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Les migrations kurdes à Istanbul. Un objet de recherche à reconstruire

Jean-François Pérouse
p. 169-180

Résumés

Résumé :
Les diverses façons d’appréhender l’immigration kurde à Istanbul attestent une véritable difficulté à sortir de l’ornière que représente l’ethnicité et à résister à la stigmatisation. Dans la presse, le débat politique ou la sphère universitaire, la tendance est de considérer l’immigration exclusivement sous l’angle ethnique. Dès lors, on construit « une population kurde » homogène, sans tenir compte des différences de génération, de genre et de statut. Cet amalgame vient soit du rejet que certains Stambouliotes éprouvent à l’égard des migrants, qu’ils perçoivent comme illégitimes et menaçants, soit d’une forme de compassion ressentie par d’autres, qui voient en chaque Kurde une victime à défendre. Pour échapper à l’hégémonie encombrante du paradigme ethnique, d’autres voies sont esquissées ici.

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Notes de l’auteur

Nous saisissons ici l’occasion de prolonger un petit travail effectué il y a plus de dix ans [1998].

Texte intégral

  • 2 Au premier rang desquelles l’Université du Bosphore, avec de jeunes chercheures, comme Nazan Üstünd (...)

1TOUCHANT À UN DES TABOUS du discours officiel depuis la création de la République de Turquie en 1923 – à savoir l’existence des Kurdes et, au-delà, leur reconnaissance juridique –, la question des migrations kurdes à Istanbul n’est abordée sereinement que depuis la fin des années 1990 par l’Université – en réalité par quelques représentants de la nouvelle génération dans quelques rares universités2. S’il existe quelques travaux « militants » produits hors de l’Université [Alakom 1998] – une institution qui, pendant des décennies, a, pour des raisons idéologiques, expulsé bien des enseignants-chercheurs –, cette question demeure comme en suspens, à la périphérie des questionnements plus généraux sur les migrations à Istanbul [Saraçoğlu 2010].

2En effet, outre les blocages structurels évoqués plus haut, le champ d’investigation est brouillé par l’amalgame que l’on fait assez systématiquement entre « les migrations kurdes » et « la ruralisation », « l’anatolisation », « la dénaturation » et « la paupérisation » d’Istanbul [Öncü 2002].

  • 3 Voir aussi l’article de Esra Sarioğlu et Bariş Ünlü intitulé « Üniversitenin türklüğü » (« La turci (...)

3Toute analyse de cette question « précontrainte » devrait donc commencer par une généalogie et une histoire critique de cet amalgame [Deli et Pérouse 2002]. Un amalgame qui renvoie à une position de classe et de race : celle des « vieux Stambouliotes » (ou qui se perçoivent comme tels) en quête d’une explication à la soudaine transformation-décadence de leur ville. Souvent d’ailleurs, cet amalgame se teinte d’une criminalisation de la population kurde récemment installée. La ténacité de cette position n’a de cesse de surprendre tant elle est ancrée dans les inconscients et tant elle a contaminé les sphères universitaires, qui ont du mal à s’en défaire quand bien même elles le souhaiteraient [Scalbert-Yücel et Le Ray 2006]3.

4À partir d’un corpus constitué d’écrits universitaires et para-universitaires publiés en Turquie depuis la fin des années 1990 et ayant trait aux sciences sociales, à l’urbanisme, à l’architecture et à la démographie, à partir aussi de discours journalistiques et politiciens, nous essaierons de dégager quelques paradigmes dominants avant d’esquisser quelques voies qui permettront de sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes.

L’assignation identitaire forcée

5Comme l’a montré Fadime Deli [2000 et 2004] à propos des originaires du département de Mardin – département relativement singulier par la diversité linguistique et confessionnelle de sa population –, déduire de la seule provenance géographique l’appartenance à une macro-ethnie relève d’un coup de force maladroit ou malintentionné. Or ce coup de force « ethno-assignatoire » est généralement perpétré par ceux qui traitent des migrations à Istanbul comme si tous les migrants en provenance des départements de l’Est étaient kurdes, c’est-à-dire kurdophones et/ou se sentant kurdes et/ou se revendiquant comme tels.

6Il ne s’agit pas ici de se lancer dans un débat sur l’identité envisagée comme une donnée objectivable indépendamment de son porteur et de ses contextes d’énonciation : il s’agit de souligner que, d’un point de vue méthodologique et éthique, la kurdicité des migrants ne peut être a priori perçue comme une évidence. L’assignation identitaire consiste à céder à l’illusion de cette évidence et à participer à sa reproduction.

7Cela étant posé, comment délimiter notre objet ? Nous nous intéresserons, d’une part, à ceux qui sont considérés-construits comme « migrants kurdes » par leurs interlocuteurs, voisins et autres employeurs et, d’autre part, à ceux qui se décrivent eux-mêmes ou se ressentent comme tels. De fait, les processus de migration (ou de déplacement) ont pour effet de susciter des prises-crises de conscience identitaire et d’entraîner des formes d’objectivisation identitaire à caractère réactif ou relationnel.

8C’est ce qu’on a pu observer au cours de l’année 2007 à Bezirganbahçe (arrondissement de Küçükçekmece), quartier où ont été relogés des migrants expulsés de leur habitat spontané (gecekondu) d’Ayazma. Comme si le fait d’avoir été déplacés et mis en contact avec des individus les stigmatisant au quotidien comme « autres » les avait projetés et installés dans l’identité macro-ethnique de « Kurdes », à laquelle ils étaient contraints de s’identifier. Aussi, d’autres niveaux d’identification (le département d’origine, l’arrondissement, le village), jusqu’alors plus effectifs, se sont trouvés relativisés, voire occultés [Pérouse 2009].

9Les migrations mettent à l’épreuve les registres d’identification en entraînant leur ré-ordonnancement car les nouvelles sollicitations, situations ou interactions générées par ces processus suscitent une sorte de bouleversement des repères et de leur formulation.

  • 4 « Comme toutes les heures 18 personnes arrivent à Istanbul, chaque année c’est environ 200 000 à 25 (...)
  • 5 L’Institut turc de la statistique indique, pour l’année 2009, un solde migratoire positif de 39 481 (...)

10Dès lors, la querelle des chiffres que suscite cette question doit être relativisée. Un des écueils tient à l’enjeu que représente l’évaluation quantitative de la migration kurde et, par conséquent, celle de la présence kurde à Istanbul. Les exagérations vont bon train, qui font écho aux évaluations plus globales du volume annuel des migrations vers la métropole. À ce propos, on continue à lire et à entendre les chiffres les plus aberrants (du type « 300 000 arrivées par an ») dans la bouche d’hommes politiques et d’universitaires4. Les uns et les autres tendent à sous-estimer la croissance naturelle pour n’expliquer la croissance totale que par l’immigration5.

  • 6 Voir « Un visa proposé par Erdoğan pour protéger les riches d’Istanbul », Atilim, 20 janvier 2007,  (...)

11Cette surévaluation tendancieuse alimente la peur de l’invasion anatolienne qui hante les « vieux Stambouliotes », population peu interrogée quant à sa propre genèse et à sa propre cohérence mais qui est la première à véhiculer le discours hostile aux migrants. Pour les « vieux Stambouliotes », en somme, l’immigration (kurde) à Istanbul, c’est toujours trop. Ainsi, Recep Tayyip Erdoğan, ancien maire d’Istanbul (1994-1998) et Premier ministre depuis mars 2003, qui en appelle périodiquement à l’instauration d’un visa pour entrer à Istanbul, se classe lui-même dans la catégorie des anciens autochtones menacés6. Ce faisant, il en oublie son histoire : son père, originaire de l’extrême nord-est du pays, a immigré à Istanbul dans les années 1940.

  • 7 Suleyman Demirel a, en octobre 2006, repris ce poncif à l’occasion de son discours d’inauguration d (...)

12Depuis la publication de notre article de 1998, les termes du débat sur l’évaluation de l’immigration et de la présence kurde à Istanbul n’ont pas changé, et les dérapages sont légion. Même structure binaire : alors que certains hommes politiques, comme Suleyman Demirel (ancien président de la République, retiré de la vie politique depuis la fin des années 1990), continuent à brandir des estimations déraisonnables7, d’autres restent dans la sous-estimation-occultation.

13À défaut de recensement officiel (hormis les données sur l’immigration à Istanbul à partir du département de naissance des Stambouliotes), l’Institut de sondage Konda est le seul à proposer des estimations argumentées, dont la publication dans la presse réactive périodiquement la polémique.

  • 8 Enquête réalisée entre les 12 et 30 décembre 1992 dans 601 quartiers et villages du département d’I (...)

14Ainsi, le 27 février 1993, le quotidien Milliyet publiait en première page les résultats d’une enquête consacrée à la diversité de la population stambouliote. Sur les 15 600 personnes interrogées, 13,3 % avaient un lien avec la kurdicité (kürtlük) du fait du père, de la mère, des deux parents ou par le mariage8. Néanmoins, à la question portant cette fois sur l’identité revendiquée des Stambouliotes, 3,9 % seulement affirmaient se sentir « kurdes ». À cette catégorie s’en ajoute une troisième composée de ceux qui se disaient « à la fois turcs et kurdes ».

  • 9 Population parlant une langue apparentée mais différente de celle que parlent la majorité des Kurde (...)
  • 10 À savoir les Nord-Est, Centre-Est et Sud-Est anatoliens. À noter qu’une migration kurde peut proven (...)

15Quinze ans plus tard, le 20 mars 2007, Milliyet publiait les résultats d’une nouvelle enquête qui estimait à 1 571 000 le nombre de « Kurdes et Zazas9 » se déclarant tels dans le département d’Istanbul, soit 10 % de sa population totale. En outre, 21,4 % des Stambouliotes sont originaires des trois régions de l’Est10. Même si les catégories utilisées ne sont pas tout à fait les mêmes, à comparer les données de 1993 et de 2007 on observe qu’en l’espace de quinze ans il y a eu à la fois un accroissement de l’immigration kurde et une libération de la revendication identitaire. Aussi, l’assignation identitaire évoquée plus haut consiste à assimiler dans l’enquête de 1993 ceux qui sont kurdes « de nature » et ceux qui le sont « d’engagement ».

  • 11 Arrondissement de la périphérie occidentale de l’aire urbaine, lui aussi créé en mars 2008. À noter (...)

16Selon le même procédé, les résultats du principal parti pro-kurde aux élections locales et nationales sont utilisés comme « preuve » du caractère « finalement modeste » de la présence kurde à Istanbul comme s’il existait un « vote kurde » unique et comme si tous les Kurdes d’Istanbul pouvaient voter. En fait, depuis 1990, en moyenne, les partis kurdes n’excèdent pas 10 % des suffrages à l’échelle du département. Ainsi, aux dernières élections locales de mars 2009, le DTP (Parti pour une société démocratique) n’a dépassé les 10 % que dans trois arrondissements – Esenyurt11 (14,71 %), Sultanbeyli (12,8 %) et Arnavutköy (11,48 %) –, pourcentage correspondant à ceux qui se revendiquent « kurdes » dans l’enquête de 2007. Mais à Kadiköy, Beşiktaş et Şile, il n’a même pas obtenu 1 % ! S’étonner de la participation des Kurdes « de nature » à la vie politique turque « normale », c’est nier l’individualisation des comportements électoraux et considérer la variable ethnique comme une variable politiquement déterminante. L’AKP (Parti pour la justice et le développement) au pouvoir a « ses Kurdes », pour reprendre l’expression de Fehmi Çalmuk [2001], comme le CHP (Parti républicain du peuple) ou le MHP (Parti d’action nationaliste) ont les leurs.

17Dans ces conditions, tenter de cartographier la présence kurde est voué à l’échec. La cartographie qui s’appuie sur le lieu de naissance (les fameux 21,4 % de l’enquête de 2007) relève de l’assignation identitaire, néglige les dynamiques de revendication et passe à côté des reconstructions identitaires de ceux qui sont nés à Istanbul de parents « kurdes ». Et la cartographie des résultats électoraux n’est, nous l’avons vu, qu’un indicateur. Ainsi, de prime abord, on pourrait s’étonner des très faibles résultats du DTP à Tuzla en mars 2009 (0,23 % des voix) alors qu’il s’agit d’un arrondissement encore assez industrieux et périphérique, peuplé en grande partie de Stambouliotes récemment implantés. Outre les querelles entre l’appareil local et l’appareil départemental du DTP, il faut tenir compte du fait que la plupart des Kurdes de Tuzla – comme ceux qui travaillent dans les chantiers navals – sont enregistrés dans leur département d’origine et, par conséquent, ne votent pas à Istanbul.

  • 12 On en compte 10 436 dans le département d’Istanbul en mars 2010. Voir le supplément « Istanbul », H (...)

18Enfin, la distribution des Kurdes au sein des différentes associations d’origine12 n’est pas non plus d’un grand secours pour appréhender les migrations actuelles tant les processus d’institutionnalisation identitaire relèvent d’autres logiques et d’autres temporalités que les sollicitations immédiates [Pérouse 2005 et 2009]. Cependant, l’approche par les associations permet, à la suite de Betül Çelik [2002], de sortir d’une vision macro-identitaire parfois artificielle pour entrer dans l’économie et la politique des micro-identifications [Mutlu 1996 ; Sirkeci 2000], au niveau du village, de l’arrondissement ou du département.

Les paradigmes dominants

19Des discours universitaires, politiques et journalistiques, très perméables entre eux, se dégagent trois principales façons d’aborder la question des migrations kurdes à Istanbul.

  • 13 Arrestation et procès de militaires, journalistes et hauts magistrats suspectés de comploter contre (...)

20La première procède du discours raciste qui voit « l’homme de l’Est » (doğulu), « la tête noire » (kara kafali) ou le Kurde comme une menace pour la paix stambouliote. Ce lieu commun répandu à Istanbul et ailleurs [Kiliç 1992] trouve à s’exprimer dans une littérature qu’on ne saurait qualifier de scientifique même si elle en a l’apparence – et dont l’ouvrage de Gökçe Firat intitulé L’invasion kurde [2007] constitue le sommet. Au plus fort de l’effervescence souverainiste à laquelle l’affaire Ergenekon13 allait mettre un terme, ce livre, illustré de cartes destinées à faire frémir le lecteur, propose une vision catastrophiste voire apocalyptique de cette migration, qui mettrait en péril la survie même de la race turque. Les mouvements racistes tels que Türk Budunu, le discours sur « la prolifération kurde », fréquent au sein de l’institution militaire, s’inscrivent dans cette même optique.

  • 14 Dernièrement, un des historiens les plus en vue de l’Université turque, İlber Ortayli, s’est laissé (...)

21Ce qui s’accompagne d’une criminalisation systématique des gens de l’Est, rendus responsables de tous les crimes et délits enregistrés à Istanbul : assassinats, actes mafieux, trafic de drogue, cambriolages14. Souvent, de surcroît, on attribue aux Kurdes les crimes d’honneur (töre cinayeti) comme s’ils en avaient le monopole. Aucun travail scientifique n’a jusqu’à présent cherché à déconstruire le lien volontiers établi entre les crimes d’honneur, les violences faites aux femmes et l’immigration kurde. Ce leitmotiv, très présent dans les médias, tend à assimiler « immigration kurde » à « insécurité urbaine », comme l’illustre le titre du quotidien Radikal du 30 janvier 2005 : « La criminalité immigre à Istanbul. » Le 3 novembre 2007, un éditorial du quotidien Zaman (le plus distribué en Turquie) allait même jusqu’à titrer : « La solution à la terreur, c’est le retour des immigrés chez eux. » Cette perception ordinaire sert de toile de fond à toutes les interactions entre Kurdes et non-Kurdes.

  • 2

22S’ajoute à cela une représentation des Kurdes vus comme des agents religieux menaçant la laïcité turque. Dans cette perspective, à l’arriération sociale (violence masculine, travail des enfants) s’ajoute l’arriération mentale que représenterait la soumission aux préceptes religieux15. On retrouve cette superposition de l’ethnique et du religieux au moment de l’attaque contre le Consulat général des États-Unis à İstiniye en juillet 2008 : les auteurs de cette attaque, qui s’est soldée par la mort de 4 personnes (dont les agresseurs), ont été décrits dans la presse comme des Kurdes religieux provenant des quartiers périphériques informels. Une double stigmatisation (kurde = réactionnaire) est à l’œuvre, rappelant ce qui s’est passé pour le Hezbollah.

  • 16 Plutôt que d’organisation on préfère parler de nébuleuse complexe dans la structuration de laquelle (...)

23Le deuxième paradigme qui se dégage est celui du terrorisme, qui assimile les migrations kurdes à l’augmentation de la menace terroriste. Il s’agit là d’une déclinaison du paradigme précédent. Il ne se passe pas de semaine sans que la police d’Istanbul n’annonce l’arrestation in extremis d’un militant chargé d’explosifs descendu des montagnes de l’Irak du Nord. L’explosion survenue dans l’arrondissement de Güngören le 27 juillet 2008 (qui a fait 17 victimes) a été présentée par les journaux turcs comme la preuve de cette « menace kurde » pesant sur la métropole. L’amalgame est vite fait entre « terrorisme » et « migration kurde » dans une presse qui associe de façon tendancieuse les activités du parti kurde légal aux violences commises à l’est du pays. Chaque nouvelle mort de soldat à l’Est donne à certains l’occasion de faire des « Kurdes » les complices des meurtriers. L’ennemi de là-bas trouve ici ses relais. Les violences dont sont victimes les saisonniers kurdes du secteur de la construction relèvent également de cet amalgame. Et les révélations sur les liens entre « les milieux Ergenekon16 » et des attentats attribués aux « terroristes kurdes » – dont celui de Güngören d’ailleurs – ne risquent pas de faire bouger les choses.

  • 17 Pour une critique de ce paradigme « libéral », voir K.M. Güney [2009].

24Le troisième paradigme dominant, aux antipodes des deux premiers par son souci de reconnaissance des différences identitaires, pourrait être qualifié d’humaniste, voire d’humanitaire ou de compassionnel. Il consiste à aborder la question sous l’angle des migrations forcées [Jongerden 2001 ; Ayata et Yükseker 2007] et des situations de déracinement induites par ces dernières, et correspond à une position plus pluraliste et libérale17. On note en effet depuis le début des années 1990 d’assez nombreuses publications sur ces migrations, éditées par des associations de défense des droits de l’homme et par des think tanks libéraux du type « Fondation turque pour les études économiques et sociales » (TESEV) [Kurban et al. eds. 2006].

25Ainsi la question des migrations kurdes est-elle indissociable de la question de la pauvreté à Istanbul, objet d’un nombre important d’ouvrages et d’articles [Erdoğan ed. 2002 ; Buğra et Keyder 2003 ; Bartu Candan et Kolloğlu 2009]. Une certaine recherche en sciences sociales, répondant à une commande de l’étranger, a fait du secteur de Tarlabaşi le modèle du territoire kurde pauvre de centre-ville, étiquette contestable eu égard aux dynamiques qui s’y font jour et à l’hétérogénéité qui caractérise cette zone [Mutluer 2007]. La thèse de Bediz Yilmaz sur Tarlabaşi [2006] adopte en partie cette position qui associe l’immigration kurde à Istanbul aux migrations forcées dues à l’instabilité qui règne à l’est du pays. Dans un contexte tout autre, Ayazma a été promu quartier pauvre, produit de l’exode forcé kurde [Ocak 2003]. L’ethnicisation de la question de la pauvreté, de plus en plus fréquente dans la recherche, conduit à instituer les Kurdes en minorité, victimes à protéger.

  • 18 Voir la critique de cette fétichisation dans le premier numéro de European Journal of Turkish Studi (...)

26Corrélativement, cette approche a induit un autre amalgame : avec le logement le plus sommaire, à savoir le gecekondu (qui signifie littéralement : « posé la nuit », l’équivalent en somme du bidonville). Les études portant sur les migrations à Istanbul se sont polarisées sur ce phénomène. Devenu le fétiche des urbanistes et des architectes traitant de ce sujet, le gecekondu a été l’arbre qui a caché la forêt urbaine18. Cette focalisation sur le contenant a été préjudiciable au contenu. Cette association migration-gecekondu a fini par rendre les migrants récents, notamment kurdes, responsables de l’enlaidissement et de la ruralisation de la métropole. On retrouve là la stigmatisation évoquée en introduction, reposant sur l’équation « migration kurde = migration de pauvres = migration de ruraux ».

27Or, l’examen de l’évolution des dynamiques migratoires internes à la Turquie [Ritter et Toepfer 1992] montre que, depuis la fin des années 1980, celles-ci ont cessé d’être principalement des migrations de ruraux. Il faut se ranger à l’idée que, désormais, l’immigration à Istanbul est majoritairement le fait d’urbains, ce que disent les statistiques. Par ailleurs, si l’on s’en tient aux migrations sanctionnées par des changements déclarés de résidence, la tendance, depuis la fin des années 1990, est au plafonnement.

28Cependant il existe un décalage entre ces changements – dont le fait le plus marquant est que la population turque est devenue majoritairement urbaine en 1985 – et les représentations actuelles des migrations, qui puisent toujours dans le registre des années 1950-1960 [Kutsi 1964]. Ce décalage est révélateur de la lenteur avec laquelle les positionnements se redéfinissent dans l’arène urbaine. Les tenants de l’autochtonie et de l’antériorité stambouliotes – position très relative – ont du mal à admettre l’émergence de nouvelles classes urbaines. Ce point de vue excluant renvoie à l’idée très culturaliste selon laquelle tout migrant doit passer, pour être reconnu comme un Stambouliote à part entière, par une longue initiation à la « culture urbaine », généralement définie en termes de civilité et de conscience.

29On touche là à l’idée du nécessaire processus d’urbanisation des migrants récents, si chère aux sciences sociales turques [Erman 1998]. Quantité d’études sur les migrations à Istanbul reposent sur le non-dit, insuffisamment débattu, d’un gradient croissant de civilisation allant du rural à l’urbain, et que tout migrant est appelé à parcourir. Pour le migrant kurde, qui vient de loin, le processus est doublement difficile. Tous les projets de la municipalité d’Istanbul sur le thème « devenir stambouliote » reposent sur une approche très normative des migrations et de l’intégration urbaine, et sur une conception très essentialiste de l’identité. Cette entreprise de polissage relève de l’ingénierie sociale.

30En somme, les trois paradigmes développés ci-dessus – racisme, terrorisme, humanisme –, et qui structurent encore l’essentiel du discours sur les migrations kurdes à Istanbul, correspondent à des positions de classes peu enclines à ouvrir et partager l’espace politique, que ce soit symboliquement, juridiquement, économiquement ou même physiquement [Saraçoğlu 2010].

Migrations-mobilités, filières de travail et effets de génération

31À ce stade du développement, nous pouvons proposer trois voies pour sortir de l’aporie à laquelle nous sommes confronté.

  • 19 Même F. Özbay [2009] cède à cette vision monolithique.

32La première voie consiste en une meilleure prise en compte de la diversité des formes de migration, diversité généralement écrasée sous des qualificatifs généraux19. De fait, il ne faut pas penser ces migrations comme étant toutes « de longue durée », avec indistinctement pour objectif une installation « ferme et définitive ». C’est pourquoi il vaut mieux recourir aux termes « mobilités » ou « circulations », notamment pour évoquer les travailleurs temporaires, tels ceux des grands chantiers de la métropole.

33En mai 2010, sur le chantier du métro Kadiköy-Kartal, nous avons constaté que les travailleurs précaires étaient, pour une grande part, originaires des départements de l’Est (Hakkari, Mardin, Diyarbakir, Siirt) et n’étaient venus que de façon provisoire. S’agissant des saisonniers – essentiellement de très jeunes adultes –, il est indispensable de s’intéresser à leurs conditions de logement tant celui-ci détermine la vie quotidienne. Comme l’a bien montré Yeşim Ustaoğlu dans son film Güneşe Yolculuk (1999), les caravansérails de la péninsule historique (vieille ville) continuent à être utilisés par ces migrants.

34Toutefois l’initiative prise par la mairie d’Eminönü en 2005, relayée par celle de Fatih (qui gère depuis mai 2008 l’ensemble de cette péninsule) puis par celle de Beyoğlu, a eu pour effet de reconfigurer la présence de ces migrants saisonniers. Dans les meublés sordides (pansyon, bekâr odası) qu’elle leur a attribués, des liens se nouent ou s’entretiennent.

  • 20 Pour bien faire, il faudrait aussi prendre en compte le flux des voitures particulières, des véhicu (...)

35Par ailleurs, il suffit d’observer la principale gare routière interurbaine d’Istanbul [Borgel et Pérouse 2004] pour prendre la mesure des mobilités20. Le mouvement continu d’arrivées en provenance de départements kurdes et de départs en direction de départements kurdes confirme le caractère éphémère de la présence kurde à Istanbul : visites pour raisons de famille, de travail, de santé, d’études et autres. Et même si la pratique du transport de vivres (huile, farine, blé) des départements d’origine vers les lieux de migration a été officiellement interdite, elle se poursuit et perpétue le lien entre l’arrière-pays migratoire et Istanbul.

  • 21 Voir le rapport sur les conditions de travail dans le bassin d’emploi des chantiers navals de Tuzla (...)
  • 22 Voir http://www.dieter-sauter.com/index.php?option =com_phocagallery&view=category&id=1%3Aarbeiter (...)
  • 23 Les nombreux décès liés à la silicose du fait du sablage des jeans dans des conditions plus que som (...)

36En deuxième lieu, l’entrée par « le travail et ses filières » [Deli 2000] est une autre voie de sortie de l’impasse de l’ethnicité. Construction, chantiers navals21, textile-habillement, vente dans la rue [Meissonnier 2006] sont des secteurs qu’il faudrait explorer, tout comme l’a été le travail à domicile, étudié surtout sous l’angle du genre [Cinar 1991 ; White 1994 ; Wedel 1999 et 2004]. Exposé en avril 2010 à Beyoğlu, le remarquable reportage photographique de Dieter Sauter intitulé « Arbeiter » et consacré aux ouvriers du nouveau pont sur la Corne d’Or (pour le métro) nous renseigne sur l’origine très majoritairement kurde des travailleurs22. Derniers arrivés, les Kurdes doivent accepter les conditions de travail les pires23 et les plus informelles, ce qui leur vaut d’être associés par les « vieux Stambouliotes » à l’économie grise voire mafieuse. Le fait qu’ils soient nombreux à travailler en plein air leur confère une visibilité qui nourrit les réactions de rejet et alimente le discours sur leur caractère « envahissant » [Saraçoğlu 2010].

37Enfin, on devrait s’intéresser davantage aux effets de génération et sortir des discours trop globalisants sur les migrations kurdes à Istanbul. Entre les déportés du Dersim implantés à la fin des années 1930 à Akpinar (périphérie nord de l’aire urbaine) et les migrants de Hakkari, « produits » des violences de l’est du pays, il n’y a pas grand-chose de commun, sauf à développer une approche macro-identitaire qui nie les dynamiques historiques et les dynamiques sociales. En effet, certains des déportés du Dersim et de leurs descendants ont été les acteurs de l’émergence brutale d’une économie d’extraction sur cette portion du littoral pontique et ont ainsi pris la place des Turcs dans l’économie.

  • 24 Voir Yasin Atay, « Beyaz Kürtlerin Siyaseti ve Değerleri » (« La politique et les valeurs des Kurde (...)

38À une plus petite échelle de temps, la prétendue homogénéité de la présence kurde à Istanbul est à questionner. On oppose souvent, dans l’ancien secteur de Gazi (désormais inclus dans l’arrondissement de Sultangazi), les Kurdes de l’avant-dernière vague migratoire (1970-1980) à ceux de la dernière vague migratoire (début des années 1990), en provenance des départements de Şirnak, Siirt et Hakkari. Cette attention portée aux positionnements relatifs, qui rappelle le concept de « pauvreté à tour de rôle » développé par Oğuz Işik et M. Melih Pinarcioğlu [2001], conduit à nuancer les appréciations ethniques, par trop atemporelles. La distinction, aujourd’hui fréquente dans le langage courant, entre « Kurdes blancs » et « Kurdes noirs » n’est en définitive qu’un calque de l’opposition « Turcs blancs »/« Turcs noirs »24.

Faut-il désethniciser la question des migrations kurdes ?

39La question peut paraître étrange. Toutefois, la traiter à travers les filières de travail, le genre et le logement, et ce dans une optique plus relationnelle et moins macro-identitaire, permet de rompre avec l’exceptionnalisme à relents identitaires.

40L’expression « les migrations kurdes » procède en définitive de deux positions qui reposent sur des critères différents mais sont comme symétriques : la position « ethnomilitante », qui tend à gommer les différences de genre, de génération, d’âge et de situation économique pour ne voir que l’ethnie commune ; la position « stigmatisante », qui tend à mettre dans le même panier tout ce qui vient de l’est du pays. En réalité, ces migrations sont soient surestimées (par ceux qui veulent susciter la peur ou brandir la menace que représente le nombre) soit sous-estimées.

41Quoi qu’il en soit, l’important est de prendre la mesure de la diversité des formes revêtues par ces migrations, qui ne peuvent être réduites à des migrations de la faim ou de la peur. Il importe de les resituer dans leurs dynamiques socioéconomiques individuelles et locales.

42Si la visibilité médiatique et, dans une moindre mesure, « académique » des récentes migrations « forcées » est indéniable, elle ne doit pas nous faire oublier les autres formes de migrations, quelles qu’elles soient.

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Bibliographie

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Notes

2 Au premier rang desquelles l’Université du Bosphore, avec de jeunes chercheures, comme Nazan Üstündağ, à qui une orientation très américaine semble garantir une sorte d’immunité dans le paysage universitaire turc. Voir F. Özbay [2009].

3 Voir aussi l’article de Esra Sarioğlu et Bariş Ünlü intitulé « Üniversitenin türklüğü » (« La turcité de l’Université »), paru dans Radikal II du 17 janvier 2010.

4 « Comme toutes les heures 18 personnes arrivent à Istanbul, chaque année c’est environ 200 000 à 250 000 personnes qui s’ajoutent à la population. » [Dülgeroğlu-Yüksel 1998 : 1] « En dix ans Istanbul a enregistré un volume d’immigration équivalant à la population de Bursa » : extrait du quotidien Zaman du 1er février 2010, p. 23.

5 L’Institut turc de la statistique indique, pour l’année 2009, un solde migratoire positif de 39 481 pour le département d’Istanbul. On est loin des chiffres communément avancés. Voir le quotidien Cumhuriyet du 5 mars 2010.

6 Voir « Un visa proposé par Erdoğan pour protéger les riches d’Istanbul », Atilim, 20 janvier 2007, p. 4.

7 Suleyman Demirel a, en octobre 2006, repris ce poncif à l’occasion de son discours d’inauguration de l’Université qui porte son nom à Isparta. Voir http://www.haberler.com/prof-dr-rustem-erkan-istanbul-turkiye-nin-en-buyuk-haberi/

8 Enquête réalisée entre les 12 et 30 décembre 1992 dans 601 quartiers et villages du département d’Istanbul comptant alors 7 200 000 habitants.

9 Population parlant une langue apparentée mais différente de celle que parlent la majorité des Kurdes. Population à l’origine principalement située dans les départements de Dersim, Elaziğ et Diyarbakir en Turquie.

10 À savoir les Nord-Est, Centre-Est et Sud-Est anatoliens. À noter qu’une migration kurde peut provenir de départements extérieurs à ces trois régions, comme Sivas, Mersin, Adana, Konya...

11 Arrondissement de la périphérie occidentale de l’aire urbaine, lui aussi créé en mars 2008. À noter qu’il a été le terrain de trois travaux universitaires de référence sur l’immigration kurde à Istanbul : B. Çelik [2002], C. Ahmetbeyzade [2004] et Z.N. Üstündağ [2005].

12 On en compte 10 436 dans le département d’Istanbul en mars 2010. Voir le supplément « Istanbul », Haber-Türk, 7 mars 2010, p. 1.

13 Arrestation et procès de militaires, journalistes et hauts magistrats suspectés de comploter contre l’État.

14 Dernièrement, un des historiens les plus en vue de l’Université turque, İlber Ortayli, s’est laissé aller publiquement à jeter le soupçon sur les natifs de l’Est. Voir le quotidien Taraf du 12 mai 2010, p. 4. 15Cette assimilation entre « migration kurde » et « menace terroriste réactionnaire » a culminé au début des années 2000 parmi les classes moyennes éduquées se prétendant les uniques gardiennes de la laïcité. Voir la série publiée dans le quotidien Cumhuriyet en octobre 2003 : « La ceinture verte qui encercle Istanbul. »

15

16 Plutôt que d’organisation on préfère parler de nébuleuse complexe dans la structuration de laquelle le terrain kurde semble avoir été central, la menace kurde étant un des registres à convoquer dans l’entreprise de déstabilisation/contrôle de l’État à laquelle ces « milieux » semblent s’être voués.

17 Pour une critique de ce paradigme « libéral », voir K.M. Güney [2009].

18 Voir la critique de cette fétichisation dans le premier numéro de European Journal of Turkish Studies (www.ejts.org, 2004).

19 Même F. Özbay [2009] cède à cette vision monolithique.

20 Pour bien faire, il faudrait aussi prendre en compte le flux des voitures particulières, des véhicules utilitaires et des avions.

21 Voir le rapport sur les conditions de travail dans le bassin d’emploi des chantiers navals de Tuzla, publié en 2008 par la Commission indépendante, et pour la rédaction duquel de nombreux entretiens ont été menés dans les dortoirs de fortune des travailleurs : « Commission de suivi et d’étude de la zone des chantiers navals de Tuzla. Rapport sur les conditions de travail dans la zone des chantiers navals et sur les accidents de travail qui pourraient être évités. » Consultable sur www.paraketa.net/tuzla.pdf

22 Voir http://www.dieter-sauter.com/index.php?option =com_phocagallery&view=category&id=1%3Aarbeiter&Itemid= 53&lang=tr

23 Les nombreux décès liés à la silicose du fait du sablage des jeans dans des conditions plus que sommaires ont attiré l’attention sur ce segment de l’industrie stambouliote fortement consommateur de jeunes migrants. Voir http://www.kotiscileri.org/

24 Voir Yasin Atay, « Beyaz Kürtlerin Siyaseti ve Değerleri » (« La politique et les valeurs des Kurdes blancs »), Yeni Şafak, 10 mai 2010.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-François Pérouse, « Les migrations kurdes à Istanbul. Un objet de recherche à reconstruire »Études rurales, 186 | 2010, 169-180.

Référence électronique

Jean-François Pérouse, « Les migrations kurdes à Istanbul. Un objet de recherche à reconstruire »Études rurales [En ligne], 186 | 2010, mis en ligne le 11 mars 2013, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/etudesrurales/9302 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesrurales.9302

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