contrefactuel du salariat saisonnier possible dans la zone de Marovoay (zone où les salaires ont augmenté en 2011 et vers laquelle certains migrants sont repartis20).

  • 21 Coût additionnel pour la production de riz : de 50 000 à 100 000 ariary par hectare et par cycle de (...)
  • 22 Seul un éleveur aisé a réussi à obtenir de l’entreprise un loyer important en échange de l’accès à (...)
  • 23 Les éleveurs sakalava ont en général des revenus beaucoup plus élevés que les autres acteurs de ce (...)

34À la différence des plus petits producteurs, les Betsileo, à la tête d’exploitations plus grandes, doivent dépenser plus pour accéder à la main-d’œuvre (perte de profit de 5 à 15 %21). Ne s’engageant souvent que ponctuellement comme travailleurs et n’ayant plus, pour certains, accès aux pâtures des bordures de villages, ils sortent en partie perdants de ces transformations. De même, les éleveurs sakalava, les plus lésés s’agissant de l’accès au foncier22, se montrent indifférents aux emplois créés par l’entreprise, et ce du fait de leur éloignement physique et du faible avantage qu’ils pourraient en tirer comparé à l’élevage23.

Recompositions et tensions

35Si, pour l’heure, la réorganisation des activités agricoles et pastorales se lit surtout dans une réallocation de la main-d’œuvre, ce sont bien les recompositions de la gestion foncière d’ordre politique et juridique qui constituent la rupture majeure à l’échelle locale. La firme a renforcé les tensions relatives au contrôle du territoire et a modifié à son insu les rapports de force. Changements s’inscrivant dans une dynamique ancienne, auxquels les Sakalava ont répondu par la violence. Par le recours aux outils juridiques légaux, l’entreprise a fait bouger les lignes, faisant de l’État le propriétaire des terres. Face à cela, aucun acteur local n’a réellement réagi, faute d’informations et de conséquences visibles sur le terrain. Finalement, JT a introduit de l’insécurité foncière pour tous. L’investisseur, même s’il a obtenu un bail légal, va, lui aussi, au-devant de difficultés, comme le déclare cet éleveur sakalava :

Les documents officiels ne protègent ni contre la destruction des récoltes par le bétail ni contre les incendies.

36Dans un contexte de pluralisme institutionnel et normatif, un accès à la terre légalement autorisé peut être vivement contesté s’il n’est pas le résultat d’un processus considéré comme légitime par les populations et les autorités locales [Lund 2002]. Les groupes betsileo et sakalava risquent de voir s’accentuer les tensions entre eux et d’être, à moyen terme, légalement mais aussi effectivement, exclus de leurs terres, l’investisseur pouvant mobiliser la loi ou la force légitimée par la jouissance de droits légaux.

37L’implantation de l’entreprise a des répercussions différenciées selon les groupes d’intérêt (tableau p. 72). De façon simplifiée, l’impact est positif en termes de création d’emplois et d’infrastructures pour les Betsileo (surtout pour les plus petits agriculteurs) et négatif en termes d’emprise foncière pour tous (les propriétaires locaux perdant la reconnaissance légale de leurs droits, et les éleveurs risquant de perdre l’usage des pâtures).

38Combiné au fait que certains propriétaires n’ont pas été consultés, cet impact différencié ravive inévitablement les tensions déjà existantes. D’autres tensions, qui dépassent la simple opposition « Betsileo/Sakalava », apparaissent à cause de l’accès différentiel aux ressources qu’autorise la firme : infrastructures créées uniquement pour un village betsileo ; compétition migrants-locaux pour l’accès aux emplois. Ces tensions sont de surcroît entretenues par la crainte de voir s’étendre les plantations. Dans un contexte de faible transparence, de plus en plus de Betsileo et de Sakalava sont inquiets pour leurs terres et pour l’accès aux ressources naturelles (eau, palmiers) :

Nous n’osons pas forcément nous opposer à une décision qui a été prise tout en haut [par l’État central] et a été acceptée par les autres villageois.

Interactions entre l’entreprise JT et les différents groupes d’intérêt

Interactions entre l’entreprise JT et les différents groupes d’intérêt

39Les plus touchés étant les plus aisés (grands agriculteurs betsileo et éleveurs sakalava), il est fort probable qu’une opposition se cristallise, cette fois face à la firme. Sauf si cette dernière parvient à trouver des compromis ou concède des contreparties comme elle l’a déjà fait à l’égard de certains propriétaires : loyers octroyés à 2 propriétaires betsileo et à 1 éleveur sakalava aisé.

Conclusion

40Une partie des recommandations habituellement mises en avant pour sécuriser les droits des populations locales et des entreprises porte sur la consultation et le consentement préalable, la reconnaissance des droits coutumiers et la définition de contreparties [Anseeuw et al. 2011 ; Deininger et al. 2011].

41Dans le cas étudié, l’investisseur, malgré sa volonté d’ancrer le processus de négociation au niveau local, n’a pas su saisir la complexité des relations sociales du territoire. Il n’est pas rare que les investisseurs approchent les communautés locales comme s’il s’agissait d’entités homogènes et qu’ils voient dans certains élus (notamment les maires) leurs seuls représentants [German, Schonevald et Mwangi 2011 ; Borras et Franco 2012]. À Mivili, les détenteurs de droits sur les terres visées n’ont pas tous été consultés. Mener les négociations au niveau local (en l’occurrence, ici, ultra-local) ne garantit pas forcément la protection des droits de toutes les parties prenantes [Colin, Le Meur et Leonard eds. 2009 ; Borras et Franco 2012].

42À Mivili, malgré le nouveau cadre juridique favorable aux propriétaires locaux, les droits fonciers n’ont pas été entièrement respectés. En outre, les droits de propriété sur les pâtures extensives ne sont pas reconnus. Ignorant la loi, les populations locales ne sont pas à même de protéger leurs droits en mobilisant les dispositifs légaux. S’ajoute à cela le fait que certains représentants de l’État se plaisent à ignorer, eux aussi, la loi, mais, dans leur cas, de façon intentionnelle, pour garder le contrôle du territoire [Burnod, Andrianirina-Ratsialonana et Teyssier 2013 ; Burnod, Gingembre et Andrianirina-Ratsialonana 2013].

43La consultation des populations et la protection des droits sont des questions complexes qui ne peuvent être isolées des jeux sociopolitiques et des intérêts économiques locaux [Colin, Le Meur et Leonard eds. 2009]. L’implantation d’agro-firmes peut créer ou réveiller des tensions, surtout si les impacts sont hétérogènes et si les groupes d’intérêt les mieux dotés s’en trouvent lésés.

44L’installation de JT à Mivili a engendré des transformations dans le système agraire local, qui ont accéléré les dynamiques en cours – rivalités autour de l’accès à la terre ; transition des relations de travail, du registre de l’entraide au registre du marché – et accentué les déséquilibres dans les rapports socio-économiques – tensions politiques entre agriculteurs betsileo et éleveurs sakalava ; perte d’accès aux ressources et augmentation des dépenses pour les grands agriculteurs betsileo.

45Aussi est-il essentiel de mieux informer les différentes parties concernées (l’investisseur, sur les enjeux locaux ; les communautés locales, sur les objectifs de la firme ; tous, sur les dispositifs légaux) et de promouvoir plus d’échanges et de dialogues aux différents niveaux (local et national). Bien que la multiplication des acteurs puisse ajouter à la complexité, il conviendrait de faire participer la société civile, les chercheurs, les experts et les décideurs publics à la production d’alternatives qui permettraient d’éviter des conflits violents et des pertes de ressources.

46Une meilleure compréhension des systèmes agricoles et des groupes d’intérêt locaux ainsi qu’un renforcement de la protection effective des droits sont nécessaires avant d’envisager de transférer, à des tiers, des terres à grande échelle.

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Bibliographie

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Notes

1 Les noms de l’entreprise et de la zone ont été changés.

2 D’après les responsables de JT.

3 Initiée par l’équipe « Observatoire du Foncier » (CIRAD), cette étude de cas a été approfondie grâce à un travail de terrain de cinq mois mené par Katy Medernach et Heriniaina Rakotomalala et basé sur 150 entretiens uniques et 50 entretiens répétés [voir Medernach 2011].

4 Sakalava, Betsirebaka, Merina et Betsileo sont des groupes sociaux culturels de Madagascar.

5 « Aire de pâturage » en malgache.

6 Par souci de simplification et du fait de l’origine betsileo des familles fondatrices des villages en question, nous parlerons de « Betsileo » même si cela ne correspond pas à la totalité des habitants.

7 Craignant l’homme, à l’exception du bouvier qui les rassemble plusieurs fois par mois, les zébus se tiennent éloignés des villages. Ce qui permet aussi de les protéger des voleurs, menace particulièrement sérieuse dans la région.

8 Le maire a accepté ce projet de développement [Burnod et al. 2013] pour ses impacts socio-économiques en général, et ses ressources fiscales annuelles en particulier (5 000 € de taxes foncières par an, augmentant le budget communal de l’année 2011 d’environ 50 %).

9 À Mivili, toutes les tentatives d’appropriation d’une portion du kijana par des membres extérieurs au lignage (installation d’un village par un groupe religieux, plantations d’anacardiers par une agro-industrie) ont été confrontées à de fortes résistances ou ont avorté.

10 Chef de fokontany (entité administrative en deçà de la commune), ce dernier dispose en effet de certaines prérogatives en matière de foncier et d’élevage.

11 Pâturages dont l’usage extensif n’aurait de fait pas permis à leurs propriétaires de recourir au certificat si la commune avait été dotée d’un guichet foncier. Dans la loi sur la propriété privée non titrée, les pâturages extensifs ne peuvent pas être certifiés. Mais cette sécurisation pourrait justement être mobilisée face à l’intervention d’un tiers.

12 Ces contrats sont souvent liés à un accès au crédit, au conseil et aux marchés des intrants, permettant une évolution des systèmes de culture et, selon les contextes, une amélioration ou une dégradation des revenus [Glover 1984 ; Singh 2002].

13 À titre de comparaison, pour 1 000 hectares de jatropha, l’entreprise pourrait employer 350 à 600 équivalents temps plein (ETP) contre 350 ETP pour du palmier à huile (en Indonésie) ou pour de la canne à sucre (au Mozambique) et 10 ETP pour du maïs entièrement mécanisé [Deininger et al. 2011].

14 Les revenus du riz sont généralement compris entre 6 500 et 12 500 ariary par jour de travail, donc 2 à 4 fois plus élevés que ceux du salariat [Medernarch 2011].

15 Comparé aux contrats proposés à Marovoay, les contrats saisonniers de JT imposent 2 heures de travail supplémentaires pour un même salaire, non compensées par une formalisation légale donnant droit à la retraite et facilitant l’accès aux services de santé.

16 Dans des proportions légèrement supérieures au salariat agricole : respectivement, 36 et 27 % des parcelles recensées dans l’enquête nationale réalisée en 2006.

17 Selon les enquêtés, c’est « une façon de remercier les travailleurs ; ce n’est pas vraiment un salaire. Personne ne voudrait travailler pour 2 000 ariary par jour ». C’est aussi « une façon de garder l’argent au sein de la famille ».

18 Ces deux activités génèrent un profit quotidien inférieur au salaire que propose l’entreprise (de 3 500 ariary) : 2 308 ariary pour la vannerie, et 1 100 ariary pour les brèdes.

19 Pour des personnes ayant travaillé pour l’entreprise 4 mois en saison sèche et 1 mois en saison des pluies.

20 À Marovoay, en 2011, les salaires ont augmenté jusqu’à 4 000 ariary par jour. Dans ce scénario contrefactuel, les agriculteurs auraient pu accroître leur revenu de 23 %, ce qui correspond à peu près à ce qui s’est passé à Mivili.

21 Coût additionnel pour la production de riz : de 50 000 à 100 000 ariary par hectare et par cycle de culture.

22 Seul un éleveur aisé a réussi à obtenir de l’entreprise un loyer important en échange de l’accès à des pâtures qu’il a présentées comme étant les siennes.

23 Les éleveurs sakalava ont en général des revenus beaucoup plus élevés que les autres acteurs de ce système agraire [Medernach 2011].

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Transect agroécologique et occupation de l’espace à Mivili
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Titre Fig. 2. Détail de la zone de Mivili
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Titre Interactions entre l’entreprise JT et les différents groupes d’intérêt
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Pour citer cet article

Référence papier

Katy Medernach et Perrine Burnod, « Recompositions inattendues d’un système agraire malgache par l’agrobusiness »Études rurales, 191 | 2013, 63-76.

Référence électronique

Katy Medernach et Perrine Burnod, « Recompositions inattendues d’un système agraire malgache par l’agrobusiness »Études rurales [En ligne], 191 | 2013, mis en ligne le 12 juillet 2015, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/9777 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.9777

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Auteurs

Katy Medernach

Katy Medernach, agro-économiste, stagiaire en 2011 à l’Observatoire du Foncier à Madagascar

Perrine Burnod

Perrine Burnod, socio-économiste, CIRAD et Observatoire du Foncier à Madagascar

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Droits d’auteur

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